SOMME THÉOLOGIQUE Ia IIae Pars
SAINT THOMAS D’AQUIN, Docteur des
docteurs de l'Eglise
Edition numérique: bibliothèque de l’édition du Cerf, 1999
Mise
à disposition du site sur les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
http://docteurangelique.free.fr, 2004
QUESTION 1: LA FIN ULTIME DE LA
VIE HUMAINE
ARTICLE 1: Appartient-il à l'homme
d'agir pour une fin?
ARTICLE 2: Agir pour une fin
est-il propre à la nature raisonnable?
ARTICLE 3: Les actes humains
reçoivent-ils leur espèce de leur fin?
ARTICLE 4: Y a-t-il une fin
ultime de la vie humaine?
ARTICLE 5: Le même homme peut-il
avoir plusieurs fins ultimes?
ARTICLE 6: L'homme ordonne-t-il
toutes choses à sa fin ultime?
ARTICLE 7: La fin ultime est-elle
la même pour tous les hommes?
ARTICLE 8: Toutes les autres
créatures se rejoignent-elles dans cette fin ultime?
QUESTION 2: EN QUELS BIENS
CONSISTE LA BÉATITUDE?
ARTICLE 1: La béatitude
consiste-t-elle dans les richesses?
ARTICLE 2: La béatitude
consiste-t-elle dans les honneurs?
ARTICLE 3: La béatitude
consiste-t-elle dans la renommée ou la gloire?
ARTICLE 4: La béatitude consiste-t-elle
dans la puissance?
ARTICLE 5: La béatitude
consiste-t-elle en quelque bien du corps?
ARTICLE 6: La béatitude consiste-t-elle
dans le plaisir?
ARTICLE 7: La béatitude
consiste-t-elle dans quelque bien de l'âme?
ARTICLE 8: La béatitude consiste-t-elle
en quelque bien créé?
QUESTION 3: QU'EST-CE QUE LA
BÉATITUDE?
ARTICLE 1: La béatitude est-elle
une réalité incréée?
ARTICLE 2: Si la béatitude est
une réalité créée, est-elle une activité?
ARTICLE 5: La béatitude est-elle
une activité de l'intellect spéculatif ou de l'intellect pratique?
ARTICLE 6: La béatitude consiste-t-elle
dans la considération des sciences spéculatives?
ARTICLE 8: La béatitude
consiste-t-elle dans la vision de l'essence divine?
QUESTION 4: LES CONDITIONS
REQUISES POUR LA BÉATITUDE
ARTICLE 1: La délectation
est-elle requise pour la béatitude?
ARTICLE 2: Quel est le principal
dans la béatitude: la délectation ou la vision?
ARTICLE 3: La compréhension
est-elle requise pour la béatitude?
ARTICLE 4: La rectitude de la
volonté est-elle requise pour la béatitude?
ARTICLE 5: Le corps est-il requis
pour la béatitude de l'homme?
ARTICLE 6: La perfection du corps
est-elle requise pour la béatitude?
ARTICLE 7: Certains biens
extérieurs sont-ils requis pour la béatitude?
ARTICLE 8: Une société d'amis est-elle
requise pour la béatitude?
QUESTION 5: L'OBTENTION DE LA
BÉATITUDE
ARTICLE 1: L'homme peut-il
obtenir la béatitude?
ARTICLE 2: Un homme peut-il avoir
plus de béatitude qu'un autre?
ARTICLE 3: Un homme peut-il être
bienheureux en cette vie?
ARTICLE 4: La béatitude une fois
possédée peut-elle être perdue?
ARTICLE 5: L'homme peut-il
acquérir la béatitude par ses forces naturelles?
ARTICLE 6: L'homme obtient-il la
béatitude par l'action d'une créature supérieure?
ARTICLE 8: Tout homme désire-t-il
la béatitude?
QUESTION 6: LE VOLONTAIRE ET
L'INVOLONTAIRE
ARTICLE 1: Trouve-t-on du
volontaire dans les actes humains?
ARTICLE 2: Trouve-t-on du
volontaire chez les bêtes?
ARTICLE 3: Le volontaire peut-il
exister sans aucun acte?
ARTICLE 4: Peut-on faire violence
à la volonté?
ARTICLE 5: La violence est-elle
cause d'involontaire?
ARTICLE 6: La crainte est-elle
cause d'involontaire?
ARTICLE 7: La convoitise est-elle
cause d'involontaire?
ARTICLE 8: L'ignorance est-elle
cause d'involontaire?
QUESTION 7: LES CIRCONSTANCES DES
ACTES HUMAINS
ARTICLE 1: Qu'entend-on par
circonstances?
ARTICLE 2: Le théologien doit-il
prêter attention aux circonstances des actes humains?
ARTICLE 3: Combien y a-t-il de
circonstances?
ARTICLE 4: Parmi les
circonstances, lesquelles sont les plus fondamentales?
QUESTION 8: L'OBJET DU VOULOIR
ARTICLE 1: La volonté n'a-t-elle
pour objet que le bien?
ARTICLE 2: La volonté
porte-t-elle seulement sur la fin, ou aussi sur les moyens?
ARTICLE 3: Est-ce d'un seul
mouvement que la volonté se porte vers la fin et vers les moyens?
QUESTION 9: LE PRINCIPE MOTEUR DE
LA VOLONTÉ
ARTICLE 1: La volonté est-elle
mue par l'intelligence?
ARTICLE 2: La volonté est-elle
mue par l'appétit sensitif?
ARTICLE 3: Est-ce que la volonté
se meut elle-même?
ARTICLE 4: La volonté est-elle
mue par un principe extérieur?
ARTICLE 5: La volonté est-elle
mue par un corps céleste?
ARTICLE 6: La volonté est-elle
mue par Dieu seul en qualité de principe extérieur?
QUESTION 10: LE MODE DE
L'ACTIVITÉ VOLONTAIRE
ARTICLE 1: La volonté est-elle
mue vers quelque chose par nature?
ARTICLE 2: La volonté est-elle
mue de façon nécessaire par son objet?
ARTICLE 3: La volonté est-elle
mue de façon nécessaire par l'appétit inférieur?
ARTICLE 4: La volonté est-elle
mue de façon nécessaire par un moteur extérieur qui est Dieu?
QUESTION 11: LA JOUISSANCE, ACTE
DE LA VOLONTÉ
ARTICLE 1: Jouir est-il un acte
de la puissance appétitive?
ARTICLE 2: Jouir est-il propre à
la seule créature raisonnable ou aussi aux bêtes?
ARTICLE 3: Ne jouit-on que de la
fin ultime?
ARTICLE 4: N'y a-t-il jouissance
que si la fin est possédée?
ARTICLE 1: L'intention est-elle
un acte de l'intelligence, ou de la volonté?
ARTICLE 2: L'intention
porte-t-elle seulement sur la fin ultime?
ARTICLE 3: Peut-on porter son
intention sur deux choses à la fois?_
ARTICLE 4: L'intention de la fin
et la volonté des moyens sont-ils un seul et même acte?
ARTICLE 5: L'intention
convient-elle aux bêtes?
QUESTION 13: LE CHOIX, ACTE DE LA
VOLONTÉ A L'ÉGARD DES MOYENS
ARTICLE 1: Le choix est-il un
acte de la volonté, ou de la raison?_
ARTICLE 2: Le choix convient-il
aux bêtes?
ARTICLE 3: Le choix porte-t-il
seulement sur les moyens ou quelquefois aussi sur la fin?
ARTICLE 4: Le choix ne porte-t-il
que sur les actions accomplies par nous?
ARTICLE 5: Le choix ne porte-t-il
que sur des choses possibles?
ARTICLE 6: L'homme choisit-il de
façon nécessaire, ou librement?
QUESTION 14: LA DÉLIBÉRATION QUI
PRÉCÈDE LE CHOIX
ARTICLE 1: La délibération
est-elle une enquête?
ARTICLE 2: La délibération
a-t-elle pour objet la fin, ou seulement les moyens?
ARTICLE 3: La délibération ne
porte-t-elle que sur les actions accomplies par nous?
ARTICLE 4: La délibération
porte-t-elle sur toutes nos actions?_
ARTICLE 5: La délibération
procède-t-elle par voie d'analyse?
ARTICLE 6: La délibération
procède-t-elle à l'infini?
QUESTION 15: LE CONSENTEMENT,
ACTE DE LA VOLONTÉ À L'ÉGARD DES MOYENS
ARTICLE 1: Le consentement est-il
l'acte d'une puissance appétitive ou cognitive?
ARTICLE 2: Le consentement
convient-il aux bêtes?
ARTICLE 3: Le consentement
porte-t-il sur la fin ou sur les moyens?
ARTICLE 4: Le consentement à
l'acte appartient-il seulement à la partie supérieure de l'âme?
QUESTION 16: L'USAGE, QUI EST
L'ACTE DE LA VOLONTÉ RELATIVEMENT AUX MOYENS
ARTICLE 1: L'usage est-il un acte
de la volonté?
ARTICLE 2: L'usage convient-il
aux bêtes?
ARTICLE 3: L'usage porte-t-il sur
les moyens seulement, ou aussi sur la fin?
ARTICLE 4: Quel rapport y a-t-il
entre l'usage et le choix?
QUESTION 17: LES ACTES COMMANDÉS
PAR LA VOLONTÉ
ARTICLE 1: Le commandement est-il
un acte de la volonté ou bien de la raison?
ARTICLE 2: Le commandement
appartient-il aux bêtes?
ARTICLE 3: Quel est le rapport du
commandement avec l'usage?
ARTICLE 4: Le commandement et
l'acte commandé sont-ils un seul acte, ou des actes différents?
ARTICLE 5: L'acte de la volonté
est-il commandé?
ARTICLE 6: L'acte de la raison
peut-il être commandé?
ARTICLE 7: L'acte de l'appétit
sensible peut-il être commandé?
ARTICLE 8: L'acte de l'âme
végétative est-il commandé?
ARTICLE 9: Les actes des membres
extérieurs sont-ils commandés?
QUESTION 18: LA BONTÉ ET LA
MALICE DES ACTES HUMAINS EN GÉNÉRAL
ARTICLE 1: Tout action humaine
est-elle bonne, ou y en a-t-il qui soient mauvaises?
ARTICLE 2: La bonté ou la malice
de l'action humaine lui vient-elle de son objet?
ARTICLE 3: La bonté ou la malice
des actions humaines leur vient-elle des circonstances?
ARTICLE 4: La bonté ou la malice
de l'action humaine lui vient-elle de la fin?
ARTICLE 5: Y a-t-il des actions
humaines qui soient bonnes ou mauvaises selon leur espèce?
ARTICLE 6: Cette spécification en
bien ou en mal vient-elle de la fin?_
ARTICLE 8: Y a-t-il des actes
humains indifférents selon leur espèce?
ARTICLE 9: Y a-t-il des actes
individuels qui soient indifférents?_
QUESTION 19: LA BONTÉ ET LA
MALICE DE L'ACTE INTÉRIEUR DE LA VOLONTÉ
ARTICLE 1: La bonté de la volonté
dépend-elle de l'objet?
ARTICLE 2: La bonté de la volonté
ne dépend-elle que de l'objet?
ARTICLE 3: La bonté de la volonté
dépend-elle de la raison?
ARTICLE 4: La bonté de la volonté
dépend-elle de la loi éternelle?
ARTICLE 5: La raison erronée
oblige-t-elle?
ARTICLE 6: La volonté qui,
suivant la raison erronée, va contre la loi de Dieu, est-elle mauvaise?
ARTICLE 7: La bonté de la
volonté, relativement aux moyens, dépend-elle de l'intention de la fin?
ARTICLE 9: La bonté de la volonté
dépend-elle de sa conformité à la volonté divine?
QUESTION 20: LA BONTÉ ET LA
MALICE DES ACTES HUMAINS EXTÉRIEURS
ARTICLE 4: L'acte extérieur
ajoute-t-il quelque chose à la bonté ou à la malice de l'acte intérieur?
ARTICLE 6: Le même acte extérieur
peut-il être bon et mauvais?
QUESTION 21: LES CONSÉQUENCES DES
ACTES HUMAINS RELATIVEMENT À LEUR BONTÉ ET À LEUR MALICE
ARTICLE 1: L'acte humain, en tant
qu'il est bon ou mauvais, a-t-il raison de rectitude ou de péché?
ARTICLE 2: L'acte humain, en tant
qu'il est bon ou mauvais, est-il louable ou coupable?
ARTICLE 3: L'acte humain, en tant
qu'il est bon ou mauvais, entraîne-t-il mérite ou démérite?
QUESTION 22: LE SIÈGE DES
PASSIONS
ARTICLE 1: Y a-t-il des passions
dans l'âme?
QUESTION 23: COMMENT LES PASSIONS
SE DISTINGUENT ENTRE ELLES
ARTICLE 1: Les passions du
concupiscible diffèrent-elles des passions de l'irascible?
ARTICLE 4: Y a-t-il des habitus dans
l'intelligence elle-même?
ARTICLE 5: Y a-t-il des habitus dans la
volonté?
ARTICLE 6: Y a-t-il des habitus dans les
substances séparées?
ARTICLE 1: Y a-t-il des habitus
engendrés par la nature?
ARTICLE 2: Y a-t-il des habitus
qui soient causés par des actes?
ARTICLE 3: Un habitus peut-il
être engendré par un seul acte?
ARTICLE 4: Y a-t-il des habitus
infusés dans l'homme par Dieu?
ARTICLE 3: Y a-t-il une passion
qui n'ait pas de contraire?
QUESTION 24: LE BIEN ET LE MAL
DANS LES PASSIONS
ARTICLE 1: Peut-on trouver du
bien ou du mal moral dans les passions?
ARTICLE 2: Toute passion est-elle
mauvaise moralement?
ARTICLE 3: Toute passion
augmente-t-elle ou diminue-t-elle la bonté ou la malice de l'acte?
ARTICLE 4: Existe-t-il une
passion qui soit bonne ou mauvaise par son espèce?
QUESTION 25: L'ORDRE DES PASSIONS
ENTRE ELLES
ARTICLE 1: L'ordre des passions
de l'irascible par rapport à celles du concupiscible
ARTICLE 2: L'ordre des passions
du concupiscible entre elles
ARTICLE 3: L'ordre des passions
de l'irascible entre elles
ARTICLE 4: Les quatre passions
principales
ARTICLE 1: L'amour est-il dans le
concupiscible?
ARTICLE 2: L'amour est-il une
passion?
ARTICLE 3: L'amour est-il
identique à la dilection?
ARTICLE 4: A-t-on raison de
distinguer amour d'amitié, et amour de convoitise?
QUESTION 27: LA CAUSE DE L'AMOUR
ARTICLE 1: Le bien est-il la
seule cause de l'amour?
ARTICLE 2: La connaissance
est-elle cause de l'amour?
ARTICLE 3: La ressemblance est-elle
cause de l'amour?
ARTICLE 4: Y a-t-il une autre
passion qui soit cause de l'amour?
QUESTION 28: LES EFFETS DE L'AMOUR
ARTICLE 1: L'union est-elle un
effet de l'amour?
ARTICLE 2: L'inhabitation
mutuelle est-elle un effet de l'amour?
ARTICLE 3: L'extase est-elle un
effet de l'amour?
ARTICLE 4: La jalousie est-elle
un effet de l'amour?
ARTICLE 5: L'amour est-il une
passion qui blesse celui qui aime?
ARTICLE 6: L'amour est-il la
cause de tout ce qu'on fait quand on aime?
ARTICLE 1: Le mal est-il la cause
et l'objet de la haine?
ARTICLE 2: La haine est-elle
causée par l'amour?
ARTICLE 3: La haine est-elle plus
forte que l'amour?
ARTICLE 4: Peut-on se haïr
soi-même?
ARTICLE 5: Peut-on haïr la
Vérité?
ARTICLE 6: Peut-on haïr quelque
chose de façon universelle?
ARTICLE 1: La convoitise est-elle
seulement dans l'appétit sensible?
ARTICLE 2: La convoitise est-elle
une passion spéciale?
ARTICLE 3: Y a-t-il des
convoitises naturelles et des convoitises qui ne le sont pas?
ARTICLE 4: La convoitise est-elle
infinie?
QUESTION 31: LE PLAISIR EN
LUI-MÊME
ARTICLE 1: Le plaisir est-il une
passion?
ARTICLE 2: Le plaisir est-il dans
le temps?
ARTICLE 3: Le plaisir
diffère-t-il de la joie?
ARTICLE 4: Le plaisir est-il dans
l'appétit intellectuel?
ARTICLE 6: Comment classer les
plaisirs sensibles?
ARTICLE 7: Y a-t-il un plaisir
qui ne soit pas naturel?
ARTICLE 8: Le plaisir peut-il
être contraire au plaisir?
QUESTION 32: LA CAUSE DU PLAISIR
ARTICLE 1: L'action est-elle la
cause propre du plaisir?
ARTICLE 2: Le mouvement est-il
cause de plaisir?
ARTICLE 3: L'espoir et le
souvenir sont-ils cause de plaisir?
ARTICLE 4: La tristesse est-elle
cause de plaisir?
ARTICLE 5: Les actions des autres
sont-elles pour nous cause de plaisir?
ARTICLE 6: Faire du bien à autrui
est-il une cause de plaisir?
ARTICLE 7: La ressemblance
est-elle cause de plaisir?
ARTICLE 8: L'étonnement est-il
cause de plaisir?
QUESTION 33: LES EFFETS DU
PLAISIR
ARTICLE 1: Le plaisir est-il
cause de dilatation?
ARTICLE 2: Le plaisir cause-t-il
la soif ou le désir de lui-même?
ARTICLE 3: Le plaisir
empêche-t-il l'exercice de la raison?_
ARTICLE 4: Le plaisir
perfectionne-t-il l'action?
QUESTION 34: BONTÉ ET MALICE DES
PLAISIRS
ARTICLE 1: Tout plaisir est-il
mauvais?
ARTICLE 2: Étant admis que non,
tout plaisir est-il bon?
ARTICLE 3: Existe-t-il un plaisir
optimal?
ARTICLE 4: Le plaisir est-il la
mesure ou la règle selon laquelle on juge du bien ou du mal moral?
QUESTION 35: LA DOULEUR OU
TRISTESSE EN ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La douleur est-elle
une passion de l'âme?
ARTICLE 2: La tristesse est-elle
identique à la douleur?
ARTICLE 3: La tristesse ou
douleur est-elle contraire au plaisir?
ARTICLE 4: Toute tristesse
est-elle contraire à tout plaisir?
ARTICLE 5: Y a-t-il une tristesse
contraire au plaisir de la contemplation?
ARTICLE 6: Faut-il fuir la
tristesse plus que désirer le plaisir?
ARTICLE 7: La douleur extérieure
est-elle plus grande que la douleur intérieure?
ARTICLE 8: Les espèces de
tristesse
QUESTION 36: LES CAUSES DE LA
TRISTESSE OU DOULEUR
ARTICLE 1: La cause de la douleur
est-elle le bien perdu, ou plutôt le mal conjoint?
ARTICLE 2: La convoitise est-elle
cause de douleur?
ARTICLE 3: Le désir de l'unité
est-il cause de douleur?
ARTICLE 4: Le pouvoir auquel on
ne peut résister est-il cause de douleur?
QUESTION 37: LES EFFETS DE LA
DOULEUR OU TRISTESSE
ARTICLE 1: La douleur
supprime-t-elle la faculté d'apprendre?
ARTICLE 2: L'accablement de
l'esprit est-il un effet de la tristesse ou douleur?
ARTICLE 3: La tristesse ou
douleur affaiblit-elle toute activité?
ARTICLE 4: La tristesse nuit-elle
au corps plus que les autres passions de l'âme?
QUESTION 38: LES REMÈDES À LA
TRISTESSE OU DOULEUR
ARTICLE 1: La douleur ou tristesse
est-elle atténuée par n'importe quel plaisir?
ARTICLE 2: La douleur ou
tristesse est-elle atténuée par les larmes?
ARTICLE 3: La douleur ou
tristesse est-elle atténuée par la compassion des amis?
ARTICLE 4: La douleur ou
tristesse est-elle atténuée par la contemplation de la vérité?
ARTICLE 5: La douleur ou
tristesse est-elle adoucie par le sommeil ou les bains?
QUESTION 39: BONTÉ ET MALICE DE
LA TRISTESSE OU DOULEUR
ARTICLE 1: Toute tristesse
est-elle un mal?
ARTICLE 2: La tristesse peut-elle
être un bien honnête?
ARTICLE 3: La tristesse peut-elle
être un bien utile?
ARTICLE 4: La douleur corporelle
est-elle le souverain mal?
QUESTION 40: L'ESPOIR ET LE
DÉSESPOIR
ARTICLE 1: L'espoir est-il la
même chose que le désir ou avidité?
ARTICLE 2: L'espoir est-il dans
la faculté de la connaissance, ou dans celle de l'appétit?
ARTICLE 3: L'espoir existe-t-il
chez les bêtes?
ARTICLE 4: L'espoir a-t-il pour
contraire le désespoir?
ARTICLE 5: L'expérience est-elle
une cause d'espoir?
ARTICLE 6: Les jeunes et les gens
ivres regorgent-ils d'espoir?
ARTICLE 7: Le rapport entre
l'espoir et l'amour
ARTICLE 8: L'espoir aide-t-il à
l'action?
QUESTION 41: LA CRAINTE EN
ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La crainte est-elle
une passion de l'âme?
ARTICLE 2: La crainte est-elle
une passion spéciale?
ARTICLE 3: Y a-t-il une crainte
naturelle?
ARTICLE 4: Les espèces de la
crainte
QUESTION 42: L'OBJET DE LA
CRAINTE
ARTICLE 1: Est-ce le bien qui est
l'objet de la crainte, ou le mal?
ARTICLE 2: Le mal de nature
est-il objet de crainte?
ARTICLE 3: La crainte peut-elle
avoir pour objet le mal du péché?
ARTICLE 4: Peut-on craindre la
crainte elle-même?
ARTICLE 5: Craint-on davantage
les maux imprévus?
ARTICLE 6: Craint-on davantage
les maux irrémédiables?
QUESTION 43: LA CAUSE DE LA
CRAINTE
ARTICLE 1: L'amour cause-t-il la
crainte?
ARTICLE 2: L'insuffisance
cause-t-elle la crainte?
QUESTION 44: LES EFFETS DE LA
CRAINTE
ARTICLE 1: La crainte a-t-elle un
effet de contraction?
ARTICLE 2: La crainte
pousse-t-elle à délibérer?
ARTICLE 3: La crainte fait-elle
trembler?
ARTICLE 4: La crainte
empêche-t-elle d'agir?
ARTICLE 1: L'audace est-elle
contraire à la crainte?
ARTICLE 2: Quel rapport l'audace
a-t-elle avec l'espoir?
ARTICLE 3: La cause de l'audace
ARTICLE 4: L'effet de l'audace
QUESTION 46: LA COLÈRE ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La colère est-elle une
passion spéciale?
ARTICLE 2: L'objet de la colère
est-il le bien, ou le mal?
ARTICLE 3: La colère est-elle
dans le concupiscible?
ARTICLE 4: La colère
s'accompagne-t-elle de raison?
ARTICLE 5: La colère est-elle
plus naturelle que la convoitise?
ARTICLE 6: La colère est-elle
plus impitoyable que la haine?
ARTICLE 7: La colère vise-t-elle
seulement ceux auxquels nous lie la justice?
ARTICLE 8: Les espèces de la
colère
QUESTION 47: LA CAUSE EFFECTIVE
DE LA COLÈRE ET SES REMÈDES
ARTICLE 1: Le motif de la colère
est-il toujours une action faite contre celui qui s'irrite?
ARTICLE 2: Le mépris ou la
mésestime est-il le seul motif de la colère?
ARTICLE 3: La cause de la colère
chez celui qui s'irrite
ARTICLE 4: La cause de la colère
chez celui qui la subit
QUESTION 48: LES EFFETS DE LA
COLÈRE
ARTICLE 1: La colère cause-t-elle
du plaisir?
ARTICLE 2: La colère cause-t-elle
plus qu'autre chose l'effervescence du coeur?
ARTICLE 3: La colère
empêche-t-elle plus qu'autre chose l'usage de la raison?
ARTICLE 4: La colère rend-elle
taciturne?
QUESTION 49: LA NATURE DES
HABITUS
ARTICLE 1: L'habitus est-il une
qualité?
ARTICLE 2: L'habitus est-il une
espèce déterminée de la qualité?
ARTICLE 3: L'habitus
implique-t-il une tendance à l'action?
ARTICLE 4: La nécessité des
habitus
QUESTION 50: LE SIÈGE DES HABITUS
ARTICLE 1: Y a-t-il des habitus
dans le corps?
ARTICLE 2: L'âme est-elle le
siège d'habitus dans son essence, ou dans une puissance?
ARTICLE 3: Peut-il y avoir des
habitus dans les puissances sensibles?
ARTICLE 4: Y a-t-il des habitus
dans l'intelligence elle-même?
ARTICLE 5: Y a-t-il des habitus
dans la volonté?
ARTICLE 6: Y a-t-il des habitus
dans les substances séparées?
QUESTION 51: LA GÉNÉRATION DES
HABITUS
ARTICLE 1: Y a-t-il des habitus
engendrés par la nature?
ARTICLE 2: Y a-t-il des habitus
qui soient causés par des actes?
ARTICLE 3: Un habitus peut-il
être engendré par un seul acte?
ARTICLE 4: Y a-t-il des habitus
infusés dans l'homme par Dieu?
QUESTION 52: LA CROISSANCE DES
HABITUS
ARTICLE 1: Les habitus
s'accroissent-ils?
ARTICLE 2: Les habitus
s'accroissent-ils par addition?
ARTICLE 3: Est-ce que n'importe
quel acte accroît l'habitus?
QUESTION 53: LA DIMINUTION ET LA
DESTRUCTION DES HABITUS
ARTICLE 1: L'habitus peut-il
disparaître?
ARTICLE 2: L'habitus peut-il
diminuer?
ARTICLE 3: La manière dont
l'habitus peut disparaître ou diminuer
QUESTION 54: LA DISTINCTION DES
HABITUS
ARTICLE 1: Peut-il exister
plusieurs habitus dans une seule puissance?
ARTICLE 2: Les habitus se
distinguent-ils d'après leurs objets?_
ARTICLE 3: Les habitus se
distinguent-ils selon le bien et le mal?
ARTICLE 4: Un habitus est-il
constitué de plusieurs?
QUESTION 55: L'ESSENCE DE LA
VERTU
ARTICLE 1: La vertu humaine
est-elle un habitus?
ARTICLE 2: La vertu humaine
est-elle un habitus d'action?
ARTICLE 3: La vertu humaine
est-elle un habitus bon?
ARTICLE 4: définition de la vertu
QUESTION 56: LE SIÈGE DE LA VERTU
ARTICLE 1: La vertu a-t-elle pour
siège une puissance de l'âme?
ARTICLE 2: Une seule vertu
peut-elle résider dans plusieurs puissances?
ARTICLE 3: L'intelligence
peut-elle être le siège de la vertu?_
ARTICLE 4: L'irascible et le
concupiscible peuvent-ils être le siège de la vertu?
ARTICLE 5: Les facultés de
connaissance sensible peuvent-elles être le siège de la vertu?
ARTICLE 6: La volonté peut-elle
être le siège de la vertu?
QUESTION 57: LES VERTUS
INTELLECTUELLES
ARTICLE 1: Les habitus
intellectuels spéculatifs sont-ils des vertus?
ARTICLE 3: Cet habitus
intellectuel qu'est l'art, est-il une vertu?
ARTICLE 4: La prudence est-elle
une vertu distincte de l'art?
ARTICLE 5: La prudence est-elle
une vertu nécessaire à l'homme?
ARTICLE 6: Le bon conseil, le bon
sens, l'équité sont-ils des vertus annexes de la prudence?
QUESTION 58: LA DISTINCTION ENTRE
VERTUS MORALES ET VERTUS INTELLECTUELLES
ARTICLE 1: Toute vertu est-elle
une vertu morale?
ARTICLE 2: La vertu morale
est-elle distincte de la vertu intellectuelle?
ARTICLE 3: Suffit-il de
distinguer vertu intellectuelle et vertu morale?
ARTICLE 4: La vertu morale
peut-elle exister sans vertu intellectuelle?
ARTICLE 5: La vertu
intellectuelle peut-elle exister sans vertu morale?
QUESTION 59: LES RELATIONS ENTRE
LES VERTUS MORALES ET LA PASSION
ARTICLE 1: La vertu morale
est-elle la passion?
ARTICLE 2: La vertu morale
peut-elle être accompagnée de passion?
ARTICLE 3: La vertu morale
peut-elle être accompagnée de tristesse?
ARTICLE 4: Est-ce que toute vertu
morale concerne une passion?
ARTICLE 5: Une vertu morale
peut-elle exister sans passion?
QUESTION 60: LA DISTINCTION ENTRE
LES VERTUS MORALES
ARTICLE 1: N'y a-t-il qu'une
seule vertu morale?
ARTICLE 3: Concernant les
opérations, n'y a-t-il qu'une seule vertu morale?
ARTICLE 4: Concernant les
différentes passions, y a-t-il différentes vertus morales?
ARTICLE 5: Les vertus morales se
distinguent-elles selon les différents objets des passions?
QUESTION 61: LES VERTUS
CARDINALES
ARTICLE 1: Les vertus morales
doivent-elles être appelées cardinales ou principales?
ARTICLE 2: Le nombre des vertus
cardinales
ARTICLE 3: Quelles sont les
vertus cardinales?
ARTICLE 4: Les vertus cardinales
diffèrent-elles les unes des autres?_
QUESTION 62: LES VERTUS
THÉOLOGALES
ARTICLE 1: Y a-t-il des vertus
théologales?
ARTICLE 3: Quel est le nombre et
la nature des vertus théologales?
ARTICLE 4: L'ordre des vertus
théologales
QUESTION 63: LA CAUSE DES VERTUS
ARTICLE 1: La vertu est-elle en
nous par nature?
ARTICLE 2: Quelque vertu est-elle
causée en nous par la répétition des actes?
ARTICLE 3: Certaines vertus
morales sont-elles en nous par infusion?
QUESTION 64: LE JUSTE MILIEU DES
VERTUS
ARTICLE 1: Les vertus morales
consistent-elles dans un juste milieu?
ARTICLE 2: Ce juste milieu de la
vertu morale est-il réel ou de raison?
ARTICLE 3: Les vertus intellectuelles
consistent-elles dans un juste milieu?
ARTICLE 4: Les vertus théologales
consistent-elles dans un juste milieu?
QUESTION 65: LA CONNEXION DES
VERTUS
ARTICLE 1: Les vertus morales
sont-elles connexes?
ARTICLE 2: Les vertus morales
peuvent-elles exister sans la charité?
ARTICLE 3: La charité peut-elle
exister sans les vertus morales?
ARTICLE 4: La foi et l'espérance
peuvent-elles exister sans la charité?
ARTICLE 5: La charité peut-elle
exister sans la foi et l'espérance?
QUESTION 66: L'ÉGALITÉ DES VERTUS
ARTICLE 1: La vertu peut-elle
être plus ou moins grande?
ARTICLE 2: Toutes les vertus
existant en même temps chez le même individu sont-elles égales?
ARTICLE 3: Comparaison des vertus
morales avec les vertus intellectuelles
ARTICLE 4: Comparaison des vertus
morales entre elles
ARTICLE 5: Comparaison des vertus
intellectuelles entre elles
ARTICLE 6: Comparaison des vertus
théologales entre elles
QUESTION 67: LA DURÉE DES VERTUS
APRÈS CETTE VIE
ARTICLE 1: Les vertus morales demeurent-elles
après cette vie?
ARTICLE 2: Les vertus
intellectuelles demeurent-elles après cette vie?
ARTICLE 3: La foi demeure-t-elle
après cette vie?
ARTICLE 4: L'espérance
demeure-t-elle après cette vie?
ARTICLE 5: Demeure-t-il quelque
chose de la foi, ou de l'espérance?
ARTICLE 6: La charité
demeure-t-elle après cette vie?
QUESTION 68: LES DONS DU
SAINT-ESPRIT
ARTICLE 1: Les dons sont-ils
différents des vertus?
ARTICLE 2: La nécessité des dons
ARTICLE 3: Les dons du
Saint-Esprit sont-ils des habitus?
ARTICLE 4: Quels sont les dons et
combien sont-ils?
ARTICLE 5: Les dons du
Saint-Esprit sont-ils connexes?
ARTICLE 6: Les dons du
Saint-Esprit demeurent-ils dans la patrie?
ARTICLE 7: Les rapports mutuels
entre les dons
ARTICLE 8: Le rapport des dons
avec les vertus
ARTICLE 1: Les béatitudes se
distinguent-elles des dons et des vertus?
ARTICLE 2: Les récompenses des
béatitudes appartiennent-elles à cette vie?
ARTICLE 3: Le nombre des
béatitudes
ARTICLE 4: La convenance des
récompenses attribuées aux béatitudes
QUESTION 70: LES FRUITS DU
SAINT-ESPRIT
ARTICLE 1: Les fruits du
Saint-Esprit sont-ils des actes?
ARTICLE 2: Les fruits
diffèrent-ils des béatitudes?
ARTICLE 3: Le nombre des fruits
ARTICLE 4: L'opposition des
fruits aux oeuvres de la chair
QUESTION 71: LA NATURE DU PÉCHÉ
ARTICLE 1: Le vice est-il le
contraire de la vertu?
ARTICLE 2: Le vice est-il
contraire à la nature?
ARTICLE 3: Quel est le pire: le
vice ou l'acte vicieux?
ARTICLE 4: L'acte vicieux peut-il
coexister avec la vertu?
ARTICLE 5: En tout péché y a-t-il
un acte?
QUESTION 72: LA DISTINCTION ENTRE
LES PÉCHÉS
ARTICLE 1: Les péchés se
distinguent-ils spécifiquement par leurs objets?
ARTICLE 2: La distinction entre
péchés de l'esprit et péchés de la chair
ARTICLE 3: Les péchés se
distinguent-ils d'après leurs causes?_
ARTICLE 4: Les péchés se
distinguent-ils d'après les personnes qu'ils visent?
ARTICLE 5: Les péchés se
distinguent-ils d'après la diversité de leur dette de peine?
ARTICLE 6: Les péchés se
distinguent-ils selon omission et commission?
ARTICLE 7: Les péchés se
distinguent-ils selon leurs divers degrés de réalisation?
ARTICLE 8: Les péchés se
distinguent-ils selon excès ou défaut?
ARTICLE 9: Les péchés se
distinguent-ils selon des circonstances diverses?
QUESTION 73: LA COMPARAISON DES
PÉCHÉS ENTRE EUX
ARTICLE 1: Tous les péchés et les
vices sont-ils connexes?
ARTICLE 2: Tous les péchés et les
vices sont-ils égaux?
ARTICLE 3: La gravité des péchés
et des vices est-elle évaluée selon leurs objets?
ARTICLE 5: Les péchés de la chair
sont-ils plus graves que ceux de l'esprit?
ARTICLE 6: La gravité des péchés
est-elle évaluée selon leur cause?
ARTICLE 7: La gravité des péchés
et des vices est-elle évaluée selon les circonstances?
ARTICLE 8: La gravité des péchés
et des vices est-elle évaluée selon l'importance de leur nocivité?
ARTICLE 10: Le péché est-il
aggravé par la haute situation du pécheur?
QUESTION 74: LE SIÈGE DU PÉCHÉ
ARTICLE 1: La volonté peut-elle
être le siège du péché?
ARTICLE 2: La volonté seule
est-elle le siège du péché?
ARTICLE 3: La sensualité
peut-elle être le siège du péché?
ARTICLE 4: La sensualité
peut-elle être le siège du péché mortel?
ARTICLE 5: La raison peut-elle
être le siège du péché?
ARTICLE 6: Est-ce dans la raison
inférieure que réside la délectation prolongée ou non?
ARTICLE 7: Est-ce dans la raison
supérieure que réside le consentement à l'acte?
ARTICLE 8: La raison inférieure
peut-elle être le siège du péché mortel?
ARTICLE 9: La raison supérieure
peut-elle être le siège du péché véniel?
QUESTION 75: LES CAUSES DU PÉCHÉ
CONSIDÉRÉES EN GÉNÉRAL
ARTICLE 1: Le péché a-t-il une
cause?
ARTICLE 2: Le péché a-t-il une
cause intérieure?
ARTICLE 3: Le péché a-t-il une
cause extérieure?
ARTICLE 4: Le péché est-il cause
de péché?
QUESTION 76: LE PÉCHÉ D'IGNORANCE
ARTICLE 1: L'ignorance est-elle
cause de péché?
ARTICLE 2: L'ignorance est-elle
un péché?
ARTICLE 3: L'ignorance
excuse-t-elle complètement du péché?_
ARTICLE 4: L'ignorance
diminue-t-elle le péché?
QUESTION 77: LE PÉCHÉ DE PASSION
ARTICLE 1: La passion de
l'appétit sensible peut-elle mouvoir ou incliner la volonté?
ARTICLE 2: La passion peut-elle
dominer la raison contre le savoir de celle-ci?
ARTICLE 3: Le péché qui vient de
la passion est-il un péché de faiblesse?
ARTICLE 4: Cette passion qu'est
l'amour de soi est-elle cause de tous les péchés?
ARTICLE 6: La passion qui est
cause du péché, le diminue-t-elle?
ARTICLE 7: La passion excuse-t-elle
entièrement?
ARTICLE 8: Le péché de passion
peut-il être mortel?
QUESTION 78: LE PÉCHÉ DE MALICE
ARTICLE 1: Peut-on pécher par
malice volontaire, autrement dit par calcul?
ARTICLE 2: Celui qui pèche par
habitus pèche-t-il par malice volontaire?
ARTICLE 3: Celui qui pèche par
malice volontaire pèche-t-il par habitus?
ARTICLE 4: Celui qui pèche par
malice volontaire pèche-t-il plus gravement que par passion?
QUESTION 79: LA CAUSE DU PÉCHÉ DU
CÔTÉ DE DIEU
ARTICLE 1: Dieu est-il cause du péché?
ARTICLE 2: L'acte du péché
vient-il de Dieu?
ARTICLE 3: Dieu est-il cause de
l'aveuglement et de l'endurcissement de certains?
ARTICLE 4: L'aveuglement et
l'endurcissement sont-ils ordonnés au salut des pécheurs?
QUESTION 80: LA CAUSE DU PÉCHÉ DU
COTÉ DU DIABLE
ARTICLE 1: Le diable est-il
directement cause du péché?
ARTICLE 2: Le diable induit-il à
pécher par suggestion intérieure?
ARTICLE 3: Le diable peut-il
mettre dans la nécessité de pécher?
ARTICLE 4: Tous les péchés
proviennent-ils de la suggestion du diable?
QUESTION 81: LA TRANSMISSION DU
PÉCHÉ ORIGINEL
ARTICLE 1: Le premier péché de
l’homme se transmet-il à la postérité par voie d'origine?
ARTICLE 3: Le péché originel
est-il transmis à tous ceux qui descendent charnellement d’Adam?
QUESTION 82: LE PÉCHÉ ORIGINEL:
SON ESSENCE
ARTICLE 1: Le péché originel
est-il un habitus?
ARTICLE 2: N'y a-t-il en chaque
homme qu'un seul péché originel?
ARTICLE 3: Le péché originel
est-il la convoitise?
ARTICLE 4: Le péché originel
existe-t-il également chez tous?
QUESTION 83: LE PÉCHÉ ORIGINEL:
SON SIÈGE EN NOUS
ARTICLE 1: Le sujet du péché
originel est-il d'abord la chair, ou bien l'âme?
ARTICLE 2: Le péché originel
est-il dans l'essence de l'âme avant d'être dans ses puissances?
ARTICLE 3: Le péché originel
a-t-il pour siège la volonté avant les autres puissances?
QUESTION 84: LES PÉCHÉS CAPITAUX
ARTICLE 1: La cupidité est-elle
la racine de tous les péchés?
ARTICLE 2: L'orgueil est-il le
commencement de tout péché?
ARTICLE 4: Combien y a-t-il de
péchés capitaux, et quels sont-ils?
QUESTION 85: LA CORRUPTION DU
BIEN DE LA NATURE
ARTICLE 1: Le bien de la nature
est-il diminué par le péché?
ARTICLE 2: Le bien de la nature
peut-il être totalement supprimé par le péché?
ARTICLE 3: Les quatre blessures
qui, selon Bède, ont frappé la nature humaine à cause du péché
ARTICLE 4: La privation de
mesure, de beauté et d'ordre est-elle l'effet du péché?
ARTICLE 5: La mort et les autres
défauts corporels sont-ils des effets du péché?
ARTICLE 6: Ces défauts sont-ils
de quelque manière naturels à l'homme?
QUESTION 86: LA TACHE DU PÉCHÉ
ARTICLE 1: La tache de l'âme
est-elle un effet du péché?
ARTICLE 2: Cette tache
demeure-t-elle dans l'âme après l'acte du péché?
QUESTION 87: LA DETTE DE PEINE,
EN ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La dette de peine
est-elle un effet du péché?
ARTICLE 2: Un péché peut-il être
la peine d'un autre?
ARTICLE 3: Y a-t-il un péché qui
rende passible d'une peine éternelle?_
ARTICLE 4: Y a-t-il un péché qui
rende passible d'une peine infinie en grandeur?
ARTICLE 5: Tout péché rend-il
passible d'une peine éternelle et infinie?
ARTICLE 6: La dette de peine
peut-elle demeurer après le péché?
ARTICLE 7: Toute peine est-elle
infligée pour un péché?
ARTICLE 8: Quelqu'un peut-il être
tenu à une peine pour le péché d'autrui?
QUESTION 88: LE PÉCHÉ VÉNIEL
COMPARÉ AU PÉCHÉ MORTEL
ARTICLE 1: Convient-il d'opposer
péché véniel à péché mortel?
ARTICLE 2: Le péché mortel et le
péché véniel se distinguent-ils par le genre?
ARTICLE 3: Le péché véniel est-il
une disposition au péché mortel?
ARTICLE 4: Le péché véniel
peut-il devenir mortel?
ARTICLE 5: Une circonstance
aggravante peut-elle faire d'un péché véniel un péché mortel?
ARTICLE 6: Le péché mortel
peut-il devenir véniel?
QUESTION 89: LE PÉCHÉ VÉNIEL EN
LUI-MÊME
ARTICLE 1: Le péché véniel
produit-il une tache dans l'âme?
ARTICLE 3: Dans l'état
d'innocence, l'homme aurait-il pu pécher véniellement?
ARTICLE 4: L'ange, bon ou
mauvais, peut-il pécher véniellement?_
ARTICLE 5: Les premiers
mouvements des infidèles sont-ils des péchés véniels?
ARTICLE 6: Le péché véniel
peut-il coexister avec le péché originel seul?
QUESTION 90: L'ESSENCE DE LA LOI
ARTICLE 1: La loi est-elle oeuvre
de raison?
ARTICLE 4: La promulgation de la
loi
QUESTION 91: LES DIVERSES ESPÈCES
DE LOIS
ARTICLE 1: Existe-t-il une loi
éternelle?
ARTICLE 2: Existe-t-il une loi
naturelle?
ARTICLE 3: Existe-t-il une loi
humaine?
ARTICLE 4: Existe-t-il une loi
divine?
ARTICLE 5: Existe-t-il une seule
loi divine ou davantage?
ARTICLE 6: Existe-t-il une loi du
péché?
QUESTION 92: LES EFFETS DE LA LOI
ARTICLE 1: La loi a-t-elle pour
effet de rendre les hommes bons?
ARTICLE 1: Qu'est-ce que la loi
éternelle?
ARTICLE 2: La loi éternelle
est-elle connue de tous?
ARTICLE 3: Toute loi découle-t-elle
de la loi éternelle?
ARTICLE 4: Les êtres nécessaires
sont-ils soumis à la loi éternelle?
ARTICLE 5: Les êtres naturels et
contingents sont-ils soumis à la loi éternelle?
ARTICLE 6: Toutes les choses
humaines sont-elles soumises à la loi éternelle?
ARTICLE 1: Qu'est-ce que la loi
naturelle?
ARTICLE 2: Quels sont les
préceptes de la loi naturelle?
ARTICLE 3: Tous les actes des
vertus relèvent-ils de la loi naturelle?
ARTICLE 4: La loi naturelle
est-elle unique chez tous?
ARTICLE 5: La loi de nature
est-elle sujette au changement?
ARTICLE 6: La loi de nature
peut-elle être effacée de l'âme humaine?
ARTICLE 1: L'utilité de la loi
humaine
ARTICLE 2: L'origine de la loi
humaine
ARTICLE 3: La qualité de la loi
humaine
ARTICLE 4: Les divisions de la
loi humaine
QUESTION 96: LE POUVOIR DE LA LOI
HUMAINE
ARTICLE 1: La loi humaine
doit-elle être portée en termes généraux?
ARTICLE 2: La loi humaine
doit-elle réprimer tous les vices?
ARTICLE 3: La loi humaine
doit-elle ordonner les actes de toutes les vertus?
ARTICLE 5: Tous les hommes
sont-ils soumis à la loi humaine?
ARTICLE 6: Chez ceux qui sont
soumis à la loi, est-il permis d'agir en dehors des termes de la loi?
QUESTION 97: LE CHANGEMENT DES
LOIS HUMAINES
ARTICLE 1: La loi humaine
est-elle sujette au changement?
ARTICLE 3: La loi humaine
est-elle abolie par la coutume, et celle-ci acquiert-elle force de loi?
ARTICLE 4: L'application de la
loi doit-elle être modifiée par la dispense des gouvernants?
QUESTION 98: LA LOI ANCIENNE EN
ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La loi ancienne
était-elle bonne?
ARTICLE 2: La loi ancienne venait-elle
de Dieu?
ARTICLE 3: La loi ancienne
fut-elle donnée par l'intermédiaire des anges?
ARTICLE 4: La loi ancienne
a-t-elle été donnée à tous?
ARTICLE 5: Tous les hommes
étaient-ils obligés d'observer la loi ancienne?
ARTICLE 6: L'époque de Moïse
convenait-elle à l'établissement de la loi?
QUESTION 99: LE CLASSEMENT DES
PRÉCEPTES DE LA LOI ANCIENNE
ARTICLE 1: Y a-t-il dans la loi
ancienne plusieurs préceptes ou un seul?
ARTICLE 2: La loi ancienne
contient-elle des préceptes moraux?
ARTICLE 3: La loi ancienne
contient-elle des préceptes cérémoniels?
ARTICLE 4: La loi ancienne
contient-elle, en outre, des préceptes judiciaires?
ARTICLE 5: Outre ces trois
catégories, la loi ancienne contient-elle encore d'autres préceptes?
ARTICLE 6: Comment la loi
ancienne invitait-elle à observer ces préceptes?
QUESTION 100: LES PRÉCEPTES
MORAUX DE LA LOI ANCIENNE
ARTICLE 1: Tous les préceptes
moraux de la loi ancienne appartiennent-ils à la loi naturelle?
ARTICLE 2: Les préceptes moraux
de la loi ancienne portent-ils sur les actes de toutes les vertus?
ARTICLE 4: La division des
préceptes du décalogue?
ARTICLE 5: Le dénombrement des
préceptes du décalogue est-il satisfaisant?
ARTICLE 6: L'ordre des dix
préceptes dans le décalogue est-il satisfaisant?
ARTICLE 7: La présentation des
préceptes du décalogue?
ARTICLE 8: Les préceptes du
décalogue souffrent-ils dispense?
ARTICLE 9: La modalité vertueuse
de l'acte tombe-t-elle sous le précepte?
ARTICLE 10: La modalité que donne
la charité tombe-t-elle sous le précepte de la loi divine?
ARTICLE 11: Peut-on distinguer
dans la loi, d'autres préceptes moraux?
ARTICLE 12: Les préceptes moraux
de la loi ancienne justifiaient-ils?_
ARTICLE 1: Que faut-il
entendre par préceptes cérémoniels?
ARTICLE 2: Les préceptes
cérémoniels sont-ils figuratifs?
ARTICLE 3: Les préceptes
cérémoniels devaient-ils être nombreux?
ARTICLE 4: La classification des
préceptes cérémoniels
QUESTION 102: LES RAISONS D'ÊTRE
DES PRÉCEPTES CÉRÉMONIELS
ARTICLE 1: Les préceptes
cérémoniels ont-ils une raison d'être?
ARTICLE 2: La raison d'être des
préceptes cérémoniels est-elle littérale ou uniquement figurative?
ARTICLE 3: Quelle est la raison
d'être des sacrifices?
ARTICLE 4: Peut-on assigner une
raison d'être certaine à ce qui relève des réalités sacrées?
ARTICLE 5: Quelle est la raison
d'être des sacrements de la loi ancienne?
ARTICLE 6: Les observances
rituelles avaient-elles quelque motif raisonnable?
QUESTION 103: LA DURÉE DES
PRÉCEPTES CÉRÉMONIELS
ARTICLE 1: Y eut-il des préceptes
cérémoniels avant la loi?
ARTICLE 2: Sous la loi, les
préceptes cérémoniels avaient-ils la vertu de justifier?
ARTICLE 3: Les préceptes
cérémonials ont-ils cessé à l'avènement du Christ?
ARTICLE 4: Est-ce péché mortel
d'observer les préceptes cérémoniels après le Christ?
QUESTION 104: LEUR NATURE
GÉNÉRALE
ARTICLE 1: Que sont les préceptes
judiciaires?
ARTICLE 2: Les préceptes
judiciaires sont-ils figuratifs?
ARTICLE 3: La durée des préceptes
judiciaires
ARTICLE 4: Les catégories des
préceptes judiciaires
QUESTION 105: LE SENS DES
PRÉCEPTES JUDICIAIRES
ARTICLE 1: Les préceptes
judiciaires qui concernent les gouvernants
ARTICLE 2: Les préceptes
judiciaires qui concernent les rapports entre citoyens
ARTICLE 3: Les préceptes
judiciaires qui concernent les étrangers
ARTICLE 4: Les préceptes
judiciaires qui concernent la vie domestique
QUESTION 106: LA LOI NOUVELLE EN
ELLE-MÊME
ARTICLE 1: La loi nouvelle
est-elle une loi écrite, ou une loi intérieure?
ARTICLE 2: La loi nouvelle
justifie-t-elle?
ARTICLE 3: La loi nouvelle
devait-elle être donnée au commencement du monde?
ARTICLE 4: La loi nouvelle
doit-elle durer jusqu'à la fin du monde?
QUESTION 107: LES RAPPORTS DE LA
LOI NOUVELLE AVEC LA LOI ANCIENNE
ARTICLE 1: La loi nouvelle
diffère-t-elle de la loi ancienne?
ARTICLE 2: La loi nouvelle réalise-t-elle
l'accomplissement de l'ancienne loi?_
ARTICLE 3: La loi nouvelle
est-elle contenue dans l'ancienne?
ARTICLE 4: Laquelle est la plus
pesante: la loi nouvelle ou la loi ancienne?
QUESTION 108: LE CONTENU DE LA
LOI NOUVELLE
ARTICLE 1: La loi nouvelle
doit-elle commander ou prohiber certains actes extérieurs?
ARTICLE 2: La loi nouvelle
règle-t-elle suffisamment les actes extérieurs?
ARTICLE 3: La loi nouvelle
éduque-t-elle bien les hommes pour leurs actes intérieurs?
ARTICLE 4: La loi nouvelle
a-t-elle raison d'ajouter des conseils à ses préceptes?
LE PRINCIPE EXTÉRIEUR DES ACTES
HUMAINS QUI EST LA GRACE
QUESTION 109: LA NÉCESSITÉ DE LA
GRÂCE
ARTICLE 1: L'homme peut-il sans
la grâce, connaître quelque chose de vrai?
ARTICLE 2: L'homme peut-il sans
la grâce de Dieu, vouloir et faire quelque chose de bien?
ARTICLE 3: L'homme peut-il sans
la grâce, aimer Dieu par-dessus toutes choses?
ARTICLE 4: L'homme peut-il sans
la grâce, observer les préceptes de la loi?
ARTICLE 5: Sans la grâce, l'homme
peut-il mériter la vie éternelle?
ARTICLE 6: L'homme peut-il sans
la grâce, se préparer à la grâce?
ARTICLE 7: L'homme peut-il sans
la grâce, se relever du péché?
ARTICLE 8: L'homme peut-il sans
la grâce, éviter le péché?
ARTICLE 10: L'homme en état de
grâce peut-il par lui-même persévérer dans le bien?
QUESTION 110: LA GRÂCE DE DIEU
CONSIDÉRÉE DANS SON ESSENCE
ARTICLE 1: La grâce est-elle une
réalité dans l'âme?
ARTICLE 2: La grâce est-elle une
qualité de l'âme?
ARTICLE 3: La grâce
diffère-t-elle de la vertu infuse?
ARTICLE 4: Quel est le siège de
la grâce?
QUESTION 111: LES DIVERSES
ESPECES DE GRÂCE
ARTICLE 2: La division de la
grâce qui rend agréable à Dieu en grâce opérante et grâce coopérante
ARTICLE 3: Division de cette
grâce en prévenante et subséquente
ARTICLE 4: La division de la
grâce gratuitement donnée
ARTICLE 5: Comparaison entre la
grâce qui rend agréable à Dieu et la grâce gratuitement donnée
QUESTION 112: LA CAUSE DE LA
GRÂCE
ARTICLE 1: Dieu seul est-il cause
efficiente de la grâce?
ARTICLE 3: Une telle disposition
peut-elle nécessiter la grâce?
ARTICLE 4: La grâce est-elle
égale en tous?
ARTICLE 5: Peut-on savoir que
l'on a la grâce?
QUESTION 113: LA JUSTIFICATION DE
L'IMPIE
ARTICLE 1: Qu'est-ce que la
justification de l'impie?
ARTICLE 2: L'infusion de la grâce
est-elle requise pour la justification?
ARTICLE 3: Le mouvement du libre
arbitre est-il requis pour la justification?
ARTICLE 4: Un mouvement de foi
est-il requis pour la justification de l'impie?
ARTICLE 5: Un mouvement du libre
arbitre contre le péché est-il requis pour la justification?
ARTICLE 7: La justification de
l'impie est-elle successive, ou instantanée?
ARTICLE 8: Quel est l'ordre
naturel des éléments qui concourent à la justification?
ARTICLE 9: La justification de
l'impie est-elle la plus grande oeuvre de Dieu?
ARTICLE 10: La justification de
l'impie est-elle miraculeuse?
ARTICLE 1: L'homme peut-il
mériter de Dieu quelque chose?
ARTICLE 2: Peut-on, sans la
grâce, mériter la vie éternelle
ARTICLE 3: Peut-on, par la grâce,
mériter de plein droit la vie éternelle?
ARTICLE 4: La grâce tient-elle
principalement de la charité d'être le principe du mérite?
ARTICLE 5: Peut-on mériter pour
soi-même la première grâce?
ARTICLE 6: Peut-on mériter pour
autrui la première grâce?
ARTICLE 7: Peut-on mériter pour
soi-même son relèvement après la chute?
ARTICLE 8: Peut-on mériter pour
soi-même une augmentation de grâce ou de charité?
ARTICLE 9: Peut-on mériter pour
soi-même la persévérance finale?
ARTICLE 10: Les biens temporels
sont-ils objet de mérite?
Saint Jean Damascène dit que l'homme a été
créé à l'image de Dieu, ce qui signifie qu'il est doué d'intelligence, de libre
arbitre et d'un pouvoir autonome. Ainsi, après avoir traité de l'Exemplaire,
qui est Dieu, et des êtres qui ont procédé de sa puissance conformément à sa
volonté, il faut maintenant considérer son image, c'est-à-dire l'homme. L'homme
aussi est le principe de ses actes parce qu'il possède le libre arbitre et la
maîtrise de ses initiatives.
Nous allons d'abord étudié la fin ultime de la
vie humaine (Question 1). On devra se demander ensuite par quels moyens l'homme
parvient à cette fin ou s'en détourne (Question 6); car c'est d'après la fin
qu'on doit se faire une idée des moyens qui y conduisent.
Comme fin ultime de la vie humaine est la
béatitude, nous allons d'abord la fin ultime en général, puis la béatitude (Question
2-5).
Il nous faut maintenant traiter de la
béatitude. I. En quels biens consiste-t-elle (Question 2)? - II. Quelle est son
essence (Question 3-4)? - III. Comment pouvons-nous l'acquérir (Question 5)?
1. Appartient-il à l'homme d'agir pour une
fin? - 2. Cela est-il propre à la nature raisonnable? - 3. Les actes de l'homme
reçoivent-ils leur espèce de leur fin? - 4. Y a-t-il une fin ultime de la vie
humaine? - 5. Le même homme peut-il avoir plusieurs fins ultimes? - 6. L'homme
ordonne-t-il toutes choses à sa fin ultime? - 7. La fin ultime est-elle la même
pour tous les hommes? - 8. Toutes les autres créatures se rejoignent-elles dans
cette fin ultime?
Objections:
1. Il semble que ce n'est pas le cas. En effet la
cause précède naturellement son effet. Au contraire le mot de "fin"
l'indique que la fin répond à l'idée de chose ultime. Donc la fin ne peut pas
être considérée comme une cause. Cependant l'homme agit pour ce qui est cause
de son action, car cette préposition "pour" désigne un rapport
de causalité. Donc il n'appartient pas à l'homme d'agir pour une fin.
2. Ce qui est soi-même fin ultime n'est pas en
vue d'une fin. Or il est des cas où les actions sont fin ultime, comme on le voit
dans l'Éthique d'Aristote. Donc l'homme ne fait pas tout en vue d'une fin.
3. L'homme paraît agir en vue d'une fin quand il
délibère. Or il fait beaucoup de choses sans délibération et sans même y
songer, comme quelqu'un qui balance le pied ou remue la main en pensant à autre
chose, ou qui se frotte la barbe. On ne fait donc pas tout pour une fin.
Cependant:
Tout ce qui est compris dans un genre dérive du
principe de ce genre. Or, c'est la fin qui est le principe des actes accomplis
par l'homme, comme le montre Aristote. Donc il convient à l'homme de tout faire
en vue d'une fin.
Conclusion:
Parmi les actions accomplies par l'homme,
celles-là seules sont appelées proprement "humaines" qui
appartiennent en propre à l'homme selon qu'il est homme. Et l'homme diffère des
créatures privées de raison en ce qu'il est maître de ses actes. D'où il suit
qu'il faut appeler proprement humaines les seules actions dont l'homme est le
maître. Mais c'est par sa raison et sa volonté que l'homme est le maître de ses
actes, ce qui fait que le libre arbitre est appelé "une faculté de la
volonté et de la raison". Il n'y a donc de proprement humaines que les
actions qui procèdent d'une volonté délibérée. S'il est d'autres actions qui
conviennent à l'homme, on pourra les appeler des actions de l'homme, mais non
pas des actions proprement humaines, puisqu'elles ne procèdent pas de l'homme
en tant qu'homme. Or, il est manifeste que toute action procédant d'une
puissance est produite par cette puissance selon le caractère de son objet et
l'objet de la volonté c'est la fin et le bien. Il est donc nécessaire que
toutes les actions humaines soient faites pour une fin.
Solutions:
1. Si la fin est dernière dans l'exécution, elle
est première dans l'intention de l'agent, et c'est ainsi qu'elle joue le rôle
de cause.
2. Si une action humaine est fin ultime, il faut
qu'elle soit volontaire, sans quoi elle ne serait pas humaine, ainsi qu'on
vient de le dire. Mais une action est dite volontaire de deux façons: ou bien
il s'agit d'une action commandée par la volonté, comme marcher ou parler; ou
bien d'une action émise par la volonté, comme le fait même de vouloir. Or il
est impossible que l'acte même émis par la volonté soit une fin ultime. En
effet, la fin est l'objet même de la volonté de la même manière que la couleur
est l'objet de la vue. Or, il est impossible d'attribuer à l'acte même de voir
le caractère de première chose visible, car tout acte de ce genre s'adresse
d'abord à un objet, à ce qui se voit; ainsi est-il impossible que le désirable
premier, qui est la fin, se confonde avec le vouloir même. Il reste donc que si
une action humaine est une fin ultime, il s'agit d'une action commandée par la
volonté. Et ainsi, même dans ce cas, il demeure au moins un acte, l'acte de
vouloir, qui est en vue d'une fin. Donc, quoi que l'homme fasse, il est vrai de
dire qu'il agit pour une même quand il accomplit l'action -qui est sa fin
ultime.
3. Ces actions machinales ne sont pas propre ment humaines, car elles ne procèdent pas d'un délibération de la raison, principe propre des acte humains. Ces actes ont une fin si l'on veut, mais une fin en quelque sorte factice, non assignée par la raison.
Objections:
1. Il semble que oui. Car l'homme à qui il
appartient d'agir pour une fin, n'agit jamais pour une fin qu'il ignore. Mais
il y a beaucoup d'êtres qui ne connaissent pas de fin, soit qu'ils manquent
tout à fait de connaissance, comme les créatures insensibles, soit que l'idée
de fin leur échappe, comme c'est le cas des bêtes. Il semble donc propre à la
créature raisonnable d'agir en vue d'une fin.
2. Agir en vue d'une fin, c'est diriger son
action vers cette fin, et cela est oeuvre de raison, de telle sorte qu'on ne
peut l'attribuer aux êtres sans raison.
3. Le bien, la fin, est un objet de volonté, et
la volonté est dans la raison, dit Aristote Donc agir en vue d'une fin n'appartient
qu'à une créature raisonnable.
Cependant:
le Philosophe, prouve que "non seulement
l'intellect, mais encore la nature agit en vue d'une fin".
Conclusion:
Tout ce qui agit doit nécessairement agir pour une fin. En effet, quand les causes sont ordonnées entre elles, si la première disparaît, il est nécessaire que les autres aussi disparaissent. Or la première entre toutes les causes est la cause finale. En voici la raison. La matière ne revêt une forme que dans la mesure où elle est mue par l'agent, car rien ne se réduit de soi-même de la puissance à l'acte. Mais l'agent ne meut à son tour qu'en visant une fin. Car si un agent n'était pas déterminé à quelque effet, il ne réaliserait pas plus ceci que cela; pour qu'il produise un effet déterminé, il est donc nécessaire qu'il soit lui-même déterminé à quelque chose de fixe qui a raison de fin. Cette détermination, qui chez les natures raisonnables se fait par l'appétit rationnel appelé volonté, se produit chez les autres créatures par une inclination naturelle qu'on appelle un appétit de nature.
Il faut cependant remarquer qu'une chose, dans
son action ou son mouvement, tend vers une fin de deux manières: ou bien comme
se mouvant soi-même vers la fin, et c'est le cas de l'homme; ou bien par une
impulsion étrangère; ainsi la flèche va au but grâce à l'archer qui dirige son
mouvement vers la fin. Les êtres doués de raison se meuvent eux-mêmes vers la
fin parce qu'ils gouvernent leurs actes par le libre arbitre, "faculté de
volonté et de raison". Au contraire, les êtres privés de raison tendent à
leur fin par leur inclination naturelle, mus ainsi par un autre, non par
eux-mêmes puisqu'ils n'ont pas l'idée de fin et qu'ils ne peuvent donc rien
diriger vers une fin, mais seulement être dirigés par un autre vers leur fin.
En effet, toute la nature sans raison est à l'égard de Dieu dans le rapport
d'un instrument à l'agent principal, ainsi que nous l'avons établi
antérieurement. Il est donc propre à la nature raisonnable de tendre vers une
fin comme agent autonome et comme se portant d'elle-même vers cette fin, tandis
qu'il appartient aux êtres sans raison d'être mus et dirigés par autrui vers
une fin qu'ils perçoivent comme les animaux, ou qu'ils ne perçoivent pas comme
les êtres entièrement démunis de connaissance".
Solutions:
1. Quand l'homme agit de lui-même pour une fin,
il connaît cette fin; mais quand il est mis en action ou dirigé par autrui,
comme lorsqu'il agit par ordre ou sous une impulsion étrangère, il n'est pas
nécessaire qu'il connaisse la fin. Et c'est le cas des créatures sans raison.
2. Ordonner à une fin appartient à celui qui se
dirige lui-même vers une fin. Mais à celui qui est dirigé vers une fin par un
autre, il appartient d'être ordonné à la fin. Et ce peut être le cas de la
créature sans raison, mais sous la motion d'un agent raisonnable.
3. L'objet de la volonté c'est la fin et le bien sous leur aspect universel. Aussi ne peut-il y avoir de volonté chez les êtres démunis de raison et d'intelligence. Mais il y a en eux un appétit naturel, sensitif, déterminé à un bien particulier. Or, il est manifeste que les causes particulières sont mues par la cause universelle. Ainsi le gouverneur de la cité, qui vise le bien commun, meut par son commandement tous les fonctionnaires spécialisés de la cité. C'est pourquoi il est nécessaire que tous les êtres privés de raison soient mus vers leurs fins particulières par une volonté raisonnable embrassant le bien universel, volonté qui est celle de Dieu.
Objections:
1. Vraisemblablement non. La fin est un principe
extrinsèque. Or toute chose prend son espèce d'un principe intrinsèque.
2. Ce qui donne l'espèce doit exister en premier.
Or la fin ne vient que la dernière à l'existence.
3. Une même chose ne peut appartenir qu'à une
seule espèce. Mais il arrive que le même acte, pris numériquement, soit dirigé
vers diverses fins. Ce n'est donc pas la fin qui donne leur espèce aux actes
humains.
Cependant:
on lit dans S. Augustin "Selon que leur fin
est coupable ou louable, nos actions sont coupables ou louables."
Conclusion:
Chaque chose a son espèce selon l'acte et non
selon la puissance; ce qui fait que les êtres composés de matière et de forme
sont constitués dans leur espèce par leur forme propre. Or la même
considération doit s'appliquer aux mouvements propres. En effet, dans le
mouvement, on peut distinguer d'une certaine manière l'action et la passion, et
l'une et l'autre prennent leur espèce de l'acte: l'acte qui est le principe
officient s'il s'agit de l'action, et, s'il s'agit de la passion, l'acte qui
est le terme de notre mouvement. Ainsi l'échauffement comme action n'est autre
chose qu'une certaine motion procédant de la chaleur, et l'échauffement comme
passion n'est autre chose qu'un mouvement vers la chaleur; or c'est la
définition qui manifeste l'idée de l'espèce. C'est de ces deux façons, qu'ils
soient considérés comme action ou comme passion, que les actes humains
reçoivent leur espèce de la fin. Ils peuvent en effet être envisagés sous ce
double rapport, du fait que l'homme se meut lui-même et est mû par lui-même. On
a dit plus haut que nos actes sont appelés humains selon qu'ils procèdent d'une
volonté délibérée; or l'objet de la volonté est le bien ou la fin; il est donc
manifeste que le principe des actes humains selon qu'ils sont humains, c'est la
fin. Elle est également leur terme; car l'aboutissement de l'acte humain est
identique à ce que la volonté se propose comme fin, de même que dans la
génération naturelle, la forme de l'engendré est conforme à celle de
l'engendrant. Et puisque, selon la remarque de S. Ambroise, "les moeurs
sont à proprement parler chose humaine", on doit dire que les actes moraux
se caractérisent par leur fin, car actes moraux ou actes humains c'est une
seule et même chose.
Solutions:
1. La fin n'est pas entièrement extrinsèque à
l'acte, puisqu'elle est d'une part son principe et de l'autre son terme. Et
cela même appartient à la notion de l'acte d'avoir, pour ce qui est de
l'action, tel principe, et pour ce qui est de la passion, tel terme.
2. La fin est première dans l'ordre d'intention,
on l'a déjà dit, et c'est ainsi qu'elle appartient à la volonté. Et c'est de
cette façon qu'elle donne son espèce à l'acte humain, ou moral.
3. Un seul et même acte, procédant de l'agent à un même moment, ne peut avoir qu'une seule fin prochaine, qui lui donne son espèce; mais il peut avoir plusieurs fins éloignées, dont l'une est la fin de l'autre. Cependant, il est possible qu'un acte unique, considéré dans son espèce naturelle, soit dirigé vers diverses fins volontaires; par exemple le fait de tuer un homme, acte unique selon son espèce naturelle, peut avoir pour fin soit le maintien de la justice, soit la satisfaction de la colère. De ce fait on aura des actes moraux spécifiquement distincts, puisque l'un est vertueux et que l'autre est un crime. C'est que le mouvement ne reçoit pas son espèce de ce qui n'est son terme que par accident, mais de ce qui est son terme par soi. Or les fins morales sont accidentelles aux choses naturelles, et en retour les fins de la nature sont accidentelles à la moralité. Rien ne s'oppose donc à ce que les actes identiques en nature revêtent des espèces morales diverses, et réciproquement.
Objections:
1. On peut penser que la vie humaine n'a pas de
fin ultime, mais qu'on peut aller à l'infini dans la série des fins. En effet,
par son essence même, le bien tend à se répandre, comme l'enseigne Denys. Donc,
si ce qui procède du bien est lui-même un bien, ce bien devra répandre un autre
bien, et ainsi sans terme. Or tout bien a le caractère d'une fin. Donc on peut
procéder à l'infini dans les fins.
2. Ce qui est l'objet de raison peut se
multiplier à l'infini; ainsi les quantités mathématiques peuvent toujours
s'augmenter et même les espèces du nombre peuvent croître à l'infini, car un
nombre quelconque étant donné, vous pouvez toujours en imaginer un de plus
grand. Mais le désir de la fin suit l'appréhension de la raison. Donc il semble
que l'on peut, dans les fins, procéder à l'infini.
3. Le bien ou la fin est objet de volonté. Or la
volonté peut se retourner indéfiniment sur elle-même; car je puis vouloir
quelque chose, et vouloir le vouloir, et ainsi de suite. Donc dans les fins de
la volonté humaine on peut procéder à l'infini, et il n'y a pas de fin ultime
de la volonté humaine.
Cependant:
Aristote écrit: "Ceux qui admettent l'infini
détruisent la nature du bien." Or c'est le bien qui a raison de fin. Il
est donc contraire à la raison même de fin de procéder à l'infini, et ainsi il
est nécessaire de concevoir une seule fin ultime.
Conclusion:
A parler de façon absolue, il est impossible, dans la série des fins, de procéder à l'infini, en quelque sens que l'on prenne la série. En effet, dans toute série essentiellement coordonnée, il est inévitable que le premier terme ôté, se trouvent ôtés aussi ceux qui s'y réfèrent. Ainsi Aristote démontre-t-il que "l'on ne saurait aller à l'infini dans les causes motrices", car il n'y aurait plus alors de premier moteur et, ce premier écarté, les autres ne peuvent plus mouvoir, vu qu'ils ne meuvent qu'en étant mus eux-mêmes par ce premier. S'agit-il maintenant des fins, on peut y trouver une double coordination, celle de l'intention et celle de l'exécution, et dans les deux il doit y avoir un terme premier. Car ce qui est premier dans l'ordre de l'intention, c'est ce qui sert en quelque sorte de principe moteur à l'égard de l'appétit, si bien que, ce principe ôté, l'appétit ne serait mû par rien. En exécution, ce qui est principe, c'est ce qui commence l'opération, et ce principe ôté, personne ne commencerait d'agir. Or, le principe premier dans l'ordre de l'intention, c'est la fin ultime, et le principe de l'exécution, c'est le premier des moyens qui conduisent à la fin. Donc sous aucun rapport il n'est possible de procéder à l'infini; car s'il n'y avait pas de fin dernière, on ne désirerait rien; aucune action n'arriverait à son terme, et l'intention de l'agent ne pourrait se reposer. Si d'autre part il n'y avait pas de premier terme dans ce qui conduit à la fin, personne ne commencerait d'agir, et le conseil ne pourrait arriver à une conclusion, mais devrait continuer sans fin.
Observons cependant, que là où il n'y a pas de
coordination entre les causes prises comme telles mais une simple conjonction
par accident, rien n'empêche d'admettre l'infini; car les cause accidentelles
sont indéterminées. Et de cette façon il arrive qu'il y ait infinité
accidentelle dans le fins et dans les moyens qui y mènent.
Solutions:
1. Il est de la nature du bien que quelque chose
découle de lui; mais non que lui-même découle de quelque chose. C'est pour
quoi, le bien, ayant raison de fin, et le premier bien étant l'ultime fin, la
raison mise en avant ne prouve pas l'absence d'une fin ultime; elle tend à ceci
seulement que, la fin première étant supposée, on peut procéder à l'infini en
descendant vers les moyens qui procurent cette fin. En effet, il devrait en
être ainsi, à ne considérer que la vertu du bien premier qui est infinie. Mais
comme la diffusion de ce bien se réalise par l'intelligence, et qu'il
appartient à l'intelligence de produire ses effets sous une forme déterminée,
une mesure déterminée se fait aussi reconnaître dans l'écoulement des biens à
partir du premier bien; et c'est par lui que tous les autres biens participent
de ce pouvoir de diffusion. De la sorte, l'écoulement des biens ne va pas à
l'infini; mais, comme il est écrit (Sg 11, 21): "Dieu a tout disposé avec
nombre, poids et mesure."
2. Là où les conceptions dépendent l'une de l'autre
par une coordination essentielle, la raison procède à partir de principes
connus par nature, et progresse à partir de là jusqu'à tel ou tel terme. Aussi
Aristote prouve-t-il que dans les démonstrations scientifiques on ne peut aller
à l'infini; car dans les démonstrations les idées se coordonnent selon un ordre
essentiel à la preuve, et où l'accident n'est pas de mise. Mais là où se
produit une liaison accidentelle, rien ne s'oppose à ce que la raison aille
sans terme. Ainsi, il est indifférent à une quantité ou à un nombre
préexistant, pris comme tels, qu'on y ajoute une quantité ou une unité
nouvelle, et c'est pourquoi dans de telles choses la raison peut procéder à
l'infini.
3. Quant à cette multiplication des actes par une volonté réfléchissant sur elle-même, elle aussi est accidentelle et sans effet par rapport à l'ordre des fins. Ce qui le montre à l'évidence, c'est qu'à l'égard d'un seul et même acte, la volonté peut indifféremment réfléchir sur elle-même une ou plusieurs fois.
Objections:
1. Il semble possible que la volonté d'un seul
homme se porte à la fois sur plusieurs objets comme sur ses fins ultimes. S.
Augustin dit en effet que certains ont placé la fin ultime de l'homme en quatre
choses: "la volupté, le repos, les biens de la nature et la vertu".
2. Les choses qui ne s'opposent pas l'une à
l'autre ne s'excluent pas; or il se trouve autour de nous bien des choses qui
ne sont pas opposées entre elles. Donc si l'une est prise pour fin ultime de la
volonté, les autres ne sont pas exclues pour autant.
3. Du fait qu'elle met sa fin ultime en quelque
chose, la volonté ne perd pas sa libre puissance. Mais avant de mettre sa fin
ultime en cela, par exemple le plaisir, elle avait pu la mettre en autre chose,
par exemple les richesses. Donc, même après avoir mis sa fin ultime dans le
plaisir, elle peut en même temps mettre sa fin ultime dans les richesses. Donc
il est possible que la volonté d'un seul homme se porte simultanément sur des
objets divers, pris pour fins ultimes.
Cependant:
l'objet en lequel un homme se repose comme dans
sa fin ultime domine ses affections, car il en reçoit des règles pour toute sa
vie. C'est pourquoi il est dit de ceux qui s'adonnent à la gourmandise:
"Ils se font un Dieu de leur ventre" (Ph 3, 19) parce que dans les
délices de ce genre ils mettent leur fin dernière. Or Jésus nous dit (Mt 6,
24): "Nul ne peut servir deux maîtres", qui ne seraient pas
subordonnés l'un à l'autre. Donc il est impossible qu'un homme ait plusieurs
fins dernières non subordonnées l'une à l'autre.
Conclusion:
Il est impossible que la volonté d'un même homme se dirige en même temps vers divers objets comme vers des fins ultimes, et l'on peut en donner trois raisons. La première est que chaque être tendant à son propre accomplissement, un homme doit prendre pour fin dernière ce qu'il désire au titre de bien parfait et d'achèvement de son être, ce qui fait dire à S. Augustin: "Nous appelons fin de l'homme non ce qui se détruit pour ne plus être, mais ce qui s'achève pour être pleinement." Il faut donc que la fin dernière comble tellement le désir de l'homme qu'elle ne laisse rien à désirer en dehors d'elle. Ce qui est impossible si quelque chose d'étranger est encore requis à sa perfection. Il est par conséquent impossible que le désir se porte à la fois vers deux choses comme si l'une et l'autre étaient son bien parfait.
Deuxième raison. Dans la démarche de la raison, le principe est un objet naturellement connu; ainsi dans la démarche de l'appétit rationnel, ou volonté, le principe doit être ce qui est naturellement désiré. Mais cela ne peut être qu'un; car la nature ne tend qu'à l'un. Et puisque le principe, dans la démarche de l'appétit rationnel, est la fin dernière, il faut que l'objet adopté par la volonté comme une fin dernière soit quelque chose d'un.
Troisième raison. Nous avons démontré plus hauts,
que les actions volontaires prennent leur espèce de la fin. De la fin ultime,
qui est commune, elles doivent donc prendre leur genre, de même que les choses
naturelles sont classées dans leur genre par l'élément de définition qu'elles
ont en commun. Donc, puisque tout ce que désire la volonté, pris comme tel,
appartient au même genre, il faut que la fin ultime soit une, surtout si l'on
considère qu'en chaque genre de choses il y a toujours un unique principe
premier, et que c'est la fin qui joue le rôle de principe premier, ainsi qu'on
l'a dit. D'autre part, le rapport est le même, de la fin dernière de l'homme en
général à tout le genre humain, et de la fin dernière de tel homme à l'égard de
cet homme. Ainsi, la nature donnant à l'ensemble des hommes une unique fin
ultime, il faut que la volonté de tel homme en particulier s'établisse aussi en
une fin dernière unique.
Solutions:
1. Tous ces biens multiples étaient englobés dans
la raison d'un seul bien parfait qu'ils constituaient, pour ceux qui mettaient
en eux leur fin dernière.
2. Sans doute on peut trouver plusieurs choses n'ayant entre elles aucune opposition; mais il est opposé au bien parfait qu'il y ait en dehors de lui, pour le sujet, une perfection quelconque 3. Le pouvoir de la volonté ne va pas jusqu'à faire que les contraires existent ensemble, ce qui aurait lieu, on l'a vu, si la volonté tendait à divers objets disparates comme à des fins ultimes.
Objections:
1. Ce n'est pas, semble-t-il, tout ce que l'homme
veut, qu'il veut en vue de sa fin ultime. En effet, ce qu'on dirige vers une
fin suprême, c'est ce qu'on appelle les choses sérieuses, ainsi nommées parce
qu'elles sont utiles. Mais on en distingue ce qui n'est que jeu. Donc, ce que
l'homme fait par jeu, il ne l'ordonne pas à la fin ultime.
2. Aristote dit que les sciences spéculatives
sont recherchées pour elles-mêmes. On ne peut cependant pas dire que chacune
d'elles soit une fin ultime. Donc l'homme ne désire pas tout ce qu'il désire en
vue de la fin ultime.
3. Celui qui dirige une action vers une fin songe
à cette fin. Mais l'homme ne songe pas toujours à la fin ultime en tout ce
qu'il entreprend ou désire. Donc on ne désire et on ne fait pas tout en vue de
la fin ultime.
Cependant:
S. Augustin écrit "Notre bien suprême est
celui pour lequel tout le reste est aimé, tandis que lui est aimé pour
lui-même."
Conclusion:
Tout ce que l'homme veut ou désire, il est nécessaire que ce soit pour sa fin ultime, et deux raisons le montrent. D'abord, tout ce que l'homme désire, il le désire comme un bien, et si ce n'est comme le bien parfait, qui est la fin ultime, il faut que ce soit comme tendant au bien parfait; car toujours le commencement d'une chose incline vers son achèvement, comme on le voit dans les ouvrages de la nature et dans ceux de l'art. Ainsi, tout commencement de perfection se dirige vers la perfection consommée, réalisée par la fin ultime.
En second lieu, la fin dernière se comporte, dans
le mouvement qu'elle imprime à notre appétit, comme fait le premier moteur dans
les motions d'un autre genre. Or il est manifeste que les causes secondes
motrices n'exercent leur action qu'en étant mues elles-mêmes par le premier
moteur. Ainsi, le désirable second ne peut mouvoir l'appétit qu'en raison de
son rapport avec le désirable premier, qui est la fin ultime.
Solutions:
1. Si ces jeux ne se proposent pas de fin
extrinsèque, ils tendent au bien du sujet, qui y trouve un plaisir ou un repos.
Or le bien de l'homme porté à la perfection, c'est sa fin ultime.
2. De même, la science spéculative est recherchée
comme un bien pour celui qui la pratique, compris dans le bien complet et
parfait qu'est la fin ultime.
3. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'on ait sans cesse à l'esprit la fin ultime, quand on désire ou fait quelque chose. L'influence active d'une intention première visant la fin ultime persiste en chaque mouvement de l'appétit en toute matière, alors même qu'actuellement on ne songe pas à l'ultime fin. Un homme en chemin ne pense pas au terme du voyage à chacun de ses pas.
Objections:
1. Il semble que non. Car la fin ultime semble
être surtout le bien immuable de l'homme. Or certains se détournent du bien
immuable par le péché. Tous les hommes n'ont donc pas la même fin ultime.
2. Toute la vie de l'homme se règle sur la fin
ultime. Donc, si tous les hommes n'avaient qu'une seule fin ultime, il
s'ensuivrait qu'il n'y aurait pas dans la vie des hommes différents centres
d'intérêts, ce qui est évidemment faux.
3. La fin est le terme de l'action, et les
actions sont le fait des individus. Or, si tous les hommes ont une même nature
spécifique, ils diffèrent cependant par tout ce qui est propre à l'individu.
Ils ne peuvent donc avoir tous une même fin ultime.
Cependant:
S. Augustin écrit: "Tout les hommes se
rejoignent dans le désir d'une fin ultime, qui est la béatitude."
Conclusion:
On peut parler de deux façons de la fin ultime,
suivant que l'on considère la raison de fin ultime, ou l'objet qui réalise pour
nous cette raison. S'il est question de la raison même, tous les hommes se
rejoignent dans le désir de la fin ultime; car tous souhaitent voir se réaliser
leur propre accomplissement, et telle est la raison de fin ultime, nous venons
de le dire. Mais quant à l'objet dans lequel cette raison se trouve, les hommes
ne sont plus d'accord touchant la fin ultime. Les uns désirent comme bien
suprême la richesse, d'autres la volupté, ou quoi que ce soit d'autre. Ainsi
une saveur douce est agréable à tous les palais; mais les uns préfèrent la
douceur du vin, d'autres du miel ou de quelque autre substance. Toutefois, la
douceur qu'on doit juger absolument parlant la plus délectable est celle où se
complaît l'homme de meilleur goût. De même, on doit considérer comme le bien le
plus achevé celui que prend pour suprême fin l'homme dont l'affectivité est
bien réglée.
Solutions:
1. Sans doute le pécheur s'écarte de l'objet qui
réalise vraiment la raison de fin dernière; mais il n'en garde pas moins
l'intention de cette fin, qu'il cherche à tort dans d'autres choses.
2. Il y a dans la vie différents centres
d'intérêts, à cause des objets divers dans lesquels on recherche la raison de
souverain bien.
3. Si les actions sont le fait des individus, pourtant le principe premier de l'action est donné par la nature, qui tend à l'un, ainsi que nous l'avons dit.
Objections:
1. On pourrait croire que la fin de toutes les
créatures coïncide avec la fin humaine; car la fin répond au principe, et Dieu,
principe de l'homme, est aussi le principe de tout le reste.
2. Denys écrit: "Dieu ramène à lui toutes
choses comme vers leur fin ultime." Or, lui-même est la fin de l'homme
appelé à ne jouir que de Dieu. Donc, la fin ultime de l'homme est commune à
toutes les autres créatures.
3. La fin ultime de l'homme est objet de volonté.
Or l'objet de la volonté est le bien universel, fin commune de tous les êtres.
Cependant:
la fin ultime de l'homme est la béatitude, que
tous désirent, selon S. Augustin. Mais, dit-il aussi, "il n'appartient pas
aux animaux privés de raison de goûter la béatitude": c'est donc que les
autres créatures n'ont pas en commun la fin ultime de l'homme.
Conclusion:
D'après le Philosophe, la fin s'envisage sous un double aspect: comme objet et comme acte, c'est-à-dire quant à la chose en laquelle se réalise la raison de bien, et quant à l'acquisition ou l'usage qu'on en fait. Ainsi l'on dira que la fin du mouvement, pour le corps lourd, est le lieu bas comme réalité atteinte, ou, comme usage, le fait d'être en bas. Ou bien encore que la fin de l'avare, c'est l'argent, comme chose, ou la possession de l'argent, comme usage. Donc, si nous parlons de la fin ultime de l'homme quant à la réalité même qui est sa fin, alors tous les autres êtres rejoignent l'homme dans la même fin ultime; car Dieu, fin ultime de l'homme, l'est aussi de tous les autres êtres. Mais si nous parlons de la fin ultime quant à l'obtention de cette fin, en ce cas les créatures privées de raison ne participent pas à la fin humaine. Car l'homme et les autres créatures raisonnables atteignent leur fin ultime par la connaissance et l'amour de Dieu, ce qui n'appartient pas aux créatures inférieures. Celles-ci parviennent à leur fin ultime en participant, chacune à sa manière, d'une certaine ressemblance avec Dieu, pour autant qu'elles existent, qu'elles vivent, ou même sont douées de connaissance.
Par là devient évidente la réponse aux objections; car le mot béatitude signifie proprement l'acquisition de la fin ultime.
LA BÉATITUDE DE L'HOMME
Il faut traiter maintenant de la béatitude. I.
En quels biens consiste-t-elle (Question 2)? - II. Quelle est son essence (Question
3-4)? - III. Comment pouvons-nous l'acquérir (Question 5)?
1. La
béatitude consiste-t-elle dans les richesses? - 2. Dans les honneurs? - 3. Dans
la renommée ou la gloire? - 4. Dans la puissance? - 5. Dans quelque bien du
corps? - 6. Dans le plaisir? - 7. Dans quelque bien de l'âme? - 8. Dans quelque
bien créé?
Objections:
1. On
pourrait penser que la béatitude de l'homme consiste dans les richesses. En
effet, la béatitude étant la fin ultime de l'homme, elle doit consister en ce
qui occupe le premier rang dans ses désirs. Or telles sont les richesses, car
"à l'argent tout obéit", dit l'Ecclésiaste (10, 19).
2. D'après
Boèce la béatitude est "un état parfait grâce au rassemblement de tous les
biens". Mais il semble qu'on puisse tout posséder avec de l'argent. Le
Philosophe le suggère quand il dit que la monnaie a été inventée comme une
caution pour avoir tout ce que l'homme veut.
3. Le
désir du souverain bien, qui n'abdique jamais, semble être infini. Or ceci
appartient éminemment aux richesses; car il est dit dans l'Ecclésiaste (5, 9):
"Celui qui aime l'argent ne sera pas rassasié par l'argent."
Cependant:
le bien
de l'homme doit consister à conserver la béatitude plutôt qu'à la laisser
échapper. Or, dit Boèce, "les richesses brillent davantage à se répandre
qu'à s'entasser; car l'avarice rend les riches odieux, et la générosité les
rend illustres". Donc la béatitude ne consiste pas dans les richesses.
Conclusion:
Le Philosophe distingue deux sortes de richesses: les richesses naturelles et les richesses artificielles. Les premières servent à l'homme pour subvenir aux besoins de sa nature: tels sont les aliments, les vêtements, les moyens de transport, les habitations, etc. Par les secondes, comme les monnaies, la nature ne reçoit directement aucun secours; mais l'ingéniosité humaine les a créées pour la facilité des échanges, de telle sorte qu'elles servent à évaluer les biens qui se vendent.
Or il est manifeste que les richesses naturelles ne sauraient constituer la béatitude de l'homme, car elles ne sont recherchées que pour le soutien de la nature et ne peuvent donc prétendre être sa fin ultime. Bien plutôt, ce sont elles qui sont ordonnées à l'homme comme à leur propre fin. Aussi, dans l'ordre de la nature, tous les biens de ce genre sont-ils au-dessous de l'homme et créés pour lui, selon ces paroles du Psaume (8, 8): "Tu as tout placé sous ses pieds."
Quant
aux richesses artificielles, on ne les recherche qu'en vue des richesses
naturelles; on ne les rechercherait pas, si l'on ne se proposait d'acheter
grâce à elles ce qui est nécessaire à la vie. Moins encore peuvent-elles donc
avoir le caractère d'une fin ultime. Il est donc impossible que la béatitude,
qui est la fin suprême de l'homme, consiste dans les richesses.
Solutions:
1. Toutes
les choses corporelles obéissent à l'argent, du moins pour la multitude des
sots, qui ne connaissent rien en dehors de ces biens corporels qu'ils peuvent
acquérir par leur argent. Or, on ne doit pas chercher un jugement sur les biens
de l'homme auprès des sots, mais auprès des sages, de même que l'on consulte,
pour juger des saveurs, ceux qui ont le goût juste.
2. On
dit que l'argent procure tout: oui, ce qui peut se vendre; mais les choses
spirituelles ne peuvent pas se vendre. "Que sert-il à l'insensé d'avoir
des richesses, dit l'Écriture (Pr 17, 16), puisqu'il ne peut acheter la
sagesse?"
3. L'appétit des richesses naturelles n'est pas infini car, dans une mesure limitée, elles suffisent à la nature. Mais l'appétit des richesses artificielles n'a pas de bornes, car il est au service d'une convoitise désordonnée, qui est sans mesure, comme l'observe le Philosophe. Autre est néanmoins le désir infini des richesses, autre celui du souverain bien. Plus celui-ci est possédé, plus il est aimé et plus tout le reste est méprisé, car en le possédant davantage on le connaît mieux, selon cette parole de l'Ecclésiastique (24, 21): "Ceux qui se nourrissent de moi auront encore faim." Mais pour l'appétit des richesses et de tous les biens temporels, c'est le contraire: dès qu'on les possède, on les méprise et on désire autre chose. C'est le sens de cette parole du Seigneur (Jn 4, 13): "Celui qui boit de cette eau", symbole des biens temporels, "aura encore soif". Et cela parce que l'on connaît mieux leur insuffisance lorsqu'on les possède. Ce fait même montre leur imperfection, et que le souverain bien ne se trouve pas là.
Objections:
1. Il
semble que oui, car "la béatitude ou félicité, est, d'après le Philosophe
la récompense de la vertu". Or, toujours d'après le Philosophe "c'est
l'honneur qui semble être la plus digne récompense de la vertu". C'est
donc dans l'honneur que consiste principalement la béatitude.
2. Ce
qui convient à Dieu et aux êtres les plus parfaits, voilà ce qui semble bien
être la béatitude, puisque celle-ci est un bien parfait. Or tel est l'honneur,
au témoignage du Philosophe et aussi de l'Apôtre, disant: "A Dieu seul
l'honneur et la gloire" (1 Tm 1, 17).
3. Ce
qui est désiré souverainement par les hommes, c'est la béatitude. Or rien ne
paraît plus désirable que l'honneur, car les hommes souffrent la perte de tous
les autres biens, plutôt qu'une atteinte à leur honneur. C'est donc qu'ils y
voient la béatitude.
Cependant:
la
béatitude est dans le bienheureux. Or, dit le Philosophe, l'honneur n'est pas
dans l'homme honoré, mais plutôt dans celui qui l'honore et lui rend hommage.
Donc la béatitude ne consiste pas dans l'honneur.
Conclusion:
Il est
impossible que la béatitude consiste dans l'honneur. Car celui-ci est accordé à
quelqu'un en raison de quelque supériorité qu'il possède, et ainsi il est un
signe et comme un témoignage de l'excellence qui se trouve dans l'être honoré.
Or la supériorité humaine, c'est la béatitude même, qui est le bien parfait de
l'homme ou quelqu'une de ses participations. Il s'ensuit que l'honneur peut
bien découler de la béatitude, mais ne saurait la constituer comme étant son
principe.
Solutions:
1. L'honneur
n'est pas la récompense en vue de quoi les hommes vertueux agissent; mais
l'honneur leur vient des hommes parce que ceux-ci ne peuvent leur offrir rien
de meilleur. Quant à la vraie récompense de la vertu, c'est la béatitude même,
et c'est pour cette fin-là que les hommes vertueux agissent. S'ils agissaient
en vue de l'honneur, ils feraient acte d'ambition et non de vertu.
2. L'honneur
est dû à Dieu et aux êtres excellents; mais comme un témoignage, et ce n'est
pas l'honneur même qui les rend excellents.
3. Si les hommes désirent tellement être honorés, comme on l'observe justement, cela tient au désir qu'ils ont naturellement de la béatitude elle-même, dont l'honneur est le signe. Aussi veulent-ils être honorés surtout des sages, dont le jugement les rassure touchant leur excellence et leur félicité.
Objections:
1. Il
semble bien, car la béatitude paraît consister en ce que les saints reçoivent
la récompense des épreuves qu'ils souffrent en ce monde. Telle est leur gloire,
selon l'Apôtre (Rm 8, 18): "Les souffrances d'ici-bas ne sont pas
comparables à la gloire future qui se révélera en nous." Donc la béatitude
consiste dans la gloire.
2. D'après
Denys le bien a tendance à se répandre; or c'est principalement par la gloire,
que le bien humain se répand et parvient à la connaissance des autres; car la
gloire, dit S. Ambroise, n'est rien d'autre qu'une "notoriété éclatante
accompagnée de louange". C'est donc que la béatitude consiste en la
gloire.
3. La
béatitude étant le plus stable des biens, est apparentée, de ce fait, à la
renommée et à la gloire, qui confèrent aux hommes une sorte d'éternité.
"Vous semblez, écrit Boèce, agrandir votre immortalité, quand vous songez
à votre renommée dans le siècle futur."
Cependant:
la
béatitude est pour l'homme un bien véritable; or il arrive que la renommée ou
la gloire soit fausse. "Plusieurs, dit encore Boèce, attachent souvent aux
fausses opinions du vulgaire la gloire d'un grand nom. Et que peut-on concevoir
de plus honteux? Car ceux qui sont ainsi faussement célébrés ne se sentent-ils
pas forcés de rougir eux-mêmes des louanges?" La béatitude ne peut donc
consister dans la renommée et la gloire de l'homme.
Conclusion:
Il est impossible que la béatitude consiste en la renommée ou la gloire. Car si la gloire se définit, comme le veut S. Ambroise, "une notoriété éclatante accompagnée de louange", il convient d'observer qu'une chose connue est dans un rapport tout différent avec la connaissance humaine et avec la connaissance divine. En effet, la connaissance humaine est causée par les choses connues; au contraire, la connaissance divine est la cause des choses connues. Il s'ensuit que la perfection du bien humain, appelée béatitude, ne peut être causée par la connaissance humaine; c'est bien plutôt la connaissance humaine relative à la béatitude de quelqu'un qui découle de cette béatitude, commencée ou parfaite, et qui est d'une certaine façon causée par elle. Ce n'est donc pas dans la renommée ou la gloire qu'on peut faire consister la béatitude.
Mais le bien de l'homme dépend, comme de sa cause, de la connaissance que Dieu a de lui. C'est pourquoi, de la gloire que l'homme possède en Dieu, sa béatitude dépendra comme de sa cause, selon le Psaume (91, 15): "je le délivrerai et le glorifierai; je le rassasierai de longs jours et je lui ferai voir mon salut."
Il faut
en outre observer que la connaissance humaine se trompe souvent, surtout quant
aux faits singuliers et contingents, comme sont les actes humains. Aussi la
gloire humaine est-elle souvent trompeuse. Comme Dieu, au contraire, ne peut se
tromper, la gloire qu'il confère est toujours vraie, ce qui fait dire à
l'Apôtre (2 Co 10, 18): "Celui-là est un homme éprouvé, que le Seigneur
recommande."
Solutions:
1. L'Apôtre
ne parle pas là de la gloire que confèrent les hommes, mais de celle que Dieu
accorde en présence de ses anges. C'est ce qui est dit aussi dans S. Marc (8,
38): "Le Fils de l'homme lui rendra témoignage quand il viendra dans la
gloire de son Père en présence de ses anges."
2. Il
est vrai que, par la renommée et la gloire, le bien de tel humain se répand
dans la connaissance de beaucoup d'autres; mais si cette connaissance est
vraie, elle dérive du bien qui existe chez cet homme lui-même, et ainsi elle
présuppose, loin de la constituer, la béatitude parfaite ou commencée. Si cette
connaissance est fausse, elle ne concorde pas avec la réalité, et il n'y a donc
pas de bien dans celui que l'on célèbre de la sorte. D'aucune façon la renommée
ne peut rendre l'homme heureux.
3. Quant à la stabilité, chacun sait que la renommée n'en a aucune et qu'une fausse rumeur suffit à la détruire. Si parfois elle demeure stable, c'est par accident. Mais la béatitude est stable par elle-même et toujours.
Objections:
1. Il
semble que oui, car toutes choses tendent à s'assimiler à Dieu, comme à leur
fin ultime et à leur principe premier. Or les hommes qui exercent le pouvoir
semblent offrir, du fait de ce pouvoir, un trait de ressemblance particulière
avec Dieu, tellement que l'Écriture les appelle des dieux, disant, en parlant
des princes du peuple (Ex 22, 27 Vg): "Tu ne rabaisseras pas les dieux."
Donc la béatitude consiste en la puissance.
2. La
béatitude est un bien parfait; or il appartient à une éminente perfection de
pouvoir régir même les autres, comme c'est le cas de ceux qui sont constitués
en puissance.
3. Du
fait qu'elle est éminemment désirable, la béatitude doit être le contraire de
ce que les hommes ont avant tout à redouter. Or les hommes redoutent plus que
tout l'esclavage, à l'opposé de la puissance. C'est donc que la béatitude
consiste en la puissance.
Cependant:
la
béatitude est un bien parfait, et la puissance est chose souverainement
imparfaite. Comme dit Boèce: "La puissance humaine ne peut éviter ni la
morsure des soucis, ni l'aiguillon des craintes." Et il ajoute: "Le
trouves-tu puissant, celui qui s'entoure de gardes et qui, devant les gens
qu'il terrifie, est apeuré plus qu'eux?"
Conclusion:
Deux raisons s'opposent à ce que la béatitude consiste en la puissance. La première est que la puissance a raison de principe, selon le Philosophe, et que la béatitude a raison de fin ultime. La seconde est que la puissance se rapporte indifféremment au bien et au mal, alors que la béatitude est le bien propre et parfait de l'homme. Donc, la béatitude pourrait consister dans le bon usage de la puissance, qui est l'effet de la vertu, plutôt que dans la puissance elle-même.
En
généralisant, on peut avancer quatre raisons pour lesquelles la béatitude ne
peut consister en aucun des biens extérieurs mis jusqu'ici en cause. 1° La
béatitude, souverain bien de l'homme, ne souffre le mélange d'aucun mal. Or les
biens mentionnés peuvent se rencontrer chez les hommes bons et chez les hommes
mauvais. - 2° La béatitude ayant pour caractère essentiel d'être un bien
"suffisant par soi-même", d'après Aristote il est nécessaire, une
fois la béatitude possédée, que l'homme ne manque d'aucun bien nécessaire. Or,
qu'on obtienne les biens mentionnés, beaucoup d'autres biens nécessaires
pourront encore manquer, par exemple la sagesse, la santé corporelle, etc. - 3°
La béatitude étant un bien parfait ne peut être pour personne la cause d'un
mal, et ce n'est pas le cas des biens susdits, car il est dit dans
l'Ecclésiaste (5, 12) que les richesses "sont parfois conservées pour le
malheur de leur maître". Et il en est de même des trois autres. - 4°
L'homme doit être dirigé vers la béatitude par des principes inhérents à sa
nature, puisque c'est naturellement qu'il s'y oriente. Or les biens mentionnés
sont l'effet de causes extérieures, et le plus souvent de la fortune, ce qui
les fait appeler précisément les biens de la fortune. Il est donc évident que
d'aucune façon ces biens-là ne peuvent constituer la béatitude.
Solutions:
1. La
puissance nous assimile à Dieu d'une certaine manière; mais il y a une
différence essentielle. La puissance divine est identique à sa bonté, en raison
de quoi l'emploi que Dieu fait de sa puissance est nécessairement bon. Mais
cela ne se trouve pas chez les hommes, et c'est pourquoi il ne suffit pas à la
béatitude des hommes qu'ils soient assimilés à Dieu par la puissance, s'ils ne
lui sont en outre assimilés par la bonté.
2. Autant
il est excellent d'user bien de la puissance dans le gouvernement d'un grand
nombre, autant il est mauvais d'en user mal. C'est ainsi que la puissance peut
conduire indifféremment au bien ou au mal.
3. Quant à la servitude, les hommes la fuient naturellement parce qu'elle est un empêchement au bon usage de la puissance, mais non pas dans ce sentiment que la puissance soit un souverain bien.
Objections:
1. Il
semble que oui, car il est dit dans l'Ecclésiastique (30, 16): "Il n'y a
pas de richesse préférable à la santé du corps." Mais la béatitude
consiste dans ce qui est le meilleur. Donc elle consiste en la santé du corps.
2. D'après
Denys, exister est meilleur que vivre, et vivre meilleur que tout ce qui
s'ensuit. Or, pour exister et pour vivre, il faut sauver son corps. Donc,
puisque la béatitude est le souverain bien de l'homme, il semble que la santé
du corps appartienne souverainement à la béatitude.
3. Plus
une chose est commune, plus élevé est le principe auquel elle se rattache, car
une cause supérieure étend toujours ses effets plus loin. D'autre part, si la
causalité efficiente s'exerce par influence, la causalité finale s'exerce en
vertu de l'appétit. Donc, puisque la première cause efficiente est celle qui
influe sur tous les êtres, ainsi la fin ultime est celle qui est désirée par
tous les êtres. Or l'existence est ce qui est souverainement désiré de tous les
êtres; donc la béatitude de l'homme consiste principalement dans ce qui a
rapport à l'existence de l'homme, comme la santé de son corps.
Cependant:
quant à
la béatitude, l'homme est supérieur à tous les autres animaux. Mais quant aux
biens du corps il est dépassé par beaucoup d'entre eux, en longévité par
l'éléphant, en force par le lion, en vitesse par le cerf, etc. La béatitude de
l'homme ne peut donc pas consister dans les biens du corps.
Conclusion:
Pour deux raisons il est impossible que la béatitude de l'homme consiste dans les biens du corps. Tout d'abord, quand une chose est ordonnée à une autre comme à sa fin, il est impossible que la fin ultime de cette même chose soit sa propre conservation dans l'être. Aussi le pilote n'a-t-il pas pour but dernier la conservation de son navire, celui-ci étant fait pour une autre fin, qui est de naviguer. Or, de même que le navire est remis à la direction du pilote, ainsi l'homme est-il confié à sa propre raison et à sa volonté, selon l'Ecclésiastique (15, 14): "Au commencement, Dieu a créé l'homme et l'a laissé dans la main de son conseil." Mais il est évident que l'homme a une autre fin que lui-même, n'étant pas le souverain bien. Il est donc impossible que la fin ultime de la raison et de la volonté humaines ne consiste qu'en la conservation de l'être humain.
Ensuite,
en admettant que la fin de la raison et de la volonté humaines ne consiste
qu'en la conservation de l'être humain, on ne pourrait pas dire pour autant que
la fin de l'homme est un bien du corps. L'être humain, en effet, consiste à la
fois dans l'âme et dans le corps, et bien que l'être du corps dépende de l'âme,
l'être de l'âme ne dépend pas du corps, ainsi que nous l'avons fait voir
précédemment. En outre, le corps est fait pour l'âme comme la matière est faite
pour la forme et les instruments pour leur moteur, afin que par cette matière
et ces instruments elle exerce ses opérations à elle. Ainsi, tous les biens du
corps ont pour fin les biens de l'âme, et il est donc impossible que la
béatitude, fin ultime de l'homme, consiste dans les biens du corps.
Solutions:
1. De
même que le corps est ordonné à l'âme comme à sa fin, de même les biens
extérieurs au bien du corps. Et c'est pourquoi il est raisonnable que le bien
du corps soit préféré aux biens extérieurs, symbolisés par l'argent, de même
que le bien de l'âme est préféré à tous les biens du corps.
2. L'être
pris absolument, comme incluant en soi toute perfection de l'existence, est
évidemment supérieur à la vie et à tout ce qui peut la suivre, puisqu'en ce
sens-là l'être possède d'avance en lui-même tout ce qu'on dit venir après lui.
Or c'est en ce sens-là que Denys en parle. Mais si l'on considère l'être quant
à ses participations en telle ou telle réalité particulière, où ne se trouve
pas rassemblée toute la perfection de l'être, mais qui ont un être imparfait,
comme celui de toute créature, alors il est clair que l'être dont on parle, si
l'on y ajoute une perfection nouvelle, devient supérieur. Aussi Denys
affirme-t-il dans le même passage que les vivants sont meilleurs que les
simples existants, et les êtres intelligents meilleurs que les vivants.
3. Il est vrai que la fin répond au principe et que par là on peut prouver que la fin ultime de toutes choses est le premier principe des êtres, en qui réside toute perfection d'existence. Et de cet être premier tous les autres poursuivent la ressemblance, chacun selon son degré de perfection, les uns quant à l'existence seulement, d'autres selon qu'ils ont la vie, d'autres enfin sous la forme d'un être vivant, intelligent et bienheureux. Et c'est le fait d'un petit nombre.
Objections:
1. Il
semble bien, car la béatitude étant une fin dernière, elle n'est pas recherchée
pour autre chose, mais tout le reste à cause d'elle. Or cela convient
éminemment au plaisir, tellement qu'Aristote a pu écrire: "Il est ridicule
de demander à quelqu'un pourquoi il veut avoir du plaisir." Donc la
béatitude consiste surtout dans le plaisir et la délectation.
2. Il
est dit au livre Des Causes que la cause première s'imprime dans son effet avec
plus de puissance que la cause seconde. Or l'influence de la fin s'exerce par
le désir qu'on en a. Donc cela semble avoir raison de fin ultime, qui actionne
davantage l'appétit. C'est le cas du plaisir, et le signe en est que la
délectation absorbe à ce point la volonté et la raison de l'homme, qu'elle lui
fait mépriser tous les autres biens. Donc il apparaît que la fin ultime de
l'homme, qui est la béatitude, consiste surtout dans le plaisir.
3. Le
désir concernant le bien, ce que tous les êtres désirent semble être le
meilleur. Or tous les êtres désirent la jouissance: les sages, les insensés, et
aussi les êtres sans raison. La jouissance est donc ce qu'il y a de meilleur,
et c'est en elle que le souverain bien consiste.
Cependant:
Boèce
écrit: "Les voluptés ont toujours de tristes fins, et quiconque voudra se
souvenir de ses propres passions le comprendra. S'il était en leur pouvoir de
nous rendre bienheureux, il n'y aurait pas de raison pour ne pas dire
bienheureuses les bêtes elles-mêmes."
Conclusion:
Il faut remarquer que "si les délectations corporelles ont accaparé pour ainsi dire le nom de voluptés", c'est, comme l'observe Aristote, "parce qu'elles sont à la portée du grand nombre", alors que d'autres délectations sont pourtant bien supérieures. Mais en celles-ci non plus, on ne saurait faire consister principalement la béatitude.
En chaque chose, il faut distinguer ce qui appartient à son essence, et ce qui est son accident propre. Ainsi, chez l'homme, autre est sa qualité d'animal raisonnable mortel, autre la faculté de rire. Or toute délectation est comme l'accident propre consécutif à la béatitude ou à quelqu'une de ses parties intégrantes. En effet, on éprouve de la délectation parce qu'on est gratifié de quelque bien qui convient et qu'on possède soit en réalité, soit en espérance, ou tout au moins en mémoire. Or un bien qui convient, s'il est parfait, coïncide avec la béatitude; s'il est imparfait, il en est une participation, ou prochaine, ou éloignée, ou tout au moins apparente. Il est par là manifeste que même la délectation consécutive au bien parfait ne peut constituer l'essence même de la béatitude; elle est quelque chose de dérivé, par manière d'accident inséparable et propre.
Quant à la volupté corporelle, même de cette façon elle ne peut découler du bien parfait. Elle résulte en effet d'un bien qu'appréhende le sens, faculté de l'âme qui utilise le corps. Or un bien relatif au corps, un bien appréhendé par le sens ne peut être le bien humain parfait; car l'âme raisonnable dépasse en ampleur la matière corporelle, et la part de l'âme qui est indépendante de tout organe corporel a une sorte d'infinité par rapport au corps et aux parties de l'âme liées au corps. C'est ainsi que les réalités invisibles sont quasi infinies au regard des réalités matérielles. Et la raison en est que la forme est en quelque sorte contractée et réduite par la matière, de telle sorte qu'une forme dégagée de la matière est d'une certaine manière infinie. De là vient que le sens, faculté corporelle, a pour objet de connaissance le singulier, qui est limité par la matière. Au contraire, l'intellect, activité dégagée de la matière, connaît l'universel qui est lui-même abstrait de la matière et qui tient sous sa dépendance une infinité de singuliers.
Il est
ainsi évident que le bien qui convient au corps et qui, par l'appréhension des
sens, cause la délectation corporelle, n'est pas le bien parfait de l'homme,
mais quelque chose d'infime par rapport au bien de l'âme. C'est pourquoi, selon
la Sagesse (7, 9), "tout l'or du monde n'est qu'un peu de sable en
comparaison de la sagesse". On le voit donc, dans la volupté corporelle on
ne peut découvrir ni la béatitude, ni même un accident propre de la béatitude.
Solutions:
1. C'est
pour la même raison qu'on désire le bien et qu'on désire la délectation, qui
n'est autre chose que le repos de l'appétit dans le bien; ainsi la même
propriété naturelle porte le corps lourd en bas et le fait s'y tenir en repos.
Donc, de même que le bien est désiré pour lui-même, la délectation est aussi
désirée pour elle-même et non pour autre chose, si le mot "pour"
désigne la cause finale. Mais s'il désigne une cause formelle, ou plus encore,
une cause agente , alors la délectation est désirée pour autre chose, à savoir
le bien qui est l'objet de la délectation, par suite de son principe, et qui
lui donne sa forme. Car si la délectation est désirée, elle le tient de ce
qu'elle est un repos dans le bien désiré.
2. L'appétit
violent de délectations sensibles provient de ce que les opérations des sens,
point de départ de notre connaissance, sont pour ce motif plus perceptibles.
C'est pour cela aussi que les délectations des sens sont recherchées du grand
nombre.
3. Tous recherchent la délectation de la façon dont ils désirent le bien. Et pourtant, ils désirent la délectation en raison du bien, et non inversement, ainsi que nous l'avons dit. Il ne s'ensuit donc pas que la délectation soit le plus grand des biens, et soit un bien en soi; mais que chaque délectation accompagne un certain bien, et qu'une certaine délectation accompagne ce qui est par soi le plus grand des biens.
Objections:
1. Cela
semble évident, car la béatitude est un bien de l'homme. Or le bien de l'homme
se divise en trois: les biens extérieurs, les biens du corps et les biens de
l'âme. Puisqu'il a été démontré que la béatitude ne consiste ni dans les biens
extérieurs, ni dans les biens du corps, il ne reste que les biens de l'âme.
2. Nous
aimons l'être à qui nous souhaitons un bien plus que nous n'aimons ce bien
lui-même; ainsi aimons-nous l'ami à qui nous souhaitons de l'argent plus que
nous n'aimons l'argent. Mais chacun se souhaite à soi-même tout bien; donc il
se préfère à tous les autres biens. Or la béatitude est aimée par-dessus tout,
puisque c'est à cause d'elle que tout le reste est aimé et désiré. Donc la
béatitude consiste en quelque bien de l'homme lui-même, et puisque ce n'est pas
dans les biens du corps, il faut que ce soit dans les biens de l'âme.
3. La
perfection est quelque chose qui appartient à l'être perfectionné. Or la
béatitude est une perfection de l'homme. Elle est donc quelque chose de
l'homme. N'étant pas quelque chose du corps, comme on l'a montré, elle est
nécessairement quelque chose de l'âme. Et ainsi la béatitude consiste dans les
biens de l'âme.
Cependant:
S.
Augustin nous dit: "Ce qui constitue la vie bienheureuse doit être aimé
pour soi-même." Or l'homme ne doit pas être aimé pour lui-même, mais tout
ce qui est dans l'homme doit être aimé pour Dieu. Donc la béatitude ne consiste
en aucun bien de l'âme.
Conclusion:
Comme on l'a dit plus haut, le mot fin comporte deux acceptions. On peut appeler ainsi la chose même que nous désirons obtenir, ou bien l'usage, l'obtention ou la possession de cette chose. Donc, si nous parlons de la fin ultime de l'homme quant à la chose même que nous désirons comme fin ultime, il est impossible que la fin ultime de l'homme soit l'âme elle-même ou quelque chose de l'âme. En effet, l'âme elle-même, considérée en soi, est une nature en puissance, puisqu'elle passe de la puissance de savoir à l'acte de savoir, de la puissance vertueuse à l'acte vertueux. Et comme la puissance existe en vue de l'acte qui lui apporte son achèvement, il est impossible que ce qui n'existe par soi-même qu'en puissance ait raison de fin ultime. Il est donc impossible que l'âme elle-même soit la fin ultime d'elle-même. Mais pas davantage quelque chose d'elle, que ce soit une puissance, un habitus ou un acte. En effet, le bien qui est la fin ultime est un bien parfait et comblant notre appétit de bien. D'autre part, chez l'homme, l'appétit que nous appelons volonté a pour objet le bien universel. Or, tout bien, parmi ceux qui sont inhérents à l'âme, est un bien participé et en conséquence particularisé. Il est donc impossible que l'un de ses biens soit la fin ultime de l'homme.
Si
maintenant nous parlons de la fin humaine en comprenant par là l'obtention, la
possession ou un usage quelconque de ce qui est désiré comme fin, alors il y a
quelque chose de l'âme humaine qui appartient à la fin dernière, car c'est bien
par l'âme que l'homme atteint sa béatitude Ainsi, la chose même qui est désirée
comme fin est ce qui constitue la béatitude et qui rend son possesseur
bienheureux, tandis que la conquête de cette chose est appelée béatitude.
Concluons donc: la béatitude est quelque chose de l'âme, mais ce qui la
constitue est quelque chose hors de l'âme.
Solutions:
1. Si,
sous cette division, on entend ranger tous les biens qui se présentent à
l'homme comme désirables, on doit appeler biens de l'âme non seulement la
puissance, l'habitus ou l'acte, mais encore leur objet, qui est en dehors
d'elle. Et en ce sens, rien n'empêche de dire que ce qui constitue la béatitude
est quelque chose de l'âme.
2. En
ce qui concerne notre propos, il faut dire que la béatitude est aimée
par-dessus tout, comme un bien que l'on désire. Un ami au contraire est aimé
comme une personne en faveur de qui l'on désire du bien, et de cette façon
aussi l'homme s'aime lui-même. Mais on voit que la nature de l'amour n'est pas
la même dans les deux cas. Quant à savoir si d'un amour d'amitié l'homme aime
quelque chose plus que lui-même, c'est ce qu'il y aura lieu de nous demander
quand nous traiterons de la charité.
3. La béatitude elle-même étant la perfection de l'âme, est un bien inhérent à l'âme. Mais ce en quoi la béatitude consiste, c'est-à-dire ce qui rend bienheureux, cela est hors de l'âme.
Objections:
1. Il
semble bien, car, d'après Denys la sagesse divine a "conjoint les
extrémités des premiers êtres aux principes des seconds", d'où l'on peut tirer
que la suprême élévation de la nature inférieure est d'atteindre au plus bas de
la nature supérieure. Or le bien suprême de l'homme est la béatitude. Donc,
puisque l'ange est au-dessus de l'homme dans l'ordre de la nature, ainsi qu'on
l'a vu dans la première Partie, il semble que la béatitude de l'homme consiste
en ce que d'une certaine façon il atteigne à l'ange.
2. La
fin ultime de chaque chose est dans ce qui la parfait, d'où il suit que la
partie existe en vue du tout comme en vue de sa fin. Mais toute 1'universalité
des créatures, qu'on appelle le "macrocosme", est, par rapport à
l'homme, appelé "microcosme" par Aristote, comme le parfait par
rapport à l'imparfait. Donc la béatitude de l'homme consiste en 1'universalité
des créatures.
3. Ce
qui rend l'homme heureux, c'est l'objet où son désir naturel trouve le repos.
Mais le désir de l'homme ne s'étend pas à un bien plus grand que celui qu'il
peut embrasser. Donc, puisque l'homme n'a pas une capacité à l'égard du bien
qui excède les limites de toute créature, il semble qu'il puisse trouver son
bonheur dans un bien créé.
Cependant:
S.
Augustin écrit: "De même que l'âme est la vie de la chair, ainsi Dieu est
la vie heureuse de l'homme", et le Psaume (144, 15): "Heureux le
peuple dont le Seigneur est le Dieu."
Conclusion:
Il est
impossible que la béatitude de l'homme consiste en un bien créé. En effet, la
béatitude est un bien parfait, capable d'apaiser entièrement le désir, sans
quoi, et s'il restait encore quelque chose à désirer, elle ne pourrait être la
fin ultime. Or l'objet de la volonté, faculté du désir humain, est le bien
universel, de même que l'objet de l'intellect est le vrai universel. D'où il
est évident que rien ne peut apaiser la volonté humaine hors le bien universel.
Celui-ci ne se trouve réalisé en aucune créature, mais seulement en Dieu; car
toute créature ne possède qu'une bonté participée- Ainsi Dieu seul peut combler
la volonté de l'homme, selon ces paroles du Psaume (103, 5): "C'est lui
qui rassasie tes désirs en te comblant de biens." C'est donc en Dieu seul
que consiste la béatitude de l'homme.
Solutions:
1. Le
plus haut état de l'homme touche au plus bas degré de la nature angélique par
une certaine ressemblance; mais l'homme ne s'arrête pas là comme dans sa fin
ultime; il remonte jusqu'à la source universelle du bien, qui est le commun
objet de béatitude de tous les bienheureux, au titre de bien infini et parfait.
2. Si
un tout n'est pas une fin ultime, mais est ordonné à une fin ultérieure, la fin
ultime de l'une de ses parties ne peut pas être ce tout, mais quelque chose
d'autre. Or 1'universalité des créatures, à laquelle l'homme se rapporte comme
la partie au tout, n'est pas une fin ultime, mais elle est ordonnée à Dieu
comme à sa fin ultime. Donc le bien que représente l'univers n'est pas l'ultime
fin de l'homme, celle-ci est Dieu lui-même.
3. Le bien créé n'est pas moindre que le bien dont l'homme est capable comme d'un bien intérieur à lui et inhérent à son être. Mais il est moindre que le bien dont l'homme est capable à titre d'objet, car celui-ci est infini, alors que le bien participé par l'ange ou par l'univers entier est un bien fini et restreint.
Demandons-nous
maintenant ce qu'est la béatitude (Question 3); puis quels compléments lui sont
indispensables (Question 4).
1. La béatitude est-elle une réalité incréée?
- 2. Si elle est une réalité créée, est-elle une activité? - 3. Est-elle une
activité de la partie sensible de l'âme, ou seulement de sa partie
intellectuelle? - 4. Si elle est une activité de la partie intellectuelle,
est-elle une activité de l'intellect ou bien de la volonté? - 5. Est-elle une
opération de l'intellect spéculatif ou de l'intellect pratique? - 6. Si elle
est une activité de l'intellect spéculatif, consiste-t-elle dans l'étude des
sciences spéculatives? - 7. Consiste-t-elle dans la connaissance des substances
séparées, c'est-à-dire des anges? - 8. Consiste-t-elle en la seule
contemplation de Dieu, par laquelle il est vu dans son essence?
Objections:
1. Il semble que oui, puisque Boèce a écrit:
"Il faut nécessairement reconnaître que Dieu est la béatitude même."
2. La béatitude est le souverain bien. Or être le
souverain bien, cela convient à Dieu, et puisqu'il ne peut y avoir plusieurs
souverains biens, il semble que la béatitude soit identique à Dieu.
3. La béatitude est la fin ultime à laquelle la
volonté humaine tend naturellement comme à sa fin. Mais la volonté humaine ne
doit tendre comme à sa fin à rien d'autre que Dieu, de qui seul nous devons
jouir, dit S. Augustin. Donc la béatitude est identique à Dieu.
Cependant:
rien de ce qui est fait est incréé. Or la
béatitude de l'homme est quelque chose qui se fait, comme on le voit dans ces
paroles de S. Augustin: "Nous devons jouir de ces choses qui nous font
bienheureux." Donc la béatitude n'est pas quelque chose d'incréé.
Conclusion:
Comme on l'a dit plus haut, le mot
"fin" se prend en deux sens. On peut entendre par là l'objet même que
nous souhaitons obtenir; ainsi l'argent est une fin pour l'avare; et d'autre
part ce mot peut désigner l'atteinte ou la possession, l'usage ou la jouissance
de l'objet désiré, comme si l'on dit que la possession de l'argent est la fin
de l'avare, et la jouissance d'un objet voluptueux la fin de l'intempérant.
Dans le premier sens, la fin dernière de l'homme est un bien incréé, puisque
c'est Dieu, qui seul, par sa bonté infinie, peut combler parfaitement la
volonté de l'homme. Dans le second sens, la béatitude de l'homme est quelque
chose de créé qui existe en lui, qui n'est autre chose que l'acquisition ou la
jouissance de la fin ultime. Or, c'est la fin ultime qui est appelée béatitude.
Donc, si la béatitude de l'homme est considérée dans sa cause ou son objet,
elle est quelque chose d'incréé; si au contraire on l'envisage quant à son
essence même de béatitude, elle est quelque chose de créé.
Solutions:
1. Dieu est béatitude par son essence même; et en
effet il n'est pas heureux par l'acquisition ou la participation de quelque
chose d'autre, il l'est par son essence. Mais les hommes, comme Boèce le dit
dans le même passage, sont heureux par participation, comme ils sont dits des
dieux par participation. Or, cette participation même de la béatitude, selon
laquelle l'homme est déclaré heureux, est bien quelque chose de créé.
2. La béatitude est appelée souverain bien de
l'homme parce qu'elle consiste en l'acquisition ou la jouissance du souverain
bien.
3. On dit que la béatitude est fin ultime en entendant par là l'obtention de la fin.
Objections:
1. Il ne semble pas que la béatitude soit une
activité, car l'Apôtre dit (Rm 6, 22): "Vous avez pour fruit la sainteté,
et pour fin la vie éternelle." Or la vie n'est pas une activité, mais
l'être même des vivants.
2. Boèce appelle la béatitude "un état
parfait grâce au rassemblement de tous les biens"; or un état ne désigne
pas une activité.
3. La béatitude étant l'ultime perfection de
l'homme, on doit entendre par là quelque chose qui existe dans l'homme heureux.
Or une activité ne signifie pas quelque chose qui existe dans le sujet qui
opère, mais plutôt quelque chose qui en procède.
4. La béatitude est en permanence dans le
bienheureux, tandis que l'activité est passagère.
5. Il n'y a pour un homme qu'une seule béatitude,
mais ses activités sont multiples.
6. La béatitude est inhérente au sujet heureux
sans interruption. Mais l'activité humaine est fréquemment interrompue, que ce
soit par le sommeil, par une occupation différente ou par le repos. La
béatitude n'est donc pas une activité.
Cependant:
le Philosophe assure que "la félicité est
une activité procédant d'une vertu parfaite".
Conclusion:
Puisque la béatitude de l'homme est quelque chose
de créé qui existe en lui, il faut nécessairement dire que la béatitude est une
activité. Elle est en effet l'ultime perfection de l'homme. Or une chose est
parfaite dans la mesure où elle est en acte; car une puissance privée de son
acte est imparfaite. Il faut donc que la béatitude de l'homme consiste dans son
acte ultime. Or il est manifeste que l'activité est l'acte ultime d'un être
actif, en raison de quoi Aristote l'appelle son acte second. En effet, l'être
en possession de sa forme active peut n'être encore opérant qu'en puissance, comme
l'homme qui possède la science est en puissance par rapport à la considération
de ce qu'il sait. De là vient qu'en ce qui concerne toutes les autres choses,
Aristote dit que "chacune existe en vue de sa propre opération". Il
est donc nécessaire que la béatitude de l'homme soit une activité.
Solutions:
1. Le mot vie a deux sens. On dit la vie, pour
désigner l'existence même du vivant, et dans ce sens la béatitude n'est pas une
vie, puisqu'il a été démontrée que l'existence d'un homme, quelle qu'elle soit,
ne saurait être sa béatitude. Chez Dieu seul la béatitude est identique à
l'existence. Mais dans un autre sens, le mot vie désigne l'activité par
laquelle le principe de vie qui existe dans le vivant passe à l'acte. C'est
dans ce sens que nous parlons de vie active, de vie contemplative, de vie
voluptueuse. C'est ainsi que la fin ultime est appelée vie éternelle. On le
voit à ces paroles du Christ en S. Jean (17, 3): "La vie éternelle, c'est
qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu."
2. Boèce, dans la définition qu'on rappelle, n'a
considéré que la notion générale de béatitude. Prise ainsi en général, elle
désigne le bien commun parfait, et c'est ce que Boèce a exprimé en disant que
la béatitude est "un état parfait grâce au rassemblement de tous les
biens", ce qui ne dit rien d'autre que ceci: le bienheureux est dans un
état de bien parfait. Mais Aristote a exprimé l'essence même de la béatitude,
montrant par quoi l'homme est dans cet état: par une certaine activité. Aussi
montre-t-il lui-même que "la béatitude est le bien parfait".
3. Il faut se rappeler qu'il y a, selon Aristote
deux sortes d'action. L'une passe du sujet opérant dans une matière extérieure,
comme brûler ou couper. Et la béatitude ne peut être une activité de ce genre,
car une telle opération n'est pas l'acte et la perfection de l'agent, mais
plutôt du patient, comme on le voit au même endroit. Mais il est une autre
action qui demeure dans l'agent lui-même, comme sentir, comprendre ou vouloir.
Une telle action est la perfection et l'acte de l'agent, et la béatitude peut
donc être une activité de cette sorte.
4. La béatitude impliquant une certaine perfection ultime, selon les degrés divers auxquels peuvent parvenir les êtres capables de béatitude, la béatitude aussi présente divers caractères. En Dieu se trouve la béatitude par essence, car son être même est identique à son activité, par laquelle il jouit de lui-même et non d'un autre. Chez les anges, la béatitude est la perfection ultime réalisée par une activité qui les unit au bien incréé; et en eux cette activité est unique et perpétuelle. Chez les hommes, dans l'état de la vie présente, la perfection ultime est acquise par une activité qui unit l'homme à Dieu; mais cette activité ne peut être ni continue, ni par conséquent unique, car l'activité se multiplie par ses interruptions. Pour ce motif, dans l'état de vie présente, la béatitude parfaite ne saurait être possédée par l'homme. Aussi le Philosophe-, plaçant la béatitude de l'homme en cette vie, la dit-il imparfaite, concluant après de longs développements: "Nous les appelons bienheureux, comme le sont des hommes." Mais Dieu nous promet la béatitude parfaite, quand nous serons, selon l'Évangile (Mt 22, 30) "comme des anges dans le ciel".
Donc, si l'on parle de cette béatitude parfaite,
l'objection tombe; car dans cet état bienheureux, l'esprit de l'homme sera uni
à Dieu par une activité unique, continue et perpétuelle. En ce qui concerne la
vie présente, autant nous y sommes éloignés de la béatitude parfaite, autant
nous sommes loin de l'unité et de la continuité d'une telle activité.
Toutefois, il nous reste une certaine participation de la béatitude, et
d'autant mieux que notre activité pourra être plus continue et plus une. C'est
pourquoi la vie active, qui comporte de nombreuses occupations, est moins
apparentée à la béatitude que la vie contemplative, tournée vers un seul objet,
qui est la contemplation de la vérité. Si parfois l'homme n'exerce pas en acte
une telle activité, il est toujours à même de l'accomplir; et comme il ordonne
à elle cela même qui l'interrompt, comme le sommeil ou une quelconque
occupation de la nature, l'activité semble être continuelle.
5. 6. Cela donne la réponse aux dernières objections.
Objections:
1. Il semble que la béatitude doive consister
aussi en une activité des sens. En effet, aucune activité de l'homme n'est plus
noble que celle des sens, sauf l'activité intellectuelle. Mais celle-ci dépend
en nous de l'activité des sens, puisque nous ne pouvons penser sans images,
selon Aristote. Donc la béatitude consiste aussi en une activité sensible.
2. La béatitude est, définie par Boèce, "un
état parfait grâce au rassemblement de tous les biens". Or il y a des
biens sensibles que nous atteignons par l'activité des sens. Il semble donc que
celle-ci soit requise pour la béatitude.
3. La béatitude est un bien parfait, comme le
prouve Aristote. Or cela ne serait pas si l'homme n'était perfectionné par elle
selon toutes les parties de son être. Or les activités de l'ordre sensible
perfectionnent certaines parties de l'âme. Donc l'activité sensible est requise
pour la béatitude.
Cependant:
les bêtes ont en commun avec nous les activités
sensibles, et non la béatitude. Donc la béatitude ne consiste pas en de telles
opérations.
Conclusion:
Une chose peut avoir rapport à la béatitude de trois manières - essentiellement, à titre d'antécédent, et à titre de conséquent. En ce qui concerne l'essence, l'opération sensitive ne peut appartenir à la béatitude; car la béatitude de l'homme consiste essentiellement dans son union avec le bien incréé, qui est sa fin ultime, nous l'avons montré, et à ce bien-là l'homme ne peut être uni par une activité des sens. De même, nous savons que la béatitude humaine ne consiste pas dans les biens corporels, les seuls pourtant que nous puissions atteindre par les sens.
Mais les activités sensibles peuvent avoir
rapport à la béatitude soit comme antécédents, soit à titre de conséquence.
Comme antécédents, en ce qui concerne la béatitude imparfaite telle qu'on peut
la posséder en cette vie, pour cette raison que l'activité de l'intellect exige
celle des sens. A titre de conséquence, dans la parfaite béatitude qui est
attendue dans le ciel, parce que, après la résurrection, ainsi que l'explique
S. Augustin, la béatitude de l'âme refluera pour ainsi dire sur le corps et sur
les sens corporels pour rendre leurs activités plus parfaites. C'est ce qu'on
verra plus clairement quand nous traiterons de la résurrection. Mais dans cet
état, l'activité par laquelle l'esprit de l'homme sera uni à Dieu ne dépendra
pas des sens.
Solutions:
1. Cette objection prouve que l'activité des sens
est nécessaire, à titre d'antécédent, à la béatitude imparfaite telle qu'on
peut la posséder en ce monde.
2. La béatitude parfaite, telle que les anges la
possèdent, réalise la plénitude de tous les biens par l'union à leur source de
tout bien, sans qu'il soit besoin de biens singuliers. Mais dans notre
béatitude imparfaite nous avons besoin d'un ensemble de biens qui nous
suffisent pour l'activité la plus parfaite de cette vie.
3. La béatitude parfaite doit parfaire tout l'homme; mais ce sera grâce à une répercussion de la partie supérieure sur l'inférieure. Dans la béatitude imparfaite de la vie présente, c'est l'inverse qui a lieu: le perfectionnement de la partie inférieure contribue à celui de la partie supérieure.
Objections:
1. Il semble que la béatitude consiste en un acte
de la volonté. En effet, S. Augustin écrit: "La béatitude de l'homme
consiste dans la paix", selon ces mots du Psaume (147, 14): "Il a
fait de tes frontières un séjour de paix." Or la paix relève de la
volonté.
2. La béatitude est le souverain bien. Or le bien
est l'objet de la volonté.
3. Au premier moteur correspond la fin ultime, de
même que la victoire, fin dernière de toute l'armée, est la fin du chef qui
meut l'armée tout entière. Or le premier moteur de toute l'opération est en
nous la volonté, car c'est elle qui actionne nos autres facultés, comme on le
dira par la suite. Donc la béatitude relève de la volonté.
4. Si la béatitude est une opération, ce doit
être l'opération humaine la plus noble. Or l'amour de Dieu, qui est un acte de
la volonté, est plus noble que la connaissance, opération intellectuelle, comme
le montre l'Apôtre dans sa première épître aux Corinthiens (chap. 13).
5. S. Augustin écrit: "Celui-là est bienheureux
qui a tout ce qu'il veut, et ne veut rien pour le mal." Et peu après:
"Celui-là est proche d'être heureux qui veut selon le bien tout ce qu'il
veut; car ce sont des biens qui rendent heureux, et un tel homme a déjà une
part de ces biens, qui est sa propre bonne volonté. Donc la béatitude consiste
en un acte de volonté."
Cependant:
le Seigneur dit (Jn 17, 3) "La vie
éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu." Or la vie
éternelle est notre fin ultime, nous l'avons dit. Donc la béatitude de l'homme
consiste dans la connaissance de Dieu, qui est un acte intellectuel.
Conclusion:
Nous l'avons dit plus haut, deux choses sont requises pour la béatitude: l'une qui est son essence même, l'autre qui est en quelque sorte son accident propre: la délectation qui s'y ajoute. Je dis donc qu'en ce qui concerne l'essence même de la béatitude, il est impossible qu'elle consiste en un acte de volonté. Il est clair en effet, d'après ce qui précède, que la béatitude est l'entrée en possession de notre fin ultime. Or l'entrée en possession de la fin ne consiste pas dans un acte de volonté. Car la volonté se porte vers la fin, soit absente lorsqu'elle la désire, soit présente lorsque s'y reposant elle y trouve son plaisir. Or il est évident que le désir de la fin n'en est pas l'acquisition, c'est un mouvement vers la fin. Quant au plaisir, il échoit à la volonté lorsque la fin est présente; mais on ne peut pas dire, réciproquement, que quelque chose soit rendu présent du fait que la volonté y prend plaisir. Il faut donc qu'il y ait quelque chose d'autre, en dehors de l'acte de la volonté, par quoi la fin elle-même soit rendue présente à la volonté.
Cela apparaît clairement quand on l'applique à des fins sensibles. Si l'on pouvait acquérir de l'argent par un acte de volonté, le cupide serait en possession de cet argent dès le moment où il veut l'avoir. Mais au départ l'argent lui manque; il l'acquiert en y portant la main ou autrement, et alors il trouve son plaisir dans l'argent qu'il possède. Ainsi en est-il en ce qui concerne notre fm intelligible. Au départ, nous voulons obtenir cette fin intelligible; nous l'obtenons du fait qu'elle nous devient présente par un acte intellectuel; et alors notre volonté se repose avec plaisir dans la fin maintenant possédée.
Ainsi donc, l'essence de la béatitude consiste en
un acte intellectuel; mais la délectation consécutive à la béatitude appartient
à la volonté; ce qui fait dire à S. Augustin: "La béatitude est la joie de
la vérité". Parce que la joie est la consommation de la béatitude.
Solutions:
1. La paix ressortit à la fin dernière de
l'homme; mais elle n'en est pas l'essence; elle n'est à son égard qu'un
antécédent et une conséquence. Un antécédent en ce que tout élément
perturbateur et tout obstacle sont écartés de la fin ultime. Une conséquence,
parce que désormais l'homme en possession de sa fin ultime demeure apaisé, son
désir ayant trouvé le repos.
2. Le premier objet de la volonté n'est pas son
acte à elle, comme le premier objet de la vue n'est pas la vision, mais le
visible. Ainsi, du fait que la béatitude concerne la volonté comme son premier
objet, il résulte qu'elle ne se confond pas avec son acte même.
3. Si la fin est appréhendée d'abord par
l'intelligence, le mouvement vers la fin commence dans la volonté. Et c'est
pour cela que nous attribuons à la volonté le dernier effet produit par
l'acquisition de la fin, qui est la délectation ou jouissance.
4. L'amour surpasse la connaissance quand il
s'agit d'imprimer le mouvement. Mais la connaissance précède l'amour quant au
fait d'atteindre la fin; car ainsi que l'observe S. Augustin, on n'aime que ce
qui est déjà connu. Pour cette raison, nous atteignons d'abord notre fin
intelligible par une action de l'intellect, de même que nous atteignons d'abord
par les sens une fin de l'ordre sensible.
5. Celui qui a tout ce qu'il veut est bienheureux du fait même qu'il a ce qu'il veut; mais s'il l'a, c'est par autre chose qu'un acte de volonté. Quant à ne vouloir rien de mal, c'est là une prédisposition nécessaire à la béatitude. Enfin la bonne volonté est placée par S. Augustin au rang des biens qui rendent bienheureux, en ce sens qu'elle est une sorte d'inclination vers ces biens. C'est ainsi que le mouvement rentre dans le genre auquel appartient son terme, et l'altération dans le genre de la qualité qui en sera le résultat.
Objections:
1. Il semble que