Homélie de Père Nathan
pour les Innocents crucifiés
Avent 1992
(…) Nous l’aimons bien cette petite Céline. Suivez bien ce jugement. C’est le jour où elle a été tuée que les petites sœurs contemplatives se sont installées à la Motte du Caire. C’est ce jour-là qu’elle a été tuée. Satan n’a pas supporté, alors il a saisi ce type qui faisait du spiritisme – les indiens utilisent la communication avec les esprits –, ça s’est fait en trois jours : sacrifice rituel.
Il faut penser à tous ces enfants qui sont tués comme ça. Il y en a beaucoup, plus qu’on ne le pense, vous savez. Dès que quelqu’un est innocent, à ce moment-là la rage des soi-disant gens proches de la nature, soi-disant écolos, se précipite, Satan aussi.
Et vous avez aussi l’avortement.
C’est un massacre des innocents particulièrement étonnant.
Que deviennent ces petits enfants crucifiés, cette innocence crucifiée ?
Il y a un aspect de la question auquel on ne réfléchit pas beaucoup.
J’ai regardé récemment la question des enfants qui sont avortés, au niveau de la doctrine il n’y a rien à faire, on ne peut pas s’en sortir, ils ne peuvent pas aller au Ciel. Ils ne peuvent pas aller au Ciel pour l’instant, parce qu’il y a la tache du péché originel, et avec la tache du péché originel, on ne peut pas pénétrer dans la vision béatifique. Il n’y a pas de Baptême, et l’avortement n’est pas un baptême du sang, parce qu’ils ne sont pas tués pour le Christ. Ils sont des martyrs de l’humain, de l’ignorance humaine, ou de la cruauté, mais ils ne sont pas des martyrs du Christ, non. On peut le tourner dans tous les sens.
Alors ? Faudra-t-il attendre le Jugement dernier pour qu’ils rentrent au Ciel ?
Il y a cette fameuse question des Limbes. Ils ne peuvent pas aller en Enfer, ce serait injuste. Ils ne peuvent pas aller au Purgatoire, ils n’ont rien fait de mal. Ils ne peuvent pas aller au Ciel. Alors on est obligé de les mettre dans une espèce de petit Paradis terrestre où ils sont très heureux, mais il leur manque quand même le Ciel. Ils sont très heureux, la Sainte Vierge vient les visiter, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus vient aussi.
Il ne faut pas croire qu’ils n’ont pas de conscience, ils ont une conscience et il me semble – c’est une opinion personnelle – qu’après leur mort, comme ils ne peuvent être ni au Ciel, ni au Purgatoire ni en Enfer, ils ne sont donc pas passés par le jugement particulier, on ne peut pas les juger. Les limbes sont un endroit où vont les gens parce qu’on ne peut pas les juger.
C’est pour cela que les patriarches, David, tous ces saints, Isaïe, Joseph, ne pouvaient pas rentrer au Ciel. C’est ce que nous disons dans le Credo : « Il est descendu aux enfers ». Quand nous disons : « Il est descendu aux enfers », nous croyons par là à l’existence de toutes ces âmes qui ne pouvaient pas aller au Ciel malgré leur innocence, malgré leur foi, malgré leur sainteté. Ils sont rentrés au Ciel avec le cortège triomphal du Christ. Et donc pendant des années et des années ils ont attendu. Le jugement particulier du Christ ne pouvait pas se faire tant qu’Il ne s’était pas incarné et qu’Il n’était pas descendu aux enfers.
Les limbes sont un endroit où sont placés les êtres aimant Dieu avant qu’on puisse les juger, avant le jugement particulier. Avant le jugement particulier, ils sont encore dans le temps.
Après le jugement particulier, on n’est plus dans le temps, on est dans la durée de la purification, on n’est plus dans le temps que nous connaissons nous, dans le temps univoque, dans le temps terrestre, dans le temps ‘tic-tac-tic-tac-tic-tac’, dans le temps successif, on est dans le temps intensif, le temps de la durée.
Mais eux, puisqu’ils ne sont pas passés par le jugement particulier, sont dans une espèce de paradis terrestre, c’est-à-dire qu’ils ne souffrent pas, mais quand même, ils souffrent un peu, parce qu’ils sont encore dans quelque chose de temporel, ils sont encore dans le temps.
S’ils sont encore dans le temps, l’Eglise militante peut exercer sur eux son pouvoir de miséricorde : « Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux, ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux. »
C’est pour cela que nous n’avons pas le droit de les oublier, nous n’avons pas le droit d’oublier tous ces enfants qui attendent, nous n’avons pas le droit, je ne crois pas. Il faut les adopter.
L’autre jour, j’ai reçu dans mon ermitage la visite de quelqu’un qui vient de loin, d’un autre pays, une protégée du cardinal Newmann, et ça fait des années que la Sainte Vierge lui explique, non pas ce que je suis en train de vous expliquer – moi je vous explique de la théologie, de la spiritualité, de la doctrine –, elle explique ça : « Qu’est-ce que vous attendez ? Que laissez-vous ces enfants ? Non seulement les parents les tuent, mais vous qui devez les sauver, qui devez les adopter, qui devez les porter avec vous dans l’Eucharistie – ils ont droit à l’Eucharistie, non ? – vous les oubliez ! Il faut les adopter. Ils ont une nouvelle famille, c’est l’Eglise de Marie l’Immaculée, l’Eglise de ceux qui sont humbles, petits, pauvres, chastes, nouvelle Sainte Famille. Amenez donc tous les petits enfants à la messe. »
Nous étions en train de prier pour cela parce que nous étions en train de faire tout un travail théologique auprès de Rome pour construire une liturgie qui permette éventuellement, non pas de les baptiser, mais de leur donner les fruits du Baptême, et notamment la justification.
Nous savons bien que nous ne pouvons plus les baptiser puisqu’ils sont morts, mais nous pouvons très bien les baptiser d’une manière surérogatoire en vertu du pouvoir de l’Eglise militante de lier et de délier s’ils ne sont pas encore dans la mort réelle, ou s’ils ne sont pas encore passés par le jugement particulier, mais pour ça il faut toutes les exigences de l’Ecriture pour recevoir la grâce de justification. Pour rassembler toutes ces exigences, nous ne pouvons pas échapper à ça, ce n’est pas si simple !
Il faut qu’il y ait le désir du Baptême. Vous savez que le désir du Baptême de la mère vaut Baptême pour l’enfant tant que l’enfant n’est pas mort. Si la mère désire le Baptême et exprime extérieurement ce désir du Baptême par une prière, une liturgie, que sais-je, un geste, un ondoiement, ne serait-ce que symbolique. Une maman sait que l’enfant va mourir, elle a le désir du Baptême, avec un geste de Baptême : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». Pour ceux que ça intéresse, je vous donnerai les petits détails qu’on donnait en théologie morale pour des cas pareils.
Mais une fois que l’enfant est mort ? C’est fini. Il y a de nombreuses petites femmes qui vont avoir une fausse couche, ou qui ont une fausse couche, ou un avortement. C’est l’affolement, c’est trois ans après, quand elles se convertissent : « Mais c’est vrai, je n’y avais pas pensé, mon petit, oh ! ».Quand nous avons en confession une femme qui a avorté, et que nous lui demandons si elle a pensé à le baptiser, la réponse est non. Pourtant, c’est moins grave d’avorter que de ‘jeter’ son enfant pour l’éternité, parce qu’avorter c’est le faire sortir de ce monde terrestre, mais le faire sortir de la béatitude éternelle c’est ignoble. C’est vrai, on n’y pense pas !
Quand quelqu’un avorte (je m’excuse, ce n’est pas très spirituel ce que je fais là en ce moment) ou quand quelqu’un pratique une fausse-couche et considère qu’un petit enfant, au fond, n’est pas son enfant parce qu’il n’est pas un être humain, ou parce qu’il n’est pas un enfant, ça veut dire que la responsabilité maternelle de droit, le droit naturel à la maternité saute. D’ailleurs même les lois humaines accordent cela : on retire son droit maternel à quelqu’un qui n’est même pas capable de reconnaître le caractère humain de son enfant. Si une femme est complètement débile, on lui retire son droit maternel tout de suite et on donne l’enfant à une autre mère. Le droit à la maternité n’existe que s’il y a une maternité réelle, une maternité spirituelle, une maternité morale.
Il y a des milliards d’enfants, à peu près 150000 par jour, qui sont assassinés uniquement par l’avortement. Vous pouvez adopter 150000 enfants par jour, 150000 enfants aujourd’hui qui vont être assassinés, sans compter bien sûr tous ceux qu’il y aura en Yougoslavie, uniquement le massacre des innocents par l’avortement.
Eh bien toutes ces mères ont perdu leur droit à la maternité, ce ne sont pas des mères, et donc philosophiquement parlant, de jure, comme on dit en philosophie, la nouvelle mère est celle qui reconnaît que c’est un enfant. Si vous êtes à côté et que vous dites : « Mais c’est un être humain, c’est un enfant » et que sa mère dit : « Ce n’est pas un enfant », vous devenez la mère, au niveau moral, au niveau responsabilité, au niveau substantiel.
Et l’Eglise est la seule institution, le seul corpus humain, qui reconnaît le caractère humain spirituel et la dignité de ces enfants, c’est pour cela que de droit, l’Eglise devient la mère, de droit, de jure. C’est philosophique, nous n’avons pas besoin de la foi pour comprendre ça.
Et par conséquent – maintenant je passe en théologie –, comme le désir de Baptême de la mère vaut Baptême pour l’enfant… Mais il y a un problème, c’est qu’il faut une deuxième condition : c’est que l’Eglise est mère moralement, mais pas physiquement, et pourtant il faut que la maternité soit physique : mystère de l’Incarnation. Alors ?
La mère physique qui se rend compte trois ou quatre ans plus tard, ou le petit frère, ou la tante, ou la grand-mère (il y a un lien de sang physique), quelqu’un de la famille, ou vous qui avez connu et vraiment adopté effectivement cet enfant avorté, c’était une amie, vous étiez avec elle : l’enfant est avorté, c’est trop tard, oui, mais vous exprimez quand même le désir de Baptême : alors vous représentez la partie physique. Mais c’est trop tard, l’enfant est déjà mort, donc vous ne pouvez pas obtenir le Baptême.
Il faut donc relier ces deux là avec, bien-sûr, la maternité divine de Marie – grâce au mystère de l’Assomption nous pouvons faire les deux – et faire rejoindre les trois dans le Sacrement de l’Eucharistie.
L’Eucharistie reçoit le désir de Baptême de l’Eglise du vivant des enfants, et le désir de Baptême de l’Eglise du vivant des enfants est reçu dans le Cœur eucharistique de Jésus et de Marie. Le Cœur eucharistique du Christ garde potentiellement ce désir de Baptême jusqu’à ce que le désir de Baptême de la mère vienne dans l’Eucharistie y conjoindre le sien pour pouvoir réaliser la justification.
C’est comme ça que nous pouvons nous en sortir. J’ai posé la question à cette personne qui reçoit ces explications de Marie. Elle est très impressionnante ! Elle n’a jamais fait d’études particulières et je peux vous dire qu’elle m’a repris sur le plan théologique sur certains points de manière si parfaite que j’en étais impressionné ! C’était en anglais, ça ne fait rien, ça ne m’empêche pas d’être impressionné. J’avais essayé de réfléchir et j’avais mis sur papier, et je me suis rendu compte que c’était la même chose que ce que la sainte Vierge disait et demandait, ça fait plaisir.
Je lui ai dit : « Je crois que si nous allons à Rome pour demander à Ratzinger, c’est facile, nous pouvons le faire parce que c’est théologique, mais il faut peut-être éviter de dire que c’est la Sainte Vierge qui le demande dans une apparition. Nous pouvons présenter ce papier, aller à Solesmes rencontrer tel père, aller en Suisse rencontrer tel père, et avec trois papiers de théologie et de réflexion doctrinale, nous pouvons demander de faire une liturgie. »
Du reste, il y a des liturgies qui se font à Cotignac : tous les premiers vendredi du mois, nous baptisons des enfants comme ça. Nous le faisons, puisque c’est autorisé, c’est théologique. Certains jours, nous voyons le sanctuaire de Notre Dame de Grâce de Cotignac rempli de gens. Chacun prend un petit cierge, chacun donne le nom à son petit enfant avorté. C’est une très belle liturgie, une liturgie très simple. Nous disons le Credo, nous faisons la purification par l’eau, nous baptisons dans le baptême de Jean-Baptiste, et nous reprenons dans l’Eucharistie le désir du Baptême de l’Eglise du vivant de tous ces enfants, nous invitons tous ces enfants, et ils sont baptisés.
Et justement, la dernière fois que nous avons fait ça, cette femme était là. Nous l’avons fait pour une, nous avions appelé cette petite fille Julie, et au moment où nous l’avons baptisée, la Vierge a fait une apparition – je ne l’ai pas vue – et la petite Julie était dans ses bras, et elle a dit à Patricia, la dame anglaise qui a à peu près soixante-dix ans : « Voilà la petite Julie, c’est moi la marraine, merci, merci pour elle », et elle est partie.
Vous savez très bien que je n’aime pas beaucoup les apparitions, sauf quand je suis directement là. Du reste, je tiens à vous le dire, si un jour vous avez une apparition, vous verrez que vous ne pouvez pas douter. Mais si quelqu’un a une apparition et qu’il vient vous trouver, vous devez douter. Si quelqu’un vient vous dire : « Voilà, j’ai eu une apparition », ne le croyez pas, ce n’est pas bien. Mais si vous, vous avez une apparition, je ne vous dis pas : « Croyez-le », ce n’est pas la peine que je vous dise, et vous êtes tenus d’obéir à ce que Dieu vous dit dans une apparition. Si vous avez une apparition du Christ, par exemple, obéissez ! Vérifiez quand même, allez voir votre père spirituel pour savoir si c’est vraiment une apparition, mais c’est facile à vérifier, ne vous inquiétez pas. Vous, vous êtes tenu d’obéir à une révélation privée, parce que c’est une révélation privée. Mais vous n’êtes pas tenu de suivre une révélation privée donnée à quelqu’un d’autre que vous, et même vous êtes tenu de ne pas le suivre, vous y êtes tenu par la prudence chrétienne, vous êtes tenu de suivre l’Eglise du Christ. C’est important, je le précise parce qu’aujourd’hui il y a tellement de bêtises de ce point de vue-là qu’il faut y faire attention.
C’est ce que nous avions dans la première lecture : Balaam est un serviteur de Satan, serviteur des esprits, et il dit qu’il va y a voir un Sauveur, un Rédempteur. Jésus a été prophétisé par les sorciers, par les serviteurs spiritistes, par les sibylles, par les prophètes et par l’Ange Gabriel. Jésus est annoncé aux païens, Il est annoncé aux satanistes, Il est annoncé aux pécheurs, Il est annoncé aux nations, Il est annoncé au peuple d’Israël, et enfin Il est annoncé à la Vierge Marie par l’Ange Gabriel. Jésus est annoncé pour tous.
Et l’essentiel pour nous est qu’Il soit annoncé à la Vierge Marie par l’Ange Gabriel. Quand nous sommes dans l’Avent, nous ne regardons pas autre chose que cela. Nous, nous sommes avec l’Immaculée et c’est à travers nous l’Immaculée qui reçoit ce message de l’Ange Gabriel. Tout le reste à travers vous, laissez tomber. Nous sommes tous responsables, dépositaires, du fait que Jésus revient. Nous sommes la petite famille, la toute petite famille qui doit garder ça pour tous les autres. Chacun d’entre nous, nous sommes la petite Vierge enceinte pour toute l’humanité. C’est un tout petit nombre qui reste. Il faut quelques petites oasis comme ça.