CULTURE RELIGIEUSE
Le Christ est venu au monde selon un mode miraculeux
Il est dit dans un sermon du Concile d’Ephèse que la nature après l’enfantement ne laisse plus la virginité dans la mère qui l’enfante ; mais la puissance de la grâce dans l’incarnation du Verbe nous a fait connaître le miraculeux enfantement, la maternité de la Bienheureuse Vierge, et l’intégrité de sa virginité qui n’y a été altérée en rien. La Mère de Dieu fut donc Vierge en le mettant au monde.
…La femme qui enfante un corps pur certes perd sa virginité ; mais le Verbe de Dieu, en s’incarnant a laissé sa virginité à sa Mère pour manifester par ce moyen qu’il était véritablement le Verbe divin. Car de même que lorsque nous concevons dans notre pensée un verbe intérieur, nous n’altérons pas pour autant notre intelligence, de même le Verbe en personne ne pouvait pas en se soumettant à un enfantement substantiel altérer non plus ni détruire la virginité de la femme.
…D’ailleurs il était venu pour nous délivrer de la corruption, il était donc impossible qu’en venant, il corrompe la virginité de sa Mère.
…Ceci a fait dire à saint Augustin dans son sermon sur la Nativité du Seigneur : « Celui qui venait guérir la corruption n’a pas pu permettre que l’intégrité corporelle fût violée par sa venue en ce monde »
…Voilà pourquoi il a mêlé à sa naissance les choses merveilleuses avec les choses communes, tant il voulut y révéler la réalité de son corps et en même temps la réalité de sa divinité ; de sorte que pour démontrer qu’il est vraiment homme, il naît d’une femme, et pour démonter qu’il est vraiment Dieu il naît de manière virginale. Car tel est l’enfantement qui convient à Dieu comme le confirme saint Ambroise dans son hymne de la Nativité.
…C’est encore saint Augustin qui affirme dans son commentaire sur saint Jean : « la réalité du corps du Christ contenant sa divinité n’a pas pu être arrêtée par des portes fermées ; les portes n’étaient pas ouvertes lorsqu’il a pénétré dans la pièce du Cénacle, exactement de la même manière qu’au moment de sa naissance où il a laissé intacte la virginité de sa Mère. »
…Saint Denis l’expliquait en disant que le Christ faisait des choses humaines d’une manière qui était au-dessus du pouvoir des hommes, et c’est ce que démontre notre foi ici comme par exemple dans le fait qu’il marchait sur les eaux qui soutenaient la pesanteur bien réelle de ses pieds terrestres.
Et voici réalisée la prophétie du Prophète Ezéchiel ( 44, v.1 ) : « Cette porte restera fermée, et elle ne sera point ouverte, et aucun homme ne passera par là puisque le Seigneur Dieu y est passé lui-même » Ah ! Que signifie donc cette porte fermée dans la maison du Seigneur, s’écrie encore saint Augustin si ce n’est Marie toujours restée intacte ? Et que pourraient signifier encore « Elle sera fermée pour toujours » sinon que la Vierge Marie est absolument vierge, avant, pendant, et après l’enfantement ? Oui, « Marie, de même qu’à la conception, vous avez été trouvée sans tâche, de même à la naissance, vous avez été trouvée sans douleur d’enfantement ».
Il n’y a donc eu dans cet enfantement ni douleur, ni altération aucune de l’intégrité corporelle, ni ouverture des portes féminines ni violence par la sortie du Christ de son sein fermé, mais bien au contraire l’allégresse maximale ( maxima jucunditas ), comme l’avait prophétisé Isaïe ( 35 v.2 ) : « Elle germera de toutes parts comme le lys, et exultera dans une effusion de joie et de louange ».
2 – d’après Dom Guéranger, TEMPS DE NOEL
a- Mystique du temps de Noël
La symbolique de la date et du temps
Contrairement au jour de Pâques que nous fêtons chaque année le dimanche, la fête de Noël illumine la terre de sa mémoire chaque 25 décembre, et ce n’est pas sans une profonde signification mystérieuse : la fête de Noël parcourt en effet grâce à cette disposition immémoriale tous les jours de la semaine , successivement, pour les purifier tous et les dégager de la malédiction que le péché d’Adam avait déversé sur eux.
Mais surtout, ce jour du 25 décembre se trouve être précisément celui où le soleil, dans sa lutte avec les ombres, prêt à s’éteindre, se ranime tout à coup et prépare son triomphe. La semaine et le temps viennent ainsi se lier de la manière la plus expressive à l’espace et au cours du grand astre par le moyen duquel la lumière et la chaleur, c’est-à-dire la vie, renaissent et s’entretiennent sur la terre.
Expression innée du mystère de Jésus, notre Sauveur, Lumière du monde, qui naît au moment où la nuit de l’idolâtrie et du crime s’épaississait le plus profondément en ce monde.
Expression prophétique enfin de sa dernière Venue, de la Nativité de son corps glorieux entier, du Noël final de la gloire aux jours les plus terribles des ténèbres des derniers jours de l’Eglise et du monde…
Saint Grégoire de Nysse ( sermon sur la Nativité ) précise : « En ce jour, les ténèbres commencent à diminuer, et la lumière prenant accroissement, la nuit est refoulée au-delà de ses frontières…Ceci n’arrive ni par hasard, ni au gré d’une volonté étrangère… C’est la nature qui sous ce symbole révèle un arcane à ceux dont l’œil est pénétrant, et qui sont capables de comprendre cette circonstance de l’avènement du Seigneur. Il me semble l’entendre dire : O homme, sache que sous les choses que tu vois te sont révélés des mystères cachés ; la nuit, tu l’as vu, était parvenue à sa plus longue durée, et tout à coup elle s’arrête. Songe à la funeste nuit du péché qui était arrivée au comble par la réunion de tous les artifices coupables : c’est aujourd’hui que ce cours a été tranché. A partir de ce jour, elle est réduite, bientôt anéantie. Vois maintenant les rayons du soleil plus vifs, l’astre lui-même plus élevé dans le ciel, et contemple en même temps la vraie lumière de l’évangile qui s'elève sur l’univers entier ».
Saint Augustin ( in Natali Domini, III ) exulte à cette idée : « Réjouissons-nous, car ce jour est sacré, non à cause du soleil visible, mais par la puissance de l’invisible créateur du soleil. Le Fils de Dieu a choisi ce jour pour naître, comme il s’est choisi une Mère, lui créateur à la fois et du Jour, et de la Mère. Ce jour, en effet, où la lumière reprend son accroissement, est là pour manifester l’œuvre du Christ qui par sa grâce renouvelle sans cesse notre homme intérieur. » Saint Jean Baptiste avait bien dit : « Il faut qu’il croisse et que moi-même je diminue » dans une sentence prophétique « parce que Jean est venu en ce monde dans le temps où les jours commencent à diminuer ( équinoxe d’été ), le Christ est né au moment où les jours commencent à croître ».
La symbolique du lieu : Beit-lehem
Michée le prophète l’avait dit : c’est de Beitlehem que doit sortir le chef d’Israël. Le peuple juif le sait bien, ainsi que ses scribes, puisqu’ils vont l’expliquer au roi Hérode dans les jours de Noël ( Mt 2 v.5 ). Mais par quelle raison cette ville obscure a-t-elle été choisie de préférence à toute autre pour devenir le théâtre d’un si sublime événement ? C’est que cette cité de David signifie « Maison du Pain » ; Marie nous y présente la véritable demeure qu’est le Corps de Jésus, à l’intérieur de laquelle sa Substance nous est donnée, Pain des anges, aliment qui transforme l’homme en Dieu.
Voilà pourquoi le Pain vivant descendu du ciel l’a choisie pour s’y manifester… Nos pères ont mangé de la manne dans le désert et ils sont morts, mais voici le Sauveur du monde qui vient soutenir la vie du genre humain au moyen de la chair qui est vraiment nourriture. Jusqu’ici, Dieu était loin de l’homme, désormais ils ne feront plus qu’un. L’Arche d’alliance qui ne renfermait que la manne des corps est remplacée par l’Arche d’une Alliance nouvelle, Arche plus pure, plus incorruptible que l’ancienne : l’incomparable Vierge Marie, grâce à qui apparaît la divine transformation du Roi des rois. « Celui qui mange ma chair demeure en moi et moi en lui », nous faisant comprendre que notre corps devient ici le nouveau Beit-lehem de son Royaume entier.
C’est là cette divine transformation que le peuple des fils de Dieu attendait depuis 4000ans, vers laquelle l’Eglise a soupiré durant les quatre semaines du Temps de l’Avent. L’heure est enfin venue, et le Christ va entrer en nous, si nous voulons le recevoir, il demande à s’unir à chacun de nous comme il s’est uni au corps spirituel qu’il a embrassé en sa nature humaine, et pour cela il veut se faire notre Pain, notre nourriture spirituelle. Sa nativité dans nos âmes, en cette saison mystique, n’a pas d’autre but…Et pour que ce mystère se réalise avec plus de suavité, c’est d’abord sous la forme d’un enfant qu’il se dispose, ce doux fruit de Beit-lehem, à apparaître, habiter en nous pour y grandir ensuite en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes…
La symbolique de la lumière : la couleur blanche
Les prêtres revêtent pour la messe, ainsi que les revêtements des églises, la couleur blanche, parce que Noël est une manifestation lumineuse du Seigneur. Elle n’y dérogera que pour célébrer en rouge le martyre de saint Etienne, celui de saint Thomas de Cantorbery, mais surtout celui des saints Innocents le 28 décembre versant déjà le Sang du Christ aux jours même de la Nativité, illuminant de pourpre la blancheur des vêtements sacrés. Cette coloration d’innocence et d’immaculation lumineuse est là pour exprimer l’allégresse à laquelle les anges ont convié les hommes, l’éclat du Soleil naissant de Dieu, la pureté préservée de la Mère restée Vierge, et la candeur des âmes qui retrouvent leur simplicité en se pressant autour du berceau illuminé de l’Enfant attendu par la création toute entière.
Après que la couleur violette ait dominé tous les jours précédents d’attente et de pénitence parce que l’Avent appartient et appelle cette tonalité de la vie spirituelle désignée sous le nom de vie purgative, et durant laquelle nous faisons tout pour nous dégager du péché et des liens du péché, nous espérons que le vent purificateur a pu traverser toutes nos vallées d’amertume, pour être admis à ce festin de lumière et de pureté rayonnante. L’Eglise par la bouche du Prophète Isaïe convoque tous les hommes, au nom du Seigneur, en ce jour où nous chantons : « voici notre Dieu, nous l’avons attendu ; il vient nous sauver ; nous avons supporté ses délais ; tressaillons d’allégresse ». Et tout le monde se presse, même ceux qui pensent être loin… Les uns étaient morts à la grâce, l’innocence les fait sourire et les refait vivre ; les autres, vivants déjà, ont, par leurs désirs et leurs prières ravivé leur amour, et l’entrée à Beit-léhem a été pour eux comme un renouvellement de la vie divine.
Or, toute personne ayant pénétré dans ce tressaillement universel d’un Pain descendu du ciel déposé dans une mangeoire d’animaux, est unie à celui qui est la Lumière du monde, et elle ne marche plus dans les ténèbres.
Le mystère de Noël est un mystère d’illumination, et la grâce qu’il produit dans notre âme l’établit dans ce second état de la vie mystique, nous l’appelons la vie illuminative. Cette lumière surnaturelle ne devra plus s’éteindre, elle va s’intensifier au contraire, progresser en nous, réfléchir et rayonner invisiblement jusqu’à parvenir par son aide à la fameuse vie unitive, au bien et au trésor de l’union divine qui couronne à la fois le temps de l’Eglise et celui de ses enfants sanctifiés par le Cycle.
La mémoire de Noël dans l'oraison
Saint Paul de la Croix disait à ce sujet des choses admirables.. « Le souvenir de Dieu engendre dans l’âme un état divin » Ainsi notamment se remettre la nativité en mémoire par la prière, la contemplation, l’oraison, transforme le cœur d’une manière toute particulière : « Voyez cet enfant, disait-il ; après avoir caressé sa mère et folâtré autour de son cou, il se repose et s’endort sur son sein, continuant à mouvoir ses petites lèvres pour sucer le lait. C’est ainsi que l’âme, après avoir épuisé ses affections, doit se reposer dans le sein du Père céleste et ne pas se réveiller de cette attention de foi et d’amour sans la permission de Dieu ».
La symbolique des trois messes
Saint Paul de la Croix pour le temps de Noël proposait à tous que Dieu redonnait universellement aux fils des hommes qui se livraient à la méditation et au souvenir de la naissance glorieuse du Christ un engendrement unique dans l’âme : une nouvelle naissance en leurs cœurs… « Nous venons de célébrer la Nativité du Sauveur, et j’ai confiance que vous êtes re-nés en Jésus-Christ à une vie nouvelle et déifique ». Cette doctrine d’une nouvelle naissance en nos cœurs qui se présentait spontanément à l’esprit du saint, il la voyait par exemple dans la symbolique des trois messes de Noël ( messe de minuit ; messe de l’aurore ; messe du jour, qui ne donnent pas les mêmes textes ) qui orientent cette transformation en nous en trois grâces successives d’engendrement divin :
La nuit , plus obscure pour la naissance dans le temps, et c’est pourquoi nous lisons l’évangile de saint Luc, l’historien, et de ce point de vue, le jour de Noël pleinement vécu apportera ses bienfaits et ses grâces d’une grande avancée dans ce que saint Jean de la Croix appelle la nuit des sens, première étape de nos nuits intérieures vers la Lumière…
L’aurore, clair-obscure, pour la naissance dans l’aevum de nos cœurs, chantée par Tauler et exprimée dans les textes par l’épître à Tite (1 v.3 ) : « Il nous a fait renaître … » ; ici, à une prière aimante, enfantine et réceptive correspondra le don d’une naissance à une foi beaucoup plus théologale, une avancée vivante et surnaturelle toute intime de la nuit spirituelle de la foi. Celle-ci est totalement obscure mais totalement sainte, de sorte que la lumière qui est en elle nous sera une aurore, un passage au-delà des limites de notre opacité charnelle et des insuffisances de notre esprit…
Le plein jour illuminant de l’éternité, avec les textes du Prologue de Jean le contemplatif : « Au commencement était le Verbe », fera passer l’oraison au-delà de l’aurore et de l’aube à Dieu lui-même, et comme le dit saint Jean de la Croix ( Montée du Carmel I, 2, 5 ) « cette troisième partie de la nuit intérieure de l'âme précède immédiatement la Lumière du Jour »
La symbolique des racines : généalogie du Christ
Dans l’évangile de saint Mathieu, la révélation nous montre dans la généalogie de Jésus, en dehors de Marie, quatre femmes : Thamar la Cananéenne, Rahab la prostituée de Jéricho, Ruth la Moabite, et la femme d’Ourias le Hittite, quatre femmes étrangères au Peuple d’Israël, montrant que Jésus est juif, mais qu’il s’origine dans tous les peuples païens, que ses racines sont ouvertes à la catholicité, à l’universalité des hommes de la terre. C’est que le péché de la première femme était comme un arbre à quatre fruits : vanité, orgueil, gourmandise et luxure, fruits émondés par l’immaculée conception de Marie qui renonça aux choses vaines par sa consécration, s’humilia dans une pauvreté parfaite pour écraser la présomption de la tête trop orgueilleuse du serpent, extirpa toute gourmandise du savoir et de la curiosité des sens et des yeux en ne conservant dans son cœur que ce que Dieu voulait lui révéler, lava toute luxure dans sa parfaite virginité. Dieu supprima ainsi dans le monde de la femme jusqu’à la dernière racine de l’arbre aux fruits mauvais, pour produire la grâce jusque dans la chair pécheresse des hommes.
Les générations sont comptées de 14 en 14 trois fois, ce qui n’est pas sans signification profonde : nous savons que l’hébreu, comme le grec et parfois le latin, écrit les nombres avec des lettres de l’alphabet. Or voici que ce chiffre 14 et le nom de David s’écrivent de la même manière : D+V+D = 14. David, par ailleurs, signifie en hébreu : « celui que Dieu caresse », « celui que Dieu chérit », « bien-aimé » ; trois fois répété dans les racines généalogiques, cela réfère bien sûr à la fois que cette tendresse de Dieu se trouve dans les trois dimensions de l’homme en Jésus, mais suggère en même temps que les trois Personnes de la Sainte Trinité sont toutes impliquées dans ce grand mystère de la génération du Christ dans la chair.
b- Pratique du cour spirituel pour NOËL
Devenir la mère d'une nouvelle blancheur
Ici, écoutons l’exhortation du séraphique saint Bonaventure nous découvrant comment se réalise cette naissance du Christ en nous :
« Cette heureuse naissance a lieu quand l’âme, préparée par une longue réflexion, passe enfin à l’action ; quand, la chair étant soumise à l’esprit, les œuvres bonnes arrivent à leur tour : alors, la paix, la joie intérieure renaissent dans l’âme. Dans cette nativité, il n’y a ni lamentations, ni douleurs, ni larmes ; tout est admiration, tressaillement et gloire. Et si cet enfantement t’est si agréable, à toi, âme de dévotion, songe à être Marie. Et ce nom de Marie signifie amertume : pleure amèrement tes péchés. Il signifie encore illuminatrice : deviens donc rayonnante de vertus. Il signifie enfin maîtresse : sache dominer sur les passions de la chair. Alors, le Christ naîtra de toi sans douleur et sans travail… »
« Alors, âme de dévotion, tu goûteras et connaîtras combien est doux le Seigneur Jésus. Tu l’éprouveras, cette douceur,, lorsque, par de saintes méditations, tu nourriras cet Enfant divin, quand tu le baigneras de tes larmes, quand tu l’envelopperas de tes chastes désirs, quand tu va le presser dans les embrassements d’une tendresse sainte, quand tu le réchauffe dans le plus intime de ton cœur.. »
« O heureuse crèche de Bethléem ! …Mais plus heureux que toi est le cœur de piété qui contient spirituellement celui que tu n’as pu contenir que corporellement. »
Devenir enfant du monde nouveau
Les chrétiens sont ici les nouveaux petits bergers qui dans la nuit du monde ont été surpris d’entendre la voix des anges : « VOICI VOTRE SIGNE : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche ».
O oui, redevenons enfants, retrouvons les langes des nourrissons à la mamelle, redescendons de notre hauteur, et redevenons comme Dieu lui-même : Sauveur du monde descendu du ciel, englouti et caché dans l’humilité de
Crèche. Ainsi commencerons-nous avec lui une vie nouvelle ; un monde nouveau naîtra en nos corps spiritualisés ; la lumière nouvelle ira toujours croissante jusqu’au jour nouveau et parfait de la naissance à la Gloire du Christ entier. Et, commençant par voir Dieu dans cet éclat naissant qui laisse encore place à la foi, cette lumière nouvelle ne nous quittera plus jamais, jusqu’à mériter de le voir dans la splendeur de la Transfiguration divine qui imprégna les deux corps de Jésus et de Marie dans le moment miraculeux de ce Noël dont nous fêtons le 2000ème anniversaire …
Devenir Jésus hostie
Pour les enfants vivants de l’Eglise, mais plus encore pour ceux qui sont restés dehors, cette transfiguration tressaille invisiblement en leur annonçant que la mansuétude et la miséricorde sont apparus au monde… L’indifférence de ceux qui fuyaient doit se stériliser. Nous pouvons ici rappeler l’ancienne pratique des premiers chrétiens, attestée par le quinzième canon du Concile d’Agde en 506, dans lequel est décrété pour tous les baptisés l’obligation de s’approcher de la divine Eucharistie en la fête de Noël, aussi bien qu’en celles de Pâques et de la Pentecôte, sous peine de n’être plus tenus pour catholiques.
Ces paroles d’invitation ne sont pas exagérées, c’est l’Eglise qui nous invite à commencer l’édifice de notre vie nouvelle, car, c’est vrai, l’heure est venue, et c’est la nôtre…Voici comment un évêque du moyen âge, de très vénérable mémoire, le pieux Raban Maur exprimait cette convocation à tous :
« Je vous supplie, frères bien-aimés, recevez de bon cœur les paroles que le Seigneur me donnera pour vous dans cette très douce journée qui donne la componction aux infidèles eux-mêmes et aux pécheurs, en cette journée qui voit le pécheur implorer le pardon dans les larmes de la componction, le captif ne plus désespérer de son retour à la patrie, le blessé désirer son remède. En ce jour où naît l’Agneau qui ôte les péchés du monde, la Nativité est source d’une joie délicieuse pour celui dont la conscience est en paix ; elle réveille la crainte en celui dont le cœur était malade…Je vous le promets donc, ô mes petits enfants, et je le dis avec certitude : quiconque en ce jour voudra se repentir et ne plus retourner au vomissement de son péché, tout ce qu’il demandera lui sera accordé. Une seule condition lui sera imposée : qu’il ait une foi sans hésitation et qu’il ne recherche plus ses vains désirs… »
Chacun doit devenir une hostie vivante d’amour : « venez au Seigneur notre DIEU ET FAITES LUI VOTRE OFFRANDE …Chacun de nous doit offrir cela même que le Seigneur a racheté en nous, à savoir son âme…. Vous offrirez votre âme par des mœurs pieuses, des pensées chastes, des œuvres vivantes, en vous détournant du mal, en vous tournant vers le bien, en aimant Dieu et le prochain, en faisant miséricorde, parce que nous fûmes nous-mêmes misérables avant de recevoir miséricorde ; en pardonnant à ceux qui pèchent contre nous, parce que nous-même avons été en péché ; en foulant sous nos pieds l’orgueil, parce que c’est l’orgueil qui égara le premier homme. »
Dévorons donc ces trésors réservés et cachés sous les symboles efficaces et féconds de Noël, en communiant avec ardeur dans l’écoulement délicieux d’une naissance limpide :
O Jésus hostie, o Jésus enfant, venu me chercher, si bas que je fusse descendu, fais de mon cœur une habitation de lumière et fais-en ton petit Beit-léhem. Tu veux que je devienne enfant comme toi, que j’abaisse toutes mes hauteurs, toutes mes révoltes au pied de ton berceau de lumière et de paix ; que ma fausse sagesse s’anéantisse devant les leçons de ta naissance cachée dans la contemplation de la Vierge ; que mes yeux accoutumés à une lumière métallique et trompeuse se renouvelle en touchant la simplicité de tes langes. Jésus hostie, Jésus enfant, tu es le roi des enfants ! Je me donne à toi pour être un autre enfant comme toi-même, touchant les portes que tu traversas en Marie dans la victoire de la lumière sur toutes les opacités du corps humain, et établissant ma vie dans ses entrailles immaculées, contemplatives et saintes, d’où tu es sorti pour me préparer une place. Là, tu étais le pain nourrissant de Dieu le Père et de toutes les contemplations spirituelles, là tu me feras hostie, tu me feras toi-même un autre toi-même…