La Nativité
(d'après sainte Anne Catherine Emmerich)
Suivie de la méditation du mystère de la Nativité,
3ème mystère joyeux du Rosaire
La sainte Vierge dit à Joseph
que son terme approchait et l'engagea à se mettre en prières dans
sa chambre, il suspendit à la voûte plusieurs lampes allumées,
et sortit de la grotte parce qu'il avait entendu du bruit devant l'entrée.
Il trouva là la jeune ânesse qui, jusqu'alors, avait erré
en liberté dans la vallée des bergers ; elle paraissait toute
joyeuse, jouait et bondissait autour de lui. Il l'attacha sous l'auvent qui était
devant la grotte et lui donna du fourrage.
Quand il revint dans la grotte, et qu'avant d'entrer dans son réduit,
il jeta les yeux sur la sainte Vierge, il la vit qui priait à genoux
sur sa couche ; elle lui tournait le dos et regardait du côté de
l'orient. Elle lui parut comme entourée de flammes, et toute la grotte
semblait éclairée d'une lumière surnaturelle. Il regarda
comme Moise lorsqu'il vit le buisson ardent ; puis, saisi d'un saint effroi,
il entra dans sa cellule et s'y prosterna la face contre terre.
Je vis la lumière qui environnait la sainte Vierge devenir de plus en
plus éclatante ; la lueur de la lampe allumée par Joseph n'était
plus visible. Sa robe sans ceinture était étalée autour d'elle.
Quand vint l'heure de minuit, elle fut ravie en extase. Je la vis élevée
de terre à une certaine hauteur. Elle avait les mains croisées
sur la poitrine. La splendeur allait croissant autour d'elle ; tout semblait
ressentir une émotion joyeuse, même les êtres inanimés.
Le roc qui formait le sol et les parvis de la grotte étaient comme vivants
dans la lumière. Mais bientôt je ne vis plus la voûte ; une
voie lumineuse, dont l'éclat augmentait sans cesse, allait de Marie jusqu'au
plus haut des cieux. Il y avait là un mouvement merveilleux de gloires
célestes, qui, s'approchant de plus en plus, se montrèrent distinctement
sous la forme de chœurs angéliques. Elevée de terre dans
son extase, elle priait et abaissait ses regards sur son Dieu dont elle était
devenue la mère, et qui, faible enfant nouveau-né, était
couché sur la terre devant elle. Je le vis comme un enfant lumineux,
dont l'éclat éclipsait toute la splendeur environnante, couché
sur le tapis devant les genoux de la sainte Vierge. Il me semblait qu'il était
tout petit et grandissait sous mes yeux ; mais tout cela n'était que
le rayonnement d'une lumière tellement éblouissante que je ne
puis dire comment j'ai pu la voir.
La sainte Vierge resta encore quelque temps dans son extase. Puis, je la vis
mettre un linge sur l'enfant, mais elle ne le toucha pas et ne le prit pas encore
dans ses bras. Après un certain intervalle, je vis l'Enfant-Jésus
se mouvoir et je l'entendis pleurer ; ce fut alors que Marie sembla reprendre
l'usage de ses sens. Elle prit l'enfant, l'enveloppa dans le linge dont elle
l'avait recouvert et le tint dans ses bras contre sa poitrine. Elle s'assit
ensuite, s'enveloppa tout entière avec l'enfant dans son voile, et je
crois qu'elle l'allaita. Je vis alors autour d'elle des anges, sous forme humaine,
se prosterner devant le nouveau-né et l'adorer.
Il s'était bien écoulé une heure depuis la naissance de
l'enfant, lorsque Marie appela saint Joseph, qui priait encore la face contre
terre. S'étant approché, il se prosterna plein de joie, d'humilité
et de ferveur. Ce ne fut que lorsque Marie l'eut engagé à presser
contre son cœur le don sacré du Très-Haut, qu'il se leva,
reçut l'Enfant-Jésus dans ses bras et remercia Dieu avec des larmes
de joie.
Alors la sainte Vierge emmaillota l'Enfant-Jésus. Marie n'avait que quatre
langes avec elle. Je vis ensuite Marie et Joseph s'asseoir par terre l'un près
de l'autre. Ils ne disaient rien et semblaient tous deux absorbés dans
la contemplation. Devant Marie, emmailloté ainsi qu'un enfant ordinaire,
était couché Jésus nouveau-né, beau et brillant
comme un éclair. Ils placèrent ensuite l'enfant dans la crèche.
Quand ils eurent mis l'enfant dans la crèche, tous deux se tinrent à
côté de lui versant des larmes de joie et chantant des cantiques
de louange. Joseph arrangea alors le lit de repos et le siège de la sainte
Vierge à côté de la crèche. Je la vis avant et après
la naissance de Jésus habillée d'un vêtement blanc qui l'enveloppait
toute entière. Je la vis là pendant les premiers jours, assise,
agenouillée, debout ou même couchée sur le côte et
dormant, mais jamais malade ni fatiguée.
Je vis cette nuit, dans le temple, Noémi, la maîtresse de la sainte
Vierge, ainsi que la prophétesse Anne et le vieux Siméon, à
Nazareth sainte Anne, à Juttah sainte Élisabeth, avoir des visions
et des révélations sur la naissance du Sauveur. Je vis le petit
Jean Baptiste, près de sa mère, manifester une joie extraordinaire.
Tous virent et reconnurent Marie dans ces visions, mais ils ne savaient pas
où cela avait eu lieu ; sainte Anne seule savait que Bethléem
était le lieu du salut.
Je vis cette nuit, dans le temple, que tous les rouleaux d'écriture des
saducéens furent plusieurs fois jetés hors des armoires qui les
contenaient, et dispersés ça et là. On en fut très
effrayé : les saducéens l'attribuèrent à la sorcellerie,
et donnèrent beaucoup d'argent pour que la chose restât secrète.
Je vis, lorsque Jésus naquit, un quartier de Rome situé au delà
du fleuve où habitaient beaucoup de juifs ; il y jaillit comme une source
d'huile, et tout le monde en fut fort émerveillé. Une statue magnifique
de Jupiter tomba en morceaux dans un temple dont toute la voûte s'écroula.
Les païens, effrayés, firent des sacrifices et demandèrent
à une autre idole, celle de Vénus, à ce que je crois, ce
que cela voulait dire. Le démon fut forcé de répondre par
la bouche de cette statue : « Cela est arrivé parce qu'une Vierge
a conçu un Fils sans cesser d'être Vierge, et qu'elle vient de
le mettre au monde ». Cette idole parla aussi de la source d'huile qui
avait jailli. Dans l'endroit où elle est sortie de terre, s'élève
aujourd'hui une église consacrée à la Mère de Dieu.
(Sainte Marie au delà du Tibre porte le nom de Sancta Maria in Fonte Olei)
Je vis aussi quelque chose touchant l'empereur Auguste, il vit à droite,
au-dessus d'une colline, une apparition dans le ciel : c'était
une Vierge sur un arc-en-ciel, avec un Enfant suspendu en l'air et qui semblait
sortir d'elle. Je crois qu'il fut le seul à voir cela. Il fit consulter,
sur la signification de cette apparition, un oracle qui était devenu
muet, et qui pourtant parla d'un Enfant nouveau-né auquel ils devaient
tous céder la place. L'empereur fit ériger un autel à l'endroit
de la colline au-dessus duquel il avait vu l'apparition ; après avoir
offert des sacrifices : il le dédia au premier-né de Dieu.
Je vis aussi en Egypte qu'une idole fut forcée par Dieu à
répondre qu'elle se taisait et devait disparaître, parce que le
Fils de la Vierge était né, et qu'un temple lui serait élevé
en cet endroit. Le roi voulut là-dessus lui élever, en effet,
un temple près de celui de l'idole ; l'idole fut retirée, et on
dédia là un temple à la Vierge et à son Enfant.
Je vis à l'heure de la naissance de Jésus une apparition merveilleuse
qu'eurent les rois mages. Ce ne fut pas dans une étoile qu'ils la virent,
mais dans une figure composée de plusieurs étoiles parmi lesquelles
il semblait s'opérer un mouvement. Ils virent un bel arc-en-ciel au-dessus
du croissant de la lune. Sur cet arc-en-ciel était assise une Vierge,
son pied reposait sur le croissant. Du côté gauche de la Vierge,
au dessus de l'arc-en-ciel, parut un cep de vigne, et du côté droit
un bouquet d'épis de blé. Je vis devant la Vierge paraître
ou monter la figure d'un calice, semblable à celui qui servit pour la
sainte cène. Je vis sortir de ce calice un enfant, et au-dessus de l'enfant
un disque lumineux, pareil à un ostensoir vide, duquel partaient des
rayons semblables à des épis. Cela me fit penser au Saint Sacrement.
Du côté droit de l'enfant sortit une branche à l'extrémité
de laquelle se montra, comme une fleur, une église octogone qui avait
une grande porte dorée et deux petites portes latérales. La Vierge,
avec sa main droite, fit entrer le calice, l'enfant et l'hostie dans l'église,
dont je vis l'intérieur, qui me parut très grande. Je vis dans
le fond une manifestation de la Sainte Trinité ; et l'église se
transforma en cité brillant comme la Jérusalem céleste.
Les rois éprouvèrent une joie inexprimable. Ils rassemblèrent
leurs trésors et leurs présents et se mirent en route. Ce ne fut
qu'au bout de quelques jours qu'ils se rencontrèrent.
La sœur vit dans la nuit de la Nativité beaucoup de choses touchant
la détermination précise du temps de la naissance du Christ…
Vous pouvez le lire, dit-elle ; voyez, c'est marqué là. Jésus-Christ
est né avant que l'an 3907 du monde fût accompli ; on a
oublié postérieurement les quatre années, moins quelque
chose, écoulées depuis sa naissance jusqu'à la fin de l'an
4000 ; puis ensuite on a fait commencer notre nouvelle ère quatre ans
plus tard.
Le mystère de la Nativité
Vendredi 27 décembre 2002
Nous allons méditer le mystère de la Nativité, troisième
mystère joyeux.
Ce serait bien d'essayer petit à petit de comprendre, de voir,
de se laisser prendre surtout, par tout ce qui, dans le mystère de la
Nativité, le mystère de la naissance de Jésus, fait que
nous pouvons être véritablement saisis et transformés, parce
qu'il y a des choses charmantes et merveilleuses dans le mystère
de Noël. Même pour les gens qui n'y croient pas, Noël
est très beau. Avant même que Noël ait existé, on fêtait
déjà Noël, les prophètes avaient chanté Noël
bien avant la Nativité. Les religions, les chantres, Virgile, les vierges
consacrées dans les temples de Zeus, chantaient déjà le
mystère de Noël explicitement : une Vierge doit enfanter le Roi
du monde. Deux mille ans après, on fait encore des crèches, il
y a des fleurs, comme si c'était hier.
Il faut comprendre que c'est quelque chose qui a un rayonnement très
fort, qui ne cesse d'avoir cette influence enveloppante, encourageante,
lumineuse et tranquille. Une régénération se fait.
Quelque chose, dans la Nativité de Jésus à Noël, a
marqué le rythme du temps, a marqué les générations
humaines, a marqué les naissances humaines ; à chaque fois du
reste que quelque chose en nous doit naître, le fait que Jésus
soit né de cette manière-là a une influence : on ne naît
pas à un projet nouveau, à une conversion, à une vie nouvelle
dans la grâce par exemple, de la même manière depuis que
Jésus est né.
Comme nous connaissons les textes de la Révélation par cœur,
nous disons : « Oui, bien-sûr, il y a aussi une Révélation,
un dévoilement de quelque chose de très profond derrière
le mystère de Noël, le mystère de la Nativité de Jésus ».
Nous le savons bien, et cela, c'est plus difficile d'y accéder.
Parce que c'est par la foi que nous accédons à la Nativité
du Verbe de Dieu, du Dieu vivant et vrai et éternel, à cette Nativité
dans un enfant qui naît d'une naissance à la fois humaine
et à la fois glorieuse. Le mystère de Noël est dans la nuit
d'une naissance lumineuse et virginale. La foi, la vie divine, qui de
l'intérieur fait monter cette lumière incandescente et surnaturelle
de la foi dans notre intime intelligence, va nous faire voir jusque dans nos
profondeurs intimes le mystère de Noël, de la Nativité, et
de la génération de Dieu dans la chair. La foi est une lumière
vivante qui surgit du dedans de nous de manière fulgurante, profonde,
vivante, pénétrante, elle transforme notre intelligence et nous
fait réaliser surnaturellement dans notre chair le mystère de
Noël. Jésus, Marie et Joseph sont les premiers à avoir fait
cela : ce sont eux qui ont incarné le mystère de la Nativité
éternelle de Dieu dans la chair et dans le temps.
Quand nous méditons ce mystère joyeux, il faut évidemment
le contempler, et il y a des dispositions pour cela. Ces dispositions sont celles
des mystères précédents :
Une disponibilité parfaite à la grâce que Dieu va nous donner
: nous allons alors laisser ce mystère se réaliser, se réincarner
si je puis dire, réaliser tous ses bienfaits surnaturels et éternels
en nous.
Cette communion très forte du second mystère joyeux, car dans
cette disponibilité, nous atteignons toutes les disponibilités
humaines, tous ces cœurs qui palpitent ensemble à cette survenue
d'une naissance lumineuse qui fait disparaître toutes ténèbres.
Nous rentrons alors dans la troisième disposition qui est spirituelle,
celle du troisième mystère joyeux : c'est l'humilité
infuse, ce n'est pas l'humilité forcée, c'est
une humilité divine, qui vient de l'Esprit Saint. C'est un
mystère d'effacement extraordinaire, que nous voyons en Marie l'Immaculée
et dans l'Epoux de l'Immaculée Conception.
Cette disponibilité transformée en esprit de pauvreté fait le fruit véritablement
miraculeux de la pénétration du mystère joyeux de la Naissance.
Etre content d'avoir des pauvretés et utiliser ces pauvretés
pour s'effacer davantage. Les gens qui ont des pauvretés, des maladies,
des souffrances, n'aiment pas cela. Ils sont bien bêtes. Parce que
c'est l'esprit de pauvreté qui permet d'être
la joie du monde entier, et surtout la joie éternelle de Dieu.
Fruit du mystère : l'esprit de pauvreté.
Tout cela nous le savons bien.
Ce qui permet de rentrer dans la contemplation du mystère joyeux, c'est
de voir ce qui s'est passé dans les mois qui ont précédé.
Les mystères du rosaire vont toujours deux par deux. Nous voyons bien
que l'Annonciation, ou l'Incarnation, et la germination incarnée
de la charité surnaturelle dans un seul cœur du cœur mystique
et eucharistique du Christ dans la Visitation, vont ensemble : c'est la
même Annonciation, c'est la même réalisation.
A la Visitation, il y a eu le Magnificat,
parce que l'amour du cœur eucharistique de Jésus s'est
réalisé et incarné dans son germe, a dispersé les
superbes, renversé les puissants de leurs trônes, écarté
Lucifer. L'immense puissance de délivrance qui est en nous après
la Visitation peut nous permettre de rentrer dans ce qui va se réaliser
six mois plus tard.
Au bout de trois mois, Marie rentre à Nazareth avec Jésus, et
elle arrive probablement à Nazareth quand Jean Baptiste naît. Elle
est partie deux ou trois jours avant que Jean Baptiste naisse. L'Immaculée
ne pouvait pas, portant Jésus, être présente à la
naissance de Jean Baptiste. Sa présence toute intime devait être
réservée à ces sept personnes, pour réaliser le
corps mystique naissant, le cœur eucharistique de Jésus ; l'Incarnation
devait aller immédiatement à l'incarnation d'un seul
cœur eucharistique, à la germination du corps mystique de Jésus
par l'amour incarné dans la chair. Nous avons vu pour la Visitation
que le tabernacle de l'apparition du corps mystique de Jésus incarné
dans le cœur, donc la charité surnaturelle incarnée, ce tabernacle
a été déposé dans le cœur de saint Jean Baptiste,
qui est l'enveloppant du cœur eucharistique de Jésus. Nous
y reviendrons quand nous auront balayé les vingt mystères et qu'il
faudra regarder comment ils se réalisent dans la seconde venue de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, dans la dernière Visitation.
Pour l'instant, nous voyons que Marie est repartie, emportant avec Jésus
et elle, une communauté d'amour incarnée, toute palpitante
et divine, celle du cœur eucharistique de Jésus tout entier, de
quoi déverser tout l'amour incarné et glorifié futur
du Verbe incarné dans tous les cœurs, dans tous les amours de tous
les temps, de tous les lieux, et surtout, dans les glorifications futures de
l'éternité. Elle porte cela et retourne à Nazareth.
Arrivée à Nazareth, Joseph la voit. Joseph voit que Jésus
est là. Il s'en doutait, il savait que Marie était «
La Vierge »... mais il fit comme s'il ne l'avait pas vu.
Maintenant, cela se voyait à l'œil nu : il fallait bien que
la conception puisse se voir aux yeux de l'Epoux de l'Immaculée
Conception, et cela seulement quand Jean Baptiste naîtrait. Quand Jean Baptiste
naît, le cœur eucharistique de Jésus peut être rendu
visible pour la naissance. C'est au même instant que l'Incarnation
du Verbe dans le sein de Marie devait être visible aux yeux de l'époux
de l'Immaculé Conception, elle devenait pour lui manifeste.
Pendant six mois alors, il va y avoir un dépôt du mystère
de la Visitation, un reposoir du mystère de la Visitation, un enveloppement
du mystère de la Visitation, dans l'unité sponsale de Marie
et Joseph. Pendant ces six mois, ces 190 jours, 19 fois 10, la Nativité
va se préparer dans l'unité sponsale immaculée, en
se nourrissant du cœur eucharistique de Jésus mis en place dans
la Visitation. Le corps mystique de l'Eglise a commencé sa croissance
et aussitôt Joseph va jouer son rôle, puisque c'est par Joseph
que le corps mystique de Jésus va croître, va augmenter, va développer
toutes ses ramifications, va fleurir.
Alors le mystère de Noël commence : six mois avant.
Souvent nous ne repérons pas ce détail, et pourtant c'est
très important, parce que si nous ne le voyons pas, nous ne saisissons
pas tout à fait ce qui va se passer le jour de Noël.
Le jour arrive. Nous passons les détails, les étoiles, l'empereur
Auguste, le règne de Tibère, Quirinius, Hérode. Nous pouvons
en causer, parce tout cela a de fortes consonances symboliques, c'est
évident.
Mais il faut se concentrer sur ce qui est tout à fait incréé,
ce qui est éternel, ce qui vient du ciel dans ce mystère de Noël
qui est dans le temps. Pour cela, il faut voir en tout premier lieu qu'il
y a un retour à la sponsalité.
Ce mystère de la Nativité va aller de pair avec la consécration
de Jésus dans le temple, le Nom qui va lui être donné, la
circoncision et la prophétie du glaive. Il est normal que les mystères
marchent deux par deux. Nous verrons la chose extraordinaire qui va se passer
dans la Sainte Famille, le recouvrement de Jésus au temple, qui va de
pair, bien entendu avec le sixième mystère du rosaire, c'est
à dire la mort de Joseph et le baptême de Jésus, l'Epiphanie,
Jean Baptiste. Divinement, ça marche par deux. C'est normal, parce
que le Verbe de Dieu est la deuxième Personne de la Très Sainte
Trinité. Il a les deux natures : divine et humaine, incréée
et créée, dans une seule Hypostase.
C'est une nouvelle vie que la vie chrétienne, c'est une autre vie.
Dans l'Evangile, dans la Haggadah de la Nativité, on ne peut pas
dire ces choses-là.
Saint Jean a osé, quand même : « Dans le Principe était
le Verbe », tel est l'Evangile du jour de la messe de Noël.
Ceux qui sont pratiquants ont entendu, le jour de Noël : « Dans le
Principe était le Verbe, le Verbe était Dieu, Il était
face à face avec Dieu ». C'est le prologue de l'Evangile
de saint Jean : c'est l'éternité vivante du Dieu Vivant
qui est à l'intérieur de son Principe qui Le conçoit,
parce que Dieu se conçoit Lui-même éternellement, et qui
est lumière à l'intérieur de Lui-même, et qui
est Créateur, parce que rien n'existe sans le Dieu Vivant, sans
s'originer dans cette contemplation intime de Lui-même. Et tout
ce qui existe est lumière, et à ce moment-là, la vie apparaît,
et la lumière aussi dans la vie, parce qu'elle est engendrée,
et, comme elle est engendrée, les ténèbres ne peuvent pas
arrêter cette force intime, l'union incréée éternelle
de Dieu dans la lumière. Et le Verbe est devenu chair, la chair elle-même
va être son outil de propagation.
Et la chair, dans la bible, dans la révélation, dans l'expérience humaine, la chair n'est
chair que si elle a abandonné l'opacité ténébreuse
du corps. L'opacité ténébreuse du corps, c'est
quand le corps n'est pas illuminé par Dieu, par l'unité
sponsale. Dès qu'il y a l'unité sponsale, la grâce
divine et immaculée, le lien est direct, immédiat, et le courant
passe de manière latérale, intense, profonde, définitive.
Et le corps n'est plus un corps : il devient chair.
Le Verbe est devenu chair, et à ce moment-là toute la lumière éternelle
peut pénétrer dans le temps, et tout le temps peut pénétrer
dans la lumière éternelle de Dieu. Dans l'engendrement,
Dieu engendre Dieu, un enfant ne cesse de naître en Dieu : Il est Dieu.
Dans l'Incarnation, nous avions vu : « Verbo concepit Filium »,
elle a conçu le Fils dans le Verbe. Le Verbe et le Fils, c'est la même Personne.
Marie a réalisé cela par la foi, la lumière surnaturelle de la foi dans la disponibilité : c'était
le premier mystère joyeux,
la lumière surnaturelle de la foi dans le cœur eucharistique, dans
l'amour, dans la charité surnaturelle et éternelle de Dieu
incarnée dans la chair, dans ces six cœurs qui constituent le germe
du cœur eucharistique définitif de Jésus dans le corps eucharistique
de l'Eglise toute entière : c'était la Visitation,
et maintenant, la lumière surnaturelle de la foi dans l'effacement
d'amour, dans un effacement sponsal et incarné, dans un effacement
total mutuel absolu va voir surgir quelque chose de très fort.
Saint Luc devait être très gentil, sûrement.
Comme c'est difficile à expliquer, il va raconter ce qui se passe
du côté des bergers. Je trouve cela très touchant. Les bergers
sont là, à deux lieues, il fait nuit, ils sont sales, ils sentent
mauvais, ils gardent des porcs (c'était interdit, la loi dit :
pas de cochon), ils étaient des bergers esclaves. Et d'un seul
coup l'Ange de la Gloire se pose sur eux, ce même Ange de l'Annonciation
apparaît. Pas face à face : il se pose sur eux, épestè
Angelos.
La ruse de saint Luc, c'est que nous pouvons passer par les bergers pour méditer,
parce que c'est délicat d'expliquer l'unité
sponsale avec Joseph, pour des gens rustres comme nous. Mais les bergers, c'est
sympa, et les cochons, on s'y connaît, alors que la sponsalité,
on n'y connaît rien.
L'Ange se pose sur eux : les cochons sont effacés, les ténèbres
et la nuit s'effacent, les bergers deviennent les Fils du Dieu vivant,
tous seuls. L'Ange de Dieu est lui-même lumière de Dieu,
lumière de la gloire de la génération du Fils dans le sein
du Père. Et la clarté glorieuse du ciel tout entier dans cet Ange-là,
l'Ange de la face de Dieu, a resplendi dans toutes les cellules de leur
corps, comme le dit le texte de saint Luc, toujours très précis
: « circum fulsit », la clarté glorieuse de la Face de Dieu
circum-fulgurait dans toutes leurs cellules. Je ne sais pas si vous voyez l'embrasement.
Et la terreur qu'ils ont dû avoir... nous avons déjà
vu la terreur du monde angélique dans les mystères de l'Annonciation
et de la Visitation. Alors l'Ange dit : « N'ayez pas peur,
evangelizomai umin, je vous évangélise, je vous haggadise ».
C'est extraordinaire, « Je vous haggadise » !
Voilà ce qui inspire la Face de Dieu à l'instant de maintenant,
quand Il est en train de naître, voilà ce qui inspire Dieu Lui-même
de l'intérieur au moment où Il est en train de naître
glorieusement : « Je vous dépose cette inspiration qui est de Dieu
dans votre âme pour qu'elle vous inspire de la même manière
que Dieu en est inspiré ». Voilà ce que veut dire «
Je vous haggadise ».
Haggadah. La Parole tonitruante de la Visitation est une Haggadah manifestée.
Elle contraste avec ce qui se passe à la crèche où cette
Haggadah se fait sans parole, silencieusement et dans l'effacement mutuel,
l'esprit de pauvreté. D'un côté il y a les pauvretés
de fait, et de l'autre, il y a l'esprit surnaturel de la pauvreté
infuse, de l'humilité infuse, et l'un fait comprendre l'autre.
Noël est un mystère de lumière incréée.
« Vous le reconnaîtrez à ce qu'il est pan(n)is
involutum » : il est enveloppé de langes, de haillons, «
c'est à cela que vous le reconnaîtrez ». Cette Haggadah
: le Fils de Dieu, le Fils du Très Haut, est né. Le Dieu vivant
est né. Je ne pense pas que les bergers n'aient pas compris que
c'était Dieu qui était né : c'est ce que dit
l'Ange, et ils étaient dans la Haggadah, donc l'inspiration
s'était communiquée à eux, donc ils comprenaient
très bien ce qui leur était haggadisé. Sinon, ce n'est
plus une Haggadah, ils n'ont plus qu'à aller se coucher avec
leurs cochons. Et ils ne se sont pas couchés avec les cochons, ils ont
dit : « Vite, allons voir ! ». Vite ! Il y a un écho de l'Incarnation
et de la Visitation dans les bergers, pour montrer que c'est une nouvelle
reprise du mystère de l'Incarnation, c'est une foi qui prend
un mode différent. La lumière surnaturelle de la foi pénètre
en Dieu de manière différente et c'est cela qu'il
faudrait voir dans la contemplation des mystères joyeux.
Effectivement, ils ont compris que c'était Dieu vivant qui était
né dans un petit germe embryonnaire tout lumineux et vivant, enveloppé
dans des haillons et déposé dans une mangeoire d'animaux.
Ils y vont, en toute hâte, ils courent.
J'avoue que saint Luc me plaît, parce qu'alors cet Ange-là,
une fois qu'ils ont compris, il est bien content, puisqu'il s'est
tout entier englouti dans cette Haggadah, et du coup il est remplacé
par des myriades et des myriades, c'est à dire des milliards et
des milliards d'autres anges (notez que déjà un, c'était
impressionnant) qui d'un seul coup leur tombent dessus et hurlent : «
Gloire à Dieu au plus haut des cieux ». Les bergers ne savaient
plus où ils étaient. Cela veut dire que cette Nativité
de Dieu prend tous les esprits et ils le voient de leurs propres yeux, ils l'entendent
de leurs propres oreilles, pour saisir tout, puisque tous les anges ont en charge
les moindres particules de matière créée de l'univers,
donc tout l'univers est saisi dans cette Haggadah.
Et voilà dans quoi sont les bergers.
Puis d'un seul coup tout s'arrête et ils se retrouvent dans
la nuit avec les cochons. Ils sont dû se regarder, et se dire : «
Je ne dis rien, parce qu'on va m'enfermer, déjà qu'on
est mal vu... ». Puis ils se parlent, ils comprennent tous les six
(à mon avis ils étaient six, mais ça, c'est
vrai, c'est un peu mon délire ; pourtant c'est probablement
vrai, et ce serait juste puisque nous nous trouvons devant une reprise du mystère
de la Visitation où ils étaient six), et ils disent : «
Allons vite voir ! ».
Et ils découvrent, ils découvrent... Il faudrait voir le mot
grec, j'espère que c'est une apocalypse. Ils
voient se dévoiler... et c'est cela qui est impressionnant
dans saint Luc : ils voient quoi ?
En français : « Ils voient Marie et Joseph ». On ne s'attendait
pas à cela, l'Ange n'avaient pas parlé d'eux.
En grec, ça devient incroyable : ils voient « ten te Mariam kai
ton Joseph » (on ne peut pas traduire en français).
Ten Mariam veut dire LA Marie, et ton Joseph LE Joseph.
C'est la particule de divinisation, c'est Marie et Joseph divinisés,
avec le kai entre les deux. Kai veut dire : c'est à dire, simultanément
: Marie divinisée c'est à dire Joseph divinisé.
Te renforce le kai : c'est fusionné, ensemble.
Les bergers ont vu l'unité sponsale transfigurée, dans la
lumière, et alors le germe embryonnaire tout lumineux et enveloppé
de haillons, déposé dans la mangeoire d'animaux. Dans le
texte de saint Luc, c'est clair, nous voyons bien que ce germe sort de
l'unité sponsale.
Le mystère de la Nativité est trop beau, parce que l'acte
de foi de Marie fait qu'elle va être Mère de Dieu et va faire
que Joseph va devenir Père de Dieu. Ce n'est plus Marie seule dans
la lumière surnaturelle de la foi qui va réaliser le mystère
de la naissance virginale in partu, en latin. A propos de la virginité
in partu, l'Eglise enseigne que Noël a réalisé un enfantement
virginal, corporellement parlant, et que c'est une contemplation incréée
qui vient du ciel qui a saisi la chair sponsale de Marie et Joseph, pour qu'à
travers cette unité sponsale puisse émaner, dans la chair et de
manière virginale et lumineuse venant de cette lumière glorieuse
venant du ciel, un enfant. Un enfant qui était déjà saisi
dans son cœur par le cœur eucharistique de tous les membres vivants
du corps mystique vivant de Jésus vivant, puisqu'il y avait eu
la Visitation. C'est l'Eglise de la Jérusalem glorieuse qui
est née dans l'étable.
Grâce à saint Luc, nous nous rapprochons un petit peu plus de ce
qu'il y a dans la Nativité, troisième mystère joyeux.
C'est cela la charité de saint Luc. Saint Luc est très humain,
il comprend bien que nous ne pouvons pas aller directement, alors il nous rapproche
petit à petit.
Tiens, oui, mais l'Ange Gabriel l'avait dit : « Ne vous inquiétez
pas ».
« Comment allons-nous faire pour la naissance ? ». Ils n'ont
même pas eu besoin de poser la question, vous comprenez ? Saint Joseph
avait eu son Ange Gabriel, Marie avait eu son Ange Gabriel.
« Superveniet in te Spiritus Sanctus et obumbrabit tibi totipotentia Patri » : la
toute-puissance du Père t'obombrera, et superviendra de l'intérieur de toi le feu du Saint-Esprit.
C'est comme cela que se réalisera la Nativité. Cette fois-ci,
c'est tombé dans l'oreille de l'unité sponsale,
pas seulement dans l'oreille de la Vierge. C'est cette parole qui
est tombée dans l'oreille du cœur eucharistique de Jésus,
qui palpite dans l'unité sponsale.
Et c'est de là que la lumière surnaturelle de la foi va
pénétrer dans l'incréé de Dieu, être
assimilée à la paternité de Dieu, féconde dans l'éternité
du Dieu vivant qui naît.
C'est pour cela que la contemplation de ce mystère revêt
une force admirable pour la rédemption et la glorification de Dieu le
Père.
L'acte de foi de Marie pénètre de manière tellement
pure à l'intérieur de Dieu, que Dieu peut faire ce qu'Il
veut avec elle : c'est comme cela que s'est réalisé
le mystère de l'Incarnation.
Cette fois-ci, l'acte surnaturel de la foi dans la communion des personnes,
dans la présence sacramentelle et vivante de Jésus - Père,
Fils et Saint-Esprit dans la chair du Fils -, les a portés dans une pauvreté
et un effacement mutuels devant ce mystère, tels que le Saint-Esprit
a pu saisir cette pauvreté-là et supervenir de l'intérieur
de cette pauvreté pour les plonger tous les deux ensemble en Dieu, pour
que, de là, la naissance ait lieu.
Fruit du mystère : la pauvreté infuse, l'effacement, l'humilité
surnaturelle et divine infuse.
Jésus est né à cause de cela.
« N'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ton épouse ».
Joseph se réveille et aussitôt, « spadou », il fait et
réalise ce que l'Ange lui dit. C'est beau. Ce n'est
pas « en toute hâte », il n'a pas couru, c'est d'un
seul coup, aussitôt, cela se réalise tout de suite. Et il y a eu
six mois comme cela. La foi de Marie l'a intégré, elle continue
d'engendrer du ciel dans la Très Sainte Trinité le Verbe
de Dieu dans sa chair, comme depuis trois mois, mais cette fois-ci, Joseph le
fait avec elle dans l'unité sponsale mutuelle.
Cela se contemple, cela s'incarne, cela se réincarne mystiquement,
nous allons subsister corporellement dans ce mystère divin dans la méditation
de ce troisième mystère.
Il y a des traditions charmantes sur Noël. Je vous lisais la dernière
fois que Marie toute encore dans la gloire incréée de Dieu, avait
Jésus à côté d'elle. Joseph était bien
tout à l'intérieur d'elle et elle tout à l'intérieur
de cette unité sponsale et glorieuse toute lumineuse. Joseph était
là, l'enfant était déjà né, et elle
était encore au ciel. Elle était pourtant sur terre, nous sommes
d'accord, parce que la foi ne nous arrache pas à la terre, elle
nous enracine dans la terre.
Elle n'osait pas toucher l'enfant, alors elle a posé un suaire
sur l'enfant. C'est l'Evangile d'aujourd'hui,
deux jours après Noël, Evangile de saint Jean, chapitre 20, 2-8
: c'est le suaire, dans le tombeau.
Et puis, il y avait quatre langes, quatre haillons. Une fois que tout s'est
reposé, elle a déposé ces quatre langes, et ensuite, elle
a enveloppé, je suppose, l'enfant Jésus dans son voile,
puis elle l'a laissé et déposé dans le manteau de
sa moitié sponsale, pour que le voile de Joseph, à son tour, puisse
envelopper l'enfant.
Cela fait bien sept, comme toujours : le premier voile, les quatre langes, le
manteau de l'Immaculée et le manteau de Joseph. C'est un
beau symbole.
« Pannis involvit », comme dit saint Luc, enveloppé de pain,
ou de langes, ça dépend : si vous mettez deux n,
ce sont les langes, si vous mettez un seul n, c'est du pain.
Le génie de la Révélation est de prendre les mots qui font
comprendre. Parce que le noun, le n, lorsqu'il
est dupliqué deux fois, appelle l'idée de la sponsalité
: nous sommes deux en Un pour faire Eucharistie.
Et en même temps le noun, en grec et en hébreu, exprime
un prolongement, d'après ce que Jésus avait enseigné
à Moïse sur le Sinaï. Le Corps mystique, Jésus, se prolonge
dans le Pain vivant dont le Père se nourrit éternellement au ciel,
l'Eucharistie se prolonge dans la nourriture du Pain vivant dont le Père
se nourrit au ciel pour se constituer dans l'Esprit Saint, dans l'Unité.
Nous connaissons très bien les fruits des sacrements qui font que nous
sommes mangeables, si je puis dire, divinement.
C'est le Sacerdoce, d'abord : Jésus est le Prêtre.
Un Prêtre peut toucher. Après ce sont les langes, « Pannis involvit » : l'Eucharistie
nourrit par le pain. Le Baptême nourrit par l'eau. La Confession nourrit par le sang de Jésus.
Et la Confirmation par le feu de l'amour du cœur de Jésus dans l'Esprit Saint.
Marie et Joseph, sacrement de Mariage. Et sacrement de l'Immaculation terminale.
Les sept sacrements sont là, avec les fruits des sacrements signifiés,
pour montrer que c'est déposé dans une mangeoire d'animaux.
C'est vraiment un mystère eucharistique : le cœur eucharistique
est constitué dans la Visitation, et le corps mystique de Jésus
est né, déjà enveloppé du corps eucharistique du
fruit des sacrements futurs.
C'est un autre détail très parlant, dans l'Evangile
de saint Luc : il montre bien que l'Eglise est née ici à
cause de l'unité sponsale glorifiée. Nous sommes passés
vraiment à quelque chose de très fort.
C'est une des choses les plus extraordinaires du Rosaire que de voir le
rôle absolument capital, indispensable et nécessaire, de Joseph,
dans chacun de ces mystères. Nous le voyons ici comme dans les mystères
précédents : sans Joseph, il n'y a plus rien.
L'Immaculée s'efface, il l'accueille et s'efface aussi bien sûr.
Il voulait s'effacer, c'est l'Ange lui dit que c'est
un effacement mutuel, mais ensemble. Il va se réaliser quelque chose
de tellement beau dans ces six mois et dans cette nativité de Noël.
Ils sont tous les deux extasiés ensemble devant Jésus. Voilà
ce que voient les bergers. Voilà la Haggadah.
Maintenant, la contemplation du mystère, c'est de revivre ce mystère
par la foi.
Que s'est-il passé dans l'admirable perte de soi-même
de Marie en Joseph, de Joseph en Marie, de Jésus en Marie et Joseph ?
Jésus est bien sûr dans la vision béatifique, donc pour
réaliser la croissance de son cœur eucharistique, de son corps eucharistique,
de son amour eucharistique, il faut bien qu'il traverse toute la chair
de l'Immaculée, tout l'esprit de l'Immaculée
qui est dans la nuit, toute l'âme de l'Immaculée qui
est dans la nuit de la foi, et donc il se met dessous, et dedans, il s'efface
et se met au rythme de la foi de Marie, tout en restant dans la vision béatifique.
C'est ce qui a contracté, nous l'avons vu la dernière
fois, l'âme de Jésus : la divinité de son âme
a été contractée à cause de son amour pour Marie,
dans son unité avec elle.
Mais l'Immaculée Conception est sans aucune trace du péché
originel, elle est ce cri vivant de pardon de Dieu le Fils à Dieu le
Père dans la blessure du cœur. Cette communion du cœur immaculé
de Marie et de la Mère de Dieu et de Dieu le Fils dans un seul cœur,
va surabonder dans le cœur de Jean Baptiste pour pouvoir se communiquer
: nous l'avons vu dans la Visitation.
Et nous avons vu pourquoi ce ne pouvait être que Jean Baptiste. Et ce
sera toujours saint Jean Baptiste, et au ciel aussi, ce sera encore Jean Baptiste.
La communication de l'amour incarné ne peut se faire qu'à
travers Jean Baptiste, c'est impossible autrement, Dieu l'a voulu
comme ça.
Jésus s'est mis au rythme de l'amour filial parfait, naturel,
et en même temps surnaturellement recréé par la grâce.
Marie, Jésus, Joseph se sont mis à ce rythme-là, et cela
permet à Joseph d'envelopper et d'être le Père,
d'être l'Epoux de l'Immaculée Conception, l'Epoux
de la Mère de Dieu et le Père du Verbe incarné.
Cet effacement à l'intérieur de l'unité sponsale
avec Joseph, va faire que la femme toute glorifiée, la Mère de
Dieu, va envelopper l'homme, comme le dit le Prophète Jérémie
au chapitre 32.
L'autre jour nous étions à Fatima et nous avons vu qu'à
la dernière apparition du 13 octobre, il y avait des dizaines de milliers
de gens qui étaient pauvres, en haillons, c'était ténébreux,
il avait plu, il y avait beaucoup de boue. Comme pour les bergers.
Les trois petits enfants disent : « Regardez le soleil ! », et les
gens voient le soleil qui commence à tourner et qui leur tombe dessus,
mais les trois ne voient pas le soleil, ils voient la Vierge. Puis la Vierge
s'efface, et pendant que tout le monde est terrorisé par le soleil
(je suppose que le Saint-Esprit va leur dire : « N'ayez pas peur
»), et c'est ce qui est extraordinaire pendant cette dernière
apparition : les trois enfants voient saint Joseph glorifié, saint Joseph
ressuscité qui porte Jésus dans ses bras, et qui bénit
la foule. Jésus regarde saint Joseph qui bénit et il fait comme
son papa. Et saint Joseph est enveloppé par l'Immaculée
Conception toute blanche, toute immaculée, avec des reflets bleus (nous
ne pouvons pas décrire, de toute façon). L'Immaculée
enveloppe Joseph qui porte Jésus et ils sont Un.
L'Immaculée est toute fusionnée dans l'incréé
lorsqu'elle fait son acte de foi et que la supervenue du Saint-Esprit
la saisit dans l'instant de la Nativité. Elle est toute disparue
dans Dieu le Père puisqu'Il est le Père de Dieu le Fils,
et qu'elle est la Mère de Dieu le Fils. Il n'y a plus que
Dieu le Père qui opère en elle. Verbo concepit Filium.
Puisqu'elle est dans l'unité sponsale, c'est cette
paternité incréée de Dieu qui se communique à Joseph,
qui devient l'instrument glorieux de la première Personne de
la Très Sainte Trinité. Sans cela, le mystère de la Nativité
n'aurait pas pu se réaliser jusque dans l'incréé,
alors qu'eux sont dans le monde créé de la foi.
Ce sont des effacements : les effacements des Personnes divines, les effacements
des personnes assimilées à chacune des Personnes divines, si bien
qu'il va y avoir trois Personnes,
le Fils est Lui-même en train de naître dans la chair,
l'Immaculée par sa foi est assimilée à la supervenue
du Saint-Esprit qui la fait s'effacer encore plus,
il n'y a plus que Joseph glorifié qui engendre un Fils dans la
chair par l'unité sponsale.
Il y a quelque chose d'admirable, parce que Joseph n'est pas l'Immaculée
Conception. Il est simplement ajusté substantiellement à elle,
comme il est ajusté substantiellement à Dieu, et ajusté
substantiellement à la Torah dans le cœur de saint Jean Baptiste.
Il a été sanctifié, baptisé, lavé du péché
originel depuis très très longtemps, mais il porte quand même
cette blessure de la nature déchue. D'où la nécessité
pour lui, dans cette unité parfaite avec la première Personne
de la Très Sainte Trinité, d'être effacé absolument
: il est réduit à l'état d'instrument pur,
tandis que Marie reste une cause seconde.
Petit à petit il faudra donc s'habituer, quand nous ferons la méditation
du mystère du Rosaire, à voir la modalité totalement différente
de :
la supervenue du Saint-Esprit qui nous élargit aux dimensions incréées
de la Très Sainte Trinité elle-même,
l'obombration du Père, toute-puissance de Dieu, qui nous emporte,
nous saisit, nous faisant devenir plus petits que la moindre particule de matière
du monde,
et la conception du Fils : on engendre dans le Fils l'opération
de la Nativité.
C'est cela qu'il faut contempler. Il faut l'entendre, savoir
que c'est cela, et attendre que le Saint-Esprit nous le fasse vivre, par
une supervenue du Saint-Esprit, une obombration et une conception qui vient
de l'éternité vivante de Dieu, en étant nous-mêmes
assumés dans l'unité sponsale de Jésus, Marie et
Joseph en méditant ce mystère. Et c'est ainsi que cela engendre
en nous le corps spirituel de la Nativité.
Les Anges sont tous à l'intérieur de Dieu, rien d'autre
que Dieu ne les intéresse, dans la vision béatifique.
Ils voient Dieu qui plonge, c'est comme si Dieu faisait
un trou au ciel (le trou noir) pour descendre sur la terre, alors ils le suivent.
Et du coup ils apparaissent aux bergers.
Dieu s'efface dans Jésus enfant, cela va être la nourriture
de la contemplation angélique elle-même, déposée
dans une mangeoire. Le Verbe de Dieu Lui-même qui est face à face
avec Dieu le Père, voit dans Dieu le Père l'unité
sponsale de Joseph, dans la chair, Il assume la paternité de son Principe,
de sa source, dans le corps de Joseph, lequel est brûlé par son
unité sponsale avec Marie, et du coup Il va naître.
Il faut voir la contemplation du Verbe de Dieu dans son Respectus vis à
vis de son incarnation qui désormais passe par Joseph glorifié
assimilé à Dieu le Père dans son unité sponsale
avec l'Immaculée Conception.
C'est quelque chose que nous ne pouvons pas ne pas contempler, puisque
nous subsistons dans le Verbe, dès que nous sommes chrétiens.
Après, nous voyons saint Jean, ou du moins l'Eglise, qui parle
du mystère de Noël, qui dit : « Voilà, c'est
le jour de Noël ». Evangile de Jésus Christ selon saint Jean.
Nous passons de saint Matthieu à saint Luc, puis de saint Luc à
saint Jean. Saint Jean va dire : « Dans le Principe était le Verbe
». C'est l'Eglise qui dit cela, ce n'est pas un sombre
ermite sur une colline, dans son délire mystico. C'est l'Eglise
sur toute la terre. Dans toutes les églises de toute la terre, le jour
de Noël, il est dit : « Dans le Principe était le Verbe ».
« Ce qui était dans le Principe à partir du principe, ce
que nous avons entendu, contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu spirituellement
et que nos mains ont touché, c'est le Verbe ». Même
les bergers avaient compris cela, parce que saint Luc dit : « Allons donc
voir tout de suite ce Verbe, comment il s'est manifesté, ce qu'Il
est devenu », Verbum quod hoc facit. C'est pour cela que les bergers, si rustres qu'ils fussent, ont
très bien saisi cela.
Le Verbe est devenu chair : Verbum, o Logos egeneto.
L'Eglise dit que la Nativité est la contemplation de Dieu le Verbe,
pour qu'Il devienne Dieu le Fils, à travers la lumière surnaturelle
de notre foi. Verbo concepit Filium.
Voilà ce que demande l'Eglise dans toutes les églises du
monde, dans toutes les cultures, toutes les civilisations, quelque soit le degré
intellectuel. C'est le Dieu vivant que je contemple, et le contemplant,
je vois qu'Il est vivant et du coup Il devient le Fils dans ma foi, parce
que je suis uni à son Principe éternel. Et c'est de l'éternité
que je vois que Dieu est vivant. Alors je participe à la Nativité,
le Verbe devient chair et Il est déposé dans la mangeoire.
Le mystère de la Nativité est la contemplation à l'état
pur, dans la chair. La base est la chair. La naissance de Jésus ne s'est
pas réalisée dans une cause efficiente. Pour la Nativité,
à Noël, il n'y a pas eu de cause efficiente.
C'est ce que dit saint Jean : « Dans le Principe, le Verbe ».
C'est ce que dit saint Augustin : « Primus concepit et nacit in
mente quam in carne ».
C'est une cause lumineuse, incréée et non pas créée.
C'est ce que nous disons dans le Credo :
« Lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né
du vrai Dieu, engendré, non pas créé ».
Cette cause lumineuse incréée produit la Nativité de Jésus
dans la chair. C'est donc cette même cause lumineuse qui doit produire
la Nativité de nous-mêmes dans la chair, comme membres vivants
de Jésus vivant.
C'est par la vie contemplative et par la lumière surnaturelle de
la foi dans l'effacement et la joie d'avoir des pauvretés.
Parce que grâce à ces pauvretés, il est beaucoup plus facile
de s'anéantir dans l'effacement absolu. Nous avons enfin
une pauvreté à offrir. C'est pourquoi les gens qui fuient
la souffrance sont véritablement plus stupides que des porcs.
C'est un mystère de lumière éternelle incarnée.
Voilà pour la cause.
Il y a une assomption de ce qu'il y a de plus parfait dans l'unité
sponsale immaculée entre Marie et la justice de grâce par excellence
dans le cœur eucharistique de Jésus sous la pression fulgurante
de l'opération du Saint-Esprit qui supervient dans leur unité
de chair, de sang, d'âme, d'esprit dans la lumière
surnaturelle de l'élan de leur foi commune. Cette supervenue les
fait être encore plus effacés, et du coup se réalise dans
leur unité commune, dans la crèche, ce regard extraordinaire :
ils sont assumés. Et c'est ce qui est vraiment extraordinaire dans
le mystère de la Nativité et pour la première fois : nous
voyons l'assomption de la dimension sponsale incarnée de Joseph
qui est assumé. Nous avons donc la source de la résurrection de
Joseph qui est là. C'est pour cela que je n'hésite
pas à dire que Joseph est ressuscité d'entre les morts.
C'est impossible autrement. Il a été assumé. Il n'a
pas eu besoin d'attendre la fin du monde.
Du coup, à force de contempler cela, nous allons comprendre que le fruit
du mystère est l'effacement, l'esprit de pauvreté,
l'humilité infuse. Il n'y a plus que Dieu qui compte pour
nous. C'est le mystère de la Nativité.
Deux choses comptent pour moi : Dieu, et être plus pauvre encore, plus
souffrant encore, plus écrasé encore. Ecrasé, on s'en
fiche parce qu'on ne se regarde même plus. Ecrasé ou pas
écrasé, qu'est-ce que ça peut faire ?
C'est plus que de l'acceptation, plus que de l'abandon surnaturel,
c'est de l'humilité infuse, cet effacement.
Et du coup nous rentrons dans l'engendrement amoureux du Fils de l'intérieur
de la Très Sainte Trinité, de l'intérieur de l'incréé.
Vous voyez la différence avec la Visitation-Incarnation, qui était
l'engendrement lumineux du Fils.
Une fois que nous sommes rentrés dans l'abîme surnaturel
et éternel de chacun des mystères du Rosaire, nous revenons et
passant au mystère suivant, cet abîme paraît minuscule à
côté de l'abîme immense et sans limite qui s'ouvre
dans le mystère suivant. C'est cela les mystères du Rosaire,
et c'est cela la vie contemplative.
C'est pour cela que je trouve
bizarre que des gens qui sont contemplatifs, qui ont une vocation de vie contemplative,
disent : « oh, le rosaire, vous comprenez, ce n'est pas contemplatif
, c'est de la dévotion ». Quoi ? Pour eux, la contemplation, c'est faire le vide.
Rien, nada, c'est tout, rien d'autre.
Le Nada de saint Jean de la croix, en réalité, c'est l'effacement
contenu dans la disposition et dans le fruit du mystère. Dans ce «
nada », tu fais le plein du mystère.
Il faut faire attention de ne pas humaniser la vie contemplative.
C'est dans l'incréé que nous sommes : la lumière
surnaturelle de la foi nous fait pénétrer à l'intérieur
de l'intimité source d'une Personne divine avant la création
du monde dont nous sommes sortis ; tandis que si nous voulons faire le vide,
nous restons dans le « tout », dans l'enveloppant de l'univers.
Mais dès que nous quittons l'enveloppant de l'univers pour
rentrer à l'intérieur de l'intimité vivante
lumineuse d'une des trois Personnes de la Très Sainte Trinité
(et du coup en contact avec l'intimité des deux autres) alors
nous faisons le plein de Dieu.
Alors nada, oui : pour ce qui est de l'enveloppant. Mais il faut faire le plein de Dieu, et pour cela il faut la lumière
surnaturelle de la foi.
Mais il ne faut pas dire que le Rosaire est pour les imbéciles qui ne
sont pas contemplatifs. Je crois que non.
Il est fait pour les pauvres qui sont appelés à la vie contemplative
infuse, à la participation à la vie contemplative dans la subsistance
dans le Verbe de Dieu, et il faut même dire beaucoup plus, dans la subsistance
dans le sein du Père.
A ce moment-là nous allons subsister dans le Père, et c'est
ce qui s'est passé avec saint Joseph.
C'est ça, le propre du mystère de la Nativité : cette
apparition de l'unité sponsale et donc de l'assomption dans
l'unité sponsale du Père de Jésus. Il est devenu
ainsi le Père de Dieu.
Marie est médiatrice, nous sommes d'accord : il a vraiment épousé
cette lumière surnaturelle de la foi immaculée de Marie, et il
s'est laissé emporter avec Marie, dans cette lumière surnaturelle
de la foi.
La foi est une relation, une lumière qui nous emporte.
Je fais l'acte de foi, et je suis emporté par mon acte de foi à
l'intérieur de Dieu, dans l'intimité vivante de Dieu,
la lumière vivante et explicite de Dieu. La flèche aboutit dans
Dieu. L'objet de la foi est Dieu.
La lumière surnaturelle de la foi saisit mon intelligence, engloutit
l'intellect agent et me met surnaturellement à la disposition de
ce que Dieu veut pour que je sois à l'intérieur de sa vie
divine intime non créé et éternelle, avant, pendant et
après la création du monde, tout assumé.
La lumière surnaturelle de la foi en Joseph, uni à celle de Marie
et celle de leur unité sponsale commune dans l'amour unie à
celle de tout le corps mystique vivant de toute la création, pénètrent
ensemble à l'intérieur de l'intimité incréée
vivante de Dieu et elles engendrent à l'intérieur de Dieu
un regard de Dieu sur cette lumière surnaturelle et divine qui se trouve
être intégrée à son intimité propre ; et du
coup Dieu regarde la lumière surnaturelle de la foi en l'admirant,
ce qui produit la réalisation du mystère dans le temps.
L'acte de foi est divin par son fruit.
Lecture du Prologue de l'Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean,
1, 1-18.