Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

INDEX DES 73 CHAPITRES

Ou page par page : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73

CHAPITRE 52

Traite de ces paroles du Pater : " Sanctificetur Nomen tuum, adveniat Regnum tuum ". Commence à exposer ce qu'est l'oraison de quiétude.

1 Voici ce que dit le bon Jésus : " que votre Nom soit sanctifié, que votre Règne arrive. " Considérez maintenant, mes filles, si la sagesse de notre Époux est grande ! Je réfléchis ici à ce que nous demandons quand nous demandons ce royaume, car il est bon que nous nous en rendions compte. Sa Majesté, connaissant notre faiblesse, a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni célébrer, ni glorifier, ni exalter ce saint nom du Père Éternel comme il se devait, si Sa Majesté n'y pourvoyait en nous donnant dès ici-bas son royaume, c'est pourquoi le bon Jésus a placé ces deux demandes à côté l'une de l'autre. Et afin que vous compreniez, mes filles, ce que nous demandons, et combien il nous importe de le demander et de faire tout ce que nous pouvons pour contenter celui qui doit nous le donner, je vous dirai ici ma pensée. Si elle ne vous semble pas convenable, cherchez d'autres considérations ; Notre-Seigneur nous le permet, pourvu que nous nous soumettions en tout aux enseignements de l'Église (c'est ce que je fais toujours ; et même ce livre, je ne vous le donnerai à lire que lorsque des personnes qui s'entendent en la matière l'auront vu ; donc, s'il s'y trouve quelque erreur, la malice n'en sera pas la cause ; il s'agira d'une défaillance de ces connaissances).
2 Le grand bonheur qu'il y a dans le royaume du ciel, entre beaucoup d'autres, c'est de ne plus avoir à faire cas des choses de la terre ; on y trouve le repos, la gloire au-dedans de soi-même, on se réjouit de la joie de tous, on éprouve une paix perpétuelle, une immense satisfaction intérieure en voyant que tous sanctifient et louent le Seigneur, bénissent son nom et que nul ne l'offense ; tous l'aiment, et l'âme elle-même n'a d'autre occupation que de l'aimer, et elle ne peut cesser de l'aimer parce qu'elle le connaît. Et c'est ainsi que nous l'aimerions sur la terre, si nous le connaissions ; sans doute avec moins de perfection et de continuité, mais nous l'aimerions tout autrement que nous le faisons.
3 J'ai l'air de dire que nous devons être des anges pour adresser cette demande et prier vocalement. Notre divin Maître le voudrait bien, dès lors qu'il nous ordonne de présenter une si haute demande ; et, en vérité, il ne nous dit pas de demander des choses impossibles ; une âme encore en cet exil peut donc l'obtenir, avec la grâce de Dieu (sans doute, non avec la perfection des âmes qui sont déjà sorties de la prison du corps, car nous naviguons sur la mer et notre voyage continue toujours) ; mais il y a des moments où, nous voyant fatigués de la route, le Seigneur met nos puissances dans le repos et notre âme dans la quiétude ; il nous fait alors comprendre clairement, par certains signes, quelle est la nature des dons qu'il réserve il ceux qu'il introduit dans son royaume. Ceux dont il exauce ici-bas la demande reçoivent de tels gages d'amour qu'ils nourrissent la ferme espérance d'aller jouir toute l'éternité de ce qu'ils ne peuvent goûter ici-bas que rarement.
4 Si vous ne deviez m'accuser de traiter de la contemplation, cette demande du Pater me donnerait ici une belle occasion de vous parler un peu des commencements de la pure contemplation appelée par ceux qui en ont l'expérience : oraison de quiétude ; mais comme il est entendu que je parle de la prière vocale, ceux qui ne connaissent pas le sujet pourraient penser que les deux choses ne vont pas l'une avec l'autre ; or moi, je sais que c'est tout le contraire. Pardonnez-moi, mais je veux vous en parler ici parce que je connais nombre de personnes qui prient vocalement, et que Dieu élève à une haute contemplation sans qu'elles fassent quoi que ce soit pour cela, ni même sachent comment ; c'est pourquoi, mes filles, j'insiste tant pour que vous disiez parfaitement vos prières vocales. Je connais une religieuse qui n'a jamais pu pratiquer d'autre oraison que la vocale, et en s'y tenant fidèlement, elle avait tout ; mais si elle ne récitait pas, son esprit s'égarait tellement qu'elle en était torturée. Oh ! puissiez-vous toutes pratiquer l'oraison mentale comme elle pratiquait la vocale ! Pour réciter quelques Paternoster correspondant au nombre de mystères où Notre-Seigneur a répandu son sang - et quelque autre prière -, elle passait deux ou trois heures ; elle vint me voir tout affligée et me dit qu'elle ne savait pas faire oraison, ni ne pouvait s'adonner à la contemplation, qu'elle ne savait que réciter des prières vocales. Elle était âgée à l'époque, et avait mené une vie exemplaire et pieuse. Je lui demandai ce qu'elle récitait, et je compris, d'après sa réponse, que le Seigneur l'élevait à la grâce d'union alors qu'elle s'attachait à dire le Pater. C'est ainsi que je louai le Seigneur, et enviai sa prière vocale. Ne pensez donc pas, vous qui êtes ennemis des contemplatifs, que vous pourrez éviter de le devenir si vous récitez les prières vocales comme il faut, et gardez une conscience pure, Ainsi, je vais devoir aborder ce sujet. Que ceux qui ne veulent pas l'entendre passent plus loin.