Méditation du sixième mystère du rosaire, le premier mystère lumineux :
Le mystère du baptême de Jésus dans le Jourdain
Les mystères lumineux sont
tout nouveaux, ils sont là depuis cette année. Nous n’avons
donc pas pour les contempler une somme extraordinaire, un poids de tradition
mystique.
Nous n’avons qu’une seule possibilité au départ, c’est
de lire comment le Pape a introduit ce mystère-là :
‘‘Le baptême au Jourdain est avant tout un mystère
de lumière. En ce lieu -donc dans le Jourdain-,
alors que le Christ descend dans les eaux du fleuve
comme l’innocent qui se fait péché pour nous,
les cieux s’ouvrent, la voix du Père le proclame son Fils bien
aimé, tandis que le Saint Esprit descend sur lui pour l’investir
de la mission qui l’attend’’.
Voilà l’énoncé du mystère.
Jusqu’à maintenant, nous avions les quinze mystères du rosaire
et nous montions allégrement jusqu’à l’Assomption,
facilement, mystiquement, et lumineusement : il faut bien le dire.
Le pouvoir des clés de l’Eglise s’est ouvert : sont venus
s’incruster ici les cinq mystères lumineux.
Nous sommes les premiers à en faire l’expérience, à
pouvoir rentrer dans ces mystères ‘intermédiaires’
qui ont véritablement une importance immense. Nous vivons certainement
quelque chose de très fort dans l’histoire eschatologique de l’Eglise.
Nous allons donc essayer de rentrer dans ces mystères nouvellement proposés
pour les derniers combats.
Nous connaissons les fruits des premiers mystères depuis des siècles
et des siècles : la disponibilité surnaturelle et joyeuse (premier
mystère), l’union et la communion surnaturelles des cœurs
(deuxième mystère), l’effacement et l’humilité
infuse et surnaturelle (troisième mystère), l’obéissance
profonde et la purification du cœur ( quatrième mystère ),
et union transformante surnaturelle dans la recherche de Dieu en toutes choses
de la vie ( cinquième mystère )…
Mais ici ? Quels sont les fruits de ces mystères, quelles en sont les
dispositions ?
Cela va de soi, évidemment : les dispositions sont toujours très
simples.
Du premier mystère lumineux, Baptême de Jean Baptiste, au cinquième
mystère lumineux, l’Eucharistie ( la transsubstantiation, où
toute la lumière vient se focaliser pour se transmettre de manière
incréée dans quelque chose de créé ) : Effectivement
le fruit de chacun de ces cinq mystères lumineux, nous le sentons bien…
et moi je dirais que c’est le fruit des sacrements.
Pour le premier mystère lumineux, c’est le fruit du sacrement de
baptême.
Pour le deuxième mystère lumineux, les noces de Cana, c’est
la sponsalité, la révélation du fruit du sacrement de mariage
que l’Eglise ouvre en ceux qui y prient.
Pour le troisième mystère lumineux : Jésus vient guérir
les malades, relever les affligés, redresser ceux qui sont fatigués,
écarter les découragements, les maladies, les langueurs, ressusciter
les morts, donner la lumière, les ténèbres n’ont
pas pu l’arrêter pendant ces trois ans de conversion et d’évangélisation
: c’est le fruit du sacrement des malades, ce qu’on appelait l’extrême
onction.
Pour la transfiguration : nous sommes devant le fruit du sacrement de confirmation,
la force pour aller jusqu’au don total de soi dans notre « heure
», et aussi jusqu’au fruit plénier de l’eucharistie.
Nous avons déjà vu que les cinq premiers mystères joyeux
instituent le sacerdoce royal, continuellement. Les mystères douloureux
et glorieux, qui sont les dix autres mystères, correspondent au fruit
du sacrement de confession : la rémission des péchés. C’est
la confession : Dieu se montre tel qu’il est et confesse qu’Il est
Dieu en nous, et nous, nous confessons que nous sommes Dieu en Lui.
Tous les sacrements sont connexes. De sorte qu’à partir du moment
où le sacerdoce royal - cette médiation directe dans la chair,
le sang, l’esprit, la grâce entre Dieu et les hommes, se nouant
en nos profondeurs incarnées et surnaturalisées -, a été
instituée par les mystères joyeux d’une part, et où
d’autre part le mystère de confession, de la rémission des
péchés, est redonné dans les mystères douloureux
et glorieux, tous les sacrements étaient impliqués dedans.
Dans ces mystères de confession, nous sommes vraiment plongés
dans la mort et la résurrection du Christ, donc le baptême est
là ; dans le mystère de confession, il y a déjà
le Face à Face et donc le mariage avec Dieu, etc.
Mais nous avons besoin aujourd’hui de l’expliciter, parce qu’il
faut vivre explicitement et jusqu’au bout, du fruit des sacrements. Les
sacrements pour eux-mêmes ne servent à rien, contrairement à
leurs fruits : ce pour quoi ils sont faits.
C’est pourquoi cela risque d’être très beau de prendre
pour chaque mystère lumineux le fruit de chaque sacrement.
Le Pape a raison - d’ailleurs je serais très insolent de dire que
le Pape n’a pas raison – car quand même, des mystères
joyeux, nous passions d’un seul coup, trente ans après, tout de
suite à la flagellation. Il y avait une rupture, nous ne voyions pas
le lien. Surnaturellement c’est immédiat, nous passons d’un
mystère à un autre, comme une fleur laisse place à une
autre fleur, naturellement. Nous avons bien vu, du reste, dans les mystères
joyeux comment tout cela est organique, comme la croissance d’un arbre
: il faut toujours reprendre et voir à quel point chaque mystère
s’enracine dans le précédent et se déploie, se manifeste
dans le suivant. C’est pour cela qu’il y a quelque chose de grand
dans le fait d’avoir rajouté ces cinq mystères joyeux, parce
que du coup le rosaire devient vraiment et continuellement vivant.
La dernière fois, nous avions regardé le cinquième mystère
joyeux : Jésus avait quitté le Temple et il était descendu
à Nazareth pour incarner le mystère des joies surnaturelles dans
la Sainte Famille. C’est magnifique cela, je ne vais pas revenir dessus,
mais c’est quand même très fort. Désormais c’est
Joseph - celui qui est le dikaios on : l’être ajusté jusque
dans sa substance à Dieu et à celui que Dieu met proche de lui
- qui prend l’initiative, c’est sous son ombre que tout doit se
faire. C’est extraordinaire car cela veut dire que désormais Jésus
va être pros Ioseph, c’est à dire qu’il va être
face à face avec Joseph.
D’habitude, dans Sa Personne Il est face à face avec Dieu :
‘‘o Logos pros ton Theon esti’’,
le Verbe est face à face avec le Père, dedans le Père et
face au Père, Il voit le Père. La vie de Dieu est de voir Dieu
tout le temps et de se perdre dans cette vision extraordinaire de Dieu. Désormais
toute la divinité de Jésus va s’effacer dans son âme
humaine, va se mettre en dessous, pour se mettre face à Dieu le Père
à travers Joseph. Il va être face à Joseph, il va contempler
la Première Personne de la Très Sainte Trinité à
travers la justice et l’ajustement surnaturels substantiels de Joseph.
Que fait saint Joseph dans la Sainte Famille ? C’est lui qui doit prendre
toutes les initiatives ; il ne sait faire que des choses simples, et derrière
le visage de Jésus il ne voit que Dieu. C’est la vie éperdue
de saint Joseph dans la Sainte Famille : quand il voit Jésus, il ne voit
que Dieu. Et pourtant Dieu doit lui obéir, et pour lui obéir,
Dieu ne voit en saint Joseph, ne regarde à travers saint Joseph, que
cette présence de Dieu le Père. Les deux sont des êtres
humains, le fils et le papa, l’enfant et le père humains, et ils
ne voient dans chacune des personnes et à travers elle que les Personnes
de la Très Sainte Trinité.
Alors l’unité à l’intérieur de ces deux personnes
humaines est tellement forte qu’il y a un nid possible pour l’Immaculée
Conception et pour la foi toute immaculée de Marie qui pénètre
là, dans cette Unité du Père et du Fils dans cette Sainte
Famille. C’est ce que nous avions vu la dernière fois, et du coup
c’est l’Esprit Saint qui va actuer tout ce qu’elle va y vivre.
Tel est le terme, l’éclosion, l’aboutissement, l’effusion
des Mystères de l’Incarnation. Tous les mystères joyeux
sont vraiment l’Incarnation.
Elle va jusqu’au bout ; la Très Sainte Trinité se rend présente
dans cette unité et cette trinité incarnée des personnes,
dans une simplicité incroyable. Le moindre acte, le moindre geste, le
moindre regard, est tout rempli, intégralement, de la présence
vivante et réelle de chacune des trois Personnes divines de la Très
Sainte Trinité.
C’est pour cela que nous disions la dernière fois que le fruit
de ce mystère est vraiment l’union transformante : la vie surnaturelle
a commencé dans l’Eglise, dans cette première cellule mystique
vivante de l’Eglise. La vie surnaturelle et la transformation surnaturelle
de la chair toute donnée à Dieu ont commencé là:
tel est le lieu secret de l’oraison.
Et l’oraison, si elle va jusqu’au
bout… aboutira à la Lumière.
Si vous faites un quart d’heure d’oraison par jour, vous vous livrerez
dans le silence vivant à ces opérations de la Très Sainte
Trinité à travers vous et tous ceux qui sont proches de vous,
écartant avec saint Joseph et en lui tout ce qui n’est pas exclusivement
Dieu. Nous vivons l’oraison avec saint Joseph : c’est très
commode. Nous sortons du temple de notre tête, nous sortons de notre mental,
nous sortons de notre ego, nous sortons de notre affectivité, nous sortons
de notre « senti », et nous rentrons dans le cœur, dans le
corps, dans « l’instrument ». Et à travers notre corps,
saint Joseph devient le père de la vie divine qui est en nous, à
travers notre âme remplie de grâce, Marie devient la mère,
et à travers notre cœur, Jésus est en train de croître.
Faire oraison avec la Sainte Famille, c’est vraiment le mystère
de l’union transformante : c’est extraordinaire, c’est vraiment
magnifique.
Au fur et à mesure que l’union transformante se fait, l’union
devient totale. C’est pour cela qu’il faut du temps : dix-huit ans.
Il y a eu du temps, il y a eu une transformation jusqu’à la septième
demeure de l’union transformante. Nous savons que la septième demeure
de l’union transformante s’est réalisée au terme de
ce cinquième mystère joyeux. Sainte Thérèse d’Avila
dit à propos de la septième demeure, en quoi consiste le mariage
spirituel totalement surnaturel, que la vie surnaturelle a tellement saisi que
c’est vraiment la divinité incarnée en nous qui vit, et
rien d’autre, Joseph a écarté tout le reste. C’est
pour cela que c’est une vie cachée, simple, silencieuse, vivante,
surnaturelle, qui change tout. La face du monde va changer, la crêpe va
se retourner, et c’est le sixième mystère.
Sainte Thérèse d’Avila donne la caractéristique de
la septième demeure : « une soif insatiable, inaltérable,
de souffrir ». Surprenant !
Vous me direz : ‘‘tiens, je ne vois pas le rapport. C’est
le contraire de l’auto-réalisation… Une soif insatiable de
souffrir. Pourquoi ? ’’
Tout simplement à cause de ce que nous avions vu dans le quatrième
mystère : Jésus avait été consacré, la blessure
de l’Agneau s’était inscrite dans son cœur d’enfant.
Le martyre, la mort incréée de Jésus commençait
à pénétrer dans son cœur d’enfant, et il a commencé
à croître avec cela. Et Joseph était tellement uni au Verbe
incarné s’incarnant dans cette blessure du cœur dans la croissance
de l’enfant, que cette mort s’est inscrite de plus en plus dans
le mariage spirituel trinitaire mutuel : tout en lui s’est établi
dans une communion avec Jésus crucifié enfant. Pour Joseph, jusqu’à
la plénitude.
Dans cette union avec l’offrande victimale crucifiée de Jésus,
le mystère de l’Agneau, la blessure du cœur, qui avait été
annoncée par Siméon pour Marie : ‘un glaive te transpercera
l’âme’, Joseph doit prendre l’initiative ; c’est
sous Joseph que cela va se faire, ainsi que l’exigent les préceptes
de la Torah. Dans l’unité du Père et du Fils, Jésus
et Joseph vont vivre cette union, et c’est du dedans de cette unité-là
que Marie va s’installer.
Joseph va en mourir.
Et pour la première fois dans le mystère de l’incarnation,
dans sa vie, Jésus va faire l’expérience de la mort à
travers la mort de son père ( jusqu’à maintenant Jésus
n’avait jamais été confronté à la mort ).
Vous comprenez bien que quand on est dans la Sainte Famille, qu’il y a
une unité contemplative incarnée aussi puissante par la foi, c’est
vraiment une demeurance l’un dans l’autre : Jésus vient demeurer
chez Joseph et dans l’intime de Joseph, dans le cœur de Joseph, et
réciproquement. Donc le cœur de Jésus bat dans la poitrine
de Joseph, et de plus en plus, jusqu’au mariage mystique absolu. Il y
a une espèce d’animation vivante d’amour mutuel commune.
Et donc à travers cette animation amoureuse mutuelle d’unité
absolue commune, Joseph va mourir, d’une mort surnaturelle.
Jésus, lui, va souffrir d’une mort incréée, plus
tard, sur la croix : par amour pour son Père, et par la puissance de
sa divinité, il va arracher son âme de son corps. C’est l’amour
de Dieu le Fils pour Dieu le Père qui provoquera cette mort, une mort
incréée qui va s’inscrire dans l’éternité
: la mort du Christ, de Jésus est une mort qui s’inscrit dans l’éternel.
Tandis que la mort de Joseph est
une mort surnaturelle : le mariage surnaturel est total, la vie surnaturelle
est absolue, il est allé jusqu’au mariage surnaturel absolu, il
est mort de la mort de Jésus : il est le premier stigmatisé, si
vous voulez. Mais le mot ‘stigmatisé’ ne fait pas comprendre,
parce que la stigmatisation reste extérieure à la grace purement
surnatuelle. Mais sûrement, bien sûr, qu’il y a eu quelque
chose comme cela… C’était trop fort pour lui, et donc il
est mort d’amour pour Jésus, mort d’amour pour le Verbe incarné.
Il n’a pas supporté physiquement, spirituellement, surnaturellement
: il ne pouvait plus vivre. Il ne faut pas oublier qu’il avait les séquelles
du péché originel, donc c’est lui qui est mort le premier,
malgré toute la plénitude de grâce qu’il y avait en
Jésus et dans l’unité sponsale avec Marie.
Donc la mort s’est introduite dans cette Sainte Famille. Et Joseph est
donc rentré avec cette blessure de l’Agneau dans son âme
déchirée : dans les limbes, il est rentré dans le sein
d’Abraham. Jésus et Marie se sont retrouvés là :
dans son cœur blessé.
Et c’est ici qu’apparait un personnage, un saint extraordinaire,
très très grand, qui m’étourdit beaucoup : saint
Jean Baptiste revient vers nous. Il ne faut pas oublier qu’il y avait
eu une unité presque incarnée, organique, dans le mystère
de l’Incarnation, à la Visitation. Vous vous rappelez que déjà
là, il y avait eu la constitution à l’état de germe
du cœur eucharistique de toute l’Eglise. Et tout l’amour débordant
du Verbe incarné dans le cœur de Jésus et de Marie, était
venu se reposer dans le cœur de Jean Baptiste. Et Jean Baptiste, avant
sa naissance, est devenu le tabernacle d’une sainteté parfaite,
puisque la surabondance de tout l’amour de l’incarnation Jésus
enfant s’était alors reposée en lui. Alors il y a eu cette
première pentecôte.
Et à la nativité, une exclamation s’est faite dans Jean
Baptiste qui faisait partie de la Sainte Famille - dès avant la naissance,
il a été incorporé à la Sainte Famille -, tout en
partant dans le désert. Il a participé à cette grace commune,
mais à distance, par la foi de Marie, par l’incarnation de Jésus,
Marie et Joseph.
Nous avons vu également dans le quatrième mystère, comment
le sacerdoce lévitique avait en même temps trouvé son accomplissement
dans le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech qui était
apparu et qui s’était incarné : le Verbe a pris chair dans
un sacerdoce éternel, il est venu baptiser le sacerdoce lévitique.
Il ne faut pas oublier que Jean Baptiste est prêtre, fils de prêtre.
Le lendemain, Siméon est mort, mais Jean Baptiste vivant a hérité
de ce sacerdoce éternel selon l’ordre de Melchisédech apparu
au quatrième mystère joyeux. C’est comme cela qu’il
a vécu, dans le désert, à l’unisson avec toute l’union
transformante dans la Sainte Famille, comme en faisant partie.
Dès que Joseph est décédé, dès que la mort
s’est introduite dans l’expérience sacerdotale de cette famille
nouvelle, de l’Eglise qui était née, qui avait été
conçue, qui continuait à croître, dès que la mort
était là, tout pouvait commencer, puisqu’on avait traversé
tous les mystères de l’Incarnation et on avait intégré
jusqu’à la mort surnaturelle dans le corps mystique nouveau de
la Sainte Famille. Vous voyez, sans le corps mystique de Jésus, sans
le corps mystique qu’on appelle l’Eglise, on ne peut rien faire.
Même avant la mort du Christ il a fallu qu’il y ait cela : Dieu
n’a rien voulu faire, même dès le départ, sans le
corps mystique de Jésus, sans ce corps mystique, sans cette communion
incarnée d’amour dans la construction de la Jérusalem vivante,
par la grâce et dans la blessure de l’Agneau de Dieu.
La blessure de l’Agneau de Dieu est donc venue s’enfoncer dans le
lieu de la mort, dans les limbes.
C’est impressionnant.
Pour ceux qui vont contempler le premier mystère lumineux, il y a de
la matière !
Aussitôt la parole de saint Luc dit ceci, je crois :
Verbum factum est super eum,
le Verbe a été fait sur lui :
Apparut un homme appelé Jean,
le Verbe a été fait sur lui,
La traduction française dit : ‘‘la Parole de Dieu fut adressée à Jean dans le désert’’ !
Saint Grégoire, lui, voit
le mot :verbum : saint Jérôme avait en effet traduit ‘verbum’
( c’est son Targum qui est derrière ) dans l’intention de
dire que le Verbe de Dieu - la Première Personne de la Très Sainte
Trinité – passait par lui.
Le premier à laisser parler ouvertement le Verbe, ça n’a
pas été Jésus qui, Lui, était le Verbe. Le Verbe
de Dieu a parlé par la bouche de Jean Baptiste : « Je suis »
la « voix » qui crie dans le désert ; le Verbe de Dieu a
parlé par une présence extraordinaire, celle de Jean Baptiste
: la « voix », c’est la Présence vivante de Dieu, dans
le désert. Le Verbe s’est posé sur lui, ce qui montre bien
qu’il fait partie de la Sainte Famille, puisque dans la Sainte Famille,
si l’on va jusqu’au mariage spirituel - septième demeure
-, on va subsister dans l’unique Personne du Verbe de Dieu. Donc on a
ici une confirmation incroyable que Jean Baptiste faisait partie de ce grand
processus de l’union transformante, jusqu’à la septième
demeure du mariage spirituel, jusqu’à la mort de Joseph. Et à
la mort de Joseph, on peut dire que le mariage spirituel surnaturel est accompli
: il subsiste dans le Verbe, le Verbe se pose sur lui. C’est du saint
Luc tout craché : saint Luc est si précis que c’en est toujours
extraordinaire.
Alors, Jean Baptiste va proclamer le baptême. Ce personnage est vraiment
incroyable : il le fait à distance, il n’a pas le visage de Jésus,
il ne l’a jamais vu, il le dit cinq fois dans l’Evangile : ‘‘je
ne l’ai jamais vu, Jésus’’. Il le dit à tous,
on l’interroge, on lui dit ‘‘mais alors ? Et Jésus
? Et le Messie ?’’.
Il savait, tous savaient, que le Messie, le Christ était là. On
connaissait les dates, quand même, et puis on l’avait vu passer
partout : après la mort de Joseph, Jésus a quitté tout
de suite Nazareth, visité Capharnaüm, Tyr, Sidon. On n’en
parle pas dans l’Evangile, mais pendant cinq mois Jésus a circulé
partout ; tout le monde entendait parler de Jésus. Il ne faisait pas
de miracles, mais il faisait du bien, il consolait, il conseillait. Il est allé
partout, il a circulé pendant 153 jours, c’est beau de penser cela
- enfin, je pense qu’il a circulé pendant 153 jours, ce n’est
pas dans l’Evangile - , jusqu’à ce qu’il se soit fait
baptiser par Jean.
Jean a engendré un baptême. Il était prêtre, vous
voyez, et il baptisait dans le Jourdain.
Le Jourdain est un fleuve, de l’eau descendante en hébreu (Jourdain
veut dire ‘l’eau qui descend en dessous’).
Jésus va être plongé dans les eaux du Jourdain, c’est
à dire qu’il va descendre dans les larmes de la contrition, mais
aussi dans toute cette vie humaine qui descend vers l’enfer, qui descend
dans le péché, qui ne vit que du péché, vers le
dessous, tout le temps. Il va se plonger dans cette vie qui ne cesse de descendre
vers le dessous, alors que la vie humaine est faite pour monter vers le dessus,
si je puis dire, pour se répandre partout.
Il va se plonger dans les eaux du Jourdain, ce fleuve qui donne son nom à
la Jordanie d’aujourd’hui.
Josué, Jehoshua, un jour est passé par là, vous lirez cela
dans le livre de l’Exode. Les eaux se sont écartées, une
muraille d’eau à droite, une muraille d’eau à gauche,
l’Arche d’Alliance a été posée au milieu du
Jourdain sur quatre pierres, ils ont posé autour douze pierres pour les
douze tribus d’Israël, et tout le peuple est passé à
pied sec ( Jos.3,17 & 4,9 ). C’est sur ces quatre pierres que Jésus
a été baptisé.
Je suis allé à l’endroit où Jean Baptiste baptisait.
Je suis rentré dans l’eau à cet endroit-là, et il
y avait des gens sur le bord. Ils sont spontanés là-bas : ils
sont descendus dans l’eau en disant ‘baptisez nous dans l’eau’,
alors je les ai baptisés. Bon, avec moi, il ne s’est rien passé,
ce n’était qu’un pèlerinage ; tandis qu’avec
Jean Baptiste, ce n’était pas pareil : Jean Baptiste était
un prêtre revêtu du sacerdoce de l’Ancien et du Nouveau Testament,
si je puis dire : accompli dans l’Ancien, s’initiant dans le Nouveau.
Si vous vous rappelez du mémorial du sacrifice des épis, tel qu’on
le lit dans le livre du Lévitique : Jean l’a fait ici : au milieu
du Jourdain, à cet endroit. Il était donc revêtu de la robe
sacerdotale, ainsi qu’il est écrit dans le livre du Lévitique,
avec ses six pierres précieuses sur l’épaule droite et sur
l’épaule gauche, les noms des six tribus d’Israël gravées
dessus, et aussi les fameuses douze plaquettes avec les noms des fils d’Israël
inscrits ; il y a avait posées là les douze pierres de Josué.
Il a re-consacré dans le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech
ce lieu pour le baptême de Jésus.
Il est écrit que tout Jérusalem descendait : c’était
une foule innombrable ( les historiens disent qu’à Jérusalem
il y avait environ deux à trois millions de pèlerins dans en ces
jours-là ).
Joseph était décédé. Ce sacerdoce nouveau, Jean
l’a assumé en pleine connaissance pour tous ceux qui étaient
dans les limbes auxquels il a pu s’unir grâce à Joseph (avec
qui il était fortement lié par l’unité sponsale de
l’Immaculée Conception, la mère de sa grâce sacerdotale
), en union avec Jésus, la blessure du cœur, et puis bien sûr
la Jérusalem glorieuse. C’est ce qui est représenté
par les douze pierres, les douze noms d’Israël, les douze plaquettes
du sacerdoce : les douze apôtres qui sont exprimés là, les
douze tribus d’Israël pour le peuple juif, et enfin bien sûr
les douze portes de la Jérusalem glorieuse.
Dans cet endroit-là, la mort de Joseph a déchiré la possibilité
de l’expression explicite du sacerdoce de Jésus, et du baptême.
Jean Baptiste en a été le prêtre.
Pourtant c’est Jésus qui est prêtre.
Jean Batiste lui dit :
‘‘attends, c’est toi qui viens te faire baptiser par moi,
alors que je ne suis pas digne…’’
Et Jésus lui répond :
‘‘il faut que nous menions à leur accomplissement les choses
justes’’
La justice, c’est Joseph. Dès que vous entendez le mot ‘juste’,
tsadak en hébreu, dikaios en grec, il faut qu’instinctivement vous
traduisiez par saint Joseph (celui qui est juste jusque dedans sa substance).
Il a introduit dans les limbes - le lieu de la mort, de l’hadès
et des ténèbres - la présence désincarnée
certes, mais tout de même la présence vivante de la blessure de
l’Agneau de Dieu.
Et Jésus dit à Jean Baptiste :
‘‘il faut que nous accomplissions, c’est à dire que
nous menions jusqu’à son épanouissement total,
ce qui est juste ( ce qui est fait par saint Joseph ) depuis le fond des enfers
et des péchés,
ce qui est complètement en dessous, puisque nous y sommes maintenant,
jusqu’à la Jérusalem glorieuse. Et quand je serai, moi,
dans la Jérusalem glorieuse
(épître aux Hébreux), quand j’aurai passé le
voile, alors je serai prêtre.’’
Pour l’instant le Verbe de Dieu exprime son sacerdoce à travers
Jean Baptiste : le Verbe s’est posé sur lui.
C’est beau, vous savez. Dans l’Incarnation il est dit :
‘‘et Verbum caro factum est’’
et le Verbe, le Dieu vivant, a été fait dans la chair
Dans le cinquième mystère,
nous avons vu vendredi dernier qu’il était dit :
‘‘non intellexerunt Verbum quod locutus est ad eos’’
ils n’intellectualisèrent pas le Verbe qui avait été
proféré sur eux :
ce n’est pas avec l’intelligence, mais avec le cœur, qu’ils
sont rentrés dans la Sainte Famille, c’est avec la grâce,
dans l’union transformante, par l’oraison, par le silence, l’intelligence
au service de l’union transformante, la vie contemplative incarnée
totale d’amour. C’est trop beau. Si nous ne comprenons pas cette
histoire de Sainte Famille, nous ne comprendrons pas le baptême de Jean
Baptiste. Parce qu’effectivement la moindre chose va être entièrement
remplie de cette incarnation dans l’incréé du Verbe de Dieu,
emportant dans lui - le Père est en moi et moi je suis dans le Père
-, le Père en saint Joseph. Et tout cet épanouissement a pu atteindre
le fond des enfers.
Il y a un lien entre saint Jean Baptiste et les limbes, nous le savons aujourd’hui.
L’Eglise va pouvoir comprendre cela et pouvoir rentrer dans ce ministère
de la fin du monde : faire rentrer le fruit des sacrements jusque dans le fond
des limbes, jusque dans le lieu de la mort ; ceci est typiquement relié
au premier mystère lumineux. Ces enfants qui sont morts et qui n’ont
pas de baptême justement, dans les mains de qui sont-ils ? Entre les mais
de la sainte Famille nouvelle : c’est à dire de tous les membres
vivants de la sainte Famille glorieuse sur la terre.
Saint Jean Baptiste est extraordinaire, vous voyez, parce qu’il est comme
une manifestation, une icône, à la fois de Melchisédech,
d’Elie le prophète et de Hénoch le patriarche. Il faudrait
faire une théologie de Jean Baptiste, pour comprendre. Hénoch
allait jusqu’à la Jérusalem glorieuse future et il la voyait,
en traversant toutes les strates de la vie surnaturelle, dans sa vie contemplative,
en prononçant le nom d’Elohim. Elie était le contemplatif
du Messie. Melchisédech était prêtre, le monde angélique
(sans origine, sans fin). Et Jean Baptiste va être tout cela à
la fois, toujours caché, toujours dans l’ombre, méconnu,
pas facile à comprendre avec sa culotte de peau, avec ses poils de chameau,
avec sa pénitence incroyable.
Il faudrait arriver à sentir petit à petit cela. Et ce sera une
des choses grandes de ce premier mystère lumineux : pour pouvoir commencer
à saisir ce qui se passe dans le baptême.
Jean Baptiste est très imprégné de la divinité de
Jésus, Jésus qu’il n’a jamais vu, et qu’il connaît
parfaitement parce qu’il a vu le Verbe. C’est dit clairement. Il
a tressailli dès avant la naissance dans la divinité du Verbe,
il l’a connu et il en a vécu, et donc le ciel est ouvert pour lui,
comme pour Hénoch. Et il voit très bien, par la foi, et par sa
vie contemplative, cette incarnation progressive continuelle du Verbe de Dieu
à travers Jésus dans le corps mystique dont il fait immédiatement
partie. Il ne faut pas croire qu’il ne voit rien, tout cela il le voit,
tout cela il le sait. La pureté immaculée de sa vie fait qu’il
est dans la clarté absolue là-dessus.
Jean Baptiste insiste, quand les pharisiens, les juifs, les sadducéens,
les hérodiens viennent l’interroger :
‘‘je ne l’ai jamais vu, je ne le connais pas’’.
Et pourtant il l’annonce :
‘‘c’est lui, c’est le Verbe, c’est le Messie.
Je ne suis pas le Messie, je ne suis même pas digne de dénouer
la courroie de ses sandales,
je ne peux même pas porter sa chaussure.’’
Comme dit Origène, le fait de ne pas pouvoir porter la chaussure de Jésus
veut dire que je ne peux même pas être son apôtre, je ne peux
pas être un des douze apôtres.
Je ne peux pas dénouer la courroie de ses sandales veut dire, selon une
expression juive, que je ne peux même pas le représenter.
Donc Jésus va venir, il va se faire baptiser par lui après qu’il
en ait baptisé beaucoup d’autres, il va le mettre dans la piscine
qu’il a forcément instituée puisqu’il l’a consacrée
ici, au milieu du Jourdain. Jésus va descendre dans les eaux du Jourdain,
Jean Baptiste va prendre de l’eau et le baptiser. Il l’a placé
sur ces pierres, là où était posée l’Arche
d’Alliance - Présence réelle de Dieu dans l’Arche
de l’Ancien Testament -.
Quand les Juifs venaient pour se faire baptiser, il leur disait :
‘‘je ne vous donne qu’un baptême d’eau, mais il
vient
- et il annonçait sa venue : il va se faire baptiser -
celui qui vous baptisera dans le Saint Esprit et dans le feu.’’
L’Esprit Saint désigne l’Amour incréé de Dieu
et le feu : le feu embrasé du Sacré Cœur dans l’Esprit
Saint et dans le Fils. Jean Baptiste baptise seulement dans l’eau, il
est lié à Joseph dans ce baptême, il est lié à
ce qu’il y a de plus inférieur, vous voyez.
‘Je ne vous donne que dans l’eau, et c’est lui qui complète
et c’est lui qui fait tout après.
Vous devez quand même vous convertir.’’
Voilà le baptême de conversion : il faut vraiment que la crêpe
se retourne complètement : metanoia.
C’est un baptême pour la confession des péchés : ex
homologouménoï amartias : ( c’est joli, la confession en grec
: c’est une homologation externe de tous vos péchés ) vous
homologuez tous vos péchés à l’extérieur.
Quant à l’absolution, la rémission, le feu qui embrase tout,
c’est Jésus qui le fera. Or vous venez, vous, parce que vous savez
que c’est l’heure du Messie et vous avez peur. Vous venez parce
que vous croyez que le Messie vient, Il vient, la cognée est à
la racine des arbres, et vous êtes vraiment pourris de péchés,
et vous êtes hypocrites, vous êtes pleins de contours.(Jean Baptiste
était terrible, il ne se laissait par amadouer)
‘‘Mais si, sûrement, tu es Elie le prophète’’.
- Non.
Et il leur répondait toujours : ‘‘genemeta ekidon’’.
Vous ne pouvez pas savoir comme ça me plaît : ‘‘genemeta
ekidon’’, race de vipères. Ils venaient se faire baptiser
par lui, confesser leurs péchés, et lui leur disait ‘‘genemeta
ekidon’’.
Pour moi, c’est très parlant. Quand vous traitez d’un nom
d’animal, cela a une signification. Si vous dîtes : ‘‘tu
es une espèce d’âne’’, ça veut dire :
‘tu es bête, quoi’’. La vipère, c’est une
femelle qui rampe, qui après avoir été fécondée
par le mâle, tue le mâle, et à la naissance, les vipereaux
sortent d’elle en lui déchirant le ventre, donc les nouvelles vipères
tuent leur mère à la naissance. Les contorsions de la vipère
représentent vraiment l’hypocrisie du parricide, du matricide.
Vous êtes une engeance, vous êtes une race de vipères, parce
que vous êtes dans le péché. Le péché tue
Dieu. Vous tuez votre Père, celui qui vous a donné la vie, vous
le tuez, et vous avez l’intention de le tuer. Si vous venez au sacrement
de pénitence et au baptême de conversion, c’est parce que
vous avez peur, mais ce n’est pas pour vous convertir, c’est pour
recevoir des ablutions, ce n’est pas pour ex homologuer vos péchés
et qu’ils soient brûlés dans le feu. C’est parce qu’en
fait votre cœur est déjà décidé : vous cherchez
le Messie, mais vous refusez Dieu :vous avez déjà décidé
de tuer Dieu.
Et Jean Baptiste le voit très bien, parce qu’il n’est dans
l’intimité avec le Verbe incarné que par le Verbe (le Verbe
s’est posé sur lui) et il sait que le Verbe va être tué
par eux : il le sait, il voit en clair ce qu’est le péché.
C’est pour cela, et ce n’est pas parce qu’il a un caractère
impossible, que c’est une espèce de sauvage qui vient du désert,
qu’il est si radical : c’est parce qu’il voit dans leur cœur,
il lit dans leur âme et il sait qu’ils vont le tuer, qu’ils
veulent massacrer la grâce de Dieu, la vie divine incarnée, le
Verbe fait chair, le Messie d’Israël, le Sauveur du Monde. Ils veulent
le tuer. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas renoncé au péché,
même venant au baptême.
Le nombre de gens qui apportent leurs enfants au baptême à l’Eglise
aujourd’hui, sans renoncer au péché !
Ce qui fait souffrir tellement les prêtres, qui eux-mêmes d’ailleurs
ne renoncent pas au péché.
Il faut renoncer au péché. Il faut y renoncer absolument.
Là Jean Baptiste a vraiment ce sens extraordinaire :
‘‘et ne dites pas que vous avez la foi, ne vous dites pas : ‘j’ai
la foi, je suis justifié’,
‘nous sommes des fils d’Abraham après tout’, ‘nous
sommes de la race d’Abraham,
et pas des genemeta ekidon, une race de vipères’.
Ne dites pas ça puisque vous allez le tuer.
Et en tous cas je vous le dis…’’
On sent bien que c’est Dieu le Fils qui parle à travers lui quand
il dit cela :
‘‘je vous le dis, de ces pierres qui sont là’’
ces quatre pierres sur lesquelles a été posée l’Arche
d’Alliance sur laquelle va être posé le baptême de
Jésus,
‘‘Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham’’
Egersai est le mot de saint Luc en grec : egersis en grec signifie résurrection.
Jésus est ressuscité, egersis Christou. C’est le mot qu’emploie
la sainte Ecriture : de ces pierres qui sont là, Dieu va faire lever,
ressusciter, vivre, des enfants à Abraham. Et c’est après
ces paroles que Jésus arrive et se place sur ces pierres.
Dès que Jésus descend dans les eaux, donc dans la déchirure
de la mort de la Sainte Famille, cette union transformante du cinquième
mystère, il s’enfonce dans les eaux du péché, c’est
extraordinaire, il descend en dessous, il se plonge dedans, il s’assimile
à elles, et du coup à cause de cela, le ciel se déchire,
les eaux prennent une nouvelle signification, elles s’ouvrent non plus
vers le bas, mais vers le ciel : le ciel s’est déchiré.
C’est extraordinaire, parce que l’Arche du Messie était passée
là avec la nuée dans les eaux du Jourdain, et les eaux s’étaient
déchirées. Tandis que là, Jésus descend dans les
eaux, et ce ne sont pas les eaux qui s’éloignent, c’est le
ciel qui se déchire, c’est le ciel qui s’écarte. C’est
d’une puissance !
A ce moment-là nous comprenons ce que vit saint Jean Baptiste depuis
sa naissance : il suffit qu’il vive, qu’il se plonge, s’engloutisse
dans cette véhémence du désir de l’anéantissement,
de l’effacement de tous les péchés du monde dans le Verbe
de Dieu, et le ciel se déchire, et c’est comme cela qu’il
vit du Verbe de Dieu.
Et effectivement cette fois-ci, le Verbe de Dieu est là, ils sont tous
les deux. Il le voit pour la première fois, il le baptise, le ciel se
déchire et non pas les eaux. Le Messie de la Nuée ne devait pas
toucher les eaux au premier passage de l‘Ancien Testament, mais cette
fois-ci il devait s’y engloutir en son incarnation, pour prendre le péché
sur lui et en être responsable, et être transformé lui-même
en péché du monde.
Il est englouti dans les eaux, le ciel se déchire et du coup, puisque
son père est mort en saint Joseph, le ciel se déchire dans la
Première Personne de la Très Sainte Trinité et la voix
de Dieu le Père se fait entendre.
Nous sentons bien qu’il y a saint Joseph déchiré en bas,
Dieu le Père déchiré en haut, qui se rejoignent là.
Il faut voir comment tout cela s’est passé.
Je pense que vous avez déjà tous eu l’expérience
surnaturelle de voir le ciel qui se déchire en deux. Non ? Vous n’avez
jamais vu cela ? C’est trop beau, c’est magnifique : le ciel disparaît,
le paysage disparaît, comme un livre qu’on roule. C’est l’intimité
de Dieu qui est là, avant la création du monde. Vous n’avez
jamais vu ça, vous ? Prenez un bon steak, des sauterelles, du miel. Il
faut vivre, il ne faut pas dormir !! C’est vrai, écoutez, il faut
avoir de la force, dans l’union transformante.
Du coup, le Père se fait entendre. Il y a ces paroles que vous avez entendues,
que vous connaissez par cœur puisque nous avons fêté dimanche
dernier le baptême de Jésus. Vous avez tous entendu que Dieu le
Père a dit :
‘‘Celui-ci est mon Fils : O’ agapetos uios mou’’
: c’est mon Fils, c’est le mien, c’est l’Aimé
absolu.
Tu ne peux pas aimer plus quelqu’un que lui. Agapetos : Dieu aimé
absolument. Le Père aime Dieu, et Dieu qui est aimé, c’est
Dieu le Fils, le Dieu vivant. Et le Père livre son Fils.
Les mystères lumineux sont extraordinaires, parce que la foi de Marie
- qui est derrière ce sixième mystère, premier mystère
lumineux, qui intègre la mort de Joseph, qui intègre le don victimal
de Jésus, qui intègre l’anéantissement de Jésus
dans la mort, qui intègre toute la prière sacerdotale de tous
les temps et de tous les lieux à travers Jean Baptiste – la foi
de Marie, donc, origine cette déchirure céleste : c’est
cela la réponse sponsale de l’Immaculée par sa foi, qui
provoque cette immense révélation et ce retournement des mystères
lumineux.
Il y a eu un retournement vraiment fantastique, parce que dans les mystères
joyeux, par la foi de Marie, le Verbe de Dieu s’est enraciné dans
la chair, s’est posé, a sanctifié, divinisé, épanoui
le sacerdoce, comme nous l’avons vu. Il s’est incarné de
plus en plus jusqu’au mariage spirituel trinitaire de la Sainte Famille
dans l’union transformante. Il a intégré la mort dans saint
Joseph, il a pénétré le mystère des limbes grâce
à Joseph, habitant dans son âme comme Verbe de Dieu dans la subsistance
de la grâce surnaturelle (puisque la mort de Joseph était surnaturelle
: une mort de grâce, de mariage mystique spirituel). Donc à chaque
fois, le Verbe s’incarne de plus en plus profondément dans la chair,
dans l’humanité, dans la vie limitée du monde.
Tandis que là, d’un seul coup, c’est la divinité de
Dieu le Fils lui-même qui est donnée. Je ne sais pas si vous voyez
la différence.
Dans les cinq premiers mystères, le Verbe de Dieu se fait chair, se donne
à la chair, et de plus de plus.
Tandis que dans les mystères lumineux, grâce à cette chair
toute offerte, grâce à cet amour de la Sainte Famille toute bénie
surnaturellement, unie en une seule chair, grâce à ce corps mystique
déjà conçu et encore embryonnaire, il faut bien le dire,
mais conçu et bien existant, cette chair du corps mystique va donner
le Verbe éternel de Dieu, elle va donner la vie divine intime de la Deuxième
Personne de la Très Sainte Trinité au monde.
‘‘Voici mon Fils bien aimé, agapetos uios mou.’’
C’est le Verbe de Dieu qui est donné.
Les sacrements donnent la divinité intime du Fils unique de Dieu au monde
: c’est le but et le fruit des sacrements.
Le baptême nous donne dedans l’intérieur de nous, la divinité
intime éternelle, absolue, intégrale, sans rien oublier, de Dieu
vivant avant la fondation du monde, dedans l’intérieur de nous,
comme un don. C’est le retournement, c’est vraiment un retournement,
c’est pour cela que c’est vraiment lumineux.
A ce moment-là la Lumière intime du Verbe éternel de Dieu,
celle qui est à l’intérieur de Dieu dans l’incréé
avant la fondation du monde, illumine le monde. Grâce à Jean Baptiste,
la lumière va pouvoir se répandre : les mystères lumineux
vont pouvoir commencer leur ascension.
Nous voyons bien qu’il y a quelque chose d’organique entre le cinquième
mystère et le sixième mystère. Nous ne pouvons pas ne pas
le voir. Le royaume de Dieu … est paix, joie, lumière, dans l’Esprit
Saint.
Il faut nous arracher du monde du péché, et nous engloutir dans
la mort vivante de Jésus qui s’est fait péché pour
nous ; nous engloutir dans cette plaie, ce cœur sacerdotal extraordinaire
de Jésus, qui du coup est amplifié dans toutes les béances
de tous les fruits du péché dans la mort de l’Hadès
et de l’éternelle Vie. Nous introduire là : nous réfugier
dans le cœur de Jésus qui s’abaisse de plus en plus.
Et moi quand je suis dans le péché, je vais confesser mes péchés
en rentrant dans les eaux de Jean Baptiste, en renonçant à mes
péchés autant qu’il est possible, ex homologouménoï
amartias. Le baptême de Jean Baptiste est un baptême pour la conversion,
c’est un baptême pour la rémission des péchés,
qui va vers la rémission des péchés : ce n’est pas
encore la rémission des péchés. Donc il faut, à
partir de notre baptême, rentrer dans le cœur de Jésus, nous
engloutir dans le cœur de Jésus tout ouvert, par cette plaie gigantesque
et éternelle, et dedans, là, voir le Verbe de Dieu présent
Lui-même en dessous de cette offrande victimale. Se plonger dans le Sang
précieux de Jésus tout palpitant d’amour du Verbe de Dieu.
Se réfugier dans cette plaie éternelle, être englouti et
laisser brûler tous les péchés du monde, pas seulement les
miens, dans cet amour. Parce que l’amour du Verbe de Dieu, c’est
ce qu’on aime à l’état absolu, Agapetos : Jésus
est l’absolu de l’effondrement dans l’amour, le Verbe de Dieu
est l’Aimé absolu, ‘‘mon Fils’’ …O’
Agapetos Uios mou.
C’est vraiment extraordinaire, nous devons aller jusque là.
Le fruit de ce mystère : rentrer dans la lumière de la rédemption,
et toucher la Lumière intime du Verbe de Dieu et voir l’Absolu
aimant, l’absolu Aimé, l’Amour aimé à l’état
absolu : c’est Jésus, c’est le Verbe de Dieu.
Le Père est effondré d’amour. On ne peut pas être
plus aimé que le Verbe de Dieu, le Verbe vivant, c’est impossible.
Et tout amour vient de là, il n’y a pas une étincelle d’amour
qui ne vienne pas de là. C’est pour cela que c’est très
lumineux, comme mystère. C’est très très lumineux.
Tout le monde a entendu, Jésus a entendu (saint Luc, saint Matthieu)
Jean Baptiste a vu et entendu : tout le monde a entendu. Et puis Jésus
est reparti. Saint Jean Baptiste, vraiment, m’étonne : il n’est
pas parti à sa suite, ‘je ne suis pas digne de dénouer’...
Il est tellement conscient qu’Il est Dieu ; il le sait. Tous les autres
savent que Jésus est le Messie. Plus j’avance et plus je suis convaincu
que tout le monde en Israël savait que Jésus était le Messie.
Sanhédrin, docteurs de la loi, pharisiens, Hérode, tous le savaient.
Mais par contre, qu’Il était aussi le Verbe vivant de Dieu, le
Créateur du monde, le Dieu vivant : ça non !
Jean Baptiste : oui !
Que Jésus soit le Messie n’est pas son problème. D’ailleurs
il disait toujours : « Je ne le connais pas »… tout en sachant
bien que Jésus était Dieu, et qu’on allait le tuer parce
qu’il était Dieu. Ce n’est pas moi qui l’invente, écoutez
: Genemata ekidon, race de vipères ! Il le sait profondément :
s’ils ne renoncent pas au péché, c’est qu’ils
vont le tuer. C’est pour cela qu’il dit :
‘‘je ne suis même pas digne de porter sa chaussure,
je ne peux pas dénouer la courroie de ses sandales’’,
vous savez, ce qui le noue à son pied (c’est à dire à
son ardeur de la rédemption du monde en sa chair), ce lien du Verbe de
Dieu entre son Incarnation et la rédemption, ce qui noue la chair, l’incarnation
du Christ au zèle ardent du Verbe de Dieu pour l’incarnation et
la rédemption, il n’est même pas digne d’y toucher.
Il le dit. C’est saint Jean Chrysostome qui donne cette interprétation.
Alors il va y avoir le baptême :
‘‘Il faut que nous accomplissions ce qui est juste, laisse faire,
laisse faire’’
Il n’y a pas eu de dialogue entre Jésus et Jean Baptiste, à
part celui-là, dans toute leur vie. Les seules paroles que Jésus
a dites à Jean Baptiste sont celles-ci : ‘laisse faire’.
Luc avait dit :
Verbum facit super eum : le Verbe opère sur lui.
Et Jésus confirme en disant :
‘‘laisse faire, il faut que nous accomplissions toute justice’’.
Alors il le baptise aussitôt.
‘Laisse faire’ : l’ajustement à Dieu dans le corps
mystique de l’Eglise jusqu’au bout.
Et puis Jésus va partir.
Quelque temps après, on fêtait la fête des expiations, vous
verrez ce que cela veut dire dans le livre du Lévitique, et même
dans le livre de l’Exode, le 11 du mois de Timri (vers le mois d’octobre).
C’est le jour de la fête des expiations qu’on désigne
le bouc émissaire qui doit être poussé dans le désert
pour prendre sur lui tous les péchés du monde. La fête des
expiations a lieu ce jour là chaque année.
Vous connaissez l’histoire du bouc émissaire. Isaac a eu son bouc
émissaire, du coup il n’a pas été tué. Israël,
chaque année, n’est pas anéanti par toutes les conséquences
des fautes du monde et toutes les conséquences des fautes personnelles
d’Israël, à cause du Messie qui doit être crucifié
et qui est le bouc émissaire. Et donc on remercie Dieu chaque année
avant que le Messie ne soit bouc émissaire. Isaac est vivant, donc Israël
est vivant (ce sont tous des descendants d’Isaac) à cause du Messie
qui doit être bouc émissaire. On le fait partir au désert
et là-bas le bouc émissaire doit mourir.
Le 11 du mois, Jésus passe non loin du Jourdain, et à une distance
assez grande, dit l’Evangile, Jean Baptiste le voit passer là-bas,
sans doute à quatre ou cinq cents mètres. Il dit :
‘‘voici l’Agneau de Dieu’’,
et il le désigne. Et là il accomplit le terme du baptême
: après avoir dit que c’était vraiment le Dieu vivant qui
était là, que Dieu le Père avait donné son Fils
- il l’avait entendu (Jésus l’avait entendu aussi bien sûr)
- la seconde fois qu’il le voit, quelques jours après, c’est
lui, le prêtre selon l’ordre de Melchisédech dans le baptême
du sacerdoce lévitique nouveau s’achevant surnaturellement en lui,
qui désigne le bouc émissaire. Tel fut le dernier acte sacerdotal
de Jean Baptiste.
C’est le fruit du baptême de Jean Baptiste : Jean Baptiste a été
celui qui a désigné la mission du Verbe éternel de Dieu
dans la rédemption du monde. C’est par lui que Dieu le Père
est passé, et Dieu le Fils et Dieu l’Esprit Saint, pour que selon
la loi et la volonté de Dieu, Jésus soit désigné
comme le bouc émissaire au jour des expiations :
‘‘voici l’Agneau de Dieu’’,
c’était sous sa responsabilité. Je suis sûr qu’à
partir de ce jour là il n’a plus jamais dit genemata ekidon.
Quand saint Jean a entendu cela, quand saint André a entendu cela, quand
saint Jacques a entendu cela, eux, disciples de Jean Baptiste, ils n’ont
rien dit au Baptiste et ils ont suivi Jésus.
Ce qui montre bien ce que Marie a fait par sa foi. Dans le baptême elle
était toute présente bien sûr, dans son unité sponsale
avec l’âme séparée de son époux, dans la blessure
du cœur de Jésus, et du coup elle a laissé partir Jésus
dans le désert. Et c’est pourquoi l’Esprit Saint s’est
saisi de Jésus et l’a précipité dans le désert.
Le mot est très fort d’ailleurs dans le texte de la sainte Ecriture
parce qu’on peut lire que ce fruit du baptême de Jean Baptiste sur
Jésus a été incroyable : cela a retourné le lien
du ciel à la terre, de Dieu à la création, de la grâce
à la gloire, tout a été retourné d’un seul
coup. Cette fois-ci, c’est la divinité intime et incréée
de Dieu qui est donnée dans la rémission des péchés,
à travers la confession, à travers le baptême, à
travers les fruits des sacrements, à travers le corps mystique de la
Jérusalem glorieuse céleste et terrestre.
[ Au début de son Evangile,
saint Matthieu donne la filiation de Jésus d’Abraham à Jésus
: en descendant…. Saint Luc, lui, place dans son Evangile la généalogie
de Jésus après être remonté des eaux du baptême,
en commençant par Jésus, fils de Joseph, pour remonter à
Abraham, puis à Adam, fils de Dieu. Saint Joseph est le père de
Jésus, il n’est pas question de Marie.]
[ Par la contemplation de ce mystère lumineux, demandons à Jésus
de nous aider à sortir du péché et à ne plus y retourner,
pour retrouver notre vocation.]