Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 56
Ce que donne le Seigneur une fois que nous lui avons remis notre volonté.
1 Plus notre âme
est résolue, et plus nous prouvons par nos actes que les paroles que
nous lui adressons ne sont pas des formules de pure politesse, plus le Seigneur
nous approche de lui, et élève notre âme au-dessus de toutes
les choses de ce monde et d'elle-même, afin de la rendre apte à
recevoir de hautes faveurs divines ; puisqu'il ne cesse de la récompenser
de ce don en cette vie. Il estime tant ce service que nous ne savons plus quoi
demander, et Sa Majesté ne se lasse jamais de donner. Non content d'avoir
fait de cette âme une même chose avec lui - puisqu'il l'a transmuée
en sa propre substance - il commence à mettre en elle ses délices,
à lui découvrir des secrets, à se réjouir de ce
qu'elle comprend les richesses qu'elle a gagnées, et de ce qu'elle entrevoit
quelque peu les biens qu'il lui réserve encore. Il lui fait perdre peu
à peu l'usage de ses sens extérieurs afin que rien ne puisse la
distraire. Cet état s'appelle le ravissement. Et il commence à
montrer à l'âme tant d'amitié que non seulement il lui rend
sa volonté, mais lui donne en même temps la sienne propre ; dès
lors qu'il la traite avec tant d'intimité, le Seigneur aime à
voir les deux volontés commander à tour de rôle, comme on
dit, et il accomplit ce qu'elle lui demande, du moment qu'elle fait ce qu'il
lui ordonne ; mais il le fait beaucoup mieux qu'elle, parce qu'il est tout-puissant,
qu'il peut tout ce qu'il veut, et qu'il ne cesse de vouloir.
2 La pauvre âme a beau vouloir, elle est souvent incapable de réaliser
ce qu'elle voudrait ; elle ne peut rien, à moins qu'on ne lui en donne
le pouvoir ; elle est de plus en plus endettée, et comme elle voudrait
payer une partie de ce qu'elle doit, elle ne cesse de se tourmenter en se voyant
sujette aux inconvénients résultant de son emprisonnement dans
le corps. Mais elle est bien sotte de se tourmenter ! Alors même qu'elle
ferait tout ce qui dépend d'elle, que peut-elle payer puisqu'elle ne
peut rien donner si elle n'a tout d'abord reçu ? Elle ne peut que se
connaître elle-même, et accomplir parfaitement ce qui est en son
pouvoir, c'est-à-dire : faire don de sa volonté. Étant
donné que la nature de cette oraison, et ce que l'âme doit faire
quand elle y est élevée a déjà - comme je l'ai dit
- été mentionné ailleurs, et que j'ai longuement décrit
ce que l'âme ressent dans cet état d'oraison, et la connaissance
qu'elle a de l'oeuvre de Dieu en elle, je ne fais ici qu'effleurer ces choses
sur l'oraison, à seule fin de vous montrer comment vous devez réciter
cette prière du Paternoster.
3 Je vous donne un conseil 283 : ne pensez pas arriver à cet état
par vos efforts ou votre habileté, ce serait vain ; au contraire, si
vous aviez de la dévotion, vous tomberiez dans la froideur ; dites plutôt
avec simplicité et humilité, car c'est l'humilité qui vient
à bout de tout : " Fiat voluntas tua. "