L'Imitation de Jésus-Christ
Livre premier - Avis utiles pour entrer dans la vie intérieure
25. Qu'il faut travailler avec ferveur à l'amendement de sa vie
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Soyez vigilant et fervent dans le service de Dieu et faites-vous souvent
cette demande: Pourquoi es-tu venu ici, et pourquoi as-tu quitté le
siècle ?
N'était-ce pas afin de vivre pour Dieu et devenir un homme spirituel
?
Embrasez-vous du désir d'avancer parce que vous recevrez bientôt
la récompense de vos travaux, et qu'alors il n'y aura plus ni crainte
ni douleur.
Maintenant un peu de travail, et puis un grand repos; que dis-je ? une joie
éternelle !
Si vous agissez constamment avec ardeur et fidélité, Dieu aussi
sera sans doute fidèle et magnifique dans ses récompenses.
Vous devez conserver une ferme espérance de parvenir à la gloire;
mais il ne faut pas vous livrer à une sécurité trop
profonde de peur de tomber dans le relâchement ou la présomption.
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Un homme qui flottait souvent, plein d'anxiété, entre la crainte
et l'espérance, étant un jour accablé de tristesse,
entra dans une église; et, se prosternant devant un autel pour prier,
il disait et redisait en lui-même: Oh ! si je savais que je dusse
persévérer ! Aussitôt il entendit intérieurement
cette divine réponse: Si vous le saviez, que voudriez-vous faire ?
Faites maintenant ce que vous feriez alors, et vous jouirez de la paix.
Consolé à l'instant même et fortifié, il s'abandonna
sans réserve à la volonté de Dieu et ses agitations
cessèrent.
Il ne voulut point rechercher avec curiosité ce qui lui arriverait
dans l'avenir; mais il s'appliqua uniquement à connaître la
volonté de Dieu et ce qui lui plaît davantage, afin de commencer
et d'achever tout ce qui est bien.
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Espérez en Dieu, dit le Prophète, et faites
le bien; habitez en paix la terre, et vous serez nourri de ses
richesses. Une chose refroidit en quelques-uns l'ardeur d'avancer
et de se corriger: la crainte des difficultés, et le travail du
combat.
En effet, ceux-là devancent les autres dans la vertu, qui s'efforcent
avec plus de courage de se vaincre eux-mêmes dans ce qui leur est le
plus pénible et qui contrarie le plus leur penchant.
Car l'homme fait d'autant plus de progrès et mérite d'autant
plus de grâce, qu'il se surmonte lui-même et se mortifie davantage.
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Il est vrai que tous n'ont pas également à combattre pour se
vaincre et mourir à eux-mêmes.
Cependant un homme animé d'un zèle ardent avancera bien plus,
même avec de nombreuses passions, qu'un autre à cet égard
mieux disposé, mais tiède pour la vertu.
Deux choses aident surtout à opérer un grand amendement: s'arracher
avec violence à ce que la nature dégradée convoite,
et travailler ardemment à acquérir la vertu dont on a le plus
grand besoin.
Attachez-vous aussi particulièrement à éviter et à
vaincre les défauts qui vous déplaisent le plus dans les autres.
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Profitez de tout pour votre avancement. Si vous voyez de bons exemples ou
si vous les entendez raconter, animez-vous à les imiter.
Que si vous apercevez quelque chose de répréhensible, prenez
garde de commettre la même faute; ou, si vous l'avez quelquefois commise,
tâchez de vous corriger promptement.
Comme votre oeil observe les autres, les autres vous observent aussi.
Qu'il est consolant et doux de voir des religieux zélés, pieux,
fervents, fidèles observateurs de la règle !
Qu'il est triste, au contraire, et pénible d'en voir qui ne vivent
pas dans l'ordre et qui ne remplissent pas les engagements auxquels ils ont
été appelés !
Qu'on se nuit à soi-même en négligeant les devoirs de
sa vocation, et en détournant son coeur à des choses dont on
n'est point chargé !
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Souvenez-vous de ce que vous avez promis, et que Jésus crucifié
vous soit toujours présent.
Vous avez bien sujet de rougir, en considérant la vie de
Jésus-Christ, d'avoir jusqu'ici fait si peu d'efforts pour y conformer
la vôtre, quoique vous soyez depuis si longtemps entré dans
la voie de Dieu.
Un religieux qui s'exerce à méditer sérieusement et
avec piété la vie très sainte et la passion du Sauveur,
y trouvera en abondance tout ce qui lui est utile et nécessaire, et
il n'a pas besoin de chercher hors de Jésus quelque chose de
meilleur.
Ah ! si Jésus crucifié entrait dans notre coeur, que nous serions
bientôt suffisamment instruits !
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Un religieux fervent reçoit bien ce qu'on lui commande et s'y soumet
sans peine.
Un religieux tiède et relâché souffre tribulation sur
tribulation et ne trouve de tous côtés que la gêne, parce
qu'il est privé des consolations intérieures et qu'il lui est
interdit d'en chercher au-dehors.
Un religieux qui s'affranchit de sa règle est exposé à
des chutes terribles.
Celui qui cherche une vie moins contrainte et moins austère sera toujours
dans l'angoisse; car toujours quelque chose lui déplaira.
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Comment font tant d'autres religieux qui observent, dans les cloîtres,
une si étroite discipline ?
Ils sortent rarement, ils vivent retirés, ils sont nourris très
pauvrement et grossièrement vêtus.
Ils travaillent beaucoup, parlent peu, veillent longtemps, se lèvent
matin, font de longues prières, de fréquentes lectures, et
observent en tout une exacte discipline.
Considérez les chartreux, les religieux de Cîteaux, et les autres
religieux et religieuses de différents ordres, qui se lèvent
toutes les nuits pour chanter les louanges de Dieu.
Il serait donc bien honteux que la paresse vous tînt encore
éloigné d'un si saint exercice lorsque déjà tant
de religieux commencent à célébrer le Seigneur.
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Oh ! si vous n'aviez autre chose à faire qu'à louer de coeur
et de bouche, perpétuellement, le Seigneur notre Dieu ! Si jamais
vous n'aviez besoin de manger, de boire, de dormir, et que vous puissiez
ne pas interrompre un seul moment ces louanges ni les autres exercices spirituels
! Vous seriez alors beaucoup plus heureux qu'à présent, assujetti
comme vous l'êtes au corps et à toutes ses
nécessités.
Plût à Dieu que nous fussions affranchis de ces
nécessités et que nous n'eussions à songer qu'à
la nourriture de notre âme, que nous goûtons, hélas, si
rarement !
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Quand un homme en est venu à ne chercher sa consolation dans aucune
créature, c'est alors qu'il commence à goûter Dieu
parfaitement, et qu'il est, quoiqu'il arrive, toujours satisfait.
Alors il ne se réjouit d'aucune prospérité et aucun
revers ne le contriste; mais il s'abandonne tout entier, avec une pleine
confiance, à Dieu qui lui est tout en toutes choses, pour qui rien
ne périt, rien ne meurt, pour qui au contraire tout vit, et à
qui tout obéit sans délai.
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Souvenez-vous toujours que votre fin approche et que le temps perdu ne revient
point. Les vertus ne s'acquièrent qu'avec beaucoup de soins et des
efforts constants.
Dès que vous commencerez à tomber dans la tiédeur, vous
tomberez dans le trouble.
Mais si vous persévérez dans la ferveur, vous trouverez une
grande paix et vous sentirez votre travail plus léger, à cause
de la grâce de Dieu et de l'amour de la vertu.
L'homme fervent et zélé est prêt à tout.
Il est plus pénible de résister aux vices et aux passions que
de supporter les fatigues du corps.
Celui qui n'évite pas les petites fautes tombe peu à
peu dans les grandes.
Vous vous réjouirez toujours le soir, quand vous aurez employé
le jour avec fruit.
Veillez sur vous, excitez-vous, avertissez-vous; et quoiqu'il en soit des
autres, ne vous négligez pas vous-même.
Vous ne ferez de progrès qu'autant que vous vous ferez violence.