Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 46
Commence à exposer comment on recueille l'entendement.
1 Considérez
maintenant ce que dit votre Maître : " qui êtes aux cieux.
" Pensez-vous qu'il vous importe peu de savoir ce que c'est que le ciel,
et où vous devez chercher votre Père infiniment saint ? Eh bien
moi je vous dis que pour des esprits distraits, non seulement il importe beaucoup
de croire cette vérité, mais encore d'y réfléchir
beaucoup ; car c'est là une des choses les plus propres à fixer
les pensées, et à aider l'âme à se recueillir.
2 Vous aurez entendu dire que Dieu est partout, et rien n'est plus vrai. Or
il est évident que là où se trouve le Roi, on dit aussi
que là est la cour ; par conséquent, là où est Dieu,
là aussi est le ciel. Vous pouvez donc croire que là où
est Sa Majesté, là aussi est toute la gloire. Songez alors à
ce que dit saint Augustin (dans le livre de ses méditations, je crois)
; il cherchait le Seigneur partout, et il finit par le trouver au-dedans de
lui-même. Pensez-vous qu'il importe peu à une âme qui a tendance
à se distraire, de comprendre cette vérité et de savoir
qu'elle n'a pas besoin d'aller au ciel pour parler à son Père
Éternel, et se délecter avec lui ? qu'elle n'a pas besoin non
plus de prier en criant très fort ? Si bas qu'elle parle, il l'entendra
; elle n'a pas besoin d'ailes pour aller le chercher, elle n'a qu'à se
mettre dans la solitude, regarder au- dedans d'elle-même, et ne pas s'étonner
d'y trouver un si bon hôte ; qu'en toute humilité elle lui parle
comme à un père, qu'elle lui adresse ses demandes comme à
un père, qu'elle se réconforte auprès de lui comme auprès
d'un père, mais qu'elle comprenne qu'elle n'est pas digne qu'il soit
son père.
3 Laissez de côté ces pusillanimités que montrent certaines
personnes croyant ainsi faire preuve d'humilité. Non ! L'humilité
ne consiste pas à refuser une faveur que vous fait le roi, mais à
l'accepter, et à vous en réjouir tout en comprenant à quel
point vous en êtes indignes. Etrange humilité ! L'Empereur du ciel
et de la terre viendrait dans ma maison pour m'accorder une faveur et se réjouir
avec moi et, par humilité, je ne voudrais ni lui répondre ni rester
avec lui ? et je le laisserais tout seul, alors qu'il me prie de lui présenter
mes requêtes ? je croirais me montrer humble en restant dans ma pauvreté
! qui plus est, voyant que je ne parviens pas à sortir de ma réserve,
je l'obligerais à repartir ! Ne faites aucun cas, mes filles, de ces
sortes d'humilités ; traitez avec lui comme avec un père, un frère,
un maître choisissez tantôt une manière, tantôt une
autre - ; lui-même vous enseignera ce que vous devez faire pour le contenter.
Cessez d'être stupides ; exigez qu'il tienne sa parole ; n'est-il pas
votre Époux ? Qu'il vous traite donc en épouses. Rappelez-vous
qu'il est très important pour vous d'avoir compris cette vérité
: le Seigneur est au-dedans de nous, au plus profond de nous-mêmes, restons
avec lui.