La flagellation / deuxième mystère douloureux

‘‘Jésus dit ‘oui’ face au ‘non’ de nos premiers parents du jardin d’Eden. Ce qui doit lui en coûter d’adhérer à la volonté du Père apparaît dans le mystère suivant de la flagellation. Dans cette abjection se révèle non seulement l’amour de Dieu, mais le sens même de l’homme.’’

Nous allons méditer ce mystère avec l’aide de Dieu.
Il n’est pas le plus difficile à méditer,
parce que nous sommes immédiatement concernés :
Qui n’a pas péché dans la concupiscence de la chair ?
Et même si nous n’avions pas péché, cette concupiscence est là.
Nous sommes donc directement concernés.
La disposition profonde à la compréhension de ce mystère : retrouver une virginité intérieure du cœur, comme une lumière à l’intérieur de quelque chose de très profondément obscur, qui resplendisse jusqu’à l’extérieur de nous :

A travers la différenciation sexuelle qui est la nôtre (masculinité ou féminité), que cette virginité soit tellement lumineuse que nous percevions très nettement qu’elle éclaire jusqu’au fond de l’univers ; telle est la nature normale de l’homme : une maîtrise absolue de l’univers grâce à cette loi de la nature qui fait que nous sommes homme ou femme ; le fait d’accepter d’être homme et d’accepter d’être femme fait que nous atteignons une maîtrise totale sur le cosmos, sur l’univers, et sur toutes les lois de la nature.
La requête, ou la revendication, de vouloir s’approprier par concupiscence les choses, détruit complètement toute notre force, toute notre corporéité, toute la signification du corps, toute l’image ressemblance de Dieu qui est en nous. Une revendication de ce genre ( du type :‘‘moi, j’ai besoin de me sentir avec quelque chose de doux dans mes bras’’…) manifeste une profonde destructuration :

Elle indique que la différenciation sexuelle de notre corps n’est plus revêtue de cette très profonde lumière qui devrait illuminer notre béatitude, notre innocence, notre immunité et notre puissance d’amour de manière incarnée, comme un ‘sacrement’, un signe de la vérité sans limite et de l’amour sans limite de Dieu ; nous qui sommes image-ressemblance de Dieu, nous allons, à cause de cette revendication de la concupiscence, en direction de l’image ressemblance d’Asmodée et de l’enfer.
L’enfer est comme cela, il revendique : ‘‘j’ai besoin de cela, j’ai besoin de sentir…’’ ; cet appel du corps est le premier châtiment du péché contre la chair.
Si nous ressentons très fort ces nostalgies, c’est normal, si nous avons péché.
Il serait anormal, si nous avons péché, que nous ne les éprouvions pas.
Mais ne nous appuyons plus sur ces revendications pour nous révolter contre Dieu parce qu’Il a établi une loi contraire à ces tendances en réalité contre nature ! Nous comprendrons aisément que si nous ne respectons pas une loi d’une machine qui fonctionne mal, nous n’avons aucune revendication à avoir contre son créateur (si je mets de l’eau dans un moteur et que le moteur explose, je ne vais quand même pas me retourner contre le constructeur qui m’avait bien dit de ne pas mettre de l’eau, mais de l’essence).
Le mystère de la flagellation est un mystère qui trouve en nous une disposition immédiate à comprendre : cette disposition est la mortification de tout ce que nous ressentons.
Il faut aller systématiquement dans le sens contraire de nos besoins sensibles, sinon il sera impossible pour nous de retrouver notre immunité béatifiante, notre innocence, notre liberté, notre vérité, ce que nous avons été destinés à être, ce pourquoi nous avions dit ‘oui’ (et qui nous a finalement échappé lors de nos premiers dérapages, par un esprit de séparation de Dieu).
Voilà l’enjeu : ou bien je suis moi-même, ou bien j’ai inversé complètement la signification de ce que je suis, et au lieu d’être image ressemblance de Dieu jusque dans ma chair vivante, je suis une image ressemblance d’Asmodée et des ténèbres infernales, lesquelles s’inscrivent dans une revendication continuelle du ressenti et dans une réduction captative à l’objet de tout ce qui se présente à moi.

« J’ai besoin que quelqu’un m’aime… ? » . Mais c’est pour moi !
« Je n’en peux plus, parce que je n’ai personne… ! » Mais c’est pour moi que je dis cela !

C’est à cause de cela que Jésus a voulu subir sa passion : pour réinverser la vapeur, pour insérer en nous un mouvement divin de recréation de quelque chose de normal.
Nous avions vu la dernière fois que le premier mystère douloureux de Gethsémani, au jardin des oliviers, se termine par l’arrestation. Nous avions vu que la parole de Marie dite à Cana : ‘‘faites tout ce qu’Il vous dira’’, fait le fond des mystères lumineux. De même, ce qui fait le fond des mystères douloureux, c’est Gethsémani : par Gethsémani, nous voyons que Dieu s’inflige Lui-même une passion, qu’Il se livre Lui-même à un châtiment qui dépasse toutes les forces humaines quand bien même ces dernières seraient associées à la force, la puissance, la ferveur et le soutien de la grâce divine : impossible aux forces humaines d’y résister.
Gethsémani, l’agonie de Jésus, est le fond des cinq mystères douloureux.
Cette agonie de Jésus l’a réduit à un état que nous ne pouvons même pas décrire, que nous essaierons sans cesse de pénétrer.
Ce que nous avions médité la dernière fois (et c’est à partir de là que nous allons partir sur la flagellation), c’est qu’humainement, même avec la très grande force d’amour divin, de lumière surnaturelle, d’infaillibilité en cette force intérieure physique et affective qui était celle de Jésus, Il ne pouvait pas résister à la tentation. Avec ces forces presque infinies d’amour, de lumière et de vie surnaturelle, nous aurions beau être détruit, broyé, nous serions toujours régénérés pour pouvoir souffrir davantage ; mais Jésus à l’agonie a souffert des millions de fois, et pourtant, même avec ces forces vives, Il aurait pu ne pas pouvoir supporter s’Il n’avait pas renoncé à son désir d’être seul à souffrir (nous avions vu cela : la tentation, la coupe, l’heure).
Pourquoi est-ce au-delà des forces humaines ? Parce que en nous inscrivant, chacun d’entre nous, à l’intérieur d’un péché bien spécifique, bien concret (en disant : ‘‘oh, le Bon Dieu, on verra après, laisse-moi quand même dix minutes pour faire mon péché, et après je reviens’’), à chaque fois, nous avons franchi la frontière de notre monde, de notre temps, du régime de la terre sur laquelle nous marchons, nous y avons inscrit notre péché, et en même temps nous nous sommes désinscris, pour ainsi dire, de l’endroit où nous Dieu nous a établis et inscrits dans le Livre de vie de l’éternité, lequel est complètement en dehors du temps. Et cela, l’homme ne peut pas le réparer : un châtiment surhumain (le plus terrible qui soit) ne pourrait pas réparer cela, et un châtiment sur l’homme même fortifié de forces divines ne pourrait pas réparer cela. Seule le pouvait une souffrance qui pénétrât dans l’éternité de la Personne de Dieu Lui-même : c’est pour cela que la souffrance de Jésus a dépassé littéralement tout ce qu’il est possible à un homme de souffrir, même avec une puissance quasi infinie de résistance à l’agonie, à l’angoisse, et à la mort. Toutes ses forces humaines, même divinisées en surabondance de grâce, ne Lui suffisant pas pour résister (et cela explique la production de l’angoisse que nous avons vu se révéler en Lui), Il avait besoin d’une force divine venue d’ailleurs, différente… Il avait besoin des apôtres, et Il les en a supplié. Il avait besoin de quelque chose qui vienne de Dieu et qui soit tout à la fois porté par quelqu’un d’autre que Lui dans la complémentarité de l’amour ; c’est ce qui fit que l’agonie fut un mystère de Marie.
Nous avons vu aussi la deuxième raison donnant à cette souffrance de l’agonie son caractère insupportable : Jésus y a également résisté. Il a pu en écartant Satan passer à travers cette tentation qui venait de ce qu’étant assimilé à tous les êtres humains auxquels Il s’était unis d’une unité de chair et de sang, de cœur, d’esprit et de grâce, il fallait qu’Il accepte la volonté du Père à leur sujet : c’est Lui qui devait juger les vivants et les morts. Il faudra bien qu’Il se manifeste un jour, pour manifester que la liberté des hommes est absolue face à la liberté de Dieu : c’est ce qui créera l’Enfer, la damnation éternelle. Jésus est Juge, et Il voulut se faire victime à la place de ceux qui se condamnent eux-mêmes à la réprobation éternelle, pour atténuer ce qu’il y a de véritablement totalement insupportable, divinement parlant, dans la réprobation éternelle, le prenant sur Lui par miséricorde (ce qui est impossible aux puissances humaines)… Là encore, Il avait besoin d’un secours très spécial Saint Esprit.

Maintenant Jésus est arrêté.
L’Immaculée a accepté d’être donnée de manière totalement nouvelle dans cette agonie, pour participer à cette agonie en contribuant à donner à Jésus cette force venue pour ainsi dire de l’éternité : d’agoniser jusqu’à la fin du monde.
Quand les brigands arrivent, quand les soldats arrivent, quand Judas arrive, Jésus se lève en disant : ‘‘qui cherchez vous ?’’. C’est beau de sentir en Lui cette force nouvelle et extraordinaire :
‘‘Qui cherchez-vous ?’’
– Nous cherchons Jésus de Nazareth !!!
– C’est moi.
Quand Il eut dit : ‘‘c’est moi’’, ils tombèrent par terre.
Pendant ce temps, Jésus a le temps de parler avec ses apôtres, ses disciples ( ça a l’air d’aller mieux, vous comprenez : Il est sorti de l’angoisse ; par notre communion à l’agonie de Jésus, Il peut aller jusqu’au bout de la rédemption du monde ; Il ne le fait pas sans nous, en somme et c’est cela le mystère de Gethsémani).
Ils se relèvent, Judas L’embrasse et ils se précipitent sur Lui, non sans retomber une seconde fois par terre.
La tradition dit qu’ils restèrent par terre environ une demi-heure.
Je trouve qu’ils sont dépourvus de toute Crainte de Dieu tout de même !
Ils se relèvent, Jésus demande une troisième fois :
‘‘Qui cherchez-vous ?’’ et, au lieu de répondre de manière très agressive, ils disent cette fois très doucement : ‘‘Jésus de Nazareth’’.
Et dès qu’Il s’est laissé prendre et enchaîner, ils furent d’une brutalité, d’une cruauté absolument infernale. A partir de ce moment-là, de minuit jusqu’à trois heures de l’après midi du surlendemain, pendant plus de trente six heures, Il s’est laissé soumettre à des traitements de torture continuels. Par la même permission divine que celle qui avait été donnée à l’agonie de Jésus, les chefs des prêtres, le sanhédrin, les fils d’Israël, ont été investis d’une puissance infernale de rage qui les dépassait complètement : ils se sont jetés sur Lui.
Notons ici que c’est la jalousie qui a causé cela en eux. Ils savaient bien que Jésus était le Messie, mais Il était tellement au dessus d’eux qu’ils avaient l’air idiots : voilà ce que leur jalousie n’a pas pu supporter. La religion était concupiscence en eux : un pouvoir leur avait été donné ; ils se sentaient bien avec la religion, mais sans qu’ils s’en soient rendus compte, leur concupiscence en avait fait une religion d’hommes pervers et charnels.
C’est pour cela qu’ils vont le condamner.

Jésus va passer d’abord chez Anne, puis chez Caïphe ; des hordes de brutalité vont se déchaîner contre Lui… Il n’est pas utile de les décrire tant elles furent horribles.
Il m’est arrivé d’avoir eu le malheur d’en donner quelques petits détails en chaire quelquefois… Cela s’avérait imprudent, parce que les gens ne supportent pas la vérité.

Voyez ce crucifix : il a vingt-quatre gouttes de sang représentées sur six endroits différents : les pieds, les genoux, les mains, le cou et la tête. Des personnes m’ont dit : ‘‘mais c’est horrible d’avoir un crucifix comme celui-là !’’.

Or, il n’y a pas eu vingt-quatre gouttes de sang !
Bien sûr que non.
A chaque comparution, ils étaient en moyenne cinquante à cent soldats pour le torturer devant ceux qui le faisaient comparaître, pour le frapper continuellement, avec des coups de bâtons, des piques et des pointes… c’était effrayant, sans compter bien sûr ce qu’ils faisaient sur Lui et que nous n’osons pas décrire pour garder la mesure d’une certaine pudeur.

Il faut pourtant que nous sachions au moins quelques petites choses sur la flagellation, même s’il y a eu beaucoup plus que ce que nous pouvons en révéler….

Qu’au moins je sache qu’à chaque fois que j’ai une pensée de revendication, un désir même d’avoir quelque chose qui corresponde à ce que je ressens comme un besoin affectif, je suis directement impliqué dans cette rage contre le corps de Jésus et je m’inscris moi-même au cœur de cet acharnement.
Il faudrait, en méditant ce mystère, être décidé à pratiquer systématiquement la mortification de la sensibilité, pour rebrousser chemin, redevenir homme, redevenir femme, et redevenir image ressemblance de Dieu, redevenir authentique, retrouver son cœur.
Les chefs des prêtres étaient tellement convaincus qu’il fallait qu’Il meure qu’à chaque fois ils soudoyaient les soldats, leurs brigands et leurs archers pour qu’Il meure tout de suite ; c’est pourquoi Jésus fut continuellement brutalisé avec cette intention de procurer la mort.
Plus on avançait vers la crucifixion, plus ils s’acharnaient.

Lorsque Jésus sortit de chez Hérode par exemple, Hérode l’a livré à une centaine de ses soldats qui se sont acharnés sur Lui avec une brutalité impossible à décrire. Il a fallu un secours prodigieux du ciel pour qu’Il ne meure pas.
Le mystère de la flagellation dans le rosaire, vient tout de suite après Gethsémani, alors qu’énormément de choses se sont passées entre Gethsémani et la flagellation. La flagellation a été décidée plutôt à la fin de ces comparutions qui durèrent toute la nuit et dans la matinée ; les tortures ont été continuelles ; ils ne se sont pas arrêtés ; Judas s’est pendu ; saint Pierre a renié ; Jésus est passé d’Anne à Caïphe, du Sanhédrin à ses hordes, et à nouveau au Sanhédrin, puis à Pilate, Hérode, Pilate, ses hordes de tortionnaires, Pilate encore une fois ; et à chaque fois, des ruades de tortures, chacun s’ingéniant à trouver un supplice différent.

Vous savez ce que dit Jésus à sainte Brigitte : ‘‘J’ai reçu dans mon corps 5480 plaies’’.
J’ai fait le calcul tout à l’heure : cela fait trente plaies par centimètre de hauteur….
Nous allons en regarder quelques unes.
Ponce Pilate était tout à fait conscient que Jésus était innocent, il en avait la certitude. Sa femme avait été éclairée par Dieu dans la nuit, elle avait été gratifiée d’une vision céleste lui révélant toute la vie de Jésus. Elle devint une grande chrétienne plus tard, et fit dit-on partie de la communauté qui entourait saint Paul. C’est grâce à elle que sont rapportées mot à mot les conversations entre Pilate et Jésus dans les chapitres 18 et 19 de l’Evangile de saint Jean. Pilate avait vraiment promis à sa femme qu’il L’innocenterait, puisqu’Il était innocent…
Mais il se laissa aller à l’exaspération ( drôle d’échec pour un Stoïcien comme lui ! ).
Il fit comparaître Jésus à trois reprises, et, finalement, il l’a livré à son tour à la torture, à la flagellation… Tout de suite après, Il l’envoie au Golgotha pour être cloué sur une croix.

A la fin de toutes les formes de tortures que l’on avait pu imaginer, de toutes les formes de haine que l’on ait pu produire contre un homme, de toutes ces humiliations, qu’arrive la flagellation.

‘‘Pilate (...) ordonna de flageller Jésus à la manière des Romains.’’

Ce texte sera excellent à lire à chaque fois que nous aurons la moindre tentation de concupiscence ; il faudrait l’avoir accroché avec une punaise dans chacune de nos chambres ; à chaque tentation, à chaque nostalgie (‘‘j’ai envie de me faire plaisir ; j’ai envie de dormir avec un grand nounours bien doux’’) … lire d’abord ces lignes!
‘‘Les archers, frappant et poussant Jésus avec leurs bâtons, le conduisirent sur le forum à une colonne où se faisaient les flagellations.’’
Dans le Nouveau Testament, nous ne trouvons aucune description ; il est juste dit : ‘‘il le livra à la flagellation’’. Nous levons donc le voile à partir de descriptions qu’en donnent les différents livres et traditions apocryphes très vénérables.
‘‘Les exécuteurs étaient six : hommes bruns, plus petits que Jésus, aux cheveux crépus et hérissés, à la barbe courte et peu fournie. Comme des bêtes sauvages ou des démons, ils paraissaient à moitié ivres. Ils frappèrent le Sauveur à coups de poing, le traînèrent avec leurs cordes, quoiqu'il se laissât conduire sans résistance, et l'attachèrent brutalement à la colonne. On ne saurait exprimer avec quelle barbarie ces chiens furieux traitèrent Jésus en le conduisant là. Jésus tremblait et frissonnait, se soutenant à peine. Pendant qu'ils le frappaient et le poussaient, il pria, et tourna la tête un instant vers sa mère, qui se tenait, navrée de douleur, dans le coin d'une des salles. Il dit en se tournant vers la colonne pour cacher sa nudité : ‘‘Détournez vos yeux de moi’’. Je vis que Marie tomba sans connaissance. Jésus embrassa la colonne avec amour ; les archers lièrent ses mains élevées en l'air derrière l'anneau de fer, et deux de ces furieux, altérés de son sang, commencèrent à flageller son corps sacré de la tête aux pieds. Les premières verges dont ils se servirent semblaient de bois blanc très dur ; peut-être aussi étaient-ce des nerfs de bœuf ou de fortes lanières de cuir blanc. Le Fils de Dieu frémissait et se tordait comme un ver sous les coups de ces misérables ; ses gémissements doux et clairs se faisaient entendre comme une prière sous le bruit des verges de ses bourreaux. On entendait le bruit des fouets, les sanglots de Jésus, les imprécations des archers et le bêlement des agneaux de Pâques. Quelques archers des Princes des Prêtres s'étaient mis en rapport avec les bourreaux, et leur donnaient de l'argent. On leur apporta aussi une cruche pleine d'un épais breuvage rouge, dont ils burent jusqu'à s'enivrer. Au bout d'un quart d'heure, les deux bourreaux qui flagellaient Jésus furent remplacés par deux autres. Le corps du Sauveur était couvert de taches noires, bleues et rouges, et son sang coulait par terre ; il tremblait et son corps était agité de mouvements convulsifs ; injures et moqueries se faisaient entendre de tous côtés. Le second couple de bourreaux tomba avec une nouvelle rage sur Jésus ; ils avaient une autre espèce de baguettes : c'étaient comme des bâtons d'épines avec des nœuds et des pointes. Leurs coups déchirèrent tout le corps de Jésus ; son sang jaillit à quelque distance, et leurs bras en étaient arrosés. Jésus gémissait, priait et tremblait. De nouveaux bourreaux [c’était une nouvelle équipe de deux] frappèrent Jésus avec des fouets : des lanières, au bout desquelles étaient des crochets de fer qui enlevaient des morceaux de chair à chaque coup. Leur rage n'était pourtant pas encore satisfaite : ils délièrent Jésus et l'attachèrent de nouveau, le dos tourné à la colonne. Comme il ne pouvait plus se soutenir, ils lui passèrent des cordes sur la poitrine, sous les bras et au-dessous des genoux, et attachèrent aussi ses mains derrière la colonne. Tout son corps se contractait douloureusement : il était couvert de sang et de plaies. Alors ils fondirent de nouveau sur lui comme des chiens furieux. L'un d'eux tenait une verge plus déliée, dont il frappait son visage. Le corps du Sauveur n'était plus qu'une plaie ; il regardait ses bourreaux avec ses yeux pleins de sang, et semblait demander miséricorde ; mais leur rage redoublait, et les gémissements de Jésus devenaient de plus en plus faibles. L'horrible flagellation avait duré près de trois quarts d'heure.’’
Le Bon Dieu a permis que ce soit la dernière flagellation (et non pas les deux premières) qui soit marquée sur le suaire.
Nous savons exactement la hauteur de ces deux sauvages. Nous savons de façon scientifique que les fouets étaient à trois lanières, et ils se terminaient par un petit crochet en fer, cerclées de petites boules en plomb. Les boules en plomb avaient pour but de labourer en plus grande profondeur l’ensemble de la surface déjà déchirée de toute la peau de Jésus, et les crochets avaient pour but de s’insérer dedans et de déchirer des lambeaux de chair qui se dispersaient partout autour de la colonne.
Jésus, à chaque coup qu’Il recevait, priait et remerciait. L’Eucharistie et Gethsémani donnent à tous les mystères douloureux leur fond intérieur : Jésus remercie à chaque coup, et à chaque coup rassemble de manière encore plus profonde dans sa communion avec tous ses élus, un amour de reconnaissance qui puisse atteindre le fond du cœur de ceux par qui Il reçoit ces plaies.
Toute la flagellation, c’est cela.
Contempler le côté extérieur de la flagellation, de la passion ne suffit pas : il faut aussi contempler le mystère ; Jésus veut donner les trésors de Dieu à travers sa flagellation ; il faut donc aller jusqu’à la contemplation du mystère :
Pour le démon, une chair humaine normale, un homme qui dans la signification sponsale de son corps masculin ne vit pas l’inversion qu’il a établie depuis l’origine grâce au péché originel, est insupportable.
Il fallait donc que sa rage détruise jusqu’au moindre millimètre carré de cette chair.
Il ne faut se faire aucune illusion ; la Parole de la sainte Ecriture est parfaitement claire : il n’y a pas un morceau de Sa chair qui n’ait été entièrement déchiré.
Voilà pourquoi il était impossible de voir s’il était même un être humain, à ce qu’en décrit dit Isaïe le prophète, celui qui a vu prophétiquement la passion du Serviteur souffrant et sa flagellation, et qui la décrit dans l’Ancien Testament (52, 14) : il était si défiguré qu’on pouvait se demander s’il s’agissait d’un être humain tant il était ravagé, transformé en plaie. Expression unique vraiment extraordinaire de l’Ecriture.
Une fois entièrement déchiré ainsi, il fallut à Jésus un secours divin extraordinaire, une ressource nouvelle.
N’oublions pas cette union profonde en son divin amour avec l’Immaculée Conception, pour la régénération de toute l’humanité…
Je vois en effet mal qu’il n’y ait pas une régénération continuelle de sa chair à l’intérieur de cette flagellation, pour une souffrance encore plus vive dans les coups suivants. Il faut voir lucidement la rage de Lucifer face à un corps virginal, masculin, chaste, entièrement image ressemblance de Dieu : il fallait qu’il n’en reste rien.
En ce sens, nous devons contempler, nous devons regarder en face le côté extérieur de la flagellation, parce que les fautes qui en nous relèvent de la chair et font que nous perdons notre virginité spirituelle, impliquent également cet aspect extérieur de la chair.
Quel est celui qui peut dire, s’il n’a pas été chrétien pendant un certain temps de sa vie et s’il n’a pas été préservé par un miracle de la grâce de Dieu puisé dans le mystère de la flagellation que nous scrutons aujourd’hui, quel est celui qui peut dire qu’un seul centimètre de sa peau n’a pas péché quant à la concupiscence ?
La chasteté s’y révèle tout à fait nécessaire pour que nous puissions retrouver notre identité dans la différenciation sexuelle. Il faudra pour cela accepter de contempler ces plaies, cette flagellation, en comprenant qu’à chaque fois que j’ai une pensée qui prend la direction de la concupiscence, à chaque fois je m’inscris concrètement dans l’un de ces coups furieux qui s’incrustent et arrachent du dedans la chair de Jésus. Il faut savoir que c’est la vérité : le jour du jugement, nous le verrons en face, nous le verrons clairement, nous le verrons en présence de tout le monde, et il n’y a pas lieu de s’en cacher aujourd’hui.

Voilà pourquoi il faut considérer lucidement ce que Jésus subit à cause de nos fautes dans l’ordre de la chair.

Il ne faut pas dire qu’Il a vécu cela en raison des fautes de toute l’humanité, moi même n’étant compté que dans l’immense masse des hommes : non !!
Jésus a subi cela pour chacun d’entre nous ; pour chacun Il a subi cela : Jésus comme rédempteur a vécu toute sa passion pour chacun de nous. N’oublions jamais : Jésus est Dieu, Il est mon Créateur, Il est mon rédempteur et Il est mon re-créateur.

Entrons donc dans la contemplation du mystère lui-même.

Tout d’abord, rappelons : le mystère de la flagellation est un mystère de Marie…
Je dirais, premièrement, qu’il était évidemment impossible selon les lois de la nature et même de la grâce, à Jésus de subir sans mourir ces traitements de la flagellation telle qu’Il l’a subie, de manière complètement illégale, sans Marie.
Sans Marie, il n’y aurait pas eu cette régénération continuelle de sa chair dans une origine qui se renouvelait tout le temps pour lui redonner une nouvelle chair passible : il fallait qu’Il aille jusqu’à la mort de la croix.

Le premier axe du Mystère consiste donc en cette relation de communion profonde entre Jésus masculin rédempteur, et Marie dans sa chair de femme.
Remarquons bien qu’il y a là quelque chose de grand et de beau.
Jésus est flagellé selon la loi romaine et doit être dépouillé de tous ses vêtements.

D’après la tradition, Marie était là, elle l’accompagnait à distance.
C’est une tradition c’est vrai ; mais nous trouvons aussi dans l’écriture : ‘‘détourne de moi tes yeux, ne me regarde pas’’ ( Isaïe 22,4 ; C.des C. 6,5 ).
Marie a dû détourner ses yeux de la nudité de Jésus pour pouvoir vivre cette flagellation dans l’abandon. Jésus avait besoin que Marie détournât ses yeux pour que la signification sponsale du corps de Marie, du corps de l’Immaculée Conception comme femme, lui soit redonnée dans la signification sponsale de son corps divin.
Contempler, méditer ce mystère-là est très délicat, parce que nous avons totalement perdu l’expérience de l’homme masculin et de son rapport avec la femme, et de cette communion des personnes dans la différenciation. Méditer le mystère de la flagellation est très délicat parce qu’il se passe entre Jésus et Marie quelque chose dont nous n’avons pas l’expérience.
Nous en avons en partie l’expérience dans le sacrement de mariage lorsque la grâce de l’image ressemblance de Dieu s’empare du dedans de nous en plénitude jusque dans la chair par la mise en place de la signification sponsale du corps, dans l’innocence originelle retrouvée, surnaturellement recréée dans l’immunité principielle et béatifiante du corps.
Nous en faisons parfois l’expérience dans le sacrement de mariage s’il est vécu dans la plénitude de la grâce sanctifiante, pour ceux qui sont baptisés (sinon c’est strictement impossible : nous n’en avons même pas l’expérience imaginaire ; nous pourrions tout au plus en faire des approches symbolico-ésotériques, lesquelles ne sauraient prétendre à toucher l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit dans la différenciation sexuelle et dans la signification du don).
Dans ce mystère de la flagellation, il faut découvrir cette recréation par Jésus et Marie d’une nouvelle origine béatifiante, d’une nouvelle immunité, d’une nouvelle innocence du corps de l’homme et de la femme.
Sans Marie, Jésus ne pouvait pas le faire.
Il faut que Marie soit préservée et que Jésus soit entièrement détruit dans l’extériorité de son corps (tout ce que le corps peut ressentir sur le plan charnel doit être détruit).
Et il fallait que les deux vivent cela dans une communion totale, physique, corporelle, pour recréer ensemble une nouvelle origine où l’homme ne soit plus tenté de revenir en arrière, dans la nostalgie du paradis terrestre, dans l’innocence originelle perdue.

‘‘Celui qui a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre pour le Royaume des cieux’’ : retrouver l’innocence originelle du paradis perdu est la tentation principale de l’homme, lorsqu’il se tourne vers les doctrines de l’Anti-Christ.
Il ne faut pas croire que cette tentation n’existe pas. Elle existe.

Mais c’est fini : une nouvelle origine a été créée dans la flagellation du Seigneur.
Comment pouvons-nous essayer d’expliquer cela ?
En contemplant Jésus flagellé et en vivant qu’à chaque coup, Il s’enfonce plus profondément encore dans ce qui illumine le corps préservé, immune, innocent et surnaturellement image ressemblance de Dieu de la femme ; par le fait même, Il exprime un cri de gratitude et d’amour pour celui qui lui vaut ces coups à chaque fois, dans un regard effectif d’amour, de prière, d’action de grâce et d’amour explicite plus grand.
Pour cela, il fallait que Marie elle aussi, à chaque coup, s’inscrive au-dedans du corps de Jésus en s’abandonnant en Lui, en recevant en cet abandon chacun de ses coups, du dedans même du corps de Jésus.
Elle fut donnée à Jésus, pour la rédemption du monde.

Jésus a vécu cette flagellation dans une intense unité sponsale incarnée avec Marie (vous sentez bien que c’est impossible autrement), une unité sponsale de rédemption, une espèce de grand champ d’entraînement du renversement jusqu’à la résurrection, éternellement, du corps de l’homme recréé image ressemblance de Dieu en toutes ses capacités.
Voilà la première chose à regarder pour rester humain en ce mystère ; la flagellation est inhumaine si nous n’en regardons que ce que fit le démon.
Creusons les profondeurs, ayons du cœur et comprenons que c’est bien le cœur qui se révèle dans la flagellation de Jésus, victoire du cœur sur la concupiscence.

Dans le mystère de la flagellation, le cœur de Jésus et le cœur de Marie gagnent une victoire prodigieuse à chaque coup, et jusqu’à la fin du monde.
C’est vraiment un mystère ! Il faut sentir cela, il faut le vivre, il faut le revivre.
Nous pouvons le vivre en nous mettant dans la chair, dans le sein, dans le cœur, dans l’esprit, dans ce qui fait l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit de Marie, de son Immaculée Conception, à chaque fois qu’elle s’abandonne pour vivre dans le corps de Jésus les coups qu’Il reçoit, et en exprimant avec Lui ce cri de gratitude dans une foi toute divine ; un cri exprimant ce qu’elle est : elle est cette immunité surnaturelle incarnée nouvelle et communiquée, grâce à ce que Jésus subit à chaque coup.

Jésus vit cette flagellation dans l’action de grâce, dans la prière, et en communiquant l’amour pour cette même raison.
C’est à ce prix qu’Il peut recréer en nous le monde nouveau d’une liberté normale du corps masculin et féminin, faits pour recevoir toutes les potentialités de la communion des personnes, du Père et du Fils dans l’Esprit Saint. Le corps masculin et le corps féminin ont été faits tels pour être les récepteurs dans l’absolu intime, profond, spirituel et éternel de toute la communion de chacune des Personnes divines l’Une dans l’Autre pour la production du Saint Esprit : nous avons été créés masculins et féminins à cause de cela, et il n’y a pas d’autre raison.
Pour méditer ce mystère, étant donné que cela me dépasse un peu, je vais puiser quelques phrases magnifiques où le Pape Jean Paul II parle de la signification sponsale du corps masculin et féminin. Nous relirons ces passages que nous allons méditer ensemble comme une illustration, comme le support révélé ( l’Eglise ouvrant ici à mon sens une doctrine relevant de l’infaillible ) de ce qui se passe dans la flagellation du Seigneur, dans la destruction de sa chair visible.
Le Pape dit :
‘‘Le corps de l’homme est le sacrement du spirituel et du divin’’.
Le sacrement, c’est à dire le signe sensible et efficace du spirituel et du divin. C’est ce corps-là que ceux qui préfèrent vivre au niveau de la concupiscence veulent détruire, et détruisent effectivement en le broyant.
‘‘Du point de vue de sa corporéité différenciée, l’homme est le signe extérieur visible de l’économie de la Vérité et de l’Amour de Dieu qui ont leur source en Dieu même.’’
Quand nous disons différencié, cela veut dire que le corps est ou bien masculin, ou bien féminin.
Par le fait que nous soyons entièrement accueil, entièrement don (le corps féminin est plutôt attiré dans le point de vue de l’abandon et de la profondeur du don, et le corps masculin plutôt dans l’ordre de l’accueil du don, de la réciprocité, et de l’universalité), notre corps est le signe sensible, le sacrement, de l’économie de la Vérité à l’intérieur de Dieu et de l’Amour à l’intérieur de Dieu, lesquels ont leur source en Dieu Lui-même :
Si nous voulons être dans la vérité et dans l’amour humainement, il faut que nous soyons bien en place dans la santé naturelle normale divine de notre corps masculin ou féminin. Si nous sommes dans la concupiscence, nous sommes exactement dans le sens opposé et nous allons vers l’image ressemblance asmodéenne infernale.
L’homme est le signe de la Vérité divine et de l’Amour divin dont Dieu est la source même en son corps ; non seulement il en est la signification, mais encore il en est l’aspiration. Si nous sommes féminin, si nous sommes masculin, et que nous ne vivons pas à travers ces besoins d’homme et de femme une aspiration de l’Intime de Dieu, c’est que nous sommes complètement perdus, complètement égarés quant au corps ; nous avons été livrés à une certaine réprobation ; nous sommes image ressemblance aspiration d’Asmodée (Asmodée est un des trois princes de l’Enfer, celui qui préside précisément à ce genre de prévarications).
‘‘La sexualité est devenue un obstacle à la communion des personnes’’.
Cet instinct sexuel qui marche dans le sens inverse des lois naturelles du corps (je dis bien : inverse), devient un obstacle à la communion des personnes, à la communion des cœurs, et à la communion avec les Personnes divines aussi. La sexualité est devenue un obstacle, alors que normalement, la différenciation sexuelle n’est pas un obstacle mais une aspiration sans limite à l’intégration de la communion des personnes. Cette inversion, il fallait que Jésus, en union avec Marie, la retourne et la renouvelle complètement par la flagellation.
‘‘La concupiscence empêche de s’identifier avec son corps, non seulement de manière individuelle, mais de manière relationnelle ; alors, on se cache devant l’autre’’.
Celui qui est pris par la concupiscence ne peut s’identifier avec son corps, non seulement sur le plan de ce qu’il est individuellement en sa liberté profonde, mais aussi dans sa relation avec les autres ; c’est ce qui produit la honte ; et c’est pour cela que je me cache devant l’autre : je me cache parce que j’ai honte.
Vu ce que je vis dans mon corps, dans mon instinct, dans mes besoins sensibles, je vois profondément, métaphysiquement, que cela correspond exactement à l’inverse de ce que je suis et de ce qu’est l’autre, et j’ai honte de cela. Voilà pourquoi est apparue la honte de la nudité, et cette honte, non seulement est normale, mais elle est saine ( il ne faut pas lutter contre cette honte-là, puisqu’elle produit la pudeur, et cette pudeur ne pourra jamais être détruite : même au ciel nous serons recouverts de vêtements ; ces vêtements nous ont été tissés par la grande flagellation de Jésus : une grande trame que ce sacrement du corps nouveau de l’homme et de la femme dans la passion recréatrice de Dieu).
Une clé capable de soulever les profondeurs divines de ce mystère pourrait sûrement consister à découvrir tout ce qu’a dit le Pape sur ce thème chaque mercredi pendant six ans, de manière à relire la flagellation du Seigneur dans ce qu’Il a vécu dans son union avec Marie, dans son union avec chacune des trois Personnes de la très sainte Trinité. C’est très beau, c’est très fort :
‘‘L’origine est une immunité principielle et béatifiante contre la honte par l’amour’’.
L’origine : Adam et Eve, ce pour quoi nous avons été créés image ressemblance de Dieu, immaculés … Cette origine-là, dans notre innocence corporelle, masculin et féminin, est une immunité principielle ( principielle suggère une source de rayonnement et de maîtrise de tout le cosmos ) et béatifiante, bienheureuse, dégoulinante de bonheur, qui écarte toute honte par l’amour dans la communion des personnes.
Nous avons été créés comme cela.
Cette origine n’existe plus : elle a été cassée parce que nous avons adhéré à ce que nous voulons éprouver en cette revendication du péché (je parle ici du péché de la chair) ; elle doit être remplacée par une nouvelle origine.
Cette nouvelle origine surgit en ce qui apparaît dans le rapport entre l’homme et la femme dans la rédemption du monde : entre Jésus et Marie dans cette flagellation.
Cette nouvelle origine est instituée dans ce second mystère douloureux.
Voilà pourquoi il est si important de le méditer, nous engloutissant délibérément, profondément dans ce mystère-là, pour y trouver la nouvelle matrice de notre origine : origine de la régénération de notre corps masculin et féminin.
Le corps de Jésus s’unit profondément l’abandon de Marie s’écoulant en Lui du dedans de chaque coup qu’Il reçoit, et la gratitude qu’ils en ont ensemble leur permet de se retrouver dans cette conjonction de toutes les détresses humaines détruites en la signification sponsale de leurs corps : dedans cette rencontre trinitaire, ils créent la nouvelle origine d’une immunité principielle (c’est à dire rayonnant sur tout le cosmos), et béatifiante, écartant toute honte par une nouvelle communion d’amour, ainsi que la redécouverte de notre cœur dans la signification sponsale de notre corps retrouvé en Jésus et Marie, mais cette fois-ci dans une virginité et dans une chasteté surnaturelles très incarnées.
‘‘L’origine est une immunité principielle et béatifiante contre la honte par l’amour’’, par la communion des personnes.
Voilà ce que cela veut dire, cette lumière sur le deuxième mystère douloureux est magnifique, extraordinaire…
Ce n’est pourtant qu’un premier aspect, un aspect très humain, de la flagellation.

Il va falloir, comme nous le disons à la messe ( « sursum corda » ), aller un peu plus haut.
Au fond, il est normal que l’on puisse retrouver un corps régénéré dans une chasteté et une virginité surnaturelle : je suis chrétien, voilà ma gloire ! Nous partirons donc de cette base, mais pour aller plus haut.
‘‘L’immunité et l’innocence appartiennent au mystère de la création dont la plénitude est déterminée par la participation intérieure à la vie de Dieu qui est source de cette innocence’’.
Cela me plait ! Il faut répéter ? Oui, il faut répéter :
Il est vrai que cette immunité surnaturelle nouvelle, cette innocence nouvelle que Jésus et Marie recréent dans notre cœur (pour recréer une unité profonde de l’esprit, de l’âme et du corps dans notre capacité à nous donner corps, âme et esprit d’une manière virginale surnaturelle), cette immunité et cette innocence appartiennent à la rédemption de notre corps dans ce mystère de la flagellation ( je rajoute ‘dans le mystère de la flagellation’ au texte du saint Père ).
Mais cette immunité nouvelle, cette reconstruction, cette résurrection, ce rétablissement, ces retrouvailles et cette incarnation très exactement spirituelle et surnaturelle de mon corps nouveau dès cette terre (nous n’allons pas attendre la résurrection…souvent nous disons : ‘‘nous verrons cela après’’, et en attendant, nous nous jetons dans la fange… mais non ! même en pensée, surtout pas ! pas la moindre pensée….. sinon tu inverses tout), cette immunité nouvelle et cette reconstruction disions-nous, ce corps nouveau du monde nouveau de ma vie sur la terre, appartient au mystère de la création, de la recréation et de la rédemption ; et la plénitude de cette recréation du monde nouveau de mon corps, de mon cœur et de ma vie sur la terre dans mon union avec Dieu dans l’image ressemblance de Dieu, va avoir sa pleine détermination par la participation intérieure à la vie intime de Dieu qui est seule source de cette innocence.
Ce qui s’est passé à la flagellation est vraiment extraordinaire.
Nous touchons, avec cette parole du saint Père, quelque chose de très fort.
Jésus et Marie ont vécu cela dans la gratitude.

Sur le plan humain, je le répète, la communion qui s’est réalisée entre Jésus et Marie a été une communion trinitaire :
Ils se sont retrouvés tous les deux, elle en s’abandonnant de l’intérieur et en se livrant totalement en son Immaculée Conception avec son corps de femme au-dedans de l’intime du corps de Jésus pour souffrir avec Lui chacune de ses plaies, chacun de ses coups, et lui, Jésus, recevant à chaque coup plus profondément cet abandon de la Vierge en Lui pour qu’elle vienne souffrir en Lui chacun de ces coups, spirituellement, sensiblement, tout en en étant préservée dans l’immunité de son Immaculée Conception incarnée.
Or ce n’est pas la seule rencontre qui ait eu lieu : l’unité s’est réalisée à travers la concentration de toutes les détresses de l’humanité détruite par la concupiscence.
Cette triple rencontre fait l’amour de gratitude eucharistique et le fond d’agonie victorieuse du mystère de la flagellation ; Ils ont vécu cela en communion avec toutes nos détresses, tous nos combats contre tous les contraires de la virginité en nous (lorsque nous les combattons) : tous ces combats qui mettent un frein aux destructions dues au péché originel et à nos propres fautes, à nos propres bêtises, à notre propre obstination à les revendiquer comme un droit naturel alors que c’est un droit asmodéen.
Voilà le côté humain de cette communion : cela exprime une gratitude et un très grand amour, à chaque fois, et à chaque coup ( 5480 coups ) plus profondément.
Maintenant, voyons le côté divin.
Il se trouve que Jésus va vivre cela avec Marie dans l’image ressemblance de Dieu, à l’intérieur de chacun des rachetés, de manière vraiment explicite. Il ne faut pas dire que c’est quelque chose de lointain dans la conscience de Jésus, dans la conscience de l’Immaculée : c’est quelque chose de très précis. Dans l’intime de chacun d’entre nous, ils vont vivre cela pour vivre l’image ressemblance de Dieu de leur chair avec nous.
Cette image ressemblance de Dieu de leur chair fait que tout le don que Jésus reçoit de l’Immaculée comme femme, et tout le don que Jésus fait à l’humanité à travers Marie comme Epouse, vont s’associer au don que le Verbe de Dieu fait à Dieu le Père, caché et perdu au fond de tous ceux qui sont dans la prévarication, et au don que Dieu le Fils (à travers Marie unie à l’action de grâce de tous les élus rachetés) réalise en s’abandonnant plus profondément encore dans le sein du Père à travers nous.
Et donc il y a eu une possible communication nouvelle de chacune des trois Personnes de la très sainte Trinité, dans l’économie de la Vérité et de l’Amour, dans le corps flagellé de Jésus.
Sans cette flagellation, cela n’aurait pas été possible.
Souvent nous disons : ‘‘cette flagellation n’était peut-être pas nécessaire, il suffisait que le Seigneur claque des doigts et dise : ‘‘vous êtes sauvés, Je vous pardonne, ce n’est rien’’ ; Il est quand même tout puissant, Il peut pardonner’’.
Il faut vraiment ne rien comprendre, n’avoir aucune sensibilité pour évoquer de telles bassesses.
Le démon, lui, veut cela : ‘‘péchez, et puis après on efface tout, c’est comme si vous n’aviez rien fait’’ : non ! C’est l’amour qui rachète, l’amour incarné habité des Personnes de la très sainte Trinité, passant par une communion rédemptrice concrète et vraie. Et voilà pourquoi la flagellation est absolument nécessaire, de même d’ailleurs que, pour nous, la mortification de la sensibilité…
En ce qui nous regarde en effet, s’il n’y a pas cette mortification de la sensibilité autant qu’il est en notre pouvoir, il n’y a pas de participation au fruit de la rédemption de Jésus.
Cela veut dire tout simplement que si nous ne renonçons pas à ce péché… ce sera le signe que nous n’avons pas la grâce, le signe que nous n’aimons pas Dieu, le signe que nous sommes vraiment dans la main de « l’autre », que nous sommes son instrument et que nous voulons le rester.
Saint Jean dit bien que c’est le seul signe permettant de reconnaître si nous aimons Dieu ou pas : il n’y en a pas d’autre ( 1ère Epitre de St Jean 2, v.3 ).

La mortification de la sensibilité doit être radicale, absolue, nette, pour que nous puissions être fécondés dans le mystère de la flagellation.
Ce qu’il faut contempler dans ce mystère : la manière différente, nouvelle, dont la communion des Personnes divines va se manifester en cette immunité nouvelle où toute la honte de l’humanité est écartée par l’amour.
Jésus a vécu chacun de ces coups avec un amour en Marie tellement grand que c’en fut stupéfiant.
Il ne faut pas dire que c’était facile pour Lui ; il faut arrêter de dire cela.
Le fond des mystères douloureux reste Gethsémani : Jésus est tenté, il ne faut jamais l’oublier. Il a fallu qu’Il fasse quelque chose qui était vraiment contre sa nature profonde et divine pour pouvoir nous donner la filiation jusque dans l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit.
‘‘L’innocence nouvelle [fruit du mystère de la flagellation] exclut dans ses racines mêmes la honte du corps dans nos rapports mutuels de communion des personnes : elle nous révèle l’état intérieur de notre cœur’’.
Si nous vivons pleinement du fruit du mystère de la flagellation, alors nous serons gratifiés de la révélation profonde de ce qu’est notre cœur.
Pour ceux qui ont du mal à comprendre… aux petits fiancés, je dis : ‘œuvre de chair, point ne consommeras qu’en mariage sacramentel seulement’’ ( 6ème commandement de Dieu, s’adressant à tous les fils de Noé, tous les fils d’Ismaël, tous les fils d’Israël, comme à tous les fils du Seigneur, du Christ ). Les fiancés qui respectent cette loi gardent encore une chance de connaître ce qu’ils sont l’un pour l’autre dans les profondeurs du cœur… Ce passage est nécessaire car Dieu ne peut pas bénir un… monstre.
S’ils ne vivent pas cette loi toute simple de la nature révélée dans le commandement, ils pourraient croire faussement qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Ah oui ? Dans la complicité asmodéenne, ils s’entendent très bien ? Impeccable pour aller ensemble directement en enfer !
Comprenons donc cette loi toute simple de la nature qui, même avec un corps abîmé par le péché originel, demeure profondément vraie.

De surcroît, nous pourrons vivre du mystère de la flagellation dans son fruit, retrouvant une innocence dans la spiritualisation du corps masculin ou féminin : en étant harmonisés à notre corps spirituel inscrit dans le Livre de la Vie, dans un corps spiritualisé ( masculin ou féminin ) retrouvé dans sa finalité épanouie, reconstruit à partir de son accomplissement dans la cause finale ( au contraire d’un corps psychique retournant à une cause originelle perdue ).
A ce moment-là, nous redécouvrons notre capacité à aimer ; nous devenons aptes à découvrir le fond de notre cœur, et, dans la communion des personnes, à exprimer corporellement cette liberté du cœur, dans un geste tout à la fois spirituel et divin où Dieu peut s’exprimer à son tour en des écoulements sacrés qui n’appartiennent qu’à l’inépuisable fécondité de la grâce.

Il faudrait enfin contempler le mystère de la flagellation en comprenant que Jésus est Dieu : le Verbe, deuxième Personne de la très sainte Trinité.
Nous passons au troisième étage : « sursum corda iterum »
Encore plus haut, n’est-ce pas ?

Jésus est la deuxième Personne de la très sainte Trinité : regarder cela dans la flagellation est très profond et très fort : n’est-ce pas la clé de ce second mystère douloureux ?

La deuxième Personne de la très sainte Trinité est toute donnée à la première Personne de la très sainte Trinité, dans l’intérieur et l’intime de la première Personne de la très sainte Trinité, en même temps qu’Elle en émane, qu’Elle en est produite : ce qui sort de l’intime de la première Personne de la très sainte Trinité, c’est le Dieu vivant… Et la deuxième Personne de la très sainte Trinité révèle à la première Personne de la très sainte Trinité qu’Il est le Dieu vivant. En ce sens, le Verbe éternel de Dieu, la deuxième Personne de la très sainte Trinité, est féminin : la femme est sortie de l’homme, lui révélant ce qu’il est ; l’Epouse sort de l’Epoux et à l’intérieur de Dieu, l’Epouse est bien la deuxième Personne de la très sainte Trinité.
Voilà ce que nous ont révélé les enseignements du Pape Jean Paul II :
La deuxième Personne de la très sainte Trinité est Epouse éternelle, absolue, intime, lumineuse, diaphane de Dieu : Elle est Dieu Lui-même. C’est cette Personne qui a épousé toute notre humanité pour nous sauver, assumant notre corps masculin en Jésus, notre corps féminin en Marie ; Dieu a assumé à travers le corps féminin de Marie un corps masculin pour recréer ce corps masculin, et, dans ce corps masculin créé, recréer le corps féminin en Marie, et recréer ainsi une humanité intégrale normale, saine et sainte, surnaturelle, harmonieuse et adaptée à la source même de sa Ressemblance : la très sainte Trinité.
Voilà ce qu’est la flagellation. Jésus en prenant chair, a pris chair et sang de toute l’humanité, acceptant de rétablir dans son corps masculin le mouvement d’intériorisation à l’intérieur de l’Epouse Divine de ce corps masculin. L’Epouse dont nous parlons ici est la seconde Personne de la Trinité toute Sainte…

La flagellation a joué ce rôle (troisième fonction de la flagellation), qu’elle a pu féconder dans la chair de tous ceux qui subsisteraient par la grâce dans l’Unique Personne du Verbe de Dieu.

Comprenons bien que si un corps masculin demeure dans la concupiscence, tout en lui se dispersera de l’intérieur vers l’extérieur : la brute, l’hippopotame ! (comme on dit grossièrement à l’Armée : ‘‘c’est comme pour uriner’’ : le corps masculin transformé en passoire !).
Il a fallu que Jésus dans la flagellation recrée en le retournant le corps sponsal dans le sens normal : non pas de l’intérieur vers l’extérieur, mais de l’extérieur vers l’intérieur.
L’épouse au contraire, en complémentarité, s’abandonne en cette intériorisation de la masculinité du corps pour retrouver au dedans de l’époux son expression juste dans le Verbe.
Et voilà ce que vit Jésus dans la flagellation, pour redonner donc dans la flagellation et à partir de la flagellation, toute la féminité de l’Epouse qu’Il est comme Dieu, deuxième Personne de la très sainte Trinité, dans l’Immaculée Conception souffrante en Lui, pour que l’Esprit Saint puisse assumer en Marie la nouvelle sponsalité de la Jérusalem trinitaire incarnée.

C’est bien cela qui a été vécu dans l’acte de foi nouveau demandé à Marie à ce moment-là.
Il a fallu que Marie aille au-delà de ces premier et second étages du mystère dont nous avons parlé… Tout cela en effet n’était pas tout à fait nouveau pour elle : ce qu’il advint dans le mystère de la flagellation de tout à fait nouveau pour Elle consiste en ce qu’Elle dût aller jusque dans l’acceptation de ce que la sponsalité broyée de la flagellation devait d’abord passer au cœur de la très sainte Trinité, dans le Sein du Verbe éternel de Dieu, avant de se communiquer à elle.
C’est ainsi que, par la flagellation, Marie a commencé à être réceptrice de la Féminité incréée de Dieu et assimilée à Elle en cette vie de corédemption qui s’initiait à la flagellation en sa chair de femme.
Marie en effet avait dû rester à distance de Jérusalem pour l’Agonie de Gethsémani : la corédemption commence donc ici dans l’incarnation de la signification sponsale de son corps.

A un moment donné, elle aura à aller jusqu’à la blessure du cœur pour que le mariage soit consommé ; ici, ce sont vraiment les fiançailles du sang.

Elle doit donc faire ce nouvel acte de foi de manière à ce que, de son éternité, le Verbe éternel de Dieu puisse inscrire dans le corps de Jésus flagellé un nouvel amour : l’acte de foi de Marie permet au Verbe de Dieu d’incarner un nouvel amour dépassant toutes les forces humaines, dans une innocence, dans une immunité surnaturelle nouvelle et universelle pour tous les pécheurs, en commençant par elle.
De sorte qu’un nouveau régime d’économie divine de Lumière, de Vérité et d’Amour incréé de Dieu dans la très sainte Trinité puisse avoir sa place en notre monde, dans la terre de notre nouvelle sensibilité : une nouvelle manière pour chacune des Personnes de la très sainte Trinité de s’inscrire dans la masculinité et la féminité du corps se réalise, toute différente de celle avec laquelle cela se réalisait jadis dans le paradis originel, puisque maintenant elle s’inscrit dans une communion incarnée des Personnes.
Voilà pourquoi ‘‘l’innocence est une participation morale à l’acte éternel de la Volonté de Dieu’’.

L’innocence surnaturelle nouvelle est le fruit de ce mystère : un trésor que nous recevons, comme une participation vivante, lumineuse et morale à l’Acte pur de la Volonté du Père.

Cette extraordinaire phrase du Pape relie à nouveau la flagellation à Gethsémani qui en est le fond. Gethsémani, fond caché des mystères douloureux, fait de nous des bénéficiaires en raison d’une participation vivante, lumineuse et incarnée à l’Acte pur de la Volonté du Père.
La Volonté du Père : Vie éternelle dans la chair sauvée et recréée des hommes.
Les traditions disent qu’après la flagellation, des linges ont été apportés à la Vierge et à la quinzaine des femmes qui étaient avec elle pour recueillir tous les lambeaux de chair qui étaient par terre ainsi que le Sang. On conserve encore certains de ces linges de la flagellation. Ces linges représentent notre prière et notre rosaire…
Dans le rosaire, nous allons recueillir au dedans de nous, dans le tissu de notre virginité retrouvée, le sang et les lambeaux de chair de Jésus. Nous allons les recueillir en nous pour être les porteurs vivants et incarnés de cette régénération.
Si quelqu’un reçoit ce mystère pour en être couronné, il a beaucoup de chance. Ce mystère est vraiment magnifique, il est délicat, nous ne pouvons pas l’aborder n’importe comment, mais il est très grand.
Le troisième mystère douloureux que nous méditerons prochainement concernera non pas la mortification de la chair, mais la mortification de l’esprit.


Je vous salue Marie, pleine de grâce,
le Seigneur est avec vous,
Vous êtes bénie entre toutes les femmes
et Jésus, le fruit de vos entrailles est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
priez pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen