L'Imitation de Jésus-Christ
Livre troisième - De la vie intérieure
55. De la corruption de la nature, et de l'efficace de la grâce divine
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Le fidèle: Seigneur mon Dieu, qui m'avez créé à
votre image et à votre ressemblance, accordez-moi cette grâce
dont vous m'avez montré l'excellence et la nécessité
pour le salut, afin que je puisse vaincre ma nature corrompue, qui
m'entraîne au péché et dans la perdition.
Car je sens en ma chair la loi du péché qui contredit
la loi de l'esprit, et m'asservit aux sens pour que je leur obéisse
en esclave; et je ne puis résister aux passions qu'ils soulèvent
en moi, si vous ne me secourez, en ranimant mon coeur par l'effusion de votre
sainte grâce.
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Votre grâce, et une grâce très grande, est nécessaire
pour vaincre la nature, inclinée au mal dès
l'enfance.
Car, déchue en Adam, notre premier père, et dépravée
par le péché, cette tache passe dans tous les hommes, et ils
en portent la peine, de sorte que cette nature même, que vous avez
créée dans la justice et dans la droiture, ne rappelle plus
que la faiblesse et le dérèglement d'une nature corrompue,
parce que, laissée à elle-même, son propre mouvement
ne la porte qu'au mal et vers les choses de la terre.
Le peu de force qui lui est restée est comme une étincelle
cachée sous la cendre.
C'est cette raison naturelle, environnée de profondes
ténèbres, sachant encore discerner le bien du mal, le vrai
du faux, mais impuissante à accomplir ce qu'elle approuve, parce qu'elle
ne possède pas la pleine lumière de la vérité
et que toutes ses affections sont malades.
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De là vient, mon Dieu, que je me réjouis en votre loi
selon l'homme intérieur, reconnaissant que vos commandements
sont bons, justes et saints, qui condamnent tout mal et détournent
du péché.
Mais, dans ma chair, je suis asservi à la loi du
péché, obéissant plutôt aux sens qu'à
la raison, voulant le bien et n'ayant pas la force de
l'accomplir.
C'est pourquoi souvent je forme de bonnes résolutions; mais la grâce
qui aide ma faiblesse venant à manquer, au moindre obstacle je cède
et je tombe.
Je découvre la voie de la perfection et je vois clairement ce que
je dois faire.
Mais accablé du poids de ma corruption, je ne m'élève
à rien de parfait.
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Oh ! que votre grâce, Seigneur, m'est nécessaire, pour commencer
le bien, le continuer et l'achever !
Car sans elle je ne puis rien faire; mais je puis tout en vous, quand
votre grâce me fortifie.
Ô grâce vraiment céleste, sans laquelle nos mérites
et les dons de la nature ne sont rien !
Les arts, les richesses, la beauté, la force, le génie,
l'éloquence n'ont aucun prix, Seigneur, à vos yeux, sans la
grâce.
Car les dons de la nature sont communs aux bons et aux méchants, mais
la grâce ou la charité est le don propre des élus; elle
est le signe auquel on reconnaît ceux qui sont dignes de la vie
éternelle.
Telle est l'excellence de cette grâce, que ni le don de prophétie,
ni le pouvoir d'opérer des miracles, ni la plus haute contemplation,
ne doivent être comptées pour quelque chose sans elle.
Ni la foi, ni l'espérance, ni les autres vertus, ne vous sont
agréables sans la grâce et sans la charité.
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Ô bienheureuse grâce, qui rendez riche en vertus le pauvre d'esprit,
et celui qui possède de grands biens humble de coeur !
Venez, descendez en moi, remplissez-moi dès le matin de votre consolation,
de peur que mon âme, épuisée, aride, ne vienne
défaillir de lassitude.
J'implore votre grâce, ô mon Dieu ! je ne veux qu'elle; car
votre grâce me suffit, quand je n'obtiendrais rien de ce que
la nature désire.
Si je suis éprouvé, tourmenté par beaucoup de tribulations,
je ne craindrai aucun maux, tandis que votre grâce sera avec moi.
Elle est ma force, mon conseil, mon appui.
Elle est plus puissante que tous les ennemis et plus sage que tous les sages.
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Elle enseigne la vérité et règle la conduite; elle est
la lumière du coeur et sa consolation dans l'angoisse; elle chasse
la tristesse, dissipe la crainte, nourrit la piété, produit
les larmes.
Que suis-je sans elle, qu'un bois sec, un rameau stérile qui n'est
bon qu'à jeter ?
"Que votre grâce, Seigneur, me prévienne donc et m'accompagne
toujours; qu'elle me rende sans cesse attentif à la pratique des bonnes
oeuvres: je vous en conjure par Jésus-Christ, votre Fils. Ainsi soit-il."