CONSEIL
PONTIFICAL DE LA CULTURE / CONSEIL PONTIFICAL POUR LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX
/ JÉSUS-CHRIST LE PORTEUR D'EAU VIVE
Une réflexion chrétienne sur le “Nouvel Âge”
TABLE
DES MATIÈRES
Avant-propos
1. Quel genre de réflexion?
1.1. Pourquoi maintenant?
1.2. L'Ère des communications
1.3. Le contexte culturel
1.4. Le Nouvel Âge et la foi catholique
1.5. Un défi stimulant
2. La Spiritualité nouvel Âge: aperçu général
2.1. Qu'y a-t-il de nouveau dans le Nouvel Âge?
2.2. Que prétend offrir le Nouvel Âge?
2.2.1. Enchantement: il doit y avoir un ange
2.2.2. Harmonie et compréhension: les bonnes vibrations
2.2.3. La santé: une vie épanouie
2.2.4. «Totalité»: un voyage magique vers l'inconnu
2.3. Les principes fondamentaux de la pensée Nouvel Âge
2.3.1. Une réponse globale dans un temps de crise
2.3.2. La matrice principale de la pensée Nouvel Âge
2.3.3. Les grands thèmes du Nouvel Âge
2.3.4. Que dit le Nouvel Âge de....
2.3.4.1. ...la personne humaine?
2.3.4.2. ...Dieu?
2.3.4.3. ...le monde?
2.4. «Hôtes de l'histoire ou du mythe»? Nouvel Âge et
culture.
2.5. Pourquoi le Nouvel Âge s'est-il répandu si vite et si facilement?
3. Nouvel Âge et spiritualité chrétienne
3.1. Le nouvel Âge comme spiritualité
3.2. Un narcissisme spirituel?
3.3. Le Christ cosmique
3.4. Mystique chrétienne et mystique Nouvel Âge
3.5. Le «Dieu intérieur» et la «theosis»
4. Nouvel Âge et foi chrétienne en contraste
5. Jésus-christ nous offre l'eau vive
6. Indications importantes
6.1. L'accompagnement et une solide formation sont nécessaires
6.2. Initiatives pratiques
7. Appendice
7.1. Quelques brèves formulations des idées Nouvel Âge
7.2. Glossaire choisi
7.3. Hauts lieux du Nouvel Âge
8. Références
8.1. Documents du magistère de l'Église catholique
8.2. Études chrétiennes
9. Bibliographie générale
9.1. Quelques ouvrages Nouvel Âge
AVANT-PROPOS
La présente étude traite du «Nouvel Âge» ou
«New Age», un phénomène complexe qui influence maints
aspects de la culture contemporaine.
Cette étude est un rapport provisoire. Elle est le fruit de la réflexion
commune du Groupe de Travail sur les Nouveaux Mouvements Religieux, formé
de membres du «staff» de différents dicastères du
Saint-Siège: les Conseils Pontificaux de la Culture et pour le Dialogue
Inter-religieux (qui sont les principaux rédacteurs de ce projet), la
Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples et le Conseil Pontifical
pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens.
Les réflexions présentées ici s'adressent avant tout à
ceux qui sont engagés dans l'action pastorale afin qu'ils soient en mesure
d'expliquer en quoi le mouvement du Nouvel Âge diffère de la foi
chrétienne. Cette étude est une invitation à prendre en
considération la soif spirituelle de beaucoup de nos contemporains, hommes
et femmes. Il est nécessaire de reconnaître que l'attrait exercé
par la religiosité Nouvel Âge sur certains chrétiens peut
en partie s'attribuer à l'absence d'une prise en considération
sérieuse, de la part de leurs propres communautés, des thèmes
qui font vraiment objet de la synthèse catholique. Ces thèmes
sont, entre autres: l'importance de la dimension spirituelle de l'homme et son
intégration dans un «tout» de vie, la recherche du sens de
la vie, les liens entre les êtres humains et le reste de la création,
le désir de transformation personnelle et sociale, le rejet d'une vision
rationaliste et matérialiste de l'humanité.
Ce document attire l'attention sur la nécessité de connaître
et de comprendre le Nouvel Âge comme courant culturel, mais aussi sur
l'exigence, pour les catholiques, de comprendre la doctrine et la spiritualité
catholiques authentiques de manière à discerner correctement les
thèmes de ce courant. Les deux premiers chapitres présentent le
Nouvel Âge comme une tendance culturelle multiforme, ainsi qu'une analyse
des principaux fondements de la pensée transmis dans ce contexte. Aux
chapitres trois et suivants, on trouvera des indications en vue d'une enquête
approfondie sur ce mouvement face au message chrétien. Quelques suggestions
de nature pastorale sont également proposées.
Ceux qui souhaitent approfondir l'étude du Nouvel Âge trouveront
d'utiles références en appendice. On espère en particulier
que cet ouvrage sera un encouragement à mener des études plus
poussées dans les différents contextes culturels. Son but est
aussi d'encourager un discernement chez ceux qui sont à la recherche
de points de repère solides pour une vie plus pleine. Nous sommes vraiment
convaincus que chez beaucoup de nos contemporains «en recherche»,
il est possible de découvrir une vraie soif de Dieu. Comme l'a dit le
Pape Jean-Paul II à un groupe d'évêques des États-Unis:
«Les Pasteurs doivent se demander honnêtement s'ils prêtent
suffisamment d'attention à la soif du cœur humain pour la véritable
'eau vive' que seul le Christ, notre Rédempteur, peut lui apporter (cf.
Jn 4, 7-13). Ils devraient insister sur la dimension spirituelle de la foi,
sur l'éternelle fraîcheur du message de l'Évangile et sur
sa capacité de transformer et de renouveler ceux qui l'acceptent»
(AAS 86/4, 330).
1. QUEL GENRE DE RÉFLEXION?
Les réflexions qui suivent veulent être un guide pour les catholiques
engagés dans l'annonce de l'Évangile et dans l'enseignement de
la foi, à quelque niveau que ce soit, dans l'Église. Ce document
n'a pas pour but de fournir un ensemble de réponses exhaustives aux nombreuses
questions posées par le Nouvel Âge ou les autres signes contemporains
de l'éternelle recherche humaine de sens, du bonheur et du salut. C'est
une invitation à comprendre ce courant culturel et à engager un
dialogue sincère avec ceux qui sont influencés par sa pensée.
Le document guide la compréhension et la réponse au Nouvel Âge
des personnes engagées dans une tâche pastorale, illustrant les
points où cette spiritualité s'oppose à la foi catholique
et réfutant les théories embrassées par les penseurs Nouvel
Âge en contraste avec la foi chrétienne. Ce qui est vraiment demandé
aux chrétiens, c'est d'abord et avant tout, une foi reposant sur des
fondements solides. Sur cette base stable, ils peuvent bâtir une vie qui
soit une réponse positive à l'appel contenu dans la première
Épître de Pierre: «Soyez toujours prêts à la
défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui
est en vous. Mais que ce soit avec douceur et respect, en possession d'une bonne
conscience» (1 P 3, 15 ss.).
1.1. Pourquoi maintenant?
Le troisième millénaire s'ouvre non seulement deux mille ans après
la naissance du Christ, mais aussi en un temps où des astrologues croient
que l'ère des Poissons, connue d'eux comme l'ère chrétienne,
touche à sa fin. Les réflexions présentées ici portent
sur le Nouvel Âge, qui a emprunté son nom à l'ère
astrologique imminente du Verseau. Le Nouvel Âge est une des nombreuses
explications de la signification de ce moment historique dont est bombardée
la culture contemporaine (surtout occidentale), et il est difficile d'y distinguer
clairement ce qui est compatible avec le message chrétien et ce qui ne
l'est pas. Il semble donc que le moment soit venu de proposer une évaluation
chrétienne de la pensée du Nouvel Âge et du mouvement Nouvel
Âge dans son ensemble.
On a dit, avec raison, que beaucoup d'hommes balancent aujourd'hui entre certitude
et incertitude, en particulier sur les questions liées à leur
identité.1 Quelques-uns affirment que la religion chrétienne est
patriarcale et autoritaire, que les institutions politiques sont incapables
de changer le monde, et que la médecine officielle (allopathique) échoue
clairement à guérir vraiment les hommes. Le fait que ce qui était
autrefois des éléments centraux de la société soit
aujourd'hui perçu comme peu fiable ou dépourvu d'une autorité
véritable a créé un climat dans lequel les individus regardent
en eux-mêmes, à la recherche de sens et de force. Ils se tournent
aussi vers les institutions alternatives, dont ils espèrent qu'elles
répondront à leurs besoins profonds. La vie chaotique ou peu structurée
des communautés alternatives des années 1970 a donné lieu
à une recherche de discipline et de structures, qui sont des éléments-clés
de certains mouvements «mystiques» très répandus aujourd'hui.
Le Nouvel Âge séduit surtout parce qu'une grande partie de ce qu'il
offre répond à des besoins que les institutions établies
n'ont pas toujours été capables de satisfaire.
Mais si le Nouvel Âge est né, dans une large mesure, en réaction
contre la culture contemporaine, il en est en même temps, sous bien des
aspects, l'héritier direct. La Renaissance et la Réforme ont façonné
l'individu occidental moderne, peu enclin à accepter le poids d'une autorité
simplement extrinsèque ou de la tradition. Les hommes éprouvent
de moins en moins le besoin d'« appartenir » à des institutions
(et pourtant la solitude est un grand fléau de la vie moderne) et ne
sont plus disposés à faire passer les jugements «officiels»
avant les leurs. Ce culte de l'homme s'accompagne d'une intériorisation
de la religion qui prépare le terrain à la sacralisation du «moi».
C'est la raison pour laquelle le Nouvel Âge a beaucoup de valeurs en commun
avec la culture d'entreprise et l'«évangile de la prospérité»
(dont il sera question plus en détail au chapitre 2.4), et avec la culture
consumériste, dont l'influence est bien perceptible dans le nombre sans
cesse croissant de ceux qui affirment qu'il est possible de mêler le christianisme
au Nouvel Âge, en prenant ce qui leur semble le meilleur de chacun.2 Il
vaut la peine de rappeler que certaines déviances au sein du christianisme
sont allées au-delà du théisme traditionnel en acceptant
un repli sur soi à sens unique, au risque d'encourager un tel mélange
d'approches. Ce qu'il est important d'observer, c'est que dans certaines pratiques
Nouvel Âge, Dieu est réduit à la fonction de soutenir la
promotion de l'individu.
Le Nouvel Âge s'adresse à ceux qui adhèrent pleinement aux
valeurs de la culture moderne, considérant comme sacrées la liberté,
l'authenticité, l'indépendance et autres valeurs du même
ordre. Il s'adresse à ceux qui ont des problèmes avec le patriarcat.
Il «ne demande pas plus de foi qu'il n'en faut pour aller au cinéma»,3
tout en déclarant satisfaire les besoins spirituels des gens. Mais la
question cruciale qui se pose ici est: qu'entend-t-on exactement par spiritualité
dans les milieux du Nouvel Âge? La réponse met en lumière
quelques différences entre la tradition chrétienne et la mouvance
Nouvel Âge. Certaines tendances du Nouvel Âge exploitent les pouvoirs
de la nature et tentent de communiquer avec un autre monde pour découvrir
le destin des individus, ou pour les aider à se brancher sur la bonne
vibration afin de tirer le meilleur parti d'eux-mêmes et des circonstances.
Dans la plupart des cas, il est totalement fataliste. Le christianisme, au contraire,
est une invitation à regarder hors de soi et au-delà, vers le
«nouvel avènement» d'un Dieu qui nous appelle à vivre
le dialogue d'amour.4
1.2. L'ère des communications
Depuis quelques années, la révolution technologique des communications
a créé une situation entièrement nouvelle. La facilité
et la rapidité avec lesquelles les hommes peuvent désormais communiquer
est une des raisons pour lesquelles le Nouvel Âge a réussi à
attirer l'attention de personnes de tous âges et de tous milieux, au point
que beaucoup de ceux qui suivent le Christ ne savent plus trop ce qu'il en est.
L'Internet en particulier a pris une influence considérable, surtout
chez les jeunes, pour qui il représente un moyen congénial et
fascinant d'obtenir des informations. Mais c'est aussi un moyen insidieux de
désinformation sur bien des aspects de la religion: ce qui est présenté
sous l'étiquette «chrétien» ou «catholique»
est loin d'être toujours un reflet fidèle des enseignements de
l'Église catholique, et en même temps, les sites Nouvel Âge
se multiplient, allant des plus sérieux aux plus ridicules. Une information
fiable sur les différences entre le christianisme et le Nouvel Âge
est donc plus que jamais nécessaire.
1.3. Le contexte culturel
En examinant diverses traditions Nouvel Âge, on s'aperçoit qu'en
fait, bien peu de choses sont véritablement nouvelles. S'il semble que
ce terme se soit répandu d'abord à travers les Rosicruciens et
les Francs-Maçons au temps des révolutions française et
américaine, la réalité qu'il dénote est plutôt
une variante contemporaine de l'ésotérisme occidental, dont l'origine
remonte aux groupes gnostiques des premiers siècles du christianisme.
Ayant pris un nouvel essor en Europe à l'époque de la Réforme,
il se développa parallèlement aux conceptions scientifiques du
monde et acquit peu à peu une justification rationnelle aux XVIIIe et
XIXe siècles. Il se caractérise par le rejet progressif d'un Dieu
personnel au profit d'entités qui servaient souvent d'intermédiaires
entre Dieu et l'humanité dans le christianisme traditionnel, en leur
faisant subir des adaptations de plus en plus originales ou en leur en adjoignant
d'autres. Une autre tendance de la culture moderne occidentale qui a puissamment
contribué à la diffusion des idées Nouvel Âge est
l'acceptation générale de la théorie évolutionniste
de Darwin qui, avec l'accent mis sur les forces spirituelles cachées
ou forces de la nature, a jeté les bases de ce qui est connu aujourd'hui
comme la théorie du Nouvel Âge. En réalité, si le
Nouvel Âge a bénéficié d'un accueil si favorable,
c'est parce que la vision du monde sur laquelle il se fondait était déjà
largement acceptée. Le terrain avait été bien préparé
par les progrès du relativisme et par l'indifférence ou même
l'antipathie envers la religion chrétienne. Par ailleurs, un débat
très animé a porté sur le point de savoir si, et dans quelle
mesure, le Nouvel Âge pouvait être considéré comme
un phénomène post-moderne. L'existence et la ferveur de la pensée
et de la pratique Nouvel Âge confirment le désir inextinguible
de transcendance de l'esprit humain et de sens religieux, ce qui n'est pas seulement
un phénomène culturel actuel, mais était déjà
manifeste dans le monde antique chez les chrétiens comme chez les païens.
1.4. Le Nouvel Âge et la foi catholique
Même s'il est possible d'admettre que la religiosité Nouvel Âge
répond, d'une certaine manière, aux désirs spirituels légitimes
de la nature humaine, il est nécessaire de reconnaître que cette
tentative s'inscrit toujours à l'opposé de la révélation
chrétienne. C'est surtout dans la culture occidentale que les approches
« alternatives » à la spiritualité attirent de plus
en plus. D'une part, les nouvelles formes d'affirmation psychologique de l'individu
sont très en vogue chez des catholiques, jusque dans les lieux de retraite,
séminaires et maisons de formation pour religieux. En même temps,
on constate une certaine nostalgie et un regain de curiosité pour la
sagesse et les rites d'autrefois, qui expliquent en partie l'intérêt
croissant pour l'ésotérisme et le gnosticisme. Beaucoup sont attirés
en particulier par ce qui est connu, à tort ou à raison, comme
la spiritualité «celtique» 5 ou les religions des peuples
de l'Antiquité. Les ouvrages et les cours sur la spiritualité
et les religions anciennes ou orientales sont en plein essor, et ils sont souvent
présentés sous l'étiquette «Nouvel Âge»
à des fins commerciales. Cependant, les liens avec ces religions ne sont
pas toujours évidents et sont même souvent démentis.
Un discernement chrétien approprié sur la pensée et la
pratique Nouvel Âge ne manquera pas de reconnaître, comme pour le
gnosticisme du second et du troisième siècle, qu'elles représentent
un compendium de propositions que l'Église a qualifié d'hétérodoxes.
Jean-Paul II met en garde contre «la question de la renaissance de certaines
traditions du gnosticisme antique sous la forme de ce qu'on appelle le New Age».
«Il est impossible de se laisser bercer par l'illusion que ce retour de
la gnose préluderait à un renouveau de la religion. Il s'agit
tout simplement de la version moderne d'une attitude spirituelle qui, au nom
d'une prétendue connaissance supérieure de Dieu, finit par rejeter
définitivement sa Parole en la remplaçant par des paroles toutes
humaines. La gnose n'a jamais disparu du champ du christianisme. Elle a toujours
cohabité avec lui, parfois en tant que courant philosophique, plus souvent
sous des formes religieuses ou para-religieuses, en opposition nette, même
si elle n'est pas explicite, avec l'essentiel du christianisme».6 Un exemple
nous est donné par l'ennéagramme – un instrument pour l'analyse
du caractère selon neuf catégories – qui, lorsqu'on l'utilise
comme instrument de croissance spirituelle, introduit une ambiguïté
dans la doctrine et la pratique de la foi chrétienne.
1.5. Un défi stimulant
L'attrait pour la religiosité Nouvel Âge ne doit pas être
sous- évalué. Une compréhension imparfaite de la foi chrétienne
autorise certains à considérer à tort que la religion chrétienne
n'inspire pas une spiritualité profonde et à regarder ailleurs.
À vrai dire, certains pensent que le Nouvel Âge tire à sa
fin et parlent déjà du «prochain» âge.7 Ils
parlent d'une crise qui se serait manifestée au début des années
1990 aux États-Unis, tout en admettant que, surtout en dehors du monde
anglophone, cette «crise» pourrait se produire plus tard. Pourtant,
le succès des librairies et stations de radio ainsi que la myriade de
groupes de réalisation de soi apparus dans les villes, petites et grandes,
s'inscrivent en faux contre une telle affirmation. Il semble que, pour le moment
du moins, le Nouvel Âge soit encore très vivant et très
présent sur la scène culturelle contemporaine.
Le succès du Nouvel Âge est un défi pour l'Église.
Les hommes ont le sentiment que la religion chrétienne ne leur offre
pas ce dont ils ont vraiment besoin. La recherche qui les amène au Nouvel
Âge est une aspiration authentique: à une spiritualité plus
profonde, à quelque chose qui touche leur cœur et donne un sens
à un monde confus et souvent aliénant. Il y a du vrai dans les
critiques que le Nouvel Âge porte au «matérialisme de la
vie quotidienne, de la philosophie et même de la médecine et de
la psychiatrie; au réductionnisme qui refuse de prendre en considération
les expériences religieuses et surnaturelles; à la culture industrielle
de l'individualisme effréné qui encourage l'égoïsme
et se désintéresse totalement des autres peuples, du futur et
de l'environnement».8 Les problèmes que peut poser le Nouvel Âge
naissent plutôt de ses réponses alternatives aux questions de la
vie. Si l'Église ne veut pas être accusée de rester sourde
aux aspirations des hommes, il faut que ses membres fassent deux choses: s'ancrer
encore plus fermement dans les fondements de leur foi, et percevoir le cri souvent
silencieux qui s'élève du cœur des hommes, et les porte ailleurs
s'ils ne trouvent pas une réponse dans l'Église. C'est aussi un
appel à s'unir plus intimement à Jésus-Christ et à
marcher à sa suite, lui qui est vraiment le chemin du bonheur, de la
vérité sur Dieu et de la plénitude de vie pour tous ceux
qui sont prêts à répondre à son amour.
2. LA SPIRITUALITÉ NOUVEL ÂGE: APERÇU GÉNÉRAL
Les chrétiens, dans beaucoup de sociétés occidentales et
de plus en plus souvent aussi dans d'autres parties du monde, sont fréquemment
en contact avec divers aspects du phénomène du Nouvel Âge.
Beaucoup veulent comprendre quelle est la meilleure façon d'aborder ce
phénomène fascinant, complexe, insaisissable et parfois même
dérangeant. Les réflexions qui suivent sont une tentative pour
aider les chrétiens à faire deux choses:
– Identifier les éléments de la tradition Nouvel Âge
en expansion;
– Déterminer, parmi ces éléments, ceux qui s'opposent
à la révélation chrétienne.
Cette réponse pastorale à un défi actuel ne cherche pas
à dresser la liste complète des phénomènes du Nouvel
Âge, parce que ce serait trop long et que ce genre d'informations se trouve
facilement ailleurs. Il est essentiel d'essayer de comprendre correctement le
Nouvel Âge afin de pouvoir le juger de façon impartiale, en évitant
d'en faire une caricature. Il ne serait ni juste ni raisonnable d'affirmer que
tout ce qui est lié au Nouvel Âge est bon, ou inversement que tout
est mauvais. Mais il demeure quand même difficile, étant donnée
la vision de la religiosité Nouvel Âge, de le réconcilier
avec la doctrine et la spiritualité chrétienne.
Le Nouvel Âge n'est pas un mouvement selon le sens que l'on donne à
ce terme dans l'expression « Nouveaux mouvements religieux », et
il ne correspond pas non plus à ce que l'on entend généralement
par les termes de « culte » ou de « secte ». S'étendant
à toutes les cultures, dans des domaines aussi variés que la musique,
le cinéma, les séminaires, les stages, les retraites, les thérapies
et bien d'autres activités ou manifestations, il est beaucoup plus répandu
et informel, même si certains groupes religieux ou para-religieux incorporent
sciemment des éléments Nouvel Âge, et si le Nouvel Âge
est considéré par certains comme une source d'inspiration pour
diverses sectes religieuses et para-religieuses.9 Loin d'être un mouvement
unifié et uniforme, le Nouvel Âge est au contraire un réseau
fluide d'adeptes dont l'approche est de penser globalement mais agir localement.
Ceux qui font partie de ce réseau ne se connaissent pas nécessairement
entre eux et ne se rencontrent que rarement, ou même jamais. Pour tenter
d'éviter la confusion que pourrait causer l'emploi du terme « mouvement
», certains préfèrent parler du Nouvel Âge comme d'un
« milieu »,10 ou d'un « culte d'audience » (audience
cult).11 Cependant, on souligne aussi que « c'est un courant de pensée
très cohérent »,12 un défi délibéré
à la culture moderne. Il s'agit d'une structure syncrétique rassemblant
toute sorte d'éléments, ce qui permet aux individus de partager
des intérêts ou de nouer des relations à divers degrés
et avec différents niveaux d'engagement. Nombre de tendances, pratiques
et attitudes appartenant de quelque façon au Nouvel Âge ressortent
en réalité d'une réaction générale et facilement
identifiable contre la culture ambiante. En ce sens, le terme « mouvement
» n'est pas totalement inapproprié, et peut être appliqué
au Nouvel Âge au même titre qu'il l'est à d'autres grands
mouvements sociaux tels que le mouvement pour les droits civils ou celui pour
la paix. Car comme eux, il comprend un ensemble hétéroclite d'individus
qui, tout en adhérant aux grands objectifs du mouvement, diffèrent
beaucoup par leur niveau d'engagement et leur interprétation des questions
particulières.
L'expression « religion Nouvel Âge » étant encore plus
controversée, il est préférable d'éviter de l'employer,
même si le Nouvel Âge représente bien souvent une réponse
aux questions et aux besoins religieux des hommes et qu'il s'adresse surtout
à ceux qui tentent de trouver, ou de retrouver, la dimension spirituelle
de leur vie. Éviter d'employer le terme « religion Nouvel Âge
» ne signifie nullement contester le caractère authentique de cette
aspiration à donner une signification et un sens à sa vie, mais
seulement respecter la distinction très nette que font la plupart des
adeptes du Nouvel Âge entre « religion » et « spiritualité
». Beaucoup d'entre eux ont rejeté la religion organisée,
estimant qu'elle ne répondait pas à leurs besoins, pour aller
chercher ailleurs la « spiritualité ». En outre, le Nouvel
Âge étant convaincu que le temps des religions particulières
est révolu, en parler comme d'une religion irait à l'encontre
de l'idée qu'il se fait de lui-même. Il est cependant assez juste
de situer le Nouvel Âge dans le contexte plus vaste de la religiosité
ésotérique, dont la fascination ne cesse de grandir.13
Il convient de mentionner ici un problème inhérent à la
présente étude. S'étant donné comme but de comprendre
et d'évaluer un phénomène qui est fondamentalement une
exaltation de la richesse de l'expérience humaine, elle risque d'être
accusée de ne pas faire justice à un mouvement culturel dont l'essence
est précisément de rompre ce qu'il considère comme les
limites contraignantes du discours rationnel. En fait, c'est surtout une invitation
s'adressant à tous les chrétiens pour qu'ils prennent le Nouvel
Âge au sérieux et instaurent un dialogue critique avec ces personnes
qui abordent le même monde à partir de perspectives bien différentes.
L'efficacité pastorale de l'Église au troisième millénaire
dépend dans une large mesure de la préparation de bons communicateurs
du message évangélique. Ce qui suit est une réponse aux
difficultés indiquées par beaucoup quand il s'agit d'affronter
le phénomène complexe et fuyant du Nouvel Âge. C'est une
tentative pour comprendre ce qu'est le Nouvel Âge et identifier les questions
auxquelles il dit apporter des réponses et des solutions. Il existe d'excellents
ouvrages et d'autres études qui envisagent ce phénomène
dans son ensemble ou sous certains aspects particuliers, dont quelques-uns sont
indiqués en annexe. Ces documents ne font pas toujours preuve, à
la lumière de la foi chrétienne, du discernement nécessaire.
La présente étude a pour but d'aider les catholiques à
découvrir la clé d'interprétation des principes de base
de la pensée Nouvel Âge pour pouvoir porter une appréciation
chrétienne sur les éléments qui se présentent à
eux. Il faut dire aussi que beaucoup réfutent le terme Nouvel Âge,
lui préférant celui de « spiritualité alternative
», jugé plus correct et moins limitatif. Il est vrai aussi qu'une
grande partie des phénomènes mentionnés dans ce document
ne portent pas d'étiquette, mais on suppose, pour faire court, que le
lecteur reconnaîtra un phénomène ou un ensemble de phénomènes
pouvant à juste titre être reliés au mouvement culturel
souvent appelé Nouvel Âge.
2.1. Qu'y a-t-il de nouveau dans le Nouvel Âge?
Pour beaucoup, le terme Nouvel Âge indique clairement un tournant majeur
dans l'histoire. D'après les astrologues, nous sommes actuellement dans
l'ère des Poissons, qui a été dominée par le christianisme.
Mais l'ère des Poissons est sur le point de faire place à la nouvelle
ère (en anglais New Age) du Verseau, en ce début du troisième
millénaire.14 Si l'ère du Verseau jouit d'un tel prestige dans
le mouvement Nouvel Âge, cela est dû en grande partie à l'influence
de la théosophie, du spiritisme, de l'anthroposophie et de leurs prédécesseurs
ésotériques. Ceux qui mettent l'accent sur l'imminence d'un changement
au niveau mondial expriment souvent le souhait d'un tel changement, et cela
non pas tant dans le monde que dans notre culture, dans notre façon de
nous rapporter au monde. Cela est particulièrement évident chez
ceux qui avancent l'idée d'un Nouveau Paradigme de vie. Cette approche
est attrayante, car dans certaines de ses expressions, les hommes ne se contentent
pas d'observer passivement, mais contribuent effectivement à changer
la culture et à faire apparaître une nouvelle conscience spirituelle.
Dans d'autres expressions, l'accent est mis plutôt sur la progression
inexorable des cycles naturels. Quoi qu'il en soit, l'ère du Verseau
n'est pas une théorie, mais une vision. Le Nouvel Âge est une tradition
très vaste qui incorpore toute sorte d'idées n'ayant pas de lien
direct avec le passage de l'ère des Poissons à celle du Verseau.
On y trouve des visions modérées et plutôt générales
d'un futur où la spiritualité planétaire côtoiera
des religions séparées, où des institutions politiques
planétaires similaires compléteront les institutions plus locales,
avec des entités économiques globales jugées plus participatives
et démocratiques, une plus grande place donnée à la communication
et à l'éducation, une approche mixte à la santé
combinant la médecine officielle et l'auto-guérison, une perception
plus androgyne de soi-même, et des systèmes intégrant la
science, le mysticisme, la technologie et l'écologie. Encore une fois,
tout cela révèle une aspiration profonde à une vie plus
pleine et plus saine pour les hommes et pour la planète. Parmi les traditions
qui confluent dans le Nouvel Âge, on peut citer, entre autres, les pratiques
occultes de l'Égypte ancienne, la kabbale, le gnosticisme des premiers
siècles du christianisme, le soufisme, le savoir druidique, le christianisme
celtique, l'alchimie médiévale, l'hermétisme de la Renaissance,
le bouddhisme zen et le yoga, etc.15
Voici la « nouveauté » du Nouvel Âge: c'est un «
syncrétisme d'éléments ésotériques et séculiers
»,16 qui convergent dans la perception très répandue que
le moment est venu d'un changement radical des individus, de la société
et du monde. Il existe diverses expressions de ce besoin de changement:
– De la physique mécanique newtonienne à la physique quantique;
– De l'exaltation moderne de la raison à la valorisation des sentiments,
des émotions et des expériences (en passant de la pensée
rationnelle 'de l'hémisphère gauche' du cerveau à la pensée
intuitive 'de l'hémisphère droit');
– De la prédominance des valeurs viriles et patriarcales à
la célébration des valeurs féminines, dans l'individu comme
dans la société.
Dans cette perspective, le terme de « changement de paradigme »
est souvent employé. Certains vont même jusqu'à suggérer
qu'un tel changement n'est pas seulement souhaitable, mais inéluctable.
Le rejet de la modernité qui est à l'origine de ce désir
de changement n'est pas nouveau, mais peut être décrit comme une
« résurgence moderne des religions païennes influencée
par les religions orientales, la psychologie, la philosophie, la science, et
la contre-culture répandue dans les années 1950 et 1960 ».17
En fait, si le Nouvel Âge est bien le signe d'une révolution culturelle
et d'un rejet des idées et des valeurs de la culture occidentale, son
criticisme idéaliste est lui- même paradoxalement typique des cultures
qu'il condamne.
Il convient de dire quelques mots à propos du changement de paradigme.
L'expression a été lancée par Thomas Kuhn, un historien
des sciences américain qui voyait le paradigme comme « un ensemble
de croyances, valeurs, techniques, etc. partagées par les membres d'une
communauté donnée ».18 Lors du passage d'un paradigme à
un autre, il y a un changement total de perspective plutôt qu'une transition
progressive. Il s'agit véritablement d'une révolution, et Kuhn
ajoute que les paradigmes concurrents sont incompatibles et ne peuvent pas coexister.
Donc l'idée que le changement de paradigme, appliquée aux religions
et à la spiritualité, soit tout simplement une nouvelle façon
d'affirmer les croyances traditionnelles, n'est pas juste. On assiste vraiment
à l'apparition d'une nouvelle vision du monde qui remet en cause non
seulement le contenu, mais aussi l'interprétation fondamentale de la
vision précédente. Le meilleur exemple en est peut-être,
du point de vue des rapports entre le Nouvel Âge et le christianisme,
le remaniement complet de la vie et de la signification de Jésus-Christ.
Il s'agit de deux visions inconciliables.19
La science et la technologie n'ayant manifestement pas réussi à
donner tout ce qu'elles semblaient promettre autrefois, les hommes se sont tournés
vers la spiritualité dans leur quête de libération. Le Nouvel
Âge, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est le fruit d'une aspiration
à quelque chose de plus humain et de plus beau que l'expérience
opprimante et aliénante de la vie de la société occidentale.
Ses premiers représentants ayant poussé leur recherche très
loin dans toutes les directions, il a adopté une approche extrêmement
éclectique. S'il est bien possible que ce soit le signe d'un «
retour à la religion », ce n'est certainement pas un retour aux
doctrines et aux croyances chrétiennes orthodoxes. Les premiers symboles
qui permirent à ce « mouvement » de pénétrer
dans la culture occidentale furent le célèbre festival de Woodstock
en 1969 dans l'État de New York, et la comédie musicale Hair qui
présentait les grands thèmes du Nouvel Âge dans sa chanson
emblématique « Aquarius ».20 Mais ce n'était que la
pointe d'un iceberg dont les dimensions ne se sont précisées qu'assez
récemment. L'idéalisme des années 1960 et 1970 subsiste
encore dans certains secteurs, mais aujourd'hui, ce ne sont plus les adolescents
qui sont les plus concernés. Les liens avec les idéologies politiques
de gauche se sont relâchés, et les drogues psychédéliques
ne sont plus aussi répandues qu'elles ne l'étaient à l'époque.
Tant de choses se sont produites depuis que tout cela ne semble plus révolutionnaire.
Les tendances «spirituelles» et «mystiques», cantonnées
autrefois à la contre- culture, se sont maintenant largement intégrées
à la culture ambiante dans des domaines aussi divers que la médecine,
la science, l'art ou la religion. La culture occidentale est désormais
empreinte d'une conscience politique et écologique diffuse, et ce changement
culturel global a eu une forte incidence sur le style de vie des individus.
Certains suggèrent que le «mouvement» Nouvel Âge est
précisément cette transition majeure vers ce qu'ils considèrent
comme «un mode de vie nettement meilleur».21
2.2. Que prétend offrir le Nouvel Âge?
2.2.1. Enchantement: il doit y avoir un ange
Un des éléments récurrents de la «spiritualité»
Nouvel Âge est la fascination pour les manifestations extraordinaires,
et en particulier pour les entités paranormales. Des personnes considérées
comme des «médiums» affirment que leur personnalité
est sous l'emprise d'une autre entité pendant les transes, par un phénomène
Nouvel Âge appelé channeling au cours duquel le médium peut
perdre le contrôle de son corps et de ses facultés. Ceux qui ont
assisté à ces séances n'ont généralement
pas de mal à admettre que ces manifestations sont bien de nature spirituelle,
mais qu'elles ne proviennent pas de Dieu, en dépit du langage d'amour
et de lumière qui est presque toujours utilisé... Il serait probablement
plus correct de les considérer plutôt comme une nouvelle forme
de spiritisme, que comme une manifestation de spiritualité proprement
dite. Dans le monde des esprits, d'autres amis et conseillers sont les anges
(qui sont aujourd'hui au centre d'un marché florissant de livres et d'images).
Dans le Nouvel Âge, ceux qui se réfèrent aux anges ne le
font généralement pas de façon systématique, les
distinctions trop précises en la matière étant jugées
inutiles, car «il existe de nombreux niveaux de guides, entités,
énergies et êtres dans chaque angle de l'univers... Ils sont tous
là pour être contactés et choisis en fonction de vos mécanismes
d'attraction et de répulsion».22 Ces entités spirituelles
sont souvent invoquées pour des motifs 'non-religieux', comme aider à
se détendre afin de prendre une meilleure décision ou mieux contrôler
sa vie ou sa carrière. Une autre expérience Nouvel Âge relatée
par des personnes qui se présentent comme des 'mystiques' est la fusion
avec les esprits qui instruisent par l'intermédiaire de certaines personnes.
Enfin, certains esprits de la nature sont décrits comme des énergies
puissantes, présentes dans le monde naturel et sur les «plans intérieurs»,
des plans auxquels on accède à l'aide de rituels, drogues ou autres
techniques destinées à produire des états de conscience
altérés. Il est clair que dans le Nouvel Âge, en théorie
du moins, on ne reconnaît généralement pas d'autre autorité
spirituelle que sa propre expérience intérieure.
2.2.2. Harmonie et compréhension: les bonnes vibrations
Des phénomènes aussi différents que le jardin de Findhorn
et le Feng Shui23 montrent chacun à sa façon l'importance de se
mettre au diapason de la nature et du cosmos. Dans le Nouvel Âge, il n'existe
pas de distinction entre le bien et le mal. Les actions humaines sont le fruit
soit de l'illumination, soit de l'ignorance. En conséquence, personne
ne doit être condamné, et personne n'a besoin d'être pardonné.
La croyance dans l'existence du mal ne peut qu'engendrer la négativité
et la peur. La réponse à la négativité est l'amour.
Il ne s'agit pas d'un amour qui doit être traduit en actes, mais plutôt
d'une attitude mentale. L'amour est énergie, une vibration à haute
fréquence, et le secret du bonheur, de la santé et du succès
réside dans la capacité de «se brancher» sur cette
vibration et de trouver ainsi sa place dans la grande chaîne de l'être.
Les instructeurs et les guérisseurs du Nouvel Âge affirment offrir
la clé des correspondances entre tous les éléments de l'univers
qui permet aux individus de moduler la tonalité de leur vie et d'être
en parfaite harmonie avec les autres être humains et avec tout ce qui
les entoure. Le cadre théorique de référence change toutefois
selon les auteurs.24
2.2.3. La santé: une vie épanouie (golden living)
La médecine officielle (allopathique) tend aujourd'hui à ne traiter
que des symptômes particuliers, isolés, sans chercher à
avoir une vue d'ensemble de l'état de santé de l'individu, ce
qui donne lieu bien souvent à une insatisfaction compréhensible.
Si les thérapies alternatives ont un tel succès, c'est parce qu'elles
affirment considérer l'individu dans son ensemble et qu'elles cherchent
à guérir plutôt qu'à soigner. La conception holistique
de la santé, comme on le sait, se concentre sur le rôle déterminant
de la psyché dans la guérison du corps. Le lien entre les aspects
spirituel et physique de la personne résiderait dans le système
immunitaire ou dans le système indien des chakras. Dans l'optique Nouvel
Âge, la maladie et la souffrance sont la conséquence d'un comportement
contre nature. Quand on est en harmonie avec la nature, on peut s'attendre à
avoir une meilleure santé, et même la prospérité
matérielle. Certains guérisseurs Nouvel Âge vont même
jusqu'à soutenir que la mort n'est pas inéluctable. En développant
notre potentiel humain, nous pouvons entrer en contact avec notre Dieu intérieur
et avec certaines parties de nous-même qui ont été aliénées
ou supprimées. Cela apparaît surtout dans les États de Conscience
Altérés (Altered States of Consciousness: ASC), induits soit par
des drogues, soit par différentes techniques d'élargissement de
la conscience, notamment dans le cadre de la « psychologie transpersonnelle
». Le chaman est souvent vu comme un spécialiste des états
de conscience altérés, un être capable d'être un intermédiaire
entre le domaine transpersonnel des esprits et des dieux et le monde des humains.
2.2. Que prétend offrir le Nouvel Âge?
2.2.1. Enchantement: il doit y avoir un ange
Un des éléments récurrents de la «spiritualité»
Nouvel Âge est la fascination pour les manifestations extraordinaires,
et en particulier pour les entités paranormales. Des personnes considérées
comme des « médiums » affirment que leur personnalité
est sous l'emprise d'une autre entité pendant les transes, par un phénomène
Nouvel Âge appelé channeling au cours duquel le médium peut
perdre le contrôle de son corps et de ses facultés. Ceux qui ont
assisté à ces séances n'ont généralement
pas de mal à admettre que ces manifestations sont bien de nature spirituelle,
mais qu'elles ne proviennent pas de Dieu, en dépit du langage d'amour
et de lumière qui est presque toujours utilisé... Il serait probablement
plus correct de les considérer plutôt comme une nouvelle forme
de spiritisme, que comme une manifestation de spiritualité proprement
dite. Dans le monde des esprits, d'autres amis et conseillers sont les anges
(qui sont aujourd'hui au centre d'un marché florissant de livres et d'images).
Dans le Nouvel Âge, ceux qui se réfèrent aux anges ne le
font généralement pas de façon systématique, les
distinctions trop précises en la matière étant jugées
inutiles, car « il existe de nombreux niveaux de guides, entités,
énergies et êtres dans chaque angle de l'univers... Ils sont tous
là pour être contactés et choisis en fonction de vos mécanismes
d'attraction et de répulsion ».22 Ces entités spirituelles
sont souvent invoquées pour des motifs 'non-religieux', comme aider à
se détendre afin de prendre une meilleure décision ou mieux contrôler
sa vie ou sa carrière. Une autre expérience Nouvel Âge relatée
par des personnes qui se présentent comme des 'mystiques' est la fusion
avec les esprits qui instruisent par l'intermédiaire de certaines personnes.
Enfin, certains esprits de la nature sont décrits comme des énergies
puissantes, présentes dans le monde naturel et sur les « plans
intérieurs », des plans auxquels on accède à l'aide
de rituels, drogues ou autres techniques destinées à produire
des états de conscience altérés. Il est clair que dans
le Nouvel Âge, en théorie du moins, on ne reconnaît généralement
pas d'autre autorité spirituelle que sa propre expérience intérieure.
2.2.2. Harmonie et compréhension: les bonnes vibrations
Des phénomènes aussi différents que le jardin de Findhorn
et le Feng Shui23 montrent chacun à sa façon l'importance de se
mettre au diapason de la nature et du cosmos. Dans le Nouvel Âge, il n'existe
pas de distinction entre le bien et le mal. Les actions humaines sont le fruit
soit de l'illumination, soit de l'ignorance. En conséquence, personne
ne doit être condamné, et personne n'a besoin d'être pardonné.
La croyance dans l'existence du mal ne peut qu'engendrer la négativité
et la peur. La réponse à la négativité est l'amour.
Il ne s'agit pas d'un amour qui doit être traduit en actes, mais plutôt
d'une attitude mentale. L'amour est énergie, une vibration à haute
fréquence, et le secret du bonheur, de la santé et du succès
réside dans la capacité de « se brancher » sur cette
vibration et de trouver ainsi sa place dans la grande chaîne de l'être.
Les instructeurs et les guérisseurs du Nouvel Âge affirment offrir
la clé des correspondances entre tous les éléments de l'univers
qui permet aux individus de moduler la tonalité de leur vie et d'être
en parfaite harmonie avec les autres être humains et avec tout ce qui
les entoure. Le cadre théorique de référence change toutefois
selon les auteurs.24
2.2.3. La santé: une vie épanouie (golden living)
La médecine officielle (allopathique) tend aujourd'hui à ne traiter
que des symptômes particuliers, isolés, sans chercher à
avoir une vue d'ensemble de l'état de santé de l'individu, ce
qui donne lieu bien souvent à une insatisfaction compréhensible.
Si les thérapies alternatives ont un tel succès, c'est parce qu'elles
affirment considérer l'individu dans son ensemble et qu'elles cherchent
à guérir plutôt qu'à soigner. La conception holistique
de la santé, comme on le sait, se concentre sur le rôle déterminant
de la psyché dans la guérison du corps. Le lien entre les aspects
spirituel et physique de la personne résiderait dans le système
immunitaire ou dans le système indien des chakras. Dans l'optique Nouvel
Âge, la maladie et la souffrance sont la conséquence d'un comportement
contre nature. Quand on est en harmonie avec la nature, on peut s'attendre à
avoir une meilleure santé, et même la prospérité
matérielle. Certains guérisseurs Nouvel Âge vont même
jusqu'à soutenir que la mort n'est pas inéluctable. En développant
notre potentiel humain, nous pouvons entrer en contact avec notre Dieu intérieur
et avec certaines parties de nous-même qui ont été aliénées
ou supprimées. Cela apparaît surtout dans les États de Conscience
Altérés (Altered States of Consciousness: ASC), induits soit par
des drogues, soit par différentes techniques d'élargissement de
la conscience, notamment dans le cadre de la « psychologie transpersonnelle
». Le chaman est souvent vu comme un spécialiste des états
de conscience altérés, un être capable d'être un intermédiaire
entre le domaine transpersonnel des esprits et des dieux et le monde des humains.
Il existe une grande variété d'approches aux thérapies
holistiques, dont certaines s'inspirent d'anciennes traditions culturelles,
religieuses ou ésotériques, d'autres des théories psychologiques
élaborées à Esalen dans les années 1960-70. Le Nouvel
Âge fait publicité d'un large éventail de pratiques telles
que l'acuponcture, le biofeedback, la chiropraxie, la kinésiologie, l'homéopathie,
l'iridologie, les massages et différentes sortes de techniques corporelles
(comme l'ergonomie, le Feldenkrais, la réflexologie, le Rolfing, le massage
en polarité, le toucher thérapeutique, etc.), la méditation
et la visualisation, les thérapies nutritionnelles, les traitements psychiques,
différentes sortes de médecine des plantes, la guérison
par les cristaux, les métaux, la musique ou les couleurs, les thérapies
de la réincarnation et enfin les programmes en douze étapes et
les groupes de réalisation de soi.25 Il est dit que c'est en nous-mêmes
que se trouve la source de la guérison, et que nous pouvons l'atteindre
en nous mettant en contact avec notre énergie intérieure ou énergie
cosmique.
Dans la mesure où la bonne santé comporte un allongement de la
vie, le Nouvel Âge propose une formule orientale en termes occidentaux.
À l'origine, la réincarnation faisait partie de la pensée
cyclique hindoue, basée sur l'atman ou noyau divin de la personnalité
(devenu plus tard le concept de jiva), transmigrant d'un corps à l'autre
dans un cycle de souffrances (samsara), déterminé par la loi du
karma et lié au comportement dans les vies antérieures. L'espérance
réside dans la possibilité de renaître dans un meilleur
état ou même d'être finalement libéré de la
nécessité de se réincarner. Dans la plupart des traditions
bouddhistes, ce n'est pas l'âme qui transmigre de corps en corps, mais
un continuum de conscience. La vie présente s'inscrit dans un processus
cosmique potentiellement infini qui inclut même les dieux. En Occident,
depuis l'époque de Lessing, la réincarnation est vue de façon
plus optimiste, comme un processus progressif d'apprentissage et d'accomplissement
individuel. Le spiritisme, la théosophie, l'anthroposophie et le Nouvel
Âge considèrent la réincarnation comme une participation
à l'évolution cosmique. Cette approche post-chrétienne
à l'eschatologie permettrait de répondre aux questions non résolues
de la théodicée et d'éliminer la notion d'enfer. Quand
l'âme se sépare du corps, on peut jeter un regard en arrière
sur toutes ses vies passées, et quand elle s'unit à un nouveau
corps, on a un aperçu de la nouvelle vie à venir. En outre, les
individus peuvent avoir accès à leurs vies antérieures
à travers les rêves et les techniques de méditation.26
2.2.4. « Totalité »: un voyage magique vers l'inconnu
Une des préoccupations centrales du mouvement Nouvel Âge est la
recherche de la « totalité ». Il encourage à dépasser
toute forme de « dualisme », considérant ces divisions comme
le produit malsain d'un passé obscurantiste. Les divisions que, selon
les adeptes du Nouvel Âge, il faut surmonter, mettent en cause la différence
fondamentale entre Créateur et créé, la réelle distinction
entre homme et nature, entre esprit et matière, tous et toutes considérées
à tort comme des formes de dualisme. Ces tendances dualistes sont souvent
considérées comme découlant, en dernière analyse,
des racines judéo-chrétiennes de la civilisation occidentale alors
qu'il serait plus correct de les mettre en relation avec le gnosticisme, et
surtout avec le manichéisme. La révolution scientifique et le
rationalisme moderne sont critiqués en particulier pour leur tendance
à la fragmentation: non seulement ils traitent les ensembles organiques
comme des mécanismes réduits d'abord à leurs plus petits
composants et expliqués ensuite dans ces termes, mais ils tendent même
à réduire l'esprit à la matière, à tel point
que la réalité spirituelle, y compris l'âme, n'est plus
que « l'épiphénomène » contingent d'un processus
essentiellement matériel. Dans tous ces domaines, les alternatives Nouvel
Âge sont « holistiques ». Le holisme imprègne tout
le mouvement du Nouvel Âge, de son intérêt pour les traitements
holistiques à sa recherche d'une approche unitive, sa conscience écologique,
ou encore l'idée d'une « mise en réseau » globale.
2.3. Les principes fondamentaux de la pensée Nouvel Âge
2.3.1. Une réponse globale dans un temps de crise
« Tant la tradition chrétienne que la croyance séculière
dans un progrès illimité de la science ont connu une grave rupture,
qui s'est manifestée pour la première fois dans les révolutions
estudiantines de 1968 ».27 La sagesse des générations précédentes
s'est trouvée brusquement privée de sa signification et du respect
dont elle jouissait tandis que la toute-puissance de la science se dissipait,
en sorte qu'aujourd'hui l'Église « doit faire face à une
grave crise de transmission de sa foi aux jeunes générations ».28
La perte générale de confiance dans ces piliers traditionnels
de la conscience et de la cohésion sociale s'est accompagnée d'un
retour inattendu de la religiosité cosmique, de rites et croyances dont
beaucoup considéraient qu'ils avaient été supplantés
par le christianisme. En réalité, ce courant ésotérique
souterrain n'a jamais entièrement disparu. En revanche, l'intérêt
pour les religions orientales qui s'est répandu à partir de la
fin du XIXe siècle sous l'influence du mouvement théosophique
est, dans le contexte occidental, une donnée nouvelle qui « reflète
la conscience croissante d'une spiritualité globale incorporant toutes
les traditions religieuses existantes ».29
L'éternelle question philosophique de l'un et du multiple se manifeste,
dans sa version moderne et contemporaine, par le besoin pressant de surmonter
toute division, voire même toute différence et distinction. L'expression
la plus commune en est le holisme, qui constitue à la fois un élément
essentiel du Nouvel Âge et un signe des temps dans le dernier quart du
XXe siècle. Une formidable quantité d'énergie a été
consacrée à la tentative de surmonter les cloisonnements propres
à l'idéologie mécaniste, au risque de devoir se soumettre
à un réseau global revêtant une autorité quasi transcendantale.
Les conséquences les plus évidentes en sont un processus de transformation
conscient et le développement de l'écologie.30 La nouvelle vision,
qui est le but de cette transformation consciente, a mis du temps à être
formulée, et son application est entravée par les formes de pensée
plus anciennes qui, dit-on, luttent pour maintenir le « statu quo ».
L'écologie comme fascination pour la nature et re-sacralisation de la
Terre, la Terre Mère ou Gaia, a connu un immense succès et s'est
généralisée grâce au zèle missionnaire propre
aux politiques des Verts. La race humaine tout entière doit devenir «
l'administrateur » de la Terre, et seul un gouvernement global peut assurer
l'harmonie et la compréhension nécessaires à une bonne
gouvernance, dans un cadre éthique global. La chaleur de la Terre Mère,
dont la divinité s'étend à toute la création, comble,
dit-on, le fossé entre la création et le Dieu-Père transcendant
du judaïsme et du christianisme en écartant la perspective de devoir
être jugés par un tel Être.
Dans cette vision d'un univers clos, contenant « Dieu » et d'autres
êtres spirituels en plus de nous-mêmes, nous identifions un panthéisme
implicite. C'est là un point fondamental qui transparaît dans toute
la pensée et la pratique Nouvel Âge et qui conditionne d'avance
toute appréciation positive que l'on pourrait avoir pour l'un ou l'autre
des aspects de sa spiritualité. En tant que chrétiens, nous croyons
au contraire, que « l'homme est essentiellement créature et qu'il
reste tel pour l'éternité, de sorte qu'une absorption du moi humain
dans le moi divin ne sera jamais possible ».31
2.3.2. La matrice principale de la pensée Nouvel Âge
La matrice essentielle de la pensée Nouvel Âge réside dans
la tradition ésotérico-théosophique, une tradition qui
était largement répandue dans les cercles intellectuels européens
au XVIIIe et au XIXe siècle. On la retrouve en particulier dans la franc-maçonnerie,
le spiritisme, l'occultisme et la théosophie, qui avaient en commun une
sorte de culture ésotérique. Dans cette vision du monde, les univers
visible et invisible sont reliés entre eux par une série de correspondances,
analogies et influences, entre le microcosme et le macrocosme, entre les métaux
et les planètes, entre les planètes et les différentes
parties du corps humain, entre le cosmos visible et les règnes invisibles
de la réalité. La Nature est un être vivant, parcouru par
des influx de sympathie et d'antipathie et animé par un feu secret que
les êtres humains cherchent à maîtriser. Les hommes peuvent
entrer en contact avec les mondes supérieurs ou inférieurs par
l'imagination (un organe de l'âme et de l'esprit), ou a travers des médiateurs
(anges, esprits, démons) ou des rituels.
Il est possible de s'initier aux mystères du cosmos, de Dieu et du moi
à travers un parcours spirituel de transformation. Mais le vrai but est
la gnose, la forme la plus haute du savoir, l'équivalent du salut, qui
demande une recherche des traditions les plus antiques et les plus élevées
de la philosophie (appelée de façon incorrecte philosophia perennis)
et de la religion (théologie primordiale), et une doctrine secrète
(ésotérique) contenant la clé de toutes les traditions
« exotériques » accessibles à tous. Les enseignements
ésotériques sont transmis de maître à disciple suivant
un programme d'initiation progressif.
Certains pensent que l'ésotérisme du XIXe siècle a été
entièrement sécularisé. L'alchimie, la magie, l'astrologie
et les autres branches de l'ésotérisme traditionnel ont été
complétées par des éléments de la culture moderne,
tels que la recherche des lois de causalité, l'évolutionnisme,
la psychologie et l'étude des religions. Cette forme d'ésotérisme
a atteint sa forme la plus achevée dans la présentation qu'en
a fait Hélène Blavatsky, le médium russe qui, avec Henry
Olcott, fonda la Société théosophique en 1875 à
New York. Cette société, qui entendait fusionner des éléments
des traditions orientale et occidentale dans un type de spiritualisme évolutif,
s'était donnée trois grands objectifs:
1) « Former le noyau de la Fraternité Universelle de l'humanité,
sans distinction de race, religion, caste ou couleur.
2) « Promouvoir l'étude des religions comparées, de la philosophie
et de la science.
3) « Explorer les lois inexpliquées de la Nature et les pouvoirs
latents de l'homme.
« Le sens de ces objectifs... devrait être clair. Le premier est
un rejet implicite du 'fanatisme irrationnel' et du 'sectarisme' du christianisme
traditionnel, tel que le perçoivent les spirites et les théosophes...
Ce qui n'est pas immédiatement évident dans ces objectifs, c'est
que pour les théosophes la 'science' signifiait les sciences occultes,
et la philosophie l'occulta philosophia. Enfin, les lois de la nature sont de
nature occulte ou psychique et l'étude des religions comparées
est censée révéler la 'tradition primordiale', qui s'inspire
en définitive de la philosophia perennis hermétique ».32
Une des lignes de force des ouvrages de Mme Blavatsky était l'émancipation
de la femme, ce qui impliquait une attaque contre le Dieu « mâle
» du judaïsme, du christianisme et de l'islam. Elle prônait
un retour à la déesse mère de l'hindouisme et à
la pratique des vertus féminines. Ses idées furent reprises ensuite
par Annie Besant, qui était à l'avant-garde du mouvement féministe.
Les mouvements Wicca et « Women's spirituality » poursuivent aujourd'hui
cette bataille contre le christianisme « patriarcal ».
Marilyn Ferguson a consacré un chapitre de son livre Les enfants du Verseau
aux précurseurs de l'ère du Verseau, à ceux qui jetèrent
les bases d'une vision transformatrice fondée sur l'élargissement
de la conscience et l'expérience du dépassement de soi. Elle cite
en particulier le psychologue américain William James et le psychiatre
suisse Carl Gustav Jung. William James affirmait que la religion est une expérience,
mais pas un dogme, et il proclamait que les hommes peuvent modifier leur attitude
mentale au point de devenir les artisans de leur propre destin. Jung mit l'accent
sur le caractère transcendant de la conscience et introduisit la notion
d'inconscient collectif, une sorte de réservoir de symboles et de souvenirs
communs aux peuples de tous les temps et de toutes les cultures. D'après
Wouter Hanegraaff, ces deux auteurs ont contribué à la «
sacralisation de la psychologie », qui deviendra un élément
important de la pensée et de la pratique Nouvel Âge. En effet,
Jung, « n'a pas seulement psychologisé l'ésotérisme,
mais il a aussi sacralisé la psychologie en la chargeant des contenus
de la spéculation ésotérique. Il en a résulté
un corps de théories qui permettent aux hommes de parler de Dieu en désignant
en fait leur propre psyché, et de leur propre psyché désignant
la divinité. Si la psyché est 'l'esprit' et si Dieu est lui aussi
'esprit', parler de l'un équivaut à parler de l'autre ».33
À l'accusation d'avoir « psychologisé » le christianisme,
il répondait que « la psychologie est le mythe moderne, et ce n'est
qu'à la lumière du mythe contemporain que nous pouvons comprendre
la foi ».34 Il est certain que la psychologie de Jung éclaire maints
aspects de la foi chrétienne, et notamment la nécessité
d'affronter la réalité du mal, mais ses convictions religieuses
varient tellement au cours des diverses époques de sa vie, qu'il s'en
dégage une image confuse de Dieu. Un élément central de
sa pensée est le culte du soleil, dans lequel Dieu est l'énergie
vitale (libido) de la personne.35 Comme il le dit lui-même, « cette
comparaison n'est pas qu'un simple jeu de mots ».36 En réalité,
Jung se réfère au « dieu intérieur », cette
divinité essentielle qu'il voyait dans tout être humain. Le chemin
du monde intérieur passe par l'inconscient. Et dans le monde extérieur,
ce qui correspond au monde intérieur est l'inconscient collectif.
Cette tendance à confondre la psychologie et la spiritualité fut
reprise par le Mouvement de Développement du Potentiel Humain, qui s'est
développé à la fin des années 1960 à l'Institut
Esalen, en Californie. La psychologie transpersonnelle, fortement influencée
par les religions orientales et par Jung, propose un parcours contemplatif où
la science et le mysticisme se rencontrent. L'accent mis sur la corporéité,
la recherche de techniques d'élargissement de la conscience et l'intérêt
porté aux mythes de l'inconscient collectif étaient autant d'incitations
à rechercher le « Dieu intérieur » en soi. Pour réaliser
son potentiel, l'homme devait dépasser son ego et devenir le dieu qu'il
est au fin fond de lui-même. Pour cela, il fallait choisir la thérapie
appropriée: méditation, expériences parapsychologiques,
recours aux drogues hallucinogènes. Tous ces moyens devaient permettre
de réaliser des expériences « ultimes » ou «
mystiques », de fusion avec Dieu et avec le cosmos.
Le symbole du Verseau, emprunté à la mythologie astrologique,
est devenu le signe d'une aspiration à un monde radicalement nouveau.
Deux centres en particulier se sont fait les grands promoteurs du Nouvel Âge
à l'origine, et le sont encore aujourd'hui, dans une certaine mesure:
il s'agit de la communauté de Findhorn, au nord-est de l'Écosse,
et le Centre de Développement du Potentiel Humain de Big Sur, en Californie,
aux États-Unis. La diffusion du Nouvel Âge a été
fortement alimentée par le développement d'une conscience globale
et par la crainte croissante d'une crise écologique imminente.
2.3.3. Les grands thèmes du Nouvel Âge
Le Nouvel Âge n'est pas à proprement parler une religion, bien
qu'il s'intéresse à ce que l'on appelle « divin ».
Il consiste essentiellement dans une association informelle regroupant toutes
sortes d'activités, d'idées et d'individus pouvant répondre
à cette appellation. On n'y trouve donc pas de structure pouvant être
comparée, même de loin, aux doctrines des religions organisées.
Mais malgré cela, et en dépit de l'immense variété
constatée au sein du Nouvel Âge, il est possible de dégager
quelques points communs:
– Le cosmos est un tout organique;
– Il est animé par une Énergie, qui est assimilée
à l'âme ou l'esprit de Dieu;
– On croit dans la médiation de diverses entités spirituelles:
les humains sont capables de s'élever jusqu'aux sphères supérieures
de l'invisible et de contrôler leur vie après la mort;
– On croit dans l'existence d'une « connaissance éternelle
», antérieure et supérieure à toutes les religions
et cultures;
– Les individus suivent des maîtres illuminés...
2.3.4. Que dit le Nouvel Âge de...
2.3.4.1. ... la personne humaine?
Le Nouvel Âge croit fermement dans la perfectibilité de la personne
humaine au moyen d'un large éventail de techniques et de thérapies
(par opposition à la conception chrétienne de la coopération
avec la grâce divine). Il est généralement d'accord pour
dire avec Nietzsche que le christianisme a empêché la pleine manifestation
de l'humanité authentique. La perfection, dans cette optique, consiste
dans la réalisation de soi suivant un ordre de valeurs que nous créons
nous-mêmes et que nous accomplissons par nos propres forces. Aussi peut-on
parler d'un moi auto-créateur. De ce point de vue, il y a davantage d'écart
entre les hommes tels qu'ils sont aujourd'hui et tels qu'ils seront quand ils
auront pleinement réalisé leur potentiel, qu'il n'y en a entre
les hommes et les anthropoïdes.
Il est bon de bien distinguer l'ésotérisme, qui est une recherche
de la connaissance, de la magie ou occultisme, qui est un outil pour obtenir
des pouvoirs. Certains groupes sont à la fois ésotériques
et occultistes. Au cœur de l'occultisme, il y a une volonté de puissance
basée sur le rêve de devenir divin. Les techniques d'élargissement
de la conscience sont destinées à révéler aux hommes
leur pouvoir divin, qui leur permettra d'ouvrir la voie à l'ère
de l'Illumination. Une des formes extrêmes de cette exaltation de l'humanité
qui invertit le juste rapport entre Créateur et créature est le
satanisme. Satan devient le symbole d'une rébellion contre les conventions
et les règles, un symbole qui prend souvent des formes agressives, égoïstes
et violentes. Certains groupes protestants ont manifesté leur inquiétude
devant la présence subliminale de ce qu'ils considèrent comme
un symbolisme satanique dans certaines variétés de musique rock,
qui ont une grande influence sur les jeunes. On est bien loin du message de
paix et d'harmonie du Nouveau Testament! C'est là une des conséquences
de l'exaltation de l'homme, quand celle-ci en vient à nier l'existence
d'un Dieu transcendant.
Ce phénomène ne touche pas seulement les jeunes. Les thèmes
fondamentaux de la culture ésotérique sont également présents
dans les domaines de la politique, de l'éducation et de la législation.37
C'est le cas en particulier de l'écologie. En mettant fortement l'accent
sur le bio-centrisme, l'écologie radicale finit par rejeter la vision
anthropologique de la Bible dans laquelle les hommes sont au centre du monde
parce que qualitativement supérieurs aux autres formes naturelles. C'est
une tendance très marquée aujourd'hui dans la législation
et dans l'éducation, même si elle rabaisse l'humanité. Cette
même matrice culturelle ésotérique apparaît dans les
théories qui sont à la base des politiques de contrôle des
naissances et des expérimentations de génie génétique,
et qui semblent exprimer le rêve des hommes de se créer à
nouveau. Comment espèrent- on y parvenir? En déchiffrant le code
génétique, en altérant les lois naturelles de la sexualité,
en défiant les limites de la mort.
Dans ce qui peut être considéré comme une présentation
classique du Nouvel Âge, les individus naissent avec une étincelle
divine, concept qui est une réminiscence du gnosticisme ancien. Ce fait
les relie à l'unité du Tout. Ils sont donc vus, essentiellement,
comme des êtres divins, bien qu'ils participent de cette divinité
cosmique à des niveaux de conscience différents. Nous sommes co-créateurs
et nous créons notre propre réalité. Certains auteurs Nouvel
Âge soutiennent que nous choisissons les circonstances de notre vie (et
même notre état de santé, bon ou mauvais), dans une vision
où chaque individu est considéré comme la source créatrice
de l'univers. Mais nous devons faire un voyage pour découvrir notre place
exacte dans l'unité du cosmos. Ce voyage est la psychothérapie,
et le salut est la reconnaissance de la conscience universelle. Il n'y a pas
de péché: il n'y a qu'une connaissance imparfaite. L'identité
de chaque être humain est diluée dans l'être universel et
dans la série des incarnations successives. Les individus sont soumis
à l'influence déterminante des astres, mais peuvent s'ouvrir à
la divinité qui vit en eux à travers la recherche constante (à
l'aide des techniques appropriées) d'une plus grande harmonie entre le
moi et l'énergie cosmique divine. Point n'est besoin de Révélation
ou de Salut venu de l'extérieur: il suffit de faire l'expérience
du salut présent au fond de soi-même (auto-rédemption),
grâce à la maîtrise des techniques psychophysiques menant
à l'illumination définitive.
Certaines étapes de ce parcours d'auto-rédemption sont préparatoires
(méditation, bien-être corporel, émanation d'énergies
d'auto- guérison). Elles représentent le point de départ
de processus de spiritualisation, de perfectionnement et d'illumination qui
contribue à améliorer la maîtrise de soi et la concentration
psychique sur la « transformation » du moi individuel en «
conscience cosmique ». La personne humaine est destinée à
connaître une série de réincarnations dans lesquelles son
âme passera d'un corps à un autre. Il ne s'agit pas ici du cycle
du samsara au sens d'une purification comme châtiment, mais d'une montée
progressive vers le développement parfait de son potentiel.
On fait appel à la psychologie pour expliquer l'élargissement
de la conscience comme expérience « mystique ». Le yoga,
le zen, la méditation transcendantale et les exercices tantriques mènent
à l'expérience de la pleine réalisation de soi ou illumination.
Les expériences extraordinaires (le rebirthing qui consiste à
revivre sa propre naissance, les voyages aux portes de la mort, le biofeedback,
la danse et même les drogues, tout ce qui peut produire une altération
de l'état de conscience) mènent à la conscience de l'unité
et à l'illumination. Comme il y a un seul Esprit, certaines personnes
peuvent servir de canal pour approcher les êtres supérieurs. Chaque
partie de cet unique être universel est reliée à toutes
les autres parties. L'approche classique au Nouvel Âge est celle de la
psychologie transpersonnelle, dont les principaux concepts sont l'Esprit universel,
le moi supérieur, l'inconscient collectif ou personnel et l'ego individuel.
Le moi supérieur, qui est notre véritable identité, jette
un pont entre Dieu comme intelligence divine et l'humanité. Le développement
spirituel est ce contact avec le moi supérieur qui permet de dépasser
toute forme de dualisme entre sujet et objet, vie et mort, psyché et
soma, moi et aspects fragmentaires du moi. Notre personnalité limitée
est comme une ombre ou un rêve projeté par le moi authentique.
Le moi supérieur contient le souvenir des (ré)incarnations précédentes.
2.3.4.2. ...Dieu?
Le Nouvel Âge a une préférence marquée pour les religions
orientales ou pré-chrétiennes, considérant qu'elles n'ont
pas été touchées par les distorsions judéo-chrétiennes.
D'où son intérêt pour les antiques rites agricoles et les
cultes de la fécondité. « Gaia », la Terre Mère,
est présentée comme une alternative à Dieu le Père,
dont l'image est trop entachée d'une conception patriarcale de domination
de l'homme sur la femme. S'il est question de Dieu, ce n'est jamais un Dieu
personnel. Le Dieu dont parle le Nouvel Âge n'est ni personnel, ni transcendant.
Ce n'est ni le Créateur, ni le sustentateur aimant de l'univers, mais
une « énergie impersonnelle » immanente au monde, avec lequel
elle forme une « unité cosmique »: « Tout est un ».
Cette unité est moniste, panthéiste, ou plus exactement panenthéiste.
Dieu est le « principe de vie », « l'esprit ou âme du
monde », la somme totale de la conscience existant dans l'univers. En
un certain sens, tout est Dieu. Et comme la présence de Dieu se manifeste
surtout dans les aspects spirituels de la réalité, on peut dire,
d'une certaine façon, que tout esprit est Dieu.
Quand les personnes humaines la reçoivent consciemment, « l'énergie
divine » est souvent qualifiée aussi d' « énergie
christique ». Mais le Christ dont il est question n'est pas Jésus
de Nazareth. Le titre de « Christ » est donné à tout
homme qui atteint un état de conscience dans lequel il perçoit
sa propre divinité et peut donc se considérer comme un «
Maître universel ». Jésus de Nazareth n'était pas
le Christ, mais seulement un des nombreux personnages historiques en qui cette
nature « christique » s'est révélée, comme
Bouddha et d'autres encore. Toute manifestation historique du Christ montre
clairement que les êtres humains sont tous célestes et divins,
et les mène à cette compréhension.
Le niveau le plus intérieur et personnel (« psychique »)
auquel les être humains « perçoivent » cette «
énergie cosmique divine » est aussi appelé « Esprit
Saint ».
2.3.4.3. ...le monde?
L'abandon du modèle mécaniste de la physique classique au profit
du modèle « holistique » de la physique atomique et subatomique
moderne, basée sur le concept de matière comme ondes ou énergie
plutôt que comme particules, a joué un rôle déterminant
dans la pensée Nouvel Âge. L'univers est un océan d'énergie,
vu comme un tout unique ou un réseau de relations. L'énergie qui
anime cet organisme unique est « l'esprit ». Il n'y a pas d'altérité
entre Dieu et le monde. Le monde, qui est lui-même divin, suit un processus
évolutif allant de la matière inerte à la « conscience
supérieure et parfaite ». Le monde est incréé, éternel
et autosuffisant. Le futur du monde dépend d'une dynamique interne qui
est nécessairement positive, et qui mène à l'unité
divine (réconciliée) de tout ce qui existe. Dieu et le monde,
l'âme et le corps, l'intelligence et le sentiment, le ciel et la terre
forment une seule immense vibration d'énergie.
James Lovelock, dans son ouvrage sur l'Hypothèse Gaia, dit que «
tout le spectre du vivant sur la Terre, des baleines aux virus et des chênes
aux algues, peut être considéré comme formant une entité
vivante unique, capable de manipuler l'atmosphère terrestre pour subvenir
à ses besoins généraux et dotée de facultés
et de pouvoirs bien supérieurs à ceux des parties qui la composent
».38 Pour certains, l'hypothèse Gaia est « une étrange
synthèse d'individualisme et de collectivisme. Tout se passe comme si
le Nouvel Âge, après avoir séparé les individus au
moyen de politiques sectorielles, avait hâte de les jeter dans le grand
chaudron de la pensée globale ». Le cerveau global a besoin d'institutions
pour pouvoir gouverner, autrement dit, il a besoin d'un gouvernement mondial.
« Pour traiter les problèmes actuels, le Nouvel Âge rêve
d'une aristocratie spirituelle s'inspirant de la République de Platon,
dirigée par des sociétés secrètes... ».39
Cette façon de voir les choses est peut-être excessive, mais différents
signes montrent que l'élitisme gnostique coïncide avec la gouvernance
globale dans maintes questions de politique internationale.
Tout dans l'univers est relié. En soi, chaque partie est une image de
la totalité. Le tout est dans chaque chose, et chaque chose est dans
le tout. Dans la « grande chaîne des êtres », tous les
êtres sont intimement liés, ne formant qu'une seule famille avec
différents degrés d'évolution. Chaque homme est un hologramme,
une image de la création tout entière, dont chaque élément
vibre à sa propre fréquence. L'homme est un neurone du système
nerveux central de la Terre, et toutes les entités individuelles ont
entre elles une relation de complémentarité. En fait, il existe
une complémentarité interne, ou androgynie, dans toute la création.40
Un des thèmes récurrents, dans les écrits et la pensée
Nouvel Âge, est le « nouveau paradigme » introduit par la
science contemporaine. « La science nous a donné un aperçu
des ensembles et des systèmes, des forces à l'œuvre et des
transformations. Nous apprenons à distinguer les tendances, à
déceler les signes avant-coureurs d'un paradigme nouveau et plus prometteur.
Nous créons des scénarios alternatifs du futur. Ayant constaté
l'échec des anciens systèmes, nous imposons de nouvelles grilles
de lecture pour traiter les problèmes dans tous les domaines ».41
Jusqu'à présent, ce « changement de paradigme » a
été un changement de perspective radical, mais rien d'autre. Toute
la question est de savoir si le changement sera effectivement à la hauteur
de la pensée, et dans quelle mesure la transformation intérieure
peut influer sur le monde extérieur. On est bien obligé de se
demander, même sans l'intention de porter un jugement négatif,
jusqu'à quel point une théorie peut être scientifique lorsqu'elle
comporte des affirmations comme celle-ci: « La guerre est impensable dans
une société d'individus indépendants qui ont découvert
que l'humanité tout entière est interdépendante, qui n'ont
pas peur des idées et des cultures différentes, et qui savent
que toutes les révolutions commencent en soi-même et qu'on ne peut
pas imposer aux autres sa propre marque d'illumination ».42 Il n'est pas
logique de soutenir que parce qu'une chose est impensable, elle ne peut pas
se produire. Un tel raisonnement est proprement gnostique, en ce sens qu'il
donne trop d'importance à la connaissance et à la conscience.
Il ne s'agit pas ici de contester le rôle fondamental et déterminant
du développement de la conscience dans les découvertes scientifiques,
mais seulement de mettre en garde contre la tendance à projeter sur la
réalité externe ce qui n'est encore que du domaine de la pensée.
2.4. «Hôtes de l'histoire ou du mythe»43?: Nouvel Âge
et culture
« Au fond, l'attrait pour le Nouvel Âge est lié à
la fascination pour le moi, sa valeur, ses capacités et ses problèmes,
une fascination encouragée par la culture ambiante. Car si la religiosité
traditionnelle, avec son organisation hiérarchique, favorise la communauté,
la spiritualité détachée de la tradition favorise l'individualité.
Le Nouvel Âge est 'du' moi, par le fait qu'il encourage la célébration
de ce qui doit être et advenir; et 'pour' le moi, parce qu'en prenant
ses distances par rapport à la culture ambiante, il est bien placé
pour traiter les problèmes d'identité liés aux modes de
vie conventionnels ».44
Le rejet de la tradition sous la forme des organisations patriarcales, hiérarchiques,
sociales ou ecclésiales, débouche sur la recherche d'une autre
forme de société, qui s'inspire clairement de la conception moderne
du moi. Beaucoup de textes Nouvel Âge soutiennent qu'on ne peut rien faire
(directement) pour changer le monde, mais qu'on peut tout faire pour se changer
soi-même. Changer la conscience individuelle est considéré
comme une façon (indirecte) de changer le monde. Le principal outil du
changement social est l'exemple personnel. La reconnaissance de l'exemple personnel
au niveau mondial aboutira rapidement à une transformation de l'âme
collective qui sera la caractéristique majeure de notre temps. Cela fait
évidemment partie du paradigme holistique, mais c'est aussi une façon
de réaffirmer la question philosophique classique de l'un et du multiple.
On y décèle en outre l'influence de la théorie des correspondances
telle qu'elle a été exposée par Jung, et de son rejet de
la causalité. Les individus sont des représentations fragmentaires
de l'hologramme planétaire. En regardant à l'intérieur
de soi, non seulement on connaît l'univers, mais on le change. Mais plus
on regarde en soi-même, plus les enjeux politiques tendent à s'estomper.
Est-ce réellement conciliable avec la rhétorique de participation
démocratique à un nouvel ordre planétaire, ou est-ce une
façon déguisée et inconsciente de priver les individus
de leurs droits, au risque de les laisser sans défense face aux manipulations?
Le souci actuel pour les problèmes planétaires (protection de
l'environnement, épuisement des ressources naturelles, surpeuplement,
fossé économique entre Nord et Sud, gigantesque arsenal nucléaire
et instabilité politique) favorise-t-il l'engagement en faveur des autres
questions politiques et sociales, qui sont tout aussi réelles, ou l'entrave-t-il?
Le vieil adage selon lequel « charité bien ordonnée commence
par soi-même » peut constituer un juste contrepoids à une
approche trop égocentrique à ces questions. Certains observateurs
du Nouvel Âge voient un risque d'autoritarisme derrière l'apparente
indifférence pour la politique. David Spangler lui-même met en
garde contre ce danger du Nouvel Âge qu'est « l'abandon insidieux
à l'inaction et à l'irresponsabilité dans l'attente de
la venue du Nouvel Âge, au lieu d'être les créateurs actifs
d'une vie vécue pleinement ».45
Sans aller jusqu'à dire que le quiétisme est omniprésent
dans les attitudes Nouvel Âge, on peut cependant craindre que la recherche
privée de réalisation de soi propre au mouvement du Nouvel Âge
n'aille à l'encontre d'une culture religieuse authentique. À ce
propos, trois points doivent être mis en évidence:
– On peut se demander si le Nouvel Âge fait preuve de cohérence
intellectuelle lorsqu'il présente un tableau complet de l'univers, dans
une vision du monde qui intégrerait à la fois la nature et la
réalité spirituelle. Dans cette optique, le monde occidental est
un monde divisé, basé sur le monothéisme, la transcendance,
l'altérité et la séparation. Un dualisme fondamental se
profile dans les distinctions entre réel et idéal, entre relatif
et absolu, entre fini et infini, entre humain et divin, entre sacré et
profane, entre passé et présent, qui renvoient toutes à
la « conscience inquiète » de Hegel et sont vues comme une
tragédie. Le Nouvel Âge leur oppose l'unité par la fusion,
qui permet de réconcilier l'âme et le corps, le féminin
et le masculin, l'esprit et la matière, l'humain et le divin, la terre
et l'univers, le transcendant et l'immanent, la religion et la science, les
différences entre les religions, le yin et le yang. Dans ce cas, il n'y
a plus d'altérité. Ce qui reste, en termes humains, est le transpersonnel.
Le monde du Nouvel Âge est un monde sans problème, où il
n'y a plus rien à réaliser. Mais la question métaphysique
de l'un et du multiple n'est ni résolue, ni même peut-être
posée, puisqu'à part ses profonds regrets devant les effets de
la désunion et de la division, sa seule réponse est une description
de la façon dont les choses apparaîtraient dans une autre vision.
– Le Nouvel Âge emprunte ici et là certains éléments
des pratiques religieuses orientales et les réinterprète pour
les adapter aux Occidentaux. Cela se traduit par un rejet des notions de péché
et de salut, remplacées par celles moralement neutres de dépendance
et de libération. Ces références aux influences asiatiques
ne sont souvent qu'une simple « pseudo-orientalisation » de la culture
occidentale. En outre, il ne s'agit presque jamais d'un dialogue véritable.
Dans un contexte où les influences gréco-romaines et judéo-chrétiennes
sont suspectes, les influences orientales représentent une alternative
à la culture occidentale. La science et la médecine officielle
sont jugées inférieures aux approches holistiques, de même
que les structures patriarcales et particulières dans le domaine politique
et religieux, considérées comme des obstacles à l'avènement
de l'ère du Verseau. Encore une fois, il apparaît clairement que
le choix des alternatives Nouvel Âge implique une rupture totale avec
la tradition d'appartenance. Est-ce vraiment une attitude aussi mure et libérée
qu'on ne le croit?
– Les traditions religieuses authentiques encouragent la discipline dans
le but d'atteindre la sagesse, l'équanimité et la compassion.
Le Nouvel Âge se fait l'écho de l'aspiration profonde et indéracinable
de la société à une culture religieuse intégrale
et à un idéal plus cohérent et plus éclairé
que ce qu'offrent généralement les hommes politiques, mais on
ne voit pas bien en quoi une vision fondée sur l'expansion continue du
moi peut profiter aux individus ou à la société. Les cours
de formation Nouvel Âge (tels le « Erhard Seminar Trainings »
[EST], etc.) allient les valeurs de la contre-culture au désir de réussir
propre à la culture ambiante, la satisfaction intérieure au succès
extérieur. Les séminaires « Spirit of Business » de
Findhorn visent à transformer l'expérience du travail, tout en
augmentant la productivité. Certains adeptes du Nouvel Âge s'emploient
non seulement à devenir plus authentiques et spontanés, mais aussi
plus riches (à l'aide de la magie, etc.). « Ce qui rend les choses
encore plus attrayantes pour les hommes d'affaires soucieux de la compétitivité
de leur entreprise, c'est que les formations Nouvel Âge semblent promouvoir
des idées plus humanistes dans le monde des affaires. Le lieu de travail
y est présenté comme un 'milieu d'apprentissage', où il
faut 'insuffler la vie dans le travail' et 'humaniser le travail'. Il y est
question de 'réalisation du manager', de 'priorité aux personnes'
ou de 'débloquer le potentiel'. Présentées par des formateurs
Nouvel Âge, ces idées sont faites pour séduire les hommes
et les femmes d'affaires qui ont déjà suivi des formations plus
terre-à-terre et qui souhaitent approfondir le sujet, avec le double
objectif de contribuer à leur réussite personnelle, à leur
bien-être et à leur joie de vivre, et d'accroître la productivité
commerciale ».46 S'il est évident que les personnes qui suivent
ces formations cherchent réellement la sagesse et l'équilibre
intérieur pour leur propre bénéfice, on peut par contre
se demander si les activités dans lesquelles elles sont engagées
contribuent au bien commun. Au-delà des motivations avancées,
tous ces phénomènes doivent être jugés en fonction
de leurs résultats, et toute la question est de savoir s'ils promeuvent
le moi ou la solidarité, et cela non seulement avec les baleines, les
arbres ou ceux qui partagent les mêmes idées, mais avec toute la
création, et donc aussi avec l'humanité tout entière. Car
comme le dit le cardinal Joseph Ratzinger, le risque le plus insidieux de toute
philosophie de l'égoïsme, lorsqu'elle est adoptée par les
institutions ou par un grand nombre de personnes, est qu'elle se traduise par
un ensemble de « stratégies destinées à réduire
le nombre de ceux qui mangeront à la table de l'humanité ».47
Tel est le critère fondamental pour mesurer l'impact de toute philosophie
ou théorie. Le christianisme cherche toujours à évaluer
les tentatives humaines d'après leur ouverture au Créateur et
à toutes les autres créatures, avec un respect fermement ancré
dans l'amour.
2.5. Pourquoi le Nouvel Âge s'est-il répandu si vite et si facilement?
Au-delà des questions et des critiques qu'il peut susciter, le Nouvel
Âge est une tentative pour apporter un peu de chaleur dans un monde dur
et impitoyable. En réaction contre la modernité, il agit avant
tout au niveau des sentiments, des instincts et des émotions. L'anxiété
face à un futur apocalyptique fait d'instabilité économique,
d'incertitude politique et de changements climatiques joue un rôle important
en poussant les individus à établir un rapport différent,
résolument optimiste, avec le cosmos. Il y a là une recherche
de plénitude et de bonheur, souvent à un niveau expressément
spirituel. Ce n'est pas un hasard si le Nouvel Âge a eu un tel succès
à une époque marquée par l'exaltation quasi universelle
de la diversité. La culture occidentale est allée trop loin dans
la tolérance, au sens d'une acceptation passive ou résignée
des idiosyncrasies des individus ou des groupes minoritaires, ce qui a entraîné
une érosion du respect pour la normalité, considérée
comme un concept chargé d'une valence morale et nécessairement
lié à des normes absolues. Pour un nombre croissant de personnes,
les croyances et les normes absolues trahissent l'incapacité d'accepter
le point de vue et les convictions d'autrui. Dans une telle atmosphère,
les styles de vie et les systèmes alternatifs ont connu un véritable
boom: il est désormais non seulement admis, mais recommandé d'être
différent.48
Il faut toujours bien garder à l'esprit que les individus adhèrent
au Nouvel Âge de différentes manières et à différents
niveaux. Dans la plupart des cas, il n'y pas une véritable « appartenance
» à un groupe ou à un mouvement, ni un intérêt
particulier pour les principes qui se trouvent à la base du Nouvel Âge.
Bien souvent, ils sont attirés par les thérapies ou par certaines
pratiques sans se poser de questions sur leurs fondements, ou sont de simples
consommateurs occasionnels de produits portant l'étiquette « Nouvel
Âge ». Ceux qui ont recours à l'aromathérapie ou qui
écoutent de la musique Nouvel Âge, par exemple, s'intéressent
surtout aux effets que cela peut avoir sur leur santé ou leur bien-être.
Seule une minorité d'entre eux tentent d'approfondir la question et d'en
saisir les implications théoriques (ou « mystiques »). Cela
s'accorde d'ailleurs parfaitement avec les modèles de consommation propres
aux sociétés où le divertissement et les loisirs ont une
telle importance. Le « mouvement » s'est parfaitement adapté
aux règles du marché, et sa diffusion est due en partie grâce
à ses propositions si intéressantes du point de vue économique.
Dans certaines cultures, le Nouvel Âge est même considéré
comme un produit conçu en appliquant les principes du marketing à
un phénomène religieux.49 Il y aura toujours moyen de tirer profit
des besoins spirituels des gens. Comme beaucoup d'éléments de
l'économie contemporaine, le Nouvel Âge est un phénomène
global entretenu et alimenté par les informations des moyens de communication
sociale. On peut discuter sur le point de savoir si cette communauté
globale a été créée par les moyens de communication,
mais ce qui est certain, c'est que les publications destinées au grand
public et les communications de masse ont assuré une diffusion rapide
et quasiment universelle des notions communes promues par les adeptes et les
sympathisants du Nouvel Âge. Cependant, on ne peut affirmer avec certitude
ni que cette diffusion rapide des idées est fortuite, ni qu'elle est
délibérée, car nous avons affaire à une forme de
« communauté » très peu structurée. Comme les
cybercommunautés créées par l'Internet, c'est un domaine
où les rapports individuels sont soit très impersonnels, soit
interpersonnels, mais dans un sens très sélectif.
Le Nouvel Âge est devenu extrêmement populaire comme ensemble fluide
de croyances, thérapies et pratiques souvent choisies et combinées
à volonté, sans souci des incompatibilités ou incohérences
que cela peut entraîner. Cela n'a d'ailleurs pas de quoi surprendre, s'agissant
d'une vision du monde qui privilégie délibérément
la pensée intuitive de l'hémisphère droit du cerveau. C'est
pourquoi il est très important de bien cerner les principales caractéristiques
des idées Nouvel Âge. Ce qu'il propose est souvent défini
comme étant simplement « spirituel » plutôt que comme
appartenant à une religion déterminée, mais en réalité
les liens avec les religions orientales sont beaucoup plus étroits que
ne l'imaginent la plupart de ses « consommateurs ». C'est certainement
un point important à considérer dans le choix des groupes «
de prière », mais c'est aussi un problème sérieux
dans la gestion d'un nombre croissant d'entreprises dont les employés
sont invités à pratiquer la méditation et à adopter
des techniques d'élargissement de la conscience dans le cadre de leur
activité professionnelle.50
Pour finir, il convient de traiter brièvement la question très
complexe de la promotion concertée du Nouvel Âge comme idéologie.
Certains groupes ont réagi au Nouvel Âge en lançant des
accusations de conspiration, mais on leur a répondu qu'il s'agit plutôt
d'un changement culturel spontané dont le cours est en grande partie
déterminé par des influences échappant à tout contrôle
humain. Il suffit de souligner que le Nouvel Âge partage avec un certain
nombre de groupes influents au plan international l'objectif de supplanter ou
de dépasser les religions particulières pour faire place à
une religion universelle capable d'unifier l'humanité. Dans cette même
perspective, il faut signaler l'effort très concerté, de la part
de certaines institutions, pour formuler une éthique globale, un cadre
éthique qui reflèterait la nature globale de la culture, de l'économie
et de la politique contemporaines. Par ailleurs, la politisation des questions
écologiques donne incontestablement une coloration particulière
à l'hypothèse Gaia, ou culte de la Terre Mère.
3. NOUVEL ÂGE ET SPIRITUALITÉ CHRÉTIENNE
3.1. Le Nouvel Âge comme spiritualité
Le Nouvel Âge est souvent défini par ses promoteurs comme une «
nouvelle spiritualité ». L'emploi du terme « nouveau »
ici pourrait sembler paradoxal, sachant que tant d'idées Nouvel Âge
sont empruntées aux religions et aux cultures antiques. Ce qu'il y a
de vraiment nouveau dans le Nouvel Âge, c'est la recherche consciente
d'une alternative à la culture occidentale et à ses racines religieuses
judéo-chrétiennes. La « spiritualité » indique
ici cette expérience intérieure d'harmonie et d'unité avec
l'ensemble de la réalité qui éloigne le sentiment de l'imperfection
et de la finitude humaine. L'individu se découvre un lien profond avec
la force ou énergie sacrée universelle présente au cœur
de toute vie. Ayant fait cette découverte, il peut entreprendre un chemin
de perfection qui lui permettra de décider de sa vie personnelle et de
son rapport au monde, et d'occuper sa place dans le processus universel du devenir
et dans la Nouvelle Genèse d'un monde en perpétuelle évolution.
Il en résulte un mysticisme cosmique,51 découlant de la prise
de conscience d'un univers bourgeonnant d'énergies dynamiques. Ainsi
l'énergie cosmique, la vibration, la lumière, Dieu, l'amour, et
même le moi supérieur, tout peut être ramené à
une seule et même réalité, la source primordiale présente
dans chaque être.
Cette spiritualité consiste en deux éléments distincts,
l'un métaphysique et l'autre psychologique. La composante métaphysique,
qui vient des racines ésotériques et théosophiques du Nouvel
Âge, est en réalité une nouvelle forme de gnose. L'accès
au divin passe par la connaissance des mystères cachés, au moyen
d'une recherche individuelle « du réel derrière ce qui n'est
que simple apparence, de l'origine au-delà du temps, du transcendant
derrière ce qui paraît passager, de la tradition originaire derrière
la tradition éphémère, de l'autre derrière le moi,
de la divinité cosmique au-delà de l'individu incarné ».
La spiritualité ésotérique « est une recherche de
l'Être derrière la séparation des êtres, une sorte
de nostalgie de l'unité perdue ».52
« On reconnaît ici la matrice gnostique de la spiritualité
ésotérique, qui apparaît de façon évidente
quand les enfants du Verseau cherchent l'unité transcendante des religions.
Des religions historiques, ils ont tendance à ne prendre que leur noyau
ésotérique, dont ils se proclament les gardiens. D'une certaine
façon, ils nient l'histoire et n'admettent pas que la spiritualité
puisse prendre racine dans le temps ou dans une institution quelconque. Jésus
de Nazareth n'est pas Dieu, mais l'une des nombreuses manifestations historiques
du Christ universel et cosmique ».53
La composante psychologique de ce type de spiritualité naît de
la rencontre entre culture ésotérique et psychologie (cf. 2.32).
Le Nouvel Âge devient alors une expérience de transformation psycho-spirituelle
individuelle, considérée comme analogue à l'expérience
religieuse. Pour certaines personnes, cette transformation prend la forme d'une
expérience mystique intense à la suite d'une crise personnelle
ou au terme d'une longue recherche spirituelle. Pour d'autres, elle découle
de la pratique de la méditation, d'une thérapie, ou encore d'expériences
paranormales qui, en altérant l'état de conscience, permettent
d'avoir un aperçu de l'unité de la réalité.54
3.2. Un narcissisme spirituel?
Divers auteurs considèrent la spiritualité Nouvel Âge comme
une forme de narcissisme spirituel ou de pseudo-mysticisme. Il est intéressant
de noter que cette critique a même été formulée par
David Spangler, un membre reconnu du Nouvel Âge qui, dans ses derniers
ouvrages, a pris ses distances vis-à-vis des aspects les plus ésotériques
de ce courant de pensée.
Il dit notamment que, dans les formes les plus courantes du Nouvel Âge,
« les individus et les groupes se livrent à leurs rêves d'aventures
et de pouvoir, généralement sous une forme occulte ou millénariste...
Ils se distinguent par leur attachement à un monde intérieur centré
sur la réalisation de soi, qui se traduit (quoique d'une façon
souvent insidieuse) par un retrait du monde. À ce niveau, le Nouvel Âge
est peuplé d'êtres étranges et exotiques, maîtres,
adeptes, extraterrestres. C'est un lieu de pouvoirs psychiques et de mystères
occultes, de conspirations et d'enseignements cachés ».55
Dans un ouvrage postérieur, David Spangler énumère ce qu'il
considère comme les aspects négatifs ou « ombres »
du Nouvel Âge: « aliénation du passé au nom de l'avenir;
attachement à la nouveauté pour elle-même...; manque de
discrimination et de discernement au nom de l'intégrité et de
la communion, d'où l'incapacité de comprendre et de respecter
le rôle des limites...; confusion entre phénomènes psychiques
et sagesse, entre channeling et spiritualité, entre perspective Nouvel
Âge et vérités dernières ».56 Pourtant, Spangler
est convaincu que cet égoïste et ce narcissisme irrationnel ne concernent
qu'un petit nombre d'adhérents. Les aspects positifs qu'il met en lumière
sont la fonction du Nouvel Âge comme image du changement et incarnation
du sacré, et le fait que la plupart des membres sont « de très
sérieux chercheurs de la vérité » au service de la
vie et de l'évolution spirituelle.
L'aspect commercial de beaucoup de produits et de thérapies portant l'étiquette
New-Agers est mis en évidence par David Toolan, un jésuite américain
qui a fréquenté pendant plusieurs années les milieux Nouvel
Âge. Il observe que les Nouvel Âgers ont découvert la vie
intérieure, qu'ils sont fascinés par la perspective d'être
responsables du monde, mais que par ailleurs ils tombent facilement dans l'individualisme
et tendent à tout voir comme un objet de consommation. De ce point de
vue, si la spiritualité Nouvel Âge n'est pas chrétienne,
elle n'est pas non plus bouddhiste, dans la mesure où elle ne prône
pas le renoncement. Le rêve d'union mystique semble aboutir, dans les
faits, à une union purement virtuelle qui finit par laisser les individus
encore plus insatisfaits et plus seuls.
3.3. Le Christ cosmique
Aux premiers temps du christianisme, les croyants en Jésus- Christ furent
contraints d'affronter les religions gnostiques. Loin de les ignorer, ils relevèrent
le défi en appliquant à Jésus-Christ les termes employés
pour s'adresser aux divinités cosmiques. Le meilleur exemple en est le
fameux hymne au Christ de l'Épître de saint Paul aux Colossiens:
“Il est l'image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature,
car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses,
dans les cieux et sur la terre,
les visibles et les invisibles,
Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances
tout a été créé par lui et pour lui
Il est avant toute chose et toute chose subsiste en lui.
Et il est aussi la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Église:
Il est le Principe, Premier-Né d'entre les morts,
il fallait qu'il obtint en tout la primauté
car Dieu s'est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude
et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui,
aussi bien sur la terre que dans les cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix” (Col 1, 15-20).
Ces premiers chrétiens n'attendaient pas une nouvelle ère cosmique.
Par cet hymne, ils célébraient l'accomplissement de toute chose
qui avait commencé en Jésus-Christ. « En réalité,
le temps s'est accompli par le fait même que Dieu, par l'Incarnation,
s'est introduit dans l'histoire de l'homme. L'éternité est entrée
dans le temps; peut-il y avoir un 'accomplissement' plus grand que celui-là?
Peut-il même y avoir un autre 'accomplissement' »? 57 La croyance
gnostique dans les forces cosmiques et dans un destin plutôt nébuleux
nie la possibilité d'un rapport avec le Dieu personnel révélé
en Jésus-Christ. Pour les chrétiens, le vrai Christ cosmique est
celui qui est activement présent dans les divers membres de son corps
qu'est l'Église. Ils ne s'adressent pas à des forces cosmiques
impersonnelles, mais à la sollicitude aimante d'un Dieu personnel. Pour
eux, le biocentrisme doit être transposé dans une série
de rapports sociaux (dans l'Église). Et loin d'être prisonniers
d'un modèle cyclique d'événements cosmiques, ils se concentrent
sur le Jésus historique et en particulier sur sa crucifixion et sa résurrection.
Nous trouvons dans la lettre aux Colossiens et dans le Nouveau Testament une
doctrine différente de celle implicitement présente dans la pensée
Nouvel Âge: la conception chrétienne de Dieu est celle d'une Trinité
de Personnes qui a créé la race humaine avec le désir de
partager la communion de vie trinitaire avec des créatures humaines.
Bien compris, cela signifie qu'une véritable spiritualité n'est
pas notre quête de Dieu mais Dieu qui nous recherche.
Dans les cercles Nouvel Âge circule aussi une conception bien différente
de la signification cosmique du Christ. « Le Christ cosmique est le modèle
divin qui trouve unité dans la personne de Jésus-Christ (mais
ne se limite pas à cette personne). Le modèle divin d'unité
s'est fait chair et il a campé parmi nous (Jn 1, 14)... Le Christ cosmique...
libère de l'asservissement et du pessimisme de l'univers mécaniciste
newtonien, un univers de compétition, de gagnants et de perdants, de
dualisme, d'anthropocentrisme, ainsi que de l'ennui de voir notre univers merveilleux
réduit à une machine sans mystère ni mysticisme. Le Christ
cosmique est local et historique, il est même intimement associé
à l'histoire humaine. Le Christ cosmique pourrait vivre près de
nous, ou même dans notre moi le plus profond et le plus authentique ».58
Bien que cette affirmation ne soit pas partagée par tous ceux qui gravitent
autour du Nouvel Âge, elle en fait pourtant une description très
juste et met bien en valeur les différences entre les deux conceptions
du Christ. Pour le Nouvel Âge, le Christ cosmique est un modèle
qui peut se répéter dans beaucoup de personnes, de lieux et de
temps. Il y a là un énorme changement de paradigme, puisqu'en
définitive le Christ n'est plus qu'un potentiel à l'intérieur
de nous-mêmes.
Pour la foi chrétienne, Jésus-Christ n'est pas un modèle,
mais une personne divine dont la figure, humaine et divine, révèle
le mystère de l'amour du Père pour chaque personne au long de
notre histoire (Jn 3, 16); il vit en nous parce qu'il partage sa vie avec nous,
mais cela n'est ni imposé, ni automatique. Tous les hommes sont invités
à participer à sa vie, à vivre « dans le Christ Jésus
».
3.4. Mystique chrétienne et mystique Nouvel Âge
Pour les chrétiens, la vie spirituelle s'inscrit dans un rapport chaque
jour plus profond avec Dieu qui éclaire en même temps notre rapport
avec le prochain, hommes et femmes, et avec l'univers. La spiritualité,
dans l'optique du Nouvel Âge, consiste à expérimenter des
états de conscience dominés par un sentiment d'harmonie et de
fusion avec le Tout. Ici, le terme « mystique » ne se réfère
pas à la rencontre d'un Dieu transcendant dans la plénitude de
l'amour, mais à l'expérience, provoquée par le retour sur
soi, une sensation grisante de s'abandonner, de ne faire plus qu'un avec l'univers,
de s'immerger dans le grand océan de l'Être.59
Cette distinction fondamentale est évidente à tous les niveaux
de comparaison entre mysticisme chrétien et mysticisme Nouvel Âge.
Pour ce dernier, la voie de la purification consiste dans la prise de conscience
d'un malaise ou aliénation, qui peut être surmonté par l'immersion
dans le Tout. Pour se convertir, il faut faire appel à des techniques
portant à l'illumination, une expérience qui transforme la conscience
des individus en les mettant en contact avec le divin, conçu comme l'essence
la plus profonde de la réalité.
Les techniques et les méthodes proposées par ce système
religieux immanentiste, qui ne conçoit pas Dieu comme une personne, procèdent
'du bas'. Bien qu'elles comportent une descente dans les profondeurs du cœur
ou de l'âme, elles n'en demeurent pas moins l'entreprise essentiellement
humaine d'un individu qui cherche à s'élever jusqu'à la
divinité par ses propres forces. Il s'agit souvent d'une « élévation
» de la conscience vers ce qui est considéré comme la découverte
libératrice du « dieu intérieur ». Tous n'ont pas
accès à ces techniques, dont les bienfaits sont réservés
à une 'aristocratie' spirituelle privilégiée.
L'élément fondamental de la foi chrétienne est au contraire
la descente de Dieu parmi les créatures, et en particulier les plus humbles,
les plus faibles et les moins doués aux yeux de ce « monde ».
Il existe des techniques spirituelles qu'il est utile d'apprendre, mais Dieu
peut les contourner ou s'en passer. La méthode chrétienne pour
s'approcher de Dieu ne fait appel à aucune technique, au sens strict.
Ce serait contraire à l'esprit d'enfance recommandé par l'Évangile.
Le coeur de la mystique chrétienne authentique n'a rien à voir
avec la technique: elle est toujours un don de Dieu, dont celui qui le reçoit
sait qu'il est indigne.60
Pour les chrétiens, la conversion est un retour au Père, par le
Fils, avec docilité à la puissance de l'Esprit Saint. Et plus
ils progressent dans leur rapport avec Dieu, qui est toujours et dans tous les
cas un don gratuit, plus ils éprouvent le besoin de se détourner
du péché, de la myopie spirituelle et de l'infatuation qui font
obstacle à l'abandon confiant à Dieu et à l'ouverture au
prochain.
Toutes les techniques de méditation doivent être épurées
de toute présomption et prétention. La prière chrétienne,
loin d'être un exercice d'auto-contemplation, de sérénité
et de vide intérieur, est un dialogue d'amour qui « nécessite
une attitude de conversion, un exode du 'moi' vers le 'Tu' de Dieu ».61
Conduits par elle à l'abandon chaque jour plus total à la volonté
de Dieu, nous sommes invités à une profonde et authentique solidarité
envers nos frères.62
3.5. Le « dieu intérieur » et la « theosis »
Il s'agit d'un point fondamental opposant le Nouvel Âge au christianisme.
Nombre d'ouvrages Nouvel Âge expriment la conviction qu'il n'y a pas d'être
divin « là dehors », ou du moins que celui- ci ne se distingue
pas vraiment du reste de la réalité. Depuis l'époque de
Jung, il y a toujours eu un mouvement professant la croyance dans « le
dieu intérieur ». Notre problème, dans l'optique du Nouvel
Âge, est que nous sommes incapables de reconnaître notre propre
divinité, une incapacité qui peut être surmontée
avec l'aide d'un guide spirituel ou au moyen d'une série de techniques
destinées à libérer notre potentiel caché (divin).
L'idée fondamentale est que 'Dieu' est présent au fin fond de
nous-mêmes. Nous sommes des dieux, et nous pouvons découvrir le
pouvoir illimité qui est en nous en éliminant une à une
les couches d'inauthenticité.63 Plus ce potentiel est reconnu, mieux
il est réalisé, et en ce sens le Nouvel Âge a une conception
bien à lui de la theosis ou divinisation, qui consiste à reconnaître
et à accepter notre nature divine. Pour certains, nous vivons «
une époque où notre compréhension de Dieu doit être
intériorisée: du Dieu Tout-Puissant et extérieur au Dieu
comme force dynamique et créative au cœur même de tout être:
Dieu comme Esprit ».64
Dans la préface du livre V de Adversus Hæreses, saint Irénée
nous parle de « Jésus-Christ qui, à cause de son surabondant
amour, est devenu ce que nous sommes afin de faire de nous ce qu'il est ».
Telle est la conception chrétienne de la theosis ou divinisation, qui
ne saurait être l'aboutissement de nos seuls efforts, mais requiert l'intervention
de la grâce de Dieu qui opère dans et à travers nous. Cela
demande nécessairement de notre part une prise de conscience initiale
de notre incomplétude et de notre péché, qui est tout l'opposé
de l'exaltation du moi. Qui plus est, cela nous ouvre la voie à la participation
à la vie trinitaire, un cas parfait de distinction au cœur de l'unité:
plus qu'une fusion, c'est une synergie. Tout cela est le fruit d'une rencontre
personnelle, l'offre d'une vie entièrement nouvelle. La vie en Jésus-Christ
n'est pas si personnelle et privée qu'elle se limite au domaine de la
conscience. Elle n'est pas non plus uniquement un nouveau niveau de conscience.
Elle est une transformation de notre corps et de notre âme par la participation
à la vie sacramentelle de l'Église.
4. NOUVEL ÂGE ET FOI CHRÉTIENNE EN CONTRASTE
Il est difficile de séparer les éléments singuliers de
la religiosité Nouvel Âge – si innocents qu'ils puissent
paraître – de la structure sous-jacente à toute la pensée
du mouvement et admise par tous. La nature gnostique de ce mouvement nous invite
à le considérer dans son entier. Du point de vue de la foi chrétienne,
il n'est pas possible d'isoler quelques éléments de la religiosité
Nouvel Âge, en les considérant acceptables, puis en rejeter d'autres.
Comme le mouvement Nouvel Âge donne une grande importance à la
communication avec la nature et à la connaissance cosmique d'un bien
universel – niant ainsi les contenus révélés de la
foi chrétienne – il ne peut pas être considéré
comme positif ou inoffensif. Dans un contexte culturel marqué par le
relativisme religieux, il est nécessaire de mettre en garde face à
la tentative de placer la religiosité Nouvel Âge sur le même
niveau que la foi chrétienne, faisant apparaître comme relative
la différence entre foi et croyance, ce qui est source de confusion pour
les personnes non averties. À cet égard, il est utile de se rappeler
l'exhortation de saint Paul « pour enjoindre à certains de cesser
d'enseigner des doctrines étrangères et de ne s'attacher à
des fables et à des généalogies sans fin, plus propres
à soulever de vains problèmes qu'à servir le dessein de
Dieu fondé sur la foi » (1 Tm 1, 3-4). Certaines pratiques, labellisées
à tort Nouvel Âge pour des raisons de stratégie commerciale
de meilleure vente, ne correspondent pas vraiment à sa vision du monde.
Cela ne fait qu'augmenter la confusion. Il est donc nécessaire d'identifier
soigneusement ces éléments qui appartiennent au mouvement Nouvel
Âge et qui ne peuvent être acceptés par ceux qui croient
au Christ et en l'Eglise.
Les questions suivantes peuvent être le moyen le plus simple pour évaluer
certains points fondamentaux de la pensée et de la pratique Nouvel Âge
dans une optique chrétienne. Le terme « Nouvel Âge »
se réfère à certaines idées qui circulent sur Dieu,
les hommes et le monde, aux personnes avec lesquelles les chrétiens peuvent
avoir des conversations sur la religion, au matériel publicitaire pour
les groupes de méditation, aux thérapies en tout genre, à
des affirmations sur la religion, et ainsi de suite. Il se peut que quelques-unes
de ces questions, appliquées à des personnes ou à des idées
qui ne revendiquent pas ouvertement leur appartenance au Nouvel Âge, mettent
en lumière des liens implicites ou inconscients avec toute la mouvance
Nouvel Âge.
– Dieu est-il un être avec lequel nous établissons un rapport,
une chose à utiliser ou une force à exploiter?
Le concept Nouvel Âge de Dieu est plutôt vague, tandis que le concept
chrétien est très clair. Le dieu du Nouvel Âge est une énergie
impersonnelle, ou mieux une extension particulière ou composante du cosmos.
En ce sens, dieu est la force vitale ou âme du monde. La divinité
est présente dans tout être, selon une progression allant «
du cristal le plus infime du règne minéral au Dieu galactique
dont nous ne pouvons rien dire, sinon qu'il ne s'agit pas d'un homme mais d'une
Grande Conscience ».65 Dans certains textes “classiques” du
Nouvel Âge, il apparaît clairement que les hommes peuvent se considérer
comme des dieux, même si cette caractéristique est plus développée
chez certains individus que chez d'autres. Dieu ne doit plus être cherché
à l'extérieur du monde, mais à l'intérieur du moi
profond.66 Et même quand « Dieu » est quelque chose d'extérieur
à moi, il est là pour être manipulé.
C'est bien différent de la conception chrétienne de Dieu, créateur
du ciel et de la terre et source de tous les rapports personnels. Dieu est lui-
même personnel, Père, Fils et Saint-Esprit qui a créé
l'univers en vue de partager la communion de sa vie avec des personnes créées.
« Dieu qui 'habite une lumière inaccessible' veut communiquer par
sa propre vie divine aux hommes librement créés par Lui, pour
en faire, dans son Fils unique, des fils adoptifs. En se révélant
Lui-même, Dieu veut rendre les hommes capables de Lui répondre,
de Le reconnaître et de L'aimer bien au-delà de tout ce dont ils
seraient capables d'eux-mêmes ».67 Dieu n'est pas identifié
au principe de vie conçu comme « Esprit » ou « énergie
de base » du cosmos, mais à cet amour qui est absolument différent
du monde, et pourtant présent de manière créative en toute
chose, et qui conduit les êtres humains au salut.
Jésus-Christ est-il unique, ou y a-t-il des milliers de Christs?
Jésus-Christ est souvent présenté dans la littérature
Nouvel Âge comme un sage, un initié ou un avatar parmi tant d'autres,
alors que pour la tradition chrétienne il est le Fils de Dieu. Voici
quelques points communs aux approches Nouvel Âge:
– le Jésus historique personnel et individuel est distinct du Christ
éternel, impersonnel et universel;
– Jésus n'est pas considéré comme le seul Christ;
– la mort de Jésus sur la croix est soit contestée, soit
réinterprétée pour écarter l'idée que, comme
Christ, il ait pu souffrir;
– les textes apocryphes (comme les évangiles néo-gnostiques)
sont considérés comme des sources authentiques permettant de connaître
certains aspects de la vie de Jésus qui n'apparaissent pas dans le canon
de l'Écriture. D'autres révélations sur Jésus, transmises
par des entités, esprits guides, maîtres ascensionnés, ou
même par les Chroniques d'Akasha, occupent une grande place dans la christologie
du Nouvel Âge ;
– une exégèse de type ésotérique est appliquée
aux textes bibliques pour purifier le christianisme de la religion officielle,
qui barre l'accès à son essence ésotérique.68
Selon la tradition chrétienne, Jésus-Christ est le Jésus
de Nazareth dont parle l'Évangile, l'enfant de Marie et le Fils unique
de Dieu, vrai homme et vrai Dieu, pleine révélation de la vérité,
unique Sauveur du monde: « Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. Il ressuscita le troisième
jour, conformément aux Écritures, et Il monta au ciel; Il est
assis à la droite du Père ».69
– L'être humain: y a-t-il un être universel, ou de nombreux
individus?
« Le but des techniques Nouvel Âge est de reproduire à volonté
les états mystiques, comme s'il s'agissait d'un matériel de laboratoire.
Renaissance, biofeedback, isolement sensoriel, respiration holotropique, hypnose,
mantras, jeûne, privation de sommeil et méditation transcendantale
sont autant de tentatives pour contrôler ces états et les vivre
en permanence ».70 Toutes ces pratiques créent a un climat de faiblesse
psychique (et de vulnérabilité), et quand l'exercice consiste
à se réinventer, se pose la question de savoir qui « je
» suis. Les notions de « Dieu intérieur » et d'union
holistique avec tout le cosmos ne font que mettre cette question encore plus
en évidence. Les personnalités individuelles isolées sont
pathologiques pour le Nouvel Âge (en particulier pour la psychologie transpersonnelle).
Mais « le vrai danger est le paradigme holistique. Le Nouvel Âge
est une pensée fondée sur l'unité totalitaire, et c'est
précisément cela qui en fait un danger... ».71 De façon
plus modérée: « Nous sommes authentiques quand nous nous
'prenons en charge', quand nos choix et nos réactions naissent spontanément
de nos besoins les plus profonds, quand notre comportement et l'expression de
nos sentiments reflètent la totalité de notre personne ».72
Le Mouvement de Développement du Potentiel Humain est le meilleur exemple
de la conviction que les hommes sont divins ou contiennent en eux une étincelle
divine.
L'approche chrétienne se nourrit des enseignements de l'Écriture
sur la nature humaine: les hommes sont créés à l'image
de Dieu (Gn 1, 27) et Dieu les tient en grande considération, au grand
soulagement du Psalmiste (cf. Ps 8). L'homme est un mystère qui n'est
pleinement révélé qu'en Jésus-Christ (cf. GS 22),
il ne tient sa véritable humanité qu'à travers sa relation
avec le Christ, par un don de l'Esprit.73 Nous sommes bien loin de la caricature
d'anthropocentrisme que l'on fait du christianisme, et qui est rejetée
même par de nombreux auteurs et adeptes du Nouvel Âge.
– Nous sauvons-nous tout seuls, ou le salut est-il un don gratuit de Dieu?
Toute la question est de savoir par quoi ou par qui nous croyons être
sauvés. Sommes-nous sauvés par nos actions, comme c'est souvent
le cas dans les explications Nouvel Âge, ou sommes- nous sauvés
par l'amour de Dieu? Le Nouvel Âge, dont les maîtres mots sont auto-réalisation
et auto-rédemption, a une intelligence fondamentalement pélagienne
et optimiste de la nature humaine.74
Pour les chrétiens, le salut dépend de la participation à
la passion, à la mort et à la résurrection du Christ et
du rapport personnel et direct avec Dieu plus que d'une technique quelconque.
La condition humaine, affectée intrinsèquement par la faute originelle
et par le péché individuel, ne peut être redressée
que par l'action de Dieu: le péché est une offense faite à
Dieu, et seul Dieu peut nous réconcilier à Lui. Dans le plan salvifique
divin, les hommes sont sauvés par Jésus-Christ qui, homme et Dieu,
est l'unique médiateur de la rédemption. Dans le christianisme,
le salut n'est pas une expérience du moi, une concentration méditative
et intuitive sur soi-même, mais le pardon du péché, la libération
des profondes ambivalences qui nous habitent et l'apaisement intérieur
par le don de la communion avec un Dieu d'amour. Le chemin du salut ne passe
pas seulement par une transformation (auto) induite de la conscience, mais par
une libération du péché et de ses conséquences qui
nous invite dès lors à le combattre en nous-mêmes et dans
la société où nous vivons. Cela inclut nécessairement
la solidarité aimante envers notre prochain dans le besoin.
– Inventons-nous la vérité, ou la recevons-nous?
La vérité Nouvel Âge a trait aux bonnes vibrations, aux
correspondances cosmiques, à l'harmonie et l'extase, qui sont généralement
des expériences agréables. Il s'agit de trouver sa propre vérité
en fonction du critère « bien-être ». Les opinions
sur la religion et les questions éthiques dépendent naturellement
des sentiments et des expériences propres à chacun.
La doctrine chrétienne présente Jésus-Christ comme «
le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Ses disciples
sont appelés à ouvrir leur vie tout entière à Jésus-Christ
et à ses valeurs, autrement dit à un ensemble de conditions objectives,
qui font partie d'une réalité objective, définitivement
connaissable par tous.
– Prière et méditation: nous adressons-nous à nous-mêmes,
ou à Dieu?
Devant la tendance à confondre psychologie et spiritualité, il
convient de bien souligner qu'une grande partie des techniques de méditation
employées aujourd'hui ne constituent pas une prière. Elles sont
souvent une bonne préparation à la prière, et rien d'autre,
même si elles produisent une amélioration de l'humeur ou du bien-être
physique. Les expériences qui en découlent sont effectivement
intenses, mais rester à ce niveau équivaut à rester seul,
à ne pas être encore en présence de l'autre. L'expérience
du silence peut nous placer face au vide, au lieu d'être une contemplation
silencieuse du Bien-Aimé. Il est vrai que les techniques d'immersion
au fond de notre âme sont, en définitive, un appel à notre
capacité d'approcher le divin ou même de devenir divin. Mais si
elles ignorent le fait que Dieu est lui aussi à la recherche du cœur
humain, elles ne sont pas encore une prière chrétienne. Même
quand cette expérience est vécue comme une union avec l'Énergie
universelle, « ce 'rapport' trop facile à un Dieu dont la seule
fonction est de satisfaire tous nos besoins met en lumière l'égoïsme
qui est au cœur du Nouvel Âge ».75
Les pratiques Nouvel Âge ne sont pas une vraie prière parce qu'elles
mènent généralement à l'introspection ou fusion
avec l'énergie cosmique, à la différence de la double orientation
de la prière chrétienne qui, tout en pratiquant l'introspection,
est avant tout rencontre de Dieu. Bien plus, au lieu d'être un effort
purement humain, le mysticisme chrétien est essentiellement un dialogue
qui « implique une attitude de conversion, un exode du 'moi' vers le 'Tu'
de Dieu.76 « Même quand il est seul et prie dans le secret, le chrétien
a conscience de prier toujours en union avec le Christ, dans l'Esprit-Saint,
en union avec tous les saints, pour le bien de l'Église ».77
– Sommes-nous tentés de nier le péché, ou en acceptons-
nous l'existence?
Le Nouvel Âge n'a pas vraiment la notion du péché, mais
plutôt celle d'une connaissance imparfaite. Ce qui nous manque, c'est
l'illumination, qui peut être obtenue à l'aide des techniques psychophysiques
appropriées. À ceux qui participent aux activités Nouvel
Âge, on ne dit pas ce à quoi ils doivent croire, ce qu'ils doivent
faire ou ne pas faire, mais: « Il y a mille façons d'explorer la
réalité intérieure. Laissez-vous guider par votre intelligence
et votre intuition. Ayez confiance en vous ».78 L'autorité est
passée de Dieu au moi. Le problème le plus grave pour le Nouvel
Âge n'est pas la faute personnelle ou le péché, mais l'aliénation
par rapport au cosmos. Le remède consiste à s'immerger chaque
jour davantage dans la totalité de l'être. À en croire certaines
publications et pratiques Nouvel Âge, une vie ne suffirait pas, et la
réincarnation serait nécessaire pour permettre aux hommes de réaliser
pleinement leur potentiel.
Dans la perspective chrétienne, « La réalité du péché,
et plus particulièrement du péché des origines, ne s'éclaire
qu'à la lumière de la Révélation divine. Sans la
connaissance qu'elle nous donne de Dieu on ne peut clairement reconnaître
le péché, et on est tenté de l'expliquer uniquement comme
un défaut de croissance, comme une faiblesse psychologique, une erreur,
la conséquence nécessaire d'une structure sociale inadéquate,
etc. C'est seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur l'homme que
l'on comprend que le péché est un abus de la liberté que
Dieu donne aux personnes créées pour qu'elles puissent l'aimer
et s'aimer mutuellement.79 « Le péché est une faute contre
la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement
à l'amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à
cause d'un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature
de l'homme et porte atteinte à la solidarité humaine...80 Le péché
est une offense de Dieu ...Le péché se dresse contre l'amour de
Dieu pour nous et en détourne nos cœurs... Le péché
est ainsi “amour de soi jusqu'au mépris de Dieu” ».81
– Sommes-nous encouragés à rejeter la souffrance et la mort,
ou à l'accepter?
Certains auteurs Nouvel Âge considèrent la souffrance comme étant
auto-infligée, comme un mauvais karma, ou encore comme l'incapacité
de tirer pleinement parti de nos ressources. D'autres se concentrent sur les
méthodes destinées à procurer le succès ou la richesse
(par ex. Deepak Chopra, José Silva et al.). Dans le Nouvel Âge,
la réincarnation est souvent vue comme un passage nécessaire à
notre croissance spirituelle, une étape de notre évolution spirituelle
qui commencerait avant la naissance et se poursuivrait après la mort.
Dans notre vie présente, l'expérience de la mort des autres provoque
une crise salutaire.
Tant l'unité cosmique que la réincarnation sont inconciliables
avec la croyance chrétienne selon laquelle l'homme est un être
distinct, qui vit une seule vie dont il est pleinement responsable. Assurément,
cette conception de la personne met en jeu à la fois la responsabilité
et la liberté. Les chrétiens savent que « dans la Croix
du Christ, non seulement la Rédemption s'est accomplie par la souffrance,
mais de plus la souffrance humaine elle-même a été rachetée.
Le Christ sans qu'il ait commis aucune faute s'est chargé du «
mal total du péché ». L'expérience de ce mal a déterminé
la mesure incomparable de la souffrance du Christ, qui est devenue le prix de
la Rédemption... Le Rédempteur a souffert à la place de
l'homme et pour l'homme. Tout homme participe d'une manière ou d'une
autre à la Rédemption. Chacun est appelé, lui aussi, à
participer à la souffrance par laquelle la Rédemption s'est accomplie
».82
– L'engagement social est-il à éviter, ou doit-il être
recherché?
Si beaucoup dans le Nouvel Âge n'est qu'auto-promotion affichée,
certaines sommités de ce mouvement recommandent de ne pas juger l'ensemble
du Nouvel Âge d'après une minorité d'individus égoïstes,
irrationnels et narcissiques, et de ne pas se laisser obnubiler par certaines
pratiques étranges, qui empêchent reconnaître dans le Nouvel
Âge une recherche spirituelle et une spiritualité authentiques.83
Néanmoins, la fusion des individus dans le moi cosmique ainsi que la
relativisation ou abolition de toute différence ou opposition dans l'harmonie
cosmique sont inacceptables pour le chrétien.
Pour qu'il y ait amour authentique, il faut un autre différent (une personne).
Le vrai chrétien cherche l'unité dans la capacité et la
liberté de l'autre de dire « oui » ou « non »
au don d'amour. L'union, dans le christianisme, est communion, et l'unité
est communauté.
– Notre avenir est-il écrit dans les astres, ou contribuons- nous
à le construire?
Le Nouvel Âge qui s'annonce sera peuplé d'être parfaits,
androgynes, maîtrisant entièrement les lois cosmiques de la nature.
Dans ce scénario, le christianisme doit disparaître pour faire
place à une religion globale et à un nouvel ordre mondial.
Les chrétiens sont constamment en éveil, dans l'attente du dernier
jour, quand le Christ reviendra. Leur Nouvel Âge a commencé il
y a deux mille ans avec le Christ, qui n'est nul autre que « Jésus
de Nazareth, le Verbe de Dieu fait homme pour le salut de tous ». Son
Esprit est présent et agissant dans le cœur des hommes, dans la
« société et l'histoire, les peuples, les cultures et les
religions ». En effet, « l'Esprit du Père, que le Fils donne
sans mesure, les anime tous ».84 Nous vivons les derniers temps.
Il est évident d'autre part que la plupart des pratiques Nouvel Âge
ne semblent pas poser de questions doctrinales à ceux qui les suivent;
mais en même temps il est indéniable que ces prattiques communiquent
par elles-mêmes, voire indirectement, une mentalité qui peut influencer
la pensée et inspirer une vision très particulière de la
réalité. Il est certain que le Nouvel Âge crée sa
propre atmosphère, et qu'il est parfois difficile de séparer ce
qui est innocent de ce qui doit vraiment être contesté. En outre,
il faut être bien conscient du fait que la doctrine du Christ qui circule
dans les cercles Nouvel Âge s'inspire des enseignements théosophiques
d'Helena Blavatsky, de l'anthroposophie de Rudolf Steiner et de l'école
ésotérique d'Alice Bailey. Non seulement leurs émules continuent
de répandre leurs idées aujourd'hui, mais ils sont en train d'élaborer
avec les adeptes du Nouvel Âge une interprétation entièrement
nouvelle de la réalité, une doctrine connue de certains observateurs
sous le nom de « vérité du Nouvel Âge ».85
5. JÉSUS-CHRIST NOUS OFFRE L'EAU VIVE
L'unique fondement de l'Église est Jésus-Christ, son Seigneur.
Il est au centre de tout acte et de tout message chrétien. L'Église
se tourne constamment vers son Seigneur. Les Évangiles relatent de nombreuses
rencontres avec Jésus depuis celle des pasteurs de Bethléem jusqu'à
celle des deux larrons crucifiés avec lui, mais aussi celle des anciens
sages qui l'écoutèrent parler au Temple et celle des disciples
marchant dans l'affliction vers Emmaüs. Toutefois, un épisode qui
indique avec une clarté particulière ce qu'Il nous offre est celui
de sa rencontre avec la Samaritaine, près du puits de Jacob, rapportée
au quatrième chapitre de l'Évangile de Jean. Cette rencontre a
même été décrite comme « le paradigme de notre
engagement pour la vérité ».86 L'expérience de la
rencontre de l'étranger nous offrant l'eau vive nous indique le chemin
que les chrétiens peuvent et doivent parcourir dans le dialogue avec
tous ceux qui ne connaissent pas Jésus.
Un élément attachant du récit que nous fait Jean (Jn 4)
de cette rencontre est que cette femme met un certain temps à comprendre
ce que Jésus veut dire par l'eau « de vie » ou eau «
vive » (verset 11). Malgré cela, elle est fascinée par cet
étranger et par son message, et reste là, à l'écouter.
Après le choc initial où elle réalise tout ce que Jésus
sait d'elle (« Tu as bien fait de dire: 'je n'ai pas de mari'; car tu
as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari;
en cela tu dis vrai », versets 17 et 18 »), elle demeure cependant
disponible à recevoir sa parole: « Seigneur, je vois que tu es
un prophète » (verset 19). Le dialogue sur l'adoration de Dieu
peut alors commencer: « Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas;
nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs »
(verset 22). Touchant son coeur Jésus l'a préparée à
accueillir ce qu'Il devait annoncer sur lui-même comme Messie: «
C'est moi, celui qui te parle » (verset 26). Il l'a préparée
ainsi à ouvrir son coeur à la vraie adoration en Esprit et à
l'auto-révélation de Jésus come du Consacré de Dieu.
La femme « laissa là sa cruche, courut à la ville et dit
aux gens » tout ce qu'elle savait de cet homme (verset 28). L'effet extraordinaire
qu'avait eu sur cette femme sa rencontre avec l'étranger les intrigua
à tel point qu'eux aussi « allèrent vers lui » (verset
30). Ils reconnurent vite l'authenticité de son identité: «
Ce n'est plus sur tes dires que nous croyons; nous l'avons nous-mêmes
entendu et nous savons que c'est vraiment lui le sauveur du monde » (verset
42). Ils étaient passés d'une connaissance de Jésus par
ouï-dire à une connaissance personnelle, puis à la reconnaissance
de la signification universelle de son identité. Tout cela parce que
leur esprit et leur cœur avaient été bien disposés.
Le fait que cette rencontre se soit déroulée près d'un
puits est significatif. Jésus offre à la femme « une source...
jaillissante en vie éternelle » (verset 14). La douceur avec laquelle
Jésus traite cette femme est un modèle d'efficacité pastorale,
quand on cherche à aider les autres à être sincères
sans difficulté, dans le douloureux processus d'auto-revision. («
Il m'a dit tout ce que j'ai fait »: verset 39). Une telle approche pourrait
donner une moisson abondante chez ceux qui sont attirés par le porteur
d'eau (le Verseau) tout en étant sincèrement à la recherche
de la vérité. Il faudrait les inviter à écouter
Jésus, qui ne nous offre pas seulement l'eau qui étanche notre
soif aujourd'hui, mais aussi les profondeurs spirituelles de « l'eau vive
». Il est important de reconnaître la sincérité des
personnes qui sont à la recherche de la vérité. Il ne s'agit
pas de tromperie ou d'aveuglement. Il faut aussi être patient, comme le
savent bien tous les bons éducateurs. Une personne qui rencontre la vérité
est soudain remplie d'une nouvelle énergie, d'un sentiment entièrement
nouveau de libération, notamment des fautes et des peurs du passé,
et « celui qui s'efforce de mieux se connaître, comme la femme près
du puits, transmettra aux autres le désir de connaître cette vérité
qui les rendra, eux aussi, libres ».87
L'invitation à rencontrer Jésus-Christ, le porteur de l'eau vive,
aura plus de poids si elle vient de quelqu'un qui, à l'évidence,
a été profondément touché par sa rencontre de Jésus,
quelqu'un qui n'a pas seulement entendu parler de lui, mais qui est convaincu
« que c'est vraiment lui le sauveur du monde » (verset 42). Il ne
reste plus alors qu'à permettre aux hommes de réagir à
leur façon, à leur propre rythme, et laisser Dieu faire le reste.
6. INDICATIONS IMPORTANTES
6.1. L'accompagnement et une solide formation sont nécessaires
Le Christ ou le Verseau? Le Nouvel Âge est presque toujours lié
à des « alternatives », que ce soit une vision alternative
de la réalité ou une façon alternative d'améliorer
sa situation actuelle (magie).88 Une alternative n'offre pas deux possibilités,
mais seulement la possibilité de choisir une chose de préférence
à une autre: du point de vue religieux, le Nouvel Âge présente
une alternative à l'héritage judéo- chrétien. On
dit que l'ère du Verseau est sur le point de remplacer celle des Poissons,
à prédominance chrétienne. Les penseurs Nouvel Âge
en sont bien conscients. Certains sont persuadés que ce changement est
inéluctable, d'autres sont activement engagés à favoriser
sa venue. Ceux qui se demandent s'il est possible de croire à la fois
en Jésus-Christ et dans le Verseau doivent savoir qu'en réalité,
ils se trouvent en face d'un choix. « Nul serviteur ne peut servir deux
maîtres: ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à
l'un et méprisera l'autre » (Lc 16, 13). Il suffit que les chrétiens
pensent à la différence entre les hommes sages venus de l'Orient
et le roi Hérode pour comprendre les puissants effets que peut avoir
le choix pour ou contre le Christ. Il ne faut pas oublier que divers mouvements
qui ont nourri le Nouvel Âge sont ouvertement antichrétiens. Leur
attitude à l'égard du christianisme n'est pas neutre, mais neutralisante:
bien qu'ils se disent ouverts à tous les points de vue religieux, ils
ne considèrent pas le christianisme traditionnel comme une alternative
acceptable. En certaines occasion, il est clair qu'« il n'y a pas de place
où l'on puisse tolérer le vrai christianisme », et que les
comportements antichrétiens sont même justifiés.89 Cette
opposition, qui initialement se limitait aux cercles restreints de ceux qui
vont au-delà d'un attachement superficiel au Nouvel Âge, a commencé
récemment à se répandre à tous les niveaux de la
culture « alternative », dont l'attrait est très puissant,
notamment dans les sociétés occidentales sophistiquées.
Fusion ou confusion? Les traditions Nouvel Âge brouillent consciemment
et délibérément la véridicité des différences
et des distinctions entre Créateur et créé, entre humanité
et nature, entre religion et psychologie, entre réalité subjective
et objective, dans l'intention apparemment louable de surmonter le scandale
de la division. Cependant, pour le Nouvel Âge, il s'agit de la fusion
systématique d'éléments que la culture occidentale a toujours
nettement distingués. Ne serait-il pas juste dans ce cas de parler de
« confusion »? Ce n'est pas jouer sur les mots que d'affirmer que
le Nouvel Âge profite de la confusion. La tradition chrétienne
a toujours valorisé le rôle de la raison pour justifier la foi
et pour comprendre Dieu, le monde et la personne humaine.90 Le Nouvel Âge
est bien dans l'air du temps quand il rejette une raison accusée d'être
froide, calculatrice et inhumaine. Mais s'il est utile d'insister sur la nécessité
d'un bon équilibre entre toutes nos facultés, la mise à
l'écart d'une faculté essentielle à toute vie pleinement
humaine n'est pas justifiée. La raison à l'avantage de l'universalité:
elle est à la libre disposition de chacun, à la différence
de la mystérieuse et fascinante religiosité « mystique »,
ésotérique ou gnostique. Tout ce qui alimente la confusion conceptuelle
et le secret doit être attentivement soupesé, car cela cache parfois
plus que cela ne révèle la nature dernière de la réalité.
Cela correspond bien à la perte de confiance post-moderne dans les certitudes
absolues du passé, qui pousse les hommes à se réfugier
dans l'irrationnel. Le défi est de montrer qu'une saine collaboration
entre la foi et la raison peut améliorer la vie humaine et renforcer
le respect pour la création.
Créer sa propre réalité. La conviction très répandue
dans le Nouvel Âge que l'on crée sa propre réalité
est fascinante, mais illusoire. Elle s'exprime dans la théorie junghienne
selon laquelle l'homme est un passage entre le monde extérieur et un
monde intérieur aux dimensions infinies, où chaque homme est comme
Abraxas qui crée son propre monde et le détruit. L'étoile
qui brille dans ce monde inté- rieur infini est Dieu, le but de l'homme.
La conséquence la plus grave et la plus problématique de l'acceptation
de l'idée que les hommes créent leur propre réalité
est le problème de la souffrance et de la mort: les personnes qui ont
un grave handicap ou une maladie incurable se sentent trompées et rabaissées
quand on leur dit qu'elles sont la cause de leurs malheurs, ou que leur incapacité
à changer les choses est due à une mauvaise façon d'affronter
la vie. C'est un point qui est loin d'être purement académique,
et qui a de fortes répercussions sur l'approche pastorale de l'Église
aux difficiles problèmes existentiels qui concernent tous les hommes.
Nos limites font partie de la vie, elles sont inhérentes à notre
condition de créatures. La mort et le deuil représentent un défi
et une opportunité, et la tentation de trouver refuge dans une adaptation
à l'occidentale de la notion de réincarnation est un signe évident
de la peur mourir et du désir de vivre éternellement. Profitons-nous
suffisamment des occasions qui nous sont offertes pour rappeler ce que Dieu
nous a promis dans la résurrection de Jésus-Christ? Jusqu'à
quel point la foi dans la résurrection des corps, proclamée par
les chrétiens chaque dimanche dans le Credo, est-elle authentique? L'idée
Nouvel Âge que nous sommes, nous aussi, d'une certaine façon, des
dieux, peut prêter à discussion. Tout dépend évidemment
de la définition que l'on donne de la réalité. Il convient
d'encourager une saine approche à l'épistémologie et à
la psychologie à tous les niveaux de l'éducation, de la formation
et de la prédication catholiques. Il est important de se concentrer constamment
sur les façons les plus efficaces de parler de la transcendance. La difficulté
fondamentale de toute la pensée Nouvel Âge réside dans le
fait que cette transcendance est vue strictement comme une auto- transcendance
qui doit être obtenue dans le cadre d'un univers se suffisant à
lui-même.
Références pastorales. Au chapitre 8, on trouvera une liste des
principaux documents de l'Église catholique présentant une évaluation
des idées du Nouvel Âge. En première place, on y trouve
le discours du Pape Jean-Paul II cité dans l'avant-propos. Le Pape distingue
dans cette tendance culturelle des aspects positifs, tels que « la recherche
d'un nouveau sens de la vie, une nouvelle sensibilité pour l'environnement
et le désir de surmonter une religiosité froide et rationaliste
». Mais en même temps, il attire l'attention des fidèles
sur certains éléments ambigus, incompatibles avec la foi chrétienne:
ces mouvements « minimisent l'importance de la Révélation...,
tendent à relativiser la doctrine religieuse au profit d'une vision vague
du monde..., proposent souvent un concept panthéiste de Dieu..., remplacent
la responsabilité de nos actes devant Dieu par le sens du devoir à
l'égard de l'univers, inversant ainsi le véritable concept du
péché et le besoin de rédemption par le Christ ».91
6.2. Initiatives pratiques
Tout d'abord, il convient de rappeler encore une fois que, dans la grande mouvance
du Nouvel Âge, tout n'est pas lié de la même façon
aux théories du mouvement. En outre, cette étiquette est souvent
employée à mauvais escient ou appliquée à des phénomènes
qui pourraient être définis autrement. Il est même arrivé
que le terme Nouvel Âge soit utilisé à tort pour diaboliser
des personnes ou des pratiques. Il est donc essentiel de distinguer parmi les
phénomènes liés à ce mouvement, même de façon
vague, ceux qui sont en accord avec une vision chrétienne de Dieu, de
la personne humaine et du monde, et ceux qui s'y opposent. L'usage du terme
Nouvel Âge ne signifie pas grand chose en soi. Ce qui compte, c'est le
rapport que peut avoir la personne, le groupe, la pratique ou le produit avec
les dogmes du christianisme.
– L'Église catholique possède des réseaux efficaces,
qui pourraient être mieux utilisés. Il existe par exemple de nombreux
centres pastoraux, culturels et de spiritualité. Comme forums de discussion
et d'étude, outre qu'ils répondent aux besoins de l'Église,
ils pourraient aborder la question confuse du Nouvel Âge de diverses manières
créatives. Il est regrettable de constater qu'il existe trop souvent
des centres catholiques d'enseignement activement engagés dans la diffusion
de la religiosité Nouvel Âge dans l'Église. Il faudra bien
sûr corriger cela, non seulement pour mettre fin à la propagation
de la confusion et de l'erreur, mais surtout pour promouvoir une vraie spiritualité
chrétienne. Les centres culturels catholiques en particulier ne sont
pas seulement des institutions éducatives, mais des lieux propices à
un dialogue honnête.92 Quelques excellentes institutions spécialisées
s'occupent de toutes ces questions. Elles représentent une ressource
précieuse, qui devrait être généreusement partagée
avec les régions moins bien pourvues à cet égard.
– Beaucoup de groupes Nouvel Âge acceptent volontiers toutes les
occasions d'expliquer leur philosophie et leurs activités à d'autres.
Les rencontres avec ces groupes devraient être abordées avec vigilance,
elles devraient toujours engager des personnes qui soient aussi bien en mesure
de parler de la foi et de la spiritualité catholique que de réfléchir
de manière critique sur la pensée et la pratique Nouvel Âge.
Il est très important de vérifier les références
des individus, groupes et institutions qui déclarent offrir une guidance
et des informations sur le Nouvel Âge. Dans certains cas, ce qui commence
comme une recherche impartiale se transforme ensuite en promotion active ou
en plaidoyer en faveur des « religions alternatives ». Certaines
institutions internationales mènent des campagnes très actives
en faveur du respect de la « diversité religieuse », en réclamant
le statut religieux pour des organisations parfois douteuses. Cela s'accorde
bien avec l'idée Nouvel Âge du passage à une ère
nouvelle où le caractère limité des religions particulières
ferait place à une nouvelle religion ou spiritualité universelle.
Au contraire, un dialogue authentique respecte toujours la diversité
dès le début, sans jamais chercher à estomper les distinctions
dans l'amalgame de toutes les traditions religieuses.
– Certains groupes Nouvel Âge locaux donnent à leurs réunions
le nom de « groupes de prière ». Les personnes invitées
à adhérer à ces groupes doivent rechercher les signes d'une
spiritualité chrétienne authentique, et bien voir que n'ait lieu
aucune cérémonie d'initiation. De tels groupes tirent profit des
carences de formation spirituelle et théologique des personnes pour les
amener progressivement vers ce qui est, de fait, un culte dévié.
Il est nécessaire que les chrétiens soient formés sur l'identité
de l'objet de la 'prière' – dans l'Esprit- Saint, par Jésus-Christ,
vers le Père – afin de pouvoir juger correctement de l'intention
d'un « groupe de prière ». La prière chrétienne
et le Dieu de Jésus-Christ sont facilement reconnaissables.93 Beaucoup
sont persuadés qu'il n'y a aucun risque à 'faire un emprunt' à
la sagesse orientale, mais l'exemple de la Méditation Transcendantale
(MT) devrait pousser les chrétiens à bien réfléchir
avant de s'engager à l'aveuglette dans une autre religion (hindouisme,
dans le cas présent), malgré toutes les déclarations de
neutralité religieuse des promoteurs de la MT. Apprendre à méditer
ne pose pas de problème, mais l'objet ou le contenu de l'exercice indique
clairement s'il s'adresse au Dieu révélé par Jésus-Christ,
à une autre révélation, ou tout simplement aux profondeurs
cachées du moi.
– Il faudrait aussi accorder une juste reconnaissance aux groupes chrétiens
qui promeuvent la défense de la Terre comme création de Dieu.
La question du respect pour le créé est un point qui pourrait
être abordé dans les écoles catholiques. Mais il n'en reste
pas moins qu'une grande partie de ce que propose le mouvement écologiste
est difficilement conciliable avec les idéaux chrétiens. Si le
souci de l'environnement en général est le signe d'un sens des
responsabilités accru à l'égard de ce que Dieu nous a donné,
et peut-être même la marque nécessaire d'une gestion chrétienne
du créé, l'écologie militante fait bien souvent appel à
des principes panthéistes, et parfois même gnostiques.94
Le début du troisième millénaire présente un vrai
kairos pour l'évangélisation. Les esprits et les cœurs sont
particulièrement ouverts à une information sérieuse sur
la conception chrétienne du temps et de l'histoire du salut. La priorité
n'est pas de souligner les lacunes des autres approches, mais de revenir constamment
aux sources de notre foi pour pouvoir offrir une présentation juste et
solide du message chrétien. Nous pouvons être fiers de ce qui a
été confié à notre garde, et nous devons résister
aux pressions de la culture dominante qui voudrait nous faire enfouir ces dons
(cf. Mt 25, 24-30). Un des outils les plus utiles dont nous disposions est le
Catéchisme de l'Église Catholique. Mais il y a aussi l'immense
héritage des chemins de sainteté des vies de chrétiens
et de chrétiennes d'hier et d'aujourd'hui. Là où le riche
symbolisme chrétien et ses traditions artistiques, esthétiques
et musicales sont encore méconnus ou ont été oubliés,
il y a beaucoup à faire pour les chrétiens et tous ceux qui veulent
faire l'expérience d'une conscience accrue de la présence de Dieu.
Le dialogue entre les chrétiens et les personnes attirées par
le Nouvel Âge sera plus fécond s'il tient compte de l'attrait exercé
par tout ce qui touche aux émotions et au langage symbolique. Si notre
tâche est de connaître, aimer et servir Jésus- Christ, nous
devons commencer par avoir une bonne connaissance des Écritures. Mais
par-dessus tout, le moyen le plus sûr pour donner un sens à l'ensemble
du message chrétien est de rencontrer le Seigneur Jésus dans la
prière et les sacrements, qui sont précisément les moments
où notre vie ordinaire est sanctifiée.
– Sans doute la mesure la plus simple, la plus évidente et la plus
urgente à prendre, et qui serait probablement aussi la plus efficace,
serait de tirer meilleur parti des richesses de l'héritage spirituel
chrétien. Les grands ordres religieux ont de solides traditions de méditation
et de spiritualité qui pourraient être partagées à
l'occasion de cours ou de périodes durant lesquelles ils ouvriraient
leurs maisons à ceux dont la recherche est sincère. Cela existe
déjà, mais il faut faire davantage. Aider les hommes dans leur
recherche spirituelle en leur proposant des techniques éprouvées
et des expériences de prière authentique serait une occasion d'entamer
avec eux un dialogue qui révèlerait les richesses de la tradition
chrétienne, et clarifierait par la même occasion beaucoup de questions
touchant au Nouvel Âge.
À l'aide d'une image suggestive et utile, un des représentants
du mouvement Nouvel Âge a comparé les religions traditionnelles
à des cathédrales, et le Nouvel Âge une foire à l'échelle
mondiale. Le mouvement Nouvel Âge est compris comme une invitation faite
aux chrétiens à porter le message des cathédrales dans
la foire qui couvre maintenant le monde entier. Cette image lance aux chrétiens
un défi stimulant, car tous les moments sont bons pour porter le message
des cathédrales aux hommes de la foire. En vérité, les
chrétiens n'ont ni besoin ni n'attendent d'être invités
à partager le message de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à
ceux qui cherchent des réponses à leurs questions, des nourritures
spirituelles rassasiantes, « l'eau vive ». Reprenant l'image proposée,
il est nécessaire que les chrétiens descendent le parvis des cathédrales.
Nourris de la Parole et du sacrement, ils peuvent offrir l'Évangile à
chaque instant de leur vie quotidienne – « Allez ! La messe est
finie »! Le Saint- Père remarque, dans sa lettre Novo Millennio
Ineunte, « une exigence diffuse de spiritualité » du monde
sécularisé contemporain et la manière attrayante par laquelle
d'autres religions répondent à cette attente. Il entrevoit un
défi pour les chrétiens: « Nous qui avons la grâce
e croire au Christ, révélateur du Père et Sauveur du monde,
nous avons le devoir de montrer à quelles profondeurs peut porter la
relation avec lui » (n. 33). À tous ceux qui traversent la grande
place du marché aux propositions religieuses, l'appel du christianisme
se manifestera avant tout par le témoignage des membres de l'Église,
par leur espérance, leur calme, leur patience, leur gaieté, et
par l'amour tangible qu'ils portent à leur prochain. Ce sont là
les fruits d'une vie de foi nourrit dans la prière personnelle authentique.
7. APPENDICE
7.1. Quelques brèves formulations des idées Nouvel Âge
Formulation du Nouvel Âge par William Bloom, en 1992, citée dans
Heelas, p. 225 et ss.:
– Toute vie, toute existence, est une manifestation de l'Esprit, l'Inconnaissable,
la Conscience suprême connue sous des noms divers dans beaucoup de cultures
différentes.
– Le but et la dynamique de toute existence est de manifester pleinement
l'Amour, la Sagesse et l'Illumination...
– Toutes les religions sont l'expression de la même réalité
intérieure.
– Toute vie, telle que nous la percevons avec nos cinq sens humains ou
avec des instruments scientifiques, n'est que le voile extérieur de la
réalité causale intérieure et invisible.
– De même, les hommes sont des créatures doubles, avec: (i)
une personnalité extérieure temporaire; et (ii) un être
intérieur pluridimensionnel (âme ou moi supérieur).
– La personnalité extérieure est limitée et elle
est orientée vers l'amour.
– Le but de l'incarnation de l'être intérieur est d'amener
les vibrations de la personnalité extérieure à la résonance
d'amour.
– Toutes les âmes incarnées sont libres de choisir leur propre
voie spirituelle.
– Nos guides spirituels sont des êtres dont l'âme, libérée
de la nécessité de se réincarner, exprime l'amour inconditionnel,
la sagesse et l'illumination. Certains de ces grands êtres sont bien connus
et ont inspiré les religions du monde. D'autres sont inconnus et opèrent
de façon invisible.
– Toute vie, dans ses différentes formes et états, est énergie
interdépendante et inclut nos actes, nos sentiments et nos pensées.
C'est pourquoi nous collaborons avec l'Esprit et ces énergies à
la création de notre réalité.
– Bien qu'étant soutenus par la dynamique de l'amour cosmique,
nous sommes tous coresponsables de notre condition, de notre milieu et toute
notre vie.
– Au stade actuel, l'évolution de la planète et de l'humanité
a atteint un point où nous connaissons une profonde mutation spirituelle
de la conscience individuelle et collective. C'est pourquoi nous parlons d'un
Nouvel Âge. Cette nouvelle conscience est le résultat de l'incarnation
toujours plus réussie de ce que certains appellent les énergies
de l'amour cosmique. Cette nouvelle conscience se manifeste par une compréhension
instinctive de la sacralité et de l'interdépendance de toute existence.
– Cette nouvelle conscience et cette nouvelle compréhension de
l'interdépendance dynamique de toute vie est le signe qu'une culture
planétaire entièrement nouvelle est en train de se développer.
Heelas cite (p. 226) la « formulation complémentaire » de
Jeremy Tarcher
1. Le monde, y compris la race humaine, est l'expression d'une nature divine
supérieure et plus complète.
2. Au fond de chaque être humain, il y a un moi supérieur divin
qui est la manifestation de cette nature divine supérieure et plus complète.
3. Cette nature supérieure peut être éveillée et
devenir le centre de la vie quotidienne de l'individu.
4. Cet éveil est la raison d'être de toute vie individuelle.
David Spangler, cité dans l'Actualité des religions nº 8,
septembre 1999,
p. 43, cite les principales caractéristiques de la vision Nouvel Âge,
à savoir:
– Holistique (globalisante, car il existe une seule réalité-énergie);
– Écologique (la Terre-Gaïa est notre mère, chacun
de nous est un neurone du système nerveux central de la Terre);
– Androgyne (l'arc-en-ciel et le Yin/Yang sont deux symboles Nouvel Âge
indiquant la complémentarité des contraires, par ex: masculin
et féminin);
– Mystique (en voyant le sacré partout, même dans les choses
les plus banales);
– Planétaire (les hommes doivent être à la fois ancrés
dans leur propre culture et ouverts à l'universel, capables de promouvoir
l'amour, la compassion, la paix, et même l'établissement d'un gouvernement
mondial).
7.2. Glossaire choisi
Androgynie: à la différence de l'hermaphrodisme, qui est la présence
des caractéristiques physiques des deux sexes, l'androgynie est la conscience
de la présence dans chaque individu d'éléments masculins
et féminins. Elle est décrite comme un état d'harmonie
intérieure découlant de l'équilibre entre animus et anima.
Pour le Nouvel Âge, c'est l'état qui résulte de la prise
de conscience de ce double mode d'être et d'exister propre à tout
homme et à toute femme. Plus il se répandra, plus il contribuera
à modifier les rapports interpersonnels.
Anthroposophie: doctrine théosophique répandue à l'origine
par le Croate Rudolf Steiner (1861-1925), qui abandonna la Société
Théosophique après avoir dirigé sa branche allemande de
1902 à 1913. Cette doctrine ésotérique entend initier les
personnes à la « connaissance objective » dans la sphère
spirituelle-divine. Steiner croyait que cela l'avait aidé à découvrir
les lois de l'évolution du cosmos et de l'humanité. Chaque être
physique possède un double spirituel, et la vie terrestre est influencée
par les énergies astrales et les essences spirituelles. On dit que les
Chroniques d'Akasha sont la « mémoire cosmique », accessible
aux initiés.95
Chamanisme: pratiques et croyances liées à la communication avec
les esprits de la nature et ceux des défunts à travers la possession
ritualisée (par les esprits) du chaman, qui fait office de médium.
Ces pratiques ont séduit les cercles Nouvel Âge parce qu'elles
mettent l'accent sur l'harmonie avec les forces de la nature et sur la guérison.
Il s'y ajoute l'image romantique des religions indigènes et de leur proximité
à la Terre et à la nature.
Channeling: les médiums télépathes affirment servir de
canal, en transmettant des informations provenant d'autres êtres, le plus
souvent des entités désincarnées vivant sur un plan plus
élevé. Ces entités se composent d'êtres aussi différents
que les maîtres ascensionnés, les anges, les dieux, les groupes
d'entités, les esprits de la nature et le moi supérieur.
Christ: pour le Nouvel Âge, la figure historique de Jésus est seulement
l'incarnation d'une idée, d'une énergie ou d'un ensemble de vibrations.
Pour Alice Bailey, il faut un grand jour de supplications, au cours duquel tous
les croyants créeront une telle concentration d'énergie spirituelle
qu'il y aura une nouvelle incarnation qui révèlera aux hommes
comment ils peuvent se sauver... Pour beaucoup, Jésus n'est rien d'autre
qu'un maître spirituel qui, comme Bouddha, Moïse et Mohammed, etc.
a été habité par le Christ cosmique. Le Christ cosmique
est aussi connu comme l'énergie christique présente dans tout
être et dans tout l'être. Les individus vont être progressivement
initiés à la conscience de cet attribut christique qu'ils possèdent
tous. Pour le Nouvel Âge, le Christ représente l'état le
plus élevé de perfection du moi.96
Conscience planétaire: cette vision du monde, qui s'est développée
dans les années 1980, encourage le sentiment d'appartenance à
la communauté humaine, plutôt qu'à des nations, tribus ou
autres groupes sociaux établis. Elle s'inscrit dans le prolongement des
mouvements qui demandent un gouvernement mondial, apparus au début du
XXe siècle. La conscience de l'unité de l'humanité s'accorde
bien avec l'hypothèse Gaia.
Cristaux: on dit qu'ils vibrent à des fréquences particulières.
C'est pourquoi ils sont utilisés en vue de l'auto-transformation, ainsi
que dans diverses thérapies, dans la méditation, la visualisation,
le 'voyage astral' ou comme porte-bonheur. Vus du dehors, ils n'ont pas de pouvoir
intrinsèque, mais sont simplement beaux.
Élargissement de la conscience: si le cosmos est la chaîne ininterrompue
des êtres, les différents niveaux d'existence minéral, végétal,
animal, humain, cosmique et divin sont tous interdépendants. Les hommes
prennent conscience de la place qu'ils occupent dans cette vision holistique
de la réalité globale en élargissant leur conscience bien
au-delà de ses limites normales. Le Nouvel Âge propose une grande
variété de techniques pour atteindre un niveau supérieur
de perception de la réalité, surmonter la séparation entre
sujet et objet dans le processus cognitif, pour parvenir à une fusion
totale de ce que la conscience inférieure et normale perçoit comme
des réalités séparées et distinctes.
Ennéagramme: (du grec ennéa = neuf et gramme = signe) ce mot désigne
un diagramme formé d'un cercle dont la circonférence est marquée
de neuf points qui, reliés entre eux, forment à l'intérieur
du cercle un triangle et un hexagramme. Employé à l'origine en
divination, il est aujourd'hui connu comme symbole d'un système permettant
de classer les personnalités en neuf types de caractères standards.
Il est devenu à la mode après la publication du livre d'Helen
Palmer The Enneagram,97 qui reconnaissait sa dette à l'égard du
penseur ésotérique et guérisseur russe G.I. Gurdjieff,
du psychologue chilien Claudio Naranjo et de l'auteur Oscar Ichazo, fondateur
d'Arica. L'origine de l'ennéagramme reste entourée de mystère,
mais certains disent qu'il proviendrait du mysticisme soufi.
Ère du Verseau: chaque ère astrologique, d'une durée d'environ
2146, ans porte le nom d'un des signes zodiacaux, mais les « grands jours
» s'écoulent en sens inverse, de sorte que l'ère actuelle
des Poissons est en train de faire place à l'ère du Verseau. Chaque
ère a ses propres énergies cosmiques. Alors que l'énergie
des Poissons en a fait un temps de guerres et de conflits, celle du Verseau
sera un temps d'harmonie, de justice, de paix, d'unité, etc. De ce point
de vue, le Nouvel Âge admet l'inéluctabilité historique.
Certains soutiennent que l'ère du Bélier a été l'ère
de la religion juive, que l'ère des Poissons est celle du christianisme,
et que l'ère du Verseau sera celle de la religion universelle.
Ésotérisme: (du grec esotéros = ce qui est à l'intérieur)
indique généralement un corps ancien et caché de connaissances,
accessibles uniquement à des groupes d'initiés qui se considèrent
comme les gardiens de vérités cachées à la majeure
partie de l'humanité. Le processus d'initiation a pour but de faire passer
les individus d'une connaissance purement extérieure et superficielle
de la réalité à la vérité intérieure,
et ce faisant, d'éveiller leur conscience à un niveau plus profond.
Ils sont alors invités à entreprendre un « voyage intérieur
» pour découvrir « l'étincelle divine » en eux-mêmes.
Le salut, dans cette optique, coïncide avec la découverte du moi.
Évolution: pour le Nouvel Âge, c'est beaucoup plus que l'évolution
des êtres vivants vers des formes de vie supérieures. Le modèle
physique est rapporté aux mondes spirituels, de sorte qu'une force immanente
aux êtres humains les pousserait vers des formes supérieures de
vie spirituelle. Les hommes n'ont pas le plein contrôle de cette force,
mais leurs bonnes ou leurs mauvaises actions peuvent accélérer
ou retarder leur progression. La création tout entière, y compris
l'humanité, est dite avancer inéluctablement vers la fusion avec
le divin. La réincarnation occupe bien entendu une place importante dans
cette vision d'une évolution spirituelle progressive qui débuterait
avant la naissance et continuerait après la mort.98
Feng-shui: c'est une forme de géomancie, et plus précisément
une méthode occulte chinoise pour déceler la présence cachée
de courants positifs ou négatifs dans les édifices et autres lieux,
grâce à la connaissance des forces terrestres et atmosphériques.
« À l'instar du corps humain ou du cosmos, les sites sont des lieux
parcourus par des influx dont le juste équilibre est source de santé
et de vitalité ».99
Gnose: au sens le plus général, c'est une forme de connaissance
non-intellectuelle, visionnaire ou mystique. Il est dit qu'elle doit être
révélée et qu'elle est capable de faire accéder
l'homme au mystère divin. Dans les premiers siècles du christianisme,
les Pères de l'Église luttèrent contre le gnosticisme,
car il était en contradiction avec la foi. Certains décèlent
une renaissance des idées gnostiques dans la pensée Nouvel Âge,
et effectivement, divers auteurs de la mouvance Nouvel Âge citent le gnosticisme
antique. Toutefois, en raison de l'accent mis par le Nouvel Âge sur le
monisme et même sur le panthéisme ou le panenthéisme, beaucoup
préfèrent le qualifier de néo-gnosticisme, pour distinguer
la gnose Nouvel Âge du gnosticisme antique.
Grande Fraternité Blanche: Mme Blavatsky disait être en contact
ave les mahatmas ou maîtres, des êtres supérieurs qui forment
ensemble la Grande Fraternité Blanche. Elle affirmait qu'ils guident
l'évolution de la race humaine et dirigent le travail de la Société
théosophique.
Hermétisme: ensemble de pratiques et de spéculations philosophiques
et religieuses liées aux écrits du Corpus Hermeticum et aux textes
alexandrins attribués à un personnage mythique du nom d'Hermès
Trismégiste. Quand il se répandit pour la première fois
à la Renaissance, on crut qu'il ressortait des doctrines pré-chrétiennes,
mais des études postérieures ont montré qu'il date des
premiers siècles de l'ère chrétienne.100 L'hermétisme
alexandrin est la principale source de l'ésotérisme moderne, avec
lequel il a beaucoup de points communs: éclectisme, refus du dualisme
ontologique et affirmation du caractère positif et symbolique de l'univers,
idée de la chute suivie du rétablissement de l'humanité.
Les spéculations hermétiques ont renforcé la croyance dans
une antique tradition fondamentale, ou philosophia perennis, commune à
toutes les traditions religieuses. La haute magie et la magie cérémonielle
se sont développées à partir de l'hermétisme de
la Renaissance.
Holisme: concept-clé du « changement de paradigme », il s'agirait
d'un cadre théorique susceptible d'intégrer toute la vision du
monde de l'homme moderne. Par opposition à l'expérience de fragmentation
croissante constatée aussi bien dans la science que dans la vie de tous
les jours, la « totalité » est présentée comme
un concept méthodologique et ontologique central. L'humanité se
situe dans l'univers comme partie d'un organisme vivant unique, d'un réseau
harmonieux de rapports dynamiques. La distinction classique entre sujet et objet,
à propos de laquelle Descartes et Newton sont critiqués, est contestée
par un certain nombre de scientifiques qui jettent un pont entre science et
religion. L'humanité fait partie du réseau global (écosystème,
famille) de la nature et du monde, et doit s'harmoniser avec chaque élément
de cette autorité quasi transcendante. Quand l'homme prend conscience
de la place qu'il occupe dans la nature et dans le cosmos, lui aussi divin,
il comprend que « totalité » et « sainteté »
sont une seule et même chose. La formulation la plus claire du concept
de holisme se trouve dans « l'hypothèse Gaia ».101
Initiation: en ethnologie religieuse, c'est le voyage cognitif et/ ou expérienciel
par lequel un individu est admis, seul ou comme membre d'un groupe, à
l'aide de rituels particuliers, dans une communauté religieuse, une société
secrète (par ex: la franc-maçonnerie) ou une association mystérique
(magique, ésotérique ou occultiste, gnostique, théosophique,
etc.).
Karma: (de la racine sanscrite Kri = action, fait) notion-clé de l'hindouisme,
du jaïnisme et du bouddhisme, il a fait l'objet d'interprétations
souvent très diverse. À l'origine, à l'époque védique,
il indiquait l'acte rituel, en général un sacrifice, par lequel
une personne accédait au bonheur ou à la béatitude de l'au-delà.
Avec l'apparition du jaïnisme et du bouddhisme (vers le VIe siècle
av.-J.C.) le karma perdit sa connotation salvifique: la voie de la libération
passait par la connaissance de l'atman ou « soi ». Dans la doctrine
du samsara, le karma devient le cycle perpétuel de naissance et de mort
des hommes (hindouisme) ou de renaissance (bouddhisme).102 Dans l'optique du
Nouvel Âge, la « loi du karma » est souvent considérée
comme l'équivalent moral de l'évolution cosmique. Elle n'a donc
plus rien à voir avec le mal ou la souffrance, toutes illusions qu'il
faut accepter comme faisant partie d'un « jeu cosmique », mais est
la loi universelle de cause à effet, qui fait partie du grand mouvement
de l'univers interdépendant vers l'équilibre moral.103
Monisme: doctrine métaphysique selon laquelle les différences
entre les êtres sont illusoires. Il existe un seul être universel,
dont font partie toute chose et tout être. En affirmant que la réalité
est fondamentalement spirituelle, le monisme Nouvel Âge se présente
comme une forme contemporaine de panthéisme (il s'accompagne souvent
d'un rejet formel du matérialisme, et en particulier du marxisme). Sa
volonté d'éliminer tout dualisme ne laisse aucune place à
un Dieu transcendant, puisque tout est Dieu. Un autre problème qui se
pose pour le christianisme est la question de l'origine du mal. Pour C.G. Jung,
le mal est « le côté d'ombre » d'un Dieu qui, pour
le théisme classique, est au contraire un Dieu de toute bonté.
Mouvement de Développement du Potentiel Humain: depuis ses débuts
(à Esalen, en Californie, dans les années 1960), ce mouvement
a développé un réseau de groupes qui entendent libérer
la capacité innée de créativité de l'homme au moyen
de l'auto- réalisation. Les techniques de transformation personnelle
sont utilisées par un nombre croissant d'entreprises dans le cadre de
leurs programmes de formation au management, et ce pour des motifs d'ordre exclusivement
économique. Les Technologies Transpersonnelles, le Mouvement pour l'Éveil
Spirituel Intérieur, le Développement Organisationnel et la Transformation
Organisationnelle se présentent tous comme des mouvements non-religieux,
mais en réalité il est arrivé qu'une 'spiritualité'
venue d'ailleurs soit imposée aux employés de ces entreprises,
dans des conditions qui posent le problème de la liberté personnelle.
Les liens entre la spiritualité orientale et la psychothérapie
sont évidents, tandis que la psychologie junghienne et le Mouvement de
Développement du Potentiel Humain ont beaucoup influencé le chamanisme
et certaines formes « reconstruites » de paganisme, comme le druidisme
et le Wicca. En général, « la croissance personnelle »
peut être considérée comme la forme que prend le «
salut religieux » dans le mouvement Nouvel Âge, qui se dit capable
de libérer les hommes de leurs souffrances et de leurs faiblesses en
développant leur potentiel humain, pour qu'ils soient un contact toujours
plus étroit avec leur Dieu intérieur.104
Musique Nouvel Âge: c'est une industrie florissante. Cette musique, qui
est souvent présentée comme un moyen pour trouver l'harmonie avec
soi-même et avec le monde, est en partie « celtique » ou druidique.
Certains compositeurs Nouvel Âge soutiennent que leur musique est capable
de jeter un pont entre le conscient et l'inconscient, mais c'est probablement
le cas surtout quand, à côté des mélodies, il y a
répétition méditative et rythmique de certaines phrases-clés.
Comme d'autres phénomènes Nouvel Âge, certaines de ces musiques
sont destinées à insérer encore davantage les personnes
dans le mouvement Nouvel Âge, mais la plupart d'entre elles sont purement
commerciales ou artistiques.
Mysticisme: le mysticisme Nouvel Âge est plus une concentration sur soi-même
qu'une communion avec un Dieu « totalement autre ». C'est une fusion
avec l'univers, un anéantissement total de l'individu dans l'unité
du tout. Et puisque l'expérience du moi équivaut à l'expérience
du divin, c'est en soi qu'il faut regarder pour découvrir la sagesse,
la créativité et le pouvoir authentiques.
Néo-paganisme: un titre souvent rejeté par ceux auxquels il est
donné, et qui se réfère à un courant qui court parallèlement
au Nouvel Âge et interagit avec lui. Dans la grande vague de rejet des
religions traditionnelles, et en particulier de l'héritage judéo-chrétien
de l'Occident, beaucoup sont retournés aux anciennes religions autochtones,
traditionnelles et païennes. Tout ce qui est antérieur au christianisme
est considéré comme plus conforme à l'esprit du pays ou
de la nation, comme une forme inaltérée de religion naturelle
en contact avec les forces de la nature, souvent matriarcale, magique ou chamaniste.
L'humanité sera plus épanouie si elle revient au cycle naturel
des festivités (agricoles) et à l'affirmation de la vie en général.
Certaines religions « néo-païennes » sont des reconstructions
récentes et leur lien avec les formes originaires est douteux, surtout
lorsqu'elles sont dominées par des éléments empruntés
aux idéologies modernes tels que l'écologie, le féminisme
ou même, dans certains cas, les mythes de pureté raciale.105
Occultisme: la connaissance occulte (cachée) et les forces occultes psychiques
et naturelles sont à la base de croyances et de pratiques s'inspirant
de la « philosophie pérenne » présumée secrète,
synthèse de magie et d'alchimie de la Grèce antique d'une part,
et du mysticisme juif de l'autre. Un code de secret est imposé aux initiés
des groupes et des sociétés chargées de les conserver ces
connaissances et ces techniques, afin qu'elles restent cachées. Au XIXe
siècle, le spiritisme et la Société théosophique
introduisirent de nouvelles formes d'occultisme qui ont influencé à
leur tour certains courants du Nouvel Âge.
Panthéisme: (du grec pan = toute chose et théos = Dieu) croyance
que tout est Dieu, ou parfois aussi que tout est en Dieu, et que Dieu est dans
tout (panenthéisme). Chaque élément de l'univers est divin,
et la divinité est également présent en toute chose. Cette
vision ne laisse pas de place à Dieu comme personne distincte, tel que
le conçoit le théisme classique.
Parapsychologie: elle traite des phénomènes tels que la perception
extrasensorielle, la télépathie, la télékinésie,
le traitement psychique et la communication avec les esprits par l'intermédiaire
d'un médium ou channeling. En dépit des critiques acharnées
des scientifiques, la parapsychologie ne cesse de se renforcer et s'accorde
bien avec l'idée répandue dans certains milieux du Nouvel Âge
selon laquelle les hommes possèdent des capacités psychiques extraordinaires,
généralement à l'état latent.
Pensée positive: conviction que les individus ont la faculté de
changer la réalité physique ou les circonstances extérieures
en modifiant leur attitude mentale par des pensées positives et constructives.
Dans certains cas, il s'agit de devenir plus conscient de certaines croyances
nourries inconsciemment qui déterminent notre vie. Les adeptes de la
Pensée positive croient que leur attitude leur donnera la santé
et le bien-être, souvent la prospérité, et parfois même
l'immortalité
Penser Nouveau: mouvement religieux fondé aux États-Unis au XIXe
siècle. Il prend sa source dans l'idéalisme, dont il devint une
forme très répandue. Dieu est totalement bon, et le mal n'est
qu'une illusion. La réalité fondamentale est la pensée.
Et puisque la pensée est la cause des événements de la
vie, chacun est responsable, en définitive, de tous les aspects de sa
condition.
Psychologie du profond: école de psychologie fondée par C.G. Jung,
un ancien élève de Freud. Jung reconnaissait que la religion et
les questions spirituelles ont une grande influence sur le bien-être et
la santé des individus. Sa méthode se base principalement sur
l'interprétation des rêves et l'analyse des archétypes.
Les archétypes sont des formes appartenant à la structure héréditaire
du psychisme humain, et qui apparaissent dans les motifs récurrents ou
les images des rêves, rêveries, mythes et contes de fée.
Rebirthing: Au début des années 1970, Léonard Orr a décrit
le rebirthing comme un processus permettant à l'individu d'identifier
et d'isoler les domaines non-résolus de sa conscience qui sont à
l'origine de ses problèmes actuels.
Réincarnation: dans le Nouvel Âge, la réincarnation est
liée à la notion d'évolution ascendante vers le divin.
À l'opposé des religions indiennes ou de celles qui s'en inspirent,
le Nouvel Âge voit la réincarnation comme une progression de l'âme
individuelle vers une plus grande perfection. Ce qui se réincarne est
essentiellement la partie la plus immatérielle ou spirituelle de la personne,
et plus précisément c'est sa conscience, cette étincelle
d'énergie qui participe de l'énergie cosmique ou « christique
». La mort n'est alors que le passage de l'âme d'un corps à
un autre.
Rose-Croix: groupes occultes occidentaux qui pratiquent l'alchimie, l'astrologie,
la théosophie et l'interprétation kabbalistique des Écritures.
La Fraternité de la Rose-Croix a contribué au renouveau de l'astrologie
au XXe siècle, et l'Ancien et Mystique Ordre des Rose-Croix (AMORC) liait
le succès à une capacité présumée de matérialiser
les images mentales de santé, richesse et bonheur.
Spiritisme: Si les tentatives pour contacter les esprits des défunts
ont toujours existé, le spiritisme du XIXe est un des courants qui ont
conflué dans le Nouvel Âge. Il s'est développé dans
le sillage des idées de Swedenborg et Mesmer, au point de devenir une
nouvelle sorte de religion. Madame Blavatsky était un médium,
et le spiritisme avait une place importante dans la Société théosophique,
bien que l'accent soit mis sur le contact avec les entités d'un passé
lointain plutôt qu'avec les personnes décédées récemment.
Allan Kardec contribua beaucoup à la diffusion du spiritisme dans les
religions afro-brésiliennes. On trouve également des éléments
spirites au sein de certains Nouveaux Mouvements Religieux japonais.
Théosophie: terme ancien qui, à l'origine, désignait un
type de mysticisme. Attribué aux gnostiques et aux néoplatoniciens
grecs, à Maître Eckhart, à Nicolas de Cuse et à Jacob
Boehme, il fut repris par la Société théosophique fondée
en 1875 par Helena Petrovna Blavatsky et d'autres. Le mysticisme théosophique
tend à être moniste, puisqu'il insiste sur l'unité essentielle
des composantes spirituelle et matérielle de l'univers. Il s'intéresse
aussi aux forces cachées qui rendent possible l'interaction entre matière
et esprit, pour que l'esprit humain et l'esprit divin puissent se rencontrer
finalement. En cela, la théosophie offre la rédemption mystique
ou illumination.
Transcendantalisme: mouvement apparu au XIXe siècle en Nouvelle Angleterre,
réunissant des écrivains et des penseurs qui partageaient un ensemble
de croyances idéalistes dans l'unité essentielle de la création,
la bonté innée de la personne humaine, la supériorité
de l'intuition sur la logique et l'expérience pour découvrir les
vérités cachées. Son principal représentant fut
Ralph Waldo Emerson qui, après avoir abandonné le christianisme
orthodoxe au profit de l'unitarisme, passa à un nouveau mysticisme de
la nature qui intégrait certaines croyances hindouistes à des
tendances plus proprement américaines tels que l'individualisme, la responsabilité
personnelle et la nécessité de réussir.
Wicca: ce vieux terme anglais pour désigner les sorcières a été
donné à un renouveau néo-païen d'éléments
de magie rituelle. Il fut lancé en Angleterre en 1939 par Gerald Gardner
qui, en se basant sur des documents d'archives, soutenait que la sorcellerie
européenne du Moyen Âge était une ancienne religion de la
nature persécutée par le christianisme. Appelé aussi «
the Craft » (l'art),ce mouvement essaima rapidement aux États-Unis
dans les années 1960, où il rencontra le courant de spiritualité
féminine « Women's spirituality ».
7.3. Hauts lieux du Nouvel Âge
Esalen: communauté fondée à Big Sur, en Californie, en
1962 par Michael Murphy et Richard Price. Son but principal était d'arriver
à l'auto-réalisation au moyen du nudisme et des visions et à
l'aide des « thérapies douces ». Devenu l'un des principaux
centres du Mouvement du Potentiel Humain, elle répandit les
idées de la médicine holistique dans le monde de l'éducation,
de la politique et de l'économie au moyen de cours de religions comparées,
mythologie, mysticisme, méditation, psychothérapie, élargissement
de la conscience, et ainsi de suite. Avec Findhorn, elle est considérée
comme un des hauts lieux du développement de la conscience du Verseau.
L'Institut soviéto-américain d'Esalen coopéra avec les
fonctionnaires soviétiques à un projet de promotion de la santé.
Findhorn: cette communauté agricole holistique créée par
Peter et Eileen Caddy réussit à faire pousser des plantes énormes
avec des méthodes non-orthodoxes... « La fondation de la communauté
de Findhorn en Écosse en 1965 fut un jalon important dans le mouvement
dit Nouvel Âge. En effet, Findhorn 'incarnait ses grands idéaux
de transformation'. La recherche d'une conscience universelle, l'objectif de
l'harmonie avec la nature, la vision d'un monde transformé et la pratique
du channeling, qui deviendront les signes distinctifs du mouvement Nouvel Âge,
étaient présents à Findhorn dès sa fondation. Le
succès de cette communauté en fit un modèle et/ou une source
d'inspiration pour d'autres groupes, tels que celui des Alternatifs à
Londres, celui d'Esalen à Big Sur en Californie, et l'Institut Open Center
and Omega de New York ».106
Monte Verità: communauté utopiste située près d'Ascona
en Suisse. Depuis la fin du XIXe siècle, c'est le lieu de rendez-vous
des membres européens et américains de la contre-culture dans
les domaines de la politique, de la psychologie, de l'art et de l'écologie.
Les conférences d'Eranos s'y tiennent chaque année depuis 1933,
réunissant les grands luminaires du Nouvel Âge. Son annuaire révèle
l'intention de créer une religion mondiale intégrée.107
Il est fascinant de consulter la liste de ceux qui se sont réunis au
cours de toutes ces années à Monte Verità.
8. RÉFÉRENCES
8.1. Documents du magistère de l'Église catholique
Jean-Paul II, Discours aux évêques américains de l'Iowa,
du Kansas, du Missouri et du Nebraska en visite « Ad Limina » 28
mai 1993.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques
de l'Église catholique sur quelques aspects de la méditation chrétienne
(Orationis Formas), Cité du Vatican (Éditions polyglottes du Vatican)
1989.
Commission Théologique Internationale, Quelques questions actuelles concernant
l'eschatologie, (Doc. Cath.. n. 2069 du 4 avril 1993) (sur la réincarnation).
Commission Théologique Internationale, Le Dieu Rédempteur: questions
choisies, (Doc. Cath. n. 2143 des 4-18 août 1996).
Comité pour la Culture de la Conférence des évêques
d'Argentine , Frente a una Nueva Era. Desafio a la pastoral en el horizonte
de la Nueva Evangelización, 1993.
Godfried Danneels, Au-delà de la mort: réincarnation et résurrection,
Lettre pastorale, Pâque 1991.
Godfried Danneels, Le Christ ou le Verseau? Lettre pastorale, Noël 1990
(D.C. n. 2021 du 3 février 1991).
Groupe de Travail sur les Nouveaux Mouvements Religieux, Cité du Vatican,
Sectes et nouveaux mouvements religieux. Anthologie de textes de l'Eglise Catholique,
1986-1994, Paris (Téqui) 1995.
Irish Theological Commission, A New Age of the Spirit? A Catholic Response to
the New Age Phenomenon, Dublin 1994.
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Carlo Maccari, La New Age di fronte alla fede cristiana, Turin (LDC) 1994.
Edward Anthony McCarthy, The New Age Movement, Instruction pastorale, 1992.
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1992.
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in L'Osservatore Romano 27 octobre 1996.
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1996.
Christoph von Schönborn, Risurrezione e reincarnazione, (traduction en
italien) Casale Monferrato (Piemme) 1990.
J. Francis Stafford, Il movimento « New Age », in L'Osservatore
Romano, 30 octobre 1992.
8.2. Études chrétiennes
Raúl Berzosa Martinez, Nueva Era y Cristianismo. Entre el diálogo
y la ruptura, Madrid (BAC) 1995.
André Fortin, Les Galeries du Nouvel Age: un chrétien s'y promène,
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sur les courants populaires du "Nouvel Age", Montréal (Médiaspaul)
1994.
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1994.
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die Christen, Mainz (Matthias-Grünewald-Verlag) 1987 = La nuova religiosità:
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Zürich (Theologie für Laien) 1996.
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y Principales Desafíos, Santafé de Bogotá (CELAM) 1996.
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in Religioni e Sette nel Mondo 1996/2.
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1987.
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9. BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
9.1. Quelques ouvrages du Nouvel Âge
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1991.
Fritjof Capra, The Tao of Physics: An Exploration of the Parallels between Modern
Physics and Eastern Mysticism, Berkeley (Shambhala) 1975.
Fritjof Capra, The Turning Point: Science, Society and the Rising Culture, Toronto
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(Tara Press) 1979.
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1981.
Chris Griscom, Ecstasy is a New Frequency: Teachings of the Light Institute,
New York (Simon & Schuster) 1987.
Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, Chicago (University of
Chicago Press) 1970.
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1976.
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David Spangler, The Rebirth of the Sacred, London (Gateway Books) 1988.
9.2. Travaux historiques, descriptifs et analytiques
Christoph Bochinger, « New Age » und moderne Religion: Religionswissenschaftliche
Untersuchungen, Gütersloh (Kaiser) 1994.
Bernard Franck, Lexique du Nouvel Âge, Paris (Droguet-Ardant) 1993.
Hans Gasper, Joachim Müller and Friederike Valentin, Lexikon der Sekten,
Sondergruppen und Weltanschauungen. Fakten, Hintergründe, Klärungen,
updated edition, Freiburg-Basel-Vienna (Herder) 2000. See, inter alia, the article
« New Age » by Christoph Schorsch, Karl R. Essmann and Medard Kehl,
and « Reinkarnation » by Reinhard Hümmel.
Manabu Haga and Robert J. Kisala (eds.), « The Nouvel Âge in Japan
», in Japanese Journal of Religious Studies, Fall 1995, vol. 22, n. 3
et 4.
Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture. Esotericism in the
Mirror of Nature, Leiden-New York-Köln (Brill) 1996. Ce livre contient
une bibliographie très complète.
Paul Heelas, The New Age Movement. The Celebration of the Self and the Sacralization
of Modernity, Oxford (Blackwell) 1996.
Massimo Introvigne, New Age & Next Age, Casale Monferrato (Piemme) 2000.
Michel Lacroix, L'Ideologia della New Age, Milano (Il Saggiatore) 1998.
J. Gordon Melton, New Age Encyclopedia, Detroit (Gale Research) 1990.
Elliot Miller, A Crash Course in the New Age, Eastbourne (Monarch) 1989.
Georges Minois, Histoire de l'athéisme, Paris (Fayard) 1998.
Arild Romarheim, The Aquarian Christ. Jesus Christ as Protrayed by New Religious
Movements, Hong Kong (Good Tiding) 1992.
Hans-Jürgen Ruppert, Durchbruch zur Innenwelt. Spirituelle Impulse aus
New Age und Esoterik in kritischer Beleuchtung, Stuttgart (Quell Verlag) 1988.
Edwin Schur, The Awareness Trap. Self-Absorption instead of Social Change, New
York (McGraw Hill) 1977.
Rodney Stark and William Sims Bainbridge, The Future of Religion. Secularisation,
Revival and Cult Formation, Berkeley (University of California Press) 1985.
Steven Sutcliffe and Marion Bowman (eds.), Beyond the New Age. Exploring Alternative
Spirituality, Edinburgh (Edinburgh University Press), 2000.
Charles Taylor, Sources of the Self. The Making of the Modern Identity, Cambridge
(Cambridge University Press) 1989.
Charles Taylor, The Ethics of Authenticity, London (Harvard University Press)
1991.
Edênio Valle s.v.d., « Psicologia e energias da mente: teorias alternativas
», in A Igreja Católica diante do pluralismo religioso do Brasil
(III). Estudos da CNBB n. 71, São Paulo (Paulus) 1994.
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of the World Commission on Culture and Development, Paris (UNESCO) 1995.
M. York, « The New Age Movement in Great Britain », in Syzygy. Journal
of Alternative Religion and Culture, 1:2-3 (1992) Stanford CA.
1Paul Heelas, The New Age Movement. The Celebration of the Self and the Sacralization
of Modernity, Oxford (Blackwell) 1996, p. 137.
2Cf. P. Heelas, op. cit., p. 164 ss.
3Cf. P. Heelas, op. cit., p. 173.
4Cf. Jean Paul II, Lettre Encyclique Dominum et vivificantem (18.5.1986), 53.
5Cf. Gilbert Markus o.p., « Celtic Schmeltic », (1) in Spirituality,
vol. 4,
November-December 1998, No 21, pp. 379-383; et (2) in Spirituality, vol. 5,
January-February 1999, No 22, pp. 57-61.
6Jean Paul II, Entrez dans l'espérance, Paris (Plon) 1994, p. 147.
7Cf. en particulier Massimo Introvigne, New Age & Next Age, Casale Monferrato
(Piemme) 2000.
8M. Introvigne, op. cit., p. 267.
9Cf. Michel Lacroix, L'Ideologia della New Age, Milano (il Saggiatore) 1998,
p. 86. Le mot « secte » n'est pas employé ici dans un sens
péjoratif, mais simplement pour indiquer un phénomène sociologique.
10Cf. Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture. Esotericism
in the Mirror of Secular Thought, Leiden-New York-Köln (Brill) 1996, p.
377 et ailleurs.
11Cf. Rodney Stark and William Sims Bainbridge, The Future of Religion. Secularisation,
Revival and Cult Formation, Berkeley (University of California Press) 1985.
12Cf. M. Lacroix, op. cit., p. 8.
13Le cours suisse « Theologie für Laien » intitulé Faszination
Esoterik expose cela de façon très claire. Cf. « Kursmappe
1 – New Age und Esoterik », texte pour accompagner des diapositives,
p. 9.
14Ce terme était déjà utilisé dans le titre de The
New Age Magazine, par le Rite maçonnique écossais d'ancienne obédience
dans la juridiction Sud des États-Unis dès 1900. Cf. M. York,
« The New Age Movement in Great Britain », in Syzygy. Journal of
Alternative Religion and Culture, 1: 2-3 (1992), Stanford CA, p. 156, note 6.
Le calendrier et la nature exacte des changements du Nouvel Âge sont interprétés
différemment par plusieurs autheurs; estimation de calendrier allant
de1967 à 2376.
15À la fin de 1977, Marilyn Ferguson envoya un questionnaire à
210 « personnes engagées dans la transformation sociale »,
qu'elle appela « Conspirateurs du Verseau ». La question suivante
est intéressante: « Lorsqu'on a demandé aux personnes interrogées
de citer des individus dont les idées les ont influencées, soit
à travers un contact personnel, soit par leurs écrits, ceux qui
furent le plus souvent nommés, dans l'ordre de fréquence, furent
Pierre Teilhard de Chardin, C.G. Jung, Abraham Maslow, Carl Rogers, Aldous Huxley,
Robert Assagioli, et J. Krishnamurti. Parmi les autres noms souvent mentionnés:
Paul Tillich, Hermann Hesse, Alfred North Whitehead, Martin Buber, Ruth Benedict,
Margaret Mead, Gregory Bateson, Tarthang Tulku, Alan Watts, Sri Aurobindo, Swami
Muktananda, D.T. Suzuki, Thomas Merton, Willis Harman, Kenneth Boulding, Elise
Boulding, Erich Fromm, Marshall McLuhan, Buckminster Fuller, Frederic Spiegelberg,
Alfred Korzybski, Heinz von Foerster, John Lilly, Werner Erhard, Oscar Ichazo,
Maharishi Mahesh Yogi, Joseph Chilton Pearce, Karl Pribram, Gardner Murphy,
et Albert Einstein ». The Aquarian Conspiracy. Personal and Social Transformation
in Our Time,
Los Angeles (Tarcher) 1980, p. 50 (note 1) et p. 434, traduit en français
sous le titre Les enfants du Verseau. Pour un nouveau paradigme.
16W.J. Hanegraaff, op. cit., p. 520.
17Irish Theological Commission, A New Age of the Spirit? A Catholic Response
to the New Age Phenomenon, Dublin 1994, chap. 3.
18Cf. The Structure of Scientific Revolutions, Chicago (University of Chicago
Press), 1970, p. 175.
19Cf. Alessandro Olivieri Pennesi, Il Cristo del New Age. Indagine critica,
Cité du Vatican (Librairie éditrice vaticane) 1999, passim, mais
spécialement pp. 11-34. Voir aussi le paragraphe 4 ci-dessous.
20Il vaut la peine de rappeler les paroles de cette chanson, qui se sont vite
gravées dans l'esprit de toute une génération d'Américains
et d'Européens:
“Quand la lune sera dans la septième maison, et Jupiter aligné
sur Mars, / la paix guidera les planètes, et l'amour conduira les étoiles.
/ Voici que se lèvera l'Ère du Verseau... / Harmonie, loyauté,
clarté, sympathie, lumière et vérité; / personne
ne supprimera la liberté, personne ne musellera l'esprit; / la mystique
nous donnera de comprendre et l'homme reprendra à penser, / grâce
au Verseau...”
21P. Heelas, op. cit., p. 1 ss. Le Journal de la Berkeley Christian Coalition
d'août 1978 présente ainsi les choses: « Il y a juste dix
ans, la spiritualité 'funky' basée sur les drogues des hippies
et le mysticisme des yogi orientaux étaient circonscrits à la
contre-culture. Aujourd'hui, il se sont tous deux introduits dans le courant
principal de notre mentalité culturelle. La science, les professions
de la santé et les arts, pour ne pas parler de la psychologie et de la
religion, sont engagées dans une reconstruction fondamentale de leurs
prémisses de base ». Cité dans Marilyn Ferguson, op.cit.,
p. 370 ss.
22Cf. Chris Griscom, Ecstasy is a New Frequency: Teachings of the Light Institute,
New York (Simon & Schuster) 1987, p. 82.
23Voir le lexique des termes New Age, § 7.2 ci-après.
24Cf. W.J. Hanegraaf, op. cit., Leiden-New York-Köln (Brill) 1996, chapitre
15 (« The Mirror of Secular Thought »). Le système des correspondances,
qui provient manifestement de l'ésotérisme traditionnel, a pris
une nouvelle signification pour ceux qui (consciemment ou pas) suivent Swedenborg.
Alors que, dans la doctrine ésotérique traditionnelle, chaque
élément naturel porte en lui la vie divine, pour Swedenborg la
nature est le reflet inanimé du monde spirituel vivant. Cette idée
est au cœur de la vision post-moderne d'un monde désenchanté
et des différentes tentatives pour le « ré-enchanter ».
Mme Blavatsky rejette les correspondances, et Jung a beaucoup relativisé
la causalité au profit d'une conception ésotérique du monde
des correspondances.
25W.J. Hanegraaff, op. cit., pp. 54-55.
26Cf. Reinhard Hümmel, « Reinkarnation », in Hans Gasper, Joachim
Müller, Friederike Valentin (eds.), Lexikon der Sekten, Sondergruppen und
Weltanschauungen. Fakten, Hintergründe, Klärungen, Freiburg-Basel-Wien
(Herder) 2000,
pp. 886-893.
27Michael Fuss, « New Age and Europe – A Challenge for Theology
», in Mission Studies Vol. VIII-2, 16, 1991, p. 192.
28Ibid., loc. cit.
29Ibid., p. 193.
30Ibid., p. 199.
31Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques
de l'Eglise
Catholique sur quelques aspects de la méditation chrétienne (Orationis
Formas), 1989, 14. Cf. Gaudium et Spes, 19; Fides et Ratio, 22.
32W.J. Hanegraaff, op. cit., p. 448 ss. Ces objectifs sont tirés de la
version finale (1896), des versions antérieures à celle-ci mettant
l'accent sur l'irrationalité du « fanatisme » et l'urgence
de promouvoir une éducation non sectaire. Hanegraaff cite la description
de J. Gordon Melton de la religion New Age qui prend racine dans la tradition
« occulte métaphysique » (ibid., p. 455).
33W.J. Hanegraaff, op. cit., p. 513.
34Thomas M. King s.j., « Jung and Catholic Spirituality », in America,
3 April 1999, p. 14. L'auteur fait remarquer que les adeptes du Nouvel Âge
« citent des passages ayant trait au I Ching, à l'astrologie et
au Zen, tandis que les catholiques citent des passages ayant trait aux mystiques
chrétiens, à la liturgie et à la valeur psychologique du
sacrement de la réconciliation » (p. 12). Il fait aussi la liste
des personnalités catholiques et des institutions spirituelles clairement
inspirées et guidées par la psychologie junghienne.
35Cf. W.J. Hanegraaff, op. cit., p. 501 ss.
36Carl Gustav Jung, Wandlungen und Symbole der Libido, quoted in Hanegraaff,
op. cit., p. 503.
37Sur ce point cf. Michel Schooyans, L'Évangile face au désordre
mondial, avec une préface du Cardinal Joseph Ratzinger, Paris (Fayard)
1997.
38Cité dans le texte de la Communauté Maranatha The True and the
False New Age. Introductory Ecumenical Notes, Manchester (Maranatha) 1993, 8.10
– la numération de pages originale n'est pas spécifiée.
39Michel Lacroix, L'Ideologia della New Age, Milano (il Saggiatore) 1998,
p. 84 ss.
40Cf. la présentation des idées de David Spangler dans Actualité
des religions nº 8, septembre 1999, p. 43.
41M. Ferguson, op. cit., p. 407.
42Ibid., p. 411.
43« Être Américain... c'est précisément imaginer
un destin plutôt que d'en hériter un. Nous avons toujours été
des hôtes du mythe plus que de l'histoire »: Leslie Fiedler, citée
dans Marilyn Ferguson, op. cit., p. 142.
44Cf. P. Heelas, op. cit., p. 173 ss.
45David Spangler, The New Age, Issaquah (Mornington Press) 1988, p. 14.
46P. Heelas, op. cit., p. 168.
47Voir l'ouvrage de Michel Schooyans, L'Évangile face au désordre
mondial, avec une préface du cardinal Joseph Ratzinger, Paris (Fayard)
1997.
48Cf. Our Creative Diversity. Report of the World Commission on Culture and
Development, Paris (UNESCO) 1995, qui montre l'importance donnée à
la célébration et la promotion de la diversité.
49Cf. Christoph Bochinger, « New Age » und moderne Religion: Religionswissenschaftliche
Untersuchungen, Gütersloh (Kaiser) 1994, notamment le chapitre 3.
50Les lacunes des techniques qui ne sont pas vraiment des prières sont
exposées plus loin, au § 3.4, « Mystique chrétienne
et mystique New Age ».
51Cf. Carlo Maccari, « La 'mistica cosmica' del New Age », in Religioni
e Sette nel Mondo 1996/2.
52Jean Vernette, « L'avventura spirituale dei figli dell'Acquario »,
in Religioni e Sette nel Mondo 1996/2, p. 42 ss.
53Jean Vernette, loc. cit.
54Cf. J. Gordon Melton, New Age Encyclopedia, Detroit (Gale Research 1990),
pp. xiii-xiv.
55David Spangler, The Rebirth of the Sacred, London (Gateway Books) 1984, p.
78 ss.
56D. Spangler, The New Age, op. cit., p. 13 ss.
57Jean Paul II, Lettre Apostolique Tertio Millennio Adveniente (10.11.1994),
9.
58Matthew Fox, The Coming of the Cosmic Christ. The Healing of Mother Earth
and the Birth of a Global Renaissance, San Francisco (Harper & Row) 1988,
p. 135.
59Cf. le document publié par le Comité pour la Culture de la Conférence
épiscopale argentine: Frente a una Nueva Era. Desafío a la pastoral
en el horizonte de la Nueva Evangelización, 1993.
60Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Orationis Formas, 23.
61Ibid., 3. Voir les paragraphes sur la méditation et la prière
contemplative dans le Catéchisme de l'Église Catholique, §§.
2705-2719.
62Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Orationis Formas, 13.
63Cf. Brendan Pelphrey, « I said, You are Gods. Orthodox Christian Theosis
and Deification in the New Religious Movements » in Spirituality East
and West, Easter 2000 (No. 13).
64Adrian Smith, God and the Aquarian Age. The new era of the Kingdom, Great
Wakering (McCrimmons) 1990, p. 49.
65Cf. Benjamin Creme, The Reappearance of Christ and the Masters of Wisdom,
London (Tara Press) 1979, p. 116.
66Cf. Jean Vernette, Le New Age, Paris (P.U.F.) 1992 (Collection Encyclopédique
Que sais-je? ), p. 14.
67Catéchisme de l'Église Catholique, § 52.
68Cf. Alessandro Olivieri Pennesi, Il Cristo del New Age. Indagine Critica,
Cité du Vatican (Librairie Éditrice Vaticane) 1999, notament les
pages 13-34. La liste des points communs se trouve p. 33.
69Credo de Nicée-Constantinople.
70Michel Lacroix, L'Ideologia della New Age, Milano (Il Saggiatore) 1998,
p. 74.
71Ibid., p. 68.
72Edwin Schur, The Awareness Trap. Self-Absorption instead of Social Change,
New York (McGraw Hill) 1977, p. 68.
73Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, §§ 355-383.
74Cf. Paul Heelas, The New Age Movement. The Celebration of the Self and the
Sacralization of Modernity, Oxford (Blackwell) 1996, p. 161.
75A Catholic Response to the New Age Phenomenon, Irish Theological Commission
1994, chapitre 3.
76Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Orationis Formas, 3.
77 Ibid., 7.
78William Bloom, The New Age. An Anthology of Essential Writings, London (Rider)
1991, p. xvi.
79Catéchisme de l'Église Catholique, § 387.
80Ibid., § 1849.
81Ibid., § 1850.
82Jean Paul II, Lettre apostolique sur le sens de la souffrance humaine (Salvifici
dolo- ris - 11.2.1984) 19.
83Cf. D. SPangler, The New Age, op. cit., p. 28.
84Cf. Jean Paul II, Lettre Encyclique Redemptoris Missio (7.12.1990) 6 et 28,
et la Déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Dominus Jesus (6.8.2000), 12.
85Cf. R. Rhodes, The Counterfeit Christ of the New Age Movement, Grand Rapids
(Baker) 1990, p. 129.
86Helen Bergin o.p., « Living One's Truth », in The Furrow, janvier
2000,
p. 12.
87Ibid., p. 15.
88Cf. P. Heelas, op. cit., p. 138.
89Elliot Miller, A Crash Course in the New Age, Eastbourne (Monarch) 1989, p.
122. Pour une documentation sur l'attitude fortement anti-chrétienne
du spiritisme, cf. R. Laurence Moore, « Spiritualism », in Edwin
S. Gaustad (ed.), The Rise of Adventism: Religion and Society in Mid-Nineteenth-Century
America, New York 1974, pp. 79-103, et aussi R. Laurence Moore, In Search of
White Crows: Spiritualism, Parapsychology, and American Culture, New York (Oxford
University Press) 1977.
90Cf. Jean Paul II, Lettre Encyclique Fides et Ratio (14.9.1998), 36-48.
91Cf. Jean Paul II, Discours aux Évêques américains de Iowa,
Kansas, Missouri et Nebraska à l'occasion de leur visite « Ad Limina
», 28 mai 1993.
92Cf. Jean Paul II, Exhortation Apostolique Post-Synodale Ecclesia in Africa
(14.9.1995), 103. Le Conseil Pontifical pour la Culture a publié un guide
qui recense ces centres dans le monde entier: Catholic Cultural Centres (3ème
édition, Cité du Vatican, 2001).
93Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Orationis Formas, et le
chapitre 3 ci-dessus.
94Il s'agit d'un domaine où le manque d'information peut permettre à
des groupes dont le vrai programme est hostile au message de l'Évangile
d'induire ces responsables de l'éducation en erreur. C'est le cas en
particulier dans les écoles, où un auditoire de jeunes curieux
et obligés d'écouter est un objectif idéal pour le marchandisage
idéologique. Cf. le caveat in Massimo Introvigne, New Age & Next
Age, Casale Monferrato (Piemme) 2000, p. 277 ss.
95Cf. J. Badewien, Antroposofia, in H. Waldenfels (ed.) Nuovo Dizionario delle
Religioni, Cinisello Balsamo (San Paolo) 1993, p. 41.
96Cf. Raúl Berzosa Martinez, Nueva Era y Cristianesimo, Madrid (BAC)
1995, p. 214.
97Helen Palmer, The Enneagram, New York (Harper-Row) 1989.
98Cf. le document, cité ci-dessus, de la Conférence épiscopale
argentine.
99J. Gernet, in J.-P. Vernant et al., Divination et Rationalité, Paris
(Seuil) 1974, p. 55.
100Cf. Susan Greenwood, « Gender and Power in Magical Practices »,
in Steven Sutcliffe and Marion Bowman (eds.), Beyond New Age. Exploring Alternative
Spirituality, Edinburgh (Edinburgh University Press) 2000, p. 139.
101Cf. M. Fuss, op. cit., pp.198-199.
102Cf. Carlo Maccari, La « New Age » di fronte alla fede cristiana,
Leumann- Torino (LCD) 1994, p.168.
103Cf. Hanegraaff, op. cit., pp. 283-290.
104Pour un traitement bref mais clair du Mouvement du Potentiel Humain, voir
Elizabeth Puttick, « Personal Development: the Spiritualisation and Secularisation
of the Human Potential Movement », in: Steven Sutcliffe and Marion Bowman
(eds.), Beyond New Age. Exploring Alternative Spirituality, Edinburgh (Edinburgh
University Press) 2000, pp. 201-219.
105Sur ce dernier point très délicat, voir l'article de Eckhard
Türk « Neonazismus » in Hans Gasper, Joachim Müller, Friederike
Valentin (eds.), Lexikon der Sekten, Sondergruppen und Weltanschauungen. Fakten,
Hintergründe, Klärungen, Freiburg-Basel-Wien (Herder) 2000, p. 726.
106Cf. John Saliba, Christian Responses to the New Age Movement. A Critical
Assessment, London, (Geoffrey Chapman) 1999, p. 1.
107Cf. Michael Fuss, op. cit., pp. 195-196.