LE CHATEAU INTERIEUR OU LES DEMEURES par Sainte Thérèse d'Avila
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SEPTIEMES DEMEURES
CHAPITRE IV
Des buts que poursuit Notre-Seigneur quand il accorde à l'âme de si hautes faveurs, et de la nécessité pour Marthe et Marie de vivre unies. Chapitre fort profitable.
1
N'allez pas croire, mes soeurs, que ces effets dont j'ai parlé soient
immuables dans ces âmes ; c'est pourquoi, lorsque j'y pense, je précise
que tel est, à l'ordinaire, leur état ; car Notre-Seigneur les
abandonne parfois à leur naturel et on dirait alors que toutes les bêtes
venimeuses des faubourgs et premières Demeures de ce château se
conjurent pour se venger du temps où elles ne les ont pas elles à
leur portée.
2 Il est vrai que cet état dure peu ; souvent un jour, ou un peu plus.
Et dans ce grand tumulte, suscité d'ordinaire par une circonstance quelconque,
on voit ce que l'âme gagne à vivre en si bonne compagnie ; le Seigneur
lui donne une grande fermeté pour qu'elle ne se détourne jamais
de le servir et tienne ses bonnes résolutions ; ces résolutions
semblent plutôt se fortifier, elle ne s'en écarte même pas
d'un infime premier mouvement. Comme je le dis, les écarts sont rares,
mais Notre-Seigneur veut que l'âme ne perde pas le souvenir de ce qu'elle
est, d'abord pour qu'elle soit toujours humble, ensuite pour qu'elle comprenne
mieux ce qu'elle doit à Sa Majesté, la grandeur de la faveur qu'elle
reçoit, et qu'elle l'en loue.
3 Il ne doit pas non plus vous passer par l'esprit que du fait que ces âmes
ont le si vif désir et la si ferme détermination de ne faire pour
rien au monde quoi que ce soit d'imparfait, elles ne succombent jamais et ne
commettent aucun péché. Volontairement, non, et le Seigneur doit
leur accorder pour cela une aide toute particulière. Je parle de péchés
véniels, car, autant qu'elles puissent le déceler, elles sont
affranchies des mortels ; ce n'est toutefois pas une certitude, le moindre de
leurs tourments n'est pas de se demander si elles n'en ont pas commis qu'elles
ignorent. Un autre de leurs tourments, ce sont les âmes qui se perdent
; bien qu'elles aient en quelque sorte grand espoir de ne pas être dans
ce cas, quand elles se souviennent de certains personnages dont il est dit dans
l'Écriture qu'ils semblaient favorisés de Dieu, tel un Salomon,
qui eut des rapports si étroits avec Sa Majesté, elles ne peuvent
manquer d'avoir des craintes, comme je l'ai dit. Que celle d'entre vous qui
serait le plus sure d'elle soit la plus craintive ; car Heureux l'homme qui
craint Dieu dit David (Ps 61,1). Plaise à Sa Majesté de nous garder
toujours ; la plus grande assurance que nous pussions avoir est de toujours
supplier Dieu de ne pas nous permettre de l'offenser. Qu'il soit loué
à jamais. Amen.
4 Il sera bon, mes soeurs, de vous dire dans quel but le Seigneur accorde tant
de faveurs en ce monde. Les effets ont du vous le faire comprendre, si vous
avez été attentives, mais je veux toutefois vous en reparler ici,
pour qu'aucune d'entre vous n'imagine qu'il ne cherche qu'à choyer ces
âmes, ce serait une grave erreur ; Sa Majesté ne peut nous accorder
une plus grande faveur que de nous faire vivre dans l'imitation de la vie de
son Fils tant aimé ; j'ai donc la certitude que ces faveurs tendent à
fortifier notre faiblesse, comme je l'ai parfois dit ici, afin que nous sachions,
à son exemple, beaucoup souffrir.
5 Nous avons toujours vu ceux qui ont vécu le plus près du Christ
Notre-Seigneur subir les plus grandes épreuves. Considérons celles
de sa glorieuse Mère et des glorieux Apôtres. Par quel moyen supposez-vous
que saint Paul ait pu supporter ses immenses épreuves ? Nous pouvons
juger d'après lui des effets des vraies visions et de la contemplation
quand elles émanent de Notre-Seigneur et qu'il ne s'agit pas de nos imaginations
ou d'une tromperie du démon. Est-il allé se cacher, d'aventure
pour jouir de ces délices, sans s'occuper de rien d'autre ? Vous le voyez,
jamais il n'eut de répit le jour, à notre connaissance ; et il
ne dut pas non plus en avoir la nuit, puisqu'il l'employait à gagner
de quoi manger (1Th 2,9). J'aime beaucoup saint Pierre, qui, lorsque Notre-Seigneur
lui apparut alors qu'il s'enfuyait de prison lui dit qu'il allait à Rome
pour être crucifié à nouveau. Jamais nous ne célébrons
la fête où ce fait est conté sans que ce me soit un réconfort
tout particulier. Qu'en fut-il de saint Pierre après cette faveur du
Seigneur, ou que fit-il ? Marcher immédiatement à la mort ; et
qu'il trouve quelqu'un pour la lui donner ne fut pas la moindre des miséricordes
du Seigneur.
6 Ô mes soeurs, quel oubli de son repos, quel mépris de son honneur,
quel éloignement de toute recherche d'estime, chez l'âme qu'habite
si particulièrement le Seigneur ! Comme elle vit beaucoup avec Lui, il
est juste qu'elle ne pense guère à elle-même ; sa mémoire
s'emploie toute à chercher le meilleur moyen de le contenter, que faire
dans ce but, et comment lui montrer son amour. Tel est le but de l'oraison,
mes filles ; voilà à quoi sert ce mariage spirituel : donner toujours
naissance à des oeuvres, des oeuvres.
7 C'est à cela qu'on reconnaît vraiment que cette faveur est octroyée
par Dieu, comme je vous l'ai déjà dit ; car il ne m'est guère
utile de vivre très recueillie dans la solitude, d'agir avec Notre-Seigneur,
de proposer et promettre de réaliser des merveilles à son service
si, aussitôt sortie de là, à la moindre occasion, je fais
tout le contraire. En disant que ça n'est guère utile, je me suis
mal exprimée, car tout le temps qu'on passe avec Dieu est fort utile,
et ces résolutions, même si nous sommes ensuite trop faibles pour
les accomplir, Sa Majesté nous donnera un jour ou l'autre le moyen de
les respecter, même malgré nous, comme c'est souvent le cas ; car
lorsque le Seigneur voit qu'une âme est fort lâche, il lui impose
une très lourde épreuve, contre sa volonté, mais dont elle
tire grand avantage ; par la suite, l'âme qui a compris cela perd toute
crainte de s'offrir à Lui plus généreusement. J'ai voulu
dire que c'est peu de chose, en comparaison de ce qu'on obtient quand les oeuvres
sont conformes aux actes et aux paroles ; et celle qui n'y parviendrait pas
d'un seul coup doit chercher à y arriver peu à peu. Qu'elle travaille
à fléchir sa volonté, si elle veut que l'oraison lui soit
profitable ; de nombreuses occasions de le faire ne lui manqueront pas, dans
le petit recoin où vous vivez.
8 Considérez que c'est beaucoup plus important que je ne saurais dire.
Fixez votre regard sur le Crucifix, et tout vous semblera facile. Alors que
Sa Majesté nous a manifesté son amour par tant d'actes et d'épouvantables
tourments, comment voulez-vous ne le satisfaire qu'avec des mots ? Être
un vrai spirituel, savez- vous ce que cela signifie ? C'est se faire les esclaves
de Dieu ; ceux-là sont marqués, au fer, du signe de la croix,
car ils lui ont déjà aliéné leur liberté
pour qu'il puisse les vendre comme esclaves à tout le monde, comme il
le fut lui-même ; il ne leur fait ainsi nulle injure, mais une grande
faveur. Que ceux qui ne se résoudraient pas à cela n'aient crainte,
ils ne feront pas de grands progrès, car, comme je l'ai dit, l'humilité
est le fondement de tout cet édifice ; le Seigneur ne voudra pas les
élever très haut, si elle n'est pas très sincère
; cela, pour votre bien, afin de leur éviter de s'effondrer. Donc, mes
soeurs, pour que cet édifice ait de bonnes fondations, tâchez d'être
la plus petite de toutes, l'esclave de toutes vos soeurs, cherchez comment et
en quoi vous pouvez leur être agréable et les servir ; ce que vous
ferez ainsi, vous le ferez pour vous plus que pour elles, car vous poserez des
pierres si solides que votre château ne pourra s'écrouler.
9 Je répète qu'il faut pour cela que vos fondations ne portent
pas seulement sur la prière et la contemplation, car si vous ne recherchez
pas les vertus, si vous ne vous exercez pas à les pratiquer, vous ne
serez jamais que des naines ; et même plaise à Dieu qu'il ne s'agisse
que de ne pas grandir, vous savez que celui qui ne croît pas décroît
; et j'estime impossible que l'amour là où il est, se contente
d'être toujours le même.
10 Il vous semblera que je parle à ceux qui, ayant débuté,
peuvent désormais se reposer. Je vous ai déjà dit que le
repos intérieur dont jouissent ces âmes aboutit à leur retirer
en partie leur repos extérieur, et à leur faire désirer
de n'en avoir aucun. A quoi tendent, selon vous, ces inspirations dont j'ai
parlé, ou pour mieux dire, ces aspirations, ces messages que l'âme
envoie du centre intérieur aux gens du sommet du château et aux
demeures situées à l'extérieur de celle où elle
se trouve ? Sont-ce des invitations à se coucher pour dormir ? Non, non,
non ; pour que les puissances, les sens, et tout ce qui est corporel ne restent
pas oisifs, elle leur fait bien plus rudement la guerre qu'elle ne la leur a
jamais faite quand elle souffrait avec eux ; car alors elle ne comprenait pas
le si grand bienfait que sont les épreuves dont Dieu s'est servi, d'aventure,
pour l'amener où elle est, et la compagnie qu'elle trouve ici lui donne
plus de force qu'elle n'en a jamais eu. David dit que nous serons saints avec
les saints (Ps 17,26), nous ne pouvons donc pas en douter : lorsque l'âme
ne fait plus qu'une avec Celui qui est fort par l'union si souveraine de l'esprit
avec l'esprit, la force est contagieuse, et nous verrons ainsi celle dont les
saints ont fait preuve pour souffrir et mourir.
11 Il est absolument vrai que l'âme communique la contagion de cette force
à tous ceux qui sont dans le château et au corps lui-même,
qu'elle semble souvent ignorer ; sa vigueur, soutenue par le vin qu'elle boit
dans cette cave où son Époux l'a amenée et d'où
il ne la laisse pas sortir, retentit sur le faible corps, comme ici-bas la nourriture
qu'on met dans l'estomac donne des forces à la tête et à
tout le corps. Le corps est donc bien infortuné, tant qu'il vit : il
a beau faire, la force intérieure surpasse de beaucoup la sienne, l'âme
lui fait la guerre et estime que ça n'est rien. De là, sans doute,
les grandes pénitences auxquelles se sont livrés de nombreux saints,
en particulier la glorieuse Madeleine, qui avait été élevée
dans un tel bien-être ; et la faim de l'honneur de Dieu qu'éprouva
notre Père Élie (1R 19,10), celle que saint Dominique, saint François,
ont eue d'inciter les âmes à le louer ! Je vous le dis, oublieux
d'eux-mêmes, ils n'ont guère du s'épargner.
12 Voilà, mes soeurs, ce que je veux que nous tâchions d'atteindre
; et pas pour jouir, mais pour servir, désirons ces forces, et occupons-nous,
par l'oraison, de les obtenir. Ne cherchons pas à suivre un chemin non
frayé, nous nous y perdrions au meilleur moment, et il serait inouï
de croire obtenir ces faveurs de Dieu sur une voie autre que celle qu'il a suivie,
et qu'ont parcourue tous ses saints ; que cela ne nous passe pas par l'esprit
; croyez-moi, Marthe et Marie doivent offrir ensemble l'hospitalité au
Seigneur, le retenir toujours auprès d'elles, et ne pas lui faire mauvais
accueil en ne lui donnant pas à manger. Comment Marie, toujours assise
à ses pieds, le nourrirait-elle, si sa soeur ne l'aidait point ? Sa nourriture,
c'est l'effort que nous faisons de rapprocher les âmes de Lui par tous
les moyens possibles, pour qu'elles se sauvent et ne cessent de le louer.
13 Vous allez me dire deux choses : d'abord, Il a dit que Marie a choisi la
meilleure part (Lc 10,42). Mais elle avait déjà rempli l'office
de Marthe et choyé le Seigneur en lui lavant les pieds, en les essuyant
de ses cheveux (Lc 7,37-38). Pensez-vous qu'une dame comme elle ne fut guère
mortifiée d'aller par les rues, peut-être même seule, car
son ardeur était telle qu'elle ne savait ce qu'elle faisait d'entrer
là où jamais elle n'était entrée, d'être ensuite
en butte aux médisances du pharisien, suivies de bien d'autres dont elle
eut a souffrir ? Voir dans la ville une femme comme elle manifester un tel changement,
aux yeux, comme nous le savons, de si méchantes gens qui haïssaient
le Seigneur à tel point qu'il leur suffisait de voir qu'elle était
liée d'amitié avec Lui pour qu'ils évoquent la vie qu'elle
avait menée, et disent qu'elle voulait maintenant faire la sainte ; car
il est clair qu'elle changea immédiatement ses vêtements et tout
le reste. Il en est bien ainsi de nos jours, à propos de personnes qui
ont moins de renom : que put-il en être alors ? Je vous le dis, mes soeurs,
la meilleure part venait après beaucoup d'épreuves et de mortifications
; voir qu'on haïssait son Maître fut déjà pour elle
une épreuve intolérable. Et que n'a-t-elle souffert lors de la
mort du Seigneur ? Je crois, à part moi, que si elle n'a pas subi le
martyre, c'est que voir mourir le Seigneur fut un martyre pour elle, et les
années qu'elle a vécu sans lui furent sans doute aussi un terrible
tourment ; on voit donc bien qu'elle n'a pas toujours vécu dans les régals
de la contemplation, aux pieds du Seigneur.
14 Vous direz encore que vous ne pouvez pas, faute de moyen, rapprocher des
âmes du Seigneur ; vous le feriez de grand coeur, mais sans pouvoir ni
enseigner, ni prêcher comme les Apôtres, vous ne savez comment vous
y prendre. J'ai répondu plusieurs fois par écrit à cette
question, et peut-être même dans ce Château (Le Chemin de
la Perfection, chap 1 et 3) ; Pensées, chap. 2 et 7). Toutefois je ne
manquerai pas de le marquer ici, car vu le désir que vous insuffle le
Seigneur, je crois que cela vous préoccupe. Je vous ai d'ailleurs dit
que le démon, parfois, nous inspire de grands désirs qui nous
empêchent de mettre en oeuvre ce qui est à portée de notre
main pour servir Notre-Seigneur dans les choses possibles, et que nous nous
contentions d'avoir désiré faire l'impossible. Sans parler de
l'aide que vous apportez avec l'oraison, ne cherchez pas à être
utiles au monde entier, mais a celles qui vivent en votre compagnie ; votre
action, ainsi, sera plus efficace, et c'est à leur égard que vous
avez le plus d'obligations. Pensez-vous n'avoir guère à gagner
si, du fait de votre grande humilité ainsi que de votre mortification,
serviables envers toutes vos soeurs, débordantes d'une charité
jointe à un amour du Seigneur tel que ce feu les embrase toutes, vous
les tenez constamment en éveil par tout cela et vos autres vertus ? Ainsi,
vous servirez le Seigneur non seulement abondamment, mais d'une manière
qui lui sera très agréable, c'est dans vos moyens, et ce que vous
accomplirez ainsi montrera à Sa Majesté que vous pourriez faire
beaucoup plus ; il vous récompensera donc autant que si vous lui gagniez
beaucoup d'âmes.
15 Vous direz que ce n'est convertir personne, puisque toutes vos soeurs sont
excellentes. De quoi vous mêlez-vous ? Leurs louanges seront d'autant
plus agréables au Seigneur qu'elles sont meilleures, et leurs prières
pour le prochain d'autant plus profitables. Enfin, mes soeurs, voici ma conclusion
: ne construisons pas de tour sans fondement, car le Seigneur considère
moins la grandeur des oeuvres que l'amour avec lequel on les fait ; et si nous
faisons ce que nous pouvons, Sa Majesté nous aidera à faire chaque
jour davantage si nous ne nous lassons pas bientôt ; le peu de temps que
dure cette vie, et elle sera peut-être plus brève que chacune de
nous ne l'imagine, offrons intérieurement et extérieurement au
Seigneur le sacrifice qui est à notre portée, Sa Majesté
l'unira à celui qu'Elle offrit pour nous au Père sur la croix,
lui conférant ainsi la valeur que mérite notre amour, même
si nos oeuvres sont petites.
16 Plaise à Sa Majesté, mes soeurs et mes filles, de nous réunir
toutes là où nous le louerons à jamais, et qu'Elle m'accorde
la grâce d'accomplir un peu de ce que je vous recommande, par les mérites
de son Fils, qui vit et règne à jamais, amen ; car je vous le
dis, ma confusion est grande, je vous demande donc, par ce même Seigneur,
de ne pas oublier dans vos prières cette pauvre misérable.
JHS
1 Lorsque j'ai
du commencer à écrire ce qui précède, je fus bien
contrariée, comme je l'ai dit au début ; mais depuis que j'ai
terminé, ma joie est vive, et je tiens pour bien employée ma peine,
qui, d'ailleurs, je le confesse, fut fort légère. Considérant
l'étroite clôture dans laquelle vous vivez, et vos rares distractions,
mes soeurs, cela joint au fait que vous n'êtes pas assez largement logées
dans certains monastères, vous trouverez, je le crois, de la consolation,
à vous délecter dans ce château intérieur ; là,
sans autorisation des supérieures, vous pouvez entrer et vous promener
à n'importe quelle heure.
2 Il est vrai que vous ne pouvez pénétrer dans toutes les Demeures
par vos propres forces, si grandes qu'elles vous paraissent, à moins
que le Seigneur du château lui-même ne vous y installe. C'est pourquoi
je vous recommande de ne pas insister si vous trouvez la moindre résistance
: ce serait tellement le mécontenter que jamais il ne vous laisserait
y pénétrer. Il aime beaucoup l'humilité. Si vous vous jugez
même incapables de mériter de pénétrer dans les troisièmes
Demeures, vous obtiendrez de Lui d'atteindre les cinquièmes beaucoup
plus promptement ; et de là, vous pourrez le servir de telle façon
que vous y retournerez souvent, et qu'il vous introduira dans la Demeure même
qu'il se réserve, à Lui, pour n'en jamais plus sortir, sauf à
l'appel de la Prieure, à qui ce grand Seigneur veut que vous obéissiez
comme à lui-même. Aussi souvent que vous vous absentiez, vous trouverez
la porte ouverte au retour. Et une fois habituée à jouir de ce
château, vous trouverez votre repos en toutes choses, si pénibles
soient-elles, du seul fait de votre espoir d'y revenir, sachant que nul ne peut
vous en empêcher.
3 Bien que je ne parle que de sept Demeures, elles sont nombreuses dans chacune
d'elles, en bas, en haut, sur les côtés, avec de beaux jardins,
des fontaines, et des choses si délicieuses que vous souhaiterez vous
anéantir dans la louange du grand Dieu qui a créé ce château
à son image et ressemblance. Si vous trouvez quelque chose de bien dans
ces nouvelles de Dieu que, par ordre, je vous ai données, croyez vraiment
que Sa Majesté les a dites pour votre joie ; ce que vous jugerez mal
dit est de moi.
4 Dans mon grand désir de contribuer un peu à vous aider à
servir mon Dieu et mon Seigneur, je vous demande, chaque fois que vous lirez
ceci, de beaucoup louer Sa Majesté en mon nom, de lui demander l'exaltation
de son Église, et la lumière pour les luthériens ; quant
à moi, qu'Elle me pardonne mes péchés et me sorte du purgatoire
; j'y serai peut-être, par la miséricorde de Dieu, quand on vous
donnera à lire cet écrit, si on estime bon de le faire après
que de doctes hommes l'auront examiné. Si J'ai erré en certaines
choses, ce sera faute d'avoir compris, puisque je me soumets en toute chose
à ce qu'enseigne la sainte Église Catholique Romaine, en qui je
vis, et je proteste, et je promets de vivre et mourir. Que Dieu Notre-Seigneur
soit à jamais loué et béni. Amen. Amen.
5 Cet écrit fut achevé dans le Monastère de Saint Joseph
d'Avila, année 1627, vigile de la Saint-André, à la gloire
de Dieu, qui vit et règne à jamais. Amen.