La Mort de Jésus / cinquième mystère douloureux

Nous sommes au seuil de la grande semaine sainte de l’an trois du troisième millénaire.

Nous avons vu les fois précédentes les quatorze premiers mystères du Rosaire, et nous méditons aujourd’hui le cinquième mystère douloureux.
Le vendredi, à trois heures de l’après-midi, Jésus pousse un grand cri et Il expire. Il est mort. Pendant environ trente-six heures, Il reste dans la mort.
Dieu a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme. Il a passé trente-six années, et là, Il traverse ces trente-six heures de la mort : ce que l’on appelle le grand Sabbat.
Toute la Bible parle du Sabbat et du respect du Sabbat. Le Sabbat du septième jour. Dieu crée, en mettant dans le temps une ouverture sacrée, presque éternelle, une possibilité pour Lui de venir de l’intérieur de la matière de l’univers pour la diviniser, la transformer, la travailler. La création n’est pas parfaite, Dieu n’a pas créé un univers parfait, et c’est pour cela qu’il y a le septième jour, le jour du Sabbat. Si quelqu’un doutait de l’affirmation que la création n’est pas parfaite, qu’il regarde un peu ! La création n’est pas parfaite : bien sûr que non !
Alors il y a le jour du Sabbat : le jour du Sabbat est réservé au travail de Dieu. Dieu va travailler, avec les mains de l’homme, dans les actes de l’homme : c’est Lui qui va travailler dans la grâce de l’homme, pour que ce soit Son travail qui rende la création et l’univers parfaits.
Ce grand refrain sur le Sabbat revient continuellement dans toute la Bible, et c’est pour cela que les pharisiens, les Juifs, sont tellement choqués à chaque fois qu’ils voient que Jésus ne respecte pas le Sabbat. A chaque fois que Jésus fait quelque chose, il choisit le jour du Sabbat. Le jour du Sabbat est le jour réservé au travail de Dieu seul, et Jésus, en guérissant les malades et en faisant tout le jour du Sabbat, révèle qu’Il est Dieu : « mon Père travaille, et Moi aussi je travaille. »
Tous ces signes, toutes ces respirations divines et glorieuses de Jésus sur la terre, et encore ces respirations vivantes et glorieuses à travers les sacrements d’aujourd’hui, tout cela trouve un point de concentration, d’aspiration, dans ces trente-six heures du grand Sabbat. Les temps futurs, les temps anciens, sont aspirés dans ces instants très grands du quinzième mystère du Rosaire, cinquième mystère douloureux.
Jésus meurt sur la croix, Il est déposé dans le tombeau, enveloppé d’un suaire. Un coup de lance le frappe par trois fois pour atteindre son cœur, provoquant une blessure gigantesque sur le côté droit. Et, comme un faisceau de myrrhe élevé en haut de la croix, le corps de Jésus mort fait sortir la dernière goutte d’eau et de sang. C’est le seul coup mortel que Jésus ait reçu, mais il était déjà mort depuis une demi-heure.
Nous allons demander au Bon Dieu, à Jésus, à l’Esprit Saint, à Marie, de nous faire rentrer dans ce mystère-là pour le comprendre. La foi, la croix, vues du côté de l’homme, c’est toujours très difficile. Mais emportés dans la très sainte Trinité, revenant sur les ailes du Saint Esprit pour réincarner mystiquement à travers nous et dedans l’intérieur de nous, la mort de Jésus et sa descente dans le grand Sabbat, peut-être que quelque chose va se produire divinement en nous pour que nous soyons assumés à l’intérieur de Dieu dans le grand fruit de la rédemption, dans le grand travail surnaturel de Dieu. Voilà ce que nous allons demander à Jésus pendant cette petite heure de méditation.
Je crois que la première chose à méditer dans ce mystère est la participation impassible de Dieu à tout ce qui se passe, et la coopération, en harmonie avec cette impassibilité divine, de ceux qui sont là. Marie est debout, au pied de la croix. Cela a tellement impressionné Jean, qui était là aussi avec elle, au pied de la croix, que quand il écrira l’Apocalypse, environ soixante-dix ans plus tard, il n’aura que ce mot à la bouche : la constance.
Stabat mater : Marie était debout, en communion avec l’impassibilité absolue de Dieu produisant Lui-même sa propre mort. Il y avait une communion (c’est cela, la con-stance) dans une stabilité de Marie ( Marie était debout au pied de la croix ). Cette extraordinaire communion divine de la plénitude de divinité en Marie, de la plénitude de la divinité et de la lumière de la foi de Marie, avec la plénitude de la procession de la Lumière émanant de l’intérieur de la Lumière avant la création du monde jusque dans la mort de Jésus, cette communion entre tous ces types de lumière est impressionnante. Elle constitue la disposition que nous devons avoir pour rentrer dans ce mystère : une certaine constance vivifiée par l’impassibilité absolue, lumineuse, engendrante et fulgurante de Dieu.
Nous ne pouvons pas aborder ce cinquième mystère à partir de la terre, c’est trop évident, nous le sentons bien.
Nous nous rappelons bien sûr que Jésus ne pouvait pas mourir.
Après qu’Il ait été soulevé par les clous sur la croix, tout s’est assombri à l’intérieur de la foi nocturne, spirituelle et surnaturelle de Marie, et cela s’est manifesté dans le ciel qui s’est complètement assombri : il a fait nuit entre midi et trois heures de l’après-midi. Le rideau du Temple s’est déchiré en deux, il y a eu des tremblements de terre.
La lueur est revenue un petit peu vers trois heures de l’après-midi quand Jésus a dit : « J’ai soif ». C’est peut-être la Parole la plus dramatique de Jésus sur la croix. Pendant trois heures, Il était là et personne (pas même ses proches) ne Lui a donné à boire, même pas un peu d’eau. Mais ce n’était pas seulement d’eau que Jésus voulait boire ; il est sûr que sa langue devait être un tison ardent de soif. Si nous devions partager la soif qu’Il a éprouvée en plusieurs millions, cela provoquerait une hécatombe immédiate de millions de morts : Jésus ne pouvait pas mourir.
Du coup, grâce à Dieu, quelqu’un lui apporte une éponge. Jésus accepte ce dernier geste du soldat, Il prend un petit peu de cette goutte, Il dit : « Père, Je remets mon esprit entre tes mains », et dans un grand cri, Il arrache son âme de son corps.
Normalement, sur la croix, on meurt épuisé, il n’y a plus aucune force, plus aucun souffle, et c’est pour cela que le soldat va dire : « Celui-ci est Dieu ».
Une demi-heure après, pour vérifier qu’Il est bien mort, Longin prend sa lance et Lui donne le coup mortel. Effectivement, il ne restait que quelques gouttes d’eau et de sang.
Saint Jean dit qu’ils sont trois à témoigner : l’eau, le sang et l’Esprit Saint.
Dire cela n’a l’air de rien, mais vous savez, quand nous sommes dans la constance de l’océan immaculé de la foi venant se conjoindre à l’impassibilité de Dieu à l’intérieur de la blessure du cœur de Jésus, nous voyons, nous contemplons, nous assimilons l’eau, le sang et l’Esprit Saint ; ce sont ces trois qui témoignent à notre chair, à notre sang, à notre temps sur la terre et à notre éternité glorieuse de la résurrection, que Jésus est Dieu, que Jésus est amour éternel, infini, sans limite, de Dieu.
Il est sorti l’eau, le sang, et l’Esprit Saint : ceci est très fort.
Quelquefois, nous nous demandons ce que nous devons dire à quelqu’un à qui il faut parler de Dieu. Il faut lui dire :
« Ce qui m’impressionne le plus, c’est quand Dieu a connu la mort en sa chair, bien longtemps après, on a frappé son côté, et il est sorti de l’eau, il est sorti du sang, et il est sorti l’Esprit Saint ».
Tu dis cela, et cela suffit. Cela suffit.

Jésus était mort. Joseph d’Arimathie est vite parti voir Ponce Pilate (à un quart d’heure de là) lui demander la permission de prendre le corps pour l’enterrer. Trois quarts d’heure après, il était revenu, avec cette autorisation. A quatre heures, Jésus est décroché de ses clous, Il est mis dans les bras de Marie, puis déposé dans le suaire ; à quarante mètres de là on Le porte dans un tombeau tout neuf qui n’avait jamais servi.
Des morts ressuscitent dans Jérusalem : des Justes (comme Zacharie qui avait été martyrisé entre l’autel et le Saint des Saints) en quantité inconnue par les saintes Ecritures, mais probablement considérable, sont sortis de leur tombeau à l’instant de la mort de Jésus. Ces cadavres vivants ont hurlé dans les rues de Jérusalem : « vous avez tué le Messie !».
Les ténèbres, le voile du Saint des Saints déchiré… ces moments-là furent extérieurement les plus impressionnants, bien plus impressionnants que les dix plaies d’Egypte (où l’on n’avait pas vu les cadavres des prophètes sillonner ainsi les rues). Cela a tellement impressionné les Juifs (les prêtres, les pharisiens, les sadducéens, et tout le peuple d’Israël d’ailleurs), que la fête de la préparation a eu lieu pour la dernière fois ce jour-là dans le Temple de Jérusalem. Plus jamais, dans toute l’histoire d’Israël, le sacerdoce lévitique n’a vécu le culte du sacrifice de l’agneau immolé, de l’agneau pascal. Il était écrit dans la Torah : « lorsque le rideau du Temple se déchirera, vous ne célèbrerez plus la fête de l’agneau pascal et l’immolation de l’agneau ». L’agneau a été immolé. Ils avaient beau ne pas croire en Jésus, ils croyaient en la Torah, alors ils ont respecté la Torah, et cela a été fini : dans l’histoire de l’humanité, l’agneau n’a plus été immolé dans le Temple.
Ils ont été très fortement impressionnés. Nous comprenons pourquoi les deux tiers des Juifs ont reçu le baptême (un tiers s’est obstiné, comme toujours ; c’est normal, mais cela reste une minorité).
Extérieurement, c’est vrai, il y a eu quelque chose de particulièrement spectaculaire.

Mais que s’est-il passé intérieurement ?
Jésus, il faut L’aimer.
A l’intérieur de Jésus, il y a une humanité toute transparente, toute limpide, toute simple.
Il est un homme ordinaire, si vous voulez, mais d’une simplicité, d’une virilité, d’une proximité par rapport à nous ! Voir combien il est semblable à nous est extraordinaire. Une simplicité, une humanité… Jésus est normal, quoi !!
C’est agréable, vous savez, les gens qui sont normaux !
Nous, nous ne sommes pas normaux, il faut bien le dire.. Jésus (et c’est ce qui est reposant avec Lui), est normal, simple, bon.
Il y a en Jésus ce fait qu’Il a vu pénétrer éternellement en Lui la lumière surnaturelle de la foi de ceux qu’Il attirait en Lui, qu’Il avait créés pour rentrer dans la Lumière vivante, divine, pour toujours.
Quand Il a vu cette lumière surnaturelle de la foi de Marie pénétrer en Lui ainsi que dans le Père et dans l’Esprit Saint, Il s’est tourné vers cette lumière surnaturelle de la foi pour atteindre et pour assumer ceux par qui Il était glorifié par la foi, et Il s’est incarné.
Cette incarnation de Dieu, cette présence de Dieu vivant créateur, présence de Dieu avant la création du monde et présence du Dieu éternel vivant, ces espaces sans limite de la lumière très réelle et naturelle de Dieu, cette intimité vivante : voilà ce qui illumine Jésus, dans toutes les cellules de sa peau, dans les moindres mouvements de son regard, invisible aux yeux.
Mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi ce fait que l’intelligence de Jésus, le cœur spirituel humain de Jésus, la liberté humaine toute simple de Jésus, sa présence de chair et de sang, spirituellement et humainement à notre portée à tel point que lorsque nous sommes en face de Lui, Il se trouve devant le miroir de ce que nous sommes, cette intelligence-là est plongée dans l’éternité glorieuse de Dieu, lucidement. Jésus est dans la gloire : Il voit tout ce que Dieu voit ; toute la gloire de la vision béatifique est en Lui, il ne faut jamais oublier cela.
Et donc la connexion et la circulation entre Dieu et les paroles simples, les sentiments simples d’un être humain comme nous, établissent une source à l’intérieur de Jésus, que l’on appelle la grâce capitale, la grâce sanctifiante, celle que nous recevons au baptême. Cette circulation de vie divine ininterrompue, torrentielle, à la fois du ciel et dans la terre, est la grâce capitale. Cette grâce, cette lumière vivante divine surnaturelle, qui n’a plus rien à voir avec cette eau ruisselante de son humanité toute simple, si réconfortante, va couler partout et elle va, pour ainsi dire, circuler partout où elle peut prendre la chair de l’homme, partout où elle peut prendre l’intelligence assoiffée de vérité de l’homme, partout où elle peut prendre le cœur spirituel profond de l’homme qui aime d’être dans les sources de l’amour vrai. Avec cette grâce capitale, Jésus va devenir la tête de tout le corps mystique entier de la glorieuse création renouvelée en Lui.
Marie, elle, va recevoir torrentiellement cette grâce en plénitude.
Si cette grâce n’avait pas été là, l’humanité de Jésus aurait été tout le temps comme captivée par la vision béatifique qui rayonnait avec une puissance sans limite à l’intérieur de Lui. Au contraire, cette grâce vient torrentiellement L’amener vers tout ce qui est assoiffé dans la création, tout ce qui est brisé par le péché, tout ce qui est dans la séparation. Alors cette grâce L’amène jusqu’à combler la mort, elle L’amène à la mort.
La grâce chrétienne est une grâce qui pousse vers la participation à la mort, vers la participation à la croix.
Et c’est cette poussée contraire, si je puis dire, d’une vie divine chrétienne avec une vie divine incréée assumant l’humanité, qui fait toute la vie de Jésus sur la terre. Qui fait toute la vie du chrétien aussi, il faut bien le dire.
Mais voilà, au moment où Jésus, par la puissance de son amour pour nous et pour le Père, arrache son âme humaine hors de son corps, Il arrache cette source de vie qui l’imprègne, le vivifie et l’irrigue, Il emporte avec Lui tous ces torrents de grâce capitale en son âme, et son corps reste seul : sans vie humaine, et sans cette plénitude de grâce capitale s’écoulant partout.
Ce mystère est vraiment un mystère du Rosaire, et nous sentons bien que l’Immaculée va jouer là un rôle qu’elle a été seule à pouvoir jouer : elle a été la seule à pouvoir récapituler en elle cette source plénière de grâce rédemptrice.
Quand la blessure mortelle a été donnée au corps mort de Jésus ( même s’il était vidé de sa vie lumineuse, simple et humaine, de ses actes d’amour humain, de ses actes de contemplation humaine, de ses actes de liberté humaine : tout cela était sorti de Lui, descendu dans les lieux de la mort), ce corps pourtant mort de Jésus gardait encore l’unité d’une assomption : Dieu assumait toujours ce corps pour unifier ce corps, pour faire Vivre ce corps. De sorte que le corps de Jésus était Vivant, même s’il était mort. Le corps de Jésus était vivant, non pas de la vie humaine de Jésus, ni de la vie divine de la grâce capitale, mais de la Vie éternelle d’avant la création du monde, du Dieu vivant, puisqu’Il est le Dieu vivant.
Ainsi la vie intime et vivante de Dieu fait vivre son corps cadavérique : c’est pour cela que le corps de Jésus est incorruptible.
Ces trente-six heures-là sont très impressionnantes !
Si quelqu’un meurt, son corps ne vit plus. Si l’âme, c’est-à-dire son principe d’unité vivante, se sépare de son corps, son corps se corrompt, se décompose : toutes les cellules se détachent les unes après les autres dans la corruption. Il n’en est pas ainsi pour Jésus : Il est Dieu, donc la vie divine du Verbe de Dieu vivant continue à faire exister ce corps, lui donnant son unité métaphysique et biologique.
Si bien que quand le coup de lance va frapper Jésus, c’est la vie intime et éternelle de Dieu, directement, qui est atteinte : il sortit l’eau, le sang et l’Esprit Saint.
La grâce capitale de Jésus, toute sa vie, a poussé Jésus jusqu’à cet état d’impassibilité absolue substantielle.
Saint Jean dit que les trois qui témoignent sont l’eau, le sang et l’Esprit Saint :
- l’eau : traduisez la mort absolue de Jésus.
- le sang : traduisez la plénitude de vie palpitante d’amour de Jésus inscrite désormais dans ses membres vivants, et en premier dans Marie ( le sang exprime la vie vraiment palpitante de Jésus, divine, et glorieuse, dans la plénitude de sa grâce en nous ).
- le Saint Esprit, troisième Personne de la très sainte Trinité.

Le Saint Esprit.
Nous entendons Jésus dire, de son vivant :
« Le Père est vivant au dedans de Moi. Qui me voit, voit le Père. Et Moi (Dieu le Fils), je suis vivant au dedans de Dieu le Père, tel que vous me voyez. »
Entre le Dieu vivant ( Intimité vivante de Dieu qu’est Dieu le Fils, qui est Jésus ), et Dieu le Père ( qui donne Vie à Dieu sans arrêt ), il y a une union intime (ils ne se quittent pas de l’intérieur dans le don mutuel et dans l’accueil du don), une espèce de tornade sans limite d’amour dans le don mutuel.
Comme le disent les Pères de l’Eglise, les Conciles et les Apôtres, il y a une a-spiration intime de l’un dans l’autre, une ex-spiration intime de l’un dans l’autre, une re-spiration intime, une con-spiration aspirée, que nous appelons : spiration. Tout va faire qu’aucune de ces Personnes divines ne regarde jamais ce qu’elle vit en son intime, puisqu’elle est toute en fonction de l’autre. Chacune des Personnes de la très sainte Trinité, de l’intérieur et de l’intime d’Elle-même, est en extase à l’intérieur de l’autre Personne.
[Jamais aucune des Personnes de la très sainte Trinité ne se prend le pouls pour s’analyser ! Aucune analyse, c’est extraordinaire, c’est beau ! Il faudrait donner cela à tous les psychiatres.]
Ils viennent expirer l’un dans l’autre (l’amour et la mort, en Dieu, c’est la même chose : je donne ma vie) et c’est ce qui fait vivre Dieu : l’amour, Son mode d’expiration, Son mode de mort d’amour, son extase, son ravissement intime et profond faisant disparaître véritablement chaque Personne l’une dans l’autre dans l’unité des deux.
Cette unité profonde des deux fait qu’apparaît une nouvelle intimité, appelée Esprit Saint.
L’Esprit Saint ne se regarde pas non plus : Il est tout relatif au Père et au Fils.
A l’intime de lui-même, l’Esprit Saint est dans l’Unité du Père et du Fils, et Il ne regarde que cela. Lui ne peut pas se livrer à aimer les autres Personnes, puisqu’Il est cet Amour reçu.
Quand nous aimons trop (cela ne doit pas arriver souvent… nous voudrions que cela arrive plus souvent tant nous avons besoin d’amour : c’est vrai), lorsque nous sommes vraiment trop aimés, une tellement immense commotion dans la fruition, nous pâtissons si fortement l’amour que nous ne pouvons plus donner la réciproque.
Le Saint Esprit est ainsi : l’amour est tellement fort, tellement indépassable, qu’Il est dans une impassibilité absolue d’amour. La passivité substantielle d’amour s’appelle l’Esprit Saint en Dieu ; en Dieu, l’amour qui vient de l’unité du Père et du Fils est l’Esprit Saint : Il pâtit l’amour, Il est dans un état de passivité.
Le Saint Esprit est à l’intérieur de Jésus crucifié. Or Jésus vit cette Croix depuis sa naissance : une des choses les plus méconnues, et pourtant les plus inscrites dans la Révélation, à propos de la croix et des tortures infligées à Jésus à cause de nos fautes, est la perpétuité, la continuité de cette croix dans l’âme de Jésus.
Le Verbe de Dieu, Intimité vivante de Dieu, est au dedans, tout à l’intérieur de l’intimité vivante de Dieu le Père ; réciproquement, cette unité profonde intime entre Jésus (le Verbe) et le Père fulgurant l’Esprit Saint comme une fournaise ardente qui dépasse tous les lieux et tous les temps à travers Lui, L’entraîne, en plus des tendances naturelles de sa grâce capitale, vers cette impassibilité, cette passivité, ce poids du Saint Esprit.
Les six choses qui vivent continuellement en Jésus sont :
- son humanité,
- sa grâce capitale,
- sa divinité,
- le Père,
- le Saint Esprit qui spire et qui le pousse ( sans qui cela aurait été impossible à Jésus de vivre la croix, la mort, en raison de la trop grande force impliquée par sa vision béatifique ),
- et le sixième effet qui vit continuellement à l’intérieur de Jésus en cette mort continuelle : notre présence de rejet de Lui et de Dieu, c’est-à-dire le péché, qui applique tous les effets extérieurs des tortures qu’Il doit en éprouver librement.
- la septième chose, le grand Sabbat, mystère que nous méditons aujourd’hui : que s’y passe-t-il donc, dans ce septième jour du Messie ?
Il est trop beau de voir qu’il fallait que le Saint Esprit, la grâce capitale du Christ, et nos péchés, les trois ensemble, amènent Jésus jusqu’à cette puissance d’amour put arracher (voilà ce que signifiait symboliquement le déchirement du voile du Saints des Saints, pour passer du Saint au Saint des Saints) l’âme humaine de Jésus hors de son corps pour qu’Il pénètre l’Hadès, c’est-à-dire dans l’âme déjà décédée, déjà morte, déjà séparée de son père : Joseph.
Ici, pour la première fois, le Dieu vivant, Intimité vivante de Dieu (que nous appelons Dieu le Fils), se trouve dans un état, si je puis dire, de mort, donc de passivité puisque le corps de Jésus est mort.
Or il est totalement inhabituel, pour l’Intimité vivante de Dieu, d’être dans un état de passivité, puisqu’Il se donne éternellement en un ravissement intime : l’amour du Dieu vivant est toujours actif, il n’est jamais passif en Dieu le Fils.
Saint Thomas d’Aquin dit que première et deuxième Personnes de la très sainte Trinité sont Spiration active. Cela veut dire tout simplement que les deux premières Personnes en Dieu ne cessent d’aimer d’une manière active en se surpassant toujours en l’Autre, en se donnant.
Mais là, notre seconde Personne vit en un corps mort, à travers une blessure mortelle en Jésus corporellement mort ; Il se trouve, en tant que Personne divine, dans un état de passivité substantielle d’amour. Voilà jusqu’où le Saint Esprit L’a poussé : à se trouver dans le même état que Lui, Esprit Saint.

Tel est le mystère du grand Sabbat :
A travers la blessure du cœur, la seconde Personne de la très sainte Trinité s’est trouvée dans un amour de similitude avec la troisième Personne de la très sainte Trinité…
C’’est à travers ces deux mains de passivité substantielle des deux Personnes divines que sont le Verbe de Dieu (à travers le corps mort de Jésus) et l’Esprit Saint, que le Père va faire son travail.

De soi, Marie n’est pas une source de grâce, elle est une source conjointe à la grâce capitale de Jésus : Marie n’a pas la grâce capitale de Jésus.
Cependant, la grâce ne se contente pas de nous inscrire à l’intérieur de la glorification de Dieu et de la communication de la vie divine : la grâce fait de nous des fils de Dieu ; elle fait que nous sommes vraiment, de l’intérieur, dans une intimité semblable (pour ne pas dire exactement la même), par participation, à ce qui se passe dans l’intimité vivante de Dieu ; elle fait de nous des enfants adoptifs du Père. En Jésus, la source de la grâce adoptante n’existe pas, puisqu’il est dans la vision béatifique. C’est pour cela que Marie est source de la grâce adoptante de vie divine qui fait de nous des fils.
Ainsi c’est dans cet instant-là que Marie va être source corédemptrice, médiatrice du monde, de Dieu en tous temps et en tous lieux.
Ce qui s’est passé est difficile à décrire, mais facile à recevoir.
Marie au pied de la croix a vécu en toute simplicité une souffrance proportionnée à ce dont elle devait être la source.
C’est que la grâce chrétienne, par définition, est une grâce qui va vers la mort…
Etant donné qu’elle en devenait la source, nous imaginons jusqu’où elle a été dans la participation à la rédemption du monde dans la croix qu’elle a vécu en sa chair et son âme en ces instants-là.
Elle n’est pas morte, elle n’est pas partie.
Lorsque Jésus est mort, cette source divine de grâce adoptante s’est retrouvée seule.
Jusqu’alors, c’était le Dieu vivant à travers Jésus qui offrait tous les péchés du monde en les effaçant dans son sang précieux et dans ses croix ; toutes ses plaies étaient offertes par Jésus Lui-même ; Il s’offrait Lui-même tout entier.
Une fois mort, Son âme humaine remplie de grâce divine ne pouvait plus offrir sa mort, ni l’eau, ni le sang, ni cette blessure mortelle infligée en Dieu-même à l’intérieur du corps de Jésus.
Cette œuvre-là a été réalisée pour Dieu le Père à travers l’Immaculée Conception au pied de la croix, et à travers nous.
Telle est la dignité de la foi, de la corédemption des corédempteurs du monde : pouvoir offrir dans le sacrifice divin de Jésus crucifié ce qu’il y a de plus grand dans son sacrifice.
Telle est la signification de la messe : l’eau, le sang, la blessure du cœur, Jésus ne peut plus les offrir (Il est mort)…
Cette œuvre est réservée au Fils de Dieu dans ses membres vivants en plénitude de grâce de corédemption.
Et Marie a offert ces dernières gouttes d’eau et de sang ; il y a une complémentarité rédemptrice au sommet.
Toutes les blessures de la passion que nous les avons méditées, comme la flagellation, sont extraordinairement terribles. Marie les a offertes, et nous aussi nous les offrons, soudés dans l’amour, la lumière et la chair et le sang avec Jésus crucifié, c’est certain. Mais que nous le voulions ou non, toutes ces croix ont été portées par l’âme humaine de Jésus, par le Saint des Saints du Dieu de l’univers.
Une fois qu’Il est mort, son âme humaine ne peut plus offrir, premièrement ; et deuxièmement, ce n’est plus son âme humaine mais sa propre Personne en Dieu qui reçoit le coup mortel, l’injure définitive. Et c’est là où Dieu nous a sauvés.
Or Il attend de nous non seulement que nous recevions cela, mais que nous le remettions en Dieu le Père, que nous donnions toute sa fécondité au ‘travail du Père’ pour le grand Sabbat. Le remettre en Dieu comme une offrande de gratitude, d’efficacité et de fécondité éternelle. Ce rôle nous est réservé. Le sacerdoce du Christ n’est efficace dans l’incréé et fécond dans le créé que par ceux qui sont dans la vie divine créée par la foi :
« Il est grand, le mystère de la foi ».
Marie ce jour-là était seule.
Les disciples n’avaient pas la foi parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié.
J’ai beaucoup de peine, personnellement, quand j’entends des chrétiens qui disent : « ne dites pas que Marie est corédemptrice ». Franchement, je ne comprends pas qu’ils puissent dire cela, et je trouve terrible de ne pas comprendre ce que Dieu a fait en ces instants ténébreux par Elle…
Bien sûr que Marie, et nous à travers elle, et la Jérusalem spirituelle immaculée à travers elle, est corédemptrice.
Elle était seule pour la blessure du cœur et Jésus ne pouvait pas l’offrir.
Ecoutez ! Quand on est chrétien il n’est pas interdit d’avoir un minimum d’ouverture de l’intelligence pour accueillir Sa vérité dans la simplicité du don de Dieu.
Tout cela est clair : il est sorti l’eau, le sang, l’Esprit Saint.

Jésus va être déposé dans le suaire. D’après la tradition d’Israël, le suaire était tissé par la femme : c’est Marie qui a tissé le suaire vénéré aujourd’hui à Turin. C’est dans ce suaire-là qu’Il a été enveloppé, avec des bandelettes. Un sudarium Lui entourait la tête, selon la tradition. Ils L’ont déposé, ils ont fait tomber la pierre, et ils sont vite partis.
Pendant ce temps, l’âme de Jésus, toute remplie de cette plénitude de lumière, de la mort d’amour de Jésus, âme humaine de Jésus qui avait tellement souffert toutes ses tortures et détresses pendant trente-six ans ( en particulier pendant les dernières trente-six heures ) , pendant les trente-six heures qui suivent ( les trente-six heures de sa mort ), va descendre dans ce que l’on appelle les lieux de l’Hadès ; elle va visiter tous les lieux de la mort, tous les lieux intérieurs et intimes de ceux qui sont déjà morts : Abraham, Moïse, Joseph son père.
J’aime beaucoup considérer cet aspect des trente-six heures de Jésus dans le grand Sabbat.
Ce qui s’est passé au pied de la croix, au pied du corps mort de Jésus, est certainement immense.
Mais ce qui s’est passé au même moment dans cette âme de Jésus déchirée et immédiatement toute illuminée par la gloire (il ne faut pas oublier que Jésus, une fois séparé de son corps mort, jubile dans la gloire de la vie divine sans qu’il n’y ait plus aucun obstacle à la glorification des sentiments, du ressenti, de la sensibilité, de l’âme, du psychisme, de l’affectivité, de l’intelligence, de la raison : tout en Lui est entièrement jubilant de gloire, les moindres lieux de son âme végétative séparée de son corps, sont jubilants de gloire), est immense aussi : son âme déchirée est toute comblée de toutes les gloires de la résurrection sans son corps, et c’est ainsi qu’Il pénètre le Sein de l’Hadès.
C’est ce que nous appelons le mystère de la Croix Glorieuse.
Pendant que la croix est toute sanglante, avec l’eau, le sang, et l’Esprit Saint, Jésus séparé est tout jubilant de Lui-même dans l’Esprit Saint dans son âme déchirée par la Croix (son âme humaine a été véritablement déchirée pendant trente six ans ; nous ne pouvons pas réaliser ce que cela a pu signifier ; personne sur terre n’a connu cela, pas même une seconde) ; cette déchirure profonde, radicale, fut aussitôt comblée par de la gloire (cette transformation de la grâce capitale en gloire est vraiment extraordinaire !).
Jésus crucifié dans son âme est glorieux, et c’est pour cela que nous appelons cela : Croix Glorieuse.
Dans la liturgie venue des Apôtres, nous fêtons le 14 septembre la liturgie de la Croix Glorieuse, ce moment de Sabbat où Jésus descend triomphalement dans les lieux de la mort, tout glorifié dans ce qui fut déchiré en Lui en son âme, n’en éprouvant du reste plus aucune peine puisqu’il n’y règne plus que de la gloire, victoire de l’Amour sur tout.
Il descend ainsi dans le sein de son père : dans le sein de Joseph, dans l’âme également toute déchirée de Joseph (puisque Joseph est l’ombre de toute la rédemption de Jésus sur la terre, nous n’avons pas oublié cela).
L’âme glorifiée de Jésus va descendre dans l’âme de Joseph : l’âme humaine toute glorifiée du Fils va se conjoindre à l’âme humaine de son père, et cela, c’est extraordinaire !
Le travail du Père réservé au jour du Sabbat vient de cette présence intime, comme l’eau se mélange au vin, comme la lumière se mélange à la béance des ténèbres de soif de Joseph vis à vis de la Lumière de Dieu ( qu’il attend avec Moïse, David, et tous les autres).
Jésus descend là.
Dieu le Fils dans l’âme glorifiée de Jésus et Dieu son Père attendant Dieu le Fils à travers l’âme humaine morte de Joseph, père de Jésus vont réaliser cette rencontre prodigieuse et cachée : telle fut l’advenue d’une rencontre nouvelle de la première Personne de la très sainte Trinité (Dieu le Père) et de la seconde Personne de la très sainte Trinité (Dieu le Fils) à travers cette rencontre prodigieuse de deux âmes abîmées d’une mort surnaturelle…
C’est cela qui est étonnant :
Dans le corps cadavérique de Jésus, le Verbe éternel et intime de Dieu est venu rejoindre, dans une unité totale d’assimilation, la passivité substantielle d’amour du Saint Esprit.
Et dans le sein de Joseph son père, Il est venu rejoindre une certaine impassibilité substantielle de Dieu le Père dans la mort de Joseph, mais de manière active cette fois-ci (parce que le Père reste toujours donné dans le don actif de son Amour et de toute sa Personne pour produire Dieu le Fils).
Cette rencontre prodigieuse dans les limbes a permis au Père et au Fils de se conjoindre ensemble, de disparaître encore l’un dans l’autre à l’intime de leur divinité intime, personnelle, profonde, mais cette fois au cœur de la mort du père de Jésus et de l’âme séparée et glorifiée de Jésus, deux morts conjointes de deux âmes humaines crucifiées à cause du péché, à travers lesquelles l’Amour actif et la Spiration active du Père s’est perdue dans la Spiration active du Fils et réciproquement.
Or Joseph était par grâce, par ajustement substantiel, par fruit du sacrement de mariage, par plénitude d’efficacité de sa justice jusque dans les fonds de son être, par application enfin de complémentarité et de plénitude de l’introduction de la croix glorieuse de Jésus en lui dans cette visitation de l’âme glorifiée de Jésus, en affinité absolue avec la chair vivante de son épouse.
Et son épouse est au pied de la croix.
Cet Esprit Saint nouveau, cette procession nouvelle de l’Esprit Saint (à travers la croix glorieuse de Jésus et dans l’âme de son père, les deux y disparaissant), a été projeté (si je puis dire) dans cette super-venue dans la vie incarnée de Marie, par le fruit du sacrement de mariage.
Voilà le grand Sabbat, le travail de Dieu le Père.
Cette super-venue du Saint Esprit, enveloppée de la Paternité incréée de Dieu, spirant la croix glorieuse de Jésus en elle, a produit en elle (je m’excuse auprès de ceux qui trouvent cela compliqué) la fameuse …. Transverbération !
C’est-à-dire que Marie a connu cette blessure du cœur et de l’âme de Jésus jusque dans sa chair, qui l’a traversée de part et part ; le cœur de Marie s’est arrêté de battre par lui-même ( mais il a été vivifié dans le Verbe vivifiant de Dieu : ) ; c’est le Verbe de Dieu dans sa croix glorieuse qui permit à son cœur humain vivant de continuer à battre dans sa poitrine (elle n’est pas morte à cause de cela), réalisant ainsi la grande vocation chrétienne qui consiste à accepter tous les jours la mort sur la terre pour pouvoir être transplanté et subsister dans le Verbe éternel de Dieu ; que le Verbe éternel de Dieu puisse se servir de toutes nos morts pour glorifier le Père sur la terre comme dans le ciel.
Un très grand moment prophétisé au quatrième mystère joyeux : « un glaive te transpercera, pertransibit, de part en part et substantiellement, en ton corps, ton âme et ton esprit, ta chair et ton sang ».

Nous pouvons très bien méditer le cinquième mystère douloureux en disant : « c’est vrai, après tout, il y a eu trente-six heures, mais que s’est-il passé pendant ces trente-six heures ? Je me trompe peut-être quand je dis trente-six heures, je dis trente-six heures à titre symbolique ! Mais regardez : il est vendredi quinze heures quand Jésus meurt, et c’est bien vers trois heures du matin le troisième jour, soit trente-six heures plus tard, qu’Il est ressuscité (les premières lueurs de l’aurore à la Pâque, sonnent vers quatre heures du matin).
Nous voyons beaucoup de choses dans les saintes Ecritures : si vous voulez faire une œuvre de méditation, regardez les trente-six points qui sont notés. Nous en avons déjà touché quelques uns : le suaire ; la mise au tombeau ; l’enfermement ; la résurrection des morts ; la proclamation dans les rues et les maisons de Jérusalem par tous ces morts qui viennent de ressusciter ; le retour des morts dans leur tombeau, dans la mort, après tout leur parcours dans Jérusalem, le voile du temple déchiré en deux, le tremblement de terre, les aromates de Nicodème et de Joseph, le coup de lance, le cri du centurion, etc…

Ce qu’il nous faut retenir, en tous cas, c’est le fruit du mystère : la naissance du corps mystique vivant de Jésus vivant dans la chair vivante de ceux qu’Il assume en sa propre âme, en sa propre divinité, dans notre chair.
C’est pour cela qu’il fallait cette séparation de son propre corps parfait : Il avait la plénitude, et Il épuisait à Lui-même dans sa perfection sainte toutes les plénitudes de la grâce divine dans son incarnation ; donc il fallait vraiment cette mort, cette séparation de son corps pour que nos corps puissent prendre la place de cette plénitude de grâce qui était en Lui, et qui s’est communiquée surabondamment en nous. C’est dans sa mort que nous avons été vivifiés.
La naissance de l’Eglise, la naissance du corps mystique vivant de Jésus vivant, est quelque chose de beau et de grand : physiquement, spirituellement, et définitivement, nous sommes le corps du Christ, nous sommes les membres vivants de son corps mystique vivant ici : c’est là.
Dieu a inventé cette chose prodigieuse de pouvoir nous recréer dans ce grand Sabbat.
C’est pour cela que les sacrements existent.
Dès que la mort de Jésus est présente sur l’autel, avec la séparation du corps et du sang du Christ (ils sont effectivement séparés, ils sont substantiellement et réellement séparés sur l’autel) par voie sacramentelle, par quelque chose de prodigieusement miraculeux, nous avons cette possibilité de toucher les espèces eucharistiques dans la transsubstantiation ; en touchant de nos lèvres ces espèces eucharistiques, nous touchons la substance même de sa mort, et nous sommes aspirés dans ce grand Sabbat qui eut lieu il y a deux mille ans.
Dans ce grand Sabbat qui eut lieu il y a deux mille ans en ces trente-six heures, le corps de Jésus emporté par le Verbe éternel de Dieu est venu habiter tous les instants qu’Il créait, et en particulier les instants eucharistiques. Cette espèce d’aller-retour est tout à fait prodigieux.
Voilà pourquoi saint Jean (dans l’Apocalypse, l’Evangile selon saint Jean et l’Epître de saint Jean), et les disciples de saint Jean (c’est-à-dire l’Eglise catholique) disent : « dans la blessure du cœur, sont sortis les sacrements ».
Les sacrements étaient institués, quant à leur forme liturgique, quant à leur intentionnalité divine, par Jésus, expliqués par Lui après la résurrection aux Apôtres, mais, entre les deux nous avons la blessure du cœur de Jésus qui est source des sacrements. Comprendre cela est extraordinaire !
Par exemple, prenons le sacrement de mariage : si je rentre dans l’unité sponsale avec ma moitié sponsale en actuant le sacrement de mariage, c’est-à-dire en réalisant de manière sacerdotale, miraculeuse et divine, la présence réelle de ce sacrement, et que j’embrasse cette présence réelle, à ce moment-là j’embrasse la blessure du cœur … directement !
Quand je communie et que je reçois Jésus Hostie, j’embrasse la blessure du cœur directement, et je peux m’abreuver à l’eau, au sang et à l’Esprit Saint.
Cette blessure du cœur qui palpite de manière vivante dans le cœur de Marie au pied de la croix… est en même temps invisiblement ouverte à la mort dans le Verbe vivant de Dieu, et tout à la fois vivante de la vie humaine de Marie…
Le cœur de Jésus bat dans la poitrine de la Mère à travers cette Blessure communiquée du Glaive à deux tranchants du Verbe de Dieu.
C’est comme si une espèce de trou noir s’était faite là : toute la création de la fin du monde jusqu’au début de la création, vient embrasser Jésus. Je préfère ‘embrasser Jésus’ de mes lèvres que de le palper de mes mains : il s’agit d’un baiser
Voilà pourquoi le Cantique des Cantiques dit cette phrase extraordinaire, en la mettant dans la bouche de l’épouse :
« Qu’il m’embrasse, qu’il me baise d’un baiser de sa bouche » (1, 2),
Telle Marie au pied de la croix, tels nous sommes nous-mêmes aujourd’hui avec elle :
« Je te tiens, je ne te lâcherai plus que je ne t’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue » (3, 4).
Il faut voir l’Immaculée Conception de Marie, notre Immaculée Conception, notre immaculation dès notre conception dans l’Eglise de Jésus : nous sommes Immaculée Conception, dès que nous sommes membres vivants de Jésus vivant, nous sommes conçus immaculés par Jésus, nos péchés sont transformés en immaculées conceptions. Par le baptême, nos péchés sont transformés en Immaculée Conception, et cela nous vient de la blessure du cœur de Jésus. Notre origine éternelle, notre résurrection éternelle, ne se trouve que dans et à travers la blessure du cœur de Jésus. Je vais embrasser le cœur de Jésus pour trouver mon origine divine, incarnée, définitive, éternelle, qui durera beaucoup plus que des milliards d’années ( l’éternité est autre chose, d’ailleurs, que des milliards d’années, c’est un instant continuel, éternel, de gloire, s’intensifiant sans cesse ).
Or Marie était Immaculée Conception depuis sa conception, neuf mois avant sa naissance.
Là, pour la première fois de sa vie, elle se retrouve conjointe à son origine d’Immaculée Conception.
Voilà pourquoi elle était seule dans la constance, debout.
Nous, nous n’étions pas là au pied de la croix : nous la retrouvons certes à travers la messe.
Elle était seule, derrière les murs de Jérusalem. Les autres n’avaient pas la foi.
Dès qu’il y a eu la blessure du cœur, dès qu’il y a eu la mort de Jésus, la pression de la grâce d’adoption dans sa source en elle, l’a poussée à aller jusque dans la mort avec Jésus. Elle n’a jamais mis un seul frein à la mort de Jésus, à la crucifixion du Seigneur. Tout l’a poussée, en elle comme dans Jésus, à aller vers la croix et vers la mort. L’Esprit Saint l’a poussée vers cette impassibilité définitive.
Quand elle s’est retrouvée devant la blessure du cœur, elle a dit cette parole : « Je te tiens, je ne te lâcherai plus que je ne t’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue ».
Elle a été conçue dans la blessure du cœur, et elle ne lâchera pas son unité profonde avec le Père, avec le Saint Esprit, avec tous les termes jubilants de tous les actes de foi qui ont permis les quatorze mystères précédents en elle, qu’elle ne l’aie fait pénétrer dans sa propre conception incarnée, physiquement, directement, là.
Elle introduit les quatorze mystères précédents, et tous les mystères suivants, à l’intérieur de la blessure du cœur : « Je te tiens, je ne te lâcherai plus que je ne t’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue ».
En cet instant seul, Marie s’est retrouvée conjointe à sa propre origine dans le Cœur sacré de Jésus : c’est ainsi qu’est né le Cœur immaculé, douloureux et glorieux de Marie.
C’est très fort !
Elle a pu faire cela grâce à l’amour immaculé de Joseph produisant dans l’Esprit Saint, dans l’unité sponsale qu’il avait avec elle en sa chair restée vivante au pied de la croix, de quoi se perdre en son origine, dans la nouvelle origine définitive de la Jérusalem glorieuse.
Cette double conjonction a été révélée.
Et c’est extraordinaire : elle a été conçue par Dieu.
Son Père et sa Mère sont là : son Père et sa Mère sont l’Esprit Saint et le Verbe de Dieu vivant dans un état de passivité qui sort du Saint Esprit (comme Eve sortit du sein d’Adam).
Son Père et sa Mère sont deux Personnes divines dans la blessure du cœur de Jésus.
Ce moment-là est très important, parce qu’elle a fait cet acte de foi, elle a compris qu’elle devait mourir et qu’elle devait vivre dans la Jérusalem glorieuse en restant vivante sur la terre.
Tel fut dévoilé le grand travail du sabbat…
Voilà pourquoi, pendant des milliers d’années, Dieu a demandé aux hommes :
« S’il vous plaît, marquez un arrêt le jour du Sabbat, le septième jour, ne travaillez pas, lisez la bible, nourrissez-vous de la Parole de Dieu ».
Souvent, nous entendons des gens qui disent : « ah, je fais tout un travail sur moi », c’est très moderne de faire cela.
Bon, tu peux laisser tomber le travail sur toi, s’il te plaît ? C’est tout le mystère d’aujourd’hui !
Imagines-tu l’Immaculée se tâtant le pouls au pied de la croix en disant : « je fais un travail sur moi »… Non ! Marie ne s’est jamais regardée, jamais, pas une seule fois !

C’est Dieu qui travaille.
Les sacrements, le sens de l’homme, le sens de la vie, le sens de l’amour, le sens de Dieu, le sens de l’éternité, trouvent ici leur secret ….
A ce moment-là, cela devient extraordinaire. « Viens m’embrasser, embrassade de ta bouche, je te tiens, je ne te lâcherai plus, tenui nec dimittam, que je ne te fasse entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue ». L’Immaculée Conception et Marie…
Alors tout le travail du fruit de ce mystère va consister à nous laisser emporter dans la blessure du cœur de Jésus, à y pénétrer et à nous y installer, à nous y conjoindre, à y retrouver notre origine divine et surnaturelle…
Non pas seulement celle qui surgit de l’acte créateur de Dieu neuf mois avant la naissance (encore que nous retrouvions aussi celle-là, puisque le Verbe de Dieu est présent en tout homme à l’instant où cet homme commence à exister en ce monde : donc bien sûr notre origine de neuf mois avant la naissance se trouve dans la blessure du cœur de Jésus), mais également celle qui surgit de l’eau et du Sang…
Nous retrouvons ici l’acte de foi, à la manière de saint Augustin, à la manière des successeurs des Apôtres : je suis au pied de la croix, je m’engloutis dans la blessure du cœur, je m’enfonce au centre même de cette blessure du cœur où le Verbe de Dieu crée tout ce qui existe et me crée, et crée mon corps spirituel de résurrection dans l’Immaculée Conception.
« Je te tiens, et je ne te lâcherai plus que je ne t’aie fait entrer dans la chambre de ma mère ».
Et réciproquement, je fais rentrer la blessure du cœur dans toutes mes blessures, dans toutes mes limites, dans toutes mes simplicités, dans tous mes actes, bons ou mauvais (ils sont tous mauvais, de toutes façons ; il n’y a que ce qui vient de Dieu qui soit bon ; par exemple, dans nos pensées, la Doctrine infaillible de l’Eglise est bonne, mais nos petites pensées théologiques sont forcément mauvaises ; certes un peu de mystico-dingo de temps en temps peut faire plaisir pour faire bouée d’oxygène, ou plutôt boule d’éther… mais enfin c’est une autre question ).
Réciproquement, donc, je fais descendre, entrer, pénétrer, et j’assimile cette blessure du cœur au dedans de moi (c’est cela, la communion), jusqu’à ce que je l’aie faite pénétrer dans la chambre de ma mère.
‘Dans la chambre de ma mère’, c’est Marie,
‘Dans la chambre de ma mère’, c’est la Jérusalem glorieuse.
‘Dans la chambre de celle qui m’a conçu’, mais oui c’est vrai, je réalise que c’est là que j’ai dit « oui » et que je dis « oui » continuellement, et je l’avais oublié.

Nous allons demander au Père, à Dieu qui est toujours donné (Il n’est jamais envoyé), d’envoyer le Fils au dedans de nous à partir de cette blessure du cœur, d’envoyer l’Esprit Saint à partir de nous…
Ces missions invisibles des Personnes divines vont faire notre vie.
Le fruit de ce cinquième mystère douloureux consistera à vivre du dedans de nous des missions incréées divines des Personnes divines.
Trans-Verbération.
Trans-Spiration passive et incréée glorieuse d’Amour.
Et s’ils ne comprennent pas ce qui vous arrive, dites : « je trans-Spire » (d’Amour glorieux).
Trans-Verbération : le Verbe me traverse, m’habite, me bouleverse tout entier, me transfigure, change toute la signification de tout ce que je vis, tout ce que je suis, tout ce que j’incarne, et réalise sa propre fécondité sans limite à travers moi ; je l’accepte et je me laisse faire.
« Tu respecteras le jour du Sabbat, tu sanctifieras le jour du Seigneur ».
Trans-Spiration glorieuse d’Amour : l’Esprit Saint spire ; c’est l’Esprit Saint dans Sa fruition incréée au-dedans de mon âme ; il n’y a rien à rajouter, tellement Il fruit d’Amour, et cela nous traverse et rayonne à l’infini.
C’est comme cela que nous allons glorifier le Père.
La vocation de l’homme est de glorifier le Père.

Voilà un petit catéchisme tout simple du cinquième mystère douloureux du Rosaire.


Ave, Maria !


Jésus meurt sur la croix, Il est déposé dans le tombeau, enveloppé d’un suaire. Un coup de lance le frappe par trois fois pour atteindre son cœur, provoquant une blessure gigantesque sur le côté droit. Et, comme un faisceau de myrrhe élevé en haut de la croix, le corps de Jésus mort fait sortir la dernière goutte d’eau et de sang