Jésus s’est assis à la droite de Dieu le Père
et les Apôtres se sont retrouvés dans Jérusalem.
Ils se sont groupés autour de Marie, comme l’explique le chapitre
1 des Actes des Apôtres ; il faut toujours se rappeler : unanimiter,
les Apôtres se sont rassemblés dans une unanimité vivante
avec elle et, perseveranter, ils y ont persévéré dans
le Cénacle, c’est-à-dire dans le nid du pain tout flamboyant,
tout chaleureux, tout brûlant d’amour de l’eucharistie que
Jésus avait laissé avant de partir.
Il y avait un triple nid :
- le nid de la solidarité, de la communion, de la charité fraternelle,
ce nid extraordinaire de l’émotion apostolique, angélique,
humaine, de toute la création, qui s’inscrivait dans une seule
émotion, aspiration, attente, désir,
- le nid de l’Immaculée, cette blessure du cœur toute ardente
de la gloire de la Résurrection, et désormais palpitante du
désir de se communiquer dans le souffle du Saint Esprit,
- et puis le nid de la chaleur ardente eucharistique du pain tout brûlant
qui veut se donner en entier.
C’est ce que nous faisons lorsque nous nous retrouvons dans une petite
chambre haute, dans une chapelle, ou dans une cathédrale, (peu importe),
tout autour du foyer ardent du cœur eucharistique de Jésus, et
que Marie est là, que nous célébrons la présence
de l’Immaculée, que nous lui permettons d’être nous-mêmes
comme les foyers ardents de sa contemplation immaculée retrouvée,
et que nous vivons cela ensemble : c’est cette disposition-là
qui permet de recevoir l’expérience du Saint Esprit.
Toute la vie chrétienne est l’acquisition du Saint Esprit : Seraphim
de Sarov. C’est pour cela que nous pourrions dire que ce dix-huitième
mystère clôture le Rosaire. Après il va y en avoir quelques
surabondances, un couronnement, mais vraiment celui-là est notre mystère
à nous. Unanimiter, dans l’unanimité absolue, sans faille,
dans la persévérance, dans le silence délicat et profond
du désir, dans la chaleur du cœur eucharistique de Jésus,
nous sommes ceux qui reçoivent le trésor de la gloire de Dieu,
le trésor du Père, le trésor du Fils, et le trésor
de l’Unité du Père et du Fils : le Saint Esprit.
Si nous sommes deux à nous aimer, quand nous sommes éperdus,
perdus complètement dans l’amour, où se trouve notre trésor
sinon en notre amour mutuel ?
L’Esprit Saint est le trésor absolu de Dieu.
Et Jésus en montant à la droite du Père a dit : «
Il vaut mieux pour vous que Je m’en aille, parce que si Je ne m’en
vais pas, Je ne pourrai pas vous donner la force, le trésor venu d’en
haut. A l’heure à laquelle Jésus avait levé son
corps sous la puissance du Saint Esprit pour le ressusciter d’entre
les morts, cinquante jours après, un jour de Sabbat, dans la nuit,
avant l’aurore, le souffle du Saint Esprit s’est répandu
dans le Cénacle, de là où Jésus était parti
à l’orient du Mont Sion, de Jérusalem. Ce « soleil
» extraordinaire descend sur Jérusalem, comme reprenant le même
parcours. Les gens dorment, il est trois ou quatre heures du matin ; ce fameux
troisième orage fait beaucoup de bruit, un grand bruit terrible, une
lumière, un souffle, un vent ! Bien sûr, tout Jérusalem
se réveille : toute la création avec elle ( il est bien évident
que la Pentecôte ne s’est pas circonscrite à ceux qui étaient
dans le Cénacle ).
Mais cette attente de ceux qui ont la foi, la grâce et la présence
réelle, l’incarnation même glorieuse de Jésus dans
leur cœur, transfigurés par l’espérance et par le
feu commençant de la charité qui brûle tout, ceux-là
sont ceux par qui la création toute entière commence à
frémir sous le souffle du Saint Esprit. C’est pour cela que tout
le monde a entendu quelque chose. Le Saint Esprit est toujours envoyé
dans l’unité absolue de tout ; toute chose a reçu quelque
chose de cette descente du Saint Esprit. Mais Il s’est manifesté
de manière fulgurante, flamboyante, tonitruante, puissante, de manière
tout à fait extraordinaire dans Jérusalem et encore plus dans
le Cénacle : tout s’est ouvert.
Bien plus forte que cette nuée extraordinaire qu’avaient vue
Jean-Baptiste, Jésus, et quelques autres peut-être au Baptême
de Jésus, bien plus étonnante que la nuée du Saint Esprit
au moment de la Transfiguration, cette fois-ci l’apparition du Saint
Esprit se réalise avec la puissance flamboyante de la Résurrection
de Jésus elle-même introduite dans le sein de Dieu le Père
pour Lui manifester toute cette ardeur à produire l’amour. Quelque
chose de très extraordinaire allait se communiquer.
A mon avis, cette nuée flamboyante n’est pas venue d’un
seul coup. Etant donné que Marie était là, cette grande
effusion du Saint Esprit dans l’univers a duré pendant ces dix
jours. Dans la lumière surnaturelle de la foi intime des Apôtres,
dans leur espérance toute pauvre, l’Esprit Saint a déjà
été envoyé. Le mystère du Rosaire, justement,
va peut-être nous faire comprendre que l’effusion du Saint-Esprit
est venue comme naturellement, grâce à Marie. Et pourtant, elle
est venue d’un seul coup en même temps. Les deux.
La Pentecôte est le Saint Esprit envoyé et reçu.
De même que la vie divine, intime, profonde, lumineuse de Dieu, du Verbe
de Dieu ( Dieu le Fils, l’Epouse ), avait été envoyée
par le Père, de même ce jour-là ce sont les ardeurs intimes
de la jouissance profonde d’amour flamboyante du Saint Esprit qui sont
envoyées : la troisième Personne de la Très Sainte Trinité
est envoyée.
Parce que le Saint Esprit est fondamentalement une fruition passive glorieuse
éternelle d’amour, Il a pris ce chemin qui était tracé
entre l’établissement glorieux du Verbe incarné à
l’intérieur du sein de Dieu le Père, et la place qu’Il
avait prise dans le cœur de Marie tout blessé par le glaive et
tout brûlé par l’amour de l’Esprit Saint. Saint Jean
dit que cinquante deux jours avant, elle avait déjà reçu
l’Esprit Saint.
Dans les mystères précédents, le Saint Esprit agissait
pour ainsi dire comme dans une motion, une espèce de doigt du Saint
Esprit supervenait sans cesse. La foi de Marie la transportait en Dieu, et
du coup le Saint Esprit pouvait opérer la succession des mystères
de l’Incarnation. Tandis que là vraiment, le Saint Esprit est
envoyé.
Saint Jean nous révèle que quand Jésus est mort et que
son cœur fut ouvert par la lance, trois témoignèrent :
l’eau, le sang, et le Saint Esprit. La seule qui reçut alors
cette mission invisible du Saint Esprit en notre monde, au pied de la Croix
était Marie. La Pentecôte avait commencé avant la Résurrection
: il ne faut jamais oublier cela ; elle a continué à la Résurrection.
La blessure du Christ s’était inscrite vraiment physiquement
en elle au moment de la mort (nous le savons, nous commençons à
nous habituer à cela, nous sommes stigmatisés dans l’Immaculée
Conception de la mort du Christ : cette blessure du cœur a traversé
le cœur de Jésus de part en part ; nous aussi, en nous préparant
petit à petit, nous savons très bien que nous sommes aussi blessés
de part en part par la blessure du cœur de Jésus, et que c’est
le cœur de Jésus qui veut battre dans notre poitrine en cette
blessure toute abyssale d’amour) : Marie a vécu cette blessure
du cœur et en cette blessure même la mission invisible du Saint
Esprit fait vivre glorieusement cette plaie du cœur avec le Verbe crucifié.
Une Pentecôte extraordinaire au moment de la mort de Jésus fulgura
en elle infiniment plus que dans la conception. Dans sa conception, nous le
savons bien, la vie intime de Dieu et tout l’amour du Père et
du Fils avaient produit l’Immaculée Conception : nous savons
très bien qu’elle est elle-même le fruit de l’unité
du Verbe de Dieu et du Saint Esprit dans la blessure du cœur de Jésus,
et que cette blessure du cœur et cette unité-là ont produit
ce qu’elle est dans sa conception, bien des années plus tôt.
Mais là, c’est beaucoup plus que cela : c’est le Verbe
de Dieu, dans la mort vivante amoureuse de Dieu, et l’Esprit Saint envoyé,
qui font flamboyer, vivre, surgir l’Immaculée Conception, la
Trans-Verbération du cœur. Cela, nous l’avons vu.
Ensuite, à la Résurrection, nous avons bien noté qu’une
deuxième Pentecôte s’enracinait dans la surabondance mariale
: Jésus a soufflé sur les Apôtres. C’est extraordinaire
! Le souffle sort de la bouche vivante de Jésus glorieux leur apparaissant.
Jésus souffle sur eux et Il dit : « Recevez l’Esprit Saint
». Grâce à cette réception de l’Esprit Saint
et à partir de cet instant-là, ils reçurent la foi surnaturelle
en partage avec Marie ( Saint Jean avait expliqué que les disciples
n’avaient pas la foi tant que Jésus n’avait pas encore
été glorifié et que le Saint Esprit n’avait pas
encore été donné. Mais les Apôtres ont connu la
foi surnaturelle, la foi mariale, l’espérance mariale et l’amour
surnaturel de Jésus, du dedans, à partir de cette deuxième
Pentecôte. C’est ce qui leur a permis de recevoir le pouvoir sacerdotal
et de recevoir le pouvoir de consacrer, le pouvoir de pardonner, le pouvoir
de délier le mal.
Ici, c’est la troisième Pentecôte, la Pentecôte du
cinquantième jour, Pentecôte mariale tout autant que les précédentes.
L’Immaculée vit déjà de la Pentecôte depuis
cinquante deux jours : la Pentecôte du Père (la Pentecôte
où l’Esprit Saint, l’amour du Père est envoyé),
la Pentecôte du Fils (où l’Esprit Saint, l’amour
du Fils est envoyé), et enfin la Pentecôte où l’amour
du Saint Esprit est envoyé en sa propre Personne. Elle n’avait
pas cessé en sa passivité de recevoir en Elle tout ce qui surnaturellement
apparaît dans les disciples, pour la préparation des mystères
suivants de la Résurrection, puis de l’Ascension, et maintenant
de la Pentecôte. Elle ne va pas cesser de communiquer cette pentecôte
depuis que Jésus a manifesté son Ascension : c’est pour
cela qu’il y a une ferveur que nous voyons tout de suite décrite
dans les Actes des Apôtres. Immédiatement, nous les voyons être
aspirés : une piété, une délicatesse, une persévérance,
une force intime dans la prière, une ardeur dans l’attente, une
qualité surnaturelle de silence, un désir tout à fait
inscrit dans les profondeurs de Dieu, une unanimité qui ne s’arrête
pas, qui ne trouve pas d’ombre. Cela a duré dix jours ! et cela
vient bien-sûr des Pentecôtes précédentes de Marie.
Mais cette fois-ci, elle s’inscrit dans le Cénacle, et quelque
chose de nouveau apparaît : c’est cela notre mystère d’aujourd’hui.
Notre mystère d’aujourd’hui nous fait voir ces torrents
de lumière flamboyante inscrits dans des esprits déjà
éclairés par le ravissement du désir et de l’extase,
tout attirés, sans aucune crainte, sans aucune peur. Et pourtant quelque
chose de nouveau les surprend, et leur extase les met tout à fait dans
les profondeurs de l’apparition, de la manifestation. Cette manifestation
toute glorieuse où le ciel s’ouvre, s’est déroulé,
c’est évident, de manière très extraordinaire,
très puissante. Le feu amoureux, rendu sensible grâce à
la Résurrection de Jésus d’entre les morts, installé
dans le nid de la profusion du Saint Esprit entre le Père et le Fils,
a rendu possibles ces torrents de lumière. Cette lumière flamboyante
rentre par torrents dans leur bouche : des langues de feu. Il ne faut pas
oublier que tout cela s’est inscrit dans dix jours de désir quasi
infini, communautaire, unanime. Vous avez remarqué que ces torrents
de lumière ne sont pas tombés dans leurs mains : ce sont des
langues de feu, des torrents de lumière flamboyante.
Vous voyez ce lien extraordinaire avec le Pain du ciel, cette nourriture venue
du ciel : ces torrents de lumière flamboyante nourrissent leurs langues
enflammées de l’Esprit Saint.
Marie aussi bien sûr reçoit ces torrents de lumière flamboyante
qui contient tous les désirs de Dieu à l’égard
de tous les êtres humains, toute création abreuvée, tous
ses désirs désaltérés en Elle. C’est pour
cela qu’ils vont pouvoir parler toutes les langues, qu’ils reçoivent
toute science, toute lumière.
Et ils reçoivent de Jésus glorifié, ils reçoivent
de Marie glorifiée dans son cœur ardent et toute palpitante du
Saint Esprit depuis cinquante jours, un feu. Quelquefois quand il crépite,
des flamme se détachent du feu. C’est cela la Pentecôte
: le feu est l’Immaculée et Jésus ressuscité flamboyant
ensemble dans l’Esprit Saint, et ses manifestations, les dons du Saint
Esprit, sont cette Pentecôte qui apparaît.
Ces flammes surabondent ce qui se passe en Jésus, en Marie et en Joseph
dans la gloire de leur unité glorieuse du cœur dans la saveur
du Saint Esprit. Cette surabondance va se manifester dans les crépitements
de toutes les gloires de l’humanité intégrale glorifiée.
C’est pour cela qu’il y a sept dons du Saint Esprit.
Saint Athanase dit que si vous êtes chrétiens, si vous avez reçu
le Baptême, vous devez vivre du Saint Esprit. Et à quoi reconnaîtrez-vous
que vous vivez (ou ne vivez pas) du Saint Esprit ?
Vous reconnaîtrez que vous vivez du Saint Esprit à ce qu’il
y a au dedans de vous, à l’intérieur et en même
temps à l’extérieur de vous, une chaleur merveilleuse
et sensible du cœur, une espèce de feu dans le cœur ( Saint
Athanase ne disait pas n’importe quoi, vous ne pouvez pas trouver plus
orthodoxe qu’Athanase ).
Cela, tu l’expérimentes : il y a un embrasement de ton cœur
qui est chaud, qui est lumineux, mais qui ne fait pas mal. Tu vois bien que
c’est de l’amour, bien sûr, mais sous forme de chaleur,
de feu.
Il n’y a pas de doute que le cœur de Marie était comme cela,
tout chaleureux, tout enflammé, tout brûlant.
Et les dons du Saint Esprit sont donnés en effet pour que toutes les
dimensions de notre vie soient prises par l’amour du Père pour
le Fils, soient prises par l’amour de l’intimité vivante
de Dieu dans le sein du Père, et soient prises dans cette unité
profonde d’amour de Dieu ; surtout que toute l’humanité
ressuscitée de Jésus s’est faite elle-même vie intime
de Dieu : elle est venue disparaître dans le sein de Dieu le Père,
là où même Dieu le Père vient disparaître
pour produire l’Esprit Saint. Donc l’Esprit Saint est venu se
produire dans la Résurrection active de Jésus ressuscité.
Et la Résurrection active de Jésus ressuscité flamboie
dans le cœur de Marie, toute assoiffée de l’Esprit Saint.
Et c’est comme cela que surabondent de cette unité, de ce chemin
surnaturel, d’une foi ardente et brûlante d’amour, les sept
dons du Saint Esprit.
Les sept dons du Saint Esprit, nous les expérimentons.
Comment expérimentons-nous les sept dons du Saint Esprit prophétisés
par Isaïe, prophétisés par David dans le psaume, prophétisés
par Jésus pendant sa vie, proclamés expérimentalement
par tous les membres vivants de Jésus vivant ?
L’esprit de sagesse, l’esprit d’intelligence, l’esprit
de conseil, de force… c’est quoi ?
L’esprit de sagesse s’est communiqué avec profusion le
jour de la Pentecôte, et se communique avec profusion dans notre oraison
dès que nous réactualisons surnaturellement, intégralement,
absolument, le mystère de la Pentecôte. Alors nous nous abreuvons
à ces torrents de saveur lumineuse, chaleureuse, infinie et sans limite
: dégoulinante saveur de Dieu, chaleureuse saveur de Dieu qui s’empare
de nous. Et comme cette chaleureuse saveur de Dieu est immense, et en même
temps très profonde et très intense, sans compter qu’elle
est immense, elle écarte de nous tout ce qui n’est pas cette
saveur, et en particulier toutes nos peurs.
Au départ, les sept dons du Saint Esprit se sont préparé
une place en nous à partir du moment où il y a eu cet amour
séparant dont nous avons parlé. Cela a commencé à
Gethsémani et dans le fond des cinq mystères douloureux, mais
cette préparation a prolongé ses effets dans les grâces
de la Résurrection et à l’Ascension.
A la place de l’angoisse de Gethsémani, à la place de
cette dislocation, il y a cette saveur, esprit de sagesse : nous sommes vraiment
dans l’unité savoureuse avec tout ce qui existe ; il ne peut
plus y avoir aucune condamnation ; en nous il n’y a pas la moindre critique
de qui que ce soit ; il n’y a plus l’ombre même d’une
pensée de critique vis à vis des Américains ou des Arabes,
ou vis à vis des Juifs ou des Gaulois ; nous parlons toutes les langues,
de tous les hommes ; nous sommes dans la saveur profonde de chacun ; une saveur,
une chaleureuse unité, savoureuse, profonde, immense, se répandant
partout.
C’est pour cela que nous disons que l’Esprit Saint est le Paraclet,
le défenseur : Il est le contraire de l’accusateur de nos frères,
le démon qui dominait Gethsémani et qui a disloqué le
monde, notre monde. Alors il n’y a plus aucune critique, il n’y
a plus que l’apparition du Saint Esprit dans tous les abîmes,
toutes les soifs du monde, et toutes les couleurs différentes, extasiantes,
savoureuses, profondes, chaleureuses, flamboyantes du Saint Esprit en tous,
partout, toujours. Cette communication que nous devons à Marie pour
ces cinquante-deux jours de Pentecôte, est une communication adorable
: nous devons adorer cette communication.
Après Jésus a été flagellé. Il est évident
que l’Esprit Saint est une lumière d’une transparence,
d’une limpidité, d’une pureté, d’une profondeur,
qui fait que nous voyons toutes les profondeurs intimes de Dieu, et tout ce
que Jésus voit dans la Résurrection, dans la claire vision de
la lumière de gloire. Dans ce deuxième don du Saint Esprit qui
nous est donné, le don d’intelligence : « bienheureux les
cœurs purs », nous voyons aussi tout ce que Jésus voit en
pleine lumière dans la Résurrection. Nous le voyons sans le
voir, c’est cela qui est étonnant, parce que nous, nous sommes
encore dans l’obscurité de la foi. Mais cette vision lumineuse
du Christ ressuscité dans la lumière de gloire (quand Il voit
le Père comme le Verbe de Dieu voit le Père, et quand Il voit
toutes les profondeurs du Saint Esprit) rejaillit dans son âme humaine,
et c’est ce rejaillissement en son âme humaine glorifiée
qui surabonde en nous cette lumière que nous appelons le don d’intelligence.
Par quoi se traduit ce don d’intelligence ? Nous sommes tout simplement
entièrement absorbés dans le Verbe de Dieu, étourdis
dans le sein du Père, introduits dans les intimités profondes,
lumineuses du Saint Esprit. Le Saint Esprit est Lumière : l’évidence
est absolue, la certitude est totale, la lumière est parfaite, et pourtant
nous ne voyons pas, et pourtant nous voyons toutes les profondeurs de Dieu,
sans arrêt, quand nous faisons oraison. L’esprit d’intelligence
est vraiment génial ! Moi, j’aime beaucoup. L’esprit d’intelligence
est très beau.
Au couronnement d’épines, grâce à cette humiliation,
nous avons reçu l’esprit de conseil. Jésus a été
livré aux mains des brigands, broyé, humilié : cette
moquerie effrayante qui fait que tout ce qui est critique, tout ce qui est
rejet, tout ce qui est humiliation, tout ce qui vient de l’orgueil qui
fait que nous abaissons les autres, que nous mettons en valeur leurs défauts,
ou que nous mettons en valeur leurs côtés dangereux, tout ce
qui vient du mal ou de l’esprit du monde, tout cela disparaît
dans l’esprit de conseil. L’esprit de conseil est une onction
dégoulinante d’huile parfumée qui enlève tout ce
qui empêche les rouages de fonctionner : tout va bien, cela ne grince
plus. Le Royaume de Dieu accompli est cette huile, cette onction.
Il est extraordinaire que la vie chrétienne consiste à vivre
de l’onction : c’est très clair, il faut avoir l’onction
dans tout notre sang, dans toutes nos fibres, dans tous nos sens externes.
Quand nous touchons quelqu’un, il faut que la foi, que la délicatesse,
l’onction du monde glorifié entier dans l’Esprit Saint
communiqué, se communiquent.
Vous comprenez bien que cette onction-là ne s’invente pas, ces
choses-là ne peuvent pas s’imaginer. Mais quand la Pentecôte
a été donnée, les Apôtres (qui avaient peur de
recevoir encore une critique, une humiliation) ont été remplis
de cette onction qui fait qu’ils dégoulinaient de confiance,
d’humilité, d’unité avec ce qu’il y a de plus
pur, de plus immaculé, de plus humble dans tous les êtres humains
sans exception, avec une confiance absolue dans ce qu’il y avait dans
leur cœur (à chaque fois que nous humilions ou critiquons quelqu’un,
c’est que nous n’avons plus confiance en lui).
Nous pouvons lire ainsi les sept mystères précédents
: ils peuvent nous faire comprendre en trésors glorieux sans limites,
ce que sont les sept dons du Saint Esprit.
Jésus a porté sa croix : ici, c’est l’esprit de
force, toute la force de Dieu, toute la patience de Dieu. L’impétuosité
du vent, le souffle du Saint Esprit a été donné aux Apôtres,
et il a élargi d’une manière considérable toute
leur vie intérieure. Il a immensément déployé
tous les espaces en hauteur de leur intelligence spirituelle, il a approfondi
toutes les capacités de leur humanité (rétrécie
par le péché originel), il a donné toute la profondeur
de toutes les forces de Dieu. Toutes les énergies de Dieu étaient
là, invisibles, mais disponibles, et cela, c’est la force, la
patience de Dieu. Tous les temps étaient à leur disposition
dans toutes leurs dimensions, avec toutes les forces disponibles de Dieu.
Quand Jésus a porté sa croix, il a fallu qu’Il gagne pour
nous une victoire sur tous les instants, pour y inscrire la vastitude de l’éternité
vivante en notre temps, dans la force de la patience. Le don de force structure
notre vie intérieure. Le Saint Esprit fait que notre vie intérieure
est tellement riche qu’elle ne s’épuise jamais. Toutes
les profondeurs, toutes les splendeurs, toutes les hauteurs, toutes les largeurs
(c’est là que nous parlons de la largeur, de la hauteur, de la
profondeur), c’est la force. Notre force est douce, patiente, tranquille,
sereine, inépuisable. Nous ne puiserons jamais plus au fond de notre
cœur des ressources pour tenir : nous puiserons dans l’Esprit Saint
les forces de notre vie intime. Le Saint Esprit ne fait rien par Lui-même,
Il est Passivité substantielle d’amour ; toute la force d’amour
de Dieu dont Il jouit, et Il en jouit de manière inépuisable.
C’est la force de Dieu.
Et, que voulez-vous, Jésus a été crucifié. Il
a donné sa vie et nous a mérité le don de crainte. Le
don de crainte est le don transcendant, si vous voulez, qui fait que tout
est déchiré, ou, si vous préférez, qui fait que
nous crevons tous les plafonds ; qui fait que plus rien n’existe que
Dieu ; que surtout, à l’intérieur de nous, nous découvrons
à quel point, si le murmure, si la puissance du Saint Esprit est tonitruante
au fond de nous, en même temps l’Esprit Saint qui vit en nous
est d’une délicatesse étonnante vis à vis de nous.
Et ces dix jours-là de préparation à la Pentecôte
ont été extraordinaires pour les Apôtres de ce point de
vue-là : ils ont tout de suite vu en s’engloutissant à
l’intérieur de la Pentecôte mariale, avant de recevoir
eux-mêmes leur propre Pentecôte, que l’Esprit était
l’humilité amoureuse à l’état pur, et donc
si un seul mouvement s’établissait en eux, l’Esprit Saint
ne pouvait plus se faire entendre. L’Esprit Saint est délicat
: quand vous parlez à quelqu’un, s’il vous interrompt,
vous vous arrêtez tout de suite, parce que vous le respectez (c’est
cela, la délicatesse). L’Esprit Saint est infiniment délicat,
donc si un seul mouvement vient interrompre… lui se donne dans l’attente
de pouvoir s’exprimer en toute délicatesse, et c’est ce
que l’on appelle l’esprit de crainte : l’Esprit Saint en
nous est tout en attente de ce qu’Il reçoit de l’unité
du Père et du Fils, et toute sa délicatesse est là.
Et cette fois-ci, l’Esprit Saint est toute délicatesse de ce
qu’Il reçoit de l’unité du Père et du Fils
dans la gloire de la Résurrection à l’intérieur
de son unité avec le Verbe dans la blessure du cœur tout palpitant
d’amour céleste de Marie. Et c’est à cela qu’Il
est attentif, délicat. Une communication s’est faite (nous ne
pouvons pas dire le contraire) pendant dix jours aux Apôtres pour recevoir
ce don. Et c’est pourquoi il y a eu cet unisson entre le ciel et la
terre.
Et lorsque le don de crainte les a abreuvés de sa propre substance,
alors à ce moment-là, évidemment, cela a produit en eux
un effet qui est très difficile à décrire, il faut bien
l’avouer : je ne sais pas comment il faut décrire cette délicatesse
(quand nous sommes pris par l’esprit de crainte, nous ne pouvons pas
le décrire, de toute façon). Si une mouche vient, si une abeille
vient, si une voiture arrive, si d’un seul coup quelqu’un arrive
pour vous interrompre, cette délicatesse est telle que vous êtes
tout à ce nouvel événement, tout entier.
Tandis que si vous n’avez pas le don de crainte, vous vous énervez
: « ah, il m’empêche de prier, celui-là ! ».
Vous vous rendez compte ? « L’autre, qui est là, m’empêche
de prier… ! » qu’est-ce que c’est que cela ? Tu peux
m’expliquer comment est ta prière ? L’autre ne m’empêche
pas de prier, jamais l’autre ne m’a empêché de prier
: voilà ce que produit la délicatesse du Saint Esprit. Il faut
bien reconnaître qu’il y a quelque chose d’extraordinaire,
difficile à décrire, parce que nous ne pouvons pas l’inventer…
Spirituellement, le religieux dira : « quand même, respecte ma
prière, s’il te plaît, je suis libre de prier, laisse moi
au moins mes plages de liberté, quoi ! ». Vous voyez que l’Esprit
de Crainte ouvre de nouvelles perceptions…
Ce sont des petits détails, mais à quoi reconnaît-on cette
chaleur ? Quand vous avez cette chaleur dont parle saint Athanase, l’autre
peut venir vous déblatérer plein de choses, la chaleur est là,
vous priez ; il parle ? Vous vous évanouissez plus profondément
encore : vous avez deux cœurs cette fois-ci au lieu d’un. Formidable
! Et vous êtes infiniment délicat avec celui-là, vous
voyez ? C’est cela, l’esprit de crainte : rien de nous ne peut
fatiguer ce don de l’Esprit Saint.
Jésus est mort et Il est rentré dans le grand Sabbat. Dans le
grand Sabbat, Il est rentré dans toute la science de la mort, dans
toute la science de la vie, dans toute la science de sa gloire : c’est
l’esprit de science.
L’esprit de science se manifeste dans ce fait que nous pleurons beaucoup
de tous nos attachements à ce qui n’est pas Dieu. Nous sommes
attachés à nous-mêmes, nous sommes attachés au
plaisir, au bonheur, à toutes sortes de désirs, aux choses corporelles,
charnelles, même quelquefois spirituelles, nous sommes attachés
à la gnose, à un certain sentiment d’être heureux.
Et dans ce don de science, nous pleurons de cela : nous voyons à quel
point tous ces désirs de bonheur, d’épanouissement, d’auto-réalisation,
de reconnaissance (« je voudrais bien qu’on me reconnaisse un
peu, hein ! »), de guérison, etc…, nous voyons à
quel point ces désirs-là ne sont pas justes. Evidemment, il
est beaucoup plus facile de le voir pour les gros désirs, les désirs
de péché (par exemple : « moi, j’ai envie de vivre
dans l’adultère »).
Mais dans l’esprit de science, tous ces désirs de bonheur terrestre,
ces désirs faux, ces désirs injustes, quels qu’ils soient,
nous font pleurer, parce je vous assure que nous nous apercevons à
quel point, profondément, le Saint Esprit et nous, nous ne sommes plus
du tout attachés à ces désirs-là, et nous pleurons
d’y avoir mis quand même notre attachement.
« Bienheureux les affligés, ils seront consolés ».
C’est pour cela que l’Esprit Saint est appelé Consolateur.
Et les larmes du don de science sont des larmes de détachement : nous
nous détachons de notre désir d’être heureux, d’être
aimé sur la terre de manière sensible ; nous nous détachons
de tout cela en comprenant amoureusement que ce détachement est heureux,
et que notre bonheur consiste à pouvoir être libre de tous ces
attachements à un bonheur terrestre.
Je ne sais pas comment expliquer cela, je vous l’avoue, mais à
un moment donné, nous pleurons et nous sommes heureux de voir ces choses
se détacher. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Nous pleurons
vraiment de bonheur parce que nous sommes heureux de nous détacher
de tout cela, et pas parce que nous regrettons. Notre bonheur : être
détaché de ces attachements, de ces aspirations à des
réalisations en réalité injustes parce que ce sont des
réalisations orgueilleuses, des réalisations égoïstes,
des réalisations de plaisir, des réalisations de béatitude
terrestre, mondaine. Nous ne sommes pas faits pour ce bonheur-là.
Un jour, la télévision est venue à la communauté
des moines : « Pourquoi est-ce que vous vous êtes fait moine ?
». « Ah, moi, je me suis fait moine parce que je veux le bonheur
sur la terre ». J’étais en haut de l’escalier, et
je me disais : « Quand même, pourquoi est-ce qu’il répond
cela, lui, c’est exactement le contraire ! ». Du coup, le journaliste
a dit : « Coupez ! », il avait compris que cela n’allait
pas : quelqu’un qui cherche le bonheur sur la terre ne se fait pas moine.
Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas le bonheur sur la terre quand
nous sommes moine, ce n’est pas cela, mais nous ne nous faisons pas
moine pour cela ! Nous nous faisons moine pour pleurer ce désir d’avoir
le bonheur sur la terre, et nous sommes heureux de pleurer, notre bonheur
est de pleurer ce détachement.
Et cela ne s’invente pas : c’est un don de Dieu, le cinquième
don du Saint Esprit, le don qui fait que nous connaissons toutes choses. Dès
que nous connaissons la vérité incarnée des êtres
humains de la terre, de la création, de la grâce, de la gloire,
et des Personnes divines, ces larmes sont toujours là, tout le temps.
Nous ne sommes attachés qu’aux profondeurs de Dieu, aux profondeurs
des autres et à nos propres profondeurs : c’est cela, notre bonheur
(et du coup nous en pleurons), et c’est notre connaissance : nous avons
une connaissance infuse, nous sommes détachés du péché,
et nous nous en détachons par les larmes qui viennent de Dieu.
C’est pour cela que nous disons que les torrents du Saint Esprit se
sont déversés sur les Apôtres et ont surabondé.
Il faut imaginer le spectacle de la Pentecôte, cela a dû être
étonnant ! Ce n’était pas de l’eau salée
(les larmes sont un peu salées) ! C’est étonnant comme
le don de science lave, comme il béatifie (il ne rend pas heureux).
Par la Résurrection, Jésus a inscrit dans le cœur de Marie
et dans son propre cœur une nouvelle soif : Il demeura avec eux quarante
jours. Avec la Résurrection et l’Ascension, Il nous a mérité
les deux autres dons : le don de piété et de crainte de Dieu.
Jésus qui palpite dans le cœur de Marie, avec elle, nous a mérité
le don de piété. Quand Jésus a laissé Marie entièrement
seule, il n’y avait plus que cette avidité d’amour filial
pour le Père, cet amour ardent de toute la création, de toute
l’humanité, en elle, pour la paternité de Dieu inscrite
dans toutes les sources humaines et dans toutes leurs vivifications à
partir de l’éternité glorieuse de Jésus. Tout cela
a fait le don de piété : le don de piété est la
miséricorde, le visage du Père revivifiant tout en pardonnant,
et cet amour qui fait qu’il n’y a plus que le Fils dans le Père.
C’est le don de piété : il n’y a plus que le pardon.
Entre le Fils et le Père, il y a Jésus ressuscité, et
donc il n’y a plus le péché, il n’y a que du pardon.
Tout cela pressé fait le don de piété dans nous : il
n’y a plus que le pardon, l’amour du Père, l’amour
du Fils. Nous sommes le Fils, c’est le don de piété, le
don marial par excellence, la miséricorde à l’état
pur. Le Père et le Fils ont entre eux la gloire de la Résurrection,
ils disparaissent tous, et cela donne la grâce de Marie, cela donne
la miséricorde incarnée, la miséricorde à l’état
pur, le pardon à l’état pur, l’amour de la mère,
l’amour du fils, l’amour de l’enfant, l’amour du père.
Il n’y a que du don parfait d’amour. Le don de piété
est la note caractéristique qui signe la grâce de Marie.
Il est bon de noter que pendant les quarante jours de l’Ascension Marie
avait travaillé les profondeurs de Dieu pour nous obtenir ce don avec
Jésus. Pendant les dix jours qui ont suivi, il reste la plénitude
de ces dons qui vont se donner communautairement par Marie.
Nous nous disposons à vivre du mystère de la Pentecôte
en vivant profondément de la troisième vertu théologale
: la vertu surnaturelle de la charité. De même que nous disions
que nous nous disposions au mystère de l’Ascension en vivant
de la vertu surnaturelle de l’espérance, et au mystère
marial de la Résurrection en vivant surnaturellement de la lumière
théologale toute divine de la foi dans l’intime de notre vie
spirituelle et de notre intelligence.
Là, notre cœur commence à palpiter, à être
chaleureux d’amour, à être en solidarité, en communion,
à laisser l’amour de Marie s’exprimer à travers
le nôtre, à ne faire qu’un seul cœur par une toute
petite fontaine, toute ruisselante, toute chantante, toute savoureuse, toute
lumineuse d’amour dans notre cœur : du coup, nous avons cette charité
et nous essayons de vivre dans la charité autant que nous le pouvons.
Comment fait-on des actes de charité ?
Tout à l’heure, je vous disais que nous ne pouvions pas inventer
le don du Saint Esprit. Tandis que l’acte de charité surnaturellement
divin, c’est nous qui pouvons le produire du dedans de nous par la puissance
du Baptême, en mettant vraiment en commun ce qui est surnaturel en nous
et ce qui est surnaturel dans le monde de tous ceux qui aspirent à
la charité. La charité est une mise en commun de nos trésors,
de nos actes.
Cette période des dix jours qui préparent la Pentecôte
est vraiment la mise en commun par excellence entre les Apôtres, tout
subjugués par la lumière, la délicatesse de la gloire
du Saint Esprit qu’ils ont vue à l’Ascension, du souffle
qu’ils ont reçu de Jésus à la Résurrection,
et de cette aspiration dans ce qui se passe dans la Pentecôte mariale.
Un amour les uns pour les autres surgit à partir de là, et c’est
un amour divin, un amour surnaturel qui nous met d’abord dans la lumière.
C’est à cela que nous reconnaissons si nous faisons un acte de
charité surnaturel : cette mise en commun nous met dans la lumière.
Etant dans la lumière, nous demeurons dans cette intimité de
Dieu qui est lumière, et nous le voyons très bien. Du coup,
nous sommes en communion profonde les uns avec les autres. Et du coup les
dons de Dieu peuvent se manifester, et en particulier ce fait que nous pouvons
nous unir profondément à quelqu’un, nous mettre dans son
cœur, prier à sa place, pardonner à sa place, réparer
à sa place, demander pardon à sa place. Nous pouvons avoir de
la charité surnaturelle pour Jésus, en nous mettant dans son
cœur glorieux, en demandant pardon avec Lui, en pardonnant avec Lui.
Faire un acte de charité est facile : d’abord nous sommes en
Dieu, par la foi, par l’espérance, l’avidité du
surgissement de l’amour ; à ce moment-là nous sommes dans
la lumière de Dieu, en communion profonde les uns avec les autres ;
et avec cette grâce-là, avec ce cœur-là, nous faisons
un acte de charité surnaturelle.
Ce que nous mettons en commun est l’amour qui vient de Dieu. Un philosophe
vous dira que ce qui structure l’amitié, c’est la mise
en commun. Si vous mettez en commun la recherche de la vérité
philosophique, l’amitié est philosophique. Si ce que vous cherchez
en commun est le plaisir, c’est une amitié de plaisir. Mais si
c’est de la charité, ce que vous mettez en commun est l’amour
qui vient de Dieu. Et il faut d’abord que vous soyez dans la lumière,
en communion profonde les uns avec les autres (sinon aucun amour de Dieu ne
peut jaillir de vous dans la communion des personnes).
Voilà la disposition pour recevoir les dons du Saint Esprit, pour recevoir
la Pentecôte.
Marie a vécu quinze ans jusqu’à l’Incarnation, trente-cinq
ans jusqu’à la Résurrection, et vingt-deux ans encore
après la Résurrection de Jésus. Vingt ans pour Marie,
vingt siècles pour l’Eglise, c’est extraordinaire pour
le corps mystique vivant de Jésus vivant.
Jésus est apparu à une petite paysanne dans la Drôme,
lui disant : « Après ces vingt siècles, après ces
deux mille ans, Je veux inscrire dans la terre des foyers de lumière,
de charité et d’amour ».
L’heure de la Pentecôte est arrivée. Le monde nouveau est
un monde de Pentecôte mariale. La Jérusalem spirituelle met tout
en commun avec la Jérusalem glorieuse pour faire jaillir la Pentecôte
mariale, pour faire jaillir la Pentecôte dernière de l’Eglise.
D’abord la lumière : foyer de lumière veut dire que nous
nous inscrivons dans les intimités profondes du Verbe de Dieu et que
nous nous installons dans le sein du Père pour en voir tous les espaces,
tout le visage intime et resplendissant pour nous. La Paternité de
Dieu ne nous est plus étrangère, la vérité est
notre soif, et nous cherchons à contempler, à voir Dieu en toute
vérité.
Foyer de charité : la mise en commun, la communion fraternelle, l’unanimité
chaleureuse venue de Dieu dans notre cœur. Vivre vraiment de l’amour
qui vient de Jésus ressuscité, l’amour glorieux de Jésus.
La charité est la victoire de l’amour glorieux dans le cœur
humain et ressuscité de Jésus dans notre cœur.
Foyer d’amour. L’amour n’est pas la charité : si
nous vivons en même temps de la lumière et de la charité,
alors à ce moment-là nous sommes emportés sur ces deux
ailes extraordinaires vers la Pentecôte ; et la Pentecôte, c’est
de vivre de l’amour ; et l’amour, c’est de vivre ce que
vit le Saint Esprit lorsqu’Il apparaît et que disparaissent le
Père et le Fils qui Le font émaner dans l’amour.
Ce n’est pas la même chose que la charité. La charité
consiste à laisser l’Esprit Saint exprimer ce qu’Il est,
à travers nous.
Dans la disparition de nous-mêmes dans la paternité, de nous-mêmes
dans la filiation éternelle de Dieu, dans cette triple disparition,
dans la disparition même de toute grâce, de tout temps, de toute
préoccupation, quand tout disparaît dans l’amour mutuel
et qu’il n’y a plus que l’Esprit Saint, à ce moment-là
apparaît l’Amour.
Le Saint Esprit est Dieu qui de l’intérieur apparaît comme
fruit de l’amour total des deux premières Personnes de la Très
Sainte Trinité. C’est tout simple : le Père aime profondément
son Epousée, son Epousée ( le Verbe de Dieu portant toute la
Jérusalem glorieuse dans sa Résurrection ) aime le Père
et disparaît avec son Ciel en Lui dans le Père, et ces deux disparitions
produisent le Saint Esprit.
Voilà la Pentecôte, Marie vit du Saint Esprit, elle est elle-même
cette Jérusalem glorieuse qui avec l’Epouse (c’est-à-dire
le Verbe de Dieu) disparaît dans le sein du Père, quand le Père
Lui-même disparaît, extasié par cette disparition d’amour,
et cette triple disparition produit le Saint Esprit.
Maintenant, si nous voulons parler de ce qu’il y a dans le troisième
mystère glorieux, le dix-huitième mystère du Rosaire,
nous pouvons faire toutes sortes d’approches mystiques. Ce mystère
est le mystère mystique par excellence, tout en étant très
incarné, sensible.
Il y a eu cinq mystères joyeux, cinq mystères lumineux, cinq
mystères douloureux, et ces trois mystères glorieux : cela fait
dix-huit mystères.
La manifestation de la vie divine dans notre monde, la paternité de
Dieu se dévoile dans les mystères joyeux.
La manifestation de la vérité et du Verbe de Dieu se révèle
dans les mystères lumineux : le Verbe de Dieu s’est manifesté,
le Verbe s’est fait chair, la Lumière est venue resplendir dans
le monde et les ténèbres n’ont pas pu l’arrêter.
C’est sûr.
A travers les mystères douloureux, le Saint Esprit est envoyé
: l’eau, le sang, et l’Esprit Saint.
Les cinq premiers mystères lumineux sont un petit peu présents
à l’état glorieux dans la Résurrection (manifestation
du Père qui donne la vie et la Résurrection), et ces cinq mystères
lumineux sont glorifiés dans l’Ascension : le Fils est appelé
et il ne reste plus que le Père dans l’unité du Père
et du Fils, la Résurrection se fait Fils, la Résurrection est
devenue Dieu le Fils. C’est cela, l’Ascension : la Résurrection
glorieuse qui a été donnée à Jésus devient
Dieu le Fils tout entier, anastasis.
Et les cinq mystères glorieux sont extasiés dans la Pentecôte,
dans la gloire du Saint Esprit.
Nous disions pour le mystère de l’Ascension que la tension de
ce mystère est admirable : Jésus disparaît dans le Père
(« Je vais vers le Père », Il s’assied à la
droite du Père).
Comment allons-nous faire la théologie mystique de cela, c’est-à-dire
contempler, puisque le Rosaire nous appelle toujours à contempler ?
Attention ! La contemplation est une vérité ; et une vérité,
si elle n’est pas juste, ne peut pas se contempler ; et c’est
pour cela qu’il y a l’enseignement de la vérité
: la doctrine infaillible de l’Eglise doit être nécessairement
exempte de toute hérésie.
Dire : « l’Esprit Saint, sûrement, va s’incarner »,
est une hérésie. Il ne faut surtout pas dire des choses comme
: « Le Verbe s’est incarné, donc l’Esprit Saint va
s’incarner ». Il ne faut dire que ce qui, sûrement, n’est
pas une hérésie. Dire que l’Esprit Saint s’incarne,
nous comprenons pourquoi c’est une hérésie :
1. parce que l’Eglise dit que c’est une hérésie
: l’incarnation du Saint Esprit est une hérésie condamnée
par l’Eglise et par les Apôtres,
2. parce que si Dieu s’est fait chair et s’est incarné,
Il ne s’est incarné qu’une seule fois. Le Verbe de Dieu
est Dieu tout entier. « Le Verbe s’est fait chair », et
cela suffit. Le Père ne s’incarne pas, et le Saint esprit est
envoyé mais ne s’incarne pas.
Voilà pour la doctrine. Mais sur le plan ‘concret’ de la
théologie mystique, qu’allons-nous dire ?
Quand Jésus est monté à la droite du Père, toute
la Résurrection glorieuse, divine, surnaturelle de Dieu dans son corps,
dans son humanité glorifiée, s’est faite intimité
profonde du Verbe de Dieu. Il emporte avec Lui, je vous le signale au passage,
tous ceux avec qui Il ressuscite, et en particulier je vois bien sûr
que son père, Joseph, est immédiatement emporté dans
la gloire de la vision béatifique : c’est une évidence
qui est connue par la foi catholique ( ce qui n’est pas défini
par la foi catholique est l’heure de la résurrection de Joseph
).
De toutes façons, le Père et le Fils sont Un, humainement et
surnaturellement, glorieusement, personnellement et divinement : l’unité
du Père et du Fils s’établit et commence à l’Ascension
sur tous les plans. C’est pour cela que je disais que j’ai la
faiblesse de penser que Joseph nous regarde de ce côté.
De l’autre côté, Marie est là, elle est restée
seule.
C’est extraordinaire, et peut-être aurait-il fallu commencer par
cela tout à l’heure.
Toutes les consolations lumineuses, palpitantes, de la Résurrection,
disparaissent, parce que quand Jésus monte à la droite du Père,
Il ne fait rien à moitié : tout monte à la droite du
Père. Elle se retrouve donc seule. Cela a engendré en elle,
nous le savons bien, une ardeur, une soif, un désir ! S’il n’y
avait pas eu le pain brûlant de l’eucharistie qui lui fut donné
sans doute la veille avant que Jésus ne monte au ciel, je crois qu’elle
n’aurait pas pu. Elle était dans cette ardeur, ce désir
et cette Pentecôte de la croix, qui permettaient, en se communiquant
en solidarité avec les disciples et les Apôtres qui s’étaient
aspirés autour d’elle, de créer les conditions de la charité
pour la réception délicate de la Pentecôte du Saint Esprit.
Mais que se passe-t-il ici, dans le cœur de Marie qui est lui-même
blessé par la mort, par la Trans-Verbération glorieuse de Jésus
assis à la droite du Père ?
Dans cette blessure du cœur, l’Esprit Saint et le Verbe de Dieu
disparaissent tous les deux. Et cela est extraordinaire ! C’est peut-être
pour cela qu’il fallait que Jésus disparaisse, pour montrer ce
qui se passe dans le cœur de Marie quand le Verbe de Dieu tout rempli
de gloire disparaît, ainsi du reste que l’Esprit Saint (la Pentecôte
de la croix dans la blessure du cœur de Marie), pour qu’il y ait
uniquement l’Esprit Saint qui palpite dans le cœur des Apôtres
parce que Jésus a soufflé l’Esprit Saint sur eux (deuxième
Pentecôte), et cette communion de Marie avec eux leur permet de vivre
du Saint Esprit dans la disparition de l’Esprit Saint et du Verbe de
Dieu en son cœur blessé.
D’un côté, j’ai l’unité du Père
et du Fils dans la gloire, et de l’autre côté, j’ai
l’unité de l’Esprit Saint et du Verbe de Dieu dans la charité
fraternelle du cœur de Marie.
D’un côté, j’ai le Verbe de Dieu tout englouti, disparaissant
dans le sein du Père qui disparaît avec Lui dans la gloire de
la Résurrection, et de l’autre côté, cette même
gloire de la Résurrection fait disparaître le Verbe de Dieu dans
l’effacement du Saint Esprit pour la Pentecôte des Apôtres.
Regardez ce double mouvement de disparition de la gloire de la Résurrection
du Verbe de Dieu : d’une part, dans le sein de Dieu le Père,
avec Joseph, et d’autre part en Marie, dans la substance du Saint Esprit.
C’est pour cela que nous disons que l’Immaculée Conception,
déjà au départ, quarante-neuf ou cinquante ans avant,
un jubilé avant, nous disons que Marie a été engendrée
à partir de l’unité du Verbe de Dieu et de l’Esprit
Saint dans la blessure cadavérique de Jésus crucifié
(vous avez entendu plusieurs fois cette petite définition).
Quand Jésus a été crucifié, Dieu le Fils s’est
trouvé dans un état de passivité absolue, comme le Saint
Esprit, et du coup les deux ont connu une communion telle qu’elle a
produit l’Immaculée Conception : l’origine de l’Immaculée
Conception est bien l’unité de ces deux Personnes divines dans
la blessure du cœur de Jésus.
Mais nous nous rendons compte qu’ici, dans ce passage de l’Ascension
à la Pentecôte, cette identité divine de Marie dans l’Immaculée
Conception prend une forme incarnée : il y a effectivement disparition
du Christ glorieux ressuscité dans le Verbe, et disparition de la Pentecôte
du Saint Esprit que Marie a reçue à la croix ; et cette double
disparition dans l’unité des deux Personnes sous cette nouvelle
modalité, permet la charité fraternelle de cette Pentecôte
apostolique de se communiquer à Marie et avec elle de produire la Pentecôte
définitive : l’Amour.
Du coup le Saint Esprit, le Paraclet, s’est emparé d’elle.
Nous, nous recevons les sept dons du Saint Esprit : les petites flammèches,
les petites brindilles (et ces petites brindilles sont admirables : le don
de sagesse, le don d’intelligence…) ; mais Marie reçoit
le Paraclet, le feu : le feu du Saint Esprit s’est installé dans
le mystère de la Pentecôte mariale.
En théologie mystique, comprenons que ce qui s’est réalisé
à l’Ascension : cette tension entre l’unité du Père
et du Fils (du côté de Joseph et de Jésus) et l’unité
du Verbe de Dieu et de l’Esprit Saint (du côté de Marie
et de Jésus), Jésus faisant toujours l’unité, bien
sûr ; lorsque, à travers le corps mystique vivant de Jésus
vivant qui venait d’être conçu de cette manière-là
(les Apôtres sont des membres vivants du corps mystique vivant de Jésus
vivant avec Marie), en raison de la conception et de l’apparition ainsi
originée, il y a pu y avoir une communion et un établissement
de ce que vit Marie dans ce que vit Joseph, un établissement de ce
que vit Jésus dans ce que vit Marie, et cette nouvelle maternité
permet la naissance du corps mystique vivant de Jésus vivant.
C’est pour cela qu’on dit en théologie que la Pentecôte
signe la naissance du corps mystique du Christ, la naissance de l’Eglise
: l’Eglise est née comme cela.
Et c’est pour cela qu’on dit que nous sommes baptisés dans
le Père, le Fils et le Saint Esprit, donc dans les mystères
joyeux, les mystères lumineux et les mystères douloureux.
A partir desquels nous sont donnés la Résurrection, l’Ascension
et la Pentecôte : le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Cela se contemple, nous comprenons que ce n’est pas seulement une simple
méditation de passage. La charité fait que tout ce que Marie
vit, elle le vit en union avec Jésus et Joseph, en union avec le père
et le fils glorifiés, et en même temps avec tous les membres
vivants du corps mystique vivant de Jésus vivant engendrés par
la Résurrection de Jésus et le Saint Esprit soufflé sur
eux à la Résurrection.
Il est assez extraordinaire de voir (c’est un des aspects symboliques
de la Croix glorieuse ) cette communion entre ce qui se passe entre le père
et le fils glorifiés en Dieu et ce qui se passe dans cette Pentecôte
apostolique.
En même temps, nous pouvons dire aussi que cette communion est réciproque
: Jésus ressuscité est établi à la droite du Père,
et forcément Ils disparaissent, parce que c’est le propre de
la vie divine dans la Très Sainte Trinité, dans le face à
face, de disparaître l’un dans l’autre dans l’amour,
et du coup l’Esprit Saint va jaillir. Et Ils sont en communion avec
Marie, et donc il est normal que du cœur de Marie jaillisse cette nouvelle
modalité du Saint Esprit à partir de la charité glorieuse
de Jésus et de Joseph dans le Père et le Fils, et c’est
cela qui produit l’Esprit Saint.
J’aurais beaucoup de peine si quelqu’un me disait : « Jésus,
Marie et Joseph n’ont eu aucun rôle, à titre instrumental,
dans la Pentecôte ». Pardon ! Ils ont eu un rôle très
grand, ainsi que nous avons tenté de l’expliquer maintenant.
Evidemment, l’Esprit Saint a jailli de la blessure du cœur du Verbe
de Dieu dans le cœur avide de Marie : voilà le mystère
de la Pentecôte.
Considérons amoureusement et chaleureusement cette réciprocité
entre deux unités de deux Personnes divines glorifiées, et deux
Personnes divines surnaturellement présentes dans la charité
brûlante de Marie : cette communion, cette tension, lorsqu’elles
se joignent ensemble, a produit la Pentecôte.
Plus simplement : comment vivrons-nous de la Pentecôte ?
Nous vivrons de la Pentecôte en étant profondément unis
les uns avec les autres, en étant d’abord dans la lumière,
et en étant d’accord à l’avance (même si nous
ne le savons pas) d’arracher toute idée qui ne vient pas de Dieu,
toute idée qui ne vient pas de la doctrine infaillible de l’Eglise.
A partir de là, étant en communion profonde les uns avec les
autres, nous laissons vivre la blessure du cœur de Jésus, et de
Marie, et de Joseph en nous, et commençons à brûler d’amour.
Une fois que nous sommes là, si nous y demeurons, il me paraît
impossible qu’au bout de dix minutes, il n’y ait pas l’apparition
d’un des sept dons du Saint Esprit.
Et la vie chrétienne consiste à vivre du Saint Esprit.
Donc il faut beaucoup prier, il faut se donner. Comme le dit Saint Thomas
d’Aquin : « Un chrétien qui prie dans l’unanimité,
s’il y persévère dans la ferveur plus de dix minutes,
il est impossible qu’il n’ait pas reçu une mission nouvelle
et invisible de la Personne même du Saint Esprit dans son âme
».
Je vous salue Marie, pleine de
grâce, le Seigneur est avec vous,
Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit
de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure
de notre mort.
Amen
Nous méditons aujourd’hui le troisième mystère Glorieux :
La Pentecôte