Homélie de Père Nathan

Le temps de la grâce de Dieu



La méditation proposée vient du père Leclerc, franciscain, qui est décédé il y a trois ans et demi.

Le Seigneur dans son Evangile s’est employé à ouvrir l’esprit des disciples à la dimension du Royaume qui est le temps, la durée. Cela est d’autant plus nécessaire que l’attente messianique se nourrit de courants apocalyptiques très répandus à l’époque dans la société juive. Les courants qui dominaient indiquaient que la venue du Royaume de Dieu devait s’accomplir d’une manière imminente et foudroyante, à travers un bouleversement cosmique. A ces courants de pensée, Jésus substitue la lente maturation du Royaume. Il apprend à ses disciples à considérer Dieu non pas à travers des actions spectaculaires d’un instant à l’autre mais comme un jardinier qui fait confiance, avec une immense patience, à l’obscur travail du mouvement de croissance de la semence. La venue du Royaume de Dieu respecte la croissance de la vie. Le Royaume de Dieu fait rentrer dans la durée de Dieu, dans le temps de la patience de Dieu. C’est le temps de la grâce de Dieu. Et l’homme disciple doit rentrer dans ce temps de Dieu victorieux de tout péché par la patience.

L’espérance est sûrement la vertu la plus forte pour obtenir la victoire sur l’irascible, sur l’exaspération et sur l’impatience. Ce qui fait que nous arrivons et touchons la fin, c’est la persévérance, et la persévérance jusqu’à la fin.

C’est vrai, nous pourrions dire que nous sommes confrontés pendant ces mois-ci à des bouleversements, mais il faut évidemment ne jamais oublier que de génération en génération on a été un petit peu étourdi, écrasé, même été presque convaincu qu’on arrivait aux jours de la fin, dans l’année 1000, dans les années des pestes… Et quand on regarde par exemple les années de ces guerres qui ont eu lieu au XIXème siècle, la guerre atomique, toutes ces guerres, le désastre que représentait l’invasion du nazisme, du communisme, avec ses centaines et ses centaines de millions de persécutés pour la foi…

L’Eglise de Jésus n’est pas là pour condamner. Le péché est là mais ce n’est pas sûrement pas à l’Eglise de venir condamner le péché. Elle traverse patiemment dans toutes les générations toutes ces proximités, parce quand le mal atteint un paroxysme, la grâce de Dieu fait qu’on espère malgré tous les contraires que Dieu intervient pour arrêter le fléau, mais Dieu n’arrête pas le fléau, et nous le voyons bien dans l’Apocalypse, à chaque fois que Dieu verse sa Coupe, le Sang de Jésus se répand à travers l’Eglise sur l’humanité toute entière, obtient la paix, parce que le Sang de Jésus se déversant sur l’humanité toute entière à travers le ministère de la patience dans les persécutions de l’Eglise sur la terre, ce Sang qui est versé, c’est un Sang qui pardonne, c’est un Sang qui répare, c’est un Sang qui transforme l’exaspération en espérance.

Et le poids de l’espérance surnaturelle est tellement grand, quel que soit le désastre humain qu’il y a dans l’univers, le poids surnaturel de l’espérance est tel que lorsqu’il est le récepteur de la surabondance de la miséricorde de Dieu dans le Sang du Christ, il permet à l’humanité de continuer le travail de sa transformation.

Mais plus le Seigneur verse sa miséricorde, plus le Seigneur donne le Précieux Sang… La colère de l’amour de Dieu est une colère en ce sens qu’elle se déverse continuellement, inconditionnellement et invinciblement pour pardonner, pour faire miséricorde et pour s’incorporer la nature humaine à l’intérieur du Oui de la Croix. C’est la colère de la Croix. Jésus dans sa miséricorde nous arrache au pouvoir du péché, nous qui avons tendance à accepter le péché s’il ne fait pas miséricorde.

Il ne s’agit pas d’une fureur de destruction de l’ennemi. C’est une prière. Il y a dans l’Eglise de la terre, de plus en plus puisque nous nous approchons de l’Apocalypse, il y a dans la grâce eucharistique, dans la grâce de la Jérusalem de la terre, de la Jérusalem spirituelle, il y a l’amour des ennemis.

Nous prions, nous vivons, nous aspirons, nous nous sacrifions, nous jeûnons, nous célébrons le Sacrifice en nous offrant nous-mêmes en sacrifice joyeusement, nous embrassons la pauvreté, l’humiliation, dans la joie et l’allégresse de la grâce, et nous prions pour les ennemis du Bien.

De ce point de vue là, nous avons quelque part le signe de la grâce chrétienne si notre prière consiste non pas à chercher des refuges pour être en sécurité mais si notre grâce consiste à l’intime d’elle-même à réactualiser, renouveler, réengendrer un combat spirituel pour que Dieu fasse miséricorde à ceux qui nous font du mal.

Dans cinquante jours ce sera le 14 septembre, ce sera la fête de la Croix glorieuse. Nous arrivons aujourd’hui vers le 800ème jour : 8, et cent fois pour un, soixante fois pour un, trente fois pour un : c’est le Messie à l’intérieur du monde incréé de Dieu qui duplique, qui multiplie l’anéantissement de sa Croix à l’intérieur du Corps mystique entier de Jésus vivant.

Personnellement je vois en lisant le Livre de l’Apocalypse que le cinquième sceau de l’Apocalypse, par exemple, n’est pas un phénomène qui change le visage de l’Eglise d’une seconde à l’autre. Bien sûr nous espérons beaucoup recevoir des grâces d’une immense profondeur, d’une très grande fécondité divine, mais aux yeux de l’humanité, aux yeux de la nature, aux yeux de l’univers, aux yeux de l’esprit du monde, peut-être que ça ne se verra pas aussi fortement que cela. Quand Marie a reçu l’apparition de l’ange Gabriel, et Joseph, le monde dans lequel ils étaient n’a pas perçu grand-chose, et pourtant c’est la nature humaine toute entière qui a été entièrement révolutionnée, elle est devenue tout à fait autre chose. Le cinquième sceau de l’Apocalypse va s’ouvrir, certes, mais il va s’inscrire dans une loi où le temps dépasse l’esprit du monde.

La grâce qui nous est donnée n’est pas une grâce qui dit : « Voilà, nous n’avons pas peur parce que nous savons que Dieu va intervenir et il va écraser les ennemis, il va les tuer, ils vont disparaître. Ils font le mal mais attends un peu que le châtiment arrive ! Tu vas voir avec le châtiment s’ils vont rigoler ! ». Ce n’est pas ça l’attitude apocalyptique de l’Eglise de Jésus. L’Eglise vit de l’apparition d’un temps nouveau au milieu d’un monde qui se met en communion à la périphérie de ce monde perverti.

Par exemple, la vie spirituelle, la vie affective, la vie d’amour, la vie intérieure des enfants qui ont été avortés et qui sont un petit peu comme l’exemple, comme dit Ste Thérèse de l’Enfant Jésus : « Vous êtes notre exemple » : ils ont l’âme largement ouverte à tout ce qui se déverse de la Coupe du Sang précieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ depuis le fond des générosités divines venant de la fin et se déversant à travers la Jérusalem dernière jusqu’à nous aujourd’hui, ils ont l’âme largement ouverte à cette grâce de Jésus, à cette grâce du Saint-Esprit, à cette grâce du fruit des sacrements en Marie.

Qu’est-ce qu’ils en font ? Par quoi cela se manifeste-t-il en eux ? Par une patience, c’est l’Apocalypse qui le dit, par une patience et une prière. Ils sont revêtus d’une robe sacerdotale et ils prient comme un prêtre prie en s’offrant lui-même en sacrifice, ils prient pour ceux qui les détestent, ceux qui les ont torturés, ceux qui les ont suppliciés, ils prient pour eux, ils les aiment. Ils s’aiment les uns les autres aussi. Ils aiment comme Jésus les a aimés et ils donnent gratuitement l’amour, la miséricorde, le pardon et la profusion de la grâce si c’est possible à toute l’humanité qui par sa puissance les écrase de son mépris et de sa haine. Ils prient et ils font miséricorde. Ils prient d’abord pour leurs ennemis. Ils vivent pour la conversion des pécheurs, la conversion des Illuminati, la conversion de ces tortionnaires de l’humanité et de l’innocence. Ils prient avec une ardeur, avec une innocence triomphante crucifiée, et plus ils ont été crucifiés et torturés, plus leur prière est ardente et elle triomphe par la patience et elle obtient de Dieu la grâce de la miséricorde et de la conversion pour les ennemis de Dieu, pour les ennemis de l’innocence.

Quelqu’un m’a confié des messes à célébrer il y a un petit peu plus de cinquante jours. Nous avons dépassé les cinquante jours. J’ai célébré des messes justement pour que la grâce de la Parousie puisse rentrer, baptiser, envahir et déborder des enfants non-nés pour que ça déborde sur les hommes les plus démoniaques, les plus infâmes et les plus impitoyables des puissants de ce monde qui s’enivrent du sang des martyrs avec une joie sans limite et consciente.

Voilà l’intention de la messe qui m’a été confiée. J’ai trouvé ça très bien,  extraordinaire ! Il faut faire les choses concrètement, donc nous avons fait une évaluation symbolique : à chaque fois qu’il y avait la messe, pendant un peu plus de cinquante jours, puisque c’était en l’honneur de Marie à travers l’Eucharistie…

Dans le Royaume de la miséricorde, de l’immaculation, une goutte de l’Immaculée Conception a plus de poids que toute la cruauté la plus satanique de tous les sataniques du monde de tous les temps. Une goutte de l’Immaculée Conception suffit comme contrepoids. Elle est l’absolution du monde. Mais encore faut-il qu’il y ait l’amour des ennemis dans l’Eglise. Il faut prier pour eux, il ne faut pas souhaiter qu’ils soient complètement foudroyés. Que le mal, que Satan qui est en eux soit foudroyé, très bien, mais pas eux.

Alors nous avons calculé : « A chaque messe nous allons prendre 500 ou 550, le chiffre de Marie, 550 mauvais, parce que parmi ces cinq cents mille qui s’enivrent d’adrénochrome, du sang de Moloch, qui se réjouissent de leur cruauté satanique, qui s’y complaisent consciemment, sur ces cinq cents mille – c’est peut-être un chiffre théorique – il y en a bien 0,1% qui peuvent être sauvés, non ? Parmi ces cinq cents mille il y a peut-être des fragiles, des gens qui ont gardé un petit coin inconnu de leurs propres yeux de l’innocence qui n’a pas été entièrement donnée librement à Satan et à la cruauté. Seigneur, nous en prenons un sur mille, environ cinq cents à chaque messe. » Nous mettions le Sang de Jésus dans les enfants non-nés pour les envoyer en apostolat et en acte héroïque de pardon, de miséricorde, de charité héroïque, pour venir à l’intérieur de chacun de ces 500, 550 ou 555 qui ont l’âme suffisamment ouverte à la présence de la grâce pour être sauvés, pour être visités. Nous prenions un milliard d’enfants avortés pour un pécheur. Alors à chaque messe nous envoyions 500 fois un milliard d’enfants sur les ennemis de Dieu.

C’est génial de faire ça ! Je suis très heureux qu’il y ait quelqu’un qui m’ait demandé de célébrer des messes avec une intention aussi géniale. L’Eglise catholique, l’Eglise de l’Apocalypse, c’est une Eglise qui obtient toujours miséricorde.

Bien sûr, dans la visibilité du combat eschatologique, nous voyons bien que malgré les miséricordes inconditionnelles d’amour invincible de Dieu pour les pécheurs, globalement ils ne renoncèrent pas au mal. Mais c’est global, parce que ce qui ne se voit pas, ça grandit petit à petit. L’Eglise, moins elle se voit, plus elle aime les ennemis, et plus l’ennemi, Satan, Lucifer, se trouve sans combattants, mais les démons sont tellement aveuglés qu’ils ne le voient pas parce qu’ils restent toujours à la périphérie.

Mais le fond de la miséricorde et de l’amour inconditionnel de l’absolution de l’Immaculée Conception dans l’Eucharistie, ce fond-là crée un monde, un univers qui dépasse les surabondances de la grâce sanctifiante puisque nous rentrons dans un univers qui fait le flux et le reflux, le passage de l’une à l’autre de la grâce incréée et de la grâce quasi incréée de Dieu, et ce monde de l’univers qui fait le flux et le reflux de la grâce incréée, c’est-à-dire ce qui est à l’intérieur de Dieu lui-même, et de la grâce quasi incréée de Dieu, ce monde-là, celui de la Jérusalem nouvelle, triomphe d’une manière telle que tous les anges sans exception viennent se blottir dans l’arbre de cette Jérusalem nouvelle pour y faire leur nid, pour s’y reposer, pour s’y enfoncer.

Il faut prier pour les ennemis de Dieu. Nous sommes écœurés, je veux bien. Etre écœuré, être exaspéré, psychologiquement ça se comprend. Nous sommes terrorisés, nous sommes écrasés, nous sommes écœurés, mais cela n’appartient pas à la grâce. Ce qui appartient à la grâce, c’est de rester des disciples, des membres de Jésus vivant crucifié, et donc Jésus en nous recommence à demander pardon pour eux, continue de manière de plus en plus intense, toujours plus substantielle, transsubstantielle, à demander pardon à leur place, à pardonner et à recevoir le pardon, puis à venir les visiter chacun avec ce pardon reçu.

Nous ne souhaitons pas la défaite de notre prochain. « Ah oui, c’est un voleur, c’est un malhonnête, un hypocrite, il va voir au jugement ! » : cela, ce n’est pas du tout l’attitude de l’espérance. L’espérance, c’est le pardon. Après, si quelqu’un refuse d’être sauvé quoi qu’il arrive, c’est une autre affaire, mais en tout cas nous aurons obtenu pour lui au centuple de quoi devenir un saint sur la terre quoi qu’il soit et quoi qu’il ait fait.

Cela, c’est la spiritualité des enfants non-nés, c’est ce qu’ils vivent. Ils vivent cela par une grâce de lumière qui leur est donnée avant d’être avortés, avant d’être torturés, avant d’être suppliciés. Ils disent oui à vivre cela même pendant leur martyre. Ils reçoivent la grâce d’une présence de Dieu, du Verbe devenu chair, d’une présence pour dire oui avec Jésus venant s’incarner pour pardonner, pour aimer et pour offrir sa vie gratuitement.

« Aimez-vous les uns les autres ».
« Je vous donne un commandement : Aimez-vous les uns les autres ».
« Aimez-vous les uns les autres » et « c’est à l’amour des ennemis qu’on reconnaîtra mes disciples ».

J’espère avec une confiance totale que vous me donnez en cet instant cette grâce dans ce monde de l’amour total, invincible, intense, profond, continuel, surabondant, de mes ennemis, je reçois le Sang précieux de Notre-Seigneur Jésus-Christ encore pendant trois jours et demi pour cultiver en moi la paix, et dans la paix un amour surabondant et invincible pour tous mes ennemis.

C’est ça l’examen de conscience de l’Eglise d’aujourd’hui.
J’ai confiance dans la grâce, oui ou non ?



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