Méditation du sixième mystère du rosaire, le premier mystère lumineux :

Le mystère du baptême de Jésus dans le Jourdain

Les mystères lumineux sont tout nouveaux, ils sont là depuis cette année. Nous n’avons donc pas pour les contempler une somme extraordinaire, un poids de tradition mystique.
Nous n’avons qu’une seule possibilité au départ, c’est de lire comment le Pape a introduit ce mystère-là :
‘‘Le baptême au Jourdain est avant tout un mystère de lumière. En ce lieu -donc dans le Jourdain-,
alors que le Christ descend dans les eaux du fleuve
comme l’innocent qui se fait péché pour nous,
les cieux s’ouvrent, la voix du Père le proclame son Fils bien aimé, tandis que le Saint Esprit descend sur lui pour l’investir de la mission qui l’attend’’.
Voilà l’énoncé du mystère.
Jusqu’à maintenant, nous avions les quinze mystères du rosaire et nous montions allégrement jusqu’à l’Assomption, facilement, mystiquement, et lumineusement : il faut bien le dire.
Le pouvoir des clés de l’Eglise s’est ouvert : sont venus s’incruster ici les cinq mystères lumineux.
Nous sommes les premiers à en faire l’expérience, à pouvoir rentrer dans ces mystères ‘intermédiaires’ qui ont véritablement une importance immense. Nous vivons certainement quelque chose de très fort dans l’histoire eschatologique de l’Eglise.
Nous allons donc essayer de rentrer dans ces mystères nouvellement proposés pour les derniers combats.
Nous connaissons les fruits des premiers mystères depuis des siècles et des siècles : la disponibilité surnaturelle et joyeuse (premier mystère), l’union et la communion surnaturelles des cœurs (deuxième mystère), l’effacement et l’humilité infuse et surnaturelle (troisième mystère), l’obéissance profonde et la purification du cœur ( quatrième mystère ), et union transformante surnaturelle dans la recherche de Dieu en toutes choses de la vie ( cinquième mystère )…
Mais ici ? Quels sont les fruits de ces mystères, quelles en sont les dispositions ?
Cela va de soi, évidemment : les dispositions sont toujours très simples.
Du premier mystère lumineux, Baptême de Jean Baptiste, au cinquième mystère lumineux, l’Eucharistie ( la transsubstantiation, où toute la lumière vient se focaliser pour se transmettre de manière incréée dans quelque chose de créé ) : Effectivement le fruit de chacun de ces cinq mystères lumineux, nous le sentons bien… et moi je dirais que c’est le fruit des sacrements.
Pour le premier mystère lumineux, c’est le fruit du sacrement de baptême.
Pour le deuxième mystère lumineux, les noces de Cana, c’est la sponsalité, la révélation du fruit du sacrement de mariage que l’Eglise ouvre en ceux qui y prient.
Pour le troisième mystère lumineux : Jésus vient guérir les malades, relever les affligés, redresser ceux qui sont fatigués, écarter les découragements, les maladies, les langueurs, ressusciter les morts, donner la lumière, les ténèbres n’ont pas pu l’arrêter pendant ces trois ans de conversion et d’évangélisation : c’est le fruit du sacrement des malades, ce qu’on appelait l’extrême onction.
Pour la transfiguration : nous sommes devant le fruit du sacrement de confirmation, la force pour aller jusqu’au don total de soi dans notre « heure », et aussi jusqu’au fruit plénier de l’eucharistie.
Nous avons déjà vu que les cinq premiers mystères joyeux instituent le sacerdoce royal, continuellement. Les mystères douloureux et glorieux, qui sont les dix autres mystères, correspondent au fruit du sacrement de confession : la rémission des péchés. C’est la confession : Dieu se montre tel qu’il est et confesse qu’Il est Dieu en nous, et nous, nous confessons que nous sommes Dieu en Lui.
Tous les sacrements sont connexes. De sorte qu’à partir du moment où le sacerdoce royal - cette médiation directe dans la chair, le sang, l’esprit, la grâce entre Dieu et les hommes, se nouant en nos profondeurs incarnées et surnaturalisées -, a été instituée par les mystères joyeux d’une part, et où d’autre part le mystère de confession, de la rémission des péchés, est redonné dans les mystères douloureux et glorieux, tous les sacrements étaient impliqués dedans.
Dans ces mystères de confession, nous sommes vraiment plongés dans la mort et la résurrection du Christ, donc le baptême est là ; dans le mystère de confession, il y a déjà le Face à Face et donc le mariage avec Dieu, etc.
Mais nous avons besoin aujourd’hui de l’expliciter, parce qu’il faut vivre explicitement et jusqu’au bout, du fruit des sacrements. Les sacrements pour eux-mêmes ne servent à rien, contrairement à leurs fruits : ce pour quoi ils sont faits.
C’est pourquoi cela risque d’être très beau de prendre pour chaque mystère lumineux le fruit de chaque sacrement.
Le Pape a raison - d’ailleurs je serais très insolent de dire que le Pape n’a pas raison – car quand même, des mystères joyeux, nous passions d’un seul coup, trente ans après, tout de suite à la flagellation. Il y avait une rupture, nous ne voyions pas le lien. Surnaturellement c’est immédiat, nous passons d’un mystère à un autre, comme une fleur laisse place à une autre fleur, naturellement. Nous avons bien vu, du reste, dans les mystères joyeux comment tout cela est organique, comme la croissance d’un arbre : il faut toujours reprendre et voir à quel point chaque mystère s’enracine dans le précédent et se déploie, se manifeste dans le suivant. C’est pour cela qu’il y a quelque chose de grand dans le fait d’avoir rajouté ces cinq mystères joyeux, parce que du coup le rosaire devient vraiment et continuellement vivant.
La dernière fois, nous avions regardé le cinquième mystère joyeux : Jésus avait quitté le Temple et il était descendu à Nazareth pour incarner le mystère des joies surnaturelles dans la Sainte Famille. C’est magnifique cela, je ne vais pas revenir dessus, mais c’est quand même très fort. Désormais c’est Joseph - celui qui est le dikaios on : l’être ajusté jusque dans sa substance à Dieu et à celui que Dieu met proche de lui - qui prend l’initiative, c’est sous son ombre que tout doit se faire. C’est extraordinaire car cela veut dire que désormais Jésus va être pros Ioseph, c’est à dire qu’il va être face à face avec Joseph.
D’habitude, dans Sa Personne Il est face à face avec Dieu :
‘‘o Logos pros ton Theon esti’’,
le Verbe est face à face avec le Père, dedans le Père et face au Père, Il voit le Père. La vie de Dieu est de voir Dieu tout le temps et de se perdre dans cette vision extraordinaire de Dieu. Désormais toute la divinité de Jésus va s’effacer dans son âme humaine, va se mettre en dessous, pour se mettre face à Dieu le Père à travers Joseph. Il va être face à Joseph, il va contempler la Première Personne de la Très Sainte Trinité à travers la justice et l’ajustement surnaturels substantiels de Joseph.
Que fait saint Joseph dans la Sainte Famille ? C’est lui qui doit prendre toutes les initiatives ; il ne sait faire que des choses simples, et derrière le visage de Jésus il ne voit que Dieu. C’est la vie éperdue de saint Joseph dans la Sainte Famille : quand il voit Jésus, il ne voit que Dieu. Et pourtant Dieu doit lui obéir, et pour lui obéir, Dieu ne voit en saint Joseph, ne regarde à travers saint Joseph, que cette présence de Dieu le Père. Les deux sont des êtres humains, le fils et le papa, l’enfant et le père humains, et ils ne voient dans chacune des personnes et à travers elle que les Personnes de la Très Sainte Trinité.
Alors l’unité à l’intérieur de ces deux personnes humaines est tellement forte qu’il y a un nid possible pour l’Immaculée Conception et pour la foi toute immaculée de Marie qui pénètre là, dans cette Unité du Père et du Fils dans cette Sainte Famille. C’est ce que nous avions vu la dernière fois, et du coup c’est l’Esprit Saint qui va actuer tout ce qu’elle va y vivre. Tel est le terme, l’éclosion, l’aboutissement, l’effusion des Mystères de l’Incarnation. Tous les mystères joyeux sont vraiment l’Incarnation.
Elle va jusqu’au bout ; la Très Sainte Trinité se rend présente dans cette unité et cette trinité incarnée des personnes, dans une simplicité incroyable. Le moindre acte, le moindre geste, le moindre regard, est tout rempli, intégralement, de la présence vivante et réelle de chacune des trois Personnes divines de la Très Sainte Trinité.
C’est pour cela que nous disions la dernière fois que le fruit de ce mystère est vraiment l’union transformante : la vie surnaturelle a commencé dans l’Eglise, dans cette première cellule mystique vivante de l’Eglise. La vie surnaturelle et la transformation surnaturelle de la chair toute donnée à Dieu ont commencé là: tel est le lieu secret de l’oraison.

Et l’oraison, si elle va jusqu’au bout… aboutira à la Lumière.

Si vous faites un quart d’heure d’oraison par jour, vous vous livrerez dans le silence vivant à ces opérations de la Très Sainte Trinité à travers vous et tous ceux qui sont proches de vous, écartant avec saint Joseph et en lui tout ce qui n’est pas exclusivement Dieu. Nous vivons l’oraison avec saint Joseph : c’est très commode. Nous sortons du temple de notre tête, nous sortons de notre mental, nous sortons de notre ego, nous sortons de notre affectivité, nous sortons de notre « senti », et nous rentrons dans le cœur, dans le corps, dans « l’instrument ». Et à travers notre corps, saint Joseph devient le père de la vie divine qui est en nous, à travers notre âme remplie de grâce, Marie devient la mère, et à travers notre cœur, Jésus est en train de croître. Faire oraison avec la Sainte Famille, c’est vraiment le mystère de l’union transformante : c’est extraordinaire, c’est vraiment magnifique.
Au fur et à mesure que l’union transformante se fait, l’union devient totale. C’est pour cela qu’il faut du temps : dix-huit ans. Il y a eu du temps, il y a eu une transformation jusqu’à la septième demeure de l’union transformante. Nous savons que la septième demeure de l’union transformante s’est réalisée au terme de ce cinquième mystère joyeux. Sainte Thérèse d’Avila dit à propos de la septième demeure, en quoi consiste le mariage spirituel totalement surnaturel, que la vie surnaturelle a tellement saisi que c’est vraiment la divinité incarnée en nous qui vit, et rien d’autre, Joseph a écarté tout le reste. C’est pour cela que c’est une vie cachée, simple, silencieuse, vivante, surnaturelle, qui change tout. La face du monde va changer, la crêpe va se retourner, et c’est le sixième mystère.
Sainte Thérèse d’Avila donne la caractéristique de la septième demeure : « une soif insatiable, inaltérable, de souffrir ». Surprenant !
Vous me direz : ‘‘tiens, je ne vois pas le rapport. C’est le contraire de l’auto-réalisation… Une soif insatiable de souffrir. Pourquoi ? ’’
Tout simplement à cause de ce que nous avions vu dans le quatrième mystère : Jésus avait été consacré, la blessure de l’Agneau s’était inscrite dans son cœur d’enfant. Le martyre, la mort incréée de Jésus commençait à pénétrer dans son cœur d’enfant, et il a commencé à croître avec cela. Et Joseph était tellement uni au Verbe incarné s’incarnant dans cette blessure du cœur dans la croissance de l’enfant, que cette mort s’est inscrite de plus en plus dans le mariage spirituel trinitaire mutuel : tout en lui s’est établi dans une communion avec Jésus crucifié enfant. Pour Joseph, jusqu’à la plénitude.
Dans cette union avec l’offrande victimale crucifiée de Jésus, le mystère de l’Agneau, la blessure du cœur, qui avait été annoncée par Siméon pour Marie : ‘un glaive te transpercera l’âme’, Joseph doit prendre l’initiative ; c’est sous Joseph que cela va se faire, ainsi que l’exigent les préceptes de la Torah. Dans l’unité du Père et du Fils, Jésus et Joseph vont vivre cette union, et c’est du dedans de cette unité-là que Marie va s’installer.
Joseph va en mourir.
Et pour la première fois dans le mystère de l’incarnation, dans sa vie, Jésus va faire l’expérience de la mort à travers la mort de son père ( jusqu’à maintenant Jésus n’avait jamais été confronté à la mort ).
Vous comprenez bien que quand on est dans la Sainte Famille, qu’il y a une unité contemplative incarnée aussi puissante par la foi, c’est vraiment une demeurance l’un dans l’autre : Jésus vient demeurer chez Joseph et dans l’intime de Joseph, dans le cœur de Joseph, et réciproquement. Donc le cœur de Jésus bat dans la poitrine de Joseph, et de plus en plus, jusqu’au mariage mystique absolu. Il y a une espèce d’animation vivante d’amour mutuel commune. Et donc à travers cette animation amoureuse mutuelle d’unité absolue commune, Joseph va mourir, d’une mort surnaturelle.
Jésus, lui, va souffrir d’une mort incréée, plus tard, sur la croix : par amour pour son Père, et par la puissance de sa divinité, il va arracher son âme de son corps. C’est l’amour de Dieu le Fils pour Dieu le Père qui provoquera cette mort, une mort incréée qui va s’inscrire dans l’éternité : la mort du Christ, de Jésus est une mort qui s’inscrit dans l’éternel.

Tandis que la mort de Joseph est une mort surnaturelle : le mariage surnaturel est total, la vie surnaturelle est absolue, il est allé jusqu’au mariage surnaturel absolu, il est mort de la mort de Jésus : il est le premier stigmatisé, si vous voulez. Mais le mot ‘stigmatisé’ ne fait pas comprendre, parce que la stigmatisation reste extérieure à la grace purement surnatuelle. Mais sûrement, bien sûr, qu’il y a eu quelque chose comme cela… C’était trop fort pour lui, et donc il est mort d’amour pour Jésus, mort d’amour pour le Verbe incarné. Il n’a pas supporté physiquement, spirituellement, surnaturellement : il ne pouvait plus vivre. Il ne faut pas oublier qu’il avait les séquelles du péché originel, donc c’est lui qui est mort le premier, malgré toute la plénitude de grâce qu’il y avait en Jésus et dans l’unité sponsale avec Marie.
Donc la mort s’est introduite dans cette Sainte Famille. Et Joseph est donc rentré avec cette blessure de l’Agneau dans son âme déchirée : dans les limbes, il est rentré dans le sein d’Abraham. Jésus et Marie se sont retrouvés là : dans son cœur blessé.
Et c’est ici qu’apparait un personnage, un saint extraordinaire, très très grand, qui m’étourdit beaucoup : saint Jean Baptiste revient vers nous. Il ne faut pas oublier qu’il y avait eu une unité presque incarnée, organique, dans le mystère de l’Incarnation, à la Visitation. Vous vous rappelez que déjà là, il y avait eu la constitution à l’état de germe du cœur eucharistique de toute l’Eglise. Et tout l’amour débordant du Verbe incarné dans le cœur de Jésus et de Marie, était venu se reposer dans le cœur de Jean Baptiste. Et Jean Baptiste, avant sa naissance, est devenu le tabernacle d’une sainteté parfaite, puisque la surabondance de tout l’amour de l’incarnation Jésus enfant s’était alors reposée en lui. Alors il y a eu cette première pentecôte.
Et à la nativité, une exclamation s’est faite dans Jean Baptiste qui faisait partie de la Sainte Famille - dès avant la naissance, il a été incorporé à la Sainte Famille -, tout en partant dans le désert. Il a participé à cette grace commune, mais à distance, par la foi de Marie, par l’incarnation de Jésus, Marie et Joseph.
Nous avons vu également dans le quatrième mystère, comment le sacerdoce lévitique avait en même temps trouvé son accomplissement dans le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech qui était apparu et qui s’était incarné : le Verbe a pris chair dans un sacerdoce éternel, il est venu baptiser le sacerdoce lévitique. Il ne faut pas oublier que Jean Baptiste est prêtre, fils de prêtre. Le lendemain, Siméon est mort, mais Jean Baptiste vivant a hérité de ce sacerdoce éternel selon l’ordre de Melchisédech apparu au quatrième mystère joyeux. C’est comme cela qu’il a vécu, dans le désert, à l’unisson avec toute l’union transformante dans la Sainte Famille, comme en faisant partie.
Dès que Joseph est décédé, dès que la mort s’est introduite dans l’expérience sacerdotale de cette famille nouvelle, de l’Eglise qui était née, qui avait été conçue, qui continuait à croître, dès que la mort était là, tout pouvait commencer, puisqu’on avait traversé tous les mystères de l’Incarnation et on avait intégré jusqu’à la mort surnaturelle dans le corps mystique nouveau de la Sainte Famille. Vous voyez, sans le corps mystique de Jésus, sans le corps mystique qu’on appelle l’Eglise, on ne peut rien faire. Même avant la mort du Christ il a fallu qu’il y ait cela : Dieu n’a rien voulu faire, même dès le départ, sans le corps mystique de Jésus, sans ce corps mystique, sans cette communion incarnée d’amour dans la construction de la Jérusalem vivante, par la grâce et dans la blessure de l’Agneau de Dieu.
La blessure de l’Agneau de Dieu est donc venue s’enfoncer dans le lieu de la mort, dans les limbes.
C’est impressionnant.
Pour ceux qui vont contempler le premier mystère lumineux, il y a de la matière !
Aussitôt la parole de saint Luc dit ceci, je crois :
Verbum factum est super eum,
le Verbe a été fait sur lui :

Apparut un homme appelé Jean,
le Verbe a été fait sur lui,

La traduction française dit : ‘‘la Parole de Dieu fut adressée à Jean dans le désert’’ !

Saint Grégoire, lui, voit le mot :verbum : saint Jérôme avait en effet traduit ‘verbum’ ( c’est son Targum qui est derrière ) dans l’intention de dire que le Verbe de Dieu - la Première Personne de la Très Sainte Trinité – passait par lui.
Le premier à laisser parler ouvertement le Verbe, ça n’a pas été Jésus qui, Lui, était le Verbe. Le Verbe de Dieu a parlé par la bouche de Jean Baptiste : « Je suis » la « voix » qui crie dans le désert ; le Verbe de Dieu a parlé par une présence extraordinaire, celle de Jean Baptiste : la « voix », c’est la Présence vivante de Dieu, dans le désert. Le Verbe s’est posé sur lui, ce qui montre bien qu’il fait partie de la Sainte Famille, puisque dans la Sainte Famille, si l’on va jusqu’au mariage spirituel - septième demeure -, on va subsister dans l’unique Personne du Verbe de Dieu. Donc on a ici une confirmation incroyable que Jean Baptiste faisait partie de ce grand processus de l’union transformante, jusqu’à la septième demeure du mariage spirituel, jusqu’à la mort de Joseph. Et à la mort de Joseph, on peut dire que le mariage spirituel surnaturel est accompli : il subsiste dans le Verbe, le Verbe se pose sur lui. C’est du saint Luc tout craché : saint Luc est si précis que c’en est toujours extraordinaire.
Alors, Jean Baptiste va proclamer le baptême. Ce personnage est vraiment incroyable : il le fait à distance, il n’a pas le visage de Jésus, il ne l’a jamais vu, il le dit cinq fois dans l’Evangile : ‘‘je ne l’ai jamais vu, Jésus’’. Il le dit à tous, on l’interroge, on lui dit ‘‘mais alors ? Et Jésus ? Et le Messie ?’’.
Il savait, tous savaient, que le Messie, le Christ était là. On connaissait les dates, quand même, et puis on l’avait vu passer partout : après la mort de Joseph, Jésus a quitté tout de suite Nazareth, visité Capharnaüm, Tyr, Sidon. On n’en parle pas dans l’Evangile, mais pendant cinq mois Jésus a circulé partout ; tout le monde entendait parler de Jésus. Il ne faisait pas de miracles, mais il faisait du bien, il consolait, il conseillait. Il est allé partout, il a circulé pendant 153 jours, c’est beau de penser cela - enfin, je pense qu’il a circulé pendant 153 jours, ce n’est pas dans l’Evangile - , jusqu’à ce qu’il se soit fait baptiser par Jean.
Jean a engendré un baptême. Il était prêtre, vous voyez, et il baptisait dans le Jourdain.
Le Jourdain est un fleuve, de l’eau descendante en hébreu (Jourdain veut dire ‘l’eau qui descend en dessous’).
Jésus va être plongé dans les eaux du Jourdain, c’est à dire qu’il va descendre dans les larmes de la contrition, mais aussi dans toute cette vie humaine qui descend vers l’enfer, qui descend dans le péché, qui ne vit que du péché, vers le dessous, tout le temps. Il va se plonger dans cette vie qui ne cesse de descendre vers le dessous, alors que la vie humaine est faite pour monter vers le dessus, si je puis dire, pour se répandre partout.
Il va se plonger dans les eaux du Jourdain, ce fleuve qui donne son nom à la Jordanie d’aujourd’hui.
Josué, Jehoshua, un jour est passé par là, vous lirez cela dans le livre de l’Exode. Les eaux se sont écartées, une muraille d’eau à droite, une muraille d’eau à gauche, l’Arche d’Alliance a été posée au milieu du Jourdain sur quatre pierres, ils ont posé autour douze pierres pour les douze tribus d’Israël, et tout le peuple est passé à pied sec ( Jos.3,17 & 4,9 ). C’est sur ces quatre pierres que Jésus a été baptisé.
Je suis allé à l’endroit où Jean Baptiste baptisait. Je suis rentré dans l’eau à cet endroit-là, et il y avait des gens sur le bord. Ils sont spontanés là-bas : ils sont descendus dans l’eau en disant ‘baptisez nous dans l’eau’, alors je les ai baptisés. Bon, avec moi, il ne s’est rien passé, ce n’était qu’un pèlerinage ; tandis qu’avec Jean Baptiste, ce n’était pas pareil : Jean Baptiste était un prêtre revêtu du sacerdoce de l’Ancien et du Nouveau Testament, si je puis dire : accompli dans l’Ancien, s’initiant dans le Nouveau.
Si vous vous rappelez du mémorial du sacrifice des épis, tel qu’on le lit dans le livre du Lévitique : Jean l’a fait ici : au milieu du Jourdain, à cet endroit. Il était donc revêtu de la robe sacerdotale, ainsi qu’il est écrit dans le livre du Lévitique, avec ses six pierres précieuses sur l’épaule droite et sur l’épaule gauche, les noms des six tribus d’Israël gravées dessus, et aussi les fameuses douze plaquettes avec les noms des fils d’Israël inscrits ; il y a avait posées là les douze pierres de Josué. Il a re-consacré dans le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech ce lieu pour le baptême de Jésus.
Il est écrit que tout Jérusalem descendait : c’était une foule innombrable ( les historiens disent qu’à Jérusalem il y avait environ deux à trois millions de pèlerins dans en ces jours-là ).
Joseph était décédé. Ce sacerdoce nouveau, Jean l’a assumé en pleine connaissance pour tous ceux qui étaient dans les limbes auxquels il a pu s’unir grâce à Joseph (avec qui il était fortement lié par l’unité sponsale de l’Immaculée Conception, la mère de sa grâce sacerdotale ), en union avec Jésus, la blessure du cœur, et puis bien sûr la Jérusalem glorieuse. C’est ce qui est représenté par les douze pierres, les douze noms d’Israël, les douze plaquettes du sacerdoce : les douze apôtres qui sont exprimés là, les douze tribus d’Israël pour le peuple juif, et enfin bien sûr les douze portes de la Jérusalem glorieuse.
Dans cet endroit-là, la mort de Joseph a déchiré la possibilité de l’expression explicite du sacerdoce de Jésus, et du baptême. Jean Baptiste en a été le prêtre.
Pourtant c’est Jésus qui est prêtre.
Jean Batiste lui dit :
‘‘attends, c’est toi qui viens te faire baptiser par moi, alors que je ne suis pas digne…’’
Et Jésus lui répond :
‘‘il faut que nous menions à leur accomplissement les choses justes’’
La justice, c’est Joseph. Dès que vous entendez le mot ‘juste’, tsadak en hébreu, dikaios en grec, il faut qu’instinctivement vous traduisiez par saint Joseph (celui qui est juste jusque dedans sa substance). Il a introduit dans les limbes - le lieu de la mort, de l’hadès et des ténèbres - la présence désincarnée certes, mais tout de même la présence vivante de la blessure de l’Agneau de Dieu.
Et Jésus dit à Jean Baptiste :
‘‘il faut que nous accomplissions, c’est à dire que nous menions jusqu’à son épanouissement total,
ce qui est juste ( ce qui est fait par saint Joseph ) depuis le fond des enfers et des péchés,
ce qui est complètement en dessous, puisque nous y sommes maintenant,
jusqu’à la Jérusalem glorieuse. Et quand je serai, moi, dans la Jérusalem glorieuse
(épître aux Hébreux), quand j’aurai passé le voile, alors je serai prêtre.’’
Pour l’instant le Verbe de Dieu exprime son sacerdoce à travers Jean Baptiste : le Verbe s’est posé sur lui.
C’est beau, vous savez. Dans l’Incarnation il est dit :
‘‘et Verbum caro factum est’’

et le Verbe, le Dieu vivant, a été fait dans la chair

Dans le cinquième mystère, nous avons vu vendredi dernier qu’il était dit :
‘‘non intellexerunt Verbum quod locutus est ad eos’’
ils n’intellectualisèrent pas le Verbe qui avait été proféré sur eux :
ce n’est pas avec l’intelligence, mais avec le cœur, qu’ils sont rentrés dans la Sainte Famille, c’est avec la grâce, dans l’union transformante, par l’oraison, par le silence, l’intelligence au service de l’union transformante, la vie contemplative incarnée totale d’amour. C’est trop beau. Si nous ne comprenons pas cette histoire de Sainte Famille, nous ne comprendrons pas le baptême de Jean Baptiste. Parce qu’effectivement la moindre chose va être entièrement remplie de cette incarnation dans l’incréé du Verbe de Dieu, emportant dans lui - le Père est en moi et moi je suis dans le Père -, le Père en saint Joseph. Et tout cet épanouissement a pu atteindre le fond des enfers.
Il y a un lien entre saint Jean Baptiste et les limbes, nous le savons aujourd’hui. L’Eglise va pouvoir comprendre cela et pouvoir rentrer dans ce ministère de la fin du monde : faire rentrer le fruit des sacrements jusque dans le fond des limbes, jusque dans le lieu de la mort ; ceci est typiquement relié au premier mystère lumineux. Ces enfants qui sont morts et qui n’ont pas de baptême justement, dans les mains de qui sont-ils ? Entre les mais de la sainte Famille nouvelle : c’est à dire de tous les membres vivants de la sainte Famille glorieuse sur la terre.
Saint Jean Baptiste est extraordinaire, vous voyez, parce qu’il est comme une manifestation, une icône, à la fois de Melchisédech, d’Elie le prophète et de Hénoch le patriarche. Il faudrait faire une théologie de Jean Baptiste, pour comprendre. Hénoch allait jusqu’à la Jérusalem glorieuse future et il la voyait, en traversant toutes les strates de la vie surnaturelle, dans sa vie contemplative, en prononçant le nom d’Elohim. Elie était le contemplatif du Messie. Melchisédech était prêtre, le monde angélique (sans origine, sans fin). Et Jean Baptiste va être tout cela à la fois, toujours caché, toujours dans l’ombre, méconnu, pas facile à comprendre avec sa culotte de peau, avec ses poils de chameau, avec sa pénitence incroyable.
Il faudrait arriver à sentir petit à petit cela. Et ce sera une des choses grandes de ce premier mystère lumineux : pour pouvoir commencer à saisir ce qui se passe dans le baptême.
Jean Baptiste est très imprégné de la divinité de Jésus, Jésus qu’il n’a jamais vu, et qu’il connaît parfaitement parce qu’il a vu le Verbe. C’est dit clairement. Il a tressailli dès avant la naissance dans la divinité du Verbe, il l’a connu et il en a vécu, et donc le ciel est ouvert pour lui, comme pour Hénoch. Et il voit très bien, par la foi, et par sa vie contemplative, cette incarnation progressive continuelle du Verbe de Dieu à travers Jésus dans le corps mystique dont il fait immédiatement partie. Il ne faut pas croire qu’il ne voit rien, tout cela il le voit, tout cela il le sait. La pureté immaculée de sa vie fait qu’il est dans la clarté absolue là-dessus.
Jean Baptiste insiste, quand les pharisiens, les juifs, les sadducéens, les hérodiens viennent l’interroger :
‘‘je ne l’ai jamais vu, je ne le connais pas’’.
Et pourtant il l’annonce :
‘‘c’est lui, c’est le Verbe, c’est le Messie.
Je ne suis pas le Messie, je ne suis même pas digne de dénouer la courroie de ses sandales,
je ne peux même pas porter sa chaussure.’’
Comme dit Origène, le fait de ne pas pouvoir porter la chaussure de Jésus veut dire que je ne peux même pas être son apôtre, je ne peux pas être un des douze apôtres.
Je ne peux pas dénouer la courroie de ses sandales veut dire, selon une expression juive, que je ne peux même pas le représenter.
Donc Jésus va venir, il va se faire baptiser par lui après qu’il en ait baptisé beaucoup d’autres, il va le mettre dans la piscine qu’il a forcément instituée puisqu’il l’a consacrée ici, au milieu du Jourdain. Jésus va descendre dans les eaux du Jourdain, Jean Baptiste va prendre de l’eau et le baptiser. Il l’a placé sur ces pierres, là où était posée l’Arche d’Alliance - Présence réelle de Dieu dans l’Arche de l’Ancien Testament -.
Quand les Juifs venaient pour se faire baptiser, il leur disait :
‘‘je ne vous donne qu’un baptême d’eau, mais il vient
- et il annonçait sa venue : il va se faire baptiser -
celui qui vous baptisera dans le Saint Esprit et dans le feu.’’
L’Esprit Saint désigne l’Amour incréé de Dieu et le feu : le feu embrasé du Sacré Cœur dans l’Esprit Saint et dans le Fils. Jean Baptiste baptise seulement dans l’eau, il est lié à Joseph dans ce baptême, il est lié à ce qu’il y a de plus inférieur, vous voyez.
‘Je ne vous donne que dans l’eau, et c’est lui qui complète et c’est lui qui fait tout après.
Vous devez quand même vous convertir.’’
Voilà le baptême de conversion : il faut vraiment que la crêpe se retourne complètement : metanoia.
C’est un baptême pour la confession des péchés : ex homologouménoï amartias : ( c’est joli, la confession en grec : c’est une homologation externe de tous vos péchés ) vous homologuez tous vos péchés à l’extérieur.
Quant à l’absolution, la rémission, le feu qui embrase tout, c’est Jésus qui le fera. Or vous venez, vous, parce que vous savez que c’est l’heure du Messie et vous avez peur. Vous venez parce que vous croyez que le Messie vient, Il vient, la cognée est à la racine des arbres, et vous êtes vraiment pourris de péchés, et vous êtes hypocrites, vous êtes pleins de contours.(Jean Baptiste était terrible, il ne se laissait par amadouer)
‘‘Mais si, sûrement, tu es Elie le prophète’’.
- Non.
Et il leur répondait toujours : ‘‘genemeta ekidon’’.
Vous ne pouvez pas savoir comme ça me plaît : ‘‘genemeta ekidon’’, race de vipères. Ils venaient se faire baptiser par lui, confesser leurs péchés, et lui leur disait ‘‘genemeta ekidon’’.
Pour moi, c’est très parlant. Quand vous traitez d’un nom d’animal, cela a une signification. Si vous dîtes : ‘‘tu es une espèce d’âne’’, ça veut dire : ‘tu es bête, quoi’’. La vipère, c’est une femelle qui rampe, qui après avoir été fécondée par le mâle, tue le mâle, et à la naissance, les vipereaux sortent d’elle en lui déchirant le ventre, donc les nouvelles vipères tuent leur mère à la naissance. Les contorsions de la vipère représentent vraiment l’hypocrisie du parricide, du matricide. Vous êtes une engeance, vous êtes une race de vipères, parce que vous êtes dans le péché. Le péché tue Dieu. Vous tuez votre Père, celui qui vous a donné la vie, vous le tuez, et vous avez l’intention de le tuer. Si vous venez au sacrement de pénitence et au baptême de conversion, c’est parce que vous avez peur, mais ce n’est pas pour vous convertir, c’est pour recevoir des ablutions, ce n’est pas pour ex homologuer vos péchés et qu’ils soient brûlés dans le feu. C’est parce qu’en fait votre cœur est déjà décidé : vous cherchez le Messie, mais vous refusez Dieu :vous avez déjà décidé de tuer Dieu.
Et Jean Baptiste le voit très bien, parce qu’il n’est dans l’intimité avec le Verbe incarné que par le Verbe (le Verbe s’est posé sur lui) et il sait que le Verbe va être tué par eux : il le sait, il voit en clair ce qu’est le péché. C’est pour cela, et ce n’est pas parce qu’il a un caractère impossible, que c’est une espèce de sauvage qui vient du désert, qu’il est si radical : c’est parce qu’il voit dans leur cœur, il lit dans leur âme et il sait qu’ils vont le tuer, qu’ils veulent massacrer la grâce de Dieu, la vie divine incarnée, le Verbe fait chair, le Messie d’Israël, le Sauveur du Monde. Ils veulent le tuer. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas renoncé au péché, même venant au baptême.
Le nombre de gens qui apportent leurs enfants au baptême à l’Eglise aujourd’hui, sans renoncer au péché !
Ce qui fait souffrir tellement les prêtres, qui eux-mêmes d’ailleurs ne renoncent pas au péché.
Il faut renoncer au péché. Il faut y renoncer absolument.
Là Jean Baptiste a vraiment ce sens extraordinaire :
‘‘et ne dites pas que vous avez la foi, ne vous dites pas : ‘j’ai la foi, je suis justifié’,
‘nous sommes des fils d’Abraham après tout’, ‘nous sommes de la race d’Abraham,
et pas des genemeta ekidon, une race de vipères’.
Ne dites pas ça puisque vous allez le tuer.
Et en tous cas je vous le dis…’’
On sent bien que c’est Dieu le Fils qui parle à travers lui quand il dit cela :
‘‘je vous le dis, de ces pierres qui sont là’’
ces quatre pierres sur lesquelles a été posée l’Arche d’Alliance sur laquelle va être posé le baptême de Jésus,
‘‘Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham’’
Egersai est le mot de saint Luc en grec : egersis en grec signifie résurrection. Jésus est ressuscité, egersis Christou. C’est le mot qu’emploie la sainte Ecriture : de ces pierres qui sont là, Dieu va faire lever, ressusciter, vivre, des enfants à Abraham. Et c’est après ces paroles que Jésus arrive et se place sur ces pierres.
Dès que Jésus descend dans les eaux, donc dans la déchirure de la mort de la Sainte Famille, cette union transformante du cinquième mystère, il s’enfonce dans les eaux du péché, c’est extraordinaire, il descend en dessous, il se plonge dedans, il s’assimile à elles, et du coup à cause de cela, le ciel se déchire, les eaux prennent une nouvelle signification, elles s’ouvrent non plus vers le bas, mais vers le ciel : le ciel s’est déchiré. C’est extraordinaire, parce que l’Arche du Messie était passée là avec la nuée dans les eaux du Jourdain, et les eaux s’étaient déchirées. Tandis que là, Jésus descend dans les eaux, et ce ne sont pas les eaux qui s’éloignent, c’est le ciel qui se déchire, c’est le ciel qui s’écarte. C’est d’une puissance !
A ce moment-là nous comprenons ce que vit saint Jean Baptiste depuis sa naissance : il suffit qu’il vive, qu’il se plonge, s’engloutisse dans cette véhémence du désir de l’anéantissement, de l’effacement de tous les péchés du monde dans le Verbe de Dieu, et le ciel se déchire, et c’est comme cela qu’il vit du Verbe de Dieu.
Et effectivement cette fois-ci, le Verbe de Dieu est là, ils sont tous les deux. Il le voit pour la première fois, il le baptise, le ciel se déchire et non pas les eaux. Le Messie de la Nuée ne devait pas toucher les eaux au premier passage de l‘Ancien Testament, mais cette fois-ci il devait s’y engloutir en son incarnation, pour prendre le péché sur lui et en être responsable, et être transformé lui-même en péché du monde.
Il est englouti dans les eaux, le ciel se déchire et du coup, puisque son père est mort en saint Joseph, le ciel se déchire dans la Première Personne de la Très Sainte Trinité et la voix de Dieu le Père se fait entendre.
Nous sentons bien qu’il y a saint Joseph déchiré en bas, Dieu le Père déchiré en haut, qui se rejoignent là. Il faut voir comment tout cela s’est passé.
Je pense que vous avez déjà tous eu l’expérience surnaturelle de voir le ciel qui se déchire en deux. Non ? Vous n’avez jamais vu cela ? C’est trop beau, c’est magnifique : le ciel disparaît, le paysage disparaît, comme un livre qu’on roule. C’est l’intimité de Dieu qui est là, avant la création du monde. Vous n’avez jamais vu ça, vous ? Prenez un bon steak, des sauterelles, du miel. Il faut vivre, il ne faut pas dormir !! C’est vrai, écoutez, il faut avoir de la force, dans l’union transformante.
Du coup, le Père se fait entendre. Il y a ces paroles que vous avez entendues, que vous connaissez par cœur puisque nous avons fêté dimanche dernier le baptême de Jésus. Vous avez tous entendu que Dieu le Père a dit :
‘‘Celui-ci est mon Fils : O’ agapetos uios mou’’ : c’est mon Fils, c’est le mien, c’est l’Aimé absolu.
Tu ne peux pas aimer plus quelqu’un que lui. Agapetos : Dieu aimé absolument. Le Père aime Dieu, et Dieu qui est aimé, c’est Dieu le Fils, le Dieu vivant. Et le Père livre son Fils.
Les mystères lumineux sont extraordinaires, parce que la foi de Marie - qui est derrière ce sixième mystère, premier mystère lumineux, qui intègre la mort de Joseph, qui intègre le don victimal de Jésus, qui intègre l’anéantissement de Jésus dans la mort, qui intègre toute la prière sacerdotale de tous les temps et de tous les lieux à travers Jean Baptiste – la foi de Marie, donc, origine cette déchirure céleste : c’est cela la réponse sponsale de l’Immaculée par sa foi, qui provoque cette immense révélation et ce retournement des mystères lumineux.
Il y a eu un retournement vraiment fantastique, parce que dans les mystères joyeux, par la foi de Marie, le Verbe de Dieu s’est enraciné dans la chair, s’est posé, a sanctifié, divinisé, épanoui le sacerdoce, comme nous l’avons vu. Il s’est incarné de plus en plus jusqu’au mariage spirituel trinitaire de la Sainte Famille dans l’union transformante. Il a intégré la mort dans saint Joseph, il a pénétré le mystère des limbes grâce à Joseph, habitant dans son âme comme Verbe de Dieu dans la subsistance de la grâce surnaturelle (puisque la mort de Joseph était surnaturelle : une mort de grâce, de mariage mystique spirituel). Donc à chaque fois, le Verbe s’incarne de plus en plus profondément dans la chair, dans l’humanité, dans la vie limitée du monde.
Tandis que là, d’un seul coup, c’est la divinité de Dieu le Fils lui-même qui est donnée. Je ne sais pas si vous voyez la différence.
Dans les cinq premiers mystères, le Verbe de Dieu se fait chair, se donne à la chair, et de plus de plus.
Tandis que dans les mystères lumineux, grâce à cette chair toute offerte, grâce à cet amour de la Sainte Famille toute bénie surnaturellement, unie en une seule chair, grâce à ce corps mystique déjà conçu et encore embryonnaire, il faut bien le dire, mais conçu et bien existant, cette chair du corps mystique va donner le Verbe éternel de Dieu, elle va donner la vie divine intime de la Deuxième Personne de la Très Sainte Trinité au monde.
‘‘Voici mon Fils bien aimé, agapetos uios mou.’’
C’est le Verbe de Dieu qui est donné.
Les sacrements donnent la divinité intime du Fils unique de Dieu au monde : c’est le but et le fruit des sacrements.
Le baptême nous donne dedans l’intérieur de nous, la divinité intime éternelle, absolue, intégrale, sans rien oublier, de Dieu vivant avant la fondation du monde, dedans l’intérieur de nous, comme un don. C’est le retournement, c’est vraiment un retournement, c’est pour cela que c’est vraiment lumineux.
A ce moment-là la Lumière intime du Verbe éternel de Dieu, celle qui est à l’intérieur de Dieu dans l’incréé avant la fondation du monde, illumine le monde. Grâce à Jean Baptiste, la lumière va pouvoir se répandre : les mystères lumineux vont pouvoir commencer leur ascension.
Nous voyons bien qu’il y a quelque chose d’organique entre le cinquième mystère et le sixième mystère. Nous ne pouvons pas ne pas le voir. Le royaume de Dieu … est paix, joie, lumière, dans l’Esprit Saint.
Il faut nous arracher du monde du péché, et nous engloutir dans la mort vivante de Jésus qui s’est fait péché pour nous ; nous engloutir dans cette plaie, ce cœur sacerdotal extraordinaire de Jésus, qui du coup est amplifié dans toutes les béances de tous les fruits du péché dans la mort de l’Hadès et de l’éternelle Vie. Nous introduire là : nous réfugier dans le cœur de Jésus qui s’abaisse de plus en plus.
Et moi quand je suis dans le péché, je vais confesser mes péchés en rentrant dans les eaux de Jean Baptiste, en renonçant à mes péchés autant qu’il est possible, ex homologouménoï amartias. Le baptême de Jean Baptiste est un baptême pour la conversion, c’est un baptême pour la rémission des péchés, qui va vers la rémission des péchés : ce n’est pas encore la rémission des péchés. Donc il faut, à partir de notre baptême, rentrer dans le cœur de Jésus, nous engloutir dans le cœur de Jésus tout ouvert, par cette plaie gigantesque et éternelle, et dedans, là, voir le Verbe de Dieu présent Lui-même en dessous de cette offrande victimale. Se plonger dans le Sang précieux de Jésus tout palpitant d’amour du Verbe de Dieu. Se réfugier dans cette plaie éternelle, être englouti et laisser brûler tous les péchés du monde, pas seulement les miens, dans cet amour. Parce que l’amour du Verbe de Dieu, c’est ce qu’on aime à l’état absolu, Agapetos : Jésus est l’absolu de l’effondrement dans l’amour, le Verbe de Dieu est l’Aimé absolu, ‘‘mon Fils’’ …O’ Agapetos Uios mou.
C’est vraiment extraordinaire, nous devons aller jusque là.
Le fruit de ce mystère : rentrer dans la lumière de la rédemption, et toucher la Lumière intime du Verbe de Dieu et voir l’Absolu aimant, l’absolu Aimé, l’Amour aimé à l’état absolu : c’est Jésus, c’est le Verbe de Dieu.
Le Père est effondré d’amour. On ne peut pas être plus aimé que le Verbe de Dieu, le Verbe vivant, c’est impossible. Et tout amour vient de là, il n’y a pas une étincelle d’amour qui ne vienne pas de là. C’est pour cela que c’est très lumineux, comme mystère. C’est très très lumineux.
Tout le monde a entendu, Jésus a entendu (saint Luc, saint Matthieu) Jean Baptiste a vu et entendu : tout le monde a entendu. Et puis Jésus est reparti. Saint Jean Baptiste, vraiment, m’étonne : il n’est pas parti à sa suite, ‘je ne suis pas digne de dénouer’...
Il est tellement conscient qu’Il est Dieu ; il le sait. Tous les autres savent que Jésus est le Messie. Plus j’avance et plus je suis convaincu que tout le monde en Israël savait que Jésus était le Messie. Sanhédrin, docteurs de la loi, pharisiens, Hérode, tous le savaient. Mais par contre, qu’Il était aussi le Verbe vivant de Dieu, le Créateur du monde, le Dieu vivant : ça non !
Jean Baptiste : oui !
Que Jésus soit le Messie n’est pas son problème. D’ailleurs il disait toujours : « Je ne le connais pas »… tout en sachant bien que Jésus était Dieu, et qu’on allait le tuer parce qu’il était Dieu. Ce n’est pas moi qui l’invente, écoutez : Genemata ekidon, race de vipères ! Il le sait profondément : s’ils ne renoncent pas au péché, c’est qu’ils vont le tuer. C’est pour cela qu’il dit :
‘‘je ne suis même pas digne de porter sa chaussure,
je ne peux pas dénouer la courroie de ses sandales’’,
vous savez, ce qui le noue à son pied (c’est à dire à son ardeur de la rédemption du monde en sa chair), ce lien du Verbe de Dieu entre son Incarnation et la rédemption, ce qui noue la chair, l’incarnation du Christ au zèle ardent du Verbe de Dieu pour l’incarnation et la rédemption, il n’est même pas digne d’y toucher. Il le dit. C’est saint Jean Chrysostome qui donne cette interprétation.
Alors il va y avoir le baptême :
‘‘Il faut que nous accomplissions ce qui est juste, laisse faire, laisse faire’’
Il n’y a pas eu de dialogue entre Jésus et Jean Baptiste, à part celui-là, dans toute leur vie. Les seules paroles que Jésus a dites à Jean Baptiste sont celles-ci : ‘laisse faire’.
Luc avait dit :
Verbum facit super eum : le Verbe opère sur lui.
Et Jésus confirme en disant :
‘‘laisse faire, il faut que nous accomplissions toute justice’’.
Alors il le baptise aussitôt.
‘Laisse faire’ : l’ajustement à Dieu dans le corps mystique de l’Eglise jusqu’au bout.
Et puis Jésus va partir.
Quelque temps après, on fêtait la fête des expiations, vous verrez ce que cela veut dire dans le livre du Lévitique, et même dans le livre de l’Exode, le 11 du mois de Timri (vers le mois d’octobre). C’est le jour de la fête des expiations qu’on désigne le bouc émissaire qui doit être poussé dans le désert pour prendre sur lui tous les péchés du monde. La fête des expiations a lieu ce jour là chaque année.
Vous connaissez l’histoire du bouc émissaire. Isaac a eu son bouc émissaire, du coup il n’a pas été tué. Israël, chaque année, n’est pas anéanti par toutes les conséquences des fautes du monde et toutes les conséquences des fautes personnelles d’Israël, à cause du Messie qui doit être crucifié et qui est le bouc émissaire. Et donc on remercie Dieu chaque année avant que le Messie ne soit bouc émissaire. Isaac est vivant, donc Israël est vivant (ce sont tous des descendants d’Isaac) à cause du Messie qui doit être bouc émissaire. On le fait partir au désert et là-bas le bouc émissaire doit mourir.
Le 11 du mois, Jésus passe non loin du Jourdain, et à une distance assez grande, dit l’Evangile, Jean Baptiste le voit passer là-bas, sans doute à quatre ou cinq cents mètres. Il dit :
‘‘voici l’Agneau de Dieu’’,
et il le désigne. Et là il accomplit le terme du baptême : après avoir dit que c’était vraiment le Dieu vivant qui était là, que Dieu le Père avait donné son Fils - il l’avait entendu (Jésus l’avait entendu aussi bien sûr) - la seconde fois qu’il le voit, quelques jours après, c’est lui, le prêtre selon l’ordre de Melchisédech dans le baptême du sacerdoce lévitique nouveau s’achevant surnaturellement en lui, qui désigne le bouc émissaire. Tel fut le dernier acte sacerdotal de Jean Baptiste.
C’est le fruit du baptême de Jean Baptiste : Jean Baptiste a été celui qui a désigné la mission du Verbe éternel de Dieu dans la rédemption du monde. C’est par lui que Dieu le Père est passé, et Dieu le Fils et Dieu l’Esprit Saint, pour que selon la loi et la volonté de Dieu, Jésus soit désigné comme le bouc émissaire au jour des expiations :
‘‘voici l’Agneau de Dieu’’,
c’était sous sa responsabilité. Je suis sûr qu’à partir de ce jour là il n’a plus jamais dit genemata ekidon.
Quand saint Jean a entendu cela, quand saint André a entendu cela, quand saint Jacques a entendu cela, eux, disciples de Jean Baptiste, ils n’ont rien dit au Baptiste et ils ont suivi Jésus.
Ce qui montre bien ce que Marie a fait par sa foi. Dans le baptême elle était toute présente bien sûr, dans son unité sponsale avec l’âme séparée de son époux, dans la blessure du cœur de Jésus, et du coup elle a laissé partir Jésus dans le désert. Et c’est pourquoi l’Esprit Saint s’est saisi de Jésus et l’a précipité dans le désert. Le mot est très fort d’ailleurs dans le texte de la sainte Ecriture parce qu’on peut lire que ce fruit du baptême de Jean Baptiste sur Jésus a été incroyable : cela a retourné le lien du ciel à la terre, de Dieu à la création, de la grâce à la gloire, tout a été retourné d’un seul coup. Cette fois-ci, c’est la divinité intime et incréée de Dieu qui est donnée dans la rémission des péchés, à travers la confession, à travers le baptême, à travers les fruits des sacrements, à travers le corps mystique de la Jérusalem glorieuse céleste et terrestre.

[ Au début de son Evangile, saint Matthieu donne la filiation de Jésus d’Abraham à Jésus : en descendant…. Saint Luc, lui, place dans son Evangile la généalogie de Jésus après être remonté des eaux du baptême, en commençant par Jésus, fils de Joseph, pour remonter à Abraham, puis à Adam, fils de Dieu. Saint Joseph est le père de Jésus, il n’est pas question de Marie.]
[ Par la contemplation de ce mystère lumineux, demandons à Jésus de nous aider à sortir du péché et à ne plus y retourner, pour retrouver notre vocation.]