Premier mystère douloureux
Nous venons d’entendre dans l’Evangile d’aujourd’hui : ‘‘tu ne t’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier centime’’ ( Mat. 12, 59 ) :
Pour toute mauvaise pensée,
pour tout mouvement de mal, pour la moindre imperfection, nous ne pourrons en
sortir sans avoir tout payé jusqu’au dernier sou…
Belle introduction au mystère de Gethsémani.
Le premier mystère douloureux est sûrement un des mystères
les plus difficiles à comprendre, puisque le démon lui-même
n’a pas réussi à y pénétrer entièrement
(or le démon est une intelligence extrêmement affinée).
Nous allons essayer de demander au Bon Dieu, à l’Esprit Saint de
nous faire rentrer dans le mystère de Gethsémani : ce mystère
de l’agonie de Jésus. Il sera très difficile de saisir un
mystère comme celui-là, parce qu’il touche à des
domaines inaccessibles, même par la grâce. Des domaines inaccessibles
parce qu’ils touchent en Jésus ce qui appartient en Lui à
Dieu seul. Jésus s’est incarné, et le Père, le Fils,
le Dieu vivant et éternellement vivant, le Créateur, l’Esprit
Saint, se sont pour ainsi dire concentrés sur la souffrance de Jésus,
concentrés sur un arrachement de Jésus, arrachant quelque part
Jésus à Lui-même.
Pour comprendre, il me vient à l’esprit une remarque de saint Augustin
qui compare le degré d’unité qu’il y a entre les Personnes
de la très sainte Trinité et le degré d’unité
qu’il y a entre Jésus (en son humanité) et la divinité
de sa Personne. Entre la nature humaine de Jésus et sa nature divine,
l’unité est tellement grande qu’elle se réalise dans
le Christ en une seule Personne : l’unité du Dieu vivant, du Créateur
vivant, du Pain vivant d’avant la création du monde, et Jésus
vivant que nous appelons l’Union hypostatique. Cette unité, une
unité d’amour, va très loin puisqu’elle touche jusqu’à
la substance éternelle de Dieu. Saint Augustin compare donc l’Unité
qu’il y a entre les trois Personnes de la très sainte Trinité
et celle de l’Union hypostatique :
Nous ne pouvons pas dire que les trois Personnes de la très sainte Trinité
ne soient pas Une : elles sont Une puisqu’elles constituent vraiment un
seul Dieu ; l’amour est si fort entre les Personnes éternelles
et incréées, leur Unité si vivante, qu’il n’y
a qu’un seul Dieu. Nous pourrions penser : ‘‘vraiment, il
n’est pas possible de réaliser une unité plus forte que
celle-là, puisqu’elle constitue l’Un du Dieu unique, Trois
en Un, Un en Trois ; sans compter que c’est l’Amour à l’état
absolu qui réalise du dedans cette unité’’.
Eh bien saint Augustin n’hésite pas à dire que l’Union
hypostatique, l’union qu’il y a entre le sang, la chair, l’affectivité,
le cœur, (enfin tous les besoins humains de Jésus : d’amour,
de tendresse, de communion, de vérité, de vie contemplative, de
liberté humaines), avec sa divinité (Il est le Dieu vivant et
vrai, le Fils unique de Dieu le Père), cette unité-là est
plus forte que l’unité qu’il y a entre les Personnes de la
très sainte Trinité.
Pourquoi ? Parce que l’unité qu’il y a entre Jésus-Homme
et Dieu le Fils, Lui comme Dieu et Lui comme homme, est si forte qu’elle
anéantit la personne dans l’homme. Dans la très sainte Trinité,
la communion des Personnes n’est pas si forte qu’elle anéantisse
une hypostase personnelle (les trois Personnes restent des Personnes) ; tandis
qu’en Jésus il n’y a pas deux Personnes (une personne humaine
et une Personne divine), mais bien une seule Personne.
Il fallait y penser !
Cela veut dire que l’Union est si forte entre Jésus et le Dieu vivant qu’Il est Lui-même, que cela dépasse en unité, l’Unité qu’il y a entre le Père et le Fils, entre le Père et l’Esprit Saint, entre le Fils et l’Esprit Saint, entre l’Esprit Saint et l’unité du Père et du Fils. Une unité très forte, qui va être la porte de l’union de toute la nature humaine (la nôtre) avec la communion des Personnes de la très sainte Trinité.
Pour être le médiateur
de cette unité si radicale de notre humanité avec ce qui se passe
dans la très sainte Trinité entre le Père et Verbe (le
Fils), entre l’Esprit Saint et le Père… il fallait une unité
supérieure !
Du Père est englouti dans l’amour du Saint Esprit, du Saint Esprit
complètement anéanti dans Celui dont Il procède ( tant
Il est établi en Lui dans l’unité, l’amour, l’extase,
le ravissement, la disparition même dans l’unité ), de cette
unité-là, divine, absolue, personnelle, Jésus veut s’assumer
tous les membres de la nature humaine. Pour cela il faut qu’Il vive d’une
unité plus forte encore….
Et c’est cela le mystère de Gethsémani :
Il faut que quelque chose soit brisé en Jésus dans le mystère
de l'Union hypostatique, pour qu’il y ait une attraction et une irrésistible
communication de l’Unité de l’amour éternel.
C’est pour cela on le comprend que ce n’est pas si facile de comprendre
le mystère de Gethsémani.
Souvent les gens disent : ‘‘ c’est facile Gethsémani
: Jésus a été confronté à la mort, Lui qu’éclairait
parfaitement sa science infuse ; nous, nous mourons, mais nous sommes inconscients,
nous ne nous rendons même pas compte de ce que représente la mort
; tandis que Lui, Il savait ce que c’était que la mort ; donc face
à cela, Il a été saisi d’une angoisse, d’une
peur…’’. Dire cela ne me parait pas juste : comme si Jésus
pouvait avoir peur de souffrir ! Jésus n’a pas peur de souffrir
: Il s’est incarné précisément pour pouvoir jouir
d’un amour absorbant toute ténèbre, d’une mort d’amour
s’incarnant en Lui, d’un amour allant jusqu’à l’épuisement
de Lui-même, pour qu’Il soit Lui-même Amour, et qu’Il
le vive de manière incarnée dans l’appel qu’Il a reçu
de la lumière surnaturelle de la foi qui s’est introduite en Lui
en Marie en la très sainte Trinité. Il a voulu vivre cela, Il
l’a fait avec beaucoup d’amour, beaucoup de gratitude pour Marie
de lui avoir donné un corps passible pour pouvoir vivre cela. Il a créé
le monde nouveau pour que cet amour-là soit absolu et parfait.
Certains disent : ‘‘Jésus a été confronté
à toutes sortes d’angoisses parce que du dedans de sa vision infuse,
le démon ne s’est pas privé de venir Lui montrer tous les
péchés du monde, de tous les temps et de tous les lieux. Jésus
en a été écrasé…’’ Mais Jésus
avait-il besoin du démon pour voir cela ? Jusqu’à ce jour,
toutes ces choses-là étaient-elles voilées à ses
yeux ?
‘‘Tota vita Christi crux
fuit atque martyrium’’(saint Bernard) : toute la vie du Christ fut
la croix et le martyre, une agonie continuelle. Donc ce n’est sûrement
pas cela non plus. (Il faudrait faire comme cela pour tous les mystères
: tout ce que cela n’est pas !)
Oui, mais voilà : peut-être Jésus s’est-il dit : ‘‘
je vais être confronté à la Justice de Dieu, puisque j’ai
pris chair ; je l’ai pris avec tout l’amour de l’unité
de mon amour divin dans la chair, dans le sang et dans toute l’humanité,
et du coup j’habite tous les hommes. Une unité entre l’humanité
et la divinité est plus forte en Jésus que l’unité
qu’il y a entre les trois Personnes de la très sainte Trinité
( puisqu’elle touche l’hypostase : dans la très sainte Trinité,
l’hypostase n’est pas touchée, elle reste toujours trois
hypostases ; il y a toujours ce face à face ; tandis que là, il
y a une unité de vie, et une unité de nature, et une unité
d’amour, et une unité de communauté, une unité de
corps : Il vient d’instituer l’eucharistie pour cela). Voilà
: cette fois-ci, ce n’est pas seulement ma souffrance sur la croix, mais
toutes les souffrances du monde que je vais accepter de vivre dans ma propre
chair’’. Ah ! Nous commençons à nous rapprocher !!
‘‘Quelle frayeur !!.
Non pas ma frayeur à moi, mais la frayeur de tous ces hommes dans cet
état de souffrance typiquement anormale parce qu’inventée
par Lucifer, et Lucifer est un abîme de cruauté. Et les hommes,
eux, ne sont pas capables de subir dans leur chair autant de mal, de cruauté
dépassant même leur entendement, tout en continuant à regarder
Dieu en face avec gratitude. Ils ne peuvent pas faire cela !! Du coup ils sont
dans un état d’angoisse. Et justement Jésus va récupérer
toutes ces angoisses, il va les ressentir, les éprouver toutes ensemble.
’’
Ici, nous touchons une vérité sur le premier mystère douloureux.
Pourtant cela ne me satisfait pas encore complètement.
Je sais bien que toutes ces choses-là sont présentes, mais nous
devons revenir à ce que nous en dit le Pape :
‘‘Les Evangiles donnent une grande importance aux mystères
douloureux du Christ’’.
Nous constatons que dans l’exposé que le saint Père propose
pour les mystères du rosaire vivant, là où il s’attarde
le plus, sans aucune comparaison, de tous les vingt mystères, c’est
Gethsémani : c’est là où il donne le plus de mots,
le plus d’explications.
‘‘Depuis toujours, la piété’’…(c’est
à dire l’amour des fils de Dieu vis à vis de Dieu le Père
) …‘‘la piété chrétienne spécialement
pendant le carême à travers la pratique du chemin de croix, s’est
arrêtée sur chaque moment de la passion. Comprenons que là
se trouve le point culminant de la Révélation de l’amour
et que là aussi se trouve la source de notre salut. Le parcours que le
rosaire choisit en certains moments de la passion incite les personnes qui prient
à les fixer avec le regard du cœur’’… (expression
que je n’ai jamais vue qu’ici : nous sommes invités par le
rosaire vivant à fixer avec le regard du cœur, et à revire
ce mystère de Gethsémani. Ce mystère de souffrance est
si incompréhensible à l’intelligence même éclairée
par la lumière de la foi que nous allons fixer ce mystère avec
le regard du cœur et le vivre : vivre ce que Jésus a vécu,
vivre ce que l’Immaculée a vécu dans l’instant de
l’agonie de Jésus. Grand travail : très grand acte de sainteté
chrétienne que de fixer les yeux, les regards de son cœur sur Jésus
pour vivre ce mystère : le prendre avec nous pour le vivre avec Lui,
le vivre avec Marie) ….‘‘Ce parcours s’ouvre sur Gethsémani
où le Christ vit un moment particulièrement angoissant’’…
Vous savez que l’angoisse est une peur panique qui vient de ce que nous
ne comprenons pas d’où vient la peur. Voilà l’étonnant
: Jésus aurait vécu quelque chose qui relève d’une
angoisse panique venant de ce qu’Il n’a pas la lumière sur
l’origine de cette peur. Quand tu sais pourquoi tu as peur, ce n’est
plus une angoisse : c’est une peur. Quand tu ne sais pas d’où
vient cette peur, cela cause l’angoisse : quelque chose échappe
donc à Jésus.
…‘‘le Christ vit un moment particulièrement angoissant,
confronté à la volonté du Père face à laquelle
la faiblesse de la chair humaine est tentée de se rebeller’’.
Et donc surgit une rébellion possible : Il ne voit pas d’où
vient cette rébellion en Lui, contre le Père qu’Il voit.
Nous allons y revenir : cela veut dire que la tentation qui s’inscrit
en Lui à Gethsémani pénètre jusque dans sa relation
éternelle de Fils du Dieu vivant dans le sein de Dieu le Père,
elle pénètre jusque dans la Procession éternelle d’avant
la création du monde. Permission divine !!.
Nous voyons tout de suite, immédiatement, en disant cela, que Gethsémani
est un mystère marial, puisque la seule créature qui ait pu pénétrer
par la foi dans la procession éternelle d’avant la création
du monde en l’engendrement du Père vis à vis du Verbe, et
dans le sein de Dieu le Père pour contempler le Verbe, l’assimilant
et le produisant dans la chair, c’est Marie !
Un chemin a été tracé pour atteindre en Jésus ce qu’il y a de plus fragile, et ce chemin a été Marie.
Le démon a donc pu pénétrer dans ce chemin, telle fut la tentation : une impossibilité incompréhensible pour la nature humaine de Jésus, d’où l’angoisse est née. Nous voyons quels axes vont saisir notre « regard du cœur ».
Le Pape continue :‘‘A
ce moment-là le Christ se tient dans le lieu de toutes les tentations
de l’humanité. Il est face à tous les péchés
de l’humanité pour dire au Père : ‘que ce ne soit
pas ma volonté qui se fasse, mais la Tienne’ …. ‘‘Son
‘oui’’’… son ‘Shemem: me voici’ …‘‘efface
le ‘non !’ de nos premiers parents du jardin d’Eden’’
:
Adam et Eve ! Jésus va vraiment jusqu’à la racine de l’humanité
en Dieu, et la racine de Dieu en l’humanité (il faut pousser jusqu’au
bout ce que dit le Pape) : et la racine de tous les hommes, la mère des
vivants, c’est Marie. C’est de là que Jésus dut effacer
le ‘non’ inscrit dans la racine de toute l’humanité
en Dieu.
Il faut bien reconnaître qu’ici
nous avons un deuxième axe de contemplation du mystère de Gethsémani,
plus facile à comprendre :
La racine de notre union de toute humaine en Dieu se dévoile au cœur
de l’acte créateur de Dieu dans la grâce originelle : dans
la « mémoire de Dieu », cette fameuse mémoire de Dieu
dans laquelle Jésus s’est inscrit dans l’Incarnation et pour
laquelle Il a établi l’eucharistie ‘‘en mémoire
de moi’’ … ‘‘faites ceci en mémoire de
ce qui est mien’’. Un lien très fort apparaît entre
l’Eucharistie et Gethsémani.
C’est immédiat : Eucharistie - Gethsémani.
Nous allons essayer de lever le voile :
… ‘‘et ce qu’il doit Lui en coûter d’adhérer
à la volonté du Père apparaît dans les mystères
suivants que sont les autres mystères douloureux’’ ( sur
les autres mystères douloureux, le saint Père ne s’attarde
pas ).
Gethsémani : vérité extraordinaire.
Jésus vient de célébrer l’Eucharistie avec la gratitude
absolue de toute la puissance divine et éternelle de son amour, Il vient
d’instituer le signe éternel de sa gratitude, sa gratitude vis
à vis de l’humanité qui a dit ‘oui’ ( l’humanité
qui a dit ‘oui’, c’est Marie et tous ceux qui, avec Marie
et avec la grâce chrétienne de Marie, avec la foi mariale, avec
la foi divine chrétienne, avec la foi lumineuse immaculée et infaillible,
disent ‘oui’). Là s’inscrit une gratitude, une reconnaissance
de Jésus très forte ; et c’est avec la force et la puissance
de cette gratitude qu’Il va affronter la grande tentation.
La première chose à
faire pour méditer un mystère, c’est de regarder comment
le Pape annonce le mystère, puis scruter la Sainte Ecriture en découvrant
comment le Saint Esprit a voulu qu’il soit révélé,
avec les mots justes, les paroles justes, et l’esprit juste, portant tous
ces mots en nous… de manière qu’ils produisent en nous ce
qu’ils signifient.
Jésus a donné la communion et c’est une chose très
frappante : il a institué l’eucharistie pour les apôtres
et les disciples.
Vous verrez comme moi qu’il n’est marqué nulle part que Jésus
donne l’eucharistie à Marie, à Marie Madeleine, à
Marie Salomé.
Jésus dit à ses apôtres : ‘‘prenez et mangez-en
tous, et faites ceci en mémorial de ce qui est mien’’ : en
instituant ses apôtres comme source de ce signe de gratitude.
Certaines traditions, sans parler de l’Ecriture, n’hésitent
pas à dire que Marie ne communia pour la première fois qu’à
la Pentecôte : avec l’eucharistie, une distance énorme s’est
établie entre Jésus et Marie. Entre eux deux : les apôtres,
à qui Il confiait son pouvoir sacerdotal de médiation, alors qu’ils
n’avaient pas encore la foi et qu’ils ne croyaient pas encore (
ils ne croyaient pas encore parce que l’Esprit Saint n’avait pas
encore été envoyé : Jean 7, 39 et 20, 8-9 ) ; donc les
apôtres étaient institués médiateurs du sacrement
de gratitude destiné à la seule personne qui pouvait alors le
recevoir : l’Immaculée. Quelque part, c’est peut-être
un peu à cause de l’absence de la foi des apôtres qu’elle
n’a pas reçu la communion, sans compter sans doute la communion
de Judas :
C’est cela qui est assez impressionnant : Satan rentra, le démon
pénétra Judas. Cela m’impressionne beaucoup de saisir ce
que dès cet instant, le démon a pu comprendre : le démon
a compris, grâce à l’eucharistie, qui était Jésus.
Pendant les quarante jours de tentation au désert, après le baptême
de Jésus par Jean Baptiste, Jésus avait été propulsé
par l’Esprit dans le désert, et livré à Satan pour
la tentation. Très bien ! Nous ne sentions pas alors Jésus angoissé
: victime mais non angoissé. Il a les paroles justes. Le démon
vaincu pour cette fois (chapitre 4 de l’Evangile de saint Luc) se retira
pour revenir à l’heure de la grande confrontation, au kaïros,
à son heure à lui : son heure à lui, c’est Gethsémani.
Pourquoi ?
La tentation a été à la mesure de la puissance d’amour
de Dieu dans le Christ, et la nature humaine a dû subir une tentation
et une tourmente qui dépassait de très loin toutes les puissances,
toutes les forces d’amour surnaturel de la grâce capitale du Christ
et du Messie, en qui pourtant sont tous les pouvoirs de la création du
monde, puisque c’est en Lui, dans le Messie, dans le Principe, que tout
a été créé.
Et voilà pourquoi l’angoisse est là : cela dépasse
tout. Le démon a pu saisir qui était Jésus, et la tentation,
peirasmos, s’est dressée contre lui selon cette mesure.
Vous savez, nous sommes tous tentés à la mesure de nos forces.
A Gethsémani, nous disons souvent : ‘‘Jésus était
Dieu, après tout, les puissances de l’enfer ne peuvent pas prévaloir
contre Jésus, donc c’était gagné d’avance’’.
Attention, il ne faut pas dire cela. La tentation est à la mesure des
forces de chacun ; en conséquence, Jésus a été mesuré
à l’aulne de la puissance de son état. Cela donne justement
la mesure de la souffrance, de la détresse, de l’amour qui se sont
déployés en ces heures de tristesse, et de la situation qui a
dû se produire dans le théâtre prodigieux qui s’est
ouvert dans l’âme humaine unie à Dieu le Fils face à
Dieu le Père : un théâtre prodigieux où s’est
réalisé le plus grand combat qui puisse jamais se réaliser
même sur la terre. Même sur la terre !
Aux chapitres 13, 14, 15, 16, 17 de l’Evangile de saint Jean, le texte
nous montre que Jésus, après que Satan soit rentré en Judas,
va parler pendant trois heures (18 heures : l’eucharistie ; 19 heures
: Jésus explique…) : à quel point Il vit du dedans la vie
intérieure (corps, sang, âme, esprit) de ses disciples par la grâce
eucharistique, par le pouvoir eucharistique, comme Il est au-dedans d’eux
comme le Père est en Lui, comme Lui est dans le Père, comme Lui-même,
Jésus, est dans sa propre Personne. Il exprime tout cela, expliquant
les choses de manière si claire - avec les paroles, le ton, et la grâce
de lumière qui y correspond - que les apôtres se disent : ‘‘maintenant
nous comprenons !!’’. Et tout cela dure trois heures. Ils sont prêts
à le suivre ; ils sont éperdus ; ils vont donner leur vie…
‘‘Je ne te renierai jamais, allons mourir avec lui, etc.…’’.
Dix minutes après la situation se renverse d’un seul coup ( dans
les trois dernières heures de Gethsémani).
Que s’est-il passé entre les deux ?
D’un seul coup Jésus les amène à Gethsémani.
La lune est pleine puisque nous sommes aux veilles de la Pâque. Ils sortent
de Jérusalem, descendent dans la vallée du Cédron ( on
descend jusqu’au torrent et on remonte sur le versant opposé où
il y a le jardin des oliviers, et si on montait un peu plus haut, on irait vers
Béthanie, là où il y avait la maison de Lazare), et vont
dans le jardin des oliviers. Là, il y a des grottes, et la tradition
dit que dans le trou de ces grottes du jardin des oliviers, Adam était
venu se réfugier pour pleurer son péché ; David aussi.
Cela me plaît beaucoup : les pères de Jésus sont venus là.
Et je pense très fortement que Joseph, « le papa », à
chacune de ses Pâques à Jérusalem, est allé pleurer
là : il y a vécu son Gethsémani à chaque fois. N’est-ce
pas ce que suggère la tradition : David est venu pleurer dans cette grotte
pour les péchés de son peuple et pour son propre péché
; Joseph, le fils de David, l’ajusté par excellence à la
première Personne de la très sainte Trinité, a pleuré
ici les péchés portés par son Seigneur. Combien de fois
? Je ne le sais pas ; mais je suis certain qu’il est venu dans ces grottes
de Gethsémani ; il a agonisé, et il en est mort, Joseph est mort
de cette agonie-là. Il ne faut jamais oublier cela, parce que c’est
à partir de cette mort que commencèrent les mystères lumineux.
Jésus vient là avec ses disciples.
Notons ici la présence de Joseph s’exprimant par ce fait que Gethsémani,
Gath Shemen, veut dire le pressoir à huile.
Gath, , c’est la cave à
vin, la cuve que l’on creuse dans le sol, en dessous, pour conserver le
vin. Cela vient de Nagam, , fouler les raisins (cela signifie donc également
le pressoir aux raisins ).
Shemen, c’est l’huile.
Extraordinaire : le vin qui donne
de l’huile, c’est cela Gethsémani !
La cuve est dans la terre, et Jésus vient de donner la coupe de l’eucharistie.
Ah, voilà bien une autre indication suggérant saint Joseph ; nous
savons très bien que la coupe dans la liturgie juive symbolise la présence
de la paternité : c’est le père de famille qui donne la
coupe à la fin du repas de la Pâque ; la coupe est toujours liée
au père, elle se donne à la fin du repas.
Donc il y a eu l’eucharistie, mais il y a eu la coupe aussi.
Or Joseph est maintenant dans la terre, dans le lieu de la mort. La coupe de
Joseph à la fin du repas, acceptons qu’elle soit suggérée
par cette cuve de vin ; la cuve de vin qui se transforme en huile, grâce…
C’est Gethsémani. Autre indication pour montrer que la paternité
de Jésus est présente dans son agonie.
Aussitôt qu’Il arrive là, Jésus emporte avec lui trois
disciples, Il les laisse un peu au-dessus, et s’arrache d’eux. Le
mot est très fort : apospao, en grec, c’est déchirer ; un
mot que l’on emploie quand on arrache un enfant des entrailles de sa mère.
Comme un embryon arraché à pleines mains du ventre maternel.
Jésus s’arrache à un jet de pierre, c’est à
dire une distance d’environ vingt mètres, de ses trois disciples
: Pierre, Jacques et Jean. Ce mot ‘jet’ ( Tachah : Tav, cHet, Hè
) se trouve une seule fois dans la Torah au livre de la Genèse, chapitre
21, verset 16, et dans le fameux passage entrevu par les pères de l’Eglise
comme une figure de la maternité divine de Marie ; il s’agit du
passage décrivant Agar et son fils jeté dans le désert
comme apostat avec un morceau de pain et de quoi boire ; au bout d’un
certain temps dans le désert, l’enfant meurt de soif, alors sa
mère s’arrache à un jet de pierre de lui parce qu’elle
ne veut pas voir son enfant dans la tourmente.
C’est cette expression-là que nous découvrons pour Gethsémani
: Jésus s’arrache de ses trois disciples - et là il faudrait
voir la connexion très forte avec le mystère de la transfiguration,
où nous voyons ce qui se cache derrière ses trois disciples (il
faut s’en rappeler, bien sûr) -.
Jésus est très fortement lié avec celle dont Il s’arrache
Lui-même à un jet de pierre (ce n’est pas Marie qui s’arrache),
pour que Marie ne soit pas associée à son tourment. Tout s’est
fait avec Marie, mais maintenant, Jésus ne veut pas que Marie soit tentée
avec lui de cette tentation-là. C’est d’ailleurs pour cela
que j’ai le sentiment (ce que je dis là n’est pas dogmatique,
ce n’est pas défini par un père de l’Eglise ou un
docteur de l’Eglise, c’est une simple tradition…) que Marie
n’a pas communié à l’eucharistie de la Cène
du Jeudi saint.
Une distance s’est établie : voilà le pourquoi des trois
disciples.
Marie est restée à Jérusalem, ils descendent jusqu’au
Cédron et remontent jusqu’à Gethsémani : la vallée
du torrent de larmes les sépare. Marie prie dans la cité de Jérusalem
et y demeure en son Immaculée Conception : elle sera préservée.
Jésus ne peut pas accepter que le démon puisse avoir prise sur
l’Immaculée Conception. Le démon a compris que le Christ
était Dieu, il a compris que Marie était la Vierge perpétuelle
pleine de grâce, il a compris l’eucharistie, il a compris les apôtres
et le corps mystique. Il a compris que Jésus était Dieu, mais
il n’a pas compris l’Immaculée Conception : c’est la
seule chose que Satan n’a pas pu pénétrer quand Judas a
communié.
[Cela donne la mesure de ce que sont les communions sacrilèges, entre
nous soit dit. Si les gens savaient ! Une seule communion sacrilège vaut
plusieurs éternités de l’enfer, c’est effrayant. Mais
cela, c’est autre chose.]
A un jet de pierre… elle est à Jérusalem, elle est la Jérusalem
spirituelle, et Lui est à Gethsémani. Par trois fois Il va prier,
et Il va se mettre contre ce rocher, dans le trou de ce rocher, et Il s’y
prosterne.
Comme toujours, se prosterner, pipto en grec, peut se traduire de deux manières
:
- s’écraser au sol par terreur (quand un corps se prosterne, il
se jette par terre, il tombe par terre),
- se démembrer par délabrement intérieur (quand un corps
est tellement disloqué qu’il se démembre en tombant, flasque,
sur le sol).
Par trois fois. Il commence à prier. Les mots de saint Matthieu, de saint
Marc et de saint Luc sont : des cris d’épouvante, angoisse, larmes,
tourmente, et puis des sueurs de sang… et en fait saint Luc, qui est médecin,
note que ce sont des caillots de sang qui sortent de tout le corps de Jésus
(comprenons bien ce que cela représente : des caillots !?) ; des caillots
de sang (heureusement qu’il y a saint Luc !) : en grec, thrombos, des
trombes de sang, des caillots de sang séché qui tombent, comme
dit saint Jérôme en traduisant ce texte dans la Vulgate, in terram
: à l’intérieur de la terre.
[Je trouve qu’on n’aurait jamais dû inventer la langue française
! On aurait dû garder ces langues extraordinaires, sacrées.]
Et Jésus pleure et crie vers le Père en disant : ‘‘Père,
si Tu le veux, si Tu le veux, que cette coupe s’éloigne de moi’’
(ah ! Que représente donc cette coupe ? Nous devons y revenir sans cesse).
Que s’est-il passé pour que nous passions de ces trois heures de force eucharistique à ces trois heures de dislocation ?
Vous savez ce que disent les médecins
: quand quelqu’un a une angoisse trop forte, une dislocation intérieure
des vaisseaux sanguins produit ces sueurs de sang. Or, ici, nous avons bien
plus que cela, puisqu’il s’agit bien de caillots de sang. Nous sommes
passé de l’unité eucharistique à une dislocation
du corps mystique de Jésus, du corps vivant de Jésus : une dislocation
( le contraire de l’unité, en fait ) : dans la souffrance Jésus
explose littéralement. Mais de cette dislocation il ne meurt pas ( Il
ne peut pas mourir parce qu’Il est Dieu, le démon le sait désormais
).
Que s’est-il passé ? Je crois que si nous suivons la leçon
de l’Evangile de saint Jean, où il note que pratiquement tout s’est
axé sur Judas dans le fait qu’Il ait été livré
à la tourmente, nous pouvons dire que c’est au bout de trois heures
après sa communion que Judas a conclu le pacte avec le Temple de Dieu
pour livrer Jésus à la tourmente. A partir du moment où
il a donné son consentement et son acte avec sa complaisance, alors son
alliance avec Satan comme membre vivant du corps mystique vivant de Jésus
vivant jusqu’à la substance eucharistique est consommée
: dès cet instant Satan reçut tout pouvoir pour abattre le corps
de Jésus en visant tous les membres du corps mystique vivant de Jésus
vivant.
Jésus à ce moment-là a souffert ; Il savait que Marie faisait
partie de son corps mystique, alors Il a dit au Père : ‘‘cette
coupe-là, si on peut l’éviter’’. Il voulait
être seul à souffrir, seul. Mais heureusement, Satan ne connaissait
pas le mystère de l’Immaculée Conception. Heureusement,
Jésus a fait passer l’Eglise devant pour que Marie puisse être
co-rédemptrice du monde et qu’ainsi l’eucharistie soit finalement
donnée à Marie et instituée pour que la co-rédemption
de l’Eglise puisse aller jusqu’au jugement dernier, jusqu’à
la miséricorde finale et terminale.
Là, il y a quelque chose de très fort, de très important
je crois, à saisir dans le mystère de la passion et de la rédemption
de Jésus : Jésus va vraiment vouloir prendre, et il prendra effectivement
sur lui tout, tout jusqu’à la racine de l’Immaculée
Conception, pour la préserver, jusqu’à la blessure du cœur
; tout ce qui peut être sacrilège en rapport au Corps où
Dieu vivant est présent par voie de subsistance, et tout ce qui pourra
aller jusqu’à la blessure mortelle de sa divinité.
Il ne faut pas oublier que toutes les blessures que l’humanité
de Jésus va ressentir, éprouver, ne sont rien à côté
de la blessure qui va lui être faite dans son corps une fois qu’Il
ne ressentira plus rien dans son âme humaine [ puisque, une fois passée
la mort, son âme humaine sera séparée de son corps cadavérique
]. Lorsque ce corps recevra la blessure mortelle, comme Dieu le Père
l’explique à sainte Catherine de Sienne, nous sommes en présence
d’une autre dimension de la Passion : c’est Dieu le Fils qui est
atteint, c’est le Dieu vivant qui est atteint dans le corps cadavérique
de Jésus. Jésus doit l’accepter à l’avance,
Il va tout accepter, dans son humanité, son intelligence, son affectivité
humaine : Il va accepter d’être confronté à cette
souffrance qui atteindra jusqu’à sa divinité.
Voilà pourquoi Pascal dit : ‘‘l’agonie de Jésus
dure jusqu’à la fin du monde’’.
Or ceci est insupportable, et dépasse toutes ses capacités de
résistance humaine, même portées par la toute puissance
de Dieu ( parce que la nature humaine a un capital de vie qui est limité,
même si elle est absolument parfaite ).
Alors Il se disloque.
Frayeur, tourmente, angoisse : cette
association de mots se trouve une fois, nous la trouvons dans le livre de Job,
chapitre 4 :
‘‘Je fus saisi de frayeur et d’épouvante,
Et tous mes os tremblèrent.
15 Un esprit passa près de moi…
[un esprit déchu, un esprit mauvais]
Tous mes cheveux se hérissèrent… ’’
[vous voyez ce que c’est, les cheveux qui se hérissent ! Cela m’impressionne beaucoup, parce que Jésus était comme cela, tout épouvanté, disloqué, et en même temps ses cheveux se hérissent, comme un hérisson. Il avait les cheveux relativement longs, et en même temps tout collés par les caillots de sang et la transpiration. C’est affolant ! L’épouvante de Jésus a duré trois heures alors qu’Il est dans la vision béatifique !!! (par exemple, en ce moment au ciel, la sainte Vierge est dans la vision béatifique, saint François d’Assise est dans la vision béatifique, vous vous rendez compte de la puissance de la vision béatifique sur une âme humaine : cela console tout, cela fortifie tout). Jésus est dans la vision béatifique, et malgré tout, il est comme cela, ses cheveux se hérissent, c’est incompréhensible et fou. Cela montre que le combat est au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer, de ce que le démon même peut imaginer : le démon lui-même ne pouvait pas concevoir une tentation pareille. C’est vrai, Dieu le Père a ici une place comme nous le verrons.]
‘‘Tous mes cheveux se
hérissèrent…
16 Une figure d’un aspect inconnu était devant mes yeux,
Et j’entendis une voix qui murmurait doucement :
17 L’homme serait-il juste devant Dieu ?
Serait-il pur devant celui qui l’a fait ?
18 Si Dieu n’a pas confiance en ses serviteurs,
S’il trouve de la folie chez ses anges,
19 Combien plus chez ceux qui habitent des maisons d’argile,
Qui tirent leur origine de la poussière,
Et qui peuvent être écrasés comme un vermisseau !
20 Du matin au soir ils sont brisés,
Ils périssent pour toujours, et nul n’y prend garde ;
21 Le fil de leur vie est coupé,
Ils meurent, et ils n’ont pas acquis la sagesse.
5 1 Crie maintenant ! Qui te répondra ?
Auquel des saints t’adresseras-tu ? ’’
Jésus se lève en titubant,
va voir les disciples, et Il voit qu’ils dorment.
Il leur dit : ‘‘je vous en supplie, aidez-moi, priez, aidez-moi
!’’.
C’est très frappant. Pascal dit que c’est la seule fois où
Jésus demande de l’aide, le seul moment où Il demande de
l’aide à des hommes, à des créatures.
Le Christ supplie : ‘‘aidez-moi, vous dormez ? Mais veillez et priez
!!’’ à ses apôtres qui, quelques minutes avant, se
sentaient forts et se disaient : ‘‘nous voici fermement décidés’’.
Ce dialogue entre ces trois et Jésus, à un jet de pierre, éclaire
le mystère de Gethsémani.
Tout est là : la cuve de vin se change en cuve d’huile.
Quatre mots en grec vont expliquer
ces points que nous avons notés ; ils montrent tout le contexte dans
lequel je dois m’inscrire pour revivre ce que Jésus a vécu,
et les apôtres aussi ; Marie à distance et Joseph dans les lieux
de la mort, sont tous deux présents invisiblement.
Les apôtres se disent : ‘‘ nous avons tout quitté pour
le suivre : femme, maison, enfants ; nous sommes prêts à tout :
persécution, détresse et mort… parce que Jésus nous
donnera toujours la force’’. Peu de temps auparavant, Jésus
leur avait dit : ‘‘est-ce que je vous ai déjà laissés
dans la détresse, sans vous réconforter, sans vous aider, sans
vous donner tout ? - Non, c’est vrai, Seigneur !… ’’
Ils pensaient que Jésus serait toujours là pour les aider ; mais
d’un seul coup, c’est eux qui doivent L’aider alors qu’ils
sont dans un état lamentable eux aussi : fatigués, appesantis…
‘‘Et en plus il faut qu’on l’aide, et dans cet état…
!! ’’ Les voilà donc désemparés : voir Jésus
comme cela, c’est effrayant.
Il y avait encore bien sûr sa voix ; on reconnaissait Jésus à
sa voix, j’en suis sûr ; sa présence rayonnait une certaine
lumière diaphane qui émanait de son visage. Pourtant, comme le
dit Isaïe au chapitre 53, il n’avait même plus à cet
instant-là d’apparence humaine tant Il était ravagé
: on aurait dit que ce n’était pas un homme tant Il était
défiguré.
Mais il y avait encore cette lumière et sa voix : ‘‘Aidez-moi,
je vous en supplie’’. Et puis Il retourne prier. Une deuxième
fois il les voit, cette fois encore, un petit peu endormis. La troisième
fois ils le sont moins, saint Luc dit qu’ils se reposent : ‘‘Maintenant
c’est fini, vous vous reposez ? Eh bien ne vous reposez plus : il approche,
celui qui me livre à la tourmente’’.
Le mot kateudo, endormir, peut se traduire autrement par : ne pas s’intéresser
à son propre salut ( c’est le même mot : celui qui se repose,
qui ne prie pas avec Jésus dans l’angoisse, c’est quelqu’un
qui ne s’intéresse pas à son propre salut ; celui qui ne
veille pas et ne prie pas pense que son salut est fait, qu’il n’a
pas besoin du salut ! Bien sûr que non ).
‘‘Il approche, celui qui me livre à la tourmente, levez-vous
!’’. Cette fois, Jésus est redevenu calme, pacifié
: il s’est passé quelque chose, et saint Luc dit (22, 43) : ‘‘oui,
un ange ap’ouranos [c’est à dire du fond et du très
profond des hauteurs du ciel], est venu vers Lui pour le rendre fort’’.
Derrière cette parole-là, nous sentons qu’il s’est
passé quelque chose.
Ses apôtres ont eu un tout petit sursaut de compassion, de communion,
de supplication, que sais-je, même pour le ramener tout titubant à
un jet de pierre de là pour revenir ensuite l’attendre à
leur place, écoutant ce qu’Il disait comme prière, s’unissant
à Lui autant qu’ils le purent. Grâce à cela, puisque
les apôtres étaient devenus depuis l’eucharistie comme des
médiateurs entre Marie et Jésus, et entre Jésus et Marie
[ils avaient été institués comme prêtres : ‘‘faites
ceci en mémoire de moi’’ ], alors, Marie, de Jérusalem,
a pu faire en son acte de foi de quoi soulever le fond du mystère marial
de l’agonie de Jésus à Gethsémani.
Elle a réalisé un nouvel acte de foi pour accepter cet arrachement,
pour accepter cette déchirure : son fils lui est arraché du ventre.
Ce que disait Agar dans le fameux passage du jet de pierre, chapitre 21 : ‘‘mon
tout petit bébé, je ne veux pas l’entendre’’…
‘‘mon tout petit bébé’’… s’applique
à ce que nous méditons au jardin des oliviers : en fait c’est
bien Jésus qui dit : ‘‘mon tout petit bébé’’
( et son tout petit bébé, c’est Marie ).
Jésus est confronté à l’heure de la rédemption,
et son bébé à Lui, c’est l’Immaculée
Conception. ‘‘Je ne veux pas entendre’’. Marie comprend
et accepte qu’elle ne doit pas mourir avec Jésus : elle doit croire,
elle doit livrer son fils à la tourmente comme Judas a livré le
Fils de Dieu à la tourmente ; elle doit croire qu’elle doit elle-même
faire ce que Judas fait en le faisant quant à elle par la foi, par amour
de la volonté de Dieu le Père ; elle le fait en communion avec
le père de Jésus qui est dans l’Hadès.
Voilà pourquoi à mon sens la tradition évangélique
révèle que la coupe est présentée à Jésus
par l’ange, comme une force.
Si Jésus avait été tout seul pour subir la tentation de
Gethsémani, il serait tombé. Cela dépassait les forces
humaines du Messie, et c’est très fort de comprendre cela. Voilà
pourquoi Jésus devait refuser de vaincre en raison de sa Toute-Puissance
divine, et ne vaincre qu’avec l’aide de l’Eglise… Sans
l’aide de l’Eglise, sans l’aide d’une foi qui va encore
plus loin en Marie, pour souffrir avec Lui dans la co-rédemption du monde,
Il ne peut pas résister à la tentation de Gethsémani, c’est
impossible, et c’est pour cela que c’est le seul moment où
Jésus demande de l’aide.
Ici, Il ne souffre aucune souffrance de la part des hommes : Il souffre une
souffrance qu’Il s’inflige Lui-même en tant qu’Il est
Dieu… Son amour ne veut pas, Son Amour ne peut pas. Alors il y a cette
aide qui Lui est apportée : l’acte de foi de Marie fait venir des
profondeurs du ciel l’ange, et cette fois-ci c’est l’ange
qui va permettre à Jésus d’incarner son ‘oui’
à nouveau, ‘‘que Ta volonté se fasse, et non la mienne’’.
Cette fois-ci, Il l’inscrit du dedans d’une foi de Marie qui lui
est apportée par la médiation, et des apôtres, et du monde
angélique, et du fond du ciel. Ce qui montre bien la signification de
cet arrachement qui s’est fait, et qui a été permis par
Dieu. C’est très fort.
Alors évidemment, dans ce mystère, il faut fixer les yeux de notre
cœur sur le fond de ce mystère pour le vivre, pour le revivre, comme
membre vivant de Jésus vivant :
Le Dieu vivant en nous, Jésus vivant en nous ( puisque nous sommes les
membres vivants du Christ ) va revivre en nous ce mystère par la foi,
par le rosaire
Marie engendrera en nous, fera grandir en nous cette force vive du Jardin des
Oliviers avec Jésus, pour le rejoindre en son ‘oui’ à
la volonté de Dieu le Père, à travers tout.
Le fruit de ce mystère, c’est un état de tourmente absolue
dès que menace en nous la moindre chose qui soit contraire à l’amour,
à la volonté de Dieu le Père… Le moindre péché
qui éloigne de Dieu inflige à notre cœur un état de
tourmente, d’agonie, de mort, de dégoût total, substantiel,
absolu. Tel est le fruit du mystère.
Le fruit du mystère dépasse la haine du péché :
c’est la complicité absolue avec la volonté de Dieu le Père,
une complicité, une assimilation totale, rejoignant en cela l’état
de saint Joseph dans le fond de l’Hadès et Dieu le Père
à travers lui ; que, de ce fait même, il n’y ait plus jamais
la moindre complicité avec… le péché
A partir de là, nous pouvons
contempler.
Voilà ce que nous dit la bible sur la Révélation à
Gethsémani, ce qui est quand même déjà très
fort, il faut bien le reconnaître.
La dernière fois nous avions regardé les lettres, comme nous l’avions
fait pour ‘Cana’, pour ‘Thabor’. Il est plus facile
de contempler le mystère grâce à la révélation
des lettres données par le Messie à Moïse sur la pierre du
Sinaï.
Gethsemani s’écrit avec un Gimmel , un Tav , un Shin , un Meym
et un Noun .
Moïse ayant entendu lui-même du Messie d’après la tradition
rabbinique la signification de ces lettres, celles-ci vont nous donner quelque
chose de très précis. Cette gymnastique de la Révélation
est assez facile à faire, elle va nous devenir très familière
; elle est simple et elle permet aux enfants de comprendre.
Le Gimmel est la troisième lettre de l’alphabet ; elle signifie
« l’amour dans toute sa force ». Même si tu es entouré
d’une absence totale d’amour : un chameau à travers le désert
( absence totale d’eau ) peut traverser le désert avec ténacité,
fidélité, persévérance ; il est toujours là,
il continue, il traverse le désert ; tel est le chameau : le contraire
de l’orgueil. Vous avez déjà vu des chameaux en Afrique…
c’est extraordinaire : les chameaux, lorsqu’ils s’arrêtent,
se mettent à genoux ; nous ne pouvons pas ne pas voir qu’ils se
mettent à genoux, baissant la tête, et tu te mets dessus. Extraordinaires
ressources d’amour qui fait traverser tous les déserts. La force,
la force, c’est vraiment la force, l’amour dans toute sa force.
Le Aleph ( première lettre ) désignait l’adoration, le silence,
l’admiration devant Dieu.
Le Beit ( deuxième lettre ) désignait l’amour incarné
de l’homme et la femme, dans la clôture intime de l’homme
et de la femme pour vivre à l’infini de cet amour dans l’image
ressemblance de Dieu.
Au-delà de ces deux premières lettres ( de l’amour de Dieu
et de l’amour de l’homme et de la femme ) apparaît le Gimmel
: l’amour dans toute sa force ( troisième lettre ).
La figure cursive en écriture rabbinique l’écrit avec une
espèce de verticale légèrement arrondie, et un petit crochet
vers le bas : ceci veut dire que l’amour dans toute sa force pénètre
jusqu’au fond du ciel et jusqu’au fond des enfers, jusqu’au
fond de la terre ; l’amour dans toute sa force atteint du fond des enfers
jusqu’au fond du ciel ( de saint Joseph jusqu’à Dieu le Père
: Gethsémani fait ce lien entre le fond de la mort et le fond de la vie
éternelle ).
S’il n’y a pas d’amour, ni adoration ni amour du prochain,
de l’homme et de la femme, s’il n’y a ni Aleph ni Beit, alors
ce Gimmel se transforme en symbole d’orgueil : je m’accroche à
la terre, je m’accroche à l’enfer pour me dresser contre
Dieu. Ces explications rabbiniques de Moïse sont belles : c’est le
Messie qui avait expliqué cela à Moïse il y a 3700 ans.
Jésus se trouve confronté à ces deux formes du Gimmel,
et c’est ce qui va faire sa croix, précisément, parce que
dans son corps mystique il va y avoir celui qui se dresse contre Dieu en s’accrochant
au terrestre, c’est Judas et le démon, dans son propre corps eucharistique.
Comprenez bien que le démon a pu Lui dire : ‘‘il faut au
moins que tu renonces à ton corps eucharistique, pour respecter Dieu
: tu peux obtenir la même chose sans briser ton corps divin et ta divinité
incréée, tout de même !’’.
Le Tav , c’est la croix, la dernière lettre de l’alefbeit.
Jésus disant : ‘‘Je suis l’Alpha et l’Omega’’
prononça en araméen : ‘‘Je suis l’Aleph et le
Tav’’, Je suis la première et la dernière lettre de
l’alphabet, Je suis l’Alpha, c’est à dire le Créateur
et puis le Tav, le signe (c’est sur un Tav que Moïse avait dressé
le serpent). Et donc toute la force de l’amour va s’inscrire dans
le Tav, c’est à dire dans la croix de Jésus, et c’est
cela qui fait la force du pressoir à raisins, Gath.
Cette force de l’amour en cette confrontation pour vaincre l’orgueil
dans l’unique signe de la croix, va se réaliser dans la chair :
Shin ; dans ce qu’il y a de plus bas dans le monde spirituel créé
par Dieu, c’est à dire dans le corps spirituel de Jésus,
dans le corps spirituel humain, dans de la poussière, dans de l’argile
spirituel (c’est pour cela qu’il est brisé).
Pour quoi ? Pour que cela puisse être fécond : Meym … Pour
que cela puisse engendrer une purification (les quarante jours du Meym) dans
une oasis qui puisse se prolonger continuellement, jusque dans l’éternité
: Noun .
Gethsémani :
Ce que Jésus a fait à
Gethsémani, une fois qu’Il l’a fait à Gethsémani,
tout est fait.
C’est trop beau de voir cela.
Lorsque nous allons contempler ce mystère, nous nous mettrons vraiment
dans la ligne de ce que le saint Père dit pour les mystères lumineux
: ces mystères lumineux sont des mystères du rosaire vivant ;
son sous-bassement caché, c’est la parole, la présence et
la lumière de Marie. Dans le mystère de Gethsémani, il
faut comprendre ce qui s’est passé pour Marie. Nous nous posons
toujours la même question : quel a été l’acte de foi
de Marie, qu’a fait Marie pendant ce temps-là, comment Marie a-t-elle
vécu le mystère de Gethsémani ?
Remarquez bien une chose : Marie a assisté au mystère de l’eucharistie
et (encore une fois : c’est une interprétation personnelle) ….
elle n’a pas communié.
Elle a dû accepter de ne pas communier : elle a communié mystiquement.
Elle ne pouvait pas communier, elle qui devait livrer Dieu le Fils, elle ne
devait pas communier corporellement, sinon elle aurait perdu sa virginité
de corédemptrice surnaturelle, avec le fait du sacrilège de Judas
dans la même communion.
Jésus ne lui a rien dit. Elle pouvait ne pas tout comprendre, mais il
est certain qu’elle comprit que Jésus instituait l’eucharistie
de Son Corps pour elle, pour se donner à elle en action de grâce
; mais qu’elle ne communierait pas tant que l’absolution de la blessure
du cœur de Jésus ne serait pas venue. A ce moment-là, elle
recevra dans la transverbération, cette absolution pour pouvoir communier
au-delà de la puissance de Satan sur le corps mystique de l’Eglise.
En faisant cela, elle a institué l’Eglise dans son infaillibilité
jusqu’à la fin du monde : les puissances de l’enfer ne prévaudront
jamais contre elle.
C’est cela qui s’est passé à Gethsémani pour
Marie : Elle a dû faire l’acte de foi, l’accepter, et dire
: ‘‘que puis-je faire, sinon m’humilier davantage dans un
amour encore plus grand, et livrer vraiment mon fils par amour pour le Père,
en union avec Joseph ajusté à Dieu le Père dans le secret
de sa mort ? Que puis-je faire sinon m’ajuste à la volonté
du Père et livrer le fruit de mes entrailles entre les mains des pécheurs,
parce que c’est la volonté de Jésus, c’est sa volonté,
c’est le seul réconfort que je puisse Lui apporter ; c’est
un arrachement pour moi, mais…’’.
Il faut essayer entrer dans cette contemplation de Marie, et entendre en elle
: ‘ je ne peux pas faire cela, ce n’est pas possible, je ne le peux,
je n’ai aucune connaissance des forces humaines qui me permettent d’accepter
cela !’’.
Nous pouvons alors saisir combien la communion mystique et spirituelle de l’eucharistie
a été son ange Gabriel pour lui dire : ‘‘ne t’inquiète
pas, l’Esprit Saint va supervenir en toi et tu seras prise par la volonté
du Père ; tu pourras porter la coupe de fortification à Jésus
à Gethsémani. Il est important que ce ne soit plus toi qui compte,
ni Jésus, mais seulement son corps mystique vivant entier de Jésus
vivant entier. Cela, c’est la volonté du Père…
Vous devez vous sacrifier tous les deux pour le corps mystique de l’Eglise.
C’est l’Eglise qui passe devant, et d’abord ceux qui Le livrent,
ceux qui le quittent, ceux qui le délaissent, et ceux qui le renient….
C’est le corps mystique de la Jérusalem qui passera alors ensuite
; c’est la Jérusalem glorieuse qui passera devant Jésus.’’
Voilà pourquoi elle reste à Jérusalem pendant que Jésus
est de l’autre côté du Cédron.
Il faudra sentir petit à petit comment elle contemple cela, comment elle
vit cette contemplation, quelle est la nouvelle assomption qui se réalise
dans le corps de Jésus grâce à son acte de foi et qui lui
permet à nouveau de sortir de la dislocation et de dire aux apôtres
: ‘‘debout, levez-vous, il est là celui qui me livre à
la tourmente, rengainez vos glaives, le tentateur est proche, ne rentrez pas
en tentation’’.
C’est un très beau, un très grand mystère de la foi,
et c’est un très grand mystère de Marie, c’est un
très grand mystère de Jésus, c’est un très
grand mystère de la très sainte Trinité.
Tout ce que Jésus va subir après, ce sont des souffrances que
lui infligent les hommes…
Cette souffrance première, Jésus se l’inflige Lui-même
avec la puissance de Dieu, avec sa propre puissance divine. En faisant cela,
le Père s’associe à Lui…
C’est l’amour qui a fait cela.
Une des manières de contempler ce mystère, c’est de saisir
à quel point c’est bien l’amour qui a fait cela : ‘‘c’est
avec votre cœur, et avec les yeux de votre cœur que vous contemplerez
ce mystère’’…
L’amour qui s’est réalisé entre le Père et
le Fils et glorifié en Jésus disloqué, c’est l’Esprit
Saint.( Jean 13, 31 )
Dans les quarante jours de tentation,
il est dit explicitement que le Saint Esprit, troisième Personne de la
très sainte Trinité, précipita Jésus dans le désert
pour qu’il y soit tenté par Satan. Le Saint Esprit, Amour éternel
de Dieu le Père pour Dieu le Fils, et Amour éternel de Dieu le
Fils pour Dieu le Père, Fruit de cet Amour obligeant Jésus à
ne pas pouvoir accepter certaines choses : cela, le démon le sait.
Voilà pourquoi Jésus pouvait vraiment tomber : s’il n’y
avait pas eu l’Eglise, Il serait tombé. Jésus ne pouvait
pas sauver le monde sans son corps mystique vivant.
C’est dans sa sagesse de la croix que tout était prévu comme
cela : «Priez, veillez avec moi !».
Voilà pourquoi un des péchés les plus graves de notre terre
consiste à être chrétien sans vouloir en mesurer la responsabilité,
par omission.
C’est le péché par omission ; ce péché par
omission me rend responsable devant moi-même, devant le démon en
tous cas, de la condamnation universelle du monde.
‘‘J’ai menti’’, ‘‘j’ai volé’’,
certes…
‘‘J’ai fait le péché par omission de la vie
surnaturelle dans le corps mystique vivant de Jésus vivant comme membre
vivant de Jésus vivant’’ : cela, c’est terrible !
C’est le mystère de Gethsémani qui nous fait comprendre
cela : les fautes les plus terribles, les plus atroces, les plus cruelles, les
plus impitoyables, les plus diaboliques, sont celles des chrétiens qui
ne font pas la volonté de Dieu le Père dans cette union vivante
avec Jésus dans le ‘oui’ co-rédempteur.
Nous avons vu la coupe, nous avons vu la tentation.
Le troisième aspect de Gethsémani regarde « l’heure
»
L’Heure est venue : Jésus a été confronté
à l’heure finale. Tel est le dernier aspect, que nous lisons en
regardant que par trois fois Jésus s’est disloqué au sol.
C’est quoi, cette heure ?
Elle désigne le fait que Jésus (et le démon le sait) Messie
: Il viendra juger les vivants et les morts. Il le sait, le démon le
répète ; par exemple dans le Coran, Jésus, Sidna Issa viendra
juger les vivants et les morts.
Il ne faut pas l’oublier, et disons le très rapidement…
Jésus vient de dire : ‘‘en mémorial, anamnésis,
dans la mémoire de ce qui est mien, jusqu’à la substance
vivante de ma mémoire substantielle en votre propre mémoire substantielle,
nous réaliserons l’eucharistie’’.
Il vient d’instituer l’eucharistie.
En faisant cela, il conjoint en l’eucharistie dans le corps mystique de
l’Eglise (nous qui en sommes les membres)
- et notre corps originel ( voir dans notre cinquième mystère
lumineux ) qui est dans le temps,
- et notre inscription dans Le livre de Vie qui est dans l’éternité.
Mais voilà que nous ne L’aidons
pas ; que nous Le trahissons ; que nous Le livrons à la tourmente ; que
nous sacrifions Jésus à Satan ( le péché par omission
en est la porte).
Ne pas tenir compte d’un sacrement, c’est terrible.
Par exemple, j’ai reçu le sacrement de mariage, et je n’en
tiens pas compte : je me marie avec quelqu’un d’autre ( «
ce n’est pas grave ! J’ai bien le droit ! C’est la nature
! ») Oui… mais je ne tiens pas compte du sacrement : j’ai
reçu le sacrement de mariage, donc je livre objectivement Jésus
à Satan. Le divorce de ce point de vue peut se comparer à une
messe noire : le sacrement est une présence réelle et vivante
de Jésus, et je ne veux pas en tenir compte ; je trouve normal de livrer
la présence réelle vivante de Jésus dans le sacrement que
je porte dans la tourmente d’un sacrilège continuel.
La même gravité se retrouve pour le sacrement de mariage, les confessions
sacrilèges, les messes sacrilèges, ou la grâce sacrilège
(nous avons le baptême et nous n’en tenons pas compte, nous vivons
en état de péché mortel toute notre vie) : c’est
effrayant.
Tout cela, ce sont des choses très lourdes.
Jésus, par le sacrement, dans
l’institution de l’eucharistie, nous a réinscrits dans le
Livre de Vie une deuxième fois.
Dès lors la tentation de Satan va de soi : ‘‘Regarde ce que
je fais : si je désinscris tes choisis une troisième fois, tu
ne vas pas les réinscrire, non ?’’.
C’est que l’inscription dans le Livre de Vie relève de l’Au-delà
et de la Toute-Puissance de Dieu : elle est dans l’éternité,
elle n’est pas dans le temps !
Jésus est confronté en cela au péché contre le Saint
Esprit, contre l’amour éternel, contre la miséricorde :
et d’un autre côté, le Père veut que tous soient sauvés
par Jésus.
Et c’est Lui qui doit venir à la fin du monde comme juge pour discerner que tous ceux-là se sont effacés par trois fois du Livre de Vie. Il faudra qu’Il éclaire chacun de ce jugement ; il faudra qu’Il en soit l’heure ; il faudra qu’Il soit Lui-même l’Heure ; et cette heure : c’est Gethsémani.
C’est à Gethsémani
que cette heure du jugement a été acceptée par Jésus
pour Lui-même et pour tous les réprouvés… Jésus
sait qu’Il va être cause de réprobation, sans en être
la cause immédiate ; enfin, Il doit acquiescer à cette volonté
du Père : on ne peut pas supprimer la liberté des êtres
humains qui veulent s’effacer éternellement du Livre de Vie.
Et c’est pourquoi Il va subir ( et Il le fait par amour, compassion, union,
et avec la force de son amour ) et Il va s’unir au châtiment éternel
de ceux qui se désinscrivent du Livre de Vie dans la séparation
éternelle de Dieu (et voilà pourquoi ses cheveux se sont hérissés),
de manière à atténuer leur châtiment éternel,
puisque Il ne peut pas le supprimer, puisque Il ne peut pas supprimer leur liberté
d’injurier Dieu éternellement.
La tentation, l’heure, et la coupe, sont les trois agonies de Gethsémani
…
Terminons cette méditation
par une très belle parole de l’Evangile ( Jean 16, 6-11 ):
« La tristesse a rempli votre cœur (….)
Quand il sera venu, le Consolateur convaincra le monde en ce qui concerne
le péché, la justice, et le jugement:
9 en ce qui concerne le péché, parce qu'ils ne croient pas en
moi;
10 la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus;
11 le jugement, parce que le prince de ce monde est jugé. »
Passage que le Pape développe
dans son Encyclique sur la miséricorde de Dieu le Père : Dives
in misericordia …. La plus grande miséricorde de Jésus accueille
qu’en Lui tout accepte de s’arrêter à la liberté
des hommes qui ne veulent pas L’accepter ; de sorte qu’Il doit subir
et participer au châtiment de ces hommes-là, ce qui est rendu visible
aux yeux des disciples pendant trois heures.
Alors il y a une nuit par rapport à la vision béatifique qui enténèbre
toute son humanité, et qui fait que c’est évidemment épouvantable
:
Nous tenons ici la mesure du péché : l’enfer, cette peine
de la damnation…
Gethsémani nous donne ce sens très fort de ce que représente
notre liberté lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans notre ‘oui’
originel, dans notre ‘oui’ inscrit dans le Livre de la Vie, et dans
le ‘oui’ de Marie et de Jésus à l’intérieur
de la procession du Saint Esprit.
Je vous salue Marie, pleine de grâce,
le Seigneur est avec vous,
Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit
de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort. Amen