Ascension / deuxième mystère glorieux

« Jésus monta, en haut, sur la montagne, et là Il s’assit » (Jean, 6, 1-15)

‘Ascension : « Jésus monta, en haut, sur la montagne, et là Il s’assit, Il s’assit avec ses disciples ». C’est extraordinaire, c’est vrai. Combien de fois lisons-nous ce genre de passage dans les Evangiles ?
Ce qui est frappant dans la Sainte Ecriture, c’est la divinité de l’Ecriture : Dieu parle ( la Parole de Dieu n’est pas du tout une parole humaine ). Si nous méditons par exemple le mystère de l’Ascension, l’Evangile devient un Evangile de l’Ascension.
« Jésus monte et Il s’assied sur son trône, et ses disciples sont avec Lui, ils sont en sa présence à ce moment-là ».
Tous ces détails : « Jésus lève les yeux, Il voit une foule innombrable qui vient vers Lui. » qui s’inscrivent dans un autre contexte devient une lumière sur l’Ascension du Seigneur :
Il est beau de voir ce qui se passe dans la vision de Dieu à l’intérieur de Jésus ressuscité lorsque Il s’assied, qu’Il disparaît à la droite du Père. Il est monté dans les hauteurs et s’est assis à la droite du Père. Il lève les yeux toujours plus loin, sans arrêt, et voit une multitude.
« Comment allons-nous faire pour leur donner à manger ? » Ils étaient cinq mille ( nous comprenons tout de suite que ‘cinq mille’, pour quiconque médite un mystère du Rosaire, représente toute la grâce enveloppée, à l’état de source et en même temps d’épanouissement universel dans l’Immaculée Conception : nous savons bien que ‘5’ désigne la grâce divine, la plénitude de vie divine réalisée, et ‘1000’ : dans le déploiement de la communion des Personnes en l’Immaculée Conception).
Jésus monte à la droite du Père et Il voit ces multitudes en Marie.
Il dit aux Apôtres de leur donner à manger, et leur donne du poisson autant qu’ils en voulaient ( c’est magnifique ! ). Ils les distribuent et remplissent douze paniers pleins avec les morceaux qui restaient.
A l’origine : cinq pains d’orge !
« A la vue de ce signe, tous disaient : oui, en vérité, c’est Lui le grand Prophète, Celui qui vient dans le monde, qui reviendra juger les vivants et les morts ».
[Il s’est assis, Il reviendra dans la gloire.]
« Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force pour faire de Lui leur roi. C’est pourquoi Il se retira tout seul dans la montagne » :
En l’absence d’une véritable Communion des personnes, Jésus se retire. La Paternité de Dieu vis à vis de Dieu Lui-même est ainsi : pour qu’il y ait une communion des personnes, il faut qu’il y ait de l’amour ; pour qu’il y ait de l’amour, il faut qu’il y ait de la lumière ; pour qu’il y ait de la lumière, il faut qu’il y ait une distance ( si nous sommes à l’intérieur du soleil, nous ne voyons pas la lumière ! ).
Quand Dieu a créé l’homme, Il a séparé d’abord l’épouse de l’époux : Il a séparé Eve d’Adam. Il les a séparés parce que l’amour séparant permet la découverte de l’autre, a permis à Adam de découvrir la femme, et l’ayant découvert il dit : « voici l’os de mes os, la chair de ma chair ». La communion des personnes était rendue possible.
Entré dans la torpeur de la Résurrection, le nouvel Adam s’engloutit par le comble de cette gloire dans l’Ascension, réalisant comme une séparation à partir de Lui de la nouvelle Eve, mystère de séparation permettant au Christ de voir enfin Marie émaner de Sa Chair divinisée et glorieuse : cette fois, celle-ci est la chair de ma chair, l’os de mes os !
L’amour séparant conditionne la communion des personnes, au contraire de l’amour fusionnel qui inverse la communion des personnes, l’éloignant de Dieu.
Voilà la pédagogie du Père, de la première Personne de la Très Sainte Trinité. La Paternité de Dieu domine le mystère de la Résurrection du Seigneur : c’est Dieu qui donne la vie ; Il donne la vie pour qu’il y ait la communion des personnes.
Il en est toujours ainsi : la paternité de Dieu, s’exprime dans l’amour séparant ( c’est toujours le père qui sépare l’enfant de la mère pour qu’il grandisse ).
Dans la pédagogie de la Résurrection et des mystères glorieux, une attention doit être portée sur la première Personne de la Très Sainte Trinité :
« ‘Il faut que le monde sache que J’aime mon Père’ : alors Jésus partit au Jardin des Oliviers. » ( Jean 15, 31 )
Jésus avec ses disciples a marché pendant quarante jours : Il ne les a pratiquement pas quittés. Il est monté, Il a longé les murs de Jérusalem, frôlé le Calvaire, puis Il est monté sur le Mont des Oliviers, au sommet duquel Il bénit le monde : Il les bénit ; Il est monté ; Il s’est assis à la Droite du Père.
Nous disons dans le Credo : « Il est monté aux Cieux et s’est assis à la droite de Dieu le Père tout puissant d’où Il reviendra juger les vivants et les morts ».

« ‘Il faut que le monde sache que J’aime mon Père’ : alors Il monta au Mont des Oliviers. »
Grande précision avant la montée vers Gethsémani, véritable prophétie de l’Amour Séparant commencé après la Cène et accompli à l’Ascension. Ayant célébré et institué sa Pâques eucharistique, Jésus monte au Mont des Oliviers : aussitôt l’amour séparant commence ( Jésus s’éloigne à un jet de pierre : nous l’avions vu dans le mystère de Gethsémani ), s’arrache comme on arrache un embryon du sein de sa mère (c’est ce mot-là)…
Cet arrachement a trouvé son comble dans le mystère de l’Ascension.
Peut-être que le Saint Esprit va nous rendre petit à petit extrêmement sensibles à ce fait que le mystère de l’Ascension est le sommet de l’Amour séparant, le sommet de l’arrachement.
Une mère n’aime pas trop que son enfant s’arrache d’elle et s’en aille ; le père comprend, lui, que c’est important pour la croissance ; il n’y aura jamais de communion profonde avec son fils, s’il reste là : il faut que l’enfant sache marcher, apprendre et vivre seul.

Nous le savons très bien : la pédagogie de Dieu le Père, la Paternité de Dieu s’inscrit de manière triple :
Au départ, le Père donne la vie : pour nous, quand Dieu le Père nous donne la vie, nous sommes vraiment à l’image de Dieu le Père, nous sommes inscrits dans la lumière du Père, nous sommes au cœur même de la paternité de Dieu. Saint Macaire le Grand dit qu’entre Dieu et l’homme, il existe la parenté la plus grande qui soit, parce que Dieu ne cesse de nous créer, et nous sommes vraiment sa création, sa vie incarnée, sa vie visible, nous participons à son existence : Il nous crée et Il nous donne cette liberté lumineuse d’enfants de Dieu et Il est toujours là en plénitude d’amour.
Quiconque a eu un enfant, ou plusieurs, sait qu’il donne la vie : il donne sa vie.
Nous le savons bien, surtout quand l’enfant est petit, on ne dort plus ! Supposez que vous ayez des jumeaux ! Le biberon de l’un à huit heures ; puis on commence à s’endormir, mais c’est l’autre qui demande, et cela ne s’arête jamais : quand on a des enfants, on donne sa vie, on n’a plus de temps pour soi : la télévision, l’ordinateur, tout cela, c’est fini ; nous ne nous appartenons plus.
Nous oublions cela : Dieu le Père en nous créant ne s’appartient plus… Il nous a donné la vie : Il est là, de tous les instants. Et nous l’oublions. La première pédagogie de Dieu structure notre liberté ; une parenté qui fait que nous sommes profondément des incarnations de l’amour de Dieu le Père.
Il est sûr qu’un oubli s’est produit. Dans cette lumière vivante d’amour donnant la vie où Il se donne Lui-même et demeure continuellement dans cet état, Dieu ne peut pas nous laisser là parce qu’Il nous a créés à son image ; Lui qui est amour ne peut envisager cet amour en dehors de la communion des personnes ; or il ne peut pas y avoir de communion des personnes s’il n’y a pas de séparation.
Voilà pourquoi Il nous dépose sous le voile de la mère, dans ce velours extraordinairement lumineux et véritablement parfait de l’endomètre maternel ( véritablement parfait, même cinquante ans après, on en rêve, la nuit : c’est tellement doux, c’est tellement parfait ! ). Nous sommes déposés là.
Mais il est vrai que le père, la mère, le papa et la maman, si admiratifs, si généreux qu’ils soient, ne sont pas Dieu le Père. Alors petit à petit, nous sommes déçus, notre soif d’amour s’intensifie dans l’implénitude, et cette déception crée en nous un désir grand ; elle fait surtout que nous oublions nous avons été comblés, et si nous le sommes encore, c’est grâce à Dieu. Nous finissons par oublier Dieu, et même lui en vouloir.
Tout le problème de notre liberté dans l’ordre de l’amour se noue dans cette insatisfaction et cet appel, qui nous fait oublier que Dieu le Père se donne tout entier à nous dans l’amour, et tout à la fois nous incite à chercher l’amour plus avant. Nous pouvons alors perdre le sens de Dieu, le sens du Père, le sens de l’amour ; nous devons reprendre en nous-mêmes de quoi répondre à ce don initial.
De plus en plus, au fur et à mesure de la vie, plus la grâce nous est donnée, plus le choix de Dieu se fait sur nous, plus l’élection de confirme, plus nous sommes choisis comme apôtres, comme disciples, comme prophètes, comme rois, comme saints de Dieu, comme visages et icônes de Dieu sur l’océan du temps et de l’éternité dans la grâce même de la Croix et de la Résurrection de Jésus, plus la distance se fera avec le Père. Il va y avoir un amour séparant, de plus en plus : ce sera toujours comme cela.
Cet amour séparant bien nécessaire nous déroute un peu du point de vue de l’amour fusionnel, du point de vue de l’amour psychologique, du point de vue de l’amour sentimental, du point de vue de l’amour non spirituel. Mais du point de vue de l’amour divin, de l’amour humain profond et de la liberté radicale de notre Oui fondamental, cet amour séparant est très fort, parce que par lui la distance se creuse de manière à permettre une communion de Dieu le Père avec Dieu le Fils en nous : nous allons devenir fils, nous allons vraiment devenir Dieu le Fils.
Imaginons seulement que nous ayons gardé cet amour sensible et lumineux de la communication amoureuse de la paternité de Dieu à l’origine ( quand Il nous a créés ) : jamais nous n’aurions établi une communion des personnes divine, profonde, avec Dieu le Père. Grâce à cet amour séparant se creuse en nous dans les instants de la vie le don de la grâce venue de Jésus crucifié et ressuscité ( cette grâce qui se donne à nous : les cinq pains d’orge, par Marie, cinq mille fois, avec la plénitude de la vie divine communiquée à tous les temps et tous les lieux de la terre, pour que nous ayons du poisson autant que nous en voulons : l’Eglise de la lumière aussi bien que l’Eglise de la gloire, autant que nous en voulons ).
Telle est la deuxième pédagogie du Père, ouvrant sur la troisième, liée au Saint Esprit :
Ici nous comprenons que l’Esprit Saint travaille notre cœur du dedans, et fait de nous des fils, fait que nous soyons Fils du Père. Alors il va y avoir entre Dieu le Père et Dieu le Fils une communion des Personnes.

Jésus est monté au ciel, c’est-à-dire qu’Il est ré-établi dans toute sa gloire, en communion avec ses disciples d’ailleurs et avec toute la création, dans toute la gloire de son égersis, dans toute la gloire de sa Résurrection, Il s’est établi dedans la divinité éternelle de sa Personne, en communion avec le Père. Il avait été jusqu’au bout de l’amour séparant du Père, Il a été envoyé par le Père et Il va vivre cette communion : tel se présente le mystère de l’Ascension.
Mais il faut admettre que dès l’instant de sa Résurrection, Jésus s’est assis à la droite du Père. (même si l’Ascension fut manifestée quarante jours après la Résurrection, elle fut donnée à Jésus immédiatement ; Il s’unifie dans l’instant comme Dieu, comme Personne divine, comme Dieu vivant tout rempli et éperdu d’amour dans la communion des Personnes ). Saint Thomas d’Aquin n’hésite pas à dire que dans l’instant de la Résurrection, il y a eu l’Ascension.
A cet instant de la Résurrection il y a eu bien sûr et l’égersis et l’anastasis : Jésus a donné le pain et le poisson, autant qu’ils en voulaient, à tous les disciples (égersis) et Il s’est assis à la droite du Père (anastasis). Il s’est assis. Toute sa gloire, et la gloire de tous ses membres vivants, Il les a introduits en se faisant Dieu : la Résurrection s’est faite Dieu ; Il s’est ressuscité Lui-même dans toute sa gloire. Et cette Résurrection a été faite Dieu : Dieu le Fils.
Jésus est le Juge, le Jugement de ce monde, le Jugement de Dieu.
Il juge Dieu parce qu’Il voit toutes les profondeurs de Dieu ( un juge est quelqu’un qui voit toutes les profondeurs et toute la vérité ). Il est établi ainsi parce qu’Il en est le juge : Il est le juge de Dieu, Il est le juge du Père, Il est le juge du Saint Esprit : Il voit toutes les profondeurs du Saint Esprit dans cette Ascension.

Mais tout de même, l’Evangile nous met quarante jours, et voilà pourquoi cela devient un mystère de Marie. C’est beau, vous savez !
Jésus est donc ainsi totalement identifié dans l’unité profonde avec le Père : il n’y a plus que le Père ; et dans le Père la gloire de la Résurrection dans la communion des Personnes. Etant totalement identifié au Père, il est normal que Jésus vive vis à vis de Marie cet amour séparant à l’extrême : « ce que le Père fait, Je le fais pareillement ». Il faut sentir qu’il doit y avoir cette séparation. Je crois que c’est ce qu’il faut sentir en premier.
Et pour le sentir en premier, c’est assez facile, je pense, d’éprouver à quel point Marie a été anéantie par l’agonie, par la mort de Jésus. Dans les heures de la passion, de la mort de Jésus, il y a eu un élargissement de l’humanité divine de Marie que nous ne pouvons même pas décrire. A l’instant de la Résurrection, la Trans-Verbération a établi dans son cœur une plaie, la plaie de Dieu le Fils, corporellement, en sa chair. Quand Dieu le Fils resplendit de manière palpitante, glorieuse et vivante en sa plénitude de grâce sortie de Dieu le Père, il restait pour ainsi dire présent à travers la blessure bien vivante du cœur en Marie pendant les trente-six heures du grand Sabbat. Nous l’avons vu, le grand Sabbat est ce grand travail symboliquement représenté par le suaire.
A l’instant de la Résurrection, quand Jésus s’est aussitôt anastasié, extasié dans l’anastase, il est sûr que les torrents de gloire se sont répandus à l’instant même dans cette blessure du cœur de Marie, dans cette mort vivante et divine, il faut bien le dire, qui s’était inscrite dans le cœur douloureux et immaculé de Marie. Cela est sûr, nous l’avons vu.
A ce moment-là, pendant quarante jours (vous vous rendez compte : pendant quarante jours), cette présence glorieuse, divine, nous pouvons dire incréée et créée à la fois, sensible, de la gloire de la Résurrection se répandant en toute création dans tous les temps et tous les lieux, tissait à l’intérieur du cœur de Marie un amour pour tous les temps, pour tous les lieux, à la dimension de l’amour glorieux de Jésus ressuscité et l’amour de l’union de Dieu le Père avec la gloire de Dieu le Fils ressuscité. C’est avec cet amour-là qu’elle n’a cessé d’être comblée, (comblée dans tous ces abîmes qui avaient été creusés), consolée, illuminée, d’une manière tranquille mais extraordinaire. Etant la source de la grâce adoptante de toute l’Eglise, cette grâce adoptante impliquant précisément cette participation à la croix, il est vrai que ces consolations ont été comme compressées dans son cœur glorieux : le cœur de Marie était glorifié, la conception de Marie comme nouvelle Eve s’est faite à la Résurrection.
Nouvel Adam, nouvelle Eve. Nous pouvons dire qu’elle ne connut là que l’anneau des fiançailles ; les fiançailles glorieuses du nouvel Adam et de la nouvelle Eve en ces quarante jours.
Jésus n’a pas quitté ses disciples. Il me semble pouvoir dire que la première semaine (la sainte Ecriture l’indique quand même assez nettement), les huit ou neuf premiers jours, Jésus n’était pas en permanence avec eux. Mais les jours suivants, de plus en plus.
Il leur a donné le Pain eucharistique de la transsubstantiation de sa gloire : ce sacrifice glorieux de communion, Il le leur a donné à manger, Il leur a donné à boire. Marie vivait toujours cette présence de la plaie glorieuse et divine ( le trône de Dieu le Père et de Dieu le Fils ensemble dans la gloire de la Résurrection établi en elle ), et tout à la fois la communion au Pain vivant et glorieux :
Jésus a célébré la messe, Jésus a célébré l’eucharistie avant de monter au ciel ( ce ne sont pas les Apôtres : il est dit clairement que les Apôtres n’ont pas célébré la sainte Synaxe tant que Jésus n’est pas monté au ciel ). Mais Jésus, bien sûr, a donné le Pain vivant de l’eucharistie, et du poisson autant qu’ils en voulaient, cette communion qui s’est établie de tout le corps mystique vivant de Jésus vivant à travers l’eucharistie en présence de la plaie du cœur vivante et glorieuse en Marie.
Jésus, Lui, appartenait au monde de la gloire incréée de l’anastasis, et heureusement que Marie était là parce que le monde de la gloire de l’égersis demeura présent sensiblement dans ces quarante jours de communion. Il y a eu une traversée du désert pour passer de l’Egypte à la terre promise de l’Ascension, à cette terre promise qui est là, grand passage.
Quand nous passons à travers le désert, les quarante jours, nous nous séparons pour pouvoir vivre l’amour paradisiaque de Dieu dans la terre promise de l’amour incarné et glorieux, définitif, éternel. Ces quarante jours sont cette séparation qui va s’établir entre Jésus et Marie, entre Jésus et son épousée, entre Jésus et ses disciples : une séparation prodigieuse.
Nous passons à travers le désert : Jésus ressuscite pour Marie.
Du point de vue du mystère du Rosaire, il y a quelque chose dans cette préparation à l’Ascension qui est très forte ; dans le désert, nous sommes seul avec Dieu, et il n’y a plus que la présence. Je suis sûr que Jésus ne s’est jamais laissé toucher par Marie pendant ces quarante jours de Résurrection, j’en suis sûr. Il est dit dans l’Evangile de saint Jean : « ne me touche pas, Marie, Je ne suis pas monter vers mon Père et votre Père ». A Marie Madeleine il fallait le dire explicitement. A Marie, le geste de la Trans-Verbération glorieuse, cet écoulement d’amour si grand, si profond, lui suffisait. Elle assistait, elle était là quand Jésus était là, mais elle ne le touchait pas. Thomas, oui ! Il n’avait pas la foi, et c’est bien pour cette raison que Jésus lui dit : « mets bien tes mains dans mon côté, enfonce ta main dans la plaie de mon cœur ». Marie ne l’a pas touché ; elle n’a pas besoin d’apparition.
C’est le début de la mission invisible de l’amour des personnes incréée divines dans la création de cette unité nouvelle du cœur entre Jésus et Marie. La communion des Personnes glorieuses va commencer dans ce sacrifice de communion . L’amour séparant incréé du Père commence dans le monde créé de la gloire de la Résurrection du cœur de Jésus et de Marie.
C’est pour cela que le mystère de l’Ascension est quelque chose de véritablement très fort.
J’ai la faiblesse de penser que (et je n’en dirai pas plus sur ce sujet parce que l’Eglise ne s’est pas vraiment encore déterminée pour en parler avec précision) Marie comme épouse était liée à sa moitié sponsale, il ne faut quand même pas l’oublier. La moitié sponsale de l’Immaculée Conception, à l’heure de la Résurrection, à l’instant où Jésus ressuscite d’entre les morts, est emportée dans le ciel de la résurrection, glorifiée immédiatement dans la vision béatifique, dans la gloire de la Résurrection du Seigneur : cela ne fait pas l’ombre d’un doute.
Voici donc que pour la première fois, les océans de la grâce des fruits du sacrement divin, incarné, plénier et parfait de l’unité sponsale, disparaissent du champ temporel de la mission de Marie, d’un seul coup :
Joseph. L’amour séparant. Il y a une séparation.
Je sais bien que nous qui ne vivons pas de la communion des personnes, nous avons du mal à sentir cela. Mais c’est quelque chose ! Et je dis que c’est à cause de cela qu’il y a eu quarante jours. Une parole de Bède le Vénérable m’y fait penser. C’est vraiment quelque chose qu’il faudrait que l’Eglise approfondisse dans les temps futurs. Ce n’est pas à moi de dire ce que l’Eglise doit faire, bien sûr que non. Mais il faut quand même sentir que Jésus n’a pas besoin de quarante jours pour monter au ciel : aussitôt Il est assis à la droite du Père, aussitôt.
Marie avait-elle besoin de ces quarante jours ? Les disciples avaient-ils besoin de ces quarante jours ? Oui, c’est sûr, les disciples avaient besoin de ces quarante jours, pour pouvoir toucher Jésus, pour pouvoir témoigner de la Résurrection : comme dit saint Thomas d’Aquin, ces visitations n’engendrent pas une foi de témoignage surnaturel, mais une foi de témoignage oculaire. La foi de Marie, elle, est une foi de témoignage surnaturel de la Résurrection : voilà toute la différence.
Il va falloir d’ailleurs que les deux se rejoignent, que les témoins oculaires soient séparés de ce témoignage vraiment sensible, visible, palpable du fait de la Résurrection de Jésus ( non pas du mystère de la Résurrection ), parce que la foi atteint non pas le fait de la Résurrection, mais la vie intime incarnée de la gloire de la Résurrection, ce qui est tout à fait différent (je peux toucher Jésus ressuscité et ne rien toucher du tout au mystère de la Résurrection).
Donc Marie ne touche pas Jésus dans le témoignage oculaire, mais elle adhère à la lumen gloriae de Jésus ressuscité pour y participer dans l’obscurité lumineuse, toute exaltante, toute consolée, toute dégoulinante, toute huilée, toute ointe, toute parfumée, de la lumière surnaturelle de sa foi.
Il faut bien dire que tant que sa moitié sponsale était dans le temps (parce que c’était bien le cas : Abraham, Moïse, Joseph étaient dans l’attente, dans le temps), Marie vivait, et d’ailleurs nous l’avons vu et senti au fur et à mesure que nous avons monté le grand pèlerinage des mystères du Rosaire, elle était toute confondue en une seule chair, en un seul cœur battant de grâce, de vie divine, et d’espérance et de foi et d’amour avec sa moitié sponsale. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Alors d’un seul coup Joseph n’appartient plus au temps, il est parti. On dit que le sacrement de mariage existe jusqu’à la mort de l’un des deux. En l’occurrence, même au-delà de la mort, Joseph demeure dans le temps de l’attente ; son mariage dure encore jusqu’au jour où Jésus ressuscite. Un vide s’est donc fait à l’heure de la Résurrection de Jésus dans la sponsalité incarnée surnaturelle de Marie. Voilà pourquoi il a fallu quarante jours. N’est-il pas écrit dans la Torah qu’il faut au moins quarante jours pour un mariage ?
Et là le nouvel Adam et la nouvelle Eve sont aussitôt établis dans des noces par lesquelles ils doivent concevoir le mariage des Personnes divines incréées dans la Jérusalem glorieuse et l’établir, l’enregistrer, l’engendrer et le faire germer dans la terre du temps de l’Eglise. Il faut donc que Jésus se soit assis sur son trône de Roi et de Prêtre, qu’Il passe au-delà du voile, comme l’explique l’Epître aux Hébreux, et que Marie demeure en deçà du voile pour que ce mariage de la Jérusalem spirituelle et de la Jérusalem glorieuse s’établisse dans le livre de la vie, de la présence de Dieu le Père dans tous les êtres humains.
Comme la pédagogie de la paternité de Dieu s’inscrit toujours dans l’amour séparant, il faut qu’il y ait cette immense séparation. Cette extraordinaire chose fait que ce mariage s’est réalisé à travers l’amour séparant de Dieu le Père.
Peut-être le Saint Esprit aidera celui qui veut bien croire : celui qui veut être couronné dans ce mystère-là ira toujours très loin dans la communion des Personnes de la Très Sainte Trinité et dans sa vie d’union profonde, divine, d’amour dans la fulgurante communication de la communion glorieuse des Personnes de la Très Sainte Trinité dans lui, et lui aussi établi dans ces torrents de don et d’accueil du don divin d’une Personne divine à travers lui dans une autre Personne divine.
C’est l’enjeu de ce mystère.

Trois passages parlent de l’Ascension : Acte des Apôtres, 1, 9-11 ; Marc, 16, 19 ; Luc, 24, 50-51.
Regardez : quand Jésus disparaît à leurs yeux, Jésus monte, Il les bénit, Il bénit le monde, je trouve cela beau, Il les emmène tous (ils sont innombrables, au moins cinq cents, sans compter les femmes et les enfants) les attirant sur le sommet du Mont des Oliviers. Jésus était forcément tout lumineux. Puis Il s’élève et une nuée glorieuse (c’est dommage que nous n’ayons pas le mot hébreu : une nuée qabodique, que nous ne pouvons pas fixer tellement elle est lumineuse) l’aspire, comme une flamme (parce que Jésus glorifié est devenu une flamme glorieuse) se fondant dans un soleil.
C’est un petit peu ce qui s’est passé : Jésus est monté dans la gloire de la divinité sous leurs yeux, et a disparu, les pieds en dernier, parce que les membres du corps mystique vivant de Jésus vivant rentreront dans la gloire de Dieu le Fils, mais après la tête : dès lors que Jésus est monté dans l’Ascension, ça y est, nous sommes divinisés, nous sommes ressuscités d’avance, c’est commencé, ce n’est qu’une question de secondes.
Jésus disparaît à leurs yeux, et ce que je trouve beau, ce qui me fait plaisir, c’est qu’une fois que Jésus a disparu (Il est ressuscité, Il est monté à la droite du Père), deux anges sortent de cette nuée et descendent de la nuée. Cela me plaît ! Ils disent : « Hommes de Galilée, qu’avez-vous donc à regarder vers le ciel ? Vous cherchez Jésus ? »
C’est exactement la même chose qu’au moment du mégas séismos : Jésus ressuscite d’entre les morts, et quelques secondes après, les femmes entrent dans le sépulcre où deux anges étaient descendus, avec l’aspect de l’éclair, tout fulgurants, revêtus d’habits immaculés comme la neige (comme le dit l’Evangile selon saint Matthieu, 28, 3), des habits sacerdotaux : « Femmes, vous cherchez Jésus dans un état de crucifixion, mais Il n’est pas ici, ce n’est pas cela ! ». Et là nous avons la même chose : les deux mêmes, pour bien montrer que l’anastasis et l’égersis se sont passées au même instant.
Mais cette extraordinaire incarnation de la gloire de la Résurrection (parce que la gloire de la Résurrection s’est aussitôt incarnée dans la fonction glorieuse de la communion des Personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit) est tout de suite descendue aussitôt par la foi de Marie pour qu’il y ait ces quarante jours, pour qu’il puisse y avoir le fameux festin des Noces de l’Agneau, pour qu’il puisse y avoir cette fameuse incorporation de l’Eglise, qu’il puisse y avoir ce fameux mariage entre la grâce et la gloire. C’est pour cela que nous voyons ces anges qui descendent tandis que Jésus monte. C’est Jésus et Marie… c’est magnifique, je trouve cela très beau.
A ce moment-là, Marie se retrouve effectivement seule, elle qui avait surabondé de tout ce qui avait pu la combler au niveau sensible…
Je suppose que ce doit être très agréable d’être fiancés : il y a une proximité, une confiance, une certitude, une présence sensible, une pureté, une innocence, et il faudrait ajouter des qualificatifs. Plus c’est saint, plus les fiançailles sont extraordinaires ! (et plus c’est grossier, plus c’est pénible, c’est vrai). Plus c’est saint, et plus c’est fantastique, étonnant.
Oui, ces quarante jours ont été extraordinaires pour Marie : c’est vraiment l’inverse de la destruction qui a été vécue pendant ces trente six ans, et surtout pendant ces trente-six heures de la passion, puis ces autres trente-six heures du Sabbat ( des abîmes sans fond que nous ne pouvons pas mesurer ). Tout ces abîmes sont comblés de joie pendant ces quarante jours, et même surabondamment puisque Jésus donne du poisson « autant que vous en voulez » aux cinq mille, à partir de cinq pains d’orge : surabondance de consolation, de lumière, de gloire.
La gloire de la Résurrection se met cependant sous la grâce ( parce que Jésus glorifié se met encore et toujours sous Marie ), mais elles se mélangent : quelle masharisation extraordinaire !
Puis, d’un seul coup, Jésus s’en va. C’est cela, l’Ascension : d’un seul coup, et c’est fini. Alors là ! Les quarante jours expriment toujours l’arrachement du désert : Marie s’est retrouvée vraiment seule. Se retrouver avec cette espèce d’abîme que creusait la déréliction, la passion, la souffrance de Jésus, la mort, l’injustice subie, et elle avec Lui assumant toute la justice de Dieu par rapport au péché du monde, c’est pénible, c’est très dur, mais avec beaucoup d’amour, on le vit. Mais maintenant, cette surabondance de lumière, cette surabondance d’amour venue vraiment des torrents d’une communion d’affinité absolue avec elle… la quitte : Jésus s’en va. Alors là, il y a un manque étonnant, et c’est cela qu’il faut sentir.
Les Pères qui nous ont formés à l’amour de Marie, à l’amour de la théologie, à l’amour des saintes Ecritures, nous ont formés à sentir ce passage de l’avant et de l’après Ascension en Marie. Cela n’a pas été une détresse, mais une soif indescriptible !
Tu ne connais pas ta fiancée ; tu voudrais bien avoir une fiancée ; tu as le désir d’avoir une fiancée : tu as un vide, tu vois ? Il y a des êtres lancinants parce qu’ils n’ont pas de fiancée (il faudrait leur expliquer que la vraie fiancée n’est peut-être pas là où ils le pensent). D’un seul coup, ils trouvent une fiancée : « c’est formidable, c’est celle-là ! », et accident de voiture, elle disparaît : c’est autre chose ! Ce n’est plus seulement de l’imaginaire : c’est l’amour à l’état pur qui se trouve sans son aimée, sans sa moitié.
C’est ce qui s’est passé : voilà comment s’est incarné glorieusement l’exigence divine de Dieu le Père et de la paternité incréée de Dieu dans l’unité du Père et du Fils dans la Résurrection de Jésus : voilà ce qui s’est réalisé avec Marie dans cet amour séparant.

Il a donc voulu que Marie fasse l’acte de foi nouveau de cette soif prophétisée par Jésus sur la croix : « J’ai soif », que cette soif vive en la foi de Marie avec une ardeur sans limite provenue de l’éternité dans une nouvelle incarnation : à partir de la gloire de la Résurrection, et à la fois de la plénitude de sa grâce comme de l’intégrité de ses ardeurs humaines sensibles de femme (les trois à la fois), de manière à ce que s’établisse une attraction véhémente réalisant l’unité du corps mystique de l'Eglise par la foi.
L’Ascension est donc en vérité un mystère de Marie : la maternité divine de Marie commence. Il faut le sentir (effectivement, nous pouvons très bien y être très insensibles), comme nous souhaitons ne pas être insensible aux choses de Dieu et de la grâce, nous voulons nous laisser attirer par Marie dans son cœur assoiffé de nous, assoiffé de Dieu le Père dans tous les membres vivants du corps mystique vivant de Jésus vivant. Il fallait donc bien que ce soit Dieu le Fils dans une chair glorieuse intégrale complète qui vienne dans son cœur combler ce nouveau vide.
Nous voulons être sensible à cela et nous laisser attirer.
Jésus a dit face à la blessure du cœur : « J’attirerai tout à moi ».
La croix sur laquelle s’est inscrite cette blessure du cœur est Marie à l’Ascension : « J’attire tout à moi ».
Et effectivement, dans les Actes des Apôtres (1, 14), nous voyons qu’aussitôt après l’Ascension, les Apôtres se rassemblent dans cette mémoire eucharistique autour de Marie en communion avec elle, continuellement, et ils y persévèrent, dans l’unanimité : « perseveranter et unanimiter in oratione cum Maria ». Voilà le résultat, le fruit de l’Ascension. Cette unité sponsale entre le nouvel Adam et la nouvelle Eve est vraiment extraordinaire ; la co-rédemptrice reste seule.
Beaucoup de théologiens ont du mal avec l’affirmation selon laquelle Marie est établie co-rédemptrice, et médiatrice de toutes les grâces (« ne dites pas cela, enfin ! »). On compte sur les doigts de la main dans le monde ceux qui acceptent d’entendre que Marie est notre co-rédemptrice, ce qui est tout de même assez étonnant!
Jésus même sur la croix, même à Gethsémani (et Dieu sait que ce n’était pas facile), en son intelligence humaine, son cœur (ses sources d’amour humain, profond), comme en sa liberté incarnée (l’unité entre son corps, son âme et son esprit) vivant de sa mémoire de Lui-même, était resté entièrement engloutis dans la gloire de la béatitude. La béatitude demeure dans les sommets de l’intelligence humaine de Jésus pendant sa passion : même pendant les moments les plus ténébreux de sa passion, tous les sommets de son intelligence ne sont pas crucifiés ; les profondeurs de son cœur sont dans une béatitude totale ; l’unité de son corps, de son âme et de son esprit est dans une impassibilité absolue, glorieuse, toute palpitante.
Or les exigences de la rédemption posent toute l’humanité doit être sauvée par immolation ; et donc il faut aussi que les sommets de l’intelligence soient crucifiés, que les profondeurs du cœur soient crucifiées, que l’unité sensible du corps, de l’âme et de l’esprit, soit crucifiée. C’est pour cela que Marie a joué un rôle de complémentarité, parce que elle, elle n’est pas Dieu. Et donc les sommets de son intelligence sont dans la ténèbre radicale de la nuit profonde de la foi. C’est pour cela que quand elle offre Jésus crucifié, et qu’elle s’offre avec Lui dans l’unité parfaite, elle L’offre avec les sommets d’une intelligence humaine rendue victime dans la ténèbre de la croix : c’est comme cela que l’humanité victimale est devenue prêtre.
Jésus à lui tout seul ne pouvait pas être prêtre et victime seul : Il a besoin de nous, Il a besoin de la foi… La foi va nous unir à Jésus crucifié et permettre que nous offrions Jésus crucifié avec les sommets de notre intelligence crucifiée (Lui ne peut pas) et avec les profondeurs de notre cœur crucifié. N’est-ce pas la raison profonde pour laquelle Marie a du connaître la trans-Verbération ?
Les profondeurs de son cœur crucifié rentrent dans le mystère de complémentarité : nous ne pouvons pas dire qu’il ne s’agisse que d’une simple association ( « Elle était là, avec Jean, le chat, le chien et l’âne, au pied de la croix »… Non ! Nous ne pouvons pas dire cela ! ).
Telle se présente à nous l’unité de co-rédemption. Jésus a été la victime, mais qu’on le veuille ou non, les sommets spirituels de l’humain ne peuvent être offerts que par l’Eglise. ( Nous avons déjà noté que l’humanité de Jésus étant glorifiée, Il n’avait pas pu offrir non plus les instants qui ont suivi sa mort, ni la blessure du cœur ).
Nous devenons l’épousée de l’Agneau, image ressemblance ainsi surnaturellement assimilés à l’épousée de Dieu le Père ( c’est-à-dire nous sommes Fils par la foi ), en nous associant à cet amour séparant.
Au fond, au moment de l’Ascension, la séparation est telle que nous atteignons en Marie des profondeurs de co-rédemption que nous n’avions pas atteintes jusque là ; et c’est là que naît la mission de l’Eglise.
Le mystère de l’Ascension est très fort, parce que nous sommes appelés à être tellement séparés de Dieu dans le sensible, que du coup le Saint Esprit va pouvoir être envoyé, et que nous pourrons vraiment devenir Fils en Dieu, que nous pourrons vraiment vivre de la communion des Personnes trinitaires.
C’est la condition : Dieu veut que nous soyons en communion personnelle avec Lui, et donc il doit y avoir ce mystère de la foi, de l’espérance et de l’amour divin et surnaturel. Cela commence ici.

La disposition au mystère de l’Ascension est l’espérance, vous le savez bien.
L’espérance surnaturelle commence à s’ouvrir, l’espérance divine incarnée en nous : nous sommes l’incarnation de l’espérance divine, de l’espérance surnaturelle.
Qu’est-ce qu’un chrétien ?
C’est quelqu’un qui est l’espérance surnaturelle incarnée à l’état pur. Il a une confiance totale d’avoir été avec Jésus établi à la droite du Père, qu’il est Fils avec Dieu le Fils dans la gloire de la Résurrection et dans le sein du Père, et ces biens qu’il ne voit pas, il les espère et il en vit avec confiance : il vit de la grâce, il vit de la gloire, il vit du Royaume de Dieu accompli, il vit de la Résurrection, il vit de la Croix glorieuse de Jésus. Il est pauvre, il n’a rien, il est séparé de tout, mais dans ses mains vides où il n’y a plus rien de la terre, il y a Dieu. C’est l’espérance, la confiance : il y a Dieu.
D’habitude, quand on se détache de son père, c’est pour dire : « Tu m’embêtes, papa ! Laisse-moi tranquille, je m’en vais ! ».
Marie a pu vivre ce détachement autrement pour que nous soyons en communion avec le Père dans l’Esprit Saint. Ce renversement de la guérison vis à vis de la paternité incréée de Dieu s’est réalisé à l’Ascension dans l’espérance : c’est l’espérance qui nous réconcilie avec le Père.
Nous Le redécouvrons présent en tous ceux qu’Il est en train de créer, comme étant Celui qui les fait vivre de sa propre Vie, tout donné à eux. C’est pour cela que quand nous voyons notre prochain, nous voyons par derrière, du dedans de chacun d’entre eux, Dieu le Père qui donne toute sa vie profonde à chacun, comme la mère à ses nourrissons : Il ne vit plus pour lui-même.
Marie va vivre cela : elle va être le moule du corps mystique vivant de Jésus vivant entier, de la Jérusalem spirituelle et de son union avec la Jérusalem glorieuse. Cette immense tension, ce grand mariage de la grâce et de la gloire se réalise à ce moment-là.

Contemplation du mystère : si nous voulons faire de la théologie mystique (parce que ce que nous avons rappelé jusqu’ici, nous le savons depuis longtemps, n’est-ce-pas ?), lumière sous laquelle tout est regardé à partir de la communion des Personnes trinitaires, nous considérerons que dans la gloire de la Résurrection, la Résurrection s’est faite Verbe de Dieu, elle s’est faite Fils unique de Dieu le Père : la Résurrection corporelle de Jésus (et notre propre résurrection) a pénétré en Dieu et s’est faite Dieu (le Fils) ; elle est venue se mettre dans la droite ( donc disparaître : la droite est toujours le schème de la blessure du cœur), dans la disparition de Dieu le Père en Lui.
Comme c’est beau ! Le trône, si je puis dire, qui est au dessus de tout, est l’Unité du Père et du Fils dans la gloire de la Résurrection.
Cette première communion de deux Personnes divines nouvelle est prodigieuse. Il faut que le feu qui brûle le cœur eucharistique de Jésus quand nous le recevons, qui est ce feu-là, nous nous en nourrissions.
La seconde chose, à côté de cela, dans le même instant du mystère de l’Ascension, nous qui sommes sur la terre ( « qu’avez-vous donc à regarder vers le ciel ? » ) il y a le mystère de l’Ascension dans la terre de Marie, dans la Jérusalem glorieuse incarnée dans le pèlerinage terrestre : à l’intérieur des mains de Dieu le Père est ce mystère de l’Ascension en Marie.
« Faite ceci en mémoire de moi » : c’est très beau !
Nous savons depuis longtemps maintenant que Marie est Immaculée Conception : Elle fut conçue et éveillée dans la communion de deux Personnes trinitaires. Aujourd’hui cet éveil se réalise glorieusement. Nous savons très bien que l’Immaculée Conception émane comme un fruit de la communion profonde, réelle, personnelle, intime et intégrale, de Dieu le Fils (le Verbe de Dieu) et de Dieu le Saint Esprit, dans la blessure du cœur de Jésus. A l’Ascension, cette Blessure est désormais glorieuse et vivante dans le cœur de Marie à jamais.
Dieu le Fils, en même temps qu’Il est rentré dans le sein de Dieu le Père s’asseyant à sa droite pour s’y conjoindre avec nous tous, se conjoint simultanément en Dieu le Saint Esprit dans l’impassibilité de l’Eglise, dans l’impassibilité glorieuse de la foi, de l’espérance, de la pauvreté et de la charité de l’amour de l’Immaculée Conception. C’est quelque chose de très fort, parce que du coup le Saint Esprit tout amour s’y conjoint également lui-même de manière toute nouvelle en ce nouveau mystère.
Il y a deux trônes, donc : l’unité du Père et du Fils dans la Résurrection, et l’unité de l’Esprit Saint et du Verbe de Dieu vivant dans l’Immaculée Conception de l’Eglise.
C’est pour cela que je dis que la co-rédemption commence ici : théologiquement, c’est ici qu’il faut la voir, active par la médiation des Personnes divines. Ce sont deux communions de Personnes divines incréées qui doivent s’associer, et cela fait l’identité du nouvel enfant de Dieu qu’est le corps mystique vivant de l’Eglise, qui va d’ailleurs se préparer à recevoir la fameuse ouverture flamboyante du ciel de la Pentecôte, qui signera la naissance de l’Eglise.
Si, mystiquement, chacun d’entre nous, nous sommes très sensibles à l’amour personnel vis à vis de Dieu (notre amour est vraiment personnel, cela veut dire que c’est vraiment de l’amour que nous avons pour Dieu : si c’est de l’amour c’est vraiment personnel, toute notre personne est impliquée), du coup, nous sommes extrêmement sensibles au fait que c’est toute la Personne du Saint Esprit qui est impliquée dans cette communion avec nous.
Je vais aller plus avant : c’est toute la Personne de Dieu le Fils dans la Résurrection de Jésus ( et dans toutes les résurrections glorieuses ) qui est toute intime, concentrée, toute donnée à l’amour dans le sein du Père et Il y disparaît, il n’y a plus que le Père ( pour ainsi dire ). Et réciproquement. Cette communion des Personnes se donne à vivre mystiquement par la foi dans l’espérance, pour qu’il y ait l’amour, un amour éternel commencé dans la foi, l’espérance, la charité du pèlerinage de l’Eglise. Il s’exprime d’abord et pour commencer dans une soif ardente de la communion des Personnes divines.
Voilà pourquoi il faut sentir à quel point Marie, dans l’instant qui a suivi l’Ascension, est seule, et elle a soif.
Le désir, l’espérance de Marie, c’est cela qu’il faut vraiment contempler, et voir jusqu’où cela a été. Alors nous pouvons comprendre ce que c’est que la grâce. La grâce nous attire dans la communion des Personnes trinitaires, par la médiation de la Femme, cette Femme qu’est l’Eglise. Les Apôtres ont reconnu en Marie à ce moment-là qui était l’Eglise, ils se sont rassemblés avec elle, ils ont persévéré en solidarité totale avec elle.

Il faudrait demander au Saint Esprit, il faudrait demander à la Très Sainte Trinité, cette grâce complètement incroyable de pouvoir, si nous avons un jour une extase vraiment surnaturelle et divine, ou une instase (une descente de pauvreté), que nous puissions vivre, comprendre, saisir ce qui s’est passé
- lorsque le Christ glorieux s’est enfoncé dans l’Esprit Saint (voilà pour la blessure du cœur de Marie dans sa soif presque infinie établie par Dieu comme co-rédemptrice et Mère de l’Eglise), comment Jésus glorieux a vécu cela dans sa Personne divine de Fils en disparaissant dans l’Esprit Saint,
- puis en disparaissant en même temps dans Dieu le Père (Joseph surgit devant nous de ce côté-là pour notre plus grande joie).
Quelque chose d’assez spectaculaire a duré dix jours, une Révélation que nous ne pouvons pas produire par nous-mêmes ; nous pouvons simplement en donner la direction : il n’est pas possible de produire cette contemplation, mais nous pouvons savoir que c’est là dedans que s’inscrit le mystère de l’Ascension qui juge tout. Il s’est assis à la droite du Père et Il viendra juger tout : le jugement de ce monde est prononcé !
Il y a là quelque chose qui est très vertigineux.

Qu’allons-nous dire à nos enfants, sans être compliqués, pour qu’ils comprennent un vertige aussi incroyable ?
Aux enfants, il faut faire apprendre par cœur l’acte d’espérance :
« Mon Dieu, j’ai une confiance totale qu’en cet instant, tu me communiques la plénitude de toutes tes grâces en ce monde et le bonheur éternel de l’autre monde » :
Les torrents sans limite de toutes tes grâces que tu as données à ta création dans ce monde (depuis le début de la création du monde, jusqu’à la fin du monde), et le bonheur éternel, toutes les gloires, toute la béatitude de l’autre monde, en cet instant, je les reçois avec confiance.
L’autre formule est : « Seigneur mon Dieu, j’espère avec une ferme confiance que vous me donnez par les mérites de Jésus Christ votre grâce en ce monde, le bonheur éternel dans l’autre ».
Je ne vois rien, je ne ressens rien, mais j’ai une confiance totale et j’en vis.
Si je me sens bien, il m’est impossible de faire l’acte d’espérance.
Si je me sens mal, l’acte d’espérance peut jaillir librement. L’acte d’espérance est pour les pauvres, pour les assoiffés, pour ceux qui n’ont plus rien.
Pour ceux qui n’ont plus rien, il y a l’espérance.
L’espérance s’inscrit toujours dans la pauvreté, dans le désir qui structure l’esprit de pauvreté ; conseil évangélique n°1 : faire beaucoup d’actes d’espérance. Nous comprenons que faire un acte d’espérance est mystique.
Dans le murmure, ce serait mêlé d’orgueil, nous l’avons vu. Non pas dans le murmure, mais dans la pauvreté et dans l’humilité : l’humilité infuse de celui qui est tout petit, qui est pauvre, qui n’a plus rien, mais qui a la confiance de l’espérance, la confiance totale qu’en cet instant… nous recevons la grâce !

A mon enfant, je vais expliquer que nous vivons de la grâce.
Qu’est-ce que la grâce ? La grâce est une participation vivante à la vie divine et intime de Dieu qui vit de manière bien vivante dans notre âme, et que nous vivons en nous du dedans.
Combien y a-t-il de sortes de grâce ? Ah! Il y a deux sortes de grâce.
Quelles sont ces deux sortes de grâce ? La grâce habituelle (sanctifiante), et la grâce actuelle.
Ah oui! Mais alors quelle différence y a-t-il entre la grâce sanctifiante et la grâce actuelle ?
Tu ne le sais pas ? Tu feras ta première communion l’année prochaine ! Si tu ne sais pas la différence entre une grâce sanctifiante et une grâce actuelle, tu n’as pas le droit de communier. D’abord le catèche !
Tu vas vivre de sept grâces :
La grâce de la création originelle, certes perdue,
La grâce du corps spirituel de Résurrection, maintenant établie dans la Résurrection,
Toutes les grâces prévenantes qui reprennent tous ceux qui sont tombés dans le péché, c’est-à-dire tous les hommes, sans exception, de tous les temps, même les plus grands pécheurs, qui sont ré-attirés vers le bien, ré-attirés à devenir des saints sans s’en rendre compte,
Toutes les grâces sanctifiantes de tous les saints, de tous les temps, de tous les lieux, par lesquelles ils sont surnaturellement inscrits définitivement dans la sainteté par le baptême, par les sacrements, par la sainteté ( noter que la grâce sanctifiante ne peut pas diminuer, elle ne peut qu’augmenter). La grâce sanctifiante fait que la sainteté est inscrite du dedans, au centre même des sources de ta vie lumineuse au fond de ton âme, et c’est une source continuelle de vie qui vient du ciel et qui est l’intime de Dieu à l’intérieur de toi. Toute ta vie chrétienne consistera à faire en sorte, en faisant des actes d’espérance encore plus intenses, que cette grâce sanctifiante augmente jusqu’à l’acte d’espérance suivant, à condition de le faire avec la plus grande ferveur possible ( la confiance totale qu’en cet instant la grâce sanctifiante augmente encore ). Marie a passé toute sa vie à faire en sorte que sa grâce sanctifiante ne laisse jamais passer un moment sans qu’elle n’augmente.
Toutes les grâces actuelles de toutes les communions de l’Eglise, celles qui édifient le corps mystique vivant de Jésus vivant entier : signes, prodiges, miracles, qui sont certes périphériques, charismatiques (toutes les sucettes). La grâce actuelle t’est donnée lorsque quelqu’un prie pour toi (tu ne le connais pas, mais il prie) : alors tu reçois une inspiration, tu as envie de sourire à ton ennemi, tu lui pardonnes volontiers ( tu crois que c’est toi qui es comme cela ? Eh non, ce n’est pas ta sainteté, c’est celle de celui qui a prié pour toi : la grâce actuelle, c’est toujours les autres qui te l’ont obtenue ). Et si tu ne sais pas faire la différence entre la grâce sanctifiante et la grâce actuelle, c’est embêtant.
Toutes les grâces des missions invisibles des Personnes divines, qui font que sur la terre et dans les cieux la vie divine ne cesse d’augmenter, ne cesse d’augmenter, ne cesse d’augmenter… Si tu mêles, si tu choques la grâce sanctifiante (par des actes d’espérance) et les grâces actuelles de toutes les prières de l’Eglise pour toi, (c’est facile à faire, c’est la spiritualité chrétienne de base, pour qu’il y ait un petit peu de feu), cela fait un choc d’étincelles qui donne une mission divine invisible d’une Personne divine dans ton âme. Cela peut être le Père qui est en train de te recréer qui prend encore plus de place, définitivement. Ou le Saint Esprit qui est envoyé dans ton âme pour conquérir un espace nouveau, l’intensification de la présence d’amour du Saint Esprit est plus grande ; ou celle de Dieu le Fils, en communion avec tout le corps mystique entier et vivant de Jésus glorieux vivant et de Jésus de grâce vivante. Ce sont les grâces des missions divines des Personnes divines qui te font prêtre et qui font que sans arrêt tu ne cesses d’augmenter le nombre des enfants de Dieu et le nombre des gloires intimes de la Très Sainte Trinité.
La grâce de la persévérance finale : pour laquelle nous disons « Je vous salue Marie pleine de grâce…u, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ». Tu peux avoir reçu toutes les grâces, sanctifiante, prévenante, originelle, sacramentelle, etc, tu n’es pas assuré de recevoir la grâce de persévérance finale, la grâce la plus importante de toutes qui n’est donnée qu’à ceux qui vivent de la communion des Personnes avec la Très Sainte Trinité dans l’espérance. Il faut être très humble pour recevoir la grâce de persévérance finale. C’est pourquoi nous sommes crainte et tremblement en disant : « Seigneur, toutes les grâces, mais aussi la grâce de persévérance finale ».
Entraînez-vous à mourir, vous allez voir : la grâce de persévérance finale, vous ne l’aurez pas. Je vous mets au défi ! Quelques soient les grâces que vous ayez eues, d’héroïcité et autres sur la terre. Comme il est extraordinaire de comprendre cela.
Le mystère de l’Ascension nous fait comprendre que toutes les grâces, toutes les gloires de Dieu manifestées dans la sainteté terrestre, ne sont rien à côté de la pauvreté dans laquelle nous sommes dans la persévérance finale : dans cet état de séparation absolue il n’y a plus rien et nous dépendons totalement de la grâce.
Il faut petit à petit comprendre ce qu’est la grâce, la plénitude de grâce, et voir quelles sont ces sept grâces.
Voilà ce qu’il faut apprendre à l’enfant pour vivre du mystère de l’Ascension.
A ce moment-là, nous sommes établis à la droite du Père, nous sommes à la droite du Père et nous jugeons le monde, et le monde pour nous est condamné : nous sommes élevés au-dessus. Nous sommes au-dessus des anges, nous sommes devenus prêtre, juge, roi et source de la Loi nouvelle.
« Il s’est assis à la droite du Père ».

Ave Maria !