Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

INDEX DES 73 CHAPITRES

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CHAPITRE 56

Ce que donne le Seigneur une fois que nous lui avons remis notre volonté.

1 Plus notre âme est résolue, et plus nous prouvons par nos actes que les paroles que nous lui adressons ne sont pas des formules de pure politesse, plus le Seigneur nous approche de lui, et élève notre âme au-dessus de toutes les choses de ce monde et d'elle-même, afin de la rendre apte à recevoir de hautes faveurs divines ; puisqu'il ne cesse de la récompenser de ce don en cette vie. Il estime tant ce service que nous ne savons plus quoi demander, et Sa Majesté ne se lasse jamais de donner. Non content d'avoir fait de cette âme une même chose avec lui - puisqu'il l'a transmuée en sa propre substance - il commence à mettre en elle ses délices, à lui découvrir des secrets, à se réjouir de ce qu'elle comprend les richesses qu'elle a gagnées, et de ce qu'elle entrevoit quelque peu les biens qu'il lui réserve encore. Il lui fait perdre peu à peu l'usage de ses sens extérieurs afin que rien ne puisse la distraire. Cet état s'appelle le ravissement. Et il commence à montrer à l'âme tant d'amitié que non seulement il lui rend sa volonté, mais lui donne en même temps la sienne propre ; dès lors qu'il la traite avec tant d'intimité, le Seigneur aime à voir les deux volontés commander à tour de rôle, comme on dit, et il accomplit ce qu'elle lui demande, du moment qu'elle fait ce qu'il lui ordonne ; mais il le fait beaucoup mieux qu'elle, parce qu'il est tout-puissant, qu'il peut tout ce qu'il veut, et qu'il ne cesse de vouloir.
2 La pauvre âme a beau vouloir, elle est souvent incapable de réaliser ce qu'elle voudrait ; elle ne peut rien, à moins qu'on ne lui en donne le pouvoir ; elle est de plus en plus endettée, et comme elle voudrait payer une partie de ce qu'elle doit, elle ne cesse de se tourmenter en se voyant sujette aux inconvénients résultant de son emprisonnement dans le corps. Mais elle est bien sotte de se tourmenter ! Alors même qu'elle ferait tout ce qui dépend d'elle, que peut-elle payer puisqu'elle ne peut rien donner si elle n'a tout d'abord reçu ? Elle ne peut que se connaître elle-même, et accomplir parfaitement ce qui est en son pouvoir, c'est-à-dire : faire don de sa volonté. Étant donné que la nature de cette oraison, et ce que l'âme doit faire quand elle y est élevée a déjà - comme je l'ai dit - été mentionné ailleurs, et que j'ai longuement décrit ce que l'âme ressent dans cet état d'oraison, et la connaissance qu'elle a de l'oeuvre de Dieu en elle, je ne fais ici qu'effleurer ces choses sur l'oraison, à seule fin de vous montrer comment vous devez réciter cette prière du Paternoster.
3 Je vous donne un conseil 283 : ne pensez pas arriver à cet état par vos efforts ou votre habileté, ce serait vain ; au contraire, si vous aviez de la dévotion, vous tomberiez dans la froideur ; dites plutôt avec simplicité et humilité, car c'est l'humilité qui vient à bout de tout : " Fiat voluntas tua. "