ANNONCIATION
Nous allons vivre la dernière
messe de toute l’année liturgique, c’est dernier jour de
la trente troisième semaine, et donc toute l’année circule
jusqu’au premier dimanche de l’Avent. Tout le cycle liturgique démarre
au premier dimanche de l’avent et pour nous l’année prochaine
ce sera dimanche prochain.
C’est pourquoi les évangiles des dix derniers jours parlent de
la fin du Monde, du Jugement dernier.
« Cette génération ne passera pas avant que tout cela s’accomplisse
».
Quand Jésus parle de cette « génération »,
c’est un mot qui relève de la tradition. Dans la Bible, une génération
correspond à peu près à 2000 ans : il y a la génération
d’Adam, puis la génération de Noé, puis la génération
d’Abraham et de Moïse, la génération du Messie, la
quatrième génération, il veut dire par là qu’il
n’y aura pas de cinquième génération : l’Eglise
de Jésus, cette génération apostolique ne passera pas avant
que tout cela ne s’accomplisse. Il n’y a pas à attendre quelque
chose de nouveau du point de vue des sources de la sainteté et de la
grâce. Jésus a tout donné.
Saint Patrick priait et il faisait
pénitence sur le Mont Armagh. Il suppliait, et à fur et à
mesure qu’il obtenait de Dieu son accord sur ce qu’il demandait,
il demandait autre chose. Il demandait par exemple que l’Irlande (il était
apôtre de l’Irlande) garde la lumière toute brillante de
la Foi vive, jusqu’à la fin du monde. C’était un homme
qui était très sensible au ministère du prophète
Elie, c’était un amoureux du prophète Elie, il vivait toujours
avec lui, et donc il était très sensible à cette question
de la lutte, de l’Antichrist, contre lequel Elie serait d’un très
grand secours. Donc il priait pour son peuple pour les temps futurs de la tentation,
des ténèbres. Dieu lui montrait que cette grande lumière
qui allait surgir avec lui, allait se répandre très vite sur l’Irlande,
et allait demeurer aussi lumineuse, toujours brillante, toujours éclairante,
toujours vive, toujours infaillible, et le peuple de l’Irlande serait
toujours suspendu à la Foi intégrale, à la Foi complète,
à la Foi plénière, qu’il avait engendrée par
la grâce de Dieu.
Saint Patrick avait été très soutenu, il ressuscita trente
morts en présence de peuple, et fut donc un grand Saint. En 444, il a
construit sa cathédrale, il est mort en 493.
Il avait vu cette lumière qui resterait sur l’Irlande pendant des
siècles, puis il avait vu à un moment donné que des ténèbres
se mettaient tout autour des océans, englobaient le monde et essayaient
de cerner ce dernier bastion, l’Irlande. Il voyait que ces ténèbres
avec le temps (c’était une vision sur l’ensemble des temps
jusqu’à la fin du monde) grignotaient cette lumière de l’Eglise
apostolique sur son peuple. Il voyait que cette lumière tout à
fait pure de la catholicité, de la sainteté, s’était
retranchée dans les lieux saints de l’Irlande. Alors il pria avec
ardeur et dit : « je ne suis pas d’accord avec ça ».
Alors le Seigneur lui dit : « ne t’inquiète pas, continue
à prier ». C’est ainsi qu’il changea les destinées
de la sainteté de son peuple, et effectivement, après cette période
de rétrécissement de la lumière, qui restait là
bien vivante, phosphorescente, dans les lieux saints de l’Irlande, ce
qui était déjà une chose extraordinaire, elle repartait
et elle brillait encore plus fort qu’avant, jusqu’à la fin
du monde.
Notre vision à nous, est de
regarder tout dans la vision du temps, dans le temps qui se déroule,
c’est entre nos mains, ça dépend de nous, pas seulement
des actes que nous faisons ici et maintenant.
Je travaillais cet après-midi sur un petit texte, un poème, une
épitaphe d’une douzaine de vers sur une tombe qui a été
trouvée à Autun. On l’appelle le Pectorius d’Autun.
Le Pectorius d’Autun dit : une fois rafraîchi à la fontaine
divine, va réanimer ton âme dans la fraîcheur du miel et
viens recevoir cette nourriture qui vient du ciel. Reçois-là,
mange-la, alors tu auras dans tes mains le Poisson. Et que ce Poisson soit vraiment
la nourriture de toutes les âmes. Dans les premiers siècles, on
disait : si tu reçois l’eucharistie, alors tu auras dans tes mains
le Poisson, c’est-à-dire le corps mystique de l’Eglise toute
entière, tout le déroulement du temps du corps mystique de Jésus.
Quelle était la spiritualité de la Vierge, de l’Immaculée
et de Jésus crucifié ? Ils détenaient à la Face
de Dieu le Père, dans l’instant précisément de l’offrande,
le pouvoir sur tout le déroulement des temps, et des lieux, et des peuplades
de la terre. Temps présent, temps passés, et temps futurs.
Dans la mesure où Il est porté par la divinité, porté
par la prière, porté par l’amour, puisqu’Il est Dieu,
Jésus a aussi un regard et une action sur le passé. Voilà
pourquoi un cycle demeure dans la liturgie, qui fait qu’au fur et à
mesure du temps présent, on veut agir, on veut intervenir et rayonner
sur l’ensemble de l’histoire de l’Eglise, l’ensemble
de l’histoire de l’humanité. C’est pourquoi dans la
liturgie nous participons à la sanctification des temps futurs comme
des temps passés. Dès lors que nous recevons la nourriture qui
vient du Ciel, le Corps de Jésus, nous avons dans nos mains tout le déroulement
du corps mystique entier de Jésus entier et de toute l’histoire.
Jésus va se servir de nous. Jésus le fait sur la croix, mais quand
il le fait, il va rassembler toutes les forces vives de cette génération,
qui est la génération chrétienne, de tous les temps jusqu’à
la fin du monde, pour rayonner sur tous les temps et tous les lieux. Donc il
va se servir de nous. C’est une des choses qui est impliquée dans
ce déroulement de la liturgie eucharistique sur un an. Nous portons une
responsabilité : « c’est dans nos mains », cela veut
dire que nous sommes responsables du temps, de ce qui va se dérouler
dans les temps futurs ( ce qui va se passer jusqu’à la fin du monde),
et aussi dans les temps passés. Il faut prier pour que les torrents de
l’amour que nous recevons rejaillissent et bénissent tous les océans
des temps qui vont se dérouler devant nous jusqu’à la fin
du monde. Et même traversent cela, l’amplifient, le fassent surabonder
et aillent encore plus loin, et aillent amplifier toute la gloire que la Jérusalem
d’en haut va donner à Dieu dans l’éternité.
C’est à cause de cela qu’il y a ce grand cycle. « Cette
génération ne passera pas avant que tout soit arrivé ».
A la fin du cycle, ce grand texte nous montre qu’après ces grandes
morsures, ces grands coups de coup du dragon de la fin, il y a cette ouverture
du Ciel : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle
». Dieu créé des cieux nouveaux et une terre nouvelle. C’est
un très beau passage qui devrait pouvoir nous éclairer et nous
aider à dire le rosaire. Si nous avons le pouvoir de rayonner sur l’ensemble
des temps et des lieux, et à partir de là, le pouvoir de rentrer
dans la gloire éternelle et amplifier la glorification de Dieu dans l’éternité,
à partir de ce que nous faisons sur la terre, c’est grâce
à cela : « J’ai vu un ciel nouveau ». C’est au
milieu de cette détresse du temps où l’on devient esclave
du temps que Dieu va intervenir, Jésus va intervenir, pour faire que
ce soit le temps qui soit notre esclave. Et pour cela, Dieu dit : « voilà,
je créé un ciel nouveau et une terre nouvelle ». C’est
l ‘assomption qui est désignée à travers cette expression.
Dieu assume le temps.
C’est ce que l’Ange Gabriel est venu dire à Marie : «
Je vous salue Marie, pleine de grâces, le Seigneur va créer un
ciel nouveau et une terre nouvelle ». Marie est tout étonnée.
Elle comprend bien que c’est Dieu qui, du ciel, va créer une source
d’éternité à l’intérieur le temps (normalement
la source de l’éternité est dans l’éternité).
Dieu met la source de lui-même dans le temps à travers un corps
qu’il assume. Il prend dans l’Immaculée ce qu’il y
a de plus pur dans la création ancienne, c’est-à-dire ce
qui en elle correspond à l’amour, à l’unité
sponsale qu’elle a avec Joseph, ce qu’elle a d’incarné
et qui est totalement brûlé par son amour corps, âme et esprit
avec Saint Joseph, ce qui est porté dans ses cellules staminales et qui
est brûlé par son unité sponsale avec Joseph. Dieu assume
la pointe parfaite de ce qu’il y a dans l’ancienne terre, l’ancien
ciel et l’ancienne création, par une opération totalement
divine et qui se caractérise par ces mots de l’Apocalypse : «
je vais créer un ciel nouveau ». Et après Il créé
une terre nouvelle. C’est là-dessus que je voudrais m’arrêter
avec vous ce soir, pour pouvoir ensuite circuler pendant toute l’année
sur le rosaire, pour pouvoir entrer dans ce miracle du rosaire, puisque voici
ouverte par le saint père l’année consacrée au rosaire.
Le rosaire commence par la salutation angélique, il s’appuie sur
l’ensemble du cycle de l’éternité, et se termine aujourd’hui
: « je fais un ciel nouveau, je créé une terre nouvelle
». La terre est déjà créé, le ciel est déjà
là. Le ciel, c’est le monde spirituel humain, le monde angélique,
le monde de la bénédiction de Dieu. La terre, c’est le monde
de ce qui vient des mains de Dieu, ce qui est spirituel dans un corps. Vous
avez le monde spirituel, et le monde corporel mais spirituel.
L’Ange Gabriel annonce à Marie qu’elle est la mère
du Sauveur. On appelle cela, dans le langage de la foi, le mystère de
l’assomption : Dieu va assumer un corps , il va s’incarner. L’incarnation
est une assomption. Quand on dit le rosaire, on commence par une incarnation
qui est une assomption, et on termine par une assomption qui est une incarnation.
Le quinzième mystère glorieux est l’assomption de la Vierge
grâce à qui Jésus va assumer tout son corps entier dans
la gloire de la résurrection à la fin des temps. Les quinze mystères
sont une assomption, puisqu’à chaque fois on dira : « je
vous salue Marie pleine de grâce ». Il est très beau, très
grand, très juste, très fécond surnaturellement parlant,
de rentrer dans cette assomption du « je vous salue Marie pleine de grâces
». Si nous le disons dans la foi, avec l’Ange Gabriel et devant
la face de Dieu, nous annonçons à l’ensemble de ce qui est
le plus pur de la petite pointe la plus parfaite de notre univers d’aujourd’hui
qu’il y va surgir une assomption, la création d’un ciel nouveau
et d’une terre nouvelle, création qui va illuminer tous les temps
et tous les lieux de la terre, et déborder pour glorifier Dieu éternellement
au delà même du ciel et de la terre.
C’est une prière qui est extraordinaire, féconde. Le Notre
Père est une prière de perfection (aspect masculin). Je vous salue
Marie est une prière de surabondance, de fécondité : c’est
le don de la vie (aspect féminin). Voilà pourquoi ces deux prières
sont très complémentaires et vont très bien ensemble, et
qu’on commence toujours par le Notre Père pour pouvoir être
au sommet de ce qui dans le ciel et la terre d’aujourd’hui, peut
être assumé pour qu’il y ait une nouvelle création.
Que s’est-il passé ? Marie a été troublée.
Elle a eu un peu peur quand l’Ange Gabriel lui a dit cela. Elle était
entièrement assimilée à la volonté de Dieu, mais
elle demande : « comment cela se peut-il, comment est-ce qu’il faut
faire ? », ce qui montre bien qu’il y a des voies dans lesquelles
on peut aller, des voies qui donnent la vie, et d’autres voies qui ne
la donnent pas. Il faut bien la Révélation pour comprendre dans
quelle direction il faut aller pour coopérer, pour participer et être
dans une unité assumée totale avec Celui qui donne la vie, et
de manière à ce que nous puissions donner aussi la vie. Nous allons
comprendre que plus on est petit, plus c’est facile à faire.
Avant qu’une nouvelle terre soit créée, c’est-à-dire
que le corps de Jésus soit là dans le sein de Marie, le ciel nouveau
est d’abord créé. La création d’un ciel nouveau
est révélée par l’Ange Gabriel dans l’Evangile
de Saint Luc par trois verbes : obumbrabit, superveniet et concepiet. Le Père,
le Fils et le Saint-Esprit vont tout faire.
L’Ange Gabriel dit à
Marie: « ne t’inquiète pas Marie, n’aie pas peur, laisse-toi
faire :
la toute puissance du Très Haut te prendra sous son ombre, la paternité
de Dieu le Père, de l’Absolu, va t’envelopper, va t’étreindre,
va te prendre sous son ombre (sa présence), va te faire encore plus petite,
la première personne de la Très Sainte Trinité va t’obombrer.
C’est le ciel, c’est-à-dire l’intériorité,
la vie même personnelle toute engagée, toute mobilisée de
Dieu le Père qui va t’obombrer : obumbrabit tibi omnipotens (implosion)
de l’intérieur de toi-même, le Saint Esprit va survenir,
fulgurer. C’est toute l’intériorité de la toute puissance
d’amour du Saint Esprit qui va se mobiliser en entier pour survenir en
toi : superveniet in te (explosion).
et tu vas concevoir Dieu le Fils, le Verbe de Dieu, dans ta chair et on l’appellera
le Fils du Très Haut, il s’assiéra sur le trône de
David : concepiet (conception). »
Ces trois opérations ont lieu en même temps : l’opération
du Saint Esprit, l’obombration du Père et la conception du Fils.
Quand Marie conçoit le Fils, l’opération du Saint Esprit
permet qu’ait lieu l’obombration du Père. L’intériorité
des trois Personnes de la Très Sainte Trinité se mobilise dans
l’amour, devant le péché du monde. Parce que Dieu est amour,
Dieu créé par amour, pour l’amour, dans l’amour et
avec amour. Nous sommes séparés de Dieu donc il y a un renversement
en Dieu, et cette conversion de Dieu se tourne vers ce qu’il y a encore
de parfait, cet amour entre l’homme et la femme dans l’unité
sponsale et dans l’esprit de virginité et dans l’amour intégral
de Dieu : il y a le poids ontologique de l’unité sponsale, il y
a l’image ressemblance de Dieu entre un homme et une femme qui s’aiment
et qui sont totalement unis, intégralement, et de manière totalement
pure et sainte. Là, tout en Dieu va se convertir de ce côté
là, se précipiter dessus, et créer un ciel nouveau à
partir de là, de cette terre ancienne qui est quand même parfaite
dans sa pointe.
Que s’est-il passé en
Marie ? Marie était comme nous quand on dit : « je vous salue Marie
pleine de grâces » et que nous voudrions que tout s’ouvre
dans un flash extraordinaire, et que le mystère que nous méditons
réalise toutes ses fécondités par surabondance et au centuple.
Nous sommes comme elle, elle est comme nous, elle est notre sœur de ce
point de vue là, elle n’est pas plus puissante que nous, beaucoup
plus simple que nous.
Dans son abandon, dans son oui, dans son acte de Foi, elle dit oui à
l’opération du Saint Esprit, elle dit oui à se laisser emporter
jusque dans l’intérieur de Dieu le Père, qui l’a enveloppée,
et elle dit oui à la conception. Elle dit oui au fait que Dieu ne cesse
de regarder Dieu et elle se laisse prendre par cela. Le Saint Esprit est venu
sur elle du dedans d’elle-même. Ce n’est pas une boule qui
chute sur sa tête, ce n’est pas une colombe qui est arrivée,
toute lumineuse, ni une nuée glorieuse, comme au Thabor, ni le buisson
d’épines qui brûle devant Moïse. Ce n’est pas
une pentecôte, parce qu’une pentecôte se reçoit toujours
de l’extérieur. C’est du dedans de l’endroit où
dans sa chair, elle est remplie d’amour de Dieu grâce à l’amour
qu’elle a pour sa moitié sponsale. Elle vit vraiment de l’unité
sponsale parfaite, de l’amour du prochain et de l’amour de Dieu
dans un seul acte, elle est corporellement toute habitée par cet amour
dans l’unité sponsale. Dans la sponsalité, elle ressemble
dans ces endroits d’elle-même les plus profonds où elle est
dans l’amour avec Saint Joseph, son mari, sa moitié sponsale, ce
qui fait qu’elle disparaît, elle n’existe plus, elle ne se
regarde plus elle-même. Et même Saint-Joseph elle ne le voit plus
puisqu’elle ne regarde plus que cet amour mutuel qu’ils ont ensemble.
Ils ont donc disparu tous les deux : lui a disparu, il ne vit que de ce que
vit l’Immaculée Conception, et elle a disparu, elle est toute blottie
dans cet amour mutuel qu’elle a avec lui et dans ce qui apparaît
qui est tellement semblable à ce qui se passe dans la Très Sainte
Trinité, dans quelque chose de petit, de simple, à Nazareth. Parce
que dans la Très Sainte Trinité c’est bien ce qui se passe
: deux personnes disparaissent l’une dans l’autre, ne se regardent
plus elles-mêmes, ne regardent plus que leur amour mutuel et c’est
l’Esprit Saint. Ceci se réalise en Marie d’une manière
parfaite et à travers la signification sponsale du corps féminin.
Elle est toute émue, engloutie, elle a disparu dans cet amour mutuel
avec Joseph. Et le pape dit que c’est cela qui a été assumé
dans le nouveau ciel. Parce que le ciel est la communion des trois Personnes
de la Très Sainte Trinité : la communion de l’Epoux (Père)
et de l’Epouse (Fils) qui fait qu’ils ont disparu dans leur amour
et qu’il n’y a plus que l’Esprit Saint. Il y a alors cette
conversion de Dieu dans l’image ressemblance de Dieu absolument parfaite,
réalisée à l’intérieur de Marie au plus profond
d’elle-même, au plus profond de son cœur, au plus profond de
sa substance, au plus profond de son esprit, au plus profond de sa sainteté.
Au plus profond de sa chair et de son sang aussi. Il y a cette unité
sponsale avec Joseph, elle est toute engloutie dans cet amour mutuel, dans cette
unité sponsale, elle a disparu et elle ne vit que de ce breuvage merveilleux
de la présence de Dieu dans l’océan du reflet de l’image
ressemblance de Dieu dans cet amour mutuel où elle s’est perdue.
C’est ce qui s’est passé. Alors quand l’Ange Gabriel
lui parle, elle n’a pas envie de sortir de ça. Elle sait très
bien qu’il ne peut pas y avoir de cause diminuante dans l’ordre
de l’amour, elle ne peut pas revenir en arrière pour avoir avec
Joseph un autre type de relation qu’une relation aussi parfaite dans l’unité
de chair, et donc elle dit « comment cela doit-il se faire ? ».
Gabriel lui répond : « ne t’inquiète pas, ce n’est
pas ça. Obumbrabit tibi, superveniet in te, concepiet. Tu vas te laisser
prendre, puisque tu es dans cet amour mutuel, tu touches l’ombre de la
paternité de Dieu. L’Epoux, c’est Dieu. Joseph et toi, et
votre unité sponsale, vous êtes dans la Très Sainte Trinité.
Nous nous touchons, laisse-toi obombrer, à travers cet amour mutuel où
tu t’es perdue, par la paternité de Dieu qui va t’envelopper.
Effectivement, cette survenue du Saint Esprit qui surgit de l’unité
du Père et du Fils, des deux premières personnes de la Très
Sainte Trinité, cette survenue surgit de cet amour incarné, en
elle. Et c’est de là que va jaillir cette supervenue du Saint Esprit.
Marie vit de ce que le Père et le Fils vivent : ils ne vivent que de
l’Esprit Saint. L’Ange a permis d’établir le contact
entre l’unité sponsale incréée du ciel (entre l’Epoux
et l’Epouse), et cette communion des personnes sur la terre, et aussitôt
Marie dit Oui. Cette complémentarité entre le ministère
divin, le ministère angélique et le ministère humain, est
vraiment extraordinaire. C’est purement contemplatif. L’Ange est
un contemplatif par essence. C’est pour cela que quand on dit le rosaire,
il faut qu’on le dise de manière contemplative, en union avec tous
les mondes spirituels purs créés par Dieu qui veulent à
travers notre méditation du rosaire, découvrir grâce à
nous toutes les amplitudes de fécondité surnaturelle incarnée
et incréée de ce mystère, dans leur rencontre qui glorifiera
Dieu dans la Jérusalem glorieuse et grâce à cela ils seront
pluis intensément intégrés dans la Jérusalem glorieuse
(pour l’instant ils n’y sont pas complètement intégrés).
Marie est assimilée, emportée dans le nouveau ciel, avec cet amour
mutuel, incarné, qu’elle a pour Joseph (nous allons au ciel dans
l’union d’amour, ensemble, dans une communion avec le cœur
de celui que Dieu met proche de nous, et alors nous pouvons être dans
une communion totale avec tous les autres). Marie voit alors ce que Dieu voit.
Dieu est un esprit pur empli d’amour, un contemplatif, Il ne cesse de
voir la splendeur de Dieu, Dieu de l’intérieur, dans tout son absolu,
dans toutes ses dimensions. Dieu le Père voit Dieu, Il contemple Dieu,
Il est éperdu, Il est face à son intime, Il conçoit, Il
aime. C’est pour cela qu’il y a deux personnes : Dieu qui voit,
c’est le Dieu le Père, Dieu qui est vu, c’est Dieu le Fils,
le Verbe de Dieu, le Dieu vivant. Dieu qui fait vivre Dieu, qui lui donne la
vie, c’est le Père, Dieu vivant, c’est le Fils. Dieu donne
la vie à Dieu en regardant Dieu. Qui regarde Dieu ? C’est le Père.
Qui est ce regard de Dieu, et Dieu qui est vu (contemplation de Dieu) ? C’est
Dieu le Fils, le Verbe.
Si nous allons jusqu’au bout de la charité par la foi, si nous
allons jusqu’au bout du pardon par la foi, si nous allons jusqu’au
bout du pardon avec celui qui est proche de nous, notre ennemi, nous pouvons
dire « je vous salue Marie ». Et la supervenue du Saint Esprit,
l’obombration du Père se produisent. Nous entrons immédiatement,
grâce au message de l’Ange « je vous salue Marie »,
dans tous les horizons, dans tous les espaces, dans toutes les intensités,
et nous allons opérer à l’intérieur de Dieu une conversion.
Dieu va se tourner vers nous et de l’intérieur nous saisir et tout
faire exploser. Notre âme, notre chair et notre sang vont prendre les
dimensions du Saint Esprit. Exactement en même temps, simultanément,
nous sommes obombrés par Dieu le Père, le Saint Esprit nous ayant
mis dans tous les espaces intérieurs de l’amour de Dieu, c’est
Dieu le Père qui est dans cet amour et qui nous prend, et nous serons
dans le sein de Dieu le Père puisque le Saint Esprit enflamme le Père
et le Fils, nous serons tout rassemblés dans Dieu le Père. C’est
l’obombration. Nous sommes alors dans une petitesse incroyable, beaucoup
plus petits que la moindre parcelle de matière de notre monde. Et le
temps ne dure pas, c’est aussi petit que le plus petit instant de notre
monde. Et c’est là-dedans que nous sommes engloutis, et que Dieu
le Père et nous, sommes assimilés l’un à l’autre.
Nous devenons la lumière de la nuit de Dieu le Père. Le Père
n’est pas la lumière, le Père est source de la lumière.
C’est le Fils qui est lumière, mais c’est le Père
qui fait la lumière, qui fait que Dieu est lumière. Jésus,
le Fils, le Verbe, est lumière né de la lumière. La lumière
vivante de Dieu est Dieu le Fils. Le Père est origine de la lumière,
Il est lumière dans sa source, dans son principe. L’Ange Gabriel
dit à Marie : « Il t’obombrera », c’est une nuit,
c’est une grande obscurité.
C’est la fulgurance du Saint Esprit qui devient en Marie la lumière
dans l’ombre du Père. Et l’ombre du Père, cette nuit,
cette source de la lumière divine, grâce à l’amour
du Saint Esprit, va entièrement absorber cette lumière de l’Immaculée
Conception. Elle devient donc avec le Père, source de la lumière
de Dieu, source du Dieu vivant, source de la deuxième personne de la
Très Sainte Trinité. Elle va voir à l’intérieur
d’elle ce que Dieu le Père voit à l’intérieur
de Lui lorsqu’Il se regarde Lui-même : Il voit Dieu. Lorsqu’elle
se regarde elle-même avec le même regard, la même puissance,
la même intensité, la même extension, la même éternité
et la même simplicité que Dieu le Père, elle voit que c’est
Dieu qui est en elle et qui est vivant. Elle le conçoit.
Voilà pourquoi on dit que Marie est mère de Dieu. Et nos frères
Martin Luther et Calvin ont bien tort quand ils disent qu’elle est mère
de Jésus. Elle est mère de Dieu, elle engendre Dieu le Fils.
Et que fait Dieu le Fils dans cette opération admirable ? Se laisse-t-il
faire ? Pas du tout. Les trois personnes de la Très Sainte Trinité
opèrent. Dieu le Fils est face à face avec Dieu le Père,
le Verbe est en Dieu, Il est Dieu. Il voit. Par l’acte de foi de Marie,
Jésus voit que Marie est là. La présence de Marie (par
son acte de foi), dans son propre principe à lui, qui est Dieu le Père,
cette présence de Marie engendre dans Dieu le Fils un regard sur l’humanité
qu’il va assumer. Jésus regarde Marie, assimilée à
la première Personne de la Très Sainte Trinité, par un
miracle qui vient du Saint Esprit, un miracle de création céleste
incréé pur. Il opère, il se convertit lui-même et
regarde, considère, est attentif, de son éternité, à
cette humanité rendue présente par la foi de Marie dans le sein
de Dieu le Père, assimilée à Lui, et elle engendre ce regard
de Dieu le Fils vis à vis de son incarnation. Ce regard va réaliser
sa présence intime dans le sein de Marie jusque dans son humanité
de femme. Marie emportée à l’intérieur de Dieu par
son acte de foi, aura converti, c’est-à-dire aura réalisé
une relation vivante intime différente de chacune des trois personnes
de la Très Sainte Trinité vis à vis de la terre. Pour cela,
son acte de foi l’aura emportée à l’intérieur
de Dieu. Cette exacte et absolue création du nouveau ciel s’est
réalisée au « je vous salue Marie » quand Marie a
dit oui.
Cette création d’un nouveau ciel est une assomption. Le Père
a pris Marie, le Fils de Dieu l’a regardée et il s’est saisi
de son intérieur pour y habiter, c’est une assomption. Dieu a fait
cela de son éternité. Il assume dans un même acte la foi
de Marie au premier instant, à l’annonce de l’Ange, et Marie
dans le quinzième mystère du rosaire. Tous les instants de la
vie de Marie ont été assumés dans ce même instant.
Dans les mystères du rosaire, tout est une assomption. Il faut comprendre
ce que veut dire ce mot : assumer. C’est tellement extraordinaire. Nous
comprenons alors que nous sommes des fils de Marie, nous sommes Marie nous-mêmes,
nous sommes modelés par le corps mystique de la grâce chrétienne,
la grâce de l’Immaculée, la grâce immaculée
et sainte de Jésus, qui fait que fait que nous sommes avec Marie cette
plénitude de grâce de Jésus. Nous y sommes mêlés,
nous sommes emportés avec elle, nous allons nous laisser assumer comme
elle, avec elle et en elle (création du nouveau ciel), pour réaliser
le mystère de la transformation et de la création d’une
nouvelle terre. L’assomption est d’abord la création d’un
ciel nouveau, avant d’être la création d’une terre
nouvelle.
« Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ».
Marie s’est laissée assumer et elle a vu ce que Dieu le Père
voit quand Il voit Dieu. Elle a vu en elle. Quand vous voyez quelque chose,
vous le concevez. Supposez quelqu’un qui ne sait pas du tout ce qu’est
l’amour spirituel, qui ne connaît que l’amour sentimental,
l’amour sexuel, l’amour débridé, l’amour frelaté,
l’amour esthétique, etc. Et l’amour spirituel vis à
vis de quelqu’un, l’amour sponsal par exemple ? Je connais des gens
qui vivent le mariage de manière magnifique, avec une amitié profonde,
un amour conjugal, mais c’est seulement au bout de trente ou quarante
ans de mariage que pour la première fois ils ont découvert l’amour
sponsal. Avant ils ne connaissaient pas. Ils ne savaient même pas que
ça existait. Au bout de trente ans, d’un seul coup, ils découvrent
l’amour spirituel. Ce n’est pas quelque chose que vous découvrez
dans un spectacle avec vos yeux. C’est de l’intérieur que
vous découvrez l’amour. Dès que vous découvrez l’amour,
vous pouvez mettre un mot dessus : ça c’est de l’amour spirituel.
Vous savez même le dire, si vous le dîtes c’est qu’il
y a un verbe intérieur, c’est qu’à l’intérieur
de vous vous portez cette expérience. Dès que vous expérimentez
quelque chose, votre intelligence la regarde, la découvre, et vous concevez.
Dans une expression courante, on dit : je conçois tout à fait
ce que vous dites. Cela veut dire que je l’ai compris, mon intelligence
l’a conçu et je le porte perpétuellement en moi. Sous l’action
de la lumière de l’intellect agent, dès que je comprends
quelque chose, je conçois le verbe de cette chose, je le porte en moi.
C’est pourquoi nous portons en nous quelqu’un que nous aimons beaucoup.
Nous concevons un verbe de cette personne. L’intelligence engendre quelque
chose de vivant en elle en concevant. C’est une conception. Elle conçoit
un verbe. C’est l’abstraction : nous sommes capables d’abstraire
de quelque chose sa substance et nous la portons en nous. Si Jeanne d’Arc
m’apparaît, je vais la comprendre, je vais concevoir, je vais la
porter au dedans de moi. Je ne vais pas prendre ses cheveux, ses habits et les
mettre à l’intérieur de moi, je vais abstraire d’elle
ce qu’il y a d’immatériel en elle, je vais la porter spirituellement
en moi, je vais concevoir en moi un verbe de sa présence, et elle sera
présente réellement en moi, il y aura un lien vivant réel
entre elle et moi par l’union contemplative.
Quand Dieu voit Dieu, Il conçoit Dieu. Dieu qui est porté, c’est
Dieu vivant, c’est Dieu le Fils, c’est le Verbe.
Voyez ce que fait l’acte de foi pris dans l’amour. Il faut qu’il
y ait l’amour (pour la charité), l’espérance (pour
la grâce), le pardon dans notre cœur, sinon l’acte de foi ne
pourra pas provoquer cette opération absolument divine, l’acte
de foi ne pourra pas dire le « je vous salue Marie » de la manière
qui convient pour la vie contemplative du rosaire, pour la réalisation
des grands desseins de Dieu. Il faut souhaiter avoir reçu des injures
et des souffrances ce jour-là, pour pouvoir plus profondément
réactualiser cet amour et ce pardon jusqu’au bout. Alors je fais
l’acte de foi avec Marie, Marie le fait avec moi, et dans notre mutuelle
communion éperdue, ni elle ni moi mais tous ensemble, nous allons recevoir
« je vous salue Marie ». Nous allons être en contact avec
cette conversion : la création d’un ciel nouveau. Je vais rejoindre
l’endroit où Marie s’est trouvée au terme de son acte
de foi et où elle a été assumée. A cet instant où
elle a été assumée, où elle avait treize ou quatorze
ans, elle a touché à l’intérieur de Dieu l’instant
éternel où elle était glorifiée, elle a vu Dieu
de son éternité, par l’opération du Saint Esprit.
Elle a été en contact direct avec la gloire qu’elle avait
dans sa petitesse de créature comme Reine Immaculée du ciel et
de la terre entièrement assumée dans la gloire. Elle a vu. Pour
elle, il y a eu plusieurs instants d’assomptions successives sur la terre,
mais Dieu dans l’éternité l’a assumée une seule
fois. A chaque fois que nous allons dire « je vous salue Marie »,
nous rentrons dans notre propre assomption, celle de la fin comme celle du début,
comme celle de Marie, comme celle de la Jérusalem glorieuse. En faisant
cela, nous détournons l’attention de Dieu sur la lumière
surnaturelle de la foi qui est en nous, en communion avec la Jérusalem
spirituelle immaculée. Il y a vraiment un détournement, une conversion
et donc une assomption. Nous engendrons alors un regard de Dieu le Fils sur
l’humanité qu’il va assumer. Dieu le Fils a assumé
dans Marie la première cellule pour s’incarner, Il a assumé
dans le même acte la résurrection de Jésus, toutes les résurrections
futures, la glorification de la Jérusalem céleste, en une seule
fois.
Le livre de l’Apocalypse fait tout comprendre. On comprend surtout qu’on
n’avait pas tout compris, et c’est déjà énorme
(… On ne peut pas saisir qu’on est dans les ténèbres
si l’on n’a pas eu la lumière).
C’est difficile de comprendre, d’aimer, de travailler, de faire
un acte de volonté quand on n’a aucune volonté, mais c’est
facile de faire un acte de foi, de dire : oui, je veux croire, je crois de façon
inconditionnelle et je me laisse entièrement pénétrer dans
cette adhésion de la foi, je fais surgir du dedans de moi la lumière
surnaturelle de la foi, c’est bien cela que je veux, je suis en plein
accord avec cela, je me laisse choisir par cela. J’ai ce pouvoir de faire
un acte de foi parce que j’ai reçu la puissance du baptême.
Il suffit que je mette tout mon amour, tout ce qu’il y a de plus simple
en moi, pour dire : je veux faire cet acte de foi, de tout mon cœur, je
laisse tomber tout le reste. Avec cet amour, cette perfection, cette grâce
du baptême, cette pénétration de la vie divine qui est en
moi, cette Immaculée Conception qui est en moi, je vais dire le oui de
l’acte de foi, je vais le faire en laissant tomber tout le reste.
Si nous faisons cet acte de foi en le disant, en le pensant, en l’agissant,
en l’intériorisant et en l’extériorisant, si nous
faisons tout cela en même temps, en adorant, dans l’amour, avec
toute notre ferveur, toutes nos forces, toute notre chair, tout notre sang,
sans aucune hypocrisie, alors nous sortons du monde et faisons un acte de foi.
Tout le monde peut faire cela, s’il est baptisé, même s’il
est en état de péché mortel, même s’il ne s’est
pas confessé, s’il n’a plus la grâce. L’acte
de foi de quelqu’un qui est baptisé et l’acte de foi de Marie,
c’est le même acte de foi, c’est la même puissance.
Je vais faire un acte de foi comme elle, d’ailleurs je vais le faire avec
elle, en laissant tomber tout, en disant oui. Elle a dit oui à la parole
de l’Ange, à l’opération du Saint Esprit, à
sa supervenue, elle a dit oui par la foi à cette obombration de Dieu
le Père, elle a dit oui à cette assomption de Dieu le Fils qui
regarde l’humanité à travers Dieu le Père. Dieu le
Fils ne cesse de regarder Celui d’où Il vient pour se réfugier
au-dedans de Lui, et s’en réjouir, et y disparaître dans
le repos. Mais dès qu’Il voit l’acte de foi de Marie, Il
considère l’acte de foi de Marie pour s’y engloutir et s’y
reposer aussi de l’intérieur, et Il assume l’acte de foi
de Marie. Assumer l’acte de foi de Marie à son terme est ce qui
est dit dans l’Apocalypse : Dieu créa un ciel nouveau. C’est
du côté de Dieu. De notre côté, il n’y a qu’une
chose à faire : faire l’acte de foi. Savoir à quoi nous
adhérons.
Nous adhérons à la parole de la Révélation de l’Ange
: « je vous salue Marie pleine de grâce », l’Esprit
Saint superviendra du dedans de toi, tu seras assimilée à Dieu
le Père, et Dieu le Fils t’assumera pour s’incarner. Là,
un nouveau ciel, avec la lumière surnaturelle de la foi, l’opération
du Saint Esprit nous fait pénétrer dans la Très Sainte
Trinité avant la création du monde, et contribuer à faire
cette conversion de chacune des Personnes de la Très Sainte Trinité
pour qu’elles opèrent toutes les trois et que le règne du
Christ puisse descendre là où nous sommes et qu’il puisse
y avoir la création d’une nouvelle terre.
Vendredi 6 décembre 2002
Nous allons rentrer dans le premier
mystère du rosaire, avec cet Evangile d’aujourd’hui. Cet
Evangile dit une chose toute simple, c’est qu’il faut être
disponible au passage de Dieu. Le passage de Dieu ne se voit pas à l’extérieur,
il ne se voit même pas à l’intérieur. Au bord du puits,
des enfants pleurent, et vous n’avez pas pleuré, d’autres
enfants jouaient et vous n’avez pas joué. Jean Baptiste faisait
pénitence, et vous dites : si vous faites pénitence vous êtes
de Dieu. Jésus lui était avec les publicains et les pêcheurs
et il avait l’air très content avec eux, et vous dites : ce sont
les gens tolérants qui sont avec Dieu.
Non, ça ne se mesure pas de cette manière là. Qui peut
dire que Jésus sur la croix est très content, et qu’il jubile
au repas des pêcheurs, et qui peut dire que Jean Baptiste était
un homme triste ? La grâce de Dieu opère de manière à
faire en sorte que nous soyons disponibles à la volonté de Dieu.
C’est l’Esprit Saint qui nous fait vivre, et Il nous mène
dans les voies, dans les chemins, dans les lumières, dans les horizons,
dans les mouvements anagogiques (c’est à dire qui dépassent
tout, qui font tout exploser, qui nous surprennent). C’est bien ce que
fait la grâce, qui nous met dans un état profond de disponibilité,
de disposition du cœur, tranquille, confiante, continuelle, perpétuelle,
toujours prête à dire oui, toujours prête à acquiescer.
Et si c’est la souffrance qui vient, si c’est l’absence de
Dieu, il y a la résignation tranquille, heureuse même. Si c’est
le surgissement de Dieu, il y a cette tranquille assurance que nous sommes libres,
et en même temps cette crainte de Dieu qui fait que nous ne voudrions
pas laisser une quelconque possibilité à notre volonté
de dérouter cette présence de Dieu, de la faire partir et d’empêcher
qu’elle réalise ce à quoi elle veut faire aboutir le monde
à travers nous.
Le premier mystère joyeux c’est cela, c’est l’annonciation.
L’annonciation a été faite sur une terre sereine, confiante,
disponible, vierge. L’esprit humain est une terre vierge. Là où
nous ne sommes pas vierges, où il y a des réticences, c’est
dans notre âme. Mais dans notre esprit, nous sommes libres.
Le grand peintre Bouguereau, représente l’union de l’âme
et de l’esprit par un ange très jeune qui vole dans les airs –
il représente le pneuma, la partie spirituelle - et il emporte avec lui
l’âme, la psuchè, représentée par une jeune
fille toute extasiée en lui, en plénitude complète d’abandon.
Ils sont emportés dans les cieux dans une ascension extraordinaire.
Si l’âme est entièrement abandonnée dans l’esprit,
l’esprit peut la conduire, alors elle s’extasie. C’est l’esprit
qui est disponible, l’âme n’est pas disponible. L’âme
est prise par le corps, elle est prise par les séquelles du péché
originel, par les conséquences de nos fautes, par ces attaques continuelles
qui nous viennent de ce monde, de l’esprit du monde. Mais notre esprit
à nous, lui, est libre. Alors, à cause du corps qui a besoin de
sommeil, l’âme se laisse prendre la nuit par le sommeil et s’assoupit.
C’est pourquoi Jésus dit : « soyez vigilants ». Le
jour, l’âme s’engourdit, à cause de la tristesse, de
l’amertume et du poids de toutes les émotions et des sentiments.
Cet engourdissement de l’âme est le contraire de la disponibilité.
C’est parce que les vertus spirituelles ne sont pas là, parce que
nous n’avons pas laissé cette liberté spirituelle prendre
possession de notre âme. Si notre esprit emporte notre âme, elle
illumine notre corps et déroute nos tristesses et nos amertumes parce
qu’elle les prend par le dessous. Le monde du mal, l’esprit du monde
dans lequel nous sommes, est un esprit déroutant qui nous alourdit étrangement,
parce qu’il nous met en colère ou qu’il nous attriste. Il
nous met en colère si nous pensons que nous pouvons encore faire quelque
chose, c’est à dire si nous sommes dans l’illusion. Et il
nous attriste si nous pensons qu’il n’y a plus rien à faire,
que de toutes façons nous n’en avons pas la force. Celui qui est
dans la tristesse est quelquefois plus raisonnable que celui qui est dans la
colère. Mais celui qui est dans la colère est quelquefois plus
raisonnable que celui qui est dans la tristesse, parce que nous pouvons toujours
faire quelque chose. Il faut dire aussi que face à un certain mal, nous
devons toujours penser que nous ne pouvons plus rien faire : notre secours est
dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Alors nous sommes disposés,
nous comprenons, et c’est l’état dans lequel était
la Vierge : elle était pleinement spirituelle dans son âme, pleinement
spirituelle dans sa chair, pleinement spirituelle dans sa foi, pleinement spirituelle
dans son espérance. Il y avait chez elle cette liberté qui faisait
que l’âme était totalement abandonnée à sa
vie contemplative.
Sur cette peinture d’une beauté extraordinaire, le jeune homme
porte avec lui son âme. Il est le pneuma - la vie contemplative amoureuse
et libre - représenté avec deux ailes, il emporte l’âme,
il emporte cette jeune femme complètement engloutie en lui. Cela représente
un peu l’unité sponsale. Et il y a quelque chose de sponsal à
l’intérieur de nous, sur le plan de la lumière et de l’esprit.
La vie contemplative épouse notre lumière, et notre lumière
est l’épouse de notre vie contemplative. L’âme est
fabriquée avec de la lumière, et cette lumière ne fait
rien si elle n’est pas elle-même emportée en permanence à
l’intérieur de la vie contemplative qui l’absorbe. Elle s’abandonne,
elle s’écoule délicieusement et elle se laisse emporter
par la vie contemplative, par la vie extatique, par la vie amoureuse, par la
liberté spirituelle.
Le ravissement de Psyche
William Adolphe Bouguereau (1895)
Marie, dans le premier mystère, est disponible, elle est pleinement spirituelle.
Le premier mystère joyeux, l’annonciation, a pour fruit la disponibilité
à la volonté de Dieu, la disponibilité spirituelle, la
disponibilité du corps, la disponibilité des actes, la disponibilité
du cœur, la disponibilité intérieure.
S’il y a du mal dans le monde, nous le portons par le dessous, librement,
nous ne nous laissons pas abattre si nous sommes dedans et que cela nous fait
de la peine, nous attriste ou nous met quelquefois en colère. Nous vivons
l’abattement, la tristesse, la colère, si nous sommes encore dans
l’esprit de ce monde. Dès que nous sommes spirituels, dès
que notre âme est ajustée à notre vie contemplative, à
notre esprit, dès que nous sommes libres spirituellement, lorsque nous
sommes des hommes normaux, dès que notre terre est un peu vierge, alors
dès ce moment nous prenons les choses par le dessous. Nous sommes dedans,
nous en souffrons, c’est évident, mais nous n’en sommes ni
tristes ni accablés, cela ne nous met pas en colère. Au contraire,
nous le prenons par le dessous, nous le portons en nous, et cela nous donne
l’occasion de supplier au milieu de la tempête de l’esprit
de ce monde, qui est une tempête contre l’esprit justement, pas
contre l’âme . Cette période chrétienne où
l’on disait qu’ « il faut vivre de l’âme »
est malheureuse, car comme dit le livre de la genèse, Dieu a créé
l’homme esprit de vie. La contemplation, l’amour et la liberté.
La mémoire de Dieu en nous est libre, toute disponible, toute en attente.
Dieu nous a créés avec cette liberté originelle où
nous étions vraiment capables d’être tout accompagnés
de Dieu, tout accompagnant Dieu, partout où Il crée tout ce qui
existe, avec cette contemplation toute simple et cet amour tout donné
de Dieu qui s’exprimait à travers nous dans notre liberté
originelle. Lorsque Dieu nous laissa ainsi dans notre âme, et dans notre
chair tandis qu’elle assurait sa croissance, l’esprit de vie qui
était nous même était tout en attente de la prochaine visite
de Dieu pour dire oui, pour recommencer plus avant. C’est cela qui est
tué par l’esprit du monde. Ce n’est pas l’âme.
L’âme vit toujours. Donc le démon, le péché,
l’orgueil, empêche l’esprit, cette liberté spirituelle,
de s’exprimer.
Le premier mystère joyeux nous montre que Marie était restée
toujours libre. Elle n’était accablée par aucune tristesse,
elle ne s’extériorisait dans aucune joie terrestre non plus. Sa
joie était profonde, son allégresse, son union et sa confiance
étaient absolues, sa sérénité était joyeuse,
sa vie contemplative était toujours disponible, et quand l’Esprit
Saint est venu, elle était là. Elle souffrait beaucoup, c’est
évident, puisque, étant libre spirituellement, elle portait toutes
les détresses du monde, elle les percevait d’une manière
infiniment délicate et très sensible, dans une vulnérabilité
que Dieu n’a encore jamais vue et ne verra jamais plus sur la terre. Une
vulnérabilité de l’esprit et de l’âme tellement
grandes, face à cette détresse absolue de tous les enfants de
Dieu. Elle les porte par le dessous. Elle a vu tous ces soldats romains, ce
massacre des Saints Innocents, la cruauté d’Hérode, elle
a assisté à toutes ces choses avec une très grande présence,
elle était dans ce monde au milieu de tout cela. Elle n’a pas dansé,
elle n’a pas joué de la flûte, elle n’a pas pleuré.
L’Evangile d’aujourd’hui est beau. Elle a porté tout
cela en pleurant de la souffrance de Jésus, en pleurant de la souffrance
de Dieu, en pleurant de la souffrance du Messie, en pleurant de la souffrance
de cette impossibilité pour Dieu de pénétrer par son Messie
dans l’esprit des enfants des hommes. Elle souffrait énormément
de cela. Elle était une terre toute souffrante, toute portante par le
dessous, et donc toute douce, toute attentive, parce qu’elle savait que
le secours viendrait de Dieu. Le secours ne peut venir que de Dieu. Le secours
ne peut venir que de Jésus. Elle le savait et donc elle suppliait, et
plus la détresse grandissait, moins elle était triste. Et plus
les gens mettaient leur joie dans les bonheurs terrestres, moins elle vivait
de cette joie. Et plus elle suppliait : « pitié pour nous, Seigneur,
pitié », et elle était toute attente comme quand l’Esprit
Saint a troué, déchiré le ciel du monde spirituel de Marie
pour jaillir du dedans d’elle-même et faire voir dans le diaphane
de l’espace de sa maison à Nazareth, dans la grotte, un visage
glorieux que Dieu créa à ce moment là pour elle, le visage
de Gabriel. Quand il l’a saluée, alors cette disponibilité
de Marie a montré ce qu’elle pouvait signifier : c’était
une disponibilité à la Parole de la Très Sainte Trinité.
L’Ange Gabriel est envoyé par Dieu et il lui dit « Kaïrè
Myriam », « réjouis-toi » en grec, ce qui vient certainement
de l’araméen, « Shalaom imakh, Myriam », « paix
à toi ». Paix et joie. L’Esprit Saint en Marie a ouvert cette
porte de Dieu le Père, Gabriel apparaît. Il est l’Ange de
l’incarnation, l’Ange de Dieu le Fils, l’Ange qui est contemplation
de la force de Dieu dans l’homme et la force de l’homme en Dieu.
Gaber-El est contemplation éternelle de la force de Dieu dans l’homme
et la force de l’homme en Dieu.
Nous avons vu la dernière fois ce qui se produit à chaque «
je vous salue Marie ». C’est la rencontre prodigieuse entre l’allégresse
spirituelle et la paix, à l’intérieur d’une disponibilité
ardente. C’est la rencontre de ces trois vertus surnaturelles, surnaturellement
informées par les actes continuels que Marie fait au milieu de l’esprit
de ce monde. Ce sont ces trois vertus surnaturelles qui ont mérité
l’ouverture du ciel.
Quand nous disons le rosaire, nous allons dire cette dizaine en demandant cette
vertu, cette disponibilité, pour que le salut, pour que l’acte
de Dieu venant recréer notre vie spirituelle perdue, nous re-dispose
à faire des actes de disponibilité surnaturelle, des actes d’allégresse
spirituelle surnaturelle, et aussi des actes de paix surnaturelle profonde,
et pour que notre disponibilité courre sur les deux bras de cette rencontre
entre le Kaïrè grec (réjouis-toi) et le Shalom hébreux
(paix à toi). « Pleine de grâce » : voilà ce
qui émane de la grâce surabondant en vie divine, la vie surnaturelle,
la grâce sanctifiante, l’union avec ce qu’il y a à
l’intérieur de l’intimité divine. Alors, à
partir du moment où il y a cette vertu, petit à petit une absorption
du péché du monde se fait, à l’intérieur de
ces trois vertus. C’est ce qui se produisait avec l’Immaculée
Conception : un phénomène d’absorption. La grâce est
plus forte que tous les péchés du monde. Une seule goutte de grâce
a plus de poids dans la balance, que tous les péchés de tous les
temps et de tous les lieux. Voilà pourquoi nous mettront toutes nos forces
dans la grâce, pour ne pas mener un combat inutile. Sinon, le combat est
perdu d’avance, ce que l’Immaculée Conception avait bien
compris. Elle était elle-même celle qui avait été
continuellement habitée par cette grâce. Elle est la grâce
incarnée.
A partir de ce moment là, si nous sommes disponibles, l’Esprit
Saint passera, l’Ange va passer et le Père, la Première
Personne de la Très Sainte Trinité, va pouvoir s’adresser
à nous pour voir Son Fils à travers notre disponibilité
joyeuse et pacifique. Cette mutuelle complaisance de notre disponibilité
joyeuse et pacifique avec cette visite de Dieu va pouvoir réaliser le
mystère de l’incarnation. Notre disponibilité est joyeuse
et pacifique, surnaturelle (ce n’est pas une disponibilité psy),
contemplative, simple, humble, chaleureuse, aimante, souffrante aussi, suppliante,
vaste comme tous les temps et tous les lieux du monde et elle porte toute de
suite par le dessous le péché en le supportant. Quand nous sommes,
comme l’Immaculée, très sensible au mal, au péché,
au mensonge, que nous en souffrons trop, le seul moyen de survivre est de supporter
en suppliant, être tout disponible. C’est l’humilité,
elle passe toujours par le dessous, sinon elle ne peut pas vivre, c’est
impossible. Elle ne peut le prendre que dans une très grande humilité
en disant : « nous ne pouvons rien faire, mais nous avons de quoi porter
tout, joyeusement parce que nous savons que Dieu va tout faire, et pacifiquement
parce que nous sommes dans l’unité avec cette rédemption
à venir et avec cette grâce toute puissante de Dieu qui est miséricordieuse,
délicate et simple ». Et alors, nous supplions : « pitié
Seigneur, pour ceux qui te blasphèment, pour ceux qui te fuient, pitié
pour cet esclavage de Satan ». Nous portons cela et nous savons que nous
n’avons rien d’autre à faire, que nous avons été
choisis pour cela. Alors Dieu le Père peut voir, dans cette disponibilité
joyeuse et pacifique surnaturelle, il peut voir le fruit de la rédemption
de son Fils. Il peut voir son Fils. Alors Il peut parler. Alors Il peut envoyer
l’Ange. Vous comprenez que s’il n’y a pas cette disponibilité
sereine, tranquille et pacifique, toute confiante dans l’intervention
paternelle de Dieu…
Il ne faut pas se laisser abattre, se laisser engourdir, ni attrister, ni décourager,
mais continuer en sachant tout porter en Dieu, ne pas se porter soi-même
en Dieu, mais savoir tout porter en Dieu dans la disponibilité, tout
porter à son action paternelle, éternelle, vivante. C’est
pour cela que nous sommes joyeux de le faire. Nous ne nous éclatons,
pas, puisque c’est la croix, mais nous sommes joyeux de le faire. Nous
ne sommes pas tristes non plus, nous sommes en paix, parce que nous savons que
Dieu le fera, et nous sommes disponibles pour faire notre part, pour faire tout
ce que Dieu voudra.
Voilà pourquoi Dieu le Père peut voir le fruit de la rédemption
de son Fils, et qu’il peut voir alors l’Immaculée Conception.
L’Immaculée Conception est le fruit de la rédemption de
son Fils. Elle s’exprime dans les actes simples de la petite adolescente,
dans cette disponibilité spirituelle toute éperdue, toute joyeuse,
toute tranquille, toute pacifiée dans l’esprit vivant qui est en
elle. Elle contemple. C’est cela la douceur, l’humilité,
qui va tellement frapper Jésus après en Marie. C’est pour
cela que ce sont les deux seules vertus humaines qui vont faire battre son cœur.
Toutes les autres vertus n’intéressent pas Jésus, il le
dit lui-même : « sachez que je suis doux et humble de cœur
». C’est même le nom qu’on donne en hébreu au
Messie ( le Christ ) : Onction, douceur de l’onction, celle qui s’adapte
complètement au corps qu’on est en train d’oindre de l’intérieur
en le ‘masharant’. Jésus s’adapte de l’intérieur
à toutes les plaies, à toutes les formes, dans l’onction
et la douceur. Ce sont toutes les vertus humaines de Jésus. Il a puisé
cela en Marie dans cette annonciation. Dieu, Jésus, le Verbe de Dieu
a découvert cela, le Père l’a vu cela, l’Esprit Saint
a pu alors supervenir du dedans de Marie et l’emporter en l’assumant
dans Dieu le Père, dans ce que Dieu le Père fait, et alors Dieu
le Fils a pu être dans l’admiration et a voulu épouser et
incarner ces vertus-là pour les donner à tous les membres vivants
de son corps mystique vivant par la grâce.
Premier mystère joyeux, la disponibilité : nous disons oui.
Vous voyez comment cela fait exploser la vertu de religion. La vertu de religion
est la qualité qui fait que nous avons le sens de Dieu, de la religion,
du sacré, mais aussi du respect des lois, des règles. Elle nous
permet de ‘bien gérer’. La vertu de religion est comme un
ballon : quand on souffle dedans et qu’on continue de souffler, il explose.
Il faut le ballon pour qu’il y ait l’explosion. Le but est que la
vertu de religion explose. Dans la disponibilité de la naissance spirituelle
de l’homme, il renaît à une liberté spirituelle naturelle
qu’il avait perdue par le péché. Il ne l’avait pas
perdue complètement, mais quand même bien perdue. Les questions
des moines bouddhistes avec qui j’avais voyagé dans le TGV étaient
: « Quelles sont vos règles ? Quelles sont vos ascèses ?
Est-ce que vous mangez de la viande ? » (la nourriture est très
importante pour ceux qui ont des règles). « Et le sommeil ? Et
comment pratiquez-vous ici l’ascèse méditative ? ».
Je leur ai demandé s’il n’y avait pas autre chose que toutes
ces règles. Ils ont dit qu’il n’y avait rien d’autre.
Je leur ai demandé : « il n’y a pas la sagesse ? »,
ils m’ont répondu : « la sagesse, c’est l’ascèse
». Même quand on croit que Dieu n’existe pas - les Bouddhistes
croient que Dieu n’existe pas -, la vertu de religion cristallise, et
au lieu de nous faire entrer dans la liberté spirituelle, elle nous enferme
dans l’âme et dans la lumière de l’âme, pour
qu’il y ait un repos. Mais alors nous ne sommes plus du tout disponibles
à l’ouverture du ciel et à la parole de l’Ange. Je
pense que vous comprenez : il ne faut pas vivre dans son âme, il faut
vivre dans son oui éternel, dans son oui incarné, dans son oui
à la vérité, dans son oui à l’Esprit Saint,
son un oui à Dieu le Père, « oui, me voici ». Cela
est vraiment extraordinaire. « Me voici ».
C’est cette parole que Marie a prononcée, « Sh M M »(
Shemem en hébreu ), « Fiat » en latin, « que ce soit
ainsi fait : c’est oui ». Le premier mot que les petits enfants
prononcent en Israël, avant de dire ‘abba abba’, ou ‘imma
imma’ pour maman, ou ‘alléluia’, c’est : Sh M
M ( Sh-m ). Ce doit être très difficile à dire pour un nourrisson
: Sh-m, Sh-m, Sh-m .
Shm’a : écoute Israël, ‘Shm’a Israël, Adonaï
Elohenou Adonaï Erhad’. ( Ecoute, Israël, le Seigneur est notre
Dieu, le Seigneur est Un )
Il s’agit donc des lettres de l’alefbet : Shin et Meym. Shin représente
le corps ouvert, disponible à la fécondité vivante éternelle
de Dieu, le corps ( ce qu’il y a de plus bas, de plus humble) en ce qu’il
a de plus disponible à ‘Meym’ ( qui représente la
fécondité éternelle vivante même de Dieu).
ShèM se traduit par : le Nom. ( Shèm Elohim : le Nom de Dieu ).
Quand Marie dit son ‘fiat’, elle redouble le Meym : ‘ Shemèm’
(en hébreu littéralement, cela pourrait se traduire par : toute
ma personne profonde surabonde dans la Présence féconde de Dieu
: toute l’ouverture à la fécondité vivante de Dieu
se redouble et se renouvelle : qu’elle revienne donc tout le temps ).
« Me voici, continuellement ! ».
Et quand nous disons ‘Shma Israël’ : écoute Israël,
on pourra le traduire d’après la lecture des lettres qui composent
l’expression : que notre corps, ce qu’il y a de plus bas, de plus
terrestre ( Shin ), soit tout ouvert, animé de l’intérieur,
vivifié par la Présence vivante et féconde ( Meym ), lumineuse
et éternelle de Dieu dans l’adoration, dans le silence ( Aleph
).
Dans l’Epître aux Hébreux, Saint Paul explique par Révélation
la première parole que Jésus le Christ a prononcée en venant
à exister dans ce monde, en créant un corps. Il a dit : «
me voici » ( Shemèm ). Il a dit la même chose que Marie le
jour de l’annonciation. Il a dit : « voici, Tu m’as créé
un corps, me voici pour faire Ta volonté ». Première parole
que Jésus a prononcée dans le monde, avec son esprit humain, avec
son intelligence incarnée humaine. Il a dit : « me voici »
à Dieu le Père. Il s’est assumé un corps, Marie lui
a donné quelque chose de son corps pour qu’Il puisse le modeler,
Il a pris ce corps et il a épousé la vie spirituelle de Marie,
il a dit Shemèm, « me voici pour faire Ta volonté »
dans une joyeuse, pacifique disponibilité à la volonté
du Père. L’incarnation de Dieu s’est incarnée dans
cette disponibilité-là.
Toute la tradition apostolique a toujours pensé que ce qui fait la vie
humaine, chrétienne, c’est l’oraison, c’est écouter
Dieu, c’est d’être disponible, de nous laisser prendre, c’est
cette transformation par la volonté de Dieu dans l’écoute,
le silence, la sérénité joyeuse et pacifique, disponible
au Saint Esprit.
Le fruit du premier mystère joyeux, l’annonciation, c’est
une certaine manière de prier, une prière de mariage.
Non pas ce que ma vertu de religion a prévu que je fasse (- ce qui est
déjà très bien - ) : Marie est en oraison continuellement.
Sans cette disposition spéciale, c’est l’âme qui s’occupe
de Dieu.
Quand c’est le corps qui est moteur et qui s’occupe de Dieu, c’est
fort insuffisant aussi.
Mais quand c’est l’esprit qui saisit son âme et laisse le
corps rayonner dans la vie confiante de la supplication disponible à
l’action directe du Saint Esprit pour intervenir et pour agir, c’est
tout à fait différent.
Marie dit donc, après que l’Ange lui ait expliqué qu’elle
n’aurait rien d’autre à faire que de continuer à être
disponible ( Shm’a ), le surnaturel Shemèm
Il suffit de changer une lettre en une autre lettre et on comprend ce qui s’est
passé entre l’Annonciation et le « Oui » de Marie après
l’Annonciation, pour réaliser l’Annonciation.
Nous avions vu la dernière fois que dans le premier mystère du
rosaire vivant, le mystère de l’Annonciation, c’est Dieu
qui a assumé la lumière surnaturelle de la foi qui a jailli à
ce moment là du sein de Marie pour dire « oui, je crois que Tu
vas faire tout, je le crois » et elle a pénétré la
parole de l’Ange, elle a cru, elle était disponible pour dire «
oui » immédiatement.
La Parole de Dieu, pour ceux qui l’ont expérimenté, lorsqu’elle
jaillit comme ça, nous surprend toujours.
Pour nous qui sommes pécheurs, qui ne sommes pas toujours dans la grâce,
la Parole de Dieu, la Volonté de Dieu, lorsqu’elle surgit d’un
seul coup devant nous, nous prend par surprise. Surnaturellement, il y a quelque
chose de nouveau, mais nous n’étions pas disposés à
cette chose nouvelle. C’est pourquoi il y a toujours un recul, pour constater
que nous ne pouvons pas dire oui. Et nous en sommes tristes. Supposez par exemple
que l’Ange Gabriel vous apparaisse et dise : « es-tu prêt
à mourir martyr, pour l’amour de Dieu ? ». Vous n’y
aviez jamais pensé… Vous êtes là, vous pensez «
oui, mais quand même je vais en souffrir, et puis… est-ce que c’est
mon choix ? Ce n’est pas mon choix, attendez ! » et l’Ange
est parti. Vous n’avez pas eu le temps de répondre.
Marie est disponible, immédiatement. Cette disponibilité immédiate,
zélée, parfaite, continuelle, est le fruit du mystère.
Voilà ce que Jésus va nous donner lorsque nous dirons le rosaire
du premier mystère joyeux. C’est vraiment extraordinaire. Ce n’est
pas nous qui allons produire une qualité pareille de notre vie surnaturelle
dans la foi, ce n’est ni notre chair, ni notre âme, ni notre esprit,
qui va nous la donner, ni les macérations, ni le régime végétarien…
Prenez un bon steak avec de la moutarde, ça marchera très bien..
C’est une grâce que nous demandons et qui vient du cœur de
Jésus ouvert, qui vient de Dieu et de la Très Sainte Trinité
dans ce qu’il y a de plus bas dans la terre, de plus humble, de plus doux.
Les trésors cachés de notre terre sont là dans la main
de Dieu, et ils attendent cette âme, cet esprit de vie et cette chair
disponibles pacifiquement, sereinement, supportant tout, portant tout dans la
supplication, dans l’attente et dans la confiance éperdue. C’est
pourquoi il y a cette joyeuse et pacifique disponibilité de celui qui
attend tout de Dieu le Père, de la Première Personne de la Très
Sainte Trinité.
Quand nous contemplons ce mystère, nous voyons comment l’Immaculée
Conception était toute relative à la Première Personne
de la Très Sainte Trinité. Nous nous laissons saisir par cela.
Si nous avons le privilège d’avoir la grâce divine, la grâce
sanctifiante dans notre esprit,
dans notre vie contemplative illuminée de l’intérieur surnaturellement
par la lumière de la grâce,
dans notre cœur profond inscrit le feu surnaturel de la grâce,
et dans notre liberté profonde cette simplicité libre, vaste,
et ailée de la grâce,
alors il y a quelque chose qui fait que nous allons pouvoir laisser l’Immaculée
Conception revivre en nous en plénitude, ce qu’elle a vécu
en plénitude.
Nous allons l’expérimenter personnellement et surnaturellement,
et concrètement, dans notre chair vivante, toute simple.
Et nous allons voir l’Immaculée Conception, qui nous a été
donnée dans la blessure du cœur de Jésus (Il a dit «
voici ta mère »). Dès que la grâce est là dans
la lumière surnaturelle de notre foi, dès que nous la contemplons
à travers notre chair toute simple, toute donnée à la liberté
spirituelle, à l’amour spirituel et à ce feu ardent et surnaturel
de la charité, de la communion avec Marie, alors nous sommes libres de
vivre ce que Marie a vécu, ce que Marie va vivre à travers nous.
Elle va revivre plus intensément ce qu’elle a vécu ce jour
là.
La contemplation du Mystère, c’est de voir ce que l’Immaculée
Conception contemple lorsque du dedans d’elle-même l’Esprit
Saint se manifeste dans une super-venue glorieuse et incréée dans
le monde créé, de voir sa contemplation amoureuse et libre. Comment
l’obombration de Dieu le Père s’est saisie d’elle parce
qu’elle est toute relative à Dieu le Père, dans cette disponibilité,
dans ce « oui » qu’elle prononce. Pourquoi est-elle toute
relative à Dieu le Père ? C’est tout simple.
Voyons cela théologiquement, et sur le plan de l’expérience
que nous en faisons dans notre vie contemplative, en vivant de ce mystère…
C’est un cadeau que Dieu nous fait, si nous disons le rosaire et que nous
voulons contempler ce mystère, et que nous savons dans cette disponibilité
que nous laissons l’Immaculée revivre ce mystère, nous savons
que surnaturellement, c’est ce qui va se passer.
La théologie est importante, ainsi que la doctrine, parce que parfois
nous ne sentons pas, nous ne ressentons pas ce qui se passe, mais nous savons
que c’est cela qui se passe en nous, et nous l’éprouvons
en le sachant, et sans rien sentir, et la plupart du temps sans rien voir.
Nous voyons, c’est évident, mais le flash de la vision surnaturelle
contemplative et incréée, pour nous, est si rapide que nous n’avons
pas le temps de le voir : c’est la merveille du rosaire.
Du reste cela ne servirait à rien que ça dure pendant trente secondes
de suite, parce que cela nous enorgueillirait. Un flash ou trente secondes,
c’est pareil, le résultat est le même pour la gloire de Dieu
et pour la sanctification de l’âme. Il y a un flash, c’est
évident, il y a un flash d’Immaculée Conception. Elle est
toute relative à Dieu le Père dans sa disponibilité pacifique
et ardente, elle sait que Dieu le Père va se saisir d’Elle. Elle
le sait très bien.
Qu’est-ce que l’Immaculée Conception, en doctrine ? La contemplation
a toujours besoin de la doctrine. Que dit la doctrine sur l’Immaculée
Conception toute disponible dans le Shemèm du ‘Oui’ de l’Annonciation
et de l’Incarnation du Seigneur ?
L’Immaculée Conception vient de Jésus crucifié.
C’est une grâce qui a été saisie dans le cœur
de Jésus crucifié, assumée par Dieu, et à travers
la foi de Marie, à travers tout ce qui est assumé en Marie, tout
ce que Dieu assume en Marie. Ca a été donné dès
l’instant que Dieu a créé Marie. Cette grâce lui a
été donnée dans son être et dans son esprit vivant,
créé neuf mois avant la naissance. Or, du cœur de Jésus,
que Dieu pouvait-il prendre ? Dieu ne peut pas prendre dans le cœur de
Jésus crucifié, autre chose que ce qui était à Lui,
pour constituer la vie divine créée de l’Immaculée
Conception. Donc il a pris ce qui était entièrement anéanti
dans le Verbe, entièrement amoureux et éternellement passif dans
l’Esprit Saint.
L’Evangile de Saint Jean le dit : quand le cœur de Jésus a
été ouvert, Jésus était déjà mort
; l’Esprit Saint était là en Personne ( « L’eau,
le sang et l’Esprit Saint » ). Le Verbe de Dieu était là
dans notre temps en un état d’amour substantiellement passif, comme
le Saint Esprit l’est éternellement dans le temps incréé
de Dieu. Cet amour substantiellement passif et du Verbe de Dieu anéanti,
et du Saint Esprit tout jubilant de la fruition d’un amour auquel il ne
peut rien rajouter, sont mélangés comme l’eau se mélange
au vin. Comme l’eau se mélangeait au sang, cette unité de
l’Esprit Saint et du Verbe de Dieu a été saisie par Dieu
le Père pour constituer l’Immaculée Conception dans le monde
créé.
Si bien qu’Elle, comme Immaculée Conception, est comme le mélange,
dans l’univers créé par Dieu, de la disparition d’amour
de deux Personnes divines, l’Esprit Saint et le Verbe de Dieu, dans le
cri de soif du cœur de Jésus ouvert, tout disponible, tout en attente,
tout en confiance en Dieu le Père.
Quand Dieu le Fils est dans le corps de Jésus qui est mort, vous voyez
bien qu’Il ne peut plus rien faire par la force de l’humanité
glorieuse de Jésus. L’Esprit Saint n’a jamais rien fait par
Lui-même non plus, puisqu’Il est lui-même le fruit de tout
ce que Dieu peut faire en Lui-même, et donc seul Dieu le Père,
la Première Personne de la Très Sainte Trinité, peut opérer
en cet instant.
Jésus mort sur la croix exprime bien cela : « le Fils ne fait rien
par lui-même », tout est remis entre les Mains du Père.
Il est mort, comment voulez-vous qu’Il puisse faire quelque chose ? Alors
le Verbe de Dieu, le Dieu vivant qui crée toutes choses, encore vivant
et présent dans le cœur ouvert de Jésus, se trouve dans un
état passif. Comme c’est beau ! La deuxième Personne de
la Très Sainte Trinité, c’est le Dieu Vivant qui opère,
Celui qui est tout puissant. Et là Jésus crucifié montre
que Dieu le Fils, le Dieu Vivant, ne peut rien faire. Il n’y a plus que
le Père. L’Immaculée Conception est l’union de ces
deux Personnes de la Très Sainte Trinité qui s’unissent
dans la vie divine, venues de l’éternité du ciel dans le
monde de notre univers. Ce qui émane de cette communion de deux Personnes
divines incréées dans la plénitude de la vie divine créée,
nous l’appelons : ‘Immaculée Conception’.
Et donc l’Immaculée Conception - l’Esprit Saint et le Fils
dans leur unité profonde d’amour - est toute relative à
la Première Personne de la Très Sainte Trinité : le Père.
L’Immaculée Conception est toute entière cette disponibilité
au Père.
C’est peut-être compliqué à expliquer parce que c’est
de la théologie, mais vous allez voir comme c’est simple sur le
plan de l’expérience surnaturelle et contemplative, une fois que
nous l’avons entendu. Nous savons très bien que l’Esprit
Saint va nous faire comprendre que l’Esprit Saint est dans le sein de
Dieu le Père tout en attente, et Dieu le Fils avec Jésus crucifié
est tout en attente dans le sein de Dieu le Père avec le Saint Esprit.
Tous les deux, Dieu le Saint Esprit et Dieu le Fils (le Dieu vivant en Jésus
crucifié), voudraient réincarner dans la terre ( c’est-à-dire
en nous ) cette disponibilité, cette attente qu’Ils ont Eux-mêmes
au ciel dans la manifestation de Dieu le Père en Eux et en toutes choses.
Cette disponibilité est joyeuse parce qu’il y a tout l’amour
du Saint Esprit, elle est pacifique parce qu’il y a l’unité
absolue du Verbe de Dieu (du Dieu Vivant) et de l’amour du Saint Esprit
en Lui.
C’est l’amour de Dieu le Fils dans l’Esprit Saint qui est
là, c’est l’amour du Saint Esprit dans Dieu le Fils.
C’est extraordinaire.
La contemplation du Mystère, c’est la disponibilité de deux
Personnes de la Très Sainte Trinité dans notre intelligence contemplative.
Le ciel n’est pas à des milliards de kilomètres, et la terre
ici.
Non, le ciel est au-dedans de nous, à l’intérieur de notre
vie spirituelle par la lumière surnaturelle de la foi, par les torrents
immaculés de la plénitude absolue de la grâce, par la présence
d’amour de l’Immaculée Conception, par sa liberté
toute simple, par son « oui ».
Alors du dedans de cela, le Saint Esprit va super-venir, va s’exploser
dans le Père, et le Père va nous saisir.
Vous voyez la différence entre la super-venue du Saint Esprit qui va
exploser, et le Père qui va nous rassembler, nous saisir : et c’est
l’obombration du Père dans la super-venue du Saint Esprit. A ce
moment-là, il est vrai que Dieu le Père va pouvoir produire encore
une nouvelle fois, du dedans de Lui-même, la Vie divine intégrale
et éternelle qui est Dieu le Fils. Il va concevoir de nouveau, grâce
à nous dans la lumière surnaturelle de la foi, Dieu son Fils.
C’est ce qu’Il a fait avec Marie, effectivement, Il l’a conçu
avec Elle, Elle a conçu avec le Père, par cette opération
où Elle s’est laissée faire en disant son « Oui ».
Nous avions bien vu la dernière fois en méditant l’ensemble
des mystères qu’il faut se laisser assumer complètement,
c’est le Père qui reprend tout en main et c’est Lui-même
qui opère. A ce moment-là, l’espérance et la charité
chrétiennes apparaissent. L’espérance chrétienne
vient d’en haut. Et la charité chrétienne vient d’en
haut. La foi vient d’en bas, de la terre. Une fois que nous sommes là-haut,
nous avons tout, toute la vie divine, toutes les grâces, toute l’intimité
vivante de Dieu.
Tous les trésors de Dieu sont à nous : telle est l’espérance
.
« Seigneur, j’ai une confiance, une constatation éperdue
: je contiens en cet instant tous les trésors de Ta grâce, alors
que je suis dans ce monde et que ces trésors de la grâce surgissent
de l’autre monde ».
C’est la formule du catéchisme : « Seigneur, j’espère
avec une ferme confiance que Vous me donnez en cet instant par les mérites
de Notre Seigneur Jésus Christ, et si je garde ses commandements, la
plénitude de toutes Vos grâces en ce monde, et le bonheur éternel
de l’autre monde ».
Une fois que nous vivons de la contemplation de ces mystères, c’est
le Père qui nous saisit ( obombration ), l’Esprit Saint qui surgit,
et c’est le Dieu vivant et vrai qui est conçu dans notre chair.
Nous avons toutes les intimités intégrales, profondes, étendues,
vastes, éternelles, intenses, qui s’écoulent continuellement,
continuellement, continuellement ; glorieusement, glorieusement, glorieusement…
dans l’espérance.
Si tous les trésors de Dieu sont là, nous allons pouvoir aimer
avec l’amour de la Très Sainte Trinité, dans notre chair,
dans notre corps, dans notre vie.
De cette façon, l’amour ardent, mutuel, simple, sponsal, de Marie
avec Joseph, cet amour qui a pu créer dans le corps de Marie une disponibilité
à la hauteur de la disponibilité de son esprit, est devenu cet
amour de charité surnaturelle chrétienne, qui a enflammé
son amour après que Jésus se soit incarné en elle, et qui
l’a précipitée dans l’ardeur de l’Esprit Saint,
à la rencontre d’ Aïn Karim, pour constituer un corps mystique
entier : fournaise ardente de charité, béatitude de la Jérusalem
glorieuse, en toute hâte.
A chaque fois que nous dirons le
rosaire, à chaque fois que nous monterons sur ce premier échelon,
l’Annonciation, nous demanderons à Marie, à Jésus,
à Joseph glorieux, à cette Sainte Famille glorieuse, d’apparaître
à l’intérieur de nous.
Cette force de Dieu dans l’homme, c’est quoi ?
Aujourd’hui, nous n’aurons plus l’apparition de l’Ange
Gabriel.
Pendant des milliers d’années, ce sont les Anges qui apparaissaient
: Raphaël, Gabriel, Michel… Surtout Gabriel puisqu’Il est la
Force de Dieu dans l’homme et la force de l’homme à l’intérieur
de Dieu : Il est la très grande profondeur de puissance de la gloire
de la résurrection.
Et aujourd’hui la résurrection, dans toute sa force de profondeur
éternelle, c’est la Sainte Famille glorieuse ! Jésus, Marie
et Joseph, tous les trois ressuscités, formant une humanité intégrale,
glorieuse, dans toute sa force : ce sont Eux qui sont l’Ange Gabriel pour
nous aujourd’hui.
Même sur le plan de la vie contemplative, il ne faut pas faire de régression.
Beaucoup font cela.
Cela ne leur fait pas vraiment de mal ( ça sacralise leur imaginaire
) : je m’imagine que Marie, c’est moi, ou bien je suis Jésus,
tout simplement, je suis le petit Jésus, première cellule ;ou
Joseph qui vit tout ce que vit l’Immaculée Conception dans son
unité sponsale avec elle ( Elle s’abandonne tellement à
Lui, l’Ajusté à Dieu, le Juste par excellence au milieu
de Sodome ).
Alors je peux imaginer ce qui s’est passé le jour de l’Annonciation.
C’est bien de faire ça pour essayer de comprendre certaines choses,
par l’âme.
Mais notre foi va bien au-delà de tout cela, elle jaillit dans l’instant
présent : dans cet instant présent, l’Ange Gabriel dans
toute sa force symbolise la toute puissance glorieuse de l’humanité
intégrale entièrement glorifiée dans la résurrection
( la Sainte Famille glorieuse aujourd’hui ) : la résurrection divine
et humaine en une seule force intérieure intime incréée
éternelle, dans le monde créé par Dieu dans toute sa force,
et qui se manifeste à nous.
Nous allons dire « Me voici », Shemèm ; et nous allons entendre
cette visite de l’Ange, le message de la force de Dieu dans l’homme
( Gaber-El ), Sainte Face glorieuse de Dieu, Vision béatifique dans la
gloire de la résurrection de Jésus, Marie et Joseph, qui se manifeste
à nous, face à face.
Donc il faut que nous soyons disponibles à cette visite.
Alors l’Immaculée Conception nous est donnée, l'ajustement
substantiel à Dieu en Saint Joseph glorifié, nous est donné,
et la vie divine nous est donnée, par la grâce.
Alors nous entendrons ce message et nous méditerons ce mystère
en comprenant que c’est la seule réponse - plutôt que l’accablement,
l’engourdissement, ou l’abandon - à la détresse du
monde et à la supplication invisible du monde entier et de la création.
La seule réponse : dire « oui » !
Dire cette dizaine-là de chapelet, et entendre cela : Shm’a !!
Shalaom Imakh, Myriam, mleat resed, ( « paix à toi , Marie comblée
de grâce » ).
Nous allons entendre cela, nous sommes disponibles pour entendre cela et dire
« oui ».
Quand nous allons dire « oui, me voici », quand nous allons laisser
l’Immaculée Conception redire « oui » dans un membre
vivant de son Immaculée Conception, il va se réaliser quelque
chose d’étonnant : une obombration. Nous ferons le oui de la foi.
Nous sommes choisis pour dire ce
rosaire.
Ce sera un oui de la foi, en disant : « Que ce soit Dieu le Père
qui nous saisisse, la super-venue du Saint Esprit qui nous saisisse ; qu’elle
nous fasse pénétrer dans la première procession de la Très
Sainte Trinité où de l’intérieur intime de Dieu le
Père, apparaît le Dieu Vivant, Dieu le Fils, et qu’Il ne
le fasse pas sans nous ».
Et Il le fait cette fois-ci avec nous, et nous en faisons l’expérience
de manière contemplative, libre et avec la partie la plus profonde de
toute la gloire de notre cœur spirituel, enflammé par la visite
de l’Ange. Là, à ce moment là, nous allons dérouler
nos « Je vous salue Marie » pour rejoindre tous les « Je vous
salue Marie » de tous les temps et de tous les lieux, et que ce que nous
avons reçu puisse se dérouler dans le cœur de ceux qui l’ont
prononcé, pour que tous ensemble nous glorifiions le Père, le
Fils et le Saint Esprit.