Homélie de Père Nathan
La Très Sainte Trinité
La méditation est de St Jean Chrysostome.
« Pourquoi portons-nous le nom de fidèles ? Nous, les fidèles, nous avons reçu des réalités que les yeux de notre corps ne peuvent pas voir, tellement elles sont grandes et redoutables, et tellement elles dépassent notre nature. Ni le raisonnement de l’homme ne pourra les trouver, ni sa parole les exposer : seule la doctrine de la lumière divine de la foi les connaît bien. C’est pourquoi Dieu nous a donné deux sortes d’yeux : les yeux du corps et les yeux de la foi. Voilà pourquoi tu portes le nom de fidèle. Lorsque tu entres pour être initié aux saints mystères du baptême, les yeux de ta chair voient l’eau, tandis que les yeux de la foi perçoivent, discernent et voient l’Esprit Saint. Les yeux du corps et de la chair voient le prêtre élever les mains puis imposer la main droite et toucher la tête, et les yeux de la foi voient, contemplent le Grand Prêtre éternel qui étend invisiblement la main droite du haut des cieux et touche la tête du corps entier. Car celui qui baptise alors, ce n’est pas un homme, mais c’est le Fils, Dieu, unique Enfant de Dieu, en personne. Il en est de même pour le Saint-Esprit au moment de sa venue : ce même Esprit Saint repose aussi sur ton corps, et le baptême se fait au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28, 19). Le prêtre qui baptise ne dit pas : « Je baptise un tel », mais : « Tu es baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », cela montre que ce n’est pas le prêtre qui baptise, mais le Père et le Fils et le Saint-Esprit dont le nom est invoqué. »
Presque comme la main invisible de Dieu le Père, de Dieu le Fils, et de l’Esprit Saint aussi, qui se pose sur le corps de celui qui est baptisé. C’est St Jean Chrysostome. La foi perçoit l’Esprit Saint qui se pose sur ton corps. La foi perçoit le Père et le Verbe, le Fils, et nous voyons bien dans la manière dont St Jean Chrysostome décrit : ce que tu vois, ce que tu discernes, ce que tu contemples, ce que tu perçois – voilà les quatre mots qu’il donne –, ce n’est pas le Christ, comme si le Christ s’effaçait dans le baptême. Il s’efface parce qu’il y a une supervenue du Saint-Esprit qui se pose sur le corps, il y a une obombration du Père qui se pose sur le corps assumé, et il y a une lumière de conception incréée et éternelle qui se pose sur le corps.
Et il y a une Médiatrice pour ça. C’est peut-être à cause de Marie Mère de l’Eglise que le prêtre ne baptise pas au nom du Christ Jésus Fils unique de Dieu et du Père avec la puissance du Saint-Esprit, mais au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, parce que le Christ lui-même fait comme son Père, il s’efface. Joseph, Marie et lui s’effacent. Alors il ne reste plus que la Paternité incréée de Dieu et la médiation de Marie, c’est tout. C’est à cause de ça que le Saint-Esprit se pose sur le corps au moment du baptême.
Alors aux jours où Marie est Médiatrice et ma Maman dans ma Messe, nous voyons que l’Eglise a décidé que l’heure est arrivée où nous pouvons être happés, assumés comme elle dans la divine Volonté éternelle et incréée de Dieu dans ce regard, dans cette vision qui se pose sur le corps dans la Maternité divine de Marie.
Et c’est là que nous voyons directement et sans voile ce que St Jean Chrysostome est en train de dire et là où le corps précisément est adapté à recevoir ce toucher de Lumière de l’Hypostase du Père, de l’Hypostase de la Splendeur de la Lumière de Dieu et de l’Hypostase du Saint-Esprit.
C’est parce qu’il va donner à ce corps qui est celui du Christ vivant entier et entièrement devenu hypostatiquement l’Engendré éternel du Père dans l’Esprit Saint le corps de l’homme ressemblance, pas seulement ressemblance mais devenu Dieu dans l’au-delà de l’Ascension dans la glorification éternelle.
Maintenant ma Maman et ma Messe sont une seule Mission invisible, mais cette fois-ci ce passage de la Mission invisible du fruit des sacrements dans notre monde créé nous introduit et nous engloutit dans la Mission invisible qui est à l’intérieur du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et où est la Mission, le Mouvement invisible dans l’incréé de l’éternité de Dieu ? C’est le passage de la Procession de Lumière à la Procession de Spiration.
Et c’est comme ça que dans l’ouverture de la Volonté éternelle de Dieu, assumés ainsi, nous pourrons redescendre avec cette appartenance à l’Epousée, dans l’Epousée, comme Epousée, comme Marie, Trois en Un, Un en Trois.
Et donc c’est la Jérusalem qui apparaît, la Jérusalem nouvelle qui n’a pas dans son acte de différence avec la Jérusalem glorieuse, laquelle n’a pas de différence dans son acte avec l’Epousée, deuxième Personne de la Très Sainte Trinité, dans le mouvement de Spiration.
Ce mouvement invisible des Personnes divines dans notre âme dans l’oraison dans la perfection, l’union de perfection surabondante de l’Eglise de la fin a accès libre – si je puis dire – dans l’Assomption de la divine Volonté du Fiat éternel de Marie assumée dans l’acte du Saint-Esprit : elle a accès à ce mouvement incréé et éternel qui est intime à l’indivisible nature divine des trois Hypostases, ce passage de la Procession de Lumière à la Procession de Spiration.
C’est la grande foi de l’Eglise qui est fêtée aujourd’hui. St Jean Chrysostome insiste avec Jean Baptiste pour dire que c’est dans l’incréé qu’il faut regarder ce qui se passe dans ce que le corps reçoit pour pouvoir être assumé et finir par glorifier le Père avec la glorification du Fils dans la gloire du Saint-Esprit.
C’est pour ça que les tout premiers conciles – Constantinople, Chalcédoine – ont tout de suite affirmé que la Très Sainte Trinité n’était pas immobile, si je puis dire, qu’il y avait un mouvement qui lui était intérieur, et la foi catholique, depuis le concile de Constantinople, affirme qu’il y a deux Processions, qu’il y a quatre Relations subsistantes et qu’il y a trois Hypostases. C’est tout le mystère de la Très Sainte Trinité, un mystère vivant.
L’accès à ce mouvement intérieur et éternel que la foi de la Très Sainte Trinité nous permet de pénétrer, c’est la Maternité divine de Marie qui le rend effectif eucharistiquement. Pourquoi ? Parce que l’Eucharistie substantiellement, du point de vue de l’acte, c’est-à-dire de l’entéléchéia, c’est que le Verbe de Dieu, l’Epousée, fait les délices de l’Epoux. C’est la nourriture. Cette nourriture mutuelle fait qu’ils disparaissent, ils deviennent l’un et l’autre Un, et ils font émaner cette aspiration, cette Spiration, ces délices à l’état pur, parce qu’on ne peut pas aller plus loin dans la manducation d’assimilation d’amour. « Je suis le Pain de la Vie », c’est ça. « Le Pain » c’est le Verbe de Dieu, « de la Vie » c’est l’Esprit Saint. C’est toute la Vie de la Très Sainte Trinité. Et donc quand on dit transsubstantiation, il ne faut jamais séparer métaphysiquement la transsubstantiation de la transactuation sponsale que Marie nous apporte comme Mère de l’Eglise et que le Saint-Père ouvre au temps de la terre pour que nous puissions voir, contempler par la foi dans le ravissement intérieur, et être assumés, engloutis à l’intérieur du fond de l’Hypostase pour nous laisser prendre par le mouvement incréé et glorieux des Processions de Lumière et d’Amour dans l’indivisibilité. Marie porte l’Eucharistie à ce terme d’éternité glorieuse incréée dans le Regard éternel de Dieu. C’est ça la définition théologique de la Maternité divine de Marie dans son acte, c’est-à-dire dans son accomplissement éternel.
Désormais nous ne pouvons plus séparer le mystère de la Très Sainte Trinité déployée et cette fécondité du mouvement ouvert du corps à la glorification intime. Le corps est devenu Dieu. Tandis que dans l’Incarnation Dieu est devenu chair. Avec Marie le corps, l’Eucharistie, trouve son acte, il devient Dieu lui-même. Dans l’au-delà de l’Ascension l’humanité de Jésus est devenue Dieu. Pas à l’Ascension, dans l’au-delà de l’Ascension. Parce qu’il y a un au-delà de l’Incarnation, un au-delà de la Résurrection et un au-delà de l’Ascension. Cet au-delà, c’est la réalité en mouvement éternel et incréé de la Très Sainte Trinité. Et cela l’Eglise l’a toujours enseigné. Elle n’a pas attendu St Maximilien Kolbe pour l’enseigner. Mais c’est aujourd’hui que les portes s’ouvrent. Il peut y avoir tous les orages, nous ne les entendons même pas.
Donc maintenant Marie, ma Maman et ma Messe, « C’est ma manducation », dit le Père. C’est beau le mystère de Marie. Et de Jésus aussi, évidemment ! C’est la même chose, parce que Marie ne fait pas nombre avec Jésus de ce point de vue là. Et nous pareil, nous ne faisons pas nombre. Les trois s’effacent pour qu’il n’y ait plus que la Très Sainte Trinité. Pourquoi ?
Parce que Marie est une créature mais elle est divine par son acte, et l’Esprit Saint est l’acte de ce que Marie est en puissance. Mais dans (…) de la Très Sainte Trinité, comme dit St Thomas d’Aquin, Dieu n’est qu’Acte pur, il n’y a pas de puissance, il n’est pas puissance et acte. Comme d’ailleurs l’avait dit déjà le vieux païen Aristote : dans l’Etre premier il n’y a rien qui relève de la puissance et de l’acte, il est Acte pur. L’Esprit Saint est l’acte de ce que Marie est en puissance. C’est à cause de ce mouvement vers la seconde Procession fait par Marie dans l’au-delà. Parce que c’est une union métaphysique de l’acte à tout ce qu’elle est en puissance, et ce qu’elle est en puissance est créé, c’est sûr, mais dans la Très Sainte Trinité est effacé, il n’y a plus que l’acte, tout en respectant la personne de Marie. C’est extraordinaire !
Jésus dans l’Ascension est assumé aussi, et sa nature humaine trouve sa Personne et son acte dans le Verbe de Dieu, Epouse, mais la personne humaine de Jésus n’existe pas. C’est pour ça que Marie prend la première place. C’est ce que faisait remarquer St Augustin. Parce que la personne humaine disparaît dans l’Union hypostatique. C’est pour ça que dans l’incréé de la glorification, l’acte du Verbe c’est l’Epouse incréée du Père disparue dans l’émanation du Saint-Esprit.
Marie, elle, elle demeure puisqu’elle est une personne, elle est créée, mais pourtant son acte l’établit métaphysiquement dans l’incréé de l’Esprit Saint au titre de ce mouvement qui ne s’arrêtera plus du point de vue de la Sponsalité dans la création et les fécondités incréées et glorieuses toujours nouvelles de la glorification du glorifiant dans le glorifié. C’est le fameux passage de St Jean, chapitres 16 et 17 je crois : « Glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi avant la création du monde », « Maintenant je suis glorifié ».
La Très Sainte Trinité, c’est tout pour nous, absolument tout. Il nous faut avoir une vie virginale, contemplative, lumineuse, comme dit St Jean Chrysostome, pour voir, toucher, nous laisser assumer, contempler, se laisser assimiler, être transformés et assumés par la foi dès cette terre. C’est beau, nous disparaissons complètement, une expiration totale, un effacement réel, définitif et éternel, mais chacune de nos personnes comme la personne de Marie est respectée, parce que nous trouvons notre acte, c’est-à-dire notre accomplissement, notre perfection éternelle, et notre perfection éternelle c’est la Très Sainte Trinité.
C’est pour ça que l’homme a été créé dans la signification sponsale du corps, et c’est sur ce corps que la main du Père, de l’Epoux, de l’Epousée, des Epousailles, de l’Esprit-Saint se pose au baptême, et que la fameuse analogie qui est la plus parfaite, comme l’a expliqué le pape St Jean-Paul II, pour aller directement de la Très Sainte Trinité à nous et de nous à la Très Sainte Trinité, c’est la Sponsalité. Il n’y a que le corps dans la vision trinitaire de la création. Avant que la Très Sainte Trinité créé, elle ne voit que ça : ce qu’elle est en Sponsalité, en Spiration. Et elle crée un corps sponsal. La signification sponsale du corps est la voie directe. Et c’est ça la perfection, l’accomplissement à l’intérieur de l’éternité.
Et Marie est Médiatrice avec le Père. Dès le départ Lucifer a vu le corps de l’homme, comme l’explique Jésus à Ste Hildegarde. Lucifer l’a vu avant même que l’Acte créateur de Dieu ne se fasse sur le premier élément de matière. Il a été ordonné à la sponsalité et donc à la signification sponsale du corps de l’homme et de la femme et à sa fécondité incréée. Mais Lucifer n’avait pas accès à cette fécondité incréée. Et nous, si nous nous réfugions et nous laissons visiter dans la signification sponsale de notre conception par Marie, nous échappons aussi à la vision de Lucifer, alors la voie est libre, il n’y a plus d’entrave, plus de doute. C’est la Très Sainte Trinité.