3. Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.
La sainte Vierge habitait seule avec une personne plus jeune, qui la servait et qui allait chercher le peu d'aliments qui leur étaient nécessaires. Elles vivaient dans le silence et dans une paix profonde. Il ne se trouvait pas d'hommes dans la maison. Souvent, un disciple en voyage venait les visiter.
Je vis fréquemment entrer et sortir un homme que j'ai toujours cru être saint
Jean ; mais ni à Jérusalem ni ici il n'était longtemps de suite dans le voisinage.
Il allait et venait. Il était vêtu autrement que du vivant de Jésus. Il portait
une robe à longs plis, d'une étoffe légère d'un blanc grisâtre. Il était très
svelte et très leste, avait une belle figure allongée et maigre ; sa tête
était nue, et sa longue chevelure blonde partagée derrière les oreilles. Par
comparaison avec les autres apôtres, il avait quelque chose d'un peu féminin
et de virginal.
Je vis Marie, dans les derniers temps de sa vie, toujours plus silencieuse
et plus recueillie ; elle ne prenait presque plus de nourriture. Il semblait
que son corps seul fût encore sur la terre, et que son esprit fût habituellement
ailleurs. Dans les semaines qui précédèrent sa fin, je la vis faible et vieillie
; sa servante la soutenait et la conduisait dans la maison.
Je vis Jean entrer une fois chez elle ; lui aussi paraissait très vieilli.
Il était maigre et élancé. En entrant, il avait relevé dans sa ceinture sa
longue robe blanche à grands plis. Il défit cette ceinture et en mit une Autre
qu'il avait sous son vêtement, et sur laquelle étaient tracées des lettres.
Il avait une étole autour du cou et une espèce de manipule au bras. La sainte
Vierge, appuyée sur le bras de sa servante et enveloppée dans un vêtement
blanc, sortit de sa chambre à coucher. Son visage était blanc comme la neige,
et pour ainsi dire diaphane. Elle paraissait comme soulevée de terre par un
ardent désir. Depuis l'ascension de Jésus, tout son être exprimait un désir
toujours croissant et qui la consumait de plus en plus. Jean et elle se retirèrent
dans l'oratoire. Elle tira un cordon ou une courroie ; le tabernacle, qui
était dans le mur, tourna sur lui-même, et la croix qui s'y trouvait se montra.
Quand ils eurent prié à genoux devant elle pendant un certain temps, Jean
se leva, tira de son sein une boite de métal qu'il ouvrit par le côté, y prit
une enveloppe de laine fine, sans teinture, et dans cette-ci un linge blanc
plié d'où il tira le Saint Sacrement en forme de particule blanche carrée.
Il prononça ensuite quelques paroles d'un ton grave et solennel, et donna
l'Eucharistie à la sainte Vierge. Il ne lui présenta pas de calice.
A quelque distance derrière la maison, sur le chemin qui menait au sommet
de la montagne, la sainte Vierge avait disposé une espèce de chemin de la
Croix. Quand elle habitait Jérusalem, elle n'avait jamais cessé, depuis la
mort de son Fils, de suivre sa voie douloureuse, et d'arroser de ses larmes
les lieux où il avait souffert. Elle en avait mesuré pas à pas tous les intervalles,
et son amour ne pouvait se passer de la contemplation incessante de ce chemin
de douleur.
Peu de temps après son arrivée ici, je la vis journellement se livrer à ces
méditations sur la Passion, en suivant le chemin qui conduisait au haut de
la montagne. Au commencement elle y allait seule, et elle mesurait, d'après
le nombre des pas qu'elle avait si souvent comptés, la distance entre les
diverses places où avait eu lieu quelque incident de la Passion du Sauveur.
A chacune de ces places elle érigea une pierre ; ou, s'il s'y trouvait un
arbre, elle y faisait une marque. Le chemin conduisait dans un bois, où un
monticule représentait le Calvaire ; et une petite grotte dans un autre monticule,
le Saint Sépulcre.
Quand elle eut divisé en douze stations ce chemin de la Croix, elle le suivit
avec sa servante, plongée dans une contemplation silencieuse. Elles s'asseyaient
à chacun des endroits qui rappelaient un épisode de la Passion, en méditaient
dans leur coeur la signification mystérieuse, et remerciaient le Seigneur
de son amour, en versant des larmes de compassion. Plus tard, elle arrangea
mieux les stations. Je la vis écrire, avec un poinçon, sur chacune des pierres,
l'indication du lieu qu'elle représentait, le nombre des pas et d'autres choses
semblables. Je la vis aussi nettoyer la grotte du Saint Sépulcre, et la disposer
de manière à ce qu'on pût y prier commodément.
Je ne vis pas à ces stations d'image, ni même de croix à demeure fixe. C'étaient
de simples pierres commémoratives, avec des inscriptions. Mais avec le temps
tout cela fut de mieux en mieux ordonné et arrangé ; même après la mort de
la sainte Vierge, je vis ce chemin de la Croix fréquenté par des chrétiens
qui s'y prosternaient et baisaient la terre.
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