Nous méditons aujourd’hui le cinquième mystère lumineux du Rosaire,

le mystère de l’Eucharistie.

Après avoir entendu d’ailleurs la Haggadah si intéressante où Jésus reprend la Genèse : dans le Principe, il n’en était pas ainsi, Dieu a créé l’homme à son image, à sa ressemblance, masculin et féminin, pour qu’ils soient Un : ‘‘que l’homme ne sépare pas ceux que Dieu veut voir unis’’, qu’ils soient vraiment Un, profondément Un ; c’est à cause de l’endurcissement profond de notre cœur qu’il n’y a pas cette unité.
Tous les mystères lumineux procèdent de cette unité profonde : une unité profonde entre Dieu et l’humanité, entre Jésus qui est Dieu et l’humanité ( c’est à dire Marie ). Marie est vraiment l’humanité à l’état pur, elle est vraiment la créature humaine non abîmée, la créature humaine normale.
‘‘Et l’homme quittera son père et sa mère, s’attachera à son épouse et les deux ne feront plus qu’un’’.
Nous savons très bien que quand Jésus reprend cela, Il pense à Marie, évidemment, puisque ‘‘l’homme quittera son père’’, nous le savons bien, désigne le mystère de l’Incarnation ( le Verbe de Dieu, le Fils de l’homme, le Messie, a accompli cette prophétie de cette manière-là : Il a été envoyé par le Père, et c’est cela, l’Incarnation ). Et Il a quitté sa mère, nous le savons également : tous les mystères lumineux, douloureux et glorieux sont là pour nous montrer comment ‘‘l’homme quittera sa mère’’ … Il ‘‘s’attachera à sa femme’’ : Il assume vraiment cette unité de manière nouvelle… ‘‘Et les deux ne feront qu’une seule chair’’ désigne l’Assomption.
Alors Jésus pense à cela à propos de l’homme et de la femme, à propos de l’humanité, à propos de Dieu. Ce résumé a été donné au départ ; cette unité incroyable entre Dieu et l’humanité a été donnée dès le principe… Il est très vrai que ce devait être notre nourriture, une ‘nourriture’ vraiment incarnée, toute lumineuse, toute simple, toute pacifique, unifiant tout.
C’est dans le Principe que Dieu a tout créé ( Bereshit bara Elohim ) : dans le Principe Dieu a tout créé, et Moïse expliquait ce Principe dans lequel Dieu avait tout créé était le Messie, le Pain, la nourriture de la création, la nourriture de Dieu, la nourriture du Créateur. Elle était dans le Principe, et c’est à partir de là que tout a été créé. Il est beau de regarder le mystère de l’eucharistie, cinquième mystère lumineux, de cette manière-là parce que c’est Jésus qui nous le dit : tout doit se voir à partir de là.
Nous allons donc essayer de méditer ce mystère de l’eucharistie.
Pour méditer un mystère pareil, des siècles ne suffiraient pas.
Comme nous venons d’une manière spéciale du mystère de la Transfiguration, quatrième mystère lumineux, nous aurons une lumière particulière pour saisir et nous laisser saisir dans le mystère de la Transfiguration, ce mystère de Marie ; le saint Père suggère au fond ceci : ‘‘voyons, méditons, contemplons, enlevons de notre cœur l’endurcissement du cœur qui fait que nous voulons toujours séparer ce que Dieu a uni ; Dieu a uni le Fils de l’homme et la femme, pourquoi voulez-vous séparer ce que Dieu a uni, pourquoi voulez-vous séparer la femme, l’Immaculée, et l’eucharistie ? Pourquoi voulez-vous séparer Marie de l’Evangile ? Le mystère de Marie des mystères de la foi ? (Quand nous disons ‘mystère’, nous voulons dire ‘connaissance vivante, lumineuse, plénière, totale, intégrale’ de Marie : c’est cela le mystère. Ce n’est pas du tout incompréhensible : c’est parce que c’est compréhensible que c’est un mystère ; un mystère incompréhensible ne serait pas un mystère ; un mystère n’est tel que si nous pouvons le comprendre toujours plus avant ; tel est le mystère de Marie : nous pouvons le comprendre, nous pouvons le saisir, nous pouvons nous laisser saisir par lui, nous pouvons le découvrir, nous pouvons nous immerger dedans, nous pouvons vivre dedans, nous pouvons nous épanouir dedans, nous pouvons nous répandre dedans toujours davantage)…
Pourquoi voulez-vous séparer le mystère de Marie et le mystère de la transfiguration de Jésus ?
Voilà ce que le Pape nous a proposé cette année : ‘‘Voici cinq mystères lumineux pour lesquels nous ne séparerons pas ce que Dieu a uni : l’Homme et la Femme’’.
En quoi le mystère de l’Eucharistie, le mystère de l’Institution de la Cène, est un mystère de Marie ?
Certes, c’est un mystère de Jésus, un mystère de Dieu, un mystère de l’Eglise, un mystère du Royaume de Dieu, un mystère de la Lumière ; et pourtant c’est bien l’acte de foi issu de l’Immaculée qui nous a valu ce don de l’Eucharistie.
Il y a eu un acte de foi nouveau de Marie : c’est cela qu’il va falloir chercher, c’est cela qu’il va falloir comprendre ; parce que cet acte de foi nouveau engendre Jésus dans le Sanctissime Sacrement, dans l’éternité sacramentelle de Dieu, dans le signe vivant de Dieu dans l’éternité. Il va falloir que nous le fassions, cet acte de foi ! Il va falloir que nous accompagnions l’Immaculée dans cet acte de foi qui accompagne le Pain vivant venu du ciel.
N’est-ce pas cela que le saint Père, l’Eglise, le Saint Esprit, l’Immaculée, Jésus, nous demandent de faire cette année, en découvrant, en dévoilant, en soulevant le voile du mystère de l’institution du Sanctissime Sacrement, le signe sanctissime ?
Une petite tradition portugaise, reprise par une communauté que je suis allé visiter à Londres, propose avant chaque messe, avant chaque synaxe, avant chaque communion, une dévotion pour se préparer à entrevoir le grand Don qui va se manifester ; se préparer ainsi est très traditionnel dans l’Eglise ( normalement, on n’assiste pas à la synaxe autour du Pain vivant sans s’y préparer longuement avant : d’après les lois de l’Eglise, le prêtre doit s’y préparer au moins une demi-heure avant, et les fidèles aussi : on s’y prépare ).
La préparation, n’est-ce pas Marie que sa foi cachée derrière le grand Don eucharistique ? Elle est celle qui engendra l’aurore du Christ comme mère, mais elle va également porter l’unité profonde de Jésus avec tous ceux que Jésus s’unit profondément : ‘‘elle est mienne’’, dira Jésus.
Il faut éviter d’être trop complexe ; je sais très bien qu’il y a des gens qui trouvent que nous sommes trop compliqués, quelquefois, pour expliquer le fond de ces mystères lumineux, et qu’il faudrait un peu plus de simplicité. Alors laissons les Portugais ( qui sont très simples ) nous enseigner leur prière :
‘‘Ô Sanctissime Sacrement,
béni sois-tu,
remercié sois-tu,
glorifié sois-tu,
magnifié sois-tu,
savouré sois-tu,
aimé sois-tu,
loué sois-tu,
ici, maintenant, à chaque instant, à chaque moment,
toujours, partout, continuellement, éternellement’’
cette invocation se faisant du plus profond des entrailles et en union avec ce que Dieu fait avec toute la création.

Et ils recommencent une seconde fois :
‘‘Ô Sanctissime Sacrement, béni sois-tu, remercié sois-tu, glorifié sois-tu, magnifié sois-tu, savouré sois-tu, aimé sois-tu, loué sois-tu, toujours, partout, à chaque instant, à chaque moment, ici, maintenant, continuellement, et éternellement’’,
… en union avec tout ce qui est vivant, tout ce qui est profond, tout ce qui est intérieur dans l’univers du ciel et de la terre.

Et une troisième fois, ils répètent, du plus profond d’eux-mêmes :
Ô Sanctissime Sacrement, béni sois-tu…’’
et ils le disent sept fois, de manière à ce qu’il y ait comme une intégration
- de tout ce qui est simple et naturel dans l’univers, premièrement,
- de tout ce qui est profond, vivant et intérieur dans l’univers, deuxièmement,
- de tout ce qui est amour pur dans l’univers du ciel et de la terre, troisièmement,
- de tout ce qui est profonde communion, familial, intime dans la solidarité, dans le ciel et sur la terre, tout ce qui est relations vivantes ( parce que l’humanité et la création sont un tissu de relations vivantes ),
- en union avec tout ce qui est sacré ( or tout est sacré dans l’univers du ciel et de la terre ),
- en communion avec tout ce qui relève de la beauté, du travail, de la transformation, tout ce qui est transformé par le travail, par la peine, par la souffrance ou par l’art dans notre univers : ce que Dieu réalise comme transformation, ce que l’homme réalise comme transformation, ce que la souffrance et les gémissements de l’univers lui-même font procéder comme transformation

Et faisant cela, ils s’intègrent à l’intérieur des sept dimensions, des dimensions absolues de l’amour de Dieu répandu dans la création, ils font procéder cette préparation où les sept dons du Saint Esprit vont convoquer l’univers, l’humain et l’Eglise ( comme le faisait toujours l’Immaculée en union avec le cœur de Jésus ) pour qu’ensemble nous produisions l’eucharistie.
Oui, nous produisons l’eucharistie : c’est un travail, un très grand travail.
Nous voyons bien que quand Jésus a multiplié les pains (chapitre 6 de l’Evangile de saint Jean), les gens voulaient le faire Roi, se disant : ‘‘Nous n’aurons plus besoin de travailler ! Avec Lui, c’est formidable, nous avons à manger - et en plus c’est drôlement bon - et tout ira toujours bien : nous n’avons plus besoin de travailler’’. Alors, Jésus se sépara d’eux ; les retrouvant, Il leur reproche : ‘‘vous voulez me faire Roi parce que vous ne voulez pas travailler. Travaillez ! Travaillez aux œuvres de Dieu !’’. Ayant multiplié les pains, Il montre que l’eucharistie aura pour effet de nous mettre au travail : le travail de l’immense transformation. Il est venu pour cela.
Dans l’Eucharistie, toutes les venues du Christ vont se rendre présentes :
Le péché étant venu sur ce grand don de la nourriture de Dieu dans la création et de la nourriture de la création en Dieu dans le paradis de la grâce originelle, le péché ayant éclaboussé la transfiguration de l’union profonde de l’homme et de la femme en union avec le Messie dans le Principe, tout cela a été perdu !
Alors le Messie qui était dans le Principe de la création ( dans le Bereshit ) est revenu : il y a eu le retour du Christ.
Il faut toujours se rappeler quels sont les ‘sept retours du Christ’.
C’est beau à contempler, parce que cela fera comprendre l’Eucharistie.
Comme saint Jean nous fait chevaucher cheval blanc de l’Apocalypse avec le Messie qui revient, revenons avec Lui sept fois : c’est beau, cela !
Il est revenu sept fois :
- Il est revenu sur le Sinaï pour donner la Torah, pour redonner la nourriture : ‘‘ma Parole est vraiment une nourriture’’. Pour cela Il est revenu personnellement : premier retour du Christ. Premier retour du Christ qui constitue le peuple de Dieu.
Je pense que vous avez deviné que le second retour du Messie est l’Incarnation : premier mystère joyeux ( en son premier retour, Il était donné sous forme de Parole efficace, et en sa seconde venue, Il s’est donné dans la chair et dans le sang ).
Il revient une troisième fois dans le mystère de l’Eucharistie qu’institue. Remarquons bien qu’à partir de la Transfiguration, le début d’un départ de Jésus se fait sentir ; dans la Transfiguration, Il est déjà parti ( nous l’avons vu ). Saint Luc indique bien qu’aussitôt après la Transfiguration ‘‘Il fixe son front sur Jérusalem’’ : Il était encore avec nous, mais… il était déjà parti … et du coup, Il revient sous un mode nouveau avant de partir tout à fait.
Il est revenu une quatrième fois à la Résurrection, tel est le quatrième retour du Christ. A l’Ascension, Il s’est assis à la droite de Dieu le Père, Il a envoyé l’Esprit Saint ( Il n’est pas revenu : Il a envoyé l’Esprit Saint ).
Il est revenu dans la Dormition pour prendre La Vierge dans sa résurrection
Il reviendra pour les noces de l’Agneau.
Le septième retour du Christ, la récapitulation glorieuse, c’est la seconde Résurrection.
Ces sept retours du Christ se sont tous concentrés pour nous dans l’institution de l’eucharistie, qui est le troisième retour.
Il n’est pas inutile de le noter parce qu’il y a quelque chose d’universel dans le retour du Christ, et c’est pour cela que ce ne sont pas seulement ceux qui par la foi ont vécu du Messie et du retour du Messie après l’institution de l’eucharistie qui ont vécu de l’eucharistie. Ceux qui ont vécu du Messie par la foi et de son retour à la fin du monde, ont touché quelque chose de l’eucharistie : Elie le prophète a communié à l’eucharistie, Melchisédech et Abraham ont communié au Pain descendu du ciel. ( si Abraham n’avait pas communié au ‘pain vivant apporté par Melchisédech, il n’aurait pas été le père de la foi, lumière surnaturelle venue du ciel dans l’intelligence profonde de l’homme pour qu’il n’y ait plus que le Messie. S’il n’avait pas communié, cela n’aurait pas été possible ; c’est pour cela que Melchisédech lui a donné le Pain vivant du Messie et le vin consacré). Elie le prophète également. C’était donné sous forme figurative, aussi, dans les rites de l’Ancien Testament. Pourquoi était-ce donné sous forme figurative dans l’Ancien Testament ? Il faudrait passer des millénaires à voir tout ce qui correspond dans la bible à cette présence d’anticipation de Jésus Pain de Vie dans l’Ancien Testament.
Comment se dit en hébreu l’expression qui correspond au sacrement de l’eucharistie ? Pour notre culture générale…j’ai tenté une recherche en regardant ce qu’en disent tous ces grands rabbins convertis : apparemment, ils ne savent pas trop, ou du moins ils se contredisent... Il y en a qui disent : ‘‘moi je traduis qorban ’’ ( je ne suis pas trop d’accord parce que qorban veut dire sacrifice sanglant : quand vous faites une offrande qorban, cela veut dire que vous faites un sacrifice sanglant ; il est très exact que dans l’eucharistie le sacrifice de Jésus en son précieux Sang est rendu présent, et c’est sans doute à cause de cela qu’ils choisissent qorban ).
Il y en a d’autres qui disent Zikaron , parce que ce mot veut dire mémorial, Mémoire, présence effective dans la liberté de la réactualisation du don. Mémorial… Jésus le dit bien, c’est vrai, dans la Cène : ‘‘faites ceci en mémorial de moi’’ ( mais mémorial ne veut pas dire tout à fait eucharistie, vous comprenez ? ).
Alors il y a un autre mot, avec lequel je serai plus en accord : Minchah , Meym, Noun, Heth, Hè. Cela veut dire offrande, c’est très beau : c’est l’oblation. C’est employé dans l’Ancien Testament pour les offrandes de farine, l’offrande de pain, de gâteau de raisins, les offrandes qui sont faites à Dieu sous forme de pain. On offre d’ailleurs le Messie sous forme de pain. Ce sont les offrandes de farine, il y en a beaucoup, il y a beaucoup de préceptes qui proposent la Minchah. Mais ce mot Minchah n’est employé qu’une seule fois pour une offrande sanglante : quand Abel fait une offrande sanglante et qu’il s’offre lui-même à travers cette offrande sanglante, c’est considéré comme une offrande de pain ! Et les rabbins et Moïse ont toujours dit que l’offrande d’Abel manifeste l’offrande toute pure du Messie et de l’Agneau. C’est beau, cela n’a l’air de rien, mais c’est beau, parce que cela traverse toute l’Ecriture : vous ne verrez pas un chapitre dans l’Ecriture de l’Ancien Testament sans qu’il y ait la Minchah, l’offrande du pain : dans le Cantique des Cantiques, les Psaumes, le Lévitique, le Deutéronome, tout les temps vous rappellent ce sacrifice tout pur d’Abel le Juste sacrifié, tué par Caïn, et qui offre son amour pour sa sœur ( le saviez-vous ? S’il a été tué, c’est à cause de sa sœur (il avait une jumelle) : c’est pour une femme ; Caïn désirait cette femme, qui était la sœur gémellaire d’Abel ; alors Abel offrit à Dieu un agneau tout jeune, en s’offrant lui-même et cela l’a séparé quelque part de sa sœur jumelle. Oh que cela me plaît ! )
C’est à cause de cette tradition que, quand on fait la Pâque avec Moïse par exemple (pour donner un petit détail qui n’a l’air de rien, mais c’est un précepte absolu : quand Jésus a fait la Pâque avec les apôtres, le rituel s’ordonnait comme cela) au moment de partager l’agneau, on préparait des pains sous forme plate, comme ceux qui relèvent de l’offrande et de l’oblation, et c’est sur ces pains-là ( et non dans une assiette ) qu’on recevait un morceau de l’agneau immolé, agneau de la Pâque mangé sur le pain. Pour montrer que l’offrande du pain est inséparable de l’Agneau immolé qui est donné en nourriture. C’est beau, c’est vrai, c’est très beau : ce ne sont que des consonances qui montrent comment cela a été préparé, comment cela a été vécu, comment cela a été enseigné aussi, mystiquement, par les nacis d’Israël. Ce fut toujours présenté comme une manducation de ce qu’il y a de plus profond dans le Messie, de plus mystérieux dans l’Agneau immolé.
Vous savez, quand le Dieu vivant prit chair en disant : ‘‘me voici, Père, pour faire ta volonté, Tu m’as donné un corps, me voici, Shemem’’, Il faisait écho aux paroles que Marie prononça dans la lumière surnaturelle de sa foi : ‘‘Shemem, me voici pour dire ‘oui’ à Ta volonté’’. Donc Marie qui est dans la chair, a été projetée, si je puis dire par la foi à l’intérieur de la Volonté, je veux dire de l’Amour profond de Dieu le Père, et, du sein de Dieu le Père Dieu le Fils a été projeté dans le corps de Marie pour se créer un corps. Deux fois la même Parole prononcée ensemble pour réaliser le second retour du Messie sur la terre : l’Incarnation.
Le regard de Dieu vis-à-vis de son incarnation: voilà ce que Marie a engendré ( nous l’avions bien vu, cela ).
A chaque mystère il faut d’ailleurs comprendre que le Dieu Vivant regarde la foi de Marie pénétrer en Lui ; du coup s’engendre grâce à sa foi toute pure à l’intérieur de Dieu un regard : elle détourne, si je puis dire, l’attention, ce qui est étonnant !
A chaque fois que nous faisons un acte de foi vraiment divin en Dieu, jusqu’en Dieu, porté par l’Esprit Saint, saisi par la Première Personne de la très sainte Trinité en son sein le plus éternel qui soit, à ce moment-là, nous détournons l’attention de Dieu, c’est beau ! Et effectivement, Dieu a détourné son attention. Les théologiens disent que Marie a engendré le regard de Dieu vers la création, le Respectus du Verbe vis à vis de Son incarnation (le terme technique, c’est cela). Mais je dirai (pour prendre une traduction vulgarisante, n’est-ce pas) qu’elle a détourné l’attention de Dieu vers le corps de Dieu, et Il a regardé toute la création en se mettant Lui-même dans la création, en s’intégrant Lui-même la création, en se laissant intégrer Lui-même dans la création : Il s’est fabriqué un corps à partir de ce qu’il y avait de plus pur dans l’unité sponsale entre Marie et Joseph dans le corps de Marie, dans son unité sponsale avec Joseph dans sa chair.
Marie a été mise à l’épreuve de la foi par l’ange Gabriel, par Dieu, dans son Immaculée Conception. Une épreuve terrible : la foi implique une obéissance totale ; une rupture absolue avec tout ce que l’on croit, tout ce que l’on a ; et il faut dire ‘oui’.
Mais cette fois-ci, ce n’est pas un dépassement humain, c’est un dépassement éternel. C’est cela, la foi, et c’est ce qu’a montré la Transfiguration : il y a une rupture qui doit s’opérer pour le troisième retour du Christ, l’eucharistie, une rupture dans toute sa force.
C’est pour cela que la Transfiguration est vraiment le sacrement, le signe et le mystère de la force de cette foi de Marie qui va désormais intégrer une rupture dans toute sa force, dans toute la force du Saint Esprit, dans toute la puissance du Saint Esprit. Et la foi mise à l’épreuve de Marie va faire d’elle la mère, vraiment, de l’eucharistie, comme sa matrice. Cette vérité éprouvée en Marie va la faire sortir d’elle-même en Dieu et va faire que le Pain du ciel, elle va s’en nourrir : Dieu lui demande de se nourrir du Pain du ciel directement par son acte de foi.
En hébreu, c’est la lettre M : le Meym . Vous savez ce que Moïse disait à propos de la lettre Meym ? C’est tout à fait Marie : c’est la vérité mise à l’épreuve, la vérité éprouvée. Le Verbe de Dieu dans son épreuve, c’est Marie. Alors, du coup, Il donne la vie. Marie a donné la vie divine parce qu’elle a été mise à l’épreuve de sa foi, c’est le Shemem de Marie : ‘‘me voici pour faire Ta volonté’’, et il lui a été demandé de faire un acte de foi qui aille jusque dans les profondeurs du sein de Dieu le Père pour qu’elle se nourrisse du Pain de Vie, qu’elle se nourrisse du même pain que Lui, qu’elle prenne la même nourriture que celle dont le Père se nourrit : le Père se nourrit du Pain de Vie, se nourrit de Dieu, c’est sa nourriture, c’est sa seule nourriture, ‘‘écoutez-Le’’. Et cette fois-ci la nourriture de son corps immaculé doit être la même nourriture que celle dont le Père se nourrit : le Père se nourrit du Verbe éternel de Dieu. C’est quand même quelque chose d’incompréhensible, c’est bien évident. N’empêche que Marie est allée jusque-là, il fallait qu’elle fasse cela pour toute la création, pour les disciples, pour Jésus. Et pendant ce temps, du coup, elle engendre un regard de Dieu, un regard éternel de Dieu, de l’éternité vers le temps, et ce regard est exprimé par Moïse par la lettre ‘L’, ‘El’.
Vous voyez, quand on dit Elohim, Gabriel, ce ‘El’, ce Lamed , cette lettre, signifie en hébreu le regard de Dieu vers le temps, Dieu contemple. Quand nous vivons du regard de Dieu, nous vivons de ‘El’ : Il nous regarde, Il nous considère et Il nous prend. C’est ‘El’, Lamed .
Et le pain, en hébreu, commence par Lamed et se termine par Meym : Lehem , le pain.
Et ce qui fait le lien entre le Shemem de Jésus ( ) et le Shemem de Marie ( ), c’est la fameuse huitième lettre de l’alphabet hébreu, qui se dit Heth : le Messie, la grâce messianique. C’est la grâce messianique qui fait le lien entre le regard de Dieu qui veut nous assimiler dans Jésus en s’incarnant, et le regard de Marie qui veut assimiler ce que le Père assimile, par sa foi : les deux ensemble engendrent le Pain venu du ciel. Voilà pourquoi Il est né à Beit-lehem, la maison du pain.
Pourquoi est-ce que le Pape nous suggère : ‘‘je vous en supplie, regardons l’eucharistie comme un mystère vivant du Rosaire vivant, regardons-le comme un mystère de Marie, ne séparons pas ce que Dieu a uni’’ ?
Jésus a reçu, Dieu a reçu de la foi immaculée de la Vierge un corps passible, un corps capable de souffrir ( Dieu ne peut pas souffrir, mais Marie lui a donné un corps capable de souffrir ). Et Jésus est éperdu d’amour et de gratitude vis à vis de Marie, parce qu’elle lui a donné un corps capable de souffrir, une humanité capable de souffrir. Le plus grand cadeau de l’Immaculée à Jésus, c’est la souffrance possible, c’est la souffrance de la croix possible, c’est le mystère de la croix possible, nous l’avons vu. Cela donne une force à Dieu dans le monde : toute la force de Dieu dans le monde, c’est le mystère de la croix, et c’est ce qui nous a été révélé dans le quatrième mystère lumineux. C’est pour cela que les gens qui ont horreur de la souffrance s’arrêtent à la transfiguration, ou préfèrent rester à l’extérieur de la transfiguration : ils ne rentrent pas dedans puisque la transfiguration, c’est le mystère de la croix qui donne toute la force de Dieu dans le monde et toute la force de l’homme en Dieu. Le quatrième mystère lumineux nous a permis de noter cette gratitude de Jésus vis à vis de l’Immaculée qui Lui avait donné son corps passible, un corps capable de souffrir, un corps capable d’être déchiré, un corps capable de déchirer toutes les dettes, de déchirer tous les voiles, de déchirer tout. Il est Lui-même Celui qui est déchiré parce qu’Il déchire tout, il dévoile tout, il déchire les dettes, il déchire la mort, il déchire la souffrance, il déchire la maladie, il déchire le temps, tout est déchiré dans le Christ. Et c’est Marie qui Lui a donné ce corps capable de revenir, pour qu’il n’y ait plus de séparation entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Ce manteau-là a été déchiré aussi, et il faut que Lui-même Il soit déchiré pour que cette déchirure soit la sienne et que du coup l’amour de Dieu et du prochain soit à nouveau Un dans la déchirure, justement.
Et Marie lui a donné un corps capable de souffrir, alors la gratitude de Jésus est gigantesque, elle prend toute sa force. Et je dirai, moi, qu’Il institue l’eucharistie parce qu’il faut qu’Il exprime sa gratitude à Marie, c’est normal. Jésus ne dit pas : ‘‘tu m’as donné un corps passible, maintenant débrouille-toi’’. Il n’est pas comme cela, le Seigneur ! Le Seigneur est juste, Il est toute justice, tout amour, tout époux, toute délicatesse. ‘‘Tu m’as donné un corps ?’’… alors, Il va instituer l’eucharistie en action de grâce, pour donner à Marie un corps nouveau, pour donner à Marie son corps sous le mode du Pain qui est éternellement dans le ciel la nourriture de Dieu le Père. Il va instituer l’eucharistie par la substance. Et c’est pour cela que nous appelons cela eucharistie, parce qu’eucharistie en grec veut dire action de grâce, remerciement, gratitude. C’est un acte de justice, de miséricorde, d’amour éternel : c’est pour remercier Marie. Il sait bien que Lui, Il est déjà parti : avec la force qu’Il lui doit, avant de partir, par gratitude, Il lui donne son corps. ‘‘Tu m’as donné un corps, eh bien par gratitude, je te donne mon corps sous un mode d’éternité, de substance et de gloire’’. Alors Il va se donner à l’Immaculée sous ce mode-là. Et comme par ailleurs, au travers des quatre mystères lumineux précédents, Marie avait désiré avec le Christ qu’ils s’inscrivent dans le corps mystique vivant et entier de toute l’humanité, alors Lui-même va se donner à Marie à travers cette humanité élue dans la foi partagée, lumineuse, sortie du sein immaculé de la Vierge. Et voilà pourquoi Jésus institue l’eucharistie.
Il faut comprendre que vraiment, l’eucharistie est un mystère de Marie.
C’est une eucharistie. Il y a beaucoup de noms à l’eucharistie : la messe, l’eucharistie, le corps du Christ, la synaxe, le rassemblement. Le nom qu’on donnait à l’eucharistie au départ, c’était synaxe (sunaxis en grec, ce qui rassemble tout) : nous nous rassemblons pour l’eucharistie, Marie rassemble ceux qui ont la foi pour recevoir cette gratitude de Jésus. C’est la synaxe.
C’est aussi le sacrifice : ‘‘tu m’as donné un corps passible, Je vais jusqu’au bout’’, c’est l’Agneau sacrifié, c’est le sacrifice substantiel parfait, le sacrifice saint, le sacrifice immaculé, le sacrifice pur, le sacrifice à l’état pur, la croix toute pure, la souffrance substantielle ( c’est une transsubstantiation parce que le sacrifice est substantiel ). Un sacrifice qui ne se réalisera pas qu’une fois, qui va se réaliser à chaque instant, à chaque moment, ici, partout, toujours, continuellement, éternellement : dans la séparation du sang et du corps, réellement, substantiellement, corporellement, humainement, divinement, absolument et complètement.
C’est aussi le viatique : c’est ce qui donne la force à toute la terre d’être assumée à l’intérieur de l’éternité de Dieu, et qui donne la force à toute l’éternité de Dieu de venir assumer toute la création. Viatique, parce que nous sommes sur le chemin de la vie éternelle, vie éternelle rendue présente dans le sacrifice eucharistique à travers le corps de Jésus pour nous assumer. L’éternité dans le temps est la réponse à la foi de Marie qui a accepté par la foi temporelle de se laisser prendre, dépasser complètement, et habiter à l’intérieur de l’éternité divine pour que se réalise le mystère de l’incarnation et de la rédemption.
Il faut sentir l’acte de foi que Marie a dû faire, de manière toute nouvelle, toute différente, en ce cinquième mystère lumineux….
Quand Jésus a rassemblé ses disciples, Il a d’abord célébré la Pâque comme on le faisait en Israël ( sa troisième Pâque publique ) ; il y eut tout le rituel de la Pâque avec ses oblations du pain, l’agneau partagé, la manducation, la bénédiction des coupes ; Jésus a même béni les huiles saintes. Il était revêtu de la robe taler, de la ceinture sacerdotale, et Il mit un linge à sa ceinture, demandant à deux de ses apôtres d’amener de l’eau et un bassin ; puis Il commence à laver les pieds de ses disciples.
Comme c’est bizarre, Il a institué la Cène comme cela : Il a lavé les pieds de ses disciples. Il s’est levé de table, Il a pris son manteau, Il met un linge à sa ceinture, Il se met à genoux et Il commence à laver les pieds de ses disciples.
Les pieds ! Les pieds de ceux qui portent la Bonne Nouvelle : ‘‘Qu’ils sont beaux sur toutes les montagnes les pieds de ceux qui portent la Bonne Nouvelle’’.
Jusqu’à Pierre qui l’arrête : ‘‘quand même Seigneur, tu ne vas pas me laver les pieds !’’.
Il s’est fait serviteur, Il s’est fait esclave. Et je préfère traduire le mot comme le dictionnaire le dit : le doulé est entièrement dévoué à une cause, ce n’est pas un esclave ; dévoué, il se dévoue ( c’est beaucoup plus beau qu’esclave ! ). Jésus se dévoue pour laver les pieds de ses disciples, Il se dévoue. Ses torrents de gratitude vis à vis de Marie viennent laver les pieds de ses disciples.
Les pieds : de là vient l’expression Basiléia tou Théou, le Royaume de Dieu : qui vient des pieds qui courent et ne s’arrêtent plus ( c’est la ferveur qui est visée ici ). La racine du mot grec, Basis, signifie le pied : c’est également la « base », le fondement, ce qui est à l’origine, ce qui fait que tout a commencé à marcher. Et qu’est-ce qui est à l’origine de tout ce qui a commencé à marcher ? C’est l’acte de foi de Marie.
Jésus répond à Pierre : ‘‘Si Je ne te lave pas les pieds, tu n’auras aucune part avec Moi dans le Royaume de mon Père.
– Ah, alors Seigneur, dans ces cas-là, tu ne me laves pas seulement les pieds, tu me laves tout : les pieds et la tête !
– Celui qui est pur n’a pas besoin de se laver, répond Jésus, il est déjà pur. ’’
Mais les pieds, non.

Ils n’étaient pas allés jusqu’à Marie, vous voyez. Ils n’étaient pas allés jusqu’à ce qui fait que tout démarre et que tout court partout et que le Royaume de Dieu va jusqu’au bout : ‘‘l’Alpha et l’Omega des pieds’’.
Jésus se dévoue pour que désormais les apôtres, les disciples, tout le monde du vivant, tout le monde de la nature, courent, courent par la force du Messie, par la gratitude du Messie, par cette nourriture éternelle de Dieu le Père, courent sur la terre vierge de l’Immaculée Conception, pour qu’ensemble, nous produisions l’eucharistie.
Alors à ce moment-là Jésus institue l’eucharistie : Il prit le pain… Il y a comme une espèce de rajout à la liturgie juive classique traditionnelle que faisaient tous les Juifs ( il ne faut pas croire que cela était complètement étranger aux Juifs parce que chez les Juifs, quand ils célébraient la Pâque, il y avait toujours un pain qui était là et qui n’était pas mangé pendant la Pâque : il restait là sur la table, parce que ce pain-là était réservé au Messie, donc ils ne s’en nourrissaient pas, c’est le Messie qui devait le donner à manger. Et pareil pour la coupe : il y avait quelque chose de la coupe qui ne devait se boire que tout à fait à la fin ; c’est pour cela qu’il est dit qu’aussitôt, Il prit le pain, le pain qui depuis mille sept cents ans lui était réservé pour qu’Il le donne ). Jésus avait donné le pain d’oblation de manière figurative déjà avant le lavement des pieds, avec l’agneau dessus qui Le représentait ; cette fois-ci Il va le donner tout seul parce qu’Il est le Pain, et Il est l’Agneau : ce pain, c’est l’Agneau de Dieu. C’est extraordinaire. Et Il va dire : ‘‘Ceci est mon corps livré pour vous’’.
Et à la fin du repas Il prend donc la coupe : ‘‘Voici la coupe de mon Sang, le Sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi’’.

Regardons bien : ‘‘vous ferez cela en mémoire de moi’’.
Marie avait dit : ‘‘poiesatè, faites tout ce qu’Il vous dira’’… et nous nous rappelons que le pape ne nous a donné qu’une seule indication à propos de ce mystère lumineux : que cette parole de Marie à Cana en constitue le fond caché !
Le Père à la Transfiguration avait dit : ‘‘écoutez-Le’’, en écho à l’Immaculée.
Les deux ensemble ont comme écho la Parole de Jésus qui unit ce que dit Dieu le Père se nourrissant du Fils et ce que dit l’Immaculée Conception se nourrissant de la volonté de Dieu et du vin des noces.
Jésus leur dit : ‘‘faites, poïeitè’’

Nous voyons bien que Jésus s’est mis derrière la foi de Marie, Il s’est toujours rétracté sous Marie, puisqu’Il n’a rien voulu faire avec la puissance de sa vision béatifique : Il a tout voulu faire avec sa chair passible… Jésus a tout réfugié, tout contracté : la puissance de gloire de sa divinité dans sa vision béatifique a été complètement rétractée sous la foi de Marie, dans une chair passible et dans le mystère de la croix.
Nous sentons que ce que Marie avait dit pour le vin des noces, Il le dit à son tour, confirmant ce que dit Dieu le Père ( ‘‘écoutez-Le’’ )… Et au lieu de dire : ‘‘remplissez d’eau ces jarres’’, Il dit : ‘‘faites ceci en mémoire de moi’’.
Le pain d’oblation d’Abel, la pain d’oblation de farine, la Minchah, n’était jamais offert sans l’oblation du vin, jamais : la Minchah sans l’oblation du vin n’existe pas dans le rituel des juifs. Nous le voyons, c’est inséparable : le ‘‘poiesatè, faites tout ce qu’Il vous dira’’ de Marie dans les noces du vin nouveau, et puis le ‘‘vous ferez ceci’’.
Puis nous avons : eis qui veut dire : du dedans,
umon : de ce qui est mien, et
anamnésis : mémorial.
Il faudrait rester là-dessus ! Je crois bien que pour nous, la contemplation du mystère de l’eucharistie se cache dans cet ordre impératif que Jésus donne.
Voilà ce que nous avons à faire pour réaliser, actuer, incarner, diviniser, surnaturaliser le mystère en nous : ‘‘faites ceci en mémoire de moi’’.
Comme toujours, la traduction n’est pas facile. ‘‘Faites ceci en mémoire de moi’’, nous pensons que tout le monde comprend, mais en fait, personne ne comprend ! Nous devrions regarder de plus près la Révélation : dans la lettre, l’esprit, et la forme…
‘‘Au-dedans de ce qui est mien’’.
Qu’est-ce qui est ‘mien’ dans l’époux ? C’est son épouse. La véritable épousée du Messie, c’est l’Eglise, la Jérusalem glorieuse tout entièrement habitée du même amour fulgurant que celui de l’Immaculée Conception dans toute sa gloire : voici l’épousée, c’est ce qui est mien !
Dans ce qui est mien, l’intime de ce qui est mien.
Jésus l’avait déjà expliqué au deuxième mystère lumineux : ‘‘ce qui est mien : le Royaume de Dieu dans son accomplissement’’. Cela, nous voyons tout de suite que c’est nuptial : c’est son épouse, c’est l’Immaculée qui en est le pied, c’est l’immaculée qui en est la ferveur, et c’est pour cela qu’Il lave les pieds de ses disciples.
C’est beau.

Comprenne qui peut comprendre : ‘‘vous voyez, Je suis tout dévoué auprès de vous, pour que vous couriez comme cela sur une terre vierge, immaculée, celle du ciel dans la terre, et celle de la terre dans le ciel (sous-entendu de l’Immaculée, évidemment). Alors ce que j’ai fait, moi le Seigneur et le Maître, faites-le vous aussi à votre tour, aimez-vous les uns les autres de la manière que moi Je vous aime, lavez-vous les pieds les uns aux autres.’’
Regardez comme c’est beau de faire que toutes les œuvres, toutes les respirations, toutes les aspirations, toutes les expirations de tout ce qui existe, de tout ce qui est vivant dans notre terre, nous allions leur laver les pieds :

‘‘Ô sanctissime Sacrement, béni sois-tu’’ : remerciement, louange, gloire, gratitude, amour, saveur, bénédiction, ici, maintenant, partout, toujours, à chaque instant, à chaque moment, continuellement, éternellement, dans le Sanctissime Sacrement’’.

Laver les pieds, vous voyez, c’est cela le mystère, le travail de l’eucharistie : compléter jusqu’à l’extrême profondeur de l’Immaculée Conception dans son épanouissement final, tout ce qui existe sur la terre, tout ce qui se fait sur la terre, tout ce qui se souffre sur la terre, tout ce qui se dit de bon sur la terre, tout amour commencé et jamais parvenu à sa perfection et à son épanouissement. C’est cela l’eucharistie, c’est cela la gratitude du chrétien, c’est cela la gratitude, l’action de grâce des membres vivants du corps mystique vivant de Jésus vivant. C’est notre travail : ‘‘travaillez aux œuvres de Dieu’’ et ‘‘faites ceci en mémoire de moi’’.
Vous voyez tout de suite que eis tèn émèn anamnésin, ne se rend pas tout à fait par ‘en mémoire de moi’.. eis : est tout tourné vers l’intérieur du dedans de ce qui est mien (tèn émèn) ; non pas ‘de moi’, mais de ce qui est mien…. Nous saisissons bien la nuance : de ce qui est mien.

Anamnésis, zikaron : il faut le vivre en en faisant mémoire.

Ici, peut-être, une petite indication pour notre culture générale : comment fait-on spirituellement ‘mémoire’?
La mémoire n’est pas le souvenir : pour la transsubstantiation, nous comprenez qu’il s’agit de la substance même du don. Nous sommes donc appelés en ce mystère à une mémoire substantielle, une mémoire qui touche la substance ; et la mémoire qui touche la substance touche en même temps le corps, en même temps la grâce (la vie divine en nous), en même temps l’âme, et en même temps l’esprit en nous. A cause du péché originel, à cause de notre orgueil, à cause de nos bêtises, parce que nous sommes très abimés, tout cela n’est pas très uni. Notre esprit, notre vie spirituelle, notre vie contemplative ne s’expriment pas substantiellement dedans l’intérieur de notre corps. Nous avons envie de nous séparer du corps, de ne plus sentir le corps, pour vivre de Dieu. Ô catastrophe de tentation ! O tentation mortelle !
Non, Dieu a créé l’homme ‘être de vie’ ; l’être est précisément l’esprit dans l’homme, sa vie contemplative passant substantiellement à travers son corps, et telle est sa vie. S’il ne fait pas cela, il tombe dans la tentation de l’ange, comme dit Pascal : ‘‘qui veut faire l’ange fait la bête’’. Et il faut faire très attention à cette tentation métapsychique dans laquelle se livrent les énergies cataleptoïdo-somnambuliques de ceux qui cherchent à fuir à toutes jambes le mystère de la croix et le respect des commandements de Dieu.
Non ! Cette mémoire touche notre unité profonde corps-âme-esprit ( et vie divine en même temps ) dans une vie sortie des mains de Dieu. Elle touche notre liberté originelle et en même temps finale.
Le Pape affirme ceci, que j’aime beaucoup : ‘‘quand Dieu nous crée dans la première cellule, dans le génome de l’homme, Il nous donne un esprit vivant qui imprègne et vivifie ce génome’’. ( depuis des milliers d’années, il n’y en a pas beaucoup, parmi les grand sages de ce monde, qui aient dit cela : il est le seul. Je suis un spécialiste de la question et je peux vous le dire : il est le seul, il n’y en a pas un autre qui l’ait dit ). Alors, oui, Dieu surgit dedans cette unité profonde et fait que cet être de vie spirituelle qui s’exprime complètement et substantiellement dans un corps, est un être participé à l’Acte Pur de Dieu. Et c’est cette réunion des quatre qui fait la liberté et la mémoire : nous nous y rappelons corporellement qui nous sommes.
Et le corps de Jésus, son âme humaine, sa vie humaine, ses entrailles humaines, son affectivité humaine, son extase humaine, son amour très profondément humain, sa délicatesse humaine, sa subsistance dans l’Union hypostatique, source de toutes les grâces et de toutes les vies divines données et de toutes les gloires futures, et en même temps sa divinité qui fait subsister cette unité en Dieu, c’est cela, Sa mémoire.
La mémoire du Christ vit de cela ; et Jésus au fond nous demande de vivre l’eucharistie, de le faire (‘‘poïeitè, vous le ferez ! ) … en mémoire de moi’’.

Curieux que Marie ait dit ‘‘poiesatè : faites-le’’ ( impératif présent ) ; et que Jésus dise ici : ‘‘vous le ferez’’. Comme il y aurait des choses à dire sur ce passage de l’impératif au futur, au futur continuel : c’est un futur de continuité absolue. ‘‘Vous le ferez en mémoire de moi : regardez dedans ce qui est mien, et ce qui est mien, c’est cette mémoire’’.
Qui a originé cette unité absolue qui fait la mémoire du Christ, de Jésus ? C’est l’acte de foi de Marie qui l’a originée…

Jésus demande à toute l’Eglise, enveloppée de la foi de Marie, de réaliser, de faire cette ‘réincarnation’ sacramentellement; et tous ceux qui ne saisissent pas cela, même s’ils ont beaucoup d’amour pour Jésus, beaucoup d’amour pour Marie, beaucoup d’amour pour Dieu, (s’ils ne saisissent pas cela) seront toujours tentés par la grimace luciférienne de ce mystère, et donc par ces tendances à rentrer dans une contemplation de mémoire de réincarnation. Cette grimace de Lucifer est très simple, très facile à comprendre. Tous les apôtres, tous les Pères de l’Eglise le rappelleront : la réincarnation et toutes ces doctrines gnostiques, babyloniennes, lucifériennes, etc, sont une espèce de fuite pour ne pas vivre de la substance de la ‘réincarnation’ divine, de ce retour sacramentel. C’est extraordinaire, l’eucharistie est une réincarnation par la substance.
Non seulement c’est une grimace, mais c’est une erreur grossière et le reliquat d’un désespoir profond de mon identité dans l’acte créateur de Dieu. Je comprends que spirituellement, mystiquement, il y ait ces torrents déviés de la réminiscence… Quand vous pensez au nombre de gens, même catholiques, qui croient à la réincarnation : cela veut dire qu’ils sont totalement, mais alors totalement exclus du corps mystique de Jésus. Prenez par exemple l’épître aux Hébreux qui dit clairement : nous sommes créés par Dieu, nous sommes créés une seule fois, nous avons une seule vie, nous mourons une seule fois, et après il y a un jugement. Point. A la ligne. Et quand Jésus s’adresse aux sadducéens, Il dit : ‘‘vous êtes profondément dans l’erreur’’ (les sadducéens étaient réincarnationistes).

Cela n’a l’air de rien, mais c’est en contraste du mystère de l’Eucharistie, contraste de ce que représente l’Incarnation répandue.
Marie a obtenu par sa foi l’incarnation du Messie.
Et en communion avec Jésus lavant les pieds de tous les disciples, de toute la création, de toutes les grâces futures, de tous les temps, de tous les lieux, de chaque instant, elle va être à l’origine de l’incarnation du corps mystique vivant et entier de Jésus vivant, entier.
Le fruit du cinquième mystère lumineux n’est pas celui du premier mystère joyeux. Il y a vraiment une boucle qui se fait voir du premier au dixième mystère. Une récapitulation incarnée et glorieuse de l’éternité dans la manifestation de toute la création et des dix invitations divines. Alpha et l’Omega : l’Alpha, le Principe, c’est l’incarnation, et l’Omega, c’est l’eucharistie.
Le Pape Paul VI a écrit une encyclique sur l’eucharistie (j’aime beaucoup cette phrase de Mysterium Fidei) où il note: ‘‘Comme il est curieux de constater que l’expression ‘corps mystique’ dans l’histoire de la foi de l’Eglise désignait l’eucharistie jusqu’au XIIème siècle, et que depuis le XIIème siècle, de plus en plus, l’expression ‘corps mystique’ désigne le corps mystique de l’Eglise.’’
Comme c’est curieux ! (j’aime bien cette expression) Ah oui, comme c’est curieux…
Cela excite ma curiosité, vous comprenez ?
Ce qui a fait ce passage progressif est de même nature que ce qui fait le passage du premier mystère joyeux au cinquième mystère lumineux :

Marie par sa foi, en communion avec la foi de toute l’Eglise qui participe à cette grâce toute pure, sanctifiante et chrétienne, de la lumière surnaturelle de la foi, dans un même élan complète tous nos actes de foi ; du coup, avec Jésus qui complète dans son don et dans le don parfait de son retour nouveau, en ce nouvel acte de foi, Il va assumer dans son incarnation le fait qu’Il va vouloir subsister dans tous les membres vivants du corps mystique vivant de Jésus totalement vivant. ‘‘Faites ceci de l’intérieur de ce qui est mien, dans ma mémoire’’, et la mémoire, c’est cela : c’est ce qui fait l’unité originelle de Jésus. Et l’unité originelle de Jésus, c’est ce qu’il y a à l’intérieur de Dieu avant la création du monde qui vient s’établir dans le corps de Jésus, dans sa contemplation humaine et dans son amour humain : ‘‘aimez-vous les uns les autres de la manière que moi Je vous aime’’, l’amour de Dieu et l’amour du prochain en une seule substance, et c’est le corps mystique qui réalise cela.
Alors comment allons-nous contempler ce mystère ? Mais c’est Jésus qui nous le dit : ‘‘reprenez donc, je vous en supplie, votre mémoire en Dieu, votre mémoire ontologique, votre mémoire corporelle absolue, votre mémoire substantielle (pas la mémoire de vos blessures, laissez tomber cela, la mémoire de vos blessures, la mémoire de votre prof de philosophie, laissez cela !) ; votre mémoire substantielle, votre mémoire de participation à l’Acte Pur de Dieu : une participation inscrite dans votre corps à l’origine’’.
Et donc le Pape dit ceci : ‘‘lorsque Dieu, dans le génome de l’homme, établit l’imprégnation et la vivification de sa propre Présence en créant l’âme spirituelle qui imprègne et vivifie le génome, à cet instant-là (dans Evangelium vitae, il précise ce qui va suivre:) Dieu nous inscrit dans le Livre de Vie’’.
Or le Livre de Vie est dans la Jérusalem céleste éternelle : il n’est pas dans le temps !
C’est très important, cela, parce que le fruit du mystère, ne serait-ce pas la mise en place du corps spirituel ?
Le corps spirituel, où se situe son germe ? Quand Dieu m’a crée dans un corps, Il était présent en moi, me créant : Dieu a surgit dans le temps de notre univers, et Il s’est rendu de fait présent dans le temps, personnellement. La seule porte d’entrée de la Présence réelle personnelle vivante lumineuse de Dieu dans notre monde, c’est quand Il créé un nouvel être humain, et c’est à travers cette première cellule ; en même temps Il ne cesse de créer tout ce qui existe et cela est quelque chose de très extraordinaire. Au moment de cette inscription dans la participation de Son existence, à cet acte créateur de Dieu sur moi, tandis que Elohim me crée, au moment où j’ai dit : ‘‘Shemem, me voici’’, j’ai pu dire : ‘‘oui’’, complètement ! Et voyez ce qui s’est passé : le Seigneur, mon Père, a touché, si je puis dire, mon corps, et ce toucher transcendant éternel de Dieu dans le temps de mon corps fait que ce toucher de mon corps s’est inscrit dans Lui éternellement. Ainsi s’explique, je crois, mon inscription dans le Livre de Vie :
il s’agit bien de quelque chose de corporel, qui est de moi, mais qui vient de Dieu en Son acte créateur. Et c’est cela le germe de mon corps spirituel présent dans l’éternité du Créateur. Ceci est d’une grande importance ; nous le comprenons, puisque que le fruit de l’eucharistie va toucher la mise en place du corps spirituel venu d’En haut dans notre corps psychique de la terre. Il y a quelque chose de très important.
Si le Pape affirme : ‘‘en même temps qu’Il nous crée dans le génome, en même temps Il nous inscrit dans le Livre de Vie’’, il affirme que quelque part il y a une tension qui se crée pour nous entre notre inscription dans le livre de Vie pour chacun d’entre nous, et notre nature originelle, notre liberté originelle.
Est-ce que c’est compliqué à comprendre ? A comprendre avec sa tête, oui : c’est très compliqué. Mais est-ce que c’est compliqué à faire ? Non, à faire, c’est très facile [ c’est Nietzsche qui serait content ! ].
C’est pour cela que Jésus ne dit pas : ‘‘comprenez ceci en mémoire de moi’’, Il dit : ‘‘faites ceci en mémoire de moi’’. C’est un travail divin. Le sur-homme est écrasé ! Il ne s’agit plus de sur-homme : c’est vraiment le Dieu vivant en nous, c’est le Messie.

Et c’est vraiment quelque chose qui est étonnant.
Alors la mémoire s’exerce en moi quand je conjoins en moi l’inscription de mon corps originel en mon corps spirituel terminal dans mon corps actuel. Voilà comment je fais mémoire de moi, de ce qu’il y a de plus profond en moi, et que je retrouve ma liberté, que je fais tout exploser. Tout le reste ne sert à rien. Le point de vue de la liberté, c’est cela : la liberté profonde de l’homme, la liberté vivante de l’homme, la liberté spirituelle de l’homme, la liberté profondément humaine et profondément divine, il faut bien le dire, en même temps…
Jésus dit : ‘‘faites cet acte de liberté en l’inscrivant au dedans de ma propre liberté à moi’’. Corporellement, il faut sentir comment Jésus vit continuellement cet instant initial de son incarnation, dans le Respectus qu’Il a vis à vis de son incarnation grâce à la foi de Marie, et en même temps son accomplissement dans le mystère du Pain de Vie et dans la gloire éternelle. Quand Jésus s’est incarné, Il a assumé tous les temps et tous les lieux, et en particulier celui de l’Assomption terminale de tout, et donc quand Il vit, Il fait mémoire de cela. Il ne peut pas faire mémoire de Lui sans faire mémoire du Royaume de Dieu, de la Jérusalem glorieuse qu’Il s’intègre et qu’Il assume en Lui-même. Au fond dans l’eucharistie c’est très simple, c’est le passage du corps mystique de Jésus au corps mystique de la Jérusalem glorieuse.

Chaque mystère du Rosaire réalise une nouvelle assomption. Cette fois-ci, elle est extraordinaire : parce que mon corps, quand Dieu me crée, est complètement assumé par mon âme, par ma vie intérieure spirituelle et ma contemplation et mon amour profondément spirituel du premier instant…
Si je retrouve la grâce, la vie divine surgit bien de là-dedans : elle surgit de mon unité entre l’esprit vivant et mon corps ; elle ne surgit pas dans mon âme psychique ( les grâces qui viennent dans mon âme psychique, ce sont des énergies, c’est tout, ce n’est pas la grâce ). La grâce, la participation à la vie divine, vient s’inscrire dans l’unité substantielle de ma vie contemplative parfaite et mon amour vraiment profondément spirituel, dans, à travers, et uniquement à travers l’unité substantielle avec mon corps fabriqué de chair et de sang. C’est de là-dedans que surgit la vie divine de la grâce sanctifiante ; or cette grâce sanctifiante vient assumer l’unité de mon âme et de mon corps : voilà la seconde assomption. La troisième assomption s’entrevoit en ce que la grâce elle-même est assumée par Marie (Marie est la plénitude de grâce, je suis une goutte dans l’océan de l’Immaculée Conception pleine de grâce). Elle-même est assumée par le Christ en sa grâce capitale ; et ici, le Christ en son unité assumée avec l’Immaculée Conception et toutes grâces données et reçues se laisse assumer par … l’Eucharistie !
L’Eucharistie sera assumée à son tour par le mystère de la Résurrection, et la Résurrection par la très sainte Trinité. Voilà toutes les assomptions qui sont dans l’eucharistie. Cette cascade d’assomptions est le fruit de l’acte de foi nouveau que Marie produit, et qui s’accomplit en Jésus se rendant présent dans l’institution de l’eucharistie. Voilà le travail qui a été demandé à l’Immaculée et à tous les disciples de Jésus pour produire véritablement le Retournement eucharistique.
Alors là, tout est clôturé : il ne reste plus à Jésus, une fois qu’Il a réalisé cela, qu’à se livrer.

« Ceci est mon Corps : livré »

Alors Marie sera attachée et les disciples aussi seront attachés à ce qui nourrit Jésus, ce qui fait plaisir à Jésus, ce qui fait la volonté de Jésus ce qui fait la béatitude de Jésus : c’est se nourrir vraiment de Lui dans son Alpha, dans son Omega, et dans toutes ses dimensions, et ne pas être attaché à Jésus tel qu’Il se voit. Voilà le détachement absolu qui doit s’opérer : Jésus se détache. Cela n’est possible que parce qu’Il doit opérer un troisième retour, un quatrième retour, un cinquième retour : le retour du Messie, le retour du Christ, et pour que le Christ puisse établir son retour, il faut qu’Il s’en aille, et Il va s’en aller en étant livré comme Agneau, en allant jusqu’au bout de ce mystère d’oblation de la Minchah.

Un dernier point : pourquoi est-ce que ces assomptions dans l’eucharistie vont jusqu’à la très sainte Trinité ? Je crois qu’il faut que je vous le dise au moins une fois.

A partir du moment où Jésus a multiplié les pains ( du chapitre 6 au chapitre 11 de l’Evangile de saint Jean ), Il va dire 33 fois : ‘‘Ego Eïmi’’( en hébreu : ‘‘Eihèh’’ ), ce qu’Il avait dit à Moïse dans le buisson ardent, ‘‘Je suis Celui qui suis (‘‘Eihèh asher Eihèh’’ ) … Il va le dire 33 fois :
Je suis
Je suis la Lumière du monde
Je suis le Fils de Dieu
Je suis la Porte
Je suis le bon Pasteur, le Berger des brebis
Je suis la Résurrection
Je suis le Pain de Vie
Et dans l’eucharistie, nous allons pouvoir vivre de ces sept Présences vivantes du Dieu vivant créateur de tout ce qui existe, et c’est une des belles choses du mystère de l’eucharistie.
Quand Il dit : ‘‘Je suis la Porte’’, cela veut dire que quand nous vivons de l’eucharistie, nous devons offrir, en nous enfonçant nous-mêmes dedans, la blessure du cœur de Jésus jusque dans le sein de Dieu le Père. La porte, c’est la blessure du cœur. Je signale cela, parce qu’ayant institué l’eucharistie, il faut qu’Il devienne la porte en allant jusqu’au bout du mystère de son incarnation. La blessure du cœur doit être offerte à Dieu le Père, dans le sein de Dieu le Père, par l’eucharistie, par appropriation et par anticipation.
Quand Il dit : ‘‘Je suis le bon Berger’’, cela veut dire que nous offrons toutes les brebis de Jésus. Toute la Jérusalem glorieuse, nous la prenons dans l’eucharistie et nous l’offrons et l’enfonçons dans le sein de Dieu le Père pour réaliser la manducation eucharistique en même temps que la manducation de Dieu le Père vis a vis du Pain éternel de Vie.
De même pour les autres ‘‘Je suis’’ de Jésus.
‘‘Je suis le Pain de Vie’’ a pourtant quelque chose de très particulier parce qu’Il est directement explicite du cinquième mystère lumineux : ‘‘Eihèh Lehem, Je suis le Pain de Vie’’. Jésus révèle ici qu’à travers le pain vivant dont nous nous nourrissons, nous allons être assimilés à la très sainte Trinité elle-même : pas seulement à Lui, Jésus, pas seulement au Messie, pas seulement à Son corps mystique vivant et éternel : nous allons être assimilés à la très sainte Trinité.

‘‘Je suis’’ désigne toujours Dieu Lui-même. Et Dieu dans toute sa force, va prendre toute sa force dans une nourriture : la Parole de Dieu est une nourriture, le Verbe de Dieu est une nourriture, le Verbe du Père est une nourriture…

Pourquoi ? Dieu se nourrit de Sa contemplation (quand vous contemplez, vous assimilez, vous dévorez, vous vous nourrissez spirituellement) ; à l’intime de Dieu, Dieu contemple Dieu (quand vous contemplez, vous assimilez ce que vous contemplez et vous en vivez). C’est ce que fait Dieu : le Père contemple et se nourrit du Dieu vivant, Il Le contemple, Il L’assimile, Il en vit. Et Lui, le Verbe de Dieu (le Verbe incarné aussi, mais le Verbe de Dieu avant la création du monde) est la nourriture de Dieu le Père. Combien de fois Jésus a-t-il dit cela aux apôtres ? Il révèle ce qu’Il est dans la très sainte Trinité, comme Dieu vivant. Et du coup, comme le Père assimile le Dieu vivant et qu’Il vit du Dieu vivant, du coup il n’y a plus que la vie en Dieu : c’est l’Esprit Saint. ‘‘Je suis le Pain de Vie’’, les trois Personnes en une seule hypostase sont ici manifestées en cette formule saisissante.
Jésus institue l’Eucharistie parce qu’il vaut mieux vivre de la très sainte Trinité que de l’amour humain de Jésus. Certes il faut passer par ceux que Dieu a uni : alors nous pourrons nous nourrir de l’amour de Jésus jusqu’à la très sainte Trinité.
Etant donné qu’il y a le péché, il faut que Jésus aille pour cela jusqu’au mystère de la croix pour nous le donner tout à fait jusqu’au bout de toutes les déchirures opérées par le péché.
La disposition au cinquième mystère lumineux consiste à revivre la ferveur immaculée de l’Immaculée Conception dans notre ferveur immaculée originelle et dans notre ferveur finale. Nous demandons à Marie qu’il y ait cette liberté. Le Pape n’a pas dit quelles étaient les dispositions à chacun des mystères. Nous allons en proposer un.

Le voilà : ‘‘faites ceci en mémoire de moi’’, c’est Jésus qui nous l’a dit !
Nous le ferons, et nous le ferons tout de suite. Et comment le ferons-nous ? Pourquoi ne pas commencer par cette prière portugaise présentée tout à l’heure ? C’est tout à fait cela ; nous avons été créés pour cela ; pourquoi avons-nous été créés ? Pour faire cela : comme il est doux, bon et beau de savoir que nous avons été créés pour faire le travail eucharistique !
Le fruit du mystère, je pense que nous l’avons compris, consistera à pouvoir inscrire toute l’éternité dans notre temps. Le fruit du mystère : recevoir la très sainte Trinité et sa gloire dans notre temps. Etre les récepteurs du Monde Nouveau. Le fruit de l’eucharistie s’obtient en cette capacité d’assimilation qui va jusqu’à la très sainte Trinité : une capacité d’accueil, si vous préférez. Le fruit du mystère, c’est donc l’accueil sans limite de tout ce qui est éternel et de tout ce qui est créé, dans toute la gloire de Dieu. C’est un mystère d’accueil, d’assimilation qui produit une grande Paix, une grande Joie : celle de Dieu.
« Désormais, le Fils de l’Homme est glorifié »
Dès lors, il ne nous restera plus qu’à essayer de voir comment Jésus et l’Immaculée vont vivre les mystères douloureux et glorieux avec cette simplicité, cette gratitude, cette allégresse, cette action de grâce tout à fait propre à la Lumière de l’Eucharistie. Tous les mystères douloureux seront vécus dans cette action de grâce de Jésus pour Marie et pour ce qui est Sien.
Voilà pourquoi un chrétien, dès qu’il est dans un mystère douloureux, est toujours dans l’action de grâce. Si vous voyez quelqu’un qui est dans un mystère douloureux sans être dans l’action de grâce, c’est qu’il n’est pas pleinement chrétien.


Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous,
Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort.

Amen