ÉVANGILE DE SAINT MATHIEU PAR SAINT THOMAS D'AQUIN
CATANA AUREA DE SAINT THOMAS D'AQUIN SUR SAINT MATTHIEU
CHAPITRE XVIII
vv. 1-6.
S. JER. Les disciples, voyant que le même impôt avait été
payé également pour Pierre et pour le Sauveur, en conclurent que
Pierre était placé au-dessus de tous les autres Apôtres.
- S. CHRYS. (homélie 58.) Cette pensée leur inspira un sentiment
tout naturel et tout humain, que l'Évangéliste nous exprime en
ces termes : " En ce même temps, les disciples s'approchèrent
de Jésus et lui dirent : Qui pensez-vous qui soit le plus grand dans
le royaume des cieux ? " Ils rougissent d'avouer le sentiment de jalousie
qui les domine ; ils ne demandent pas ouvertement : Pourquoi avez-vous honoré
Pierre plus que nous ? mais ils lui font cette question en général
: " Quel est le plus grand ? " Lorsqu'ils avaient vu ces marques d'honneur
accordées à trois d'entre eux dans la transfiguration, ils n'éprouvèrent
rien de semblable ; mais ils furent péniblement affectés quand
cet honneur sembla se concentrer sur un seul. Remarquez cependant qu'ils ne
demandent rien des choses de la terre et qu'ils étouffèrent ensuite
ce sentiment de jalousie, tandis que pour nous, nous ne pouvons même nous
élever jusqu'à leurs défauts, car nous ne cherchons pas
à savoir quel est le plus grand dans le royaume des cieux, mais quel
est plus grand dans les royaumes de la terre.
ORIG. (Traité 5 sur S. Matth.) Nous devons imiter la conduite des disciples toutes les fois qu'il s'élève en nous quelques doutes que nous ne pouvons résoudre. Il nous faut venir d'un commun accord trouver Jésus, qui a la puissance d'éclairer le cur des hommes et de leur faire comprendre la solution de toutes les difficultés ; interrogeons aussi un des docteurs qui sont à la tête des églises. Les disciples, en faisant cette question, savaient bien que les saints ne sont pas égaux dans le royaume du ciel, mais ils désiraient savoir par quel moyen on parvenait à être le plus grand et comment on arrivait à être le plus petit. Ou bien encore, d'après ce que Notre-Seigneur leur avait dit précédemment, ils savaient quel était le plus petit et quel était le plus grand ; mais ils ignoraient quel était le premier dans le nombre de ceux qui passaient pour grands.
S. JER. Jésus, voyant leurs pensées, voulut guérir ce désir de vaine gloire en leur proposant un combat tout d'humilité : " Et ayant appelé un petit enfant. " - S. CHRYS. (hom. 58.) Rien de plus sage que la conduite de Notre-Seigneur plaçant au milieu d'eux un tout petit enfant, exempt de toute passion. - S. JER. Il veut ainsi montrer réunis en lui l'âge et le symbole de l'innocence. Ou bien c'est lui-même qu'il place au milieu d'eux comme un petit enfant, lui qui n'était pas venu pour être servi, afin de leur donner un exemple frappant d'humilité. D'autres entendent par ce petit enfant l'Esprit saint, que Jésus plaça dans le cur de ses disciples pour changer leur orgueil en humilité. " Et il leur dit : Je vous dis en vérité que si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme de petits enfants, " etc. Il ne fait pas un précepte à ses disciples de reprendre l'âge des enfants, mais d'avoir leur innocence et d'atteindre par leurs efforts à ce que les enfants possèdent par le privilège de leur âge, c'est-à-dire d'être petits en malice et non en sagesse (1 Co 14). Voici le sens de ces paroles : Voyez cet enfant dont je vous propose l'exemple : il ne persévère pas dans sa colère, il oublie les injures, il ne met pas son plaisir dans la vue d'une belle femme, il ne parle pas autrement qu'il ne pense. Or, à moins d'avoir cette innocence et cette pureté d'âme, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux. - S. HIL. (can. 14 sur S. Matth.) Ces enfants sont aussi tous les fidèles, à cause de leur obéissance à la foi, car ils se font gloire de suivre leur père, d'aimer leur mère ; ils ignorent ce que c'est que de vouloir le mal ; ils négligent les soucis des affaires, n'ont ni arrogance, ni haine, ni habitude du mensonge ; ils croient à ce qu'on leur dit et tiennent pour vrai ce qu'ils entendent. Tel est aussi le sens littéral de ces paroles.
LA GLOSE. (interlin.). Si vous ne dépouillez ces sentiments d'orgueil et de secrète irritation qui vous dominent actuellement, pour devenir tous innocents et humbles par vertu, comme les enfants le sont par leur âge, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux, car on n'y entre pas à d'autres conditions. Quiconque donc s'humiliera comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le royaume des cieux ; car plus on s'humiliera, plus aussi on deviendra grand dans le royaume des cieux. - REMI. C'est-à-dire dans la connaissance de la grâce, ou bien dans la hiérarchie ecclésiastique, ou certainement dans l'éternelle félicité. - S. Jn. Ou bien encore, quiconque s'humiliera comme cet enfant, c'est-à-dire celui qui s'humiliera à mon exemple, celui-là entrera dans le royaume des cieux.
" Et quiconque reçoit en mon nom un enfant tel que celui que je viens de dire, c'est moi qu'il reçoit. " Paroles dont voici le sens : Ce n'est pas seulement en devenant semblables à cet enfant, mais encore en honorant à cause de moi ceux qui leur ressemblent, que vous aurez droit à la récompense, et je vous assigne comme récompense de l'honneur que vous leur aurez témoigné, le royaume des cieux. Mais une récompense bien supérieure encore, c'est ce qui suit : " C'est moi qu'il reçoit. " - S. JER. Car c'est Jésus-Christ que l'on reçoit en recevant celui qui reproduit dans toute sa vie l'humilité et l'innocence du Sauveur. Mais de peur que les Apôtres ne s'attribuent d'eux-mêmes cet honneur qu'on pourra leur rendre, le Sauveur ajoute avec sagesse que ce n'est pas à cause de leur mérite, mais en considération de leur Maître qu'ils recevront cet honneur.
S. CHRYS. (hom. 58.) Pour leur faire recevoir et pratiquer plus facilement ces vérités, il leur donne ensuite la sanction des châtiments : " Si quelqu'un scandalise, " etc., c'est-à-dire : de même que ceux qui honorent ces petits à cause de moi seront jugés dignes de récompense, ainsi, ceux qui les méprisent seront punis des derniers châtiments. Ne soyez pas surpris de l'entendre appeler les outrages un scandale, car bien souvent les caractères faibles sont scandalisés par le mépris qu'on fait d'eux. - S. JER. Remarquez que ce sont les petits qui sont scandalisés, car ceux qui sont plus forts ne se scandalisent pas si facilement. Or, bien que cette condamnation, prononcée par le Sauveur, atteigne en général tous ceux qui sont pour les autres une occasion de scandale, la suite du discours nous permet aussi de l'appliquer aux Apôtres eux-mêmes ; car cette question : Quel est le plus grand dans le royaume des cieux, paraissait être entre eux une question de prééminence, et s'ils avaient persévéré dans cette mauvaise disposition, ils auraient pu perdre, par ce scandale, ceux qu'ils appelaient à la foi et qui les auraient vus divisés par une question de préséance. - ORIG. Mais comment expliquer que celui qui s'est converti et qui est devenu semblable à un enfant soit donné comme petit et susceptible d'être scandalisé ? Voici comment on peut résoudre cette difficulté. Celui qui croit au Fils de Dieu et vit d'une manière conforme à l'Évangile s'est transformé jusqu'à devenir semblable à un enfant. Celui au contraire qui n'a point subi cette bienheureuse transformation, ne peut entrer dans le royaume des cieux. Or, dans la multitude innombrable de ceux qui ont embrassé la foi, il en est qui sont nouvellement convertis et qui travaillent à devenir semblables à des enfants, mais qui ne le sont pas encore devenus ; ces derniers sont faibles en Jésus-Christ et peuvent être facilement scandalisés.
S. JER.
En ajoutant : " Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât une
meule de moulin au cou, " etc., Notre-Seigneur parle d'après l'usage
de ces contrées, car chez les anciens Juifs la peine infligée
aux plus grands crimes était d'être précipité dans
la mer après avoir été attaché à une pierre.
Or, il lui serait avantageux qu'il en fût ainsi, car il vaut beaucoup
mieux subir pour sa faute une peine de courte durée que d'être
réservé à des châtiments éternels. - S. CHRYS.
(homélie 58.) Il était ce semble naturel et logique que le Sauveur
terminât cette seconde partie en disant : " C'est moi qu'il ne reçoit
pas, " ce qui était de tous les châtiments le plus sensible
; mais comme les disciples étaient encore peu avancés et qu'une
peine semblable ne pouvait les impressionner, il leur fait connaître,
par la comparaison d'un fait qui leur est connu, le supplice qui leur est préparé,
et il leur déclare qu'il vaudrait mieux pour eux subir ce châtiment
temporel, parce qu'un supplice bien plus terrible leur est réservé.
S. HIL. Dans le sens mystique, le supplice de la meule, c'est la peine de l'aveuglement
spirituel ; car c'est après qu'on leur a couvert les yeux que l'on fait
tourner la meule aux animaux. Nous voyons aussi souvent les Gentils désignés
sous le symbole de l'âne, parce qu'ils sont renfermés dans l'ignorance
d'un travail dont ils ne peuvent voir la fin. Pour les Juifs, au contraire,
la loi leur a tracé le chemin de la science, et, s'ils viennent à
scandaliser les Apôtres du Christ, il aurait mieux valu pour eux qu'on
leur eût attaché une meule de moulin au cou et qu'on les eût
précipités dans la mer ; c'est-à-dire qu'il leur eût
été plus avantageux d'être condamnés aux durs travaux
des Gentils et de rester ensevelis dans les ténèbres du siècle,
car c'eût été pour eux un moindre crime de ne pas connaître
Jésus-Christ que de refuser de recevoir le Seigneur et le Maître
des prophètes.
S. GREG. (Moral., 6, 17.) Ou bien, dans un autre sens, que doit-on entendre par la mer, si ce n'est le siècle, et par cette meule de moulin, si ce n'est l'action des choses de la terre qui, en étreignant l'âme et en la prenant comme au cou par des désirs insensés, la condamne à tourner péniblement dans le même cercle ? Or, il en est plusieurs qui, en se séparant des actions terrestres et en voulant s'élever jusqu'à l'exercice de la contemplation, sans prendre conseil de l'humilité, non-seulement se précipitent dans l'erreur, mais encore détachent les faibles du sein de la vérité. Celui-là donc qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux qu'il fût précipité dans la mer avec une meule au cou, car il eut été plus avantageux à cette âme dépravée de se livrer aux affaires du monde, que de faire servir les saints exercices de la contemplation à la perte d'un grand nombre. - S. AUG. (Quest. évang., 1, 24.) Ou bien encore, celui qui scandalisera un de ces petits, c'est-à-dire un des humbles, tels que doivent être ses disciples, en refusant d'obéir ou en résistant à l'autorité, comme l'Apôtre le dit d'Alexandre d'Ephèse (2 Tm 4, 14 ; 1 Tm 4) : " il vaudrait mieux qu'on lui attachât une meule de moulin au cou et qu'il fût précipité dans le fond de la mer ; " c'est-à-dire qu'il serait préférable pour lui que la passion pour les biens de la terre, passion qui est comme le poids auquel sont attachés les insensés et les aveugles, l'entraînât à la mort.
vv. 7-9.
LA GLOSE. Notre-Seigneur venait de dire qu'il vaudrait mieux pour celui qui
scandalise, qu'on lui attachât une meule de moulin au cou ; il en donne
maintenant la raison. " Malheur au monde, à cause de ses scandales
! " - ORIG. (Traité 3 sur S. Matth.) Ce que Notre-Seigneur appelle
ici le monde, ce ne sont pas les éléments du monde extérieur,
mais les hommes qui sont dans le monde. Or, les disciples de Jésus-Christ
ne sont pas du monde ; par conséquent, cette malédiction, qui
tombe sur les scandales, ne les atteint pas, car les scandales ont beau être
multipliés, ils ne touchent point celui qui n'est pas du monde. S'il
est encore du monde, parce qu'il aime le. monde et les choses qui sont dans
le monde, les scandales n'auront de prise sur lui qu'en proportion de ce qu'il
serait engagé dans les liens du monde,
" Il
est nécessaire que les scandales arrivent. " - S. CHRYS. (homélie
59.) En disant : Il est nécessaire, le Sauveur ne détruit pas
le libre arbitre et ne le soumet à aucune fatalité ; il ne fait
que prédire ce qui arrivera. Les scandales, c'est tout ce qui fait obstacle
dans la voie droite. Or, ce n'est point la prédiction de Jésus-Christ
qui est la cause des scandales, ce n'est point parce qu'il les a prédits
que les scandales arrivent, mais c'est parce qu'ils devaient certainement arriver
qu'ils les a prédits. On me dira peut-être : Si tous viennent à
se corriger de leurs défauts et qu'il n'y ait plus personne pour donner
de scandale, comment établir la vérité de cette parole
de Jésus-Christ ? Rien de plus facile, car c'est justement parce qu'il
a prévu qu'il y aurait des hommes qui ne se corrigeraient pas, qu'il
a dit : " Il est nécessaire qu'il arrive des scandales, " c'est-à-dire
: ils arriveront nécessairement. Or, si tous les hommes avaient dû
réformer leur conduite, il n'aurait pas tenu ce langage. - LA GLOSE.
" Ou bien il faut qu'il arrive des scandales, parce qu'ils sont nécessaires
ou du moins utiles pour faire connaître ceux qui sont d'une vertu éprouvée
(1 Co 11, 19). - S. CHRYS. (hom. 59.) En effet, les scandales réveillent
les hommes, les rendent plus attentifs et plus sur leurs gardes et relèvent
aussitôt celui qui tombe, en lui inspirant pour l'avenir une plus grande
vigilance.
S. HIL. (can. 18 sur S. Matth.) Ou bien encore, c'est l'humilité de la
passion qui a été un scandale pour le monde. En effet, ce qui
retient le plus les hommes dans l'ignorance des mystères du salut, c'est
qu'ils n'ont pas voulu reconnaître le Dieu de la gloire éternelle
sous les dehors ignominieux de la croix. Or, qu'y a-t-il au monde de plus dangereux
que de ne pas recevoir Jésus-Christ ? Il déclare donc qu'il est
nécessaire qu'il arrive des scandales, parce qu'il fallait qu'il subît
toutes les humiliations de sa passion pour accomplir le mystère qui devait
nous rendre la bienheureuse éternité. - ORIG. Ou bien ces scandales
qui arrivent sont les anges de Satan. Gardez-vous de croire cependant que ces
anges soient scandales par leur nature ou par leur substance ; c'est leur libre
arbitre qui a produit le scandale dans quelques-uns qui n'ont pas voulu supporter
l'épreuve à laquelle Dieu avait soumis leur vertu, il n'y a de
bien véritable que celui qui est combattu par le mal. Il est donc nécessaire
que les scandales arrivent, comme il est nécessaire que nous ayons à
souffrir de la malice des esprits célestes dont la haine s'enflamme d'autant
plus que le Verbe de Dieu le Christ établit plus solidement son empire
parmi les hommes et chasse loin d'eux toutes les malignes influences. Aussi
ces mauvais anges cherchent-ils des instruments pour produire des scandales,
et c'est à eux surtout que le Sauveur dit : Malheur, car le jugement
sera bien plus sévère pour celui qui scandalise que pour celui
qui est scandalisé ; c'est pour cela qu'il ajoute : " Malheur à
l'homme par qui arrive le scandale. " - S. JER. C'est-à-dire : Malheur
à l'homme qui, par sa propre faute, devient cause de ce qui doit arriver
nécessairement dans le monde. Cette sentence, qui est générale,
atteint en particulier Judas, qui avait déjà préparé
son âme à la trahison. - S. HIL. Ou bien, sous cette dénomination
générale, il veut désigner le peuple juif, auteur de ce
scandale qui a eu pour objet la passion de Jésus-Christ et qui a exposé
le monde au danger de renoncer, à cause même de sa passion, à
Jésus-Christ, dont la loi et les prophètes avaient annoncé
les souffrances.
S. CHRYS. (hom. 59.) Pour vous faire comprendre que les scandales ne sont pas d'une absolue nécessité, écoutez ce qui suit : " Si votre pied ou votre main vous scandalise, " etc. Il ne veut point parler ici des membres du corps, mais des amis que nous regardons comme nous étant aussi nécessaires que nos membres, car rien n'est plus nuisible que de mauvaises fréquentations. - RAB. Le mot scandale est un mot grec qu'on peut traduire par pierre d'achoppement, ou par chute ou choc des pieds. Celui-là donc scandalise son frère qui, par une parole ou par une action contraire à la règle, devient pour lui une occasion de chute. - S. JER. Notre-Seigneur retranche donc d'une manière absolue tout prétexte fondé sur les liens du sang ou de l'amitié, pour que les fidèles ne soient pas exposés aux scandales par suite d'un sentiment d'affection quelconque. Si quelqu'un, leur dit-il, vous est aussi étroitement uni que votre main, votre pied, votre oeil, s'il est pour vous d'une utilité incontestable, plein de vigilance et de sollicitude pour vos intérêts, mais qu'il vous soit une cause de scandale et vous entraîne dans l'abîme par le contraste de ses moeurs déréglées, il vous est beaucoup plus avantageux de rompre toute liaison avec lui et de renoncer aux avantages temporels que vous en retiriez, que de conserver près de vous une cause certaine de ruine en tenant aux avantages que vous procurent ces parents et ces amis. Chaque fidèle connaît ce qui peut lui nuire, ce qui est pour son âme une cause de séduction ou de tentation fréquente. Or, il vaut mieux qu'il vive dans la solitude que de perdre la vie éternelle pour les biens si fragiles de la vie présente. - ORIG. Ou bien, dans un autre sens également raisonnable, on peut entendre par l'oeil les prêtres, qui sont comme l'oeil de l'Église, parce qu'ils en sont comme les sentinelles ; par la main, les diacres et les autres ministres par qui s'accomplissent les oeuvres spirituelles. Les fidèles, au contraire, sont comme les pieds du corps de l'Église. Et aucun d'eux ne doit être épargné s'il devient une cause de scandale pour l'Église. Ou bien encore, l'action de l'âme, c'est la main qui pêche ; la marche de l'âme, c'est le pied ; la vue de l'âme, c'est l'oeil coupable ; il faut les couper et les arracher s'ils nous sont un sujet de scandale, car souvent les actions des membres désignent dans la sainte Écriture les membres eux-mêmes.
vv. 10-14.
S. JÉR. Notre-Seigneur venait de déclarer par la comparaison de
la main, du pied et de l'oeil qu'il fallait couper tous les liens du sang et
de l'amitié qui pouvaient être un sujet de scandale ; il adoucit
maintenant ce que ce précepte pouvait avoir de sévère par
les paroles suivantes : " Prenez garde de ne mépriser aucun de ces
petits, " c'est-à-dire Gardez-vous en toute occasion de les mépriser,
et, en faisant votre salut, cherchez à les sauver eux-mêmes ; mais
s'ils persévèrent dans leurs péchés, il vaut mieux
que vous vous sauviez seuls, que de périr avec la multitude. - S. CHRYS.
(hom. 59.) Ou bien, dans un autre sens, il est souverainement avantageux et
de fuir les méchants, et d'honorer les bons. Aussi, après nous
avoir enseigné à rompre tout commerce avec ceux qui nous scandalisent,
il nous apprend ici à rendre à ceux qui sont saints l'honneur
et les devoirs qui leur sont dus. - LA GLOSE. Ou bien encore, puisque c'est
un si grand mal que le scandale donné à nos frères, prenez
garde de ne mépriser aucun de ces petits. - ORIG. Ces petits sont ceux
qui sont nouvellement nés en Jésus-Christ ou ceux qui ne font
aucun progrès et qui sont toujours comme des enfants qui viennent de
naître. Mais Jésus-Christ n'a pas cru nécessaire de défendre
de mépriser les fidèles plus parfaits ; il ne parle que des petits,
comme précédemment : " Si quelqu'un scandalise un de ces
petits, " etc. ; Peut-être donne-t-il ici le nom de petits à
ceux qui sont parfaits, d'après ce qu'il dit dans un autre endroit :
" Celui qui aura été le plus petit parmi vous sera le plus
grand. " (Lc 22.) - S. CHRYS. Ou bien encore, est-ce parce que ceux qui
sont parfaits sont regardés par un grand nombre comme petits, c'est-à-dire
comme pauvres et méprisables. - ORIG. Cependant cette interprétation
ne s'accorde pas avec ces paroles : " Si quelqu'un scandalise un de ces
petits, " etc., car l'homme parfait ne se laisse ni scandaliser, ni entraîner
à sa perte. Toutefois si on veut admettre cette interprétation
comme vraie, on peut dire que l'âme du juste est soumise à la mutabilité,
et par là soumise, bien que difficilement, au scandale.
LA GLOSE. La raison pour laquelle il ne faut pas mépriser ces petits, c'est qu'ils sont tellement chers à Dieu, qu'il a député des anges pour veiller sur eux. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : " Car je vous déclare, " etc. Quelques auteurs prétendent que Dieu donne aux hommes un ange gardien aussitôt qu'ils ont reçu dans le bain sacré de la régénération une nouvelle naissance en Jésus-Christ ; et ils ajoutent qu'il n'est pas croyable qu'un des saints anges soit préposé à la garde des incrédules et des pécheurs qui, dans le temps de leur infidélité et de leurs égarements, sont sous la puissance des anges de Satan. D'autres veulent que Dieu donne un ange gardien, aussitôt leur naissance, à tous ceux qui ont été l'objet de la prescience divine. - S. Jér. Qu'elle est grande la dignité des âmes, puisqu'à chacune d'elles, aussitôt son entrée dans la vie, Dieu donne un ange pour veiller à sa garde !
S. CHRYS. (hom. 59.) Le Sauveur ne parle pas ici de tous les anges indistinctement, mais de ceux qui ont la prééminence sur les autres. Ces paroles : " Ils voient la face de Dieu, " signifient qu'ils jouissent d'un accès plus facile près de Dieu, et de plus grands honneurs dans la cour céleste. - S. GREG. (hom. 34 sur les Evang.) On dit que Denis l'Aréopagiste, un des Pères les plus anciens et les plus vénérables, prétend (comme il l'enseigne en effet, liv. des célestes hiér., chap. 42), que Dieu choisit dans les rangs inférieurs des anges pour les missions extérieures ou intérieures qu'il leur confie, mais qu'il n'en est point dans les hiérarchies supérieures qui soient employés dans des ministères extérieurs. - S. GREG. (Moral., 2, 2.) Les anges ne cessent jamais de voir la face du Père, même quand ils sont envoyés vers nous ; ils descendent jusqu'à nous pour nous protéger de leur présence toute spirituelle, et cependant ils demeurent par la contemplation intérieure dans le lieu qu'ils viennent de quitter, car ils conservent, en venant à nous, le don de la vision divine, et ne sont point privés, par conséquent, des joies de la contemplation intérieure. - S. HIL. Tous les jours les anges offrent à Dieu les prières de ceux qui doivent être sauvés par Jésus-Christ ; il est donc souverainement dangereux de mépriser celui dont les désirs et les prières montent jusqu'au trône du Dieu éternel et invisible, par l'entremise et par le ministère des anges. - S. AUG. (Cité de Dieu, 22, 29.) Ou bien, nous appelons nos anges ceux qui sont les anges de Dieu ; ils sont les anges de Dieu, parce qu'ils ne quittent pas sa présence, ils sont nos anges, parce que nous sommes déjà leurs concitoyens. De même donc qu'ils jouissent maintenant de la vue de Dieu, ainsi nous le verrons nous-mêmes un jour face à face, selon ces paroles de saint Jean : " Nous le verrons tel qu'il est. " (1 Jn 3.) La face de Dieu c'est la manifestation de son être, et non la partie du corps que nous appelons de ce nom.
S. CHRYS.
(hom. 59.) Le Sauveur nous donne une nouvelle raison de ne pas mépriser
les petits, et cette raison est plus forte que celle qui précède
: " Car le Fils de l'homme est venu, " etc. - REMI. C'est-à-dire
ne méprisez pas les petits, car j'ai daigné me faire homme pour
eux. En effet, après ces mots : " Ce qui était perdu, "
nous devons sous-entendre le genre humain ; car tous les éléments
gardent fidèlement l'ordre dans lequel ils ont été placés,
mais l'homme s'est égaré, parce qu'il est sorti de l'ordre qui
lui avait été tracé. - S. CHRYS. (hom. 59.) Il ajoute à
cette raison une parabole qui met dans tout son jour la volonté qu'a
le Père céleste de sauver le genre humain : " Si un homme
a cent brebis, et qu'une seule vienne à s'égarer, que pensez-vous
qu'il fasse alors ? " etc. - S. GREG. (hom. 24 sur les Evang.) Cet homme
c'est le Créateur des hommes ; car le nombre cent étant un nombre
parfait, il fut le pasteur de cent brebis lorsqu'il eut créé la
nature des anges et celle des hommes. - S. HIL. Dans cette seule brebis qui
s'égare, il faut voir l'homme, et dans ce seul homme se trouve compris
le genre humain tout entier ; car tout le genre humain a péché
dans la faute du seul Adam. Celui qui est à la recherche de cet homme,
c'est Jésus-Christ, et les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont laissées,
c'est la multitude des esprits qui jouissent de la gloire des cieux. - S. GREG.
(hom. 34 sur S. Matth.) L'Évangéliste dit que ces quatre-vingt-dix-neuf
brebis sont laissées sur les montagnes, c'est-à-dire sur les lieux
élevés, parce que les brebis qui ne se sont point égarées
se tenaient sur les hauteurs spirituelles de la foi. - BEDE. Le Seigneur a donc
retrouvé la brebis perdue, quand il eut accompli l'oeuvre de la réparation
de l'homme, et il y a dans le ciel une joie bien plus grande pour cette seule
brebis qui est retrouvée, que pour les quatre-vingt dix-neuf autres.
En effet, la réparation du genre humain donne beaucoup plus de gloire
à Dieu que la création des anges ; car, si la création
des anges est une oeuvre admirable de la puissance de Dieu, la rédemption
des hommes est bien plus admirable encore. - RAB. Remarquez qu'il manque une
unité au nombre neuf pour atteindre le nombre dix, et à quatre-vingt-dix-neuf,
pour atteindre le nombre cent. Les nombres auxquels il manque une unité
pour arriver à un nombre parfait, peuvent varier par leur quantité
plus ou moins grande, mais l'unité invariable en elle-même perfectionne
les autres nombres en venant s'y ajouter ; et c'est pour que le nombre des brebis
fût complet dans le ciel que le Sauveur est venu chercher sur la terre
l'homme qui s'était égaré. - S. JER. D'autres pensent que
les quatre-vingt-dix-neuf brebis représentent le nombre des justes, et
cette brebis qui s'égare, le nombre des pécheurs, selon ce que
le Sauveur dit ailleurs : " Je ne suis pas venu appeler les justes, mais
les pécheurs. " (Mt 9.)
S. GREG. (hom. 34.) Mais pourquoi Notre-Seigneur déclare-t-il que la
conversion des pécheurs cause dans le ciel une plus grande joie que la
persévérance des justes ? C'est que ceux qui ont une très
grande confiance de n'avoir point commis de fautes graves sont presque toujours
pleins de tiédeur pour la pratique des vertus élevées.
Au contraire, il arrive souvent que ceux qui ont la conscience d'avoir commis
quelque grande faute, sous l'impression de la douleur qu'ils en ressentent,
s'embrasent du feu de l'amour divin. Comme ils ont toujours leurs égarements
devant les yeux, ils réparent les pertes précédentes par
les gains qu'ils réalisent ensuite. C'est ainsi que, dans une bataille,
un général préfère le soldat qui, après s'être
enfui, revient presser vigoureusement l'ennemi, à celui qui n'a jamais
tourné le dos, mais qui aussi n'a jamais fait d'action d'éclat.
Mais il est cependant des justes qui donnent à Dieu une si grande joie,
qu'on ne pourrait leur préférer aucun pécheur repentant
; car bien qu'ils n'aient conscience d'aucune faute, on les voit renoncer à
toutes les jouissances permises, et s'humilier en toutes choses. Combien grande
sera donc la joie, lorsque le juste gémira dans l'humiliation, alors
qu'il y a sujet de se réjouir, de ce que le pécheur condamne hautement
le mal qu'il a commis.
BEDE. Ou bien encore, les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont laissées
sur la montagne, sont les orgueilleux auxquels il manque l'unité pour
arriver à la perfection désignée par le nombre cent. Lorsque
le Sauveur aura retrouvé le pécheur qui s'égarait, il se
réjouira donc davantage, c'est-à-dire qu'il fera éprouver
aux siens plus de joie de cette conversion, que de la prétendue persévérance
des faux justes.
S. JER. Les paroles suivantes : " Ainsi votre Père qui est dans
les cieux, ne veut pas qu'un seul de ces petits périsse, " etc.,
se rapportent à ce qu'il a dit plus haut : " Prenez garde de mépriser
un seul de ces petits, " et le Sauveur nous enseigne par là que
cette parabole a pour but de nous enseigner à ne pas mépriser
les petits ; en ajoutant : " Votre Père ne veut pas, " il nous
apprend que toutes les fois qu'il périt un de ces petits, ce n'est point
par la volonté du Père qu'il périt.
vv. 15-17.
S. CHRYS. (hom. 60.) Le Sauveur s'était exprimé avec force contre
les auteurs du scandale, et avait rempli leur âme d'une vive crainte ;
mais il veut empêcher aussi ceux à qui le scandale était
donné, tout en évitant une faute, de tomber dans une autre, c'est-à-dire
dans la négligence ; car en s'imaginant qu'on doit avoir pour eux toute
sorte d'égards, ils pourraient se laisser facilement dominer par l'orgueil
; il étouffe donc ces sentiments dans leur âme, et leur fait un
devoir de reprendre leur frère lorsqu'il est en faute : " Si votre
frère pèche contre vous, " etc. - S. AUG. (serm. 16 sur les
par. du Seig.) Notre-Seigneur nous recommande de ne pas rester indifférents
aux péchés les uns des autres, en cherchant non pas précisément
à reprendre, mais à corriger ; car c'est l'amour qui doit inspirer
la correction, et non pas le désir de faire de la peine. Mais si vous
négligez ce devoir, vous devenez plus coupable que celui qui avait besoin
de correction ; il vous avait offensé, et il s'était par là
même profondément blessé ; mais vous méprisez cette
blessure de votre frère, et vous êtes plus coupable par votre silence
qu'il ne l'est par l'outrage qu'il vous a fait. - S. AUG. (Cité de Dieu,
1, 9.) Souvent, en effet, on dissimule d'une manière coupable la vérité,
en négligeant d'instruire ou d'avertir, quelquefois de reprendre et de
corriger ceux qui font mal, soit qu'on recule devant la difficulté, soit
qu'on veuille éviter leur inimitié, dans la crainte qu'ils ne
cherchent à nous traverser ou à nous nuire dans la jouissance
de ces biens temporels que notre cupidité désire encore trop vivement
acquérir, ou que notre faiblesse redoute de se voir enlever. Mais si
nous nous abstenons du devoir de la réprimande et de la correction à
l'égard de ceux qui font mal, soit parce que nous attendons une occasion
plus favorable, soit parce que nous avons obtenu ainsi qu'ils ne deviennent
plus mauvais, ou qu'ils ne nous empêchent de former les autres chrétiens
faibles à une vie vertueuse et fervente, et ne les influencent pour les
détourner de la foi, alors ce n'est plus par un motif de cupidité,
mais par un principe de charité que nous agissons. Or, ceux qui sont
placés à la tête des églises pour les diriger, ont
une obligation bien plus rigoureuse de ne point négliger le devoir de
la correction ; et, toutefois, lors même qu'on ne serait pas à
la tête des autres, dès lors qu'on leur est uni par les relations
ordinaires de la vie, et que l'on remarque en eux bien des choses qu'il faut
reprendre ou corriger, on n'est pas entièrement exempt de faute lorsqu'on
néglige de le faire, parce qu'on veut éviter de les offenser dans
la crainte d'être troublé dans la jouissance des biens de cette
vie qu'on possède légitimement, mais pour lesquels on éprouve
un attachement beaucoup trop vif.
S. CHRYS.
(hom. 60.) Remarquons que quelquefois Notre-Seigneur amène celui qui
a été l'auteur de l'offense à celui qu'il a offensé,
par exemple, lorsqu'il dit : " Si vous vous rappelez que votre frère
a quelque chose contre vous, allez vous réconcilier avec votre frère,
" et que d'autres fois il ordonne à celui qui a été
offensé de pardonner à son prochain, comme dans ces paroles :
" Pardonnez-nous nos offenses, comme nous les pardonnons, " etc. Ici
il nous propose un nouveau mode de réconciliation, il conduit celui qui
a reçu l'offense à celui qui l'a faite ; il prévoit, en
effet, que celui qui a commis l'injustice, ne viendrait pas facilement excuser
sa conduite, retenu qu'il serait par la honte ; il lui amène donc celui
qui a souffert l'offense, et ce n'est pas de sa part une simple démarche
qu'il veut ici, mais il demande la réparation du mal qui a été
fait : " Allez et reprenez-le. " - Ran, Il ne commande pas de pardonner
indistinctement à tout homme qui pèche, mais à celui qui
est disposé à écouter, c'est-à-dire à obéir
et à faire pénitence, afin que le pardon ne soit pas trop difficile,
ou que l'indulgence ne soit excessive. - S. CHRYS. (hom. 60.) Il ne dit pas
: Accusez, faites de vifs reproches, tirez vengeance ; mais : " Reprenez-le,
" c'est-à-dire rappelez-lui sa faute, dites-lui ce qu'il vous a
fait souffrir. Pour lui, il est plongé dans sa colère comme dans
un profond sommeil causé par l'ivresse, il faut donc que vous qui êtes
affranchi de cette infirmité, vous alliez trouver celui qui est malade.
S. JER. Il faut vous rappeler cependant, que si votre frère a péché
contre vous, et vous a offensé de quelque manière que ce soit,
non-seulement vous avez le pouvoir, mais vous êtes dans l'obligation de
lui pardonner ; car il nous est commandé de remettre leurs dettes à
ceux qui nous doivent. C'est pourquoi Notre-Seigneur nous dit ici " Si
votre frère a péché contre vous. " S'il a péché
contre Dieu (cf. 1 R 2, 25), il n'est pas en notre pouvoir de lui pardonner
; mais nous, au contraire, nous sommes pleins d'indulgence pour les offenses
commises contre Dieu, et remplis d'animosité pour venger celles qui s'adressent
à nous. - S. CHRYS. (hom. 60.) C'est à celui qui a reçu
l'injure, et non pas à un autre, que Notre-Seigneur impose le devoir
de la correction, car celui qui a commis l'offense est disposé à
recevoir plus facilement de sa part la réprimande, surtout lorsqu'elle
se fait sans témoin ; et rien n'est plus propre à l'apaiser que
de voir celui qui avait le droit d'exiger une réparation sévère,
montrer tant de zèle pour son salut. - S. AUG. (serm. 16 sur les par.
du Seig.) Lors donc qu'un de nos frères pèche contre nous, montrons-nous
empressés, non pas de défendre nos droits (car rien n'est plus
glorieux que d'oublier une offense), mais d'oublier l'injure qui nous est faite,
sans oublier la blessure qu'elle a faite à notre frère. Reprenez-le
donc entre vous et lui, en ne vous appliquant qu'à le corriger et en
ménageant sa honte. Car il pourrait arriver que sous l'impression de
ce sentiment, il entreprit de justifier la faute qu'il a commise, et ainsi en
voulant le corriger, vous le rendriez plus coupable. - S. JER. Il faut reprendre
votre frère en secret, de peur que, s'il vient à perdre tout sentiment
de honte et de crainte, il ne persévère dans son péché.
S. AUG. (serm. 16), etc. L'Apôtre nous fait cette recommandation : "
Reprenez devant tout le monde le pécheur scandaleux, afin que les autres
aient de la crainte. " Il faut donc que vous sachiez qu'il est des circonstances
où il faut reprendre votre frère seul à seul, et d'autres
où il faut le reprendre devant tout le monde. Mais que devons nous faire
avant d'en arriver là ? Écoutez et retenez : " Si votre frère,
dit-il, a péché contre vous, reprenez-le entre vous et lui seul.
" Pourquoi ? Parce qu'il a péché contre vous. Que veulent
dire ces paroles : " il a péché contre vous ? " Vous
savez qu'il a péché, et puisque son offense contre vous a été
secrète, que votre correction le soit également ; car si vous
êtes le seul pour connaître qu'il a pêché contre vous,
et que vous vouliez cependant le reprendre publiquement, ce n'est plus une correction,
mais une accusation publique. Votre frère a donc pêché contre
vous, mais si vous êtes le seul pour le savoir, c'est vraiment contre
vous seul qu'il a péché ; s'il vous a offensé devant un
grand nombre de personnes, il a péché contre tous ceux qu'il a
rendu témoins de sa faute. Il faut donc reprendre publiquement les fautes
publiques, et en secret les fautes secrètes, Apprenez à discerner
les temps et les occasions, et vous concilierez les Écritures. Or, pourquoi
reprenez-vous le prochain ? Est-ce parce que vous éprouvez de la peine
d'en avoir été offensé ? A Dieu ne plaise, si vous le faites
par amour pour vous, vous ne faites rien ; si, au contraire, vous le reprenez
dans son intérêt, vous agissez dans la perfection. Or, apprenez
des paroles elles-mêmes de Notre-Seigneur, dans qu'elle intention vous
devez faire cette réprimande, si c'est dans votre intérêt,
ou dans celui de votre frère : " S'il vous écoute, vous aurez
gagné votre frère, " etc. Faites-le donc pour lui, afin de
le gagner. Reconnaissez qu'en péchant contre votre frère, vous
vous êtes perdu, car, autrement, comment vous aurait-il gagné ?
Que personne donc ne regarde comme indifférente l'offense faite à
un de ses frères. - S. CHRYS. (hom. 60.) Ces paroles nous prouvent encore
que l'inimitié porte dommage aux deux parties, aussi ne dit-il pas :
il s'est gagné lui-même, mais vous l'avez gagné, preuve
que tous deux, vous et lui vous avez souffert de ce désaccord. - S. JER.
En procurant le salut d'un autre, nous assurons ainsi notre propre salut.
S. CHRYS. (hom. 60.) Mais que devez-vous faire si vous ne pouvez persuader votre
frère ? Les paroles suivantes vous l'apprennent : " S'il ne vous
écoute point, prenez encore avec vous une ou deux personnes ; "
car plus il montrera d'impudence et d'opiniâtreté, plus il faut
s'appliquer à le guérir sans se laisser aller à la colère
ou à la haine. Ainsi, lorsqu'un médecin voit que la maladie s'aggrave,
loin d'abandonner son malade, il redouble d'efforts pour triompher de l'extrémité
du mal. Remarquez aussi que cette réprimande ne doit point se faire sous
l'inspiration de la vengeance, mais dans le seul but de corriger notre frère.
C'est pour cela que le Sauveur ne nous commande pas de prendre d'abord deux
témoins, mais alors seulement que notre frère refuse d'écouter
notre réprimande ; et encore n'est-ce pas un grand nombre de personnes,
mais une ou deux qu'il faut prendre avec soi ; mesure qu'il appuie du témoignage
de la loi : " Tout sera assuré par la déposition de deux
ou de trois témoins (Dt 19, 15) ; " comme s'il disait : Vous pouvez
alors vous rendre le témoignage que vous avez fait tout ce qui dépendait
de vous. - S. JER. Ou bien, on peut admettre cette autre interprétation
: S'il ne veut pas vous écouter, prenez d'abord avec vous un seul témoin
; s'il refuse encore de l'écouter, prenez-en un troisième, afin
que votre admonition ou du moins la honte, le force de reconnaître sa
faute, ou qu'alors il soit convaincu devant témoins. - LA GLOSE. Ou bien
encore, pour lui prouver qu'il a péché, s'il venait à le
nier.
S. JER.
Or, s'il refuse encore de les écouter, il faut alors déclarer
sa faute à un plus grand nombre, afin de leur inspirer pour lui une vive
horreur, et essayer de sauver par l'opprobre celui qui n'a pu être sauvé
par la honte : " Que s'il ne les écoute pas non-plus, dites le à
l'Église. " - S. CHRYS. (hom. 60.) C'est-à-dire à
ceux qui sont à la tête de l'Église. - LA GLOSE. Ou bien,
dites-le à toute l'Église, pour lui faire essuyer une plus grande
honte. Tous ces moyens épuisés, il faut en venir à l'excommunication
qui doit être prononcée par la bouche de l'Église, c'est-à-dire
par le prêtre qui est l'organe de toute l'Église, lorsqu'il prononce
la sentence d'excommunication : " S'il n'écoute pas l'Église,
" etc. - S. AUG. (serm. 16 sur les par. du Seig.) Ne le comptez plus dès
lors au nombre de vos frères ; cependant ne négligez pas son salut
; car si nous ne regardons pas comme nos frères les étrangers,
c'est-à-dire les Gentils et les païens, nous ne laissons pas de
chercher à les sauver. - S. CHRYS. (hom. 60.) Toutefois le Seigneur,
à l'égard de ceux qui sont hors de l'Église, ne nous a
rien commandé de semblable à ce que nous devons faire pour reprendre
et corriger nos frères. Voici ce qu'il nous ordonne de faire à
l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Église (Mt 5) : "
Si quelqu'un vous frappe sur une joue, présentez-lui l'autre joue, "
et saint Paul : " Pourquoi voudrais-je juger ceux qui sont hors de l'Église
? " Mais pour nos frères, il faut les reprendre et les retirer du
mal, et, s'ils ne veulent point obéir, les séparer de l'Église
pour les couvrir de confusion. - S. JER. En nous disant : " Qu'il soit
à votre égard comme un païen et comme un publicain, "
le Sauveur nous apprend à concevoir plus d'horreur pour celui qui, sous
le nom de chrétien, se conduit en infidèle, que pour ceux qui
sont ouvertement connus pour païens. Ou appelait publicains ceux qui étaient
avides d'argent, et qui exigeaient les impôts en recourant au trafic,
aux fraudes, au vol et à des parjures horribles.
ORIG. (Traité 6 sur S. Matth.) Il faut remarquer ici que cette conduite
que nous recommande le Sauveur, ne doit pas être appliquée à
toute espèce de péché. Car si un de nos frères vient
à commettre un de ces péchés qui conduisent à la
mort, et qu'il soit, par exemple, abominable et infâme, adultère,
homicide ou efféminé, est-ce qu'il serait raisonnable de le réprimander
seul à seul, et s'il se montrait docile à vos observations, de
dire aussitôt : Je l'ai gagné ? Ou bien s'il ne voulait pas vous
écouter, serait-il convenable pour le chasser du sein de l'Église
d'attendre que, malgré la réprimande faite devant les témoins
et devant l'Église, il ait persévéré dans son crime
? Il en est qui, considérant l'immense miséricorde de Jésus-Christ,
prétendent que c'est aller contre cette miséricorde que de restreindre
ces paroles aux seuls péchés plus légers, parce que Notre-Seigneur
ne fait aucune distinction de péchés. D'autres, examinant plus
attentivement ces paroles, soutiennent qu'elles ne s'appliquent pas à
toute sorte de péchés ; car, disent-ils, celui qui se rend coupable
de crimes énormes n'est plus notre frère, il n'en a plus que le
nom, et l'Apôtre nous défend même de manger avec lui. Or,
de même que ceux qui n'appliquent pas ce passage à toute espèce
de péchés, favorisent la négligence, et l'invitent, pour
ainsi dire, au péché ; ainsi, celui qui enseigne que le fidèle
qui n'est coupable que de fautes légères et vénielles,
doit être regardé comme un païen et un publicain après
avoir subi la réprimande devant témoins ou devant l'Église,
me paraît introduire une doctrine par trop sévère. Car enfin
nous ne pouvons pas prononcer que cet homme est tout à fait perdu, parce
que d'abord, s'il a résisté à trois réprimandes,
il peut se rendre à la quatrième ; en second lieu, parce que souvent
on ne lui rend pas selon ses oeuvres, mais au delà de ce que méritent
ses fautes, ce qui est souvent avantageux en ce monde ; enfin, Jésus-Christ
n'a point dit absolument : Qu'il soit comme un païen et un publicain, mais
: " Qu'il soit pour vous. " Si donc après l'avoir repris trois
fois d'une faute légère, il ne s'en corrige pas, nous devons le
considérer comme un païen et un publicain, afin de le couvrir de
confusion eu nous abstenant de le voir ; mais que Dieu le juge aussi comme un
païen et un publicain, ce n'est pas à nous de l'affirmer ; c'est
au jugement de Dieu lui-même.
vv. 18-20.
S. JÉR. Notre-Seigneur venait de dire : " S'il n'écoute pas
l'Église, qu'il soit pour vous comme un païen et comme un publicain.
" Celui qui se trouvait ainsi rejeté, aurait pu répondre
ou du moins penser : Vous me méprisez, et moi aussi je vous méprise
; vous me condamnez, je vous condamne également ; il donne donc ici aux
Apôtres un pouvoir vraiment extraordinaire, de manière à
faire comprendre à ceux qui sont frappés par leur condamnation,
que la sentence de la terre est confirmée par le jugement de Dieu ; c'est
pour cela qu'il ajoute : " Je vous le dis en vérité, tout
ce que vous lierez, " etc. - ORIG. Il ne dit pas : " dans les cieux,
" comme dans le pouvoir qu'il a donné à pierre, mais "
dans le ciel " au singulier ; car les Apôtres n'étaient pas
aussi parfaits que Pierre. - S. HIL. L'intention du Sauveur dans ces paroles
est d'inspirer à tous les hommes la crainte la plus vive, pour les contenir
ici-bas dans le devoir ; c'est pour cela qu'il déclare irrévocable
le jugement prononcé par le tribunal sévère des Apôtres,
jusque là que tous ceux qu'ils auront liés sur la terre, c'est-à-dire
qu'ils auront laissés dans les liens du péché, et ceux
qu'ils auront déliés en leur donnant dans la rémission
des péchés le gage du salut, seront liés ou déliés
dans les cieux. - S. CHRYS. (hom. 60.) Et remarquez qu'il ne dit pas à
celui qui est à la tête de l'Église : Liez un tel, mais
: " Si vous liez, les liens ne pourront être rompus. " Il laisse
ainsi à son propre jugement la conduite qu'il doit tenir. Voyez encore
comme il a chargé d'une double chaîne le pécheur incorrigible,
d'abord par une peine actuelle, c'est-à-dire sa séparation de
l'Église, dont il a parlé plus haut en ces termes : " Qu'il
soit pour vous comme un païen, " et par le supplice de l'autre vie,
qui est d'être lié dans le ciel ; et c'est par cette multitude
de jugements qu'il veut éteindre l'indignation du frère coupable.
- S. AUG. (serm. 16 sur les par. du Seig.) Ou bien dans un autre sens : Vous
avez commencé à regarder votre frère comme un publicain,
vous le liez sur la terre, mais faites attention de le lier pour des motifs
justes ; car l'éternelle justice brise les liens qui sont imposés
injustement. Lorsqu'au contraire vous aurez corrigé votre frère,
et rétabli l'accord entre vous et lui, vous l'avez délié,
et lorsque vous l'aurez délié sur la terre, il sera également
délié dans le ciel. Or, en cela, vous rendez un service signalé,
non pas à vous, mais à votre frère, parce qu'il s'est fait
à lui-même un tort immense plutôt qu'à vous. - LA
GLOSE. Ce n'est pas seulement l'efficacité de l'excommunication, mais
encore la puissance de toute prière des fidèles priant de concert
dans l'unité de l'Église, que Notre-Seigneur confirme en ajoutant
: " Je vous dis encore que si deux d'entre vous s'unissent ensemble sur
la terre (soit pour recevoir un pénitent, soit pour rejeter un orgueilleux
ou pour toute autre chose qu'ils demanderont et qui ne sera pas contraire à
l'unité de l'Église), ce qu'ils demandent leur sera accordé
par mon Père qui est dans les cieux. " Par ces paroles : "
Qui est dans les cieux, " il nous montre que son Père est au-dessus
de toutes choses, et qu'il peut ainsi exaucer les prières qui lui sont
adressées. Ou bien : " Il est dans les cieux, " c'est-à-dire
dans les saints, ce qui prouve qu'il leur accordera certainement l'objet de
leurs prières, si toutefois cet objet est digne de Dieu, parce qu'ils
ont en eux-mêmes celui à qui s'adressent leurs demandes ; et voilà
pourquoi Dieu exauce et ratifie les désirs de ceux qui sont unis entre
eux, parce qu'il habite au milieu d'eux, suivant ces paroles : " Là
où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis moi-même
au milieu d'eux. " - S. CHRYS. (hom. 60.) Comme il avait dit : " Ce
qu'ils demandent leur sera accordé par mon Père, " il veut
leur apprendre que c'est également de lui-même comme de son Père
que découlent ces faveurs, et il ajoute ; " Là où
sont réunis deux ou trois, je suis moi-même au milieu d'eux. "
- ORIG. Il ne dit pas : " Je serai au milieu d'eux, " mais au présent
: " Je suis ; " car aussitôt que quelques personnes s'unissent
entre elles, Jésus-Christ se trouve au milieu d'elles. - S. HIL. Il est
lui-même la paix et la charité, et il établira son trône
et son habitation dans les volontés droites et pacifiques. - S. JER.
Ou bien encore, tout ce qui précède était une invitation
à la charité et à la concorde ; le Sauveur sanctionne cet
appel par la récompense qu'il promet, et pour nous faire embrasser plus
promptement la paix fraternelle, il nous déclare qu'il sera au milieu
de deux ou trois personnes dès lors qu'elles seront unies entre elles.
S. CHRYS. (hom. 60.) Il ne dit pas simplement : " Là où seront
réunis, " mais il ajoute : " En mon nom, " comme s'il
disait : Si je suis le motif principal de l'affection qu'un chrétien
a pour son frère, je serai avec lui, pourvu qu'il ait d'ailleurs toutes
les autres vertus. Mais comment donc se fait-il que des personnes parfaitement
unies entre elles n'obtiennent pas ce qu'elles demandent ? Premièrement,
parce qu'elles demandent des choses qu'il ne leur est pas avantageux d'obtenir
; en second lieu, parce qu'elles sont personnellement indignes d'être
exaucées, et qu'elles n'apportent pas à la prière les dispositions
convenables ; aussi Notre-Seigneur prend-il soin de dire : " Si deux d'entre
vous, " c'est-à-dire de ceux dont la vie est conforme à l'Évangile
; troisièmement, parce qu'elles prient contre ceux qui les ont offensés,
ou quatrièmement, enfin parce qu'elles implorent la miséricorde
divine pour des pécheurs sans repentir. - ORIG. Voici encore une autre
cause qui détruit l'effet de nos prières ; nous ne sommes parfaitement
unis entre nous, ici-bas, ni par la foi, ni par la conformité de la vie.
Car de même que la musique ne peut charmer les oreilles, s'il y a défaut
d'accord dans les voix, de même si l'harmonie ne règne dans l'Église,
Dieu ne peut ni s'y complaire ni écouter les voix de ses enfants. - S.
JER. Nous pouvons encore entendre ces paroles dans un sens spirituel) et dire
que là où l'esprit, l'âme et le corps sont unis entre eux,
et n'offrent pas le spectacle de volontés opposées, ils obtiendront
tout ce qu'ils demanderont au Père céleste ; car nul ne doute
que là ou le corps a la même volonté que l'esprit, la prière
n'ait pour objet des choses agréables à Dieu. - ORIG. Ou bien
encore, celui en qui les deux Testaments s'accordent et s'unissent entre eux,
peut être certain que sa prière, quel qu'en soit l'objet, devient
agréable à Dieu.
vv. 21-22.
Notre-Seigneur avait fait plus haut cette recommandation : " Prenez garde
de mépriser aucun de ces petits ; " il avait ajouté : "
Si votre frère pèche contre vous, recevez-le, " etc., et
il avait promis de récompenser cette conduite en leur disant : "
Si d'eux d'entre vous sont unis entre eux, tout ce qu'ils demanderont leur sera
accordé " Pierre, excité par ces paroles, interroge le Sauveur
comme l'Évangéliste le rapporte : " Alors Pierre s'approchant,
lui dit : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère,
lorsqu'il péchera contre moi ? " Et, tout en faisant cette question,
il donne son avis : " Est-ce jusqu'à sept fois ? " - S. CHRYS.
(hom. 61.) Pierre croit avoir fait un acte héroïque ; mais que lui
répond Jésus, le tendre ami des hommes ? " Jésus lui
dit : Je ne vous dis pas jusqu'à sept fois, " etc. - S. AUG. (serm.
16 sur les paroles du Seigneur.) J'ose le dire, quand même il aurait péché
septante fois huit fois, pardonnez-lui ; eût-il péché cent
fois, pardonnez-lui encore ; en un mot, toutes les fois qu'il pèche,
ne cessez de lui pardonner. Car si Jésus-Christ, bien qu'il ait trouvé
en nous des milliers de péchés, nous les a tous pardonnés,
ne refusez donc pas de faire vous-mêmes miséricorde, ainsi que
l'Apôtre vous le recommande en ces termes (Col 3) : " Vous pardonnant
entre vous les sujets de plainte que vous pourriez avoir les uns contre les
autres, comme Dieu vous a pardonné en Jésus-Christ (cf. 2 Co 5,
10). " - S. CHRYS. (hom. 61.) En disant : " Jusqu'à septante
fois sept fois, le Sauveur ne précise pas un nombre et ne circonscrit
pas le pardon dans un chiffre quelconque, mais il veut dire qu'il ne faut mettre
aucune restriction, aucune limite à ce pardon. - S. AUG. (serm. 16 sur
les paroles du Seigneur.) Cependant ce n'est point au hasard que le Sauveur
choisit le nombre de septante fois sept fois ; car la loi a été
donnée en dix commandements. Si la loi est représentée
par le nombre dix, le péché l'est par le nombre onze, car il va
au delà du nombre dix. Le nombre sept se prend ordinairement pour un
tout complet, car le temps fait sa révolution en sept jours. Or, onze
fois sept font soixante-dix-sept ; le Sauveur, en choisissant ce nombre soixante-dix-sept,
a donc voulu que tous les péchés que nos frères pourraient
commettre fussent pardonnés. - ORIG. (Traité 6 sur S. Matth.)
Ou bien encore, comme le nombre six paraît désigner l'action et
le travail, et le nombre sept le repos et la tranquillité, on peut dire
que celui qui aime le monde et qui fait les oeuvres du monde, pèche sept
fois en se livrant à ces actions toutes mondaines. Pierre croyait sans
doute qu'il était question de ces oeuvres, quand il pensait qu'il fallait
pardonner sept fois ; mais comme Jésus-Christ savait qu'il en est dont
les péchés s'étendent bien au delà, il ajoute le
nombre septante au nombre sept pour nous apprendre que nous devons pardonner
à nos frères qui vivent dans le monde et qui pèchent dans
l'usage qu'ils font des choses du monde. Mais si quelqu'un multiplie les transgressions
au delà de ce nombre, il n'a point de pardon à espérer.
- S. JER. Ou bien il faut entendre ces septante fois sept fois dans le sens
de. quatre cent quatre-vingt-dix fois, c'est-à-dire que vous devez pardonner
à votre frère autant de fois qu'il pourra pécher. - RAB.
Toutefois, il y a une différence entre le pardon que nous accordons à
un frère qui le demande et avec lequel nous renouons les liens étroits
qui nous unissaient (comme Joseph avec ses frères), et le pardon que
nous accordons à un ennemi qui nous persécute, à qui nous
voulons, et à qui même, s'il est possible, nous faisons du bien,
comme David lorsqu'il fuyait devant Saül.
vv. 23-35.
S. CHRYS. (hom. 61.) Notre-Seigneur ajoute une parabole à ce qu'il vient
de dire pour montrer par un exemple que ce n'était point une chose héroïque
de pardonner septante fois sept fois. - S. JER. C'est l'usage en Syrie et en
Palestine d'entremêler à tous les discours des paraboles, afin
de graver plus facilement dans l'esprit des auditeurs, à l'aide de comparaisons
et d'exemples, le précepte qu'ils ne pourraient retenir s'il était
présenté dans sa simplicité. C'est pour cela que Notre-Seigneur
dit ici : " Le royaume des cieux est semblable, " etc. - ORIG. (Traité
7 sur S. Matth.) De même que le Fils de Dieu est la sagesse, la justice
(1 Co 1, 30 ; 1 Jn 5, 6 ; Jn 8, 22 ; 14, 6) et la vérité, il est
aussi le royaume, non pas de ceux dont les affections rampent sur la terre,
mais de tous ceux qui tiennent leur cur eu haut, qui font régner
la justice et les autres vertus dans leurs âmes, et qui deviennent pour
ainsi dire comme les cieux en portant l'image de l'homme céleste (1 Co
15, 49). Ce royaume des cieux, c'est-à-dire le Fils de Dieu, est devenu
semblable à un homme roi, lorsqu'il s'est uni notre humanité et
qu'il a été fait à la ressemblance de la chair du péché.
- REMI. Ou bien encore, ce royaume des cieux, c'est la sainte Église
dans laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ fait lui-même ce qu'il
exprime dans cette parabole. Sous le nom d'un homme, c'est quelquefois le Père
qui nous est désigné, comme dans cette parabole : " Le royaume
des cieux est semblable à un homme roi qui fit les noces de son fils
; " quelquefois c'est le Fils : ici on peut l'entendre de l'un et de l'autre,
du Père et du Fils qui sont un seul Dieu. Or, Dieu est appelé
roi, parce qu'il dirige et gouverne tout ce qu'il a créé. - ORIG.
Les serviteurs, dans ces paraboles, sont exclusivement les dispensateurs de
la parole et ceux à qui Dieu a confié la charge de négocier
et de faire produire des intérêts pour le ciel. - REMI. Ou bien
les serviteurs de ce roi représentent tous les hommes qu'il a créés
pour le louer et à qui il a donné la loi naturelle. Il leur fait
rendre compte à chacun, lorsqu'il examine leur vie, leurs moeurs, leurs
actions, pour rendre à chacun suivant ses oeuvres. (Rm 2.) " Et
ayant commencé à faire rendre compte, " etc. - ORIG. Nous
devrons rendre compte au roi de toute notre vie, lorsqu'il nous faudra tous
comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ. (2 Co 5). Si nous
nous exprimons de la sorte, qu'on se garde de croire que ce jugement demandera
beaucoup de temps, car lorsque Dieu voudra passer au crible les âmes de
tous les hommes, par un effet admirable de sa puissance, il fera revivre en
un seul instant dans le souvenir de chacun toutes les actions qui ont rempli
le cours de sa vie. Notre-Seigneur ajoute : " Et lorsqu'il eut commencé
à faire rendre compte, parce que le jugement doit commencer par la maison
de Dieu. (1 P 4.) Lorsqu'il commençait donc à se faire rendre
compte, on lui présenta un homme qui lui devait une somme incalculable
de talents ; il avait fait des pertes énormes et, sous le poids de grandes
obligations, il n'avait fait aucun profit. Peut-être cet homme nous est-il
représenté comme ayant perdu autant de talents qu'il avait perdu
d'hommes, et il est ainsi devenu débiteur de cette somme énorme
de talents, parce qu'il avait suivi cette femme assise sur un talent de plomb
dont le nom est l'iniquité (Za 5, 7).
S. JER. Il en est, je le sais, qui prétendent que cet homme qui devait
dix mille talents est la figure du démon ; ils entendent par cette femme
et par ses enfants qui sont vendus, parce qu'il persévère dans
sa méchanceté, l'extravagance de sa conduite et les mauvaises
pensées. Car, de même que la femme de l'homme juste est l'image
de la sagesse, la femme. de l'homme injuste et pécheur est la figure
de la folie. Mais comment le Seigneur peut-il remettre au démon dix mille
talents, et ne nous remet-il pas à nous, ses compagnons, cent deniers
? C'est une interprétation contraire à celle de l'Église
et qu'aucun homme sage n'admettra jamais. - S. AUG. (serm. 16 sur les paroles
du Seigneur.) Il faut donc dire que la loi ayant été donnée
en dix préceptes, cette homme devait dix mille talents qui représentent
tous les péchés que l'on peut commettre contre la loi.
REMI. L'homme qui peut bien pécher de lui-même et par sa propre
volonté ne peut en aucune manière se relever par ses propres forces,
et il n'a pas de quoi rendre ce qu'il doit, parce qu'il ne trouve rien en soi
qui puisse l'affranchir de ses péchés ; c'est pour cela que Notre-Seigneur
ajoute : " Mais comme il n'avait pas le moyen de les lui rendre, "
etc. Or, la femme de l'insensé est la folie et la volupté ou la
convoitise. - S. AUG. (Quest. Evang., 1, 25.) Cette circonstance nous apprend
que celui qui transgresse les préceptes du décalogue doit subir
des châtiments sévères pour ses passions et ses mauvaises
actions représentées ici par la femme et par les enfants. Or,
le prix de cet homme qui est vendu, c'est le supplice du damné. - S.
CHRYS. (hom. 61.) Si ce roi donne cet ordre, ce n'est point par cruauté,
mais par un sentiment d'ineffable affection ; il veut simplement l'effrayer
par ces menaces pour le porter à demander en grâce de ne pas être
vendu ; c'est en effet ce qui arrive : " Ce serviteur, se jetant à
ses pieds, le conjurait, " etc. - REMI. Nous voyons dans ces paroles l'humiliation
et la satisfaction du pécheur ; ces autres : " Ayez un peu de patience,
" sont l'expression de la prière du pécheur qui demande à
Dieu de le laisser vivre et de lui accorder le temps de faire pénitence.
Or, la bonté et la clémence de Dieu §ont sans bornes à
l'égard des pécheurs qui se convertissent, car il est toujours
prêt à pardonner les péchés par le baptême
ou par la pénitence. " Alors son maître, touché de
compassion, " etc. - S. CHRYS. (hom. 61.) Voyez l'excès de l'amour
de Dieu : le serviteur demande un simple délai ; son maître lui
accorde bien plus qu'il ne demande : il lui fait remise entière et absolue
de tout ce qu'il lui devait. C'était ce qu'il désirait faire dès
le commencement ; mais il ne voulait pas que tout dans ce don vînt de
lui seul ; il voulait que ce serviteur y contribuât par sa prière
pour ne point le laisser aller sans mérite. Il ne lui remit pas ce qu'il
devait avant de lui avoir fait rendre compte, pour lui faire comprendre l'énormité
des dettes dont il le déchargeait, et le disposer à user lui-même
de douceur à l'égard de son compagnon. Jusque là, en effet,
sa conduite fut digne d'éloges, car il avoua sa dette et promit de la
payer ; il se jeta à genoux pour demander du temps et reconnut la grandeur
des sommes qu'il devait ; mais ce qu'il fit ensuite fut indigne d'un si beau
commencement : " Or, ce serviteur étant sorti, trouva un de ses
compagnons qui lui devait cent deniers, et, le prenant à la gorge, il
l'étouffait, " etc.
S. AUG. (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) Cette somme de cent deniers
qu'il devait à son compagnon vient du même nombre dix, qui est
le nombre des préceptes de la loi, car cent multiplié par cent
fait dix mille et dix fois dix font cent ; ainsi ces dix mille talents et ces
dix deniers ne s'éloignent pas du nombre des commandements qui sont la
matière aux transgressions ; ces deux serviteurs sont donc tous deux
débiteurs, tous deux dans la nécessité de demander pardon,
car tout homme est débiteur de Dieu, et a son frère pour débiteur.
- S. CHRYS. Il y a autant de différence entre les péchés
commis contre Dieu et ceux que l'on commet contre son frère, qu'il y
en a entre dix mille talents et cent deniers, différence que rend encore
plus sensible la distance qui sépare les personnes et l'a continuité
des offenses. En effet, si nous avons l'oeil de l'homme pour témoin,
nous nous abstenons et nous craignons même de pécher ; mais, placés
que nous sommes sous les yeux de Dieu, nous ne laissons passer aucun jour sans
l'offenser, nous parlons et nous agissons en tout contre lui sans la moindre
crainte. Et ce n'est pas le seul caractère de gravité que présentent
nos péchés contre Dieu, ils en ont un autre qui vient des bienfaits
dont il nous a comblés. C'est lui, en effet, qui nous a donné
l'être, et qui a créé pour nous tout cet univers ; il a
répandu sur nous par son souffle divin une âme raisonnable ; il
a envoyé son Fils sur la terre, il nous a ouvert le ciel et nous a fait
ses enfants. Et quand même nous donnerions tous les jours notre vie pour
lui, pourrions-nous reconnaître dignement ses bienfaits ? Non, sans doute,
car ce sacrifice lui-même tournerait à notre avantage. Mais nous,
bien au contraire, nous ne cessons de transgresser ses lois. - REMI. Ainsi donc
le serviteur qui doit dix mille talents représente ceux qui tombent dans
les grands crimes, et celui qui doit cent deniers ceux qui commettent des fautes
moins graves. - S. JER. Rendons cette vérité plus sensible par
un exemple : si quelqu'un parmi vous a commis un adultère, un homicide,
un sacrilège, crimes énormes, ces dix mille talents lui seront
remis sur sa demande, s'il pardonne lui-même les légères
offenses commises contre lui.
S. AUG. (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.) Mais ce serviteur méchant,
ingrat, inique, ne voulut pas accorder ce qu'on lui avait remis malgré
son indignité : " Et le saisissant à la gorge, il l'étouffait,
en disant : Rends ce que tu dois. " - REMI. C'est-à-dire qu'il le
pressait avec violence pour en tirer vengeance. - ORIG. Il l'étouffait,
ce qui doit faire supposer qu'il était sorti de chez le roi, car il n'aurait
pas osé, en la présence du roi, se porter à cette extrémité
sur son compagnon. - S. CHRYS. (hom. 60.) Ces paroles mêmes " Il
ne fut pas plus tôt sorti " nous montrent que ce ne fut pas longtemps
après, mais immédiatement, alors qu'il entendait encore retentir
à son oreille le pardon bienfaisant de son maître, qu'il abuse
indignement, pour se venger, de la liberté qui vient de lui être
rendue ; or, que fit alors son compagnon ? " Et se jetant à ses
pieds, il le conjurait en disant : Prenez patience, " etc. - ORIG. Remarquez
le choix admirable des expressions dans l'Écriture : le serviteur, qui
devait une somme énorme de talents, se jette aux pieds du roi pour l'adorer,
tandis que celui qui ne devait que cent deniers s'était bien jeté
aux pieds de son compagnon, mais sans l'adorer, il le conjurait seulement en
lui disant : " Prenez patience. " - S. CHRYS. (hom. 60.) Mais cet
ingrat serviteur n'eut même pas le moindre respect pour ces paroles auxquelles
il devait son salut, comme nous l'indique la suite du récit : "
Mais il ne voulut pas l'écouter. " - S. AUG. (Quest. évang.,
1, 35.) C'est-à-dire qu'il persévéra dans la volonté
de le livrer à la justice et au châtiment : " Et il s'en alla.
" - REMI. Il poursuivit avec une colère plus violente le projet
qu'il avait de se venger, et il le fit jeter en prison jusqu'à ce qu'il
eût payé sa dette, c'est-à-dire que, s'étant saisi
de son frère, il en tira une cruelle vengeance.
S. CHRYS.
(hom. 60.) Voyez la charité du maître et la cruauté de ce
serviteur. Il a le premier demandé grâce pour dix mille talents,
son compagnon pour cent deniers ; l'un priait son maître, l'autre son
compagnon ; l'un obtint la remise totale de sa dette, l'autre ne demandait qu'un
délai et ne put l'obtenir. Les autres serviteurs, voyant ce qui se passait,
en furent vivement attristés, selon la remarque de l'auteur sacré.
- S. AUG. (Quest. évang.) Par ces compagnons, il faut entendre l'Église
qui exerce le pouvoir de lier l'un et de délier l'autre. - REMI. Ou bien
les compagnons de ce serviteur représentent peut-être les anges
ou les prédicateurs de la sainte Église, ou tous ceux des fidèles
qui, en voyant un de leurs frères sans compassion pour son frère
après qu'il a obtenu lui-même le pardon de ses péchés,
s'affligent sensiblement de sa perte : " Et ils vinrent, et ils avertirent
leur maître, " etc. Ils viennent non pas d'une manière sensible,
mais par les sentiments de leur cur. Raconter au Seigneur, c'est lui exposer
par les mouvements de l'âme les douleurs et la tristesse du cur.
- SUITE. " Alors son maître l'ayant fait venir. " - Il le fit
venir en prononçant la sentence de mort et en lui ordonnant de sortir
de ce monde, et il lui dit : " Méchant serviteur, je vous avais
remis tout ce que vous me deviez, parce que vous m'en aviez prié. "
- S. CHRYS. (hom. 61.) Lorsque ce serviteur lui devait dix mille talents, il
ne l'a point appelé de la sorte ; il ne lui a dit aucune parole outrageante,
mais il a eu pitié de lui. Lorsqu'au contraire il voit son ingratitude
à l'égard de son compagnon, il l'appelle : " Méchant
serviteur, " et lui reproche l'indignité de sa conduite : "
Ne fallait-il pas avoir pitié vous-même, " etc. - REMI. Remarquons
qu'on ne voit pas que ce serviteur ait osé faire aucune réponse
à son maître, ce qui nous apprend, qu'au joui du jugement et cette
vie une fois terminée, tout moyen de justification nous sera ôté.
S. CHRYS. (hom. 60.) Le bienfait ne l'a pas rendu meilleur ; c'est donc au châtiment
de le corriger : " Et son maître irrité le livra entre les
mains des bourreaux, " etc. Notre-Seigneur ne dit pas simplement : Il le
livra, mais : " il le livra tout en colère, " remarque qu'il
n'a point faite lorsque le maître commanda de vendre ce serviteur, car
il n'agissait pas alors par colère, mais plutôt par amour, et dans
le dessein de le rendre meilleur. Ici, au contraire, c'est une sentence qui
emporte condamnation au supplice et à la peine. - REMI. Dans le langage
de l'Écriture, Dieu se met en colère, lorsqu'il exerce sa juste
vengeance contre les pécheurs. Les bourreaux, ce sont les démons,
qui sont toujours prêts à se saisir des âmes perdues et condamnées,
et à les tourmenter dans les supplices de l'enfer. Mais une fois plongé
dans cet abîme d'éternelle damnation, le pécheur pourra-t-il
trouver le moyen de devenir meilleur et d'échapper à ces supplices
? Non ; le mot " jusqu'à ce que " exprime ici une durée
infinie, et veut dire qu'il paiera toujours sans pouvoir jamais s'acquitter
et que son supplice sera éternel. - S. CHRYS. (hom. 60.) Ces paroles
sont une preuve qu'il sera toujours, c'est-à-dire éternellement
puni, sans qu'il puisse jamais acquitter sa dette. Quoique les dons et la vocation
de Dieu soient irrévocables (Rm 11, 29), cependant l'excès de
la malice a été si loin qu'elle a détruit jusqu'à
cette loi de miséricorde. - S. AUG. (serm. 16 sur les paroles du Seigneur.)
Dieu nous a dit : " Remettez, et il vous, sera remis. " Or, je vous
ai remis le premier, remettez du moins à mon exemple, car si vous ne
remettez pas, je vous rappellerai devant moi et je reviendrai sur le pardon
que je vous ai accordé. En effet, Jésus-Christ ne peut ni se tromper,
ni nous tromper, lorsqu'il ajoute : " C'est ainsi que mon Père céleste
vous traitera, si vous ne pardonnez chacun à vos frères du fond
de vos curs. Il vaut mieux que vous soyez sévère et emporté
dans vos paroles, tout en pardonnant du fond du cur, que d'avoir un langage
caressant avec une âme implacable. C'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute
: " Du fond de vos curs ; il veut que, si la charité vous
fait un devoir de punir, vous conserviez toujours la douceur au fond de votre
âme. Qu'y a-t-il de plus compatissant que le médecin qui approche
du malade le fer à la main ? Il sévit contre la plaie pour guérir
le malade, car, s'il use de ménagements à l'égard de la
blessure, l'homme est perdu. - S. JER. Le Sauveur ajoute : " Du fond de
vos curs " pour prévenir toute hypocrisie et tout faux semblant
de réconciliation. Par cette comparaison du roi et du serviteur qui avait
demandé et obtenu la remise des dix mille talents qu'il devait à
son maître, le Seigneur fait une obligation à Pierre de remettre
à ses frères les légères offenses dont ils se rendront
coupables à son égard. - ORIG. Il veut aussi nous enseigner à
pardonner facilement à ceux qui nous ont fait du tort, surtout s'ils
réparent leur faute et viennent implorer leur pardon.
RAB. Dans le sens allégorique, ce serviteur, qui devait dix mille talents, c'est le peuple juif soumis au décalogue de la Loi, et à qui Dieu a souvent remis ses dettes lorsque, réduit aux dernières extrémités, il faisait pénitence et implorait miséricorde ; mais une fois délivré de ces épreuves, il n'avait aucune commisération et exigeait avec une rigueur implacable tout ce qui pouvait lui être dû. Il ne cessait de tourmenter les Gentils, comme s'ils lui étaient soumis ; il exigeait d'eux l'observation de la circoncision et des prescriptions légales et massacrait impitoyablement les prophètes et les Apôtres qui lui apportaient la parole de réconciliation. C'est pour cela que Dieu les livra aux Romains qui détruisirent leur cité de fond en comble, ou plutôt aux esprits mauvais pour être tourmentés par eux dans les supplices éternels.