La Mort de Jésus / cinquième mystère douloureux
Nous sommes au seuil de la grande semaine sainte de l’an trois du troisième millénaire.
Nous avons vu les fois
précédentes les quatorze premiers mystères du Rosaire,
et nous méditons aujourd’hui le cinquième mystère
douloureux.
Le vendredi, à trois heures de l’après-midi, Jésus
pousse un grand cri et Il expire. Il est mort. Pendant environ trente-six
heures, Il reste dans la mort.
Dieu a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme. Il a passé
trente-six années, et là, Il traverse ces trente-six heures
de la mort : ce que l’on appelle le grand Sabbat.
Toute la Bible parle du Sabbat et du respect du Sabbat. Le Sabbat du septième
jour. Dieu crée, en mettant dans le temps une ouverture sacrée,
presque éternelle, une possibilité pour Lui de venir de l’intérieur
de la matière de l’univers pour la diviniser, la transformer,
la travailler. La création n’est pas parfaite, Dieu n’a
pas créé un univers parfait, et c’est pour cela qu’il
y a le septième jour, le jour du Sabbat. Si quelqu’un doutait
de l’affirmation que la création n’est pas parfaite, qu’il
regarde un peu ! La création n’est pas parfaite : bien sûr
que non !
Alors il y a le jour du Sabbat : le jour du Sabbat est réservé
au travail de Dieu. Dieu va travailler, avec les mains de l’homme, dans
les actes de l’homme : c’est Lui qui va travailler dans la grâce
de l’homme, pour que ce soit Son travail qui rende la création
et l’univers parfaits.
Ce grand refrain sur le Sabbat revient continuellement dans toute la Bible,
et c’est pour cela que les pharisiens, les Juifs, sont tellement choqués
à chaque fois qu’ils voient que Jésus ne respecte pas
le Sabbat. A chaque fois que Jésus fait quelque chose, il choisit le
jour du Sabbat. Le jour du Sabbat est le jour réservé au travail
de Dieu seul, et Jésus, en guérissant les malades et en faisant
tout le jour du Sabbat, révèle qu’Il est Dieu : «
mon Père travaille, et Moi aussi je travaille. »
Tous ces signes, toutes ces respirations divines et glorieuses de Jésus
sur la terre, et encore ces respirations vivantes et glorieuses à travers
les sacrements d’aujourd’hui, tout cela trouve un point de concentration,
d’aspiration, dans ces trente-six heures du grand Sabbat. Les temps
futurs, les temps anciens, sont aspirés dans ces instants très
grands du quinzième mystère du Rosaire, cinquième mystère
douloureux.
Jésus meurt sur la croix, Il est déposé dans le tombeau,
enveloppé d’un suaire. Un coup de lance le frappe par trois fois
pour atteindre son cœur, provoquant une blessure gigantesque sur le côté
droit. Et, comme un faisceau de myrrhe élevé en haut de la croix,
le corps de Jésus mort fait sortir la dernière goutte d’eau
et de sang. C’est le seul coup mortel que Jésus ait reçu,
mais il était déjà mort depuis une demi-heure.
Nous allons demander au Bon Dieu, à Jésus, à l’Esprit
Saint, à Marie, de nous faire rentrer dans ce mystère-là
pour le comprendre. La foi, la croix, vues du côté de l’homme,
c’est toujours très difficile. Mais emportés dans la très
sainte Trinité, revenant sur les ailes du Saint Esprit pour réincarner
mystiquement à travers nous et dedans l’intérieur de nous,
la mort de Jésus et sa descente dans le grand Sabbat, peut-être
que quelque chose va se produire divinement en nous pour que nous soyons assumés
à l’intérieur de Dieu dans le grand fruit de la rédemption,
dans le grand travail surnaturel de Dieu. Voilà ce que nous allons
demander à Jésus pendant cette petite heure de méditation.
Je crois que la première chose à méditer dans ce mystère
est la participation impassible de Dieu à tout ce qui se passe, et
la coopération, en harmonie avec cette impassibilité divine,
de ceux qui sont là. Marie est debout, au pied de la croix. Cela a
tellement impressionné Jean, qui était là aussi avec
elle, au pied de la croix, que quand il écrira l’Apocalypse,
environ soixante-dix ans plus tard, il n’aura que ce mot à la
bouche : la constance.
Stabat mater : Marie était debout, en communion avec l’impassibilité
absolue de Dieu produisant Lui-même sa propre mort. Il y avait une communion
(c’est cela, la con-stance) dans une stabilité de Marie ( Marie
était debout au pied de la croix ). Cette extraordinaire communion
divine de la plénitude de divinité en Marie, de la plénitude
de la divinité et de la lumière de la foi de Marie, avec la
plénitude de la procession de la Lumière émanant de l’intérieur
de la Lumière avant la création du monde jusque dans la mort
de Jésus, cette communion entre tous ces types de lumière est
impressionnante. Elle constitue la disposition que nous devons avoir pour
rentrer dans ce mystère : une certaine constance vivifiée par
l’impassibilité absolue, lumineuse, engendrante et fulgurante
de Dieu.
Nous ne pouvons pas aborder ce cinquième mystère à partir
de la terre, c’est trop évident, nous le sentons bien.
Nous nous rappelons bien sûr que Jésus ne pouvait pas mourir.
Après qu’Il ait été soulevé par les clous
sur la croix, tout s’est assombri à l’intérieur
de la foi nocturne, spirituelle et surnaturelle de Marie, et cela s’est
manifesté dans le ciel qui s’est complètement assombri
: il a fait nuit entre midi et trois heures de l’après-midi.
Le rideau du Temple s’est déchiré en deux, il y a eu des
tremblements de terre.
La lueur est revenue un petit peu vers trois heures de l’après-midi
quand Jésus a dit : « J’ai soif ». C’est peut-être
la Parole la plus dramatique de Jésus sur la croix. Pendant trois heures,
Il était là et personne (pas même ses proches) ne Lui
a donné à boire, même pas un peu d’eau. Mais ce
n’était pas seulement d’eau que Jésus voulait boire
; il est sûr que sa langue devait être un tison ardent de soif.
Si nous devions partager la soif qu’Il a éprouvée en plusieurs
millions, cela provoquerait une hécatombe immédiate de millions
de morts : Jésus ne pouvait pas mourir.
Du coup, grâce à Dieu, quelqu’un lui apporte une éponge.
Jésus accepte ce dernier geste du soldat, Il prend un petit peu de
cette goutte, Il dit : « Père, Je remets mon esprit entre tes
mains », et dans un grand cri, Il arrache son âme de son corps.
Normalement, sur la croix, on meurt épuisé, il n’y a plus
aucune force, plus aucun souffle, et c’est pour cela que le soldat va
dire : « Celui-ci est Dieu ».
Une demi-heure après, pour vérifier qu’Il est bien mort,
Longin prend sa lance et Lui donne le coup mortel. Effectivement, il ne restait
que quelques gouttes d’eau et de sang.
Saint Jean dit qu’ils sont trois à témoigner : l’eau,
le sang et l’Esprit Saint.
Dire cela n’a l’air de rien, mais vous savez, quand nous sommes
dans la constance de l’océan immaculé de la foi venant
se conjoindre à l’impassibilité de Dieu à l’intérieur
de la blessure du cœur de Jésus, nous voyons, nous contemplons,
nous assimilons l’eau, le sang et l’Esprit Saint ; ce sont ces
trois qui témoignent à notre chair, à notre sang, à
notre temps sur la terre et à notre éternité glorieuse
de la résurrection, que Jésus est Dieu, que Jésus est
amour éternel, infini, sans limite, de Dieu.
Il est sorti l’eau, le sang, et l’Esprit Saint : ceci est très
fort.
Quelquefois, nous nous demandons ce que nous devons dire à quelqu’un
à qui il faut parler de Dieu. Il faut lui dire :
« Ce qui m’impressionne le plus, c’est quand Dieu a connu
la mort en sa chair, bien longtemps après, on a frappé son côté,
et il est sorti de l’eau, il est sorti du sang, et il est sorti l’Esprit
Saint ».
Tu dis cela, et cela suffit. Cela suffit.
Jésus était
mort. Joseph d’Arimathie est vite parti voir Ponce Pilate (à
un quart d’heure de là) lui demander la permission de prendre
le corps pour l’enterrer. Trois quarts d’heure après, il
était revenu, avec cette autorisation. A quatre heures, Jésus
est décroché de ses clous, Il est mis dans les bras de Marie,
puis déposé dans le suaire ; à quarante mètres
de là on Le porte dans un tombeau tout neuf qui n’avait jamais
servi.
Des morts ressuscitent dans Jérusalem : des Justes (comme Zacharie
qui avait été martyrisé entre l’autel et le Saint
des Saints) en quantité inconnue par les saintes Ecritures, mais probablement
considérable, sont sortis de leur tombeau à l’instant
de la mort de Jésus. Ces cadavres vivants ont hurlé dans les
rues de Jérusalem : « vous avez tué le Messie !».
Les ténèbres, le voile du Saint des Saints déchiré…
ces moments-là furent extérieurement les plus impressionnants,
bien plus impressionnants que les dix plaies d’Egypte (où l’on
n’avait pas vu les cadavres des prophètes sillonner ainsi les
rues). Cela a tellement impressionné les Juifs (les prêtres,
les pharisiens, les sadducéens, et tout le peuple d’Israël
d’ailleurs), que la fête de la préparation a eu lieu pour
la dernière fois ce jour-là dans le Temple de Jérusalem.
Plus jamais, dans toute l’histoire d’Israël, le sacerdoce
lévitique n’a vécu le culte du sacrifice de l’agneau
immolé, de l’agneau pascal. Il était écrit dans
la Torah : « lorsque le rideau du Temple se déchirera, vous ne
célèbrerez plus la fête de l’agneau pascal et l’immolation
de l’agneau ». L’agneau a été immolé.
Ils avaient beau ne pas croire en Jésus, ils croyaient en la Torah,
alors ils ont respecté la Torah, et cela a été fini :
dans l’histoire de l’humanité, l’agneau n’a
plus été immolé dans le Temple.
Ils ont été très fortement impressionnés. Nous
comprenons pourquoi les deux tiers des Juifs ont reçu le baptême
(un tiers s’est obstiné, comme toujours ; c’est normal,
mais cela reste une minorité).
Extérieurement, c’est vrai, il y a eu quelque chose de particulièrement
spectaculaire.
Mais que s’est-il
passé intérieurement ?
Jésus, il faut L’aimer.
A l’intérieur de Jésus, il y a une humanité toute
transparente, toute limpide, toute simple.
Il est un homme ordinaire, si vous voulez, mais d’une simplicité,
d’une virilité, d’une proximité par rapport à
nous ! Voir combien il est semblable à nous est extraordinaire. Une
simplicité, une humanité… Jésus est normal, quoi
!!
C’est agréable, vous savez, les gens qui sont normaux !
Nous, nous ne sommes pas normaux, il faut bien le dire.. Jésus (et
c’est ce qui est reposant avec Lui), est normal, simple, bon.
Il y a en Jésus ce fait qu’Il a vu pénétrer éternellement
en Lui la lumière surnaturelle de la foi de ceux qu’Il attirait
en Lui, qu’Il avait créés pour rentrer dans la Lumière
vivante, divine, pour toujours.
Quand Il a vu cette lumière surnaturelle de la foi de Marie pénétrer
en Lui ainsi que dans le Père et dans l’Esprit Saint, Il s’est
tourné vers cette lumière surnaturelle de la foi pour atteindre
et pour assumer ceux par qui Il était glorifié par la foi, et
Il s’est incarné.
Cette incarnation de Dieu, cette présence de Dieu vivant créateur,
présence de Dieu avant la création du monde et présence
du Dieu éternel vivant, ces espaces sans limite de la lumière
très réelle et naturelle de Dieu, cette intimité vivante
: voilà ce qui illumine Jésus, dans toutes les cellules de sa
peau, dans les moindres mouvements de son regard, invisible aux yeux.
Mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi ce fait que l’intelligence
de Jésus, le cœur spirituel humain de Jésus, la liberté
humaine toute simple de Jésus, sa présence de chair et de sang,
spirituellement et humainement à notre portée à tel point
que lorsque nous sommes en face de Lui, Il se trouve devant le miroir de ce
que nous sommes, cette intelligence-là est plongée dans l’éternité
glorieuse de Dieu, lucidement. Jésus est dans la gloire : Il voit tout
ce que Dieu voit ; toute la gloire de la vision béatifique est en Lui,
il ne faut jamais oublier cela.
Et donc la connexion et la circulation entre Dieu et les paroles simples,
les sentiments simples d’un être humain comme nous, établissent
une source à l’intérieur de Jésus, que l’on
appelle la grâce capitale, la grâce sanctifiante, celle que nous
recevons au baptême. Cette circulation de vie divine ininterrompue,
torrentielle, à la fois du ciel et dans la terre, est la grâce
capitale. Cette grâce, cette lumière vivante divine surnaturelle,
qui n’a plus rien à voir avec cette eau ruisselante de son humanité
toute simple, si réconfortante, va couler partout et elle va, pour
ainsi dire, circuler partout où elle peut prendre la chair de l’homme,
partout où elle peut prendre l’intelligence assoiffée
de vérité de l’homme, partout où elle peut prendre
le cœur spirituel profond de l’homme qui aime d’être
dans les sources de l’amour vrai. Avec cette grâce capitale, Jésus
va devenir la tête de tout le corps mystique entier de la glorieuse
création renouvelée en Lui.
Marie, elle, va recevoir torrentiellement cette grâce en plénitude.
Si cette grâce n’avait pas été là, l’humanité
de Jésus aurait été tout le temps comme captivée
par la vision béatifique qui rayonnait avec une puissance sans limite
à l’intérieur de Lui. Au contraire, cette grâce
vient torrentiellement L’amener vers tout ce qui est assoiffé
dans la création, tout ce qui est brisé par le péché,
tout ce qui est dans la séparation. Alors cette grâce L’amène
jusqu’à combler la mort, elle L’amène à la
mort.
La grâce chrétienne est une grâce qui pousse vers la participation
à la mort, vers la participation à la croix.
Et c’est cette poussée contraire, si je puis dire, d’une
vie divine chrétienne avec une vie divine incréée assumant
l’humanité, qui fait toute la vie de Jésus sur la terre.
Qui fait toute la vie du chrétien aussi, il faut bien le dire.
Mais voilà, au moment où Jésus, par la puissance de son
amour pour nous et pour le Père, arrache son âme humaine hors
de son corps, Il arrache cette source de vie qui l’imprègne,
le vivifie et l’irrigue, Il emporte avec Lui tous ces torrents de grâce
capitale en son âme, et son corps reste seul : sans vie humaine, et
sans cette plénitude de grâce capitale s’écoulant
partout.
Ce mystère est vraiment un mystère du Rosaire, et nous sentons
bien que l’Immaculée va jouer là un rôle qu’elle
a été seule à pouvoir jouer : elle a été
la seule à pouvoir récapituler en elle cette source plénière
de grâce rédemptrice.
Quand la blessure mortelle a été donnée au corps mort
de Jésus ( même s’il était vidé de sa vie
lumineuse, simple et humaine, de ses actes d’amour humain, de ses actes
de contemplation humaine, de ses actes de liberté humaine : tout cela
était sorti de Lui, descendu dans les lieux de la mort), ce corps pourtant
mort de Jésus gardait encore l’unité d’une assomption
: Dieu assumait toujours ce corps pour unifier ce corps, pour faire Vivre
ce corps. De sorte que le corps de Jésus était Vivant, même
s’il était mort. Le corps de Jésus était vivant,
non pas de la vie humaine de Jésus, ni de la vie divine de la grâce
capitale, mais de la Vie éternelle d’avant la création
du monde, du Dieu vivant, puisqu’Il est le Dieu vivant.
Ainsi la vie intime et vivante de Dieu fait vivre son corps cadavérique
: c’est pour cela que le corps de Jésus est incorruptible.
Ces trente-six heures-là sont très impressionnantes !
Si quelqu’un meurt, son corps ne vit plus. Si l’âme, c’est-à-dire
son principe d’unité vivante, se sépare de son corps,
son corps se corrompt, se décompose : toutes les cellules se détachent
les unes après les autres dans la corruption. Il n’en est pas
ainsi pour Jésus : Il est Dieu, donc la vie divine du Verbe de Dieu
vivant continue à faire exister ce corps, lui donnant son unité
métaphysique et biologique.
Si bien que quand le coup de lance va frapper Jésus, c’est la
vie intime et éternelle de Dieu, directement, qui est atteinte : il
sortit l’eau, le sang et l’Esprit Saint.
La grâce capitale de Jésus, toute sa vie, a poussé Jésus
jusqu’à cet état d’impassibilité absolue
substantielle.
Saint Jean dit que les trois qui témoignent sont l’eau, le sang
et l’Esprit Saint :
- l’eau : traduisez la mort absolue de Jésus.
- le sang : traduisez la plénitude de vie palpitante d’amour
de Jésus inscrite désormais dans ses membres vivants, et en
premier dans Marie ( le sang exprime la vie vraiment palpitante de Jésus,
divine, et glorieuse, dans la plénitude de sa grâce en nous ).
- le Saint Esprit, troisième Personne de la très sainte Trinité.
Le Saint Esprit.
Nous entendons Jésus dire, de son vivant :
« Le Père est vivant au dedans de Moi. Qui me voit, voit le Père.
Et Moi (Dieu le Fils), je suis vivant au dedans de Dieu le Père, tel
que vous me voyez. »
Entre le Dieu vivant ( Intimité vivante de Dieu qu’est Dieu le
Fils, qui est Jésus ), et Dieu le Père ( qui donne Vie à
Dieu sans arrêt ), il y a une union intime (ils ne se quittent pas de
l’intérieur dans le don mutuel et dans l’accueil du don),
une espèce de tornade sans limite d’amour dans le don mutuel.
Comme le disent les Pères de l’Eglise, les Conciles et les Apôtres,
il y a une a-spiration intime de l’un dans l’autre, une ex-spiration
intime de l’un dans l’autre, une re-spiration intime, une con-spiration
aspirée, que nous appelons : spiration. Tout va faire qu’aucune
de ces Personnes divines ne regarde jamais ce qu’elle vit en son intime,
puisqu’elle est toute en fonction de l’autre. Chacune des Personnes
de la très sainte Trinité, de l’intérieur et de
l’intime d’Elle-même, est en extase à l’intérieur
de l’autre Personne.
[Jamais aucune des Personnes de la très sainte Trinité ne se
prend le pouls pour s’analyser ! Aucune analyse, c’est extraordinaire,
c’est beau ! Il faudrait donner cela à tous les psychiatres.]
Ils viennent expirer l’un dans l’autre (l’amour et la mort,
en Dieu, c’est la même chose : je donne ma vie) et c’est
ce qui fait vivre Dieu : l’amour, Son mode d’expiration, Son mode
de mort d’amour, son extase, son ravissement intime et profond faisant
disparaître véritablement chaque Personne l’une dans l’autre
dans l’unité des deux.
Cette unité profonde des deux fait qu’apparaît une nouvelle
intimité, appelée Esprit Saint.
L’Esprit Saint ne se regarde pas non plus : Il est tout relatif au Père
et au Fils.
A l’intime de lui-même, l’Esprit Saint est dans l’Unité
du Père et du Fils, et Il ne regarde que cela. Lui ne peut pas se livrer
à aimer les autres Personnes, puisqu’Il est cet Amour reçu.
Quand nous aimons trop (cela ne doit pas arriver souvent… nous voudrions
que cela arrive plus souvent tant nous avons besoin d’amour : c’est
vrai), lorsque nous sommes vraiment trop aimés, une tellement immense
commotion dans la fruition, nous pâtissons si fortement l’amour
que nous ne pouvons plus donner la réciproque.
Le Saint Esprit est ainsi : l’amour est tellement fort, tellement indépassable,
qu’Il est dans une impassibilité absolue d’amour. La passivité
substantielle d’amour s’appelle l’Esprit Saint en Dieu ;
en Dieu, l’amour qui vient de l’unité du Père et
du Fils est l’Esprit Saint : Il pâtit l’amour, Il est dans
un état de passivité.
Le Saint Esprit est à l’intérieur de Jésus crucifié.
Or Jésus vit cette Croix depuis sa naissance : une des choses les plus
méconnues, et pourtant les plus inscrites dans la Révélation,
à propos de la croix et des tortures infligées à Jésus
à cause de nos fautes, est la perpétuité, la continuité
de cette croix dans l’âme de Jésus.
Le Verbe de Dieu, Intimité vivante de Dieu, est au dedans, tout à
l’intérieur de l’intimité vivante de Dieu le Père
; réciproquement, cette unité profonde intime entre Jésus
(le Verbe) et le Père fulgurant l’Esprit Saint comme une fournaise
ardente qui dépasse tous les lieux et tous les temps à travers
Lui, L’entraîne, en plus des tendances naturelles de sa grâce
capitale, vers cette impassibilité, cette passivité, ce poids
du Saint Esprit.
Les six choses qui vivent continuellement en Jésus sont :
- son humanité,
- sa grâce capitale,
- sa divinité,
- le Père,
- le Saint Esprit qui spire et qui le pousse ( sans qui cela aurait été
impossible à Jésus de vivre la croix, la mort, en raison de
la trop grande force impliquée par sa vision béatifique ),
- et le sixième effet qui vit continuellement à l’intérieur
de Jésus en cette mort continuelle : notre présence de rejet
de Lui et de Dieu, c’est-à-dire le péché, qui applique
tous les effets extérieurs des tortures qu’Il doit en éprouver
librement.
- la septième chose, le grand Sabbat, mystère que nous méditons
aujourd’hui : que s’y passe-t-il donc, dans ce septième
jour du Messie ?
Il est trop beau de voir qu’il fallait que le Saint Esprit, la grâce
capitale du Christ, et nos péchés, les trois ensemble, amènent
Jésus jusqu’à cette puissance d’amour put arracher
(voilà ce que signifiait symboliquement le déchirement du voile
du Saints des Saints, pour passer du Saint au Saint des Saints) l’âme
humaine de Jésus hors de son corps pour qu’Il pénètre
l’Hadès, c’est-à-dire dans l’âme déjà
décédée, déjà morte, déjà
séparée de son père : Joseph.
Ici, pour la première fois, le Dieu vivant, Intimité vivante
de Dieu (que nous appelons Dieu le Fils), se trouve dans un état, si
je puis dire, de mort, donc de passivité puisque le corps de Jésus
est mort.
Or il est totalement inhabituel, pour l’Intimité vivante de Dieu,
d’être dans un état de passivité, puisqu’Il
se donne éternellement en un ravissement intime : l’amour du
Dieu vivant est toujours actif, il n’est jamais passif en Dieu le Fils.
Saint Thomas d’Aquin dit que première et deuxième Personnes
de la très sainte Trinité sont Spiration active. Cela veut dire
tout simplement que les deux premières Personnes en Dieu ne cessent
d’aimer d’une manière active en se surpassant toujours
en l’Autre, en se donnant.
Mais là, notre seconde Personne vit en un corps mort, à travers
une blessure mortelle en Jésus corporellement mort ; Il se trouve,
en tant que Personne divine, dans un état de passivité substantielle
d’amour. Voilà jusqu’où le Saint Esprit L’a
poussé : à se trouver dans le même état que Lui,
Esprit Saint.
Tel est le mystère
du grand Sabbat :
A travers la blessure du cœur, la seconde Personne de la très
sainte Trinité s’est trouvée dans un amour de similitude
avec la troisième Personne de la très sainte Trinité…
C’’est à travers ces deux mains de passivité substantielle
des deux Personnes divines que sont le Verbe de Dieu (à travers le
corps mort de Jésus) et l’Esprit Saint, que le Père va
faire son travail.
De soi, Marie n’est
pas une source de grâce, elle est une source conjointe à la grâce
capitale de Jésus : Marie n’a pas la grâce capitale de
Jésus.
Cependant, la grâce ne se contente pas de nous inscrire à l’intérieur
de la glorification de Dieu et de la communication de la vie divine : la grâce
fait de nous des fils de Dieu ; elle fait que nous sommes vraiment, de l’intérieur,
dans une intimité semblable (pour ne pas dire exactement la même),
par participation, à ce qui se passe dans l’intimité vivante
de Dieu ; elle fait de nous des enfants adoptifs du Père. En Jésus,
la source de la grâce adoptante n’existe pas, puisqu’il
est dans la vision béatifique. C’est pour cela que Marie est
source de la grâce adoptante de vie divine qui fait de nous des fils.
Ainsi c’est dans cet instant-là que Marie va être source
corédemptrice, médiatrice du monde, de Dieu en tous temps et
en tous lieux.
Ce qui s’est passé est difficile à décrire, mais
facile à recevoir.
Marie au pied de la croix a vécu en toute simplicité une souffrance
proportionnée à ce dont elle devait être la source.
C’est que la grâce chrétienne, par définition, est
une grâce qui va vers la mort…
Etant donné qu’elle en devenait la source, nous imaginons jusqu’où
elle a été dans la participation à la rédemption
du monde dans la croix qu’elle a vécu en sa chair et son âme
en ces instants-là.
Elle n’est pas morte, elle n’est pas partie.
Lorsque Jésus est mort, cette source divine de grâce adoptante
s’est retrouvée seule.
Jusqu’alors, c’était le Dieu vivant à travers Jésus
qui offrait tous les péchés du monde en les effaçant
dans son sang précieux et dans ses croix ; toutes ses plaies étaient
offertes par Jésus Lui-même ; Il s’offrait Lui-même
tout entier.
Une fois mort, Son âme humaine remplie de grâce divine ne pouvait
plus offrir sa mort, ni l’eau, ni le sang, ni cette blessure mortelle
infligée en Dieu-même à l’intérieur du corps
de Jésus.
Cette œuvre-là a été réalisée pour
Dieu le Père à travers l’Immaculée Conception au
pied de la croix, et à travers nous.
Telle est la dignité de la foi, de la corédemption des corédempteurs
du monde : pouvoir offrir dans le sacrifice divin de Jésus crucifié
ce qu’il y a de plus grand dans son sacrifice.
Telle est la signification de la messe : l’eau, le sang, la blessure
du cœur, Jésus ne peut plus les offrir (Il est mort)…
Cette œuvre est réservée au Fils de Dieu dans ses membres
vivants en plénitude de grâce de corédemption.
Et Marie a offert ces dernières gouttes d’eau et de sang ; il
y a une complémentarité rédemptrice au sommet.
Toutes les blessures de la passion que nous les avons méditées,
comme la flagellation, sont extraordinairement terribles. Marie les a offertes,
et nous aussi nous les offrons, soudés dans l’amour, la lumière
et la chair et le sang avec Jésus crucifié, c’est certain.
Mais que nous le voulions ou non, toutes ces croix ont été portées
par l’âme humaine de Jésus, par le Saint des Saints du
Dieu de l’univers.
Une fois qu’Il est mort, son âme humaine ne peut plus offrir,
premièrement ; et deuxièmement, ce n’est plus son âme
humaine mais sa propre Personne en Dieu qui reçoit le coup mortel,
l’injure définitive. Et c’est là où Dieu
nous a sauvés.
Or Il attend de nous non seulement que nous recevions cela, mais que nous
le remettions en Dieu le Père, que nous donnions toute sa fécondité
au ‘travail du Père’ pour le grand Sabbat. Le remettre
en Dieu comme une offrande de gratitude, d’efficacité et de fécondité
éternelle. Ce rôle nous est réservé. Le sacerdoce
du Christ n’est efficace dans l’incréé et fécond
dans le créé que par ceux qui sont dans la vie divine créée
par la foi :
« Il est grand, le mystère de la foi ».
Marie ce jour-là était seule.
Les disciples n’avaient pas la foi parce que Jésus n’avait
pas encore été glorifié.
J’ai beaucoup de peine, personnellement, quand j’entends des chrétiens
qui disent : « ne dites pas que Marie est corédemptrice ».
Franchement, je ne comprends pas qu’ils puissent dire cela, et je trouve
terrible de ne pas comprendre ce que Dieu a fait en ces instants ténébreux
par Elle…
Bien sûr que Marie, et nous à travers elle, et la Jérusalem
spirituelle immaculée à travers elle, est corédemptrice.
Elle était seule pour la blessure du cœur et Jésus ne pouvait
pas l’offrir.
Ecoutez ! Quand on est chrétien il n’est pas interdit d’avoir
un minimum d’ouverture de l’intelligence pour accueillir Sa vérité
dans la simplicité du don de Dieu.
Tout cela est clair : il est sorti l’eau, le sang, l’Esprit Saint.
Jésus va être
déposé dans le suaire. D’après la tradition d’Israël,
le suaire était tissé par la femme : c’est Marie qui a
tissé le suaire vénéré aujourd’hui à
Turin. C’est dans ce suaire-là qu’Il a été
enveloppé, avec des bandelettes. Un sudarium Lui entourait la tête,
selon la tradition. Ils L’ont déposé, ils ont fait tomber
la pierre, et ils sont vite partis.
Pendant ce temps, l’âme de Jésus, toute remplie de cette
plénitude de lumière, de la mort d’amour de Jésus,
âme humaine de Jésus qui avait tellement souffert toutes ses
tortures et détresses pendant trente-six ans ( en particulier pendant
les dernières trente-six heures ) , pendant les trente-six heures qui
suivent ( les trente-six heures de sa mort ), va descendre dans ce que l’on
appelle les lieux de l’Hadès ; elle va visiter tous les lieux
de la mort, tous les lieux intérieurs et intimes de ceux qui sont déjà
morts : Abraham, Moïse, Joseph son père.
J’aime beaucoup considérer cet aspect des trente-six heures de
Jésus dans le grand Sabbat.
Ce qui s’est passé au pied de la croix, au pied du corps mort
de Jésus, est certainement immense.
Mais ce qui s’est passé au même moment dans cette âme
de Jésus déchirée et immédiatement toute illuminée
par la gloire (il ne faut pas oublier que Jésus, une fois séparé
de son corps mort, jubile dans la gloire de la vie divine sans qu’il
n’y ait plus aucun obstacle à la glorification des sentiments,
du ressenti, de la sensibilité, de l’âme, du psychisme,
de l’affectivité, de l’intelligence, de la raison : tout
en Lui est entièrement jubilant de gloire, les moindres lieux de son
âme végétative séparée de son corps, sont
jubilants de gloire), est immense aussi : son âme déchirée
est toute comblée de toutes les gloires de la résurrection sans
son corps, et c’est ainsi qu’Il pénètre le Sein
de l’Hadès.
C’est ce que nous appelons le mystère de la Croix Glorieuse.
Pendant que la croix est toute sanglante, avec l’eau, le sang, et l’Esprit
Saint, Jésus séparé est tout jubilant de Lui-même
dans l’Esprit Saint dans son âme déchirée par la
Croix (son âme humaine a été véritablement déchirée
pendant trente six ans ; nous ne pouvons pas réaliser ce que cela a
pu signifier ; personne sur terre n’a connu cela, pas même une
seconde) ; cette déchirure profonde, radicale, fut aussitôt comblée
par de la gloire (cette transformation de la grâce capitale en gloire
est vraiment extraordinaire !).
Jésus crucifié dans son âme est glorieux, et c’est
pour cela que nous appelons cela : Croix Glorieuse.
Dans la liturgie venue des Apôtres, nous fêtons le 14 septembre
la liturgie de la Croix Glorieuse, ce moment de Sabbat où Jésus
descend triomphalement dans les lieux de la mort, tout glorifié dans
ce qui fut déchiré en Lui en son âme, n’en éprouvant
du reste plus aucune peine puisqu’il n’y règne plus que
de la gloire, victoire de l’Amour sur tout.
Il descend ainsi dans le sein de son père : dans le sein de Joseph,
dans l’âme également toute déchirée de Joseph
(puisque Joseph est l’ombre de toute la rédemption de Jésus
sur la terre, nous n’avons pas oublié cela).
L’âme glorifiée de Jésus va descendre dans l’âme
de Joseph : l’âme humaine toute glorifiée du Fils va se
conjoindre à l’âme humaine de son père, et cela,
c’est extraordinaire !
Le travail du Père réservé au jour du Sabbat vient de
cette présence intime, comme l’eau se mélange au vin,
comme la lumière se mélange à la béance des ténèbres
de soif de Joseph vis à vis de la Lumière de Dieu ( qu’il
attend avec Moïse, David, et tous les autres).
Jésus descend là.
Dieu le Fils dans l’âme glorifiée de Jésus et Dieu
son Père attendant Dieu le Fils à travers l’âme
humaine morte de Joseph, père de Jésus vont réaliser
cette rencontre prodigieuse et cachée : telle fut l’advenue d’une
rencontre nouvelle de la première Personne de la très sainte
Trinité (Dieu le Père) et de la seconde Personne de la très
sainte Trinité (Dieu le Fils) à travers cette rencontre prodigieuse
de deux âmes abîmées d’une mort surnaturelle…
C’est cela qui est étonnant :
Dans le corps cadavérique de Jésus, le Verbe éternel
et intime de Dieu est venu rejoindre, dans une unité totale d’assimilation,
la passivité substantielle d’amour du Saint Esprit.
Et dans le sein de Joseph son père, Il est venu rejoindre une certaine
impassibilité substantielle de Dieu le Père dans la mort de
Joseph, mais de manière active cette fois-ci (parce que le Père
reste toujours donné dans le don actif de son Amour et de toute sa
Personne pour produire Dieu le Fils).
Cette rencontre prodigieuse dans les limbes a permis au Père et au
Fils de se conjoindre ensemble, de disparaître encore l’un dans
l’autre à l’intime de leur divinité intime, personnelle,
profonde, mais cette fois au cœur de la mort du père de Jésus
et de l’âme séparée et glorifiée de Jésus,
deux morts conjointes de deux âmes humaines crucifiées à
cause du péché, à travers lesquelles l’Amour actif
et la Spiration active du Père s’est perdue dans la Spiration
active du Fils et réciproquement.
Or Joseph était par grâce, par ajustement substantiel, par fruit
du sacrement de mariage, par plénitude d’efficacité de
sa justice jusque dans les fonds de son être, par application enfin
de complémentarité et de plénitude de l’introduction
de la croix glorieuse de Jésus en lui dans cette visitation de l’âme
glorifiée de Jésus, en affinité absolue avec la chair
vivante de son épouse.
Et son épouse est au pied de la croix.
Cet Esprit Saint nouveau, cette procession nouvelle de l’Esprit Saint
(à travers la croix glorieuse de Jésus et dans l’âme
de son père, les deux y disparaissant), a été projeté
(si je puis dire) dans cette super-venue dans la vie incarnée de Marie,
par le fruit du sacrement de mariage.
Voilà le grand Sabbat, le travail de Dieu le Père.
Cette super-venue du Saint Esprit, enveloppée de la Paternité
incréée de Dieu, spirant la croix glorieuse de Jésus
en elle, a produit en elle (je m’excuse auprès de ceux qui trouvent
cela compliqué) la fameuse …. Transverbération !
C’est-à-dire que Marie a connu cette blessure du cœur et
de l’âme de Jésus jusque dans sa chair, qui l’a traversée
de part et part ; le cœur de Marie s’est arrêté de
battre par lui-même ( mais il a été vivifié dans
le Verbe vivifiant de Dieu : ) ; c’est le Verbe de Dieu dans sa croix
glorieuse qui permit à son cœur humain vivant de continuer à
battre dans sa poitrine (elle n’est pas morte à cause de cela),
réalisant ainsi la grande vocation chrétienne qui consiste à
accepter tous les jours la mort sur la terre pour pouvoir être transplanté
et subsister dans le Verbe éternel de Dieu ; que le Verbe éternel
de Dieu puisse se servir de toutes nos morts pour glorifier le Père
sur la terre comme dans le ciel.
Un très grand moment prophétisé au quatrième mystère
joyeux : « un glaive te transpercera, pertransibit, de part en part
et substantiellement, en ton corps, ton âme et ton esprit, ta chair
et ton sang ».
Nous pouvons très
bien méditer le cinquième mystère douloureux en disant
: « c’est vrai, après tout, il y a eu trente-six heures,
mais que s’est-il passé pendant ces trente-six heures ? Je me
trompe peut-être quand je dis trente-six heures, je dis trente-six heures
à titre symbolique ! Mais regardez : il est vendredi quinze heures
quand Jésus meurt, et c’est bien vers trois heures du matin le
troisième jour, soit trente-six heures plus tard, qu’Il est ressuscité
(les premières lueurs de l’aurore à la Pâque, sonnent
vers quatre heures du matin).
Nous voyons beaucoup de choses dans les saintes Ecritures : si vous voulez
faire une œuvre de méditation, regardez les trente-six points
qui sont notés. Nous en avons déjà touché quelques
uns : le suaire ; la mise au tombeau ; l’enfermement ; la résurrection
des morts ; la proclamation dans les rues et les maisons de Jérusalem
par tous ces morts qui viennent de ressusciter ; le retour des morts dans
leur tombeau, dans la mort, après tout leur parcours dans Jérusalem,
le voile du temple déchiré en deux, le tremblement de terre,
les aromates de Nicodème et de Joseph, le coup de lance, le cri du
centurion, etc…
Ce qu’il nous faut
retenir, en tous cas, c’est le fruit du mystère : la naissance
du corps mystique vivant de Jésus vivant dans la chair vivante de ceux
qu’Il assume en sa propre âme, en sa propre divinité, dans
notre chair.
C’est pour cela qu’il fallait cette séparation de son propre
corps parfait : Il avait la plénitude, et Il épuisait à
Lui-même dans sa perfection sainte toutes les plénitudes de la
grâce divine dans son incarnation ; donc il fallait vraiment cette mort,
cette séparation de son corps pour que nos corps puissent prendre la
place de cette plénitude de grâce qui était en Lui, et
qui s’est communiquée surabondamment en nous. C’est dans
sa mort que nous avons été vivifiés.
La naissance de l’Eglise, la naissance du corps mystique vivant de Jésus
vivant, est quelque chose de beau et de grand : physiquement, spirituellement,
et définitivement, nous sommes le corps du Christ, nous sommes les
membres vivants de son corps mystique vivant ici : c’est là.
Dieu a inventé cette chose prodigieuse de pouvoir nous recréer
dans ce grand Sabbat.
C’est pour cela que les sacrements existent.
Dès que la mort de Jésus est présente sur l’autel,
avec la séparation du corps et du sang du Christ (ils sont effectivement
séparés, ils sont substantiellement et réellement séparés
sur l’autel) par voie sacramentelle, par quelque chose de prodigieusement
miraculeux, nous avons cette possibilité de toucher les espèces
eucharistiques dans la transsubstantiation ; en touchant de nos lèvres
ces espèces eucharistiques, nous touchons la substance même de
sa mort, et nous sommes aspirés dans ce grand Sabbat qui eut lieu il
y a deux mille ans.
Dans ce grand Sabbat qui eut lieu il y a deux mille ans en ces trente-six
heures, le corps de Jésus emporté par le Verbe éternel
de Dieu est venu habiter tous les instants qu’Il créait, et en
particulier les instants eucharistiques. Cette espèce d’aller-retour
est tout à fait prodigieux.
Voilà pourquoi saint Jean (dans l’Apocalypse, l’Evangile
selon saint Jean et l’Epître de saint Jean), et les disciples
de saint Jean (c’est-à-dire l’Eglise catholique) disent
: « dans la blessure du cœur, sont sortis les sacrements ».
Les sacrements étaient institués, quant à leur forme
liturgique, quant à leur intentionnalité divine, par Jésus,
expliqués par Lui après la résurrection aux Apôtres,
mais, entre les deux nous avons la blessure du cœur de Jésus qui
est source des sacrements. Comprendre cela est extraordinaire !
Par exemple, prenons le sacrement de mariage : si je rentre dans l’unité
sponsale avec ma moitié sponsale en actuant le sacrement de mariage,
c’est-à-dire en réalisant de manière sacerdotale,
miraculeuse et divine, la présence réelle de ce sacrement, et
que j’embrasse cette présence réelle, à ce moment-là
j’embrasse la blessure du cœur … directement !
Quand je communie et que je reçois Jésus Hostie, j’embrasse
la blessure du cœur directement, et je peux m’abreuver à
l’eau, au sang et à l’Esprit Saint.
Cette blessure du cœur qui palpite de manière vivante dans le
cœur de Marie au pied de la croix… est en même temps invisiblement
ouverte à la mort dans le Verbe vivant de Dieu, et tout à la
fois vivante de la vie humaine de Marie…
Le cœur de Jésus bat dans la poitrine de la Mère à
travers cette Blessure communiquée du Glaive à deux tranchants
du Verbe de Dieu.
C’est comme si une espèce de trou noir s’était faite
là : toute la création de la fin du monde jusqu’au début
de la création, vient embrasser Jésus. Je préfère
‘embrasser Jésus’ de mes lèvres que de le palper
de mes mains : il s’agit d’un baiser
Voilà pourquoi le Cantique des Cantiques dit cette phrase extraordinaire,
en la mettant dans la bouche de l’épouse :
« Qu’il m’embrasse, qu’il me baise d’un baiser
de sa bouche » (1, 2),
Telle Marie au pied de la croix, tels nous sommes nous-mêmes aujourd’hui
avec elle :
« Je te tiens, je ne te lâcherai plus que je ne t’aie fait
entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a
conçue » (3, 4).
Il faut voir l’Immaculée Conception de Marie, notre Immaculée
Conception, notre immaculation dès notre conception dans l’Eglise
de Jésus : nous sommes Immaculée Conception, dès que
nous sommes membres vivants de Jésus vivant, nous sommes conçus
immaculés par Jésus, nos péchés sont transformés
en immaculées conceptions. Par le baptême, nos péchés
sont transformés en Immaculée Conception, et cela nous vient
de la blessure du cœur de Jésus. Notre origine éternelle,
notre résurrection éternelle, ne se trouve que dans et à
travers la blessure du cœur de Jésus. Je vais embrasser le cœur
de Jésus pour trouver mon origine divine, incarnée, définitive,
éternelle, qui durera beaucoup plus que des milliards d’années
( l’éternité est autre chose, d’ailleurs, que des
milliards d’années, c’est un instant continuel, éternel,
de gloire, s’intensifiant sans cesse ).
Or Marie était Immaculée Conception depuis sa conception, neuf
mois avant sa naissance.
Là, pour la première fois de sa vie, elle se retrouve conjointe
à son origine d’Immaculée Conception.
Voilà pourquoi elle était seule dans la constance, debout.
Nous, nous n’étions pas là au pied de la croix : nous
la retrouvons certes à travers la messe.
Elle était seule, derrière les murs de Jérusalem. Les
autres n’avaient pas la foi.
Dès qu’il y a eu la blessure du cœur, dès qu’il
y a eu la mort de Jésus, la pression de la grâce d’adoption
dans sa source en elle, l’a poussée à aller jusque dans
la mort avec Jésus. Elle n’a jamais mis un seul frein à
la mort de Jésus, à la crucifixion du Seigneur. Tout l’a
poussée, en elle comme dans Jésus, à aller vers la croix
et vers la mort. L’Esprit Saint l’a poussée vers cette
impassibilité définitive.
Quand elle s’est retrouvée devant la blessure du cœur, elle
a dit cette parole : « Je te tiens, je ne te lâcherai plus que
je ne t’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre
de celle qui m’a conçue ».
Elle a été conçue dans la blessure du cœur, et elle
ne lâchera pas son unité profonde avec le Père, avec le
Saint Esprit, avec tous les termes jubilants de tous les actes de foi qui
ont permis les quatorze mystères précédents en elle,
qu’elle ne l’aie fait pénétrer dans sa propre conception
incarnée, physiquement, directement, là.
Elle introduit les quatorze mystères précédents, et tous
les mystères suivants, à l’intérieur de la blessure
du cœur : « Je te tiens, je ne te lâcherai plus que je ne
t’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre
de celle qui m’a conçue ».
En cet instant seul, Marie s’est retrouvée conjointe à
sa propre origine dans le Cœur sacré de Jésus : c’est
ainsi qu’est né le Cœur immaculé, douloureux et glorieux
de Marie.
C’est très fort !
Elle a pu faire cela grâce à l’amour immaculé de
Joseph produisant dans l’Esprit Saint, dans l’unité sponsale
qu’il avait avec elle en sa chair restée vivante au pied de la
croix, de quoi se perdre en son origine, dans la nouvelle origine définitive
de la Jérusalem glorieuse.
Cette double conjonction a été révélée.
Et c’est extraordinaire : elle a été conçue par
Dieu.
Son Père et sa Mère sont là : son Père et sa Mère
sont l’Esprit Saint et le Verbe de Dieu vivant dans un état de
passivité qui sort du Saint Esprit (comme Eve sortit du sein d’Adam).
Son Père et sa Mère sont deux Personnes divines dans la blessure
du cœur de Jésus.
Ce moment-là est très important, parce qu’elle a fait
cet acte de foi, elle a compris qu’elle devait mourir et qu’elle
devait vivre dans la Jérusalem glorieuse en restant vivante sur la
terre.
Tel fut dévoilé le grand travail du sabbat…
Voilà pourquoi, pendant des milliers d’années, Dieu a
demandé aux hommes :
« S’il vous plaît, marquez un arrêt le jour du Sabbat,
le septième jour, ne travaillez pas, lisez la bible, nourrissez-vous
de la Parole de Dieu ».
Souvent, nous entendons des gens qui disent : « ah, je fais tout un
travail sur moi », c’est très moderne de faire cela.
Bon, tu peux laisser tomber le travail sur toi, s’il te plaît
? C’est tout le mystère d’aujourd’hui !
Imagines-tu l’Immaculée se tâtant le pouls au pied de la
croix en disant : « je fais un travail sur moi »… Non !
Marie ne s’est jamais regardée, jamais, pas une seule fois !
C’est Dieu qui travaille.
Les sacrements, le sens de l’homme, le sens de la vie, le sens de l’amour,
le sens de Dieu, le sens de l’éternité, trouvent ici leur
secret ….
A ce moment-là, cela devient extraordinaire. « Viens m’embrasser,
embrassade de ta bouche, je te tiens, je ne te lâcherai plus, tenui
nec dimittam, que je ne te fasse entrer dans la maison de ma mère,
dans la chambre de celle qui m’a conçue ». L’Immaculée
Conception et Marie…
Alors tout le travail du fruit de ce mystère va consister à
nous laisser emporter dans la blessure du cœur de Jésus, à
y pénétrer et à nous y installer, à nous y conjoindre,
à y retrouver notre origine divine et surnaturelle…
Non pas seulement celle qui surgit de l’acte créateur de Dieu
neuf mois avant la naissance (encore que nous retrouvions aussi celle-là,
puisque le Verbe de Dieu est présent en tout homme à l’instant
où cet homme commence à exister en ce monde : donc bien sûr
notre origine de neuf mois avant la naissance se trouve dans la blessure du
cœur de Jésus), mais également celle qui surgit de l’eau
et du Sang…
Nous retrouvons ici l’acte de foi, à la manière de saint
Augustin, à la manière des successeurs des Apôtres : je
suis au pied de la croix, je m’engloutis dans la blessure du cœur,
je m’enfonce au centre même de cette blessure du cœur où
le Verbe de Dieu crée tout ce qui existe et me crée, et crée
mon corps spirituel de résurrection dans l’Immaculée Conception.
« Je te tiens, et je ne te lâcherai plus que je ne t’aie
fait entrer dans la chambre de ma mère ».
Et réciproquement, je fais rentrer la blessure du cœur dans toutes
mes blessures, dans toutes mes limites, dans toutes mes simplicités,
dans tous mes actes, bons ou mauvais (ils sont tous mauvais, de toutes façons
; il n’y a que ce qui vient de Dieu qui soit bon ; par exemple, dans
nos pensées, la Doctrine infaillible de l’Eglise est bonne, mais
nos petites pensées théologiques sont forcément mauvaises
; certes un peu de mystico-dingo de temps en temps peut faire plaisir pour
faire bouée d’oxygène, ou plutôt boule d’éther…
mais enfin c’est une autre question ).
Réciproquement, donc, je fais descendre, entrer, pénétrer,
et j’assimile cette blessure du cœur au dedans de moi (c’est
cela, la communion), jusqu’à ce que je l’aie faite pénétrer
dans la chambre de ma mère.
‘Dans la chambre de ma mère’, c’est Marie,
‘Dans la chambre de ma mère’, c’est la Jérusalem
glorieuse.
‘Dans la chambre de celle qui m’a conçu’, mais oui
c’est vrai, je réalise que c’est là que j’ai
dit « oui » et que je dis « oui » continuellement,
et je l’avais oublié.
Nous allons demander au
Père, à Dieu qui est toujours donné (Il n’est jamais
envoyé), d’envoyer le Fils au dedans de nous à partir
de cette blessure du cœur, d’envoyer l’Esprit Saint à
partir de nous…
Ces missions invisibles des Personnes divines vont faire notre vie.
Le fruit de ce cinquième mystère douloureux consistera à
vivre du dedans de nous des missions incréées divines des Personnes
divines.
Trans-Verbération.
Trans-Spiration passive et incréée glorieuse d’Amour.
Et s’ils ne comprennent pas ce qui vous arrive, dites : « je trans-Spire
» (d’Amour glorieux).
Trans-Verbération : le Verbe me traverse, m’habite, me bouleverse
tout entier, me transfigure, change toute la signification de tout ce que
je vis, tout ce que je suis, tout ce que j’incarne, et réalise
sa propre fécondité sans limite à travers moi ; je l’accepte
et je me laisse faire.
« Tu respecteras le jour du Sabbat, tu sanctifieras le jour du Seigneur
».
Trans-Spiration glorieuse d’Amour : l’Esprit Saint spire ; c’est
l’Esprit Saint dans Sa fruition incréée au-dedans de mon
âme ; il n’y a rien à rajouter, tellement Il fruit d’Amour,
et cela nous traverse et rayonne à l’infini.
C’est comme cela que nous allons glorifier le Père.
La vocation de l’homme est de glorifier le Père.
Voilà un petit catéchisme tout simple du cinquième mystère douloureux du Rosaire.
Ave, Maria !