ÉVANGILE DE SAINT MATHIEU PAR SAINT THOMAS D'AQUIN
CATANA AUREA DE SAINT THOMAS D'AQUIN SUR SAINT MATTHIEU
CHAPITRE II
vv. 1-2.
S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Après ce miraculeux enfantement, où
le sein d'une Vierge plein de la divinité mit au monde, sans perdre le
sceau de son inviolable pureté, un homme-Dieu dans le réduit obscur
d'une caverne, et sur le lit étroit d'une crèche, où l'infinie
majesté reposait ses membres raccourcis ; pendant qu'un Dieu était
suspendu au sein d'une mère mortelle et enveloppé de misérables
langes, on vit tout à coup un astre nouveau briller du haut du ciel,
dissiper l'obscurité qui couvrait l'univers et changer la nuit en un
jour éclatant, afin que le jour ne demeurât pas enseveli dans les
ombres de la nuit. " Or Jésus étant né, " etc.,
dit l'Évangéliste. - REMI. Dans ces premiers mots du récit
évangélique, nous voyons trois choses : la personne : " Or
Jésus étant né ; " le lieu : " A Bethléem
de Juda ; " le temps : " Aux jours du roi Hérode ; trois circonstances
qui confirment la vérité du fait que l'écrivain sacré
va raconter.
S. JER. (sur S. Matth.) Je pense que l'Évangéliste avait d'abord
écrit comme nous le lisons dans l'hébreu, de Juda, au lieu de
Judée ; car quelle autre ville du nom de Bethléem existe chez
les autres peuples, pour qu'il ait cru devoir ajouter comme signe distinctif
" de la Judée ? " On conçoit très bien au contraire
qu'il dise : " de Juda, " parce qu'il y avait dans la Judée
une autre Bethléem dont il est question au livre de Josué, fils
de Navé (Js 19, 15). LA GLOSE. Il y a en effet deux villes du nom de
Bethléem, l'une dans la tribu de Zabulon, l'autre dans la tribu de Juda,
et qui était autrefois appelée Ephrata.
S. AUG. (de l'Acc. des Evang. liv. II, chap. 5.) Saint Matthieu et saint Luc
sont d'accord pour ce qui concerne la ville de Bethléem, mais saint Luc
seul donne la raison et raconte les circonstances du voyage de Joseph et de
Marie dans cette ville, tandis que saint Matthieu n'en dit mot. C'est le contraire
pour les Mages qui vinrent d'Orient ; saint Luc n'en dit rien, saint Matthieu
seul en parle. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Examinons pour quel motif l'Évangéliste
précise le temps de la naissance du Sauveur en ces termes : " Aux
jours du roi Hérode. " Il veut ainsi prouver l'accomplissement de
la prophétie de Daniel qui annonçait que le Christ naîtrait
après soixante-dix semaines d'années, car depuis cette prophétie
jusqu'aux jours d'Hérode, les soixante-dix semaines d'années s'étaient
écoulées. Disons encore : Tant que le peuple juif fut gouverné
par des rois de sa race quoique souvent bien coupables, Dieu envoyait des prophètes
pour remédier à ses maux. Mais lorsque la loi de Dieu vint à
tomber sous la puissance d'un roi infidèle et que la justice divine était
comme opprimée par la domination romaine, le Christ parut sur la terre,
car à un mal extrême et désespéré il fallait
un médecin d'une science et d'une habileté consommées.
- RAB. Ou bien encore l'Évangéliste fait mention de ce roi étranger
pour montrer l'accomplissement de cette prophétie (Gn 49) : " Le
sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de sa postérité,
jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé. "
S. AMB. (sur S. Luc.) On rapporte que des brigands iduméens étant
entrés dans la ville d'Ascalon, emmenèrent Antipater avec d'autres
captifs. Antipater fut donc élevé dans la religion des Iduméens.
Plus tard il se lia d'amitié avec Hircan, roi de la Judée, qui
l'envoya en ambassade auprès de Pompée, et comme il réussit
dans cette mission, il reçut en récompense une partie de son royaume.
Après la mort d'Antipater un sénatus-consulte rendu sous le triumvir
Antoine déclara son fils Hérode roi des Juifs. Il est donc évident
qu'Hérode ne tenait par aucun lien à la nation juive et qu'il
avait cherché à régner sur elle par l'intrigue et par le
mensonge.
S. CHRYS. (hom. 6 sur S. Matth.) L'Évangéliste dit " du roi
Hérode " pour le distinguer par ce titre de cet Hérode qui
fit mettre à mort Jean-Baptiste. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Jésus
étant donc né en ce temps-là, voici que des Mages vinrent,
c'est-à-dire aussitôt sa naissance, pour reconnaître et proclamer
un Dieu puissant sous les dehors d'un faible enfant. - REMI. Les Mages sont
des hommes qui font profession de raisonner sur toutes choses, mais leur nom
dans l'acception vulgaire, est synonyme de celui de magiciens ; cependant telle
n'est pas leur réputation chez les Chaldéens, dont ils sont comme
les philosophes, et dont les rois et les princes se conduisent en tout d'après
les principes de cette science ; ce fut aussi ce qui leur fit connaître
comme le premier lever du Seigneur dans le monde.
S. AUG. (serm. 4 sur l'Epiph.) Or, que furent les Mages ? Les prémices
des nations ; les bergers étaient Juifs, les Mages de la gentilité,
ceux-là venaient de près, ceux-ci de loin ; mais les uns et les
autres accoururent à la pierre angulaire. - IDEM. (serm. 2.) Jésus
donc ne se manifesta ni aux savants ni aux justes ; c'est l'ignorance qui l'emporte
dans la grossièreté des pasteurs et l'impiété dans
les cérémonies sacrilèges des Mages ; celui qui est la
pierre angulaire s'unit les uns et les autres, car il est venu choisir ce qui
est folie pour confondre les sages, il est venu appeler les pécheurs
et non les justes (1 Co 1, 27 ; Mt 9, 13 ; Mc 2, 17 ; Lc 5, 52), afin que toute
grandeur cessât de s'enorgueillir, toute faiblesse de se décourager.
- LA GLOSE. Les Mages étaient des rois, et s'ils n'offrent que trois
sortes de présents, ce n'est pas une preuve qu'ils ne fussent absolument
que trois, mais pour représenter par ce nombre toutes les nations qui
descendent des trois enfants de Noé et qui devaient un jour embrasser
la foi. Ou bien si ces princes n'étaient que trois, ils avaient avec
eux une suite nombreuse. - Or, ce n'est pas un an après que le Christ
fut né qu'ils vinrent l'adorer, car alors il était en Égypte,
et non plus dans l'étable ; mais ce fut le treizième jour après
sa naissance. D'où venaient-ils ? L'Évangéliste nous l'apprend
en ajoutant : " De l'Orient. "
REMI. Il y a plusieurs opinions sur les Mages. Les uns disent qu'ils étaient
Chaldéens, parce que les Chaldéens adoraient les étoiles,
et ils prétendent que leur dieu supposé leur a révélé
la naissance du vrai Dieu ; les autres disent qu'ils étaient Perses ;
quelques-uns, qu'ils venaient des extrémités de la terre ; d'autres
enfin, qu'ils étaient les descendants de Balaam, et c'est le sentiment
le plus probable, car Balaam entre autres choses a prédit " qu'une
étoile sortirait de Jacob. " Ses descendants, qui possédaient
cette prophétie, ayant vu briller une nouvelle étoile, comprirent
que le Roi qu'elle annonçait était né, et vinrent l'adorer.
S. JER. C'est ainsi que les successeurs de Balaam apprirent par la prophétie
l'apparition future de cette étoile. Mais on peut se demander comment
les Mages habitant la Chaldée, la Perse, ou les extrémités
de la terre, ils ont pu venir en si peu de temps à Jérusalem.
- REMI. Quelques auteurs répondent que l'enfant qui venait de naître
a bien pu les amener en si peu de jours des extrémités de la terre.
- LA GLOSE. On peut dire encore qu'il n'est pas étonnant qu'ils aient
pu arriver en treize jours à Bethléem, montés sur des chevaux
arabes et des dromadaires connus pour la vitesse de leur marche. - S. CHRYS.
(sur S. Matth.) Peut-être aussi sont-ils partis sous la conduite de l'étoile
qui les précédait deux ans avant la naissance du Christ, sans
que les provisions de bouche leur aient fait défaut pendant leur voyage.
REMI. Ou bien si ces rois étaient successeurs de Balaam, ils n'étaient
pas éloignés de la terre promise, et ils ont pu franchir en si
peu de temps la distance qui les séparait de Jérusalem. Mais alors
pourquoi l'Évangéliste dit-il qu'ils sont venus de l'Orient ?
C'est que le pays qu'ils habitaient était en effet situé sur la
frontière orientale de la Judée. C'est du reste une magnifique
pensée que celle qui les fait venir de l'Orient, parce que tous ceux
qui viennent au Seigneur, ne peuvent venir que par son inspiration et sous sa
conduite, lui qui est le véritable Orient, selon cet oracle du prophète
: " Voici un homme, l'Orient est son nom. " - S. CHRYS. (sur S. Matth.)
Ou bien peut-être viennent-ils réellement de l'Orient. La foi prend
naissance dans les contrées ou le jour se lève, parce qu'elle
est la lumière des âmes. Ils partirent donc de l'Orient, mais pour
venir à Jérusalem. - REMI. Cependant le Seigneur n'y était
pas né, mais c'est que tout en connaissant le temps, ils ignoraient le
lieu de sa naissance. Comme Jérusalem était la capitale du royaume,
ils crurent qu'un tel enfant n'avait pu naître que dans la ville royale.
Peut-être aussi était-ce pour accomplir cette prophétie
: " C'est de Sion que sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem,
" car c'est là que le Christ a été annoncé
en premier lieu. Enfin ce fut peut-être pour condamner par le pieux empressement
des Mages l'indifférence des Juifs. Ils vinrent donc à Jérusalem
et firent cette question : " Où est celui qui est né roi
des Juifs ? " - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Les Juifs avaient vu grand
nombre de leurs rois naître et mourir, les Mages sont-ils venus chercher
et adorer aucun d'entre eux ? Non, car le ciel ne leur avait appris l'existence
d'aucun de ces rois. Ce n'est donc pas à un roi des Juifs, semblable
à ceux que Jérusalem avait vus dans ses palais, que ces Mages,
habitant des contrées lointaines, et tout à fait étrangers
au royaume des Juifs, croient devoir rendre de si grands honneurs ; mais ils
avaient appris que le roi qui venait de naître était si grand qu'il
méritait leurs adorations, et qu'ils obtiendraient infailliblement par
là le salut qui vient de Dieu. En effet ce roi n'était pas d'un
âge à voir ramper autour de lui la foule des courtisans flatteurs,
la pourpre ne brillait pas sur ses épaules, ni le diadème sur
sa tète, et ce n'était ni le brillant entourage de ses serviteurs,
ni l'appareil terrible de ses armes, ni le bruit de ses victoires qui attiraient
à lui des extrémités de la terre des hommes qui venaient
déposer à ses pieds leurs vux et leurs ardentes prières.
Un enfant nouvellement né était couché dans une crèche,
joignant à un corps frêle une pauvreté qui devait le rendre
méprisable ; mais sous ces dehors misérables se cachait quelque
chose de grand, et ce n'est pas de la terre qui le portait, mais du ciel qui
se chargeait de les instruire que ces hommes prémices des nations avaient
appris ce qu'il était : " Nous avons vu, disent-ils, son étoile
dans l'Orient. " Ils font connaître ce qu'ils ont vu, et en même
temps ils interrogent, ils croient et ils cherchent : figure de ceux qui marchent
à la lumière de la foi et qui désirent jouir de la claire
vue.
S. CHRYS. (hom. 6 sur S. Matth.) Les Priscillianistes qui prétendent
que tous les hommes naissent sous l'influence de différentes constellations,
cherchent un appui à leur erreur dans cette nouvelle étoile qui
apparut à la naissance du Sauveur, et qui aurait été l'étoile
de sa destinée. - S. AUG. (contr. Faust.) Cette étoile, d'après
Fauste, n'aurait paru que pour confirmer sa naissance, d'où il conclut
que l'Évangile devrait bien plutôt s'appeler la Généside.
- S. GREG. (hom. 10 sur S. Matth.) Mais à Dieu ne plaise que les fidèles
croient jamais à l'existence du destin. - S. AUG. (Cité de Dieu,
liv. 5, chap. 1.) On entend par destin, dans le langage ordinaire, l'influence
de certaine position des astres, telle que celle qui correspond à la
conception ou à la naissance des hommes. Il en est qui placent cette
influence en dehors de la volonté de Dieu, blasphème que doivent
repousser avec horreur tous ceux qui adorent un Dieu quel qu'il soit ; d'autres
disent que cette grande influence donnée aux astres vient de la souveraine
puissance de Dieu, et ils ne peuvent faire une plus grande injure à la
majesté divine, lorsque dans sa cour si brillante ils font décréter
des crimes tels que si quelque ville sur la terre osait en commander de semblables,
elle serait condamnée à être détruite par le genre
humain tout entier. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Si un homme devient homicide
ou adultère par l'influence d'une étoile, les étoiles sont
grandement injustes, et plus grandement encore celui qui les a créées,
car puisque Dieu connaît l'avenir, Il a prévu le mal que devait
commettre cette étoile ; s'il n'a pas voulu le prévenir, il cesse
d'être bon, et s'il l'a voulu sans le pouvoir, sa puissance est nulle.
D'ailleurs s'il dépend d'une étoile que nous soyons bons ou mauvais,
le bien que nous faisons ne mérite aucun éloge, ni le mal aucun
blâme, car nos actions ne sont plus volontaires. Pourquoi serais-je puni
d'un mal qui n'est pas le fruit de ma volonté, mais de la nécessité
? D'ailleurs cette doctrine insensée détruirait les commandements
de Dieu qui nous défendent le mal, ou qui noua exhortent au bien. Comment
en effet commander à un homme de fuir le mal qu'il ne peut éviter,
ou de faire le bien qui lui est impossible ?
S. GREG. DE NYSSE. Dès lors que l'on vit sous la loi de la fatalité,
il est inutile de prier, la providence de Dieu est bannie du monde aussi bien
que la piété, l'homme n'est plus qu'un instrument dépendant
du cours des astres, car dans leur pensée, les mouvements des corps célestes
déterminent non seulement les actions du corps, mais encore les pensées
de l'âme. Ainsi tous ceux en général qui soutiennent cette
erreur, détruisent tout ce qui est en nous, et la nature de tout être
contingent. Et qu'est-ce autre chose que le renversement de tout ce qui existe
? Ou sera désormais le libre arbitre ? Il faut cependant que ce qui est
en nous soit libre. - S. AUG. (Cité de Dieu, liv. 5, chap. 6.) Il n'est
pas absolument contraire à la raison d'attribuer à l'influence
les astres certaines modifications dans les corps : ainsi voyons-nous que c'est
au rapprochement ou à l'éloignement du soleil qu'il faut attribuer
les diverses saisons, et aux phases de la lune qui croît et diminue, le
développement ou la décroissance de certaines choses créées
comme les coquillages qui produisent les perles, ou les admirables mouvements
de l'Océan. Mais il ne faut pas soumettre aux différentes positions
des astres les volontés de notre âme. - Et au chapitre 1er : Dira-t-on
que les astres sont plutôt les signes que les mobiles déterminants
de nos destinées ? Mais alors comment n'a-t-on pu jamais expliquer pourquoi
la vie des jumeaux, leur manière d'agir, leurs succès, leurs professions,
leurs actes, les honneurs dont ils jouissent et tout ce qui compose la vie humaine,
et la mort elle-même, nous offrent la plupart du temps des différences
si tranchées que des étrangers omit souvent entre eux bien plus
de ressemblance que ces jumeaux, dont la naissance n'a été séparée
que par un instant et dont la conception a été simultanée
? - Au chapitre 2e : Ils cherchent à établir leur opinion sur
le court intervalle de temps qui sépare la naissance de deux jumeaux
; mais qu'est-ce que cette légère différence auprès
de la différence profonde qui existe dans leurs volontés, dans
leurs actes, dans leurs murs et dans les événements de leur
vie ? - Aux chapitres 7 et 9 : Quelques-uns appellent du nom de destin non pas
les différentes positions des astres, mais la réunion et l'enchaînement
des causes secondes qu'ils font dépendre de la volonté et de la
puissance de l'Être souverain. Or, si vous soumettez au destin les choses
humaines, tout en appelant de ce nom la volonté et la puissance de Dieu,
je vous dirai : Conservez votre manière de penser, mais modifiez vos
expressions, car, dans le langage ordinaire on est convenu d'appeler destin,
l'influence qui résulte de la position des astres ; et nous ne donnons
pas ce nom à la volonté de Dieu à moins que nous ne fassions
venir le mot destin ou fatalité, du mot parler (fatum, en latin vient
de fando) ; car il est écrit : " Dieu a parlé une fois, j'ai
entendu ces deux choses. " Ce n'est donc pas la peine de nous épuiser
avec eux dans une vaine dispute de mots.
S. AUG. (contre Faust., liv. 2, chap. 5.) Si nous refusons de placer la naissance
d'aucun homme sons l'action fatale des étoiles, afin d'affranchir son
libre arbitre de toute chaîne que la nécessité voudrait
lui imposer, à combien plus forte raison refuserons-nous d'admettre que
la naissance du Seigneur éternel et du Créateur de toutes choses
ait été soumise à l'influence des astres. Ainsi, cette
étoile que les Mages ont vue à la naissance du Christ ne lui imposait
pas une destinée tyrannique, mais obéissait à ses ordres
en lui rendant témoignage. Elle n'était donc pas un de ces astres
qui depuis le commencement du monde gardent fidèlement sous la loi du
Créateur la route qu'il leur a prescrite, mais c'était un nouvel
astre créé pour cet enfantement nouveau de la Vierge, et elle
avait pour mission de guider les Mages qui cherchaient le Christ, en marchant
devant eux, jusqu'à ce qu'elle les eût conduits en les précédant
à l'endroit où le Seigneur, où le Verbe s'était
fait enfant muet et sans parole. Quels sont donc les astrologues qui font tellement
dépendre des astres la destinée des hommes qui naissent à
la vie, qu'ils assurent qu'à la naissance de l'un d'eux une des étoiles
abandonne l'orbite dans lequel s'accomplit sa révolution pour venir au-dessus
du berceau de l'enfant qui vient de naître, eux qui prétendent
que c'est la destinée de cet enfant qui se trouve liée nu cours
des astres, et non pas le cours des astres qui puisse être modifié
par sa naissance ? Si donc cette étoile était une de celles qui
accomplissent leur révolution dans les cieux, comment pouvait-elle connaître
ce que le Christ devait faire, elle qui, à la naissance du Christ, se
trouvait détournée du mouvement qu'elle accomplissait ? Si, au
contraire, ce qui est plus probable, elle n'existait pas auparavant, et qu'elle
n'ait été créée que pour faire découvrir
le Christ, le Christ n'est pas né parce qu'elle existait, mais elle a
reçu l'existence parce que le Christ était né. Aussi, s'il
était permis de s'exprimer de la sorte, nous dirions que ce n'est pas
l'étoile qui a été le destin pour le Christ, mais le Christ
qui a été le destin pour l'étoile, car c'est le Christ
qui a été la cause de son existence, ce n'est pas l'étoile
qui a été la cause de la naissance du Christ.
S. CHRYS. (hom. 6 sur S. Matth.) L'objet de l'astronomie n'est pas de demander
aux astres quels sont ceux qui naissent, mais de conjecturer la destinée
d'un homme par l'heure de sa naissance. Or les Mages ne connurent pas l'heure
de la naissance du Christ, pour deviner par le mouvement des étoiles
ses destinées futures ; tout au contraire nous les entendons dire : "
Nous avons vu son étoile. " - LA GLOSE. C'est-à-dire, son
étoile à lui, celle qu'il a créée pour le faire
connaître. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Les anges annoncent la naissance
du Christ aux bergers, une étoile la fait connaître aux Mages,
le ciel parle en son langage aux uns comme aux autres, parce que la voix des
prophètes avait cessé de se faire entendre. Les anges habitent
les cieux, les astres leur servent d'ornement : ce sont donc les cieux qui racontent
aux uns et aux autres la gloire de Dieu.
S. GREG. (hom. 10 sur l'Evang.) La raison ne peut qu'approuver le choix que
Dieu a fait d'un être raisonnable, c'est-à-dire d'un ange, pour
annoncer Jésus-Christ aux Juifs comme à des hommes qui faisaient
usage de leur raison, tandis que les Gentils rebelles à sa lumière
sont amenés à la connaissance de Jésus-Christ, non par
la parole humaine, mais par un signe miraculeux. Les prophéties ont été
données aux premiers comme à des hommes qui avaient la foi, et
les miracles opérés devant les seconds à cause de leur
incrédulité. Les apôtres prêchèrent Jésus-Christ
aux nations à la plénitude de l'âge parfait, tandis qu'une
étoile le leur annonce alors qu'il est petit entant et incapable de parler,
parce que l'analogie demandait que les prédicateurs fissent connaître
par leurs discours le Seigneur alors qu'il parlait lui-même, et que les
éléments muets fussent chargés de l'annoncer lorsqu'il
ne faisait pas encore usage de la parole. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Le
Christ était lui-même l'attente des nations dont l'innombrable
postérité fut autrefois promise à notre bienheureux père
Abraham, postérité qui devait se multiplier non par la propagation
du sang, mais par la fécondité de la foi. Dieu compare ses descendants
à la multitude des étoiles pour exciter dans l'âme du père
de toutes les nations l'attente d'une postérité toute céleste
et qui n'a rien de la terre. C'est donc par l'apparition d'une nouvelle étoile
que les héritiers figurés par les étoiles sont appelés
à former cette postérité qui est l'objet des promesses,
afin que les astres du ciel qui avaient rendu témoignage à la
promesse rendissent encore hommage à la vérité de son accomplissement.
S. CHRYS. (hom. 6 sur Matth.) Il est évident que cette étoile
ne fut pas une de celles dont le ciel est parsemé, car il n'en est aucune
dont le mouvement se dirige comme celle-ci du nord au midi, puisque telle est
la position de la Perse par rapport à la Palestine. On peut encore le
conclure du temps où elle apparut, car ce n'était pas seulement
pendant la nuit, mais en plein jour qu'elle était visible, et aucune
étoile, ni la lune même, n'ont une telle puissance. Une troisième
preuve, c'est que tantôt elle brillait, tantôt elle disparaissait
; lorsque les Mages entrent à Jérusalem, elle se cache ; aussitôt
qu'ils ont quitté le roi Hérode elle reparaît ; elle n'avait
même pas de marche qui lui fût propre, elle allait quand les Mages
se mettaient en marche, quand ils s'arrêtaient elle s'arrêtait,
comme autrefois la colonne de nuée dans le désert. D'ailleurs
ce n'est pas en restant dans les hauteurs des cieux, mais en descendant à
la portée des yeux, qu'elle indiquait aux Mages le lieu où la
Vierge avait enfanté, ce qui n'est pas le fait d'une étoile qui
suit sa route ordinaire, mais d'une puissance intelligente ; d'où l'on
peut conclure que cette étoile était une vertu invisible voilée
sous l'apparence d'un astre visible. - REMI. Quelques uns disent que cette étoile
était l'Esprit saint qui voulut apparaître aux mages sous la forme
d'une étoile, comme il apparut plus tard sous la forme d'une colombe
sur Notre-Seigneur après son baptême. D'autres pensent que ce fut
un ange, c'est-à-dire que celui qui apparut aux bergers serait le même
qui aurait apparu aux mages. - LA GLOSE. Le texte ajoute : " Dans l'Orient.
" L'étoile se leva-t-elle dans l'Orient, ou les Mages de l'Orient
où ils étaient la virent-ils se lever à l'Occident ? C'est
ce qu'on ne sait pas ; elle a pu très bien se lever en Orient et les
conduire à Jérusalem. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Vous me demanderez
: Qui donc leur avait appris que cette étoile annonçait la naissance
du Christ ? Sans doute les anges par voie de révélation. Était-ce
de bons ou de mauvais anges ? Les mauvais anges, c'est-à-dire les démons,
ont eux-mêmes confessé que le Christ était fils de Dieu.
Mais pourquoi ne seraient-ce pas les bons anges qui auraient été
chargés de cette mission, puisqu'en les portant à adorer le Christ
c'était leur salut qu'on avait en vue et non pas le règne de l'iniquité
? Les anges purent donc leur dire : L'étoile que vous avez vue est celle
du Christ ; allez, adorez-le dans le lieu de sa naissance, et jugez de la nature
et de la grandeur de celui qui vient de naître. - S. LEON, pape. (serm.
4. sur l'Epiph.) Indépendamment de l'éclat de l'étoile
qui frappa leurs yeux, un rayon plus brillant encore de la vérité
éclaira et instruisit leurs curs, et c'était là une
figure de la lumière que la foi répand dans les âmes.
S. AUG. (liv. des quest. du Nouv. et de l'Anc. Test., chap. 63.) Ou bien encore
ils comprirent que le roi des Juifs était né parce que l'étoile
était un indice ordinaire de la royauté temporelle. En effet,
ces Mages n'étudiaient pas le cours des astres dans des intentions coupables,
mais pour satisfaire le désir qu'ils avaient de connaître. Comme
il y a tout lieu de le croire, ils suivaient la tradition de Balaam, qui avait
dit autrefois (Nb 24) : " Une étoile se lèvera de Jacob.
" On comprend donc qu'en voyant une étoile paraître dans le
ciel en dehors du système des constellations, ils jugèrent que
c'était l'étoile prédite par Balaam comme signe de la naissance
du roi des Juifs.
S. LEON, pape (serm. 4 sur l'Epiph.) Ce que les Mages avaient cru et ce qu'ils
avaient compris pouvait leur suffire, et ils n'avaient pas besoin d'examiner
des yeux du corps ce qu'ils avaient vu des yeux de l'âme ; mais ce zèle,
cet empressement, cette persévérance qui les conduisirent jusqu'au
berceau du Sauveur étaient dans l'intérêt des hommes de
notre temps, car de même que l'apôtre saint Thomas, en touchant
de sa main les cicatrices des plaies de Notre-Seigneur après sa résurrection,
nous a été grandement utile, de même il nous est avantageux
que les Mages aient constaté de leurs yeux l'enfance du Sauveur. Ils
disent donc : " Nous sommes venus l'adorer. " - S. CHRYS. (sur S.
Matth.) Ignoraient-ils donc qu'Hérode régnait dans Jérusalem
? Ne savaient-ils pas que tout homme qui du vivant d'un roi prononce le nom
d'un autre roi ou lui rend hommage, paie cette témérité
de sa vie ? Mais, l'il fixé sur le roi de l'avenir, ils ne craignent
pas celui qui règne actuellement ; ils n'avaient pas encore vu le Christ,
et déjà ils étaient prêts à mourir pour lui.
Heureux Mages, qui avant de connaître le Christ l'ont confessé
en présence du plus cruel des tyrans !
vv. 3-6
S. AUG. Autant les Mages désirent trouver un Rédempteur, autant
Hérode craint de rencontrer un successeur, comme l'indiquent les paroles
suivantes : " Ce qu'ayant appris le roi Hérode, il fut troublé.
" - LA GLOSE. On lui donne le nom de roi afin que, rapproché du
roi que cherchent les Mages, il soit convaincu de n'être qu'un étranger.
- S. CHRYS. (sur S. Matth.) Il est troublé de ce qu'un roi des Juifs
vient de naître du sein du peuple juif lui-même, parce qu'il est
Iduméen, et qu'il craint que le sceptre revenant aux mains des Juifs,
il ne soit chassé par eux, et sa race à jamais exclue du trône.
C'est ainsi que les grandes puissances sont en proie à de plus vives
terreurs. Les branches des arbres plantés sur les hautes montagnes sont
agitées par le moindre vent ; ainsi ceux qui sont élevés
en dignité sont troublés par le bruit de la plus légère
nouvelle ; ceux au contraire dont la condition est obscure, vivant comme dans
une vallée profonde, jouissent presque toujours d'une parfaite tranquillité.
S. AUG. (serm. 2 sur l'Epiph.) Quelle terreur inspirera un jour le tribunal
du juge, alors que le berceau du petit enfant fait trembler les rois superbes
sur leur trône ? Que les rois soient saisis de frayeur devant celui qui
est assis à la droite du Père, puisqu'un roi impie a tremblé
devant lui alors qu'il était encore suspendu au sein de sa mère.
S. LEON, pape, (serm. 4 sur l'Epiph.) Cependant tes craintes sont superflues,
ô Hérode, ton palais ne peut contenir le Christ, le maître
du monde ne peut être resserré dans les limites étroites
de ton royaume ; celui à qui tu veux défendre de régner
dans la Judée étend son règne partout.
LA GLOSE. Peut-être n'est-ce pas seulement la perte de son trône
qu'il craignait, mais encore la colère des Romains qui avaient décidé
qu'aucun roi, de même qu'aucun dieu ne serait proclamé sans leur
approbation.
S. GREG. (hom. 10 sur les Ev.) A peine le roi du ciel est-il né que le
roi de la terre est en proie à l'agitation et au trouble : c'est qu'en
effet les hauteurs de la terre sont confondues, lorsque les grandeurs du ciel
viennent à se découvrir. - S. LEON pape, (serm. 6 sur l'Ep.) Hérode
dans cette circonstance joue le rôle du démon, et le démon
après avoir été son instigateur se montre depuis son infatigable
imitateur, car la vocation des Gentils fait son tourment, et son plus grand
supplice est de voir tous les jours la destruction de son empire. - S. CHRYS.
(sur S. Matth.) Tous deux sont troublés par des inquiétudes personnelles,
tous deux craignent un successeur, l'un de son royaume de la terre, l'autre
du royaume des cieux. Or voici que le peuple juif partage lui-même ce
trouble, alors qu'il aurait dû se réjouir de cette nouvelle ; mais
ce peuple en est troublé, parce que l'arrivée du Juste ne peut
être un sujet de joie pour les impies ; ou bien ils étaient troublés
dans la crainte qu'Hérode irrité contre le roi des Juifs ne déchargeât
sa colère sur la nation dont il était sorti ; c'est pourquoi l'auteur
sacré ajoute : " Et toute la ville de Jérusalem avec lui.
" - LA GLOSE. La ville de Jérusalem voulait flatter celui qu'elle
craignait, car le peuple favorise toujours plus qu'il ne le devrait ceux dont
il supporte les violences. - SUITE. " Et ayant assemblé tous les
princes des prêtres, " etc. Remarquez son empressement à chercher
le Christ ; il veut, s'il le trouve, exécuter les projets qu'il dévoilera
plus tard, et s'il ne le trouve pas, se ménager une excuse auprès
des Romains. - REMI. On les appelait scribes, non seulement parce qu'ils transcrivaient
les livres de la loi, mais parce qu'ils interprétaient les Écritures,
car ils étaient docteurs de la loi.
SUITE. " Il leur demanda où le Christ devait naître. "
Remarquez qu'il ne dit pas : " Où le Christ est né, "
mais " où le Christ devait naître. " Il les questionne
avec astuce pour s'assurer s'ils se réjouissaient de la naissance de
ce nouveau roi. Il lui donne le nom de Christ, parce qu'il savait que le roi
des Juifs recevrait l'onction royale. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Mais pourquoi
cette question d'Hérode, s'il ne croyait pas aux Écritures ? Ou
s'il y croyait, comment pouvait-il se flatter de pouvoir mettre à mort
celui dont elles prédisaient la royauté ? Mais il était
poussé par le démon qui sait que les Écritures ne peuvent
mentir. Ainsi sont tous les pécheurs : ce qu'ils croient, il ne leur
est pas donné de le croire parfaitement ; ils croient, tant est grande
la puissance de la vérité, et ils ne croient point, aveuglés
qu'ils sont par l'ennemi du salut. Car si leur foi était parfaite, ils
ne vivraient pas comme devant rester éternellement en ce monde, mais
comme devant en sortir après quelques instants de séjour.
SUITE. Ceux-ci répondirent : " Dans Bethléem de Juda. "
- S. LEON pape. (serm. 1 sur l'Epiph.) Les Mages guidés par un sentiment
naturel crurent qu'ils devaient chercher dans la capitale du royaume le roi
dont la naissance leur avait été révélée
; mais celui qui avait daigné prendre la forme d'un esclave, et qui était
venu pour être jugé, et non pas pour juger, fit choix de Bethléem
pour sa naissance et de Jérusalem pour sa passion. - THEODOTE. (serm.
au conc. d'Ephèse.) S'il avait choisi Rome, la ville par excellence,
on aurait pu croire que le changement qu'il a opéré dans le monde
était dû à la puissance des citoyens romains ; s'il eût
eu un empereur romain pour père on eût attribué ses succès
à son pouvoir. Qu'a-t-il donc fait ? Il a choisi tout ce qui a le caractère
de la pauvreté et de la bassesse, pour qu'il soit bien démontré
que c'est la puissance divine qui a transformé le genre humain ; voilà
pourquoi il a fait choix d'une mère pauvre, et d'une patrie plus pauvre
encore, voilà pourquoi il naît dans l'indigence, et c'est ce que
la crèche vint enseigner. - S. GREG. (hom. 8 sur les Ev.) C'est par suite
d'un dessein providentiel qu'il naît à Bethléem, car Bethléem
signifie maison du pain, et il a dit de lui-même : " Je suis le pain
vivant descendu du ciel.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) Il semble que les princes des prêtres auraient
dû cacher le mystère du roi prédestiné de Dieu, surtout
en présence d'un roi étranger ; et cependant, non contents de
publier les uvres de Dieu, on les voit pour ainsi dire livrer ses mystères
; et non seulement ils les dévoilent, mais ils apportent à l'appui
le témoignage du prophète. Il est écrit dans le prophète
: " Et toi Bethléem, terre de Juda. " - LA GLOSE. (Mi 5.) L'Évangéliste
rapporte cette prophétie telle qu'ils l'ont citée, en donnant
plutôt le sens véritable que le texte même du prophète
Michée. - S. JER. On peut reprocher ici aux Juifs leur ignorance, car
on lit dans le prophète Michée : " Et toi Bethléem
Ephrata, " et non pas comme ils disent : " Et toi Bethléem,
terre de Juda. " - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Il y a plus encore, c'est
qu'en supprimant une partie de la prophétie ils sont devenus la cause
du massacre des enfants. En effet la prophétie porte : " De toi
sortira le roi qui gouvernera mon peuple d'Israël, et ses jours sont depuis
les jours de l'éternité. " Si donc ils l'avaient citée
dans son entier, Hérode réfléchissant que ce roi dont la
naissance date des jours de l'éternité ne pouvait être un
roi de la terre, ne serait pas entré dans une si grande fureur. - S.
JER. (sur S. Matth. et Michée dans la Glose.) Or voici le sens de cette
prophétie : " Et toi Bethléem, terre de Juda, ou Ephrata
" (elle est ainsi désignée parce qu'il y avait une autre
Bethléem dans la Galilée), " quoique tu sois un petit bourg
entre les villes de Juda, cependant c'est de toi que naîtra le Christ
qui régnera sur Israël, et qui sera de la race de David. Cependant
je lui ai donné naissance avant tous les siècles ; " c'est
pour cela que le prophète ajoute : " Sa génération
est dès le commencement, dès l'éternité, car au
commencement le Verbe était en Dieu. " - LA GLOSE. Quant à
cette dernière partie, les Juifs la supprimèrent comme nous l'avons
dit, et ils changèrent le reste de la prophétie, soit par ignorance
comme nous l'avons supposé, soit afin de rendre plus clair et plus évident
le sens de cette prédiction pour Hérode, qui était un étranger
; ainsi pour le mot " Ephrata, " qui était un mot ancien et
qu'Hérode pouvait ignorer, ils mettent : " Terre de Juda, "
au lieu de lire : " la plus petite entre toutes les villes de Juda, "
avec le prophète lui avait voulu faire ressortir le peu d'importance
de cette ville relativement à l'immense multitude du peuple de Dieu,
ils dirent : " Tu n'es pas la moindre entre les principales villes de Juda,
" afin de montrer la grandeur que faisait rejaillir sur elle la dignité
du roi qui devait naître dans son sein ; paroles qui reviennent à
celles-ci : Tu es grande entre toutes les cités qui ont donné
le jour à des princes. - REMI. Ou bien on peut encore l'expliquer ainsi
: " Quoique tu paraisses très petite au milieu des villes qui commandent
aux autres, cependant tu ne l'es pas en réalité, car de toi sortira
le chef qui conduira mon peuple d'Israël. " Ce chef, c'est le Christ
qui conduit et gouverne le peuple fidèle.
S. CHRYS. (hom. 1 sur S. Matth.) Remarquez avec quelle exactitude s'exprime
le prophète ; il ne dit pas : " Il sera dans Bethléem, "
mais : " Il sortira de Bethléem, " pour indiquer ainsi que
cette ville ne serait témoin que de sa naissance. " Comment peut-on
rapporter cette prophétie à Zorobabel, comme quelques-uns le prétendent
? Sa naissance ne date pas du commencement ni ses jours de l'éternité
; Il n'est pas non plus sorti de Bethléem, puisqu'il n'est pas né
dans la Judée, mais à Babylone. Une raison non moins forte c'est
que la prophétie ajoute : " Tu n'es pas la plus petite, parce que
de toi sortira, " car aucun autre que le Christ n'a rendu célèbre
le bourg où il est né, et depuis sa naissance on vient des extrémités
de la terre visiter l'étable et la crèche où il est né.
Si le prophète ne dit pas : " De toi sortira le Fils de Dieu ; "
mais : " De toi sortira le chef qui conduira mon peuple d'Israël,
" c'est que dans les commencements il fallait condescendre à la
faiblesse des Juifs, ne pas les scandaliser, mais les attirer en leur faisant
connaître ce qui avait rapport au salut du genre humain. Il faut prendre
dans un sens figuré les paroles suivantes : " Qui conduira mon peuple
d'Israël, " c'est-à-dire ceux qui doivent croire d'entre les
Juifs. Si tous ne se sont pas rangés sous la conduite du Christ, ils
ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Le prophète n'a
rien dit des Gentils et c'est encore pour ne pas scandaliser les Juifs. Voyez
cependant comme tout est ici admirablement disposé. Les Juifs et les
Mages s'instruisent mutuellement. Les Mages apprennent aux Juifs qu'une étoile
annonce le Christ dans l'Orient, et les Juifs enseignent aux Mages que dans
les temps anciens les prophètes l'ont prédit afin qu'affermis
par ce double témoignage ils recherchent avec une foi plus ardente celui
que révélaient à la fois l'éclat de l'étoile
et l'autorité des prophéties. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) L'étoile
qui conduisit les Mages au lieu où se trouvait le Dieu fait enfant avec
la Vierge sa mère, aurait pu les conduire directement jusqu'à
la ville même de Bethléem ; cependant elle se cacha, et ne reparut
que lorsque ayant demandé aux Juifs dans quelle ville le Christ devait
naître, ils en eurent obtenu cette réponse : " Dans Bethléem
de Juda. " Les Juifs dans cette circonstance furent semblables aux ouvriers
qui construisirent l'arche de Noé, et qui ne laissèrent pas de
périr dans les eaux du déluge, après avoir fourni à
d'autres le moyen de se sauver ; ou bien encore, semblables aux pierres milliaires
placées sur les routes, ils se contentèrent d'indiquer le chemin,
sans pouvoir marcher eux-mêmes. Ceux qui cherchaient n'eurent pas plus
tôt appris ce qu'ils demandaient qu'ils partirent aussitôt, tandis
que les docteurs les enseignèrent et restèrent immobiles. Les
Juifs ne cessent de nous offrir tous les jours le même spectacle. Lorsque
nous apportons aux païens des témoignages évidents de l'Écriture
pour leur prouver que Jésus-Christ a été prédit
bien longtemps avant sa naissance, Il en est quelques-uns qui tiennent ces témoignages
pour suspects et comme inventés peut-être par les chrétiens,
et qui préfèrent s'en rapporter aux exemplaires qui sont entre
les mains des Juifs ; ces païens font comme les Mages autrefois, ils laissent
les Juifs lire et relire sans aucun fruit leurs Écritures, et s'empressant
de venir adorer avec foi Jésus-Christ.
vv. 7-8.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) Hérode se trouvant en présence d'une
réponse que rendait doublement probable et le témoignage des prêtres
et l'autorité des prophètes, ne se détermine pas à
rendre hommage au roi qui doit naître ; mais il se laisse aller au coupable
désir de s'en défaire par ruse. Il a vu qu'il ne pouvait ni ébranler
les Mages par ses caresses, ni les effrayer par ses menaces, ni les corrompre
par son or, et les amener ainsi à consentir au meurtre du roi qui leur
est annoncé ; il forme donc le dessein de les tromper. C'est ce qu'indique
l'Évangéliste par ces paroles : " Hérode ayant fait
venir les Mages en secret. " Il les appelle en secret, parce qu'il se défiait
des Juifs et qu'il craignait que le désir d'avoir un roi de leur nation
ne fût pour eux un motif de trahir ses desseins. " Il demanda donc
aux Mages avec soin le temps où l'étoile leur avait apparu. "
- REMI. Il les interroge avec soin, car c'était un homme astucieux, et
il craignait qu'ils ne revinssent pas le trouver pour le renseigner sur l'enfant
qu'il voulait mettre à mort.
S. AUG. (serm. 7 sur l'Epiph.) Cette étoile leur avait apparu presque
deux ans auparavant, et elle était pour eux depuis ce temps un objet
d'étonnement. Il faut donc admettre qu'ils n'apprirent ce que signifiait
cette étoile qu'ils voyaient depuis longtemps, qu'à la naissance
de celui qu'elle figurait ; et c'est après qu'il leur fut révélé
que le Christ était né que les Mages vinrent de l'Orient, et qu'ils
adorèrent le treizième jour celui dont ils avaient appris la naissance
quelques jours auparavant. - S. CHRYS. (hom. 7 sur S. Matth.) Ou bien comme
leur voyage devait être de longue durée, l'étoile leur apparaissait
depuis longtemps, afin qu'ils pussent se trouver au berceau du Christ aussitôt
qu'il serait né, et l'adorer enveloppé de langes qui le leur rendaient
plus admirable encore. - LA GLOSE. Suivant d'autres, cette étoile n'aurait
apparu que le jour même de la naissance du Christ, elle avait été
créée pour cette mission, et aussitôt qu'elle l'eut remplie
elle disparut. - Saint Fulgence dit en effet (serm. sur l'Epiph.) : " L'enfant
nouveau-né créa une nouvelle étoile. "
Après avoir pris des informations sur le temps et sur le lieu, il veut
aussi connaître la personne de l'enfant, et il ajoute : " Allez et
informez-vous exactement de l'enfant. " Il leur enjoint de faire ce qu'ils
devaient faire eux-mêmes sans avoir besoin de recommandation. - S. CHRYS.
(hom. 7.) Il ne dit pas : Informez-vous du roi, mais informez-vous de l'enfant,
car il ne peut souffrir qu'on lui donne ce nom, symbole de son autorité.
- S. CHRYS. (sur S. Matth.) Pour les amener à ses desseins, il feint
le désir d'aller lui rendre hommage, et sous ce manteau d'hypocrisie
il aiguise son glaive et veut dissimuler la perversité de son cur
sous les dehors de la soumission et de l'humilité. Ainsi font tous les
méchants : c'est quand ils veulent porter en secret des coups plus terribles
qu'ils font semblant de s'abaisser et qu'ils prodiguent les marques d'amitié
; c'est ce qui fait dire à Hérode : " Lorsque vous l'aurez
trouvé, faites-le moi savoir, " etc. - S. GREG. (hom. 10 sur les
Ev.) Il feint de vouloir l'adorer, pour pouvoir plus facilement le mettre à
mort, s'il vient à le trouver.
SUITE : " Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. " - REMI.
Les Mages obéissent aux ordres d'Hérode pour chercher le Seigneur,
mais non pour revenir le trouver ; en cela ils étaient l'image de ceux
qui écoutent la parole de Dieu dans un bon esprit ; ils pratiquent les
enseignements que leur donnent des prédicateurs vicieux, mais ils se
gardent bien d'imiter leurs uvres.
v. 9.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) On doit conclure de ces paroles que l'étoile,
après avoir conduit les Mages jusqu'aux portes de Jérusalem, se
déroba à leurs regards et les abandonna pour les forcer d'entrer
dans cette ville et de demander aux habitants où était le Christ,
en même temps qu'ils le faisaient connaître eux-mêmes. Dieu
en cela se proposait premièrement de confondre les Juifs, en leur montrant
des gentils qui, affermis dans la foi par la simple apparition d'une étoile,
cherchaient le Christ à travers des contrées inconnues, tandis
que les Juifs, nourris dès leur enfance des prophéties qui avaient
le Christ pour objet, ne voulaient pas le recevoir alors qu'il était
né dans leur propre pays. Dieu voulait encore que les prêtres interrogés
sur le lieu où devait naître le Christ répondissent pour
leur condamnation : " A Bethléem de Juda ; " parce qu'en donnant
à Hérode les explications qu'il demandait sur le Christ, ils ne
le connaissaient pas eux-mêmes. Après que les Mages eurent obtenu
la réponse à la demande qu'ils avaient faite, le texte ajoute
: " Et voici que l'étoile qui leur avait apparu dans l'Orient les
précédait. " Témoins de l'hommage rendu par l'étoile
à cet enfant, ils purent comprendre quelle était la dignité
du nouveau roi. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.) Et pour que cet hommage rendu
au Christ fût plus éclatant, l'étoile ralentit sa marche
jusqu'à ce qu'elle eut amené les Mages aux pieds de l'enfant.
Elle se mit à la disposition des Mages, mais sans leur commander. Elle
montra au Sauveur ses adorateurs, éclaira la grotte d'une abondante lumière,
inonda le toit de cette étable de ses rayons éclatants et disparut
ensuite. C'est ce que l'Évangéliste indique lorsqu'il ajoute :
" Jusqu'à ce qu'étant arrivée sur le lieu où
était l'enfant, elle s'y arrêta. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Qu'y
a-t-il d'étonnant que le soleil de justice, sur le point de se lever,
ait voulu être annoncé par une étoile miraculeuse ? Elle
s'arrêta au-dessus de la tête de l'enfant comme pour dire : "
C'est lui. " Elle le désignait en s'arrêtant au-dessus de
lui, parce qu'elle ne pouvait le faire en parlant. - LA GLOSE. On voit par là
que cette étoile se trouvait dans notre atmosphère, et qu'elle
était fort proche de la maison où était l'enfant, autrement
les Mages n'auraient pu distinguer cette maison. - S. AMB. (sur S. Luc.) Cette
étoile c'est la voie, et la voie c'est le Christ, car par le mystère
de son incarnation il est comme une étoile, étoile brillante,
étoile du matin, qu'on ne peut voir dans les lieux ou règne Hérode,
mimais qui reparaît de nouveau là où habite le Christ pour
nous montrer le chemin. - REMI. On peut dire encore que l'étoile figure
la grâce de Dieu, comme Hérode est le symbole du démon.
Or celui qui se soumet au démon par le péché perd aussitôt
la grâce ; s'il se détache du démon par la pénitence,
il recouvre immédiatement la grâce, qui ne le quitte pas qu'elle
ne l'ait conduit jusqu'à la maison de l'enfant, qui est l'Église.
- LA GLOSE. Ou bien encore l'étoile est la lumière de la foi qui
conduit les âmes à Jésus-Christ et que les Mages voient
disparaître en s'arrêtant chez les Juifs, car en demandant conseil
aux méchants ils perdent la véritable lumière.
vv. 10-11
LA GLOSE. Après avoir montré comment l'étoile s'était
mise au service des Mages, l'Évangéliste nous apprend quelle fut
la joie de ces derniers : " Lorsqu'ils virent l'étoile, ils furent
transportés d'une joie extrême. " - REMI. Et remarquez qu'il
ne se contente pas de dire : " Ils furent dans la joie " mais : "
Ils furent transportés d'une joie extrême. " S. CHRYS. (sur
S. Matth.) Ils furent transportés de joie, parce que leur espérance,
loin d'être trompée, se trouvait affermie, et qu'ils ne s'étaient
pas exposés inutilement aux fatigues d'un si long voyage : - LA GLOSE.
On est transporté de joie quand on se réjouit pour Dieu, qui est
la joie véritable. L'Évangéliste ajoute : " d'une
grande joie, " parce que l'objet de cette joie était considérable.
- S. CHRYS. (sur S. Matth.) Le ministère rempli par cette étoile
leur fit comprendre que la dignité du roi qui venait de naître
surpassait de beaucoup celle de tous les rois de la terre. L'auteur sacré
ajoute : " d'une joie extrême. " - REMI. Il veut nous apprendre
par là qu'on se réjouit beaucoup plus des choses qu'on retrouve
que de celles qu'on n'a jamais perdues.
SUITE. " Et entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant. "
S. LEON. pape. (serm. 4 sur l'Epiph.) Ils le trouvèrent petit de forme,
réduit à avoir besoin du secours d'autrui, incapable de parler,
ne différant en rien de la généralité des autres
enfants ; car de même que des témoignages incontestables prouvaient
qu'en lui se trouvait l'invisible majesté de Dieu, de même il devait
être démontré que cette nature éternelle du Fils
de Dieu s'était unie à la vérité de la nature humaine.
SUITE. " Avec Marie, sa mère. " - S. CHRYS. (sur S. Matth.)
Elle n'était pas couronnée du diadème, elle ne reposait
pas sur un lit doré, elle avait à peine une simple tunique, non
point pour orner son corps, mais pour le couvrir, le vêtir, et telle que
pouvait en porter en voyage la femme d'un charpentier. Si donc ils étaient
venus chercher un roi de la terre, la joie eût fait place chez eux à
un sentiment de confusion, de ce qu'un si grand voyage était pour eux
sans résultat. Mais comme le roi qu'ils cherchaient était le roi
du ciel, bien qu'ils ne découvraient en lui rien de royal, contents du
témoignage que lui rendait l'étoile, ils se réjouissaient
à la vue de ce pauvre enfant dont l'Esprit saint leur dévoilait
au fond du cur la redoutable majesté ; c'est pour cela qu'ils se
prosternèrent pour l'adorer, car si leurs yeux ne voient en lui qu'un
homme, ils reconnaissent un Dieu. - RAB. Par une disposition providentielle,
Joseph se trouvait alors absent, pour ne point donner aux Gentils l'occasion
d'un soupçon injurieux. - LA GLOSE. Bien qu'ils aient suivi les usages
de leur nation dans les dons qu'ils offraient au Sauveur, les Arabes trouvant
en abondance dans leur pays l'or, l'encens et des parfums de toute espèce,
cependant dans leur intention ces présents avaient une signification
mystérieuse. Le texte sacré ajoute donc : " Ayant ouvert
leurs trésors, ils lui offrirent pour présents de l'or, de l'encens
et de la myrrhe. " - S. GREG. (hom. 10 sur les Evang.) L'or convient à
la dignité royale, l'encens faisait partie des sacrifices offerts à
Dieu, et la myrrhe sert à embaumer les morts... - S. AUG. (Serm. sur
l'Epiph.) Ils lui offrent de l'or comme à un roi puissant, l'encens comme
à un Dieu, la myrrhe comme à celui qui devait mourir pour le salut
de tous. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Que les Mages ne comprissent pas alors
la grandeur du mystère qui les faisait agir ainsi, ou la signification
mystérieuse de chacun de leurs présents, peu importe, car la grâce
qui leur avait inspiré toute cette conduite avait tout disposé
suivant ses vues. - REMI. il ne faut pas oublier que chacun des trois Mages
ne présenta pas en particulier un seul de ces trois présents,
mais que chacun d'eux les offrit tous les trois, proclamant ainsi tous les trois
par la nature de leurs présents le roi, le lieu et l'homme. - S. CHRYS.
(hom. 7 sur S. Matth.) Que Marcion et Paul de Samosate rougissent donc, eux
qui refusent de reconnaître ce qu'ont reconnu les Mages, qui ont donné
naissance à l'Église, et qui ont adoré Dieu dans une chair
mortelle. Que celui qu'ils adorent fût revêtu d'un corps mortel,
les langes et la crèche le disent assez ; mais qu'ils aient adoré
en lui non pas un simple mortel, mais un Dieu, nous en avons la preuve dans
les présents qu'il était juste d'offrir à la divinité.
Que les Juifs soient aussi couverts de honte, eux qui sont prévenus par
les Mages, et qui ne se mettent pas en peine de venir du moins à leur
suite.
S. GRÉG. (hom. 10.) On peut encore donner une autre interprétation
de ces présents. L'or signifie la sagesse, au témoignage de Salomon
: " Un trésor désirable se trouve sur les lèvres du
Sage " (Pv 21, 20), l'encens qu'on brûle devant Dieu figure la vertu
de la prière selon ces paroles : " Que ma prière se lève
comme l'encens en votre présence ; la myrrhe est le symbole de la mortification
de la chair. Nous offrons à ce roi nouveau-né l'or lorsque nous
resplendissons devant lui de l'éclat de la sagesse ; nous lui offrons
l'encens lorsque par la prière nous exhalons devant Dieu le parfum de
nos hommages ; nous lui offrons la myrrhe en mortifiant par l'abstinence les
vices de la chair. - LA GLOSE. Ces trois hommes qui offrent à Dieu leurs
présents figurent les nations venues des trois parties du monde. Ils
ouvrent leurs trésors en manifestant la foi de leurs curs par le
témoignage qu'ils en donnent. Ils les ouvrent dans l'intérieur
de la maison pour nous apprendre à ne pas étaler par vanité
aux yeux du public le trésor d'une bonne conscience ; ils offrent trois
présents, c'est-à-dire leur foi en la sainte Trinité. On
peut dire encore qu'ils ouvrent les trésors des Écritures et qu'ils
en tirent les trois sens historique, moral et allégorique ; ou bien la
logique, la physique et la morale en tant qu'il les soumettent à la foi.
v. 12.
S. AUG. L'impie Hérode, que la crainte rendait cruel, voulait donner
un libre cours à sa fureur, mais comment pouvait-il se rendre maître
par la ruse de celui qui venait détruire toutes les ruses et les perfidies
? C'est pour nous apprendre comment sa perfidie fut déjouée que
l'Évangéliste ajoute : " Et ayant reçu en songe un
avertissement. " - S. JER. Ceux qui ont offert leurs présents au
Seigneur en reçoivent un avertissement ; ce n'est point par un ange qu'il
leur est donné, pour rendre plus éclatant le privilège
que Joseph devait à ses vertus. - LA GLOSE. Cet avertissement vient du
Seigneur lui-même, car nul autre ne peut indiquer la voie du retour que
celui qui a dit : " Je suis la voie. " Toutefois ce n'est pas l'enfant
qui leur parle, pour ne pas révéler sa divinité avant le
temps, et pour confirmer au contraire la vérité de son humanité.
L'Évangéliste dit : " Et ayant reçu réponse,
" car de même que Moïse criait vers Dieu tout en gardant le
silence, de même les Mages interrogeaient par leurs pieux désirs
la volonté divine. Il est dit encore : " Ils s'en retournèrent
en leur pays par un autre chemin, " parce qu'ils ne devaient plus se mêler
à l'incrédulité des Juifs.
S. CHRYS. (hom. 8 sur S. Matth.) Considérez la foi des Mages : ils ne
sont pas scandalisés de cet avertissement, et ils ne disent pas : Si
cet enfant est si puissant, pourquoi cette fuite, pourquoi ce retour secret
? Un des caractères de la vraie foi, c'est de ne pas rechercher les raisons
des ordres qui nous sont donnés, mais d'y acquiescer avec docilité.
- S. CHRYS. (sur S. Matth.) Si les Mages avaient recherché le Christ
comme un roi de ce monde, ils seraient demeurés près de lui après
l'avoir trouvé : tandis qu'après avoir adoré ce roi du
ciel ils s'en vont dans leur pays. Lorsqu'ils furent de retour, ils se montrèrent
plus que jamais adorateurs fidèles du vrai Dieu ; ils en instruisirent
un grand nombre par leurs prédications, et lorsque saint Thomas arriva
plus tard dans ces contrées, ils se joignirent à lui et après
avoir reçu le baptême ils devinrent ses coadjuteurs dans l'apostolat.
S. GREG. (hom. 10 sur les Ev.) Les Mages en retournant dans leur pays par un
autre chemin nous donnent une grande leçon. Notre patrie, c'est le ciel,
et après avoir connu le Sauveur Jésus, nous ne pouvons y retourner
par la voie que nous avons d'abord suivie. En effet nous nous sommes éloignés
de notre patrie par l'orgueil, par la désobéissance, par l'attachement
aux choses visibles, et en goûtant au fruit défendu ; nous ne pouvons
y revenir que par les larmes, par l'obéissance, par le mépris
des choses de la terre et la mortification des désirs de la chair. -
S. CHRYS. (sur S. Matth.) D'ailleurs Il n'était pas possible que ceux
qui avaient quitté Hérode pour venir trouver Jésus-Christ,
retournassent vers ce roi impie et cruel. Ceux en effet qui abandonnent Jésus-Christ
et qui passent au démon par le péché, reviennent à
Jésus-Christ par la pénitence. Celui qui a vécu jusqu'alors
dans l'innocence, ignore le mal et se laisse facilement tromper ; mais lorsqu'il
a connu par expérience le mal dans lequel il est tombé, et qu'il
se rappelle le bien qu'il a perdu, il revient à Dieu, le repentir dans
le cur. Or l'homme qui abandonne le démon pour venir à Jésus-Christ
revient difficilement au démon, parce que la joie qu'il goûte au
milieu des biens qu'il a retrouvés, et le souvenir des maux auxquels
il a échappé, lui rendent difficile le retour vers le mal.
v. 13-15.
RAB. Saint Matthieu passe sous silence la cérémonie de la Purification
dans laquelle on devait présenter au temple l'enfant premier-né,
et offrir un agneau, ou deux tourterelles, ou deux petits de colombes. Malgré
la crainte que leur inspirait Hérode, les parents de Jésus n'osèrent
transgresser la loi qui les obligeait à porter l'enfant au temple. Mais
lorsque le bruit de la naissance de l'enfant commença à se répandre,
un ange fut envoyé pour avertir Joseph de transporter l'enfant en Égypte
: " L'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, mi poursuit l'Évangéliste.
REMI. - L'ange est toujours envoyé à Joseph pendant son sommeil,
et ce saint patriarche est la figure de ceux qui, s'affranchissant des soins
de la terre et des préoccupations du monde méritent d'être
favorisés de la vision des anges. L'ange lui dit donc : " Levez-vous,
prenez la mère et l'enfant. " - S. HIL. Pour exprimer qu'elle était
fiancée à cet homme juste, l'Évangéliste l'appelle
son épouse ; mais après l'enfantement, il ne la présente
plus que comme la mère de Jésus, et ce n'est pas sans raison :
le mariage avec le juste Joseph devait être regardé comme le plus
sûr garant de la virginité de Marie, et cette virginité
était comme consacrée dans la mère de Jésus par
sa maternité divine.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) - L'ange ne dit pas : " Prenez la mère
et l'enfant, " mais " prenez l'enfant et la mère ; car l'enfant
n'est pas né pour la mère, mais la mère a été
préparée pour l'enfant : " Et fuyez en Égypte. "
Mais comment le Fils de Dieu peut-il fuir devant un homme ? Qui nous délivrera
de nos ennemis, si lui-même en est réduit à craindre les
siens ? Il fallait d'abord qu'il se soumît en cela aux conditions de la
nature humaine qu'il avait prise, conditions qui exigent tille la nature humaine
et l'enfance abandonnée à elle-même fuient devant un pouvoir
qui les menace. En second lieu, c'est une leçon donnée aux chrétiens,
qui ne doivent point rougir de prendre la fuite lorsque la persécution
la rend nécessaire. Mais pourquoi fuir en Égypte ? Le Seigneur
dont la colère ne dure pas éternellement, s'est souvenu de tous
les maux dont Il avait autrefois accablé l'Égypte, et il lui envoie
son Fils pour lui donner un signe éclatant de réconciliation.
Il veut ainsi guérir par cet unique et puissant remède les dix
plaies anciennes de l'Égypte. Il veut aussi que le peuple qui a été
autrefois le persécuteur de son peuple premier-né, devienne le
gardien de son Fils unique ; que ceux qui ont fait peser sur ce peuple leur
domination tyrannique soient les serviteurs les plus empressés de son
Fils, et qu'au lieu d'aller s'engloutir dans les flots de la mer Rouge ils soient
appelés à se plonger dans les eaux vivifiantes du baptême.
- S. AUG. Prêtez l'oreille à ce grand mystère. Moïse
avait autrefois répandu une profonde nuit sur l'Égypte perfide
; le Christ en arrivant dans cette contrée rend la lumière à
ceux qui étaient assis dans les ténèbres ; il fuit, mais
c'est pour éclairer et non pas pour se dérober à ses ennemis.
SUITE. " Et demeurez-y jusqu'à ce que je vous le dise ; car Hérode
cherche l'enfant pour le faire mourir. " Ce tyran infortuné craignait
d'être précipité de son trône par l'avènement
du Sauveur ; il se trompait, le Christ n'était pas venu pour s'emparer
de la puissance et de la gloire des autres, mais pour communiquer la sienne.
SUITE. " Et il prit la mère et l'enfant pendant la nuit, et il se
retira en Égypte. " S. HIL. - Ajoutez, pleine d'idoles. C'est ainsi
que persécuté par les Juifs il les abandonne à leur ignorance
et se présente au monde de la Gentilité pour en être adoré.
- S. JER. Lorsque Joseph prend la mère et l'enfant pour fuir en Égypte,
c'est pendant la nuit et dans les ténèbres ; lorsqu'il retourne
dans la Judée, il n'est plus fait mention ni de la nuit ni de l'obscurité.
- S. CHRYS. (sur S. Matth.) Les angoisses produites par la persécution
sont comparées à la nuit, comme la consolation est figurée
par la lumière du jour. - RAB. Peut-être aussi est-ce que les ennemis
de la lumière restèrent plongés dans les ténèbres
par le départ de la lumière, et qu'ils furent de nouveau éclairés
par son retour. - S. CHRYS. (hom. 8 sur S. Matth.) Voyez, à peine l'enfant
est-il né, le tyran entre en fureur, et la mère avec l'enfant
sont obligés de fuir dans une terre étrangère. Si donc
après vous être dévoués a une uvre spirituelle,
la tribulation vient fondre sur vous, ne vous troublez pas, mais profitez de
cet exemple pour supporter tout avec courage. - BEDE (hom. sur les SS. Innocents.)
Le Sauveur obligé de fuir en Égypte sur les bras de ses parents
nous apprend que souvent les bons sont chassés de leurs demeures, et
quelquefois même jetés en exil par la perversité des méchants.
Jésus, qui devait donner aux siens ce commandement : Quand on vous persécutera
dans une ville, fuyez dans une autre, pratique le premier ce qu'il recommande
aux autres, et il fuit devant un homme, comme s'il était un homme mortel,
lui qu'une étoile du haut du ciel a présenté comme Dieu
aux adorations des Mages. - REMI. Isaïe avait prédit cette fuite
du Seigneur en Égypte en ces termes (Is 19, 1) : Voici que le Seigneur
est porté sur un nuage léger, il entrera en Égypte et il
renversera les idoles de l'Égypte.
Saint Matthieu a pour habitude d'appuyer toujours ce qu'il avance de quelque
témoignage, parce qu'il écrivait pour les Juifs ; c'est pour cela
qu'il ajoute : " Afin que cette parole que le Seigneur avait dite par le
prophète fut accomplie : " J'ai rappelé mon Fils de l'Égypte.
" - S. JER. (De la meilleure manière d'interprét.) On ne
lit point cette prophétie dans les Septante, mais le texte hébreu
d'Osée porte littéralement : " J'ai aimé Israël
lorsqu'il n'était qu'un enfant ; j'ai appelé mon Fils de l'Égypte,
" ce que les Septante ont traduit : " J'ai aimé Israël
lorsqu'il n'était qu'un enfant, j'ai appelé ses enfants de l'Égypte.
S. JER. (sur Osée.) L'Évangéliste cite ce témoignage
du prophète parce qu'il se rapporte figurativement au Christ. Il faut
remarquer en effet que ce prophète comme tous les autres prédirent
l'avènement du Christ et la vocation des Gentils, en ne laissant jamais
entièrement de côté le fond historique du récit.
- S. CHRYS. (hom. 8 sur S. Matth.) C'est un des caractères de la prophétie
dont l'application est fréquente, que ce qu'elle prédit des uns
s'accomplit en d'autres ; nous en avons un exemple dans cette prophétie
qui avait pour objet Siméon et Lévi : " Je les diviserai
dans Jacob, et je les disperserai au milieu d'Israël, " et qui n'a
pas été accomplie dans ces deux enfants de Jacob, mais dans leurs
descendants. C'est ce que nous voyons encore ici ; car le Christ est le Fils
de Dieu par nature et c'est en lui que la prophétie a son véritable
accomplissement. - S. JER. Nous pouvons encore donner une autre explication
en faveur de ceux qui se rendent difficilement, en produisant ce témoignage
tiré du Livre des Nombres, où Balaam dit : " Dieu l'a appelé
de l'Égypte, sa gloire est comme celle du rhinocéros. " -
REMI. Joseph représente ici les prédicateurs de l'Évangile
; Marie, la sainte Écriture ; l'enfant, la connaissance du Sauveur ;
la persécution d'Hérode, celle qu'eut à souffrir la primitive
Église ; la fuite de Joseph en Égypte, le passage des apôtres
chez les nations infidèles (l'Égypte signifie les ténèbres)
; le temps qu'il resta en Égypte, celui qui sépare l'Ascension
de la venue de l'Antéchrist ; la mort d'Hérode, l'extinction de
l'envie qui existait dans le cur des Juifs.
v. 16.
S. CHRYS. (sur S. Matth.) Pendant que l'enfant Jésus soumettait les Mages
à son empire non par sa puissance corporelle, mais par la grâce
de l'Esprit, Hérode entrait en fureur de n'avoir pu persuader, lui assis
sur le trône, ceux qu'avait su charmer Jésus, tout enfant qu'il
était et couché dans une pauvre crèche. Le mépris
que les Mages tirent de sa personne augmentèrent encore sa douleur, ce
que l'Évangéliste exprime ainsi : " Alors Hérode,
voyant qu'il avait été trompé par les Mages, entra dans
une grande colère. " La colère des rois, lorsqu'elle est
allumée par la passion du pouvoir, est comme un vaste incendie qu'on
s'efforce vainement d'éteindre. Mais que fit-il ? Il envoya mettre à
mort tous les enfants. De même qu'un animal féroce blessé
déchire tout ce qui se présente comme étant la cause de
sa blessure, ainsi Hérode trompé par les Mages décharge
sa colère sur tous les enfants. Il se disait dans sa fureur : "
Certainement les Mages ont trouvé cet enfant dont ils annonçaient
la royauté future, " car un roi que tourmente l'ambition de régner
soupçonne tout, parce qu'il craint tout. Il envoya donc des émissaires
pour mettre à mort tous les enfants, et pour ensevelir un seul d'entre
eux dans le trépas de tous les autres. - S. AUG. (serm. sur l'Epiph.)
Et pendant qu'il persécute le Christ contemporain de ce roi cruel, il
lui forme une armée éclatante des blanches insignes de la victoire.
- S. AUG. Ce roi impie en mettant sa puissance au service de ces bienheureux
enfants leur eût été moins utile que par les effets de sa
haine, car plus la cruauté qui les persécuta fut grande, plus
aussi fut brillante la grâce qui les mit en possession du bonheur. - LE
MEME. O bienheureux enfants ! Que celui-là doute de la couronne que vous
a méritée le martyre souffert pour Jésus-Christ, qui nie
l'utilité du baptême de Jésus-Christ pour les enfants. Est-ce
qu'en effet celui qui a pu avoir des anges pour prédicateurs de sa naissance,
et des Mages pour adorateurs dans son berceau, n'aurait pas pu garantir ces
enfants de la mort qu'ils ont soufferte pour lui, si cette mort devait être
pour eux une perte sans retour, au lieu d'être le commencement d'une vie
bien plus heureuse ? Gardons-nous de penser que le Christ qui venait sur la
terre pour l'affranchissement et le salut de tous les hommes, n'ait rien fait
pour la récompense des enfants qui mouraient pour lui, alors que lui-même,
suspendu au bois de la croix, alla jusqu'à prier pour ses bourreaux.
RAB. Non contents de porter la désolation dans Bethléem, il étendit
sa fureur à tous les pays d'alentour, et sans aucune pitié pour
cet âge innocent, il fit massacrer tous les enfants, depuis celui qui
ne comptait qu'une nuit jusqu'aux enfants âgés de deux ans, comme
l'indique le texte sacré : " Dans Bethléem et dans le pays
d'alentour, depuis l'âge de deux ans et au-dessous. " - S. AUG. (serm.
7 sur l'Epiph.) Ce n'était pas seulement quelques jours auparavant que
les Mages avaient vu cette étoile inconnue, mais depuis deux ans révolus,
comme ils le firent savoir à Hérode qui s'en informait, et tel
est le sens des paroles suivantes : " Selon le temps dont il s'était
enquis exactement auprès des Mages. - S. AUG. (serm. sur les démons).
Peut-être craignait-il que cet enfant, qui avait les étoiles à
ses ordres, ne prît l'extérieur d'un enfant un peu au-dessus ou
au-dessous de son âge, pour cacher l'époque de sa naissance. C'est
pour cela qu'il fit mettre à mort tous ceux qui avaient deux ans jusqu'aux
enfants qui ne comptaient qu'un jour de vie. - S. AUG. (de l'acc. des Ev., 2,
2.) Peut-être encore qu'Hérode, agité par la crainte de
dangers plus imminents, fut distrait de la pensée de mettre à
mort immédiatement ces enfants par des préoccupations d'un autre
genre. Peut-être enfin put-il croire que les Mages trompés par
l'apparition trompeuse d'une fausse étoile, avaient eu honte de revenir
vers lui sans avoir trouvé l'enfant à la naissance duquel ils
avaient cru ; il laissa donc tomber ses frayeurs et abandonna le dessein qu'il
avait de perdre cet enfant ; et ainsi les parents de Jésus furent libres
de le porter au temple le jour de la Purification. Qui ne voit en effet que
ce seul jour put bien passer inaperçu aux yeux d'un roi absorbé
par tant de soins divers ? Mais plus tard, lorsque le bruit de tout ce qui avait
été dit et fait dans le temple se fut répandu, Hérode
comprit qu'il avait été trompé par les Mages, et c'est
alors qu'eut lieu le massacre de tous ces enfants que l'Évangile raconte
en cet endroit.
BEDE. La mort de cet enfant fut une figure de la mort précieuse de tous
les martyrs de Jésus-Christ. Ces enfants mis à mort dans un âge
si tendre nous apprennent que c'est par l'humilité qu'on parvient à
la gloire du martyre. Ce massacre, qui s'étend de Bethléem à
tous les pays environnants, figure la persécution qui de la Judée,
où l'Église prit naissance, devait se répandre par toute
la terre. Ces martyrs de deux ans représentent les martyrs dont la science
et les uvres sont arrivées à la perfection ; ceux dont l'âge
est au-dessous, les âmes qui ont la simplicité en partage. En permettant
que ces enfants soient mis à mort, tandis que le Christ seul échappe
au fer des bourreaux, Dieu nous apprend que les impies peuvent détruire
les corps des martyrs, mais qu'ils ne peuvent leur enlever Jésus-Christ.
vv 17-18.
S. CHRYS. (hom. 7 sur S. Matth.) Après nous avoir rempli d'horreur par
le récit de ce cruel massacre, l'Évangéliste, pour en diminuer
la pénible impression, nous montre qu'il ne s'est pas accompli à
l'insu de Dieu ou en dépit de sa puissance, mais qu'il l'avait prédit
lui-même par son prophète, et c'est pourquoi il ajoute : "
Alors fut accompli, " etc. - S. JER. (sur Jr 31, 15). Saint Matthieu ne
rapporte ce témoignage de Jérémie, ni d'après le
texte hébreu, ni d'après les Septante ; ce qui prouve que les
Évangélistes et les Apôtres n'ont suivi aucune version dans
leurs citations, mais que comme Hébreux ils ont cité à
leur manière et en hébreu ce qu'ils lisaient dans la sainte Écriture.
S. JER. (sur S. Matth.) Il ne faut pas prendre Rama pour le nom propre de ce lieu qui est près de Gaban ; le mot Rama signifie ici élevé, et il veut dire : " La voix s'est fait entendre sur les hauteurs, c'est-à-dire qu'elle a retenti au loin, dans une grande étendue. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Ou bien peut-être, comme c'était pour déplorer la mort des innocents que cette voix se faisait entendre, elle retentissait sur les hauteurs, selon cette parole : " La voix du pauvre pénètre les nues " (Si 35, 20). Le mot pleurs exprime les cris des enfants, le mot hurlements les lamentations des mères. Mais pour les enfants la mort mettait fin à leurs douleurs, tandis que la douleur des mères se ravivait sans cesse dans le souvenir de leurs enfants. C'est pour cela qu'il est dit : " Il y eut de grands gémissements ; c'est Rachel qui pleurait ses enfants. "
S. JER.
De Rachel est né Benjamin, et Bethléem n'est pas dans la tribu
de Benjamin. On se demande donc pourquoi Rachel pleure les enfants de Juda (c'est-à-dire
ceux de Bethléem) comme ses propres enfants. Nous répondrons en
peu de mots que Rachel fut ensevelie près de Bethléem dans Ephrata,
et qu'elle reçut le nom de mère parce que son tombeau se trouvait
dans cette contrée. On peut dire aussi que les deux tribus de Juda et
de Benjamin étant limitrophes, et Hérode ayant ordonné
de tuer les enfants, non seulement dans Bethléem, mais dans tous les
environs, on peut en conclure qu'un grand nombre d'enfants de la tribu de Benjamin
furent enveloppés dans le massacre de ceux de Bethléem. - S. AUG.
(Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., cap. 62) Ou bien peut-être c'est
parce que les enfants de Benjamin, qui appartenaient à Rachel, ayant
été autrefois mis à mort par les autres tribus et détruits
à jamais, cette malheureuse mère se lamente sur le sort de ses
propres enfants, en voyant les enfants de sa sur massacrés pour
une cause si glorieuse que leur mort leur assurait l'héritage de la vie
éternelle. En effet, quand le bonheur d'autrui vient ajouter à
notre infortune nous en pleurons plus amèrement nos propres malheurs.
REMI. L'Évangéliste, pour nous dépeindre d'une manière
plus frappante l'étendue de cette douleur, va jusqu'à dire que
Rachel, toute morte qu'elle était, a pleuré ses enfants et n'a
pas voulu se consoler parce qu'ils ne sont plus. - S. JER. Ces dernières
paroles peuvent avoir deux sens : ou parce que Rachel les croyait morts pour
toujours, ou parce qu'elle ne voulait pas être consolée de la perte
de ceux qu'elle savait devoir retrouver la vie. Tel serait donc le sens : "
Elle ne voulut pas être consolée parce qu'ils ne sont plus, "
c'est-à-dire : " Elle ne voulut pas être consolée de
ce qu'ils n'étaient plus. "
S. HIL. (sur le chap. 1 de S. Matth.) On ne pouvait dire de ces enfants qui paraissaient morts qu'ils avaient cessé d'exister, car la gloire du martyre les avait élevés jusqu'à la vie plus parfaite de l'éternité, mais la consolation devait tomber sur ce qui avait été perdu et non sur ce qui avait été glorifié. Rachel était la figure de l'Église dont la fécondité avait succédé à une longue stérilité. Ces gémissements qu'elle fait entendre n'ont pas pour objet les enfants qui lui ont été ravis, mais ceux qui les ont mis à mort et qu'elle eût voulu garder pour ses enfants. - RAB. Ou bien Rachel signifie l'Église qui pleure la mort des saints arrachés à cette vie de la terre, et qui ne veut pas le la consolation de voir ceux qui ont triomphé du monde par leur trépas revenir de nouveau avec elle pour soutenir les mêmes combats, mais qui refuse toute consolation parce qu'ils ne doivent pas être rappelés à la vie. - LA GLOSE. Ou bien elle ne veut pas être consolée dans la vie présente parce que ses enfants ne sont plus, et elle renvoie toute son espérance, toute sa consolation à la vie éternelle. - RAB. Rachel (dont le nom signifie brebis ou voyante) est une belle figure de l'Église, dont toute l'intention se dirige vers la contemplation de Dieu, et qui est aussi cette centième brebis que le bon pasteur rapporte sur ses épaules.
vv. 19,
20.
Eusèbe (Hist. Ecclés., liv. 1, chap. 8). Lorsque, pour punir le
sacrilège qu'Hérode avait commis sur la personne du Sauveur, et
le crime qu'il avait consommé sur les enfants de son âge, la vengeance
divine hâtait le moment de sa mort, son corps, au dire de Josèphe,
fut en proie à diverses maladies dans lesquelles les devins eux-mêmes
virent, non pas une maladie ordinaire, mais des signes visibles de la justice
de Dieu. Plein de fureur, ce malheureux prince fit jeter dans une prison les
membres des principales et plus nobles familles des Juifs, et ordonna qu'on
les fit tous mourir aussitôt qu'il aurait expiré, afin que toute
la Judée fût forcée malgré elle de pleurer sa mort.
Un peu avant de rendre le dernier soupir, il fit égorger son fils Antipater,
comme il avait fait auparavant de ses deux autres fils Alexandre et Aristobule.
Telle fut donc la fin d'Hérode, qui paya par un juste supplice la peine
qu'il méritait pour le massacre des enfants de Bethléem, et les
embûches qu'il avait tendues à l'Enfant-Dieu. C'est cette mort
à laquelle l'Évangéliste fait allusion lorsqu'il dit :
" Hérode étant mort. " - S. JER. Il en est beaucoup
qui, par ignorance de l'histoire, commettent l'erreur de confondre cet Hérode
avec celui qui s'est moqué du Sauveur dans sa passion. Le roi Hérode,
qui renoua plus tard amitié avec Pilate, était fils de ce premier
Hérode et frère d'Archélaüs, que Tibère-César
exila dans la ville de Lyon après lui avoir donné son frère
Hérode pour successeur. Or, c'est après la mort de ce premier
Hérode que " l'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph
dans l'Égypte et lui dit : Levez-vous, prenez l'enfant et la mère.
" - S. Denys (Hier., chap. 4). Je vois que Jésus lui-même,
placé par sa nature au-dessus de toutes les essences célestes,
étant descendu jusqu'à nous sans rien changer à sa nature,
accepte toutes les conditions inhérentes à la nature humaine,
qu'il avait lui-même déterminées. Il obéit donc et
se soumet aux ordres de Dieu son Père qui lui sont communiqués
par les anges ; c'est par les anges que Dieu le Père intime à
Joseph l'ordre de partir pour l'Égypte et plus tard celui de revenir
de l'Égypte en Judée. S. CHRYS. (sur S. Matth.) Vous voyez que
Joseph avait été choisi pour rendre à Marie les services
que son état réclamait. Quel autre aurait pu lui donner tous les
soins dont elle eut besoin pendant son voyage en Égypte et à son
retour, s'il n'avait été son époux ? Au premier aspect,
c'est Marie qui nourrissait Jésus, et Joseph qui veillait sur lui ; mais
dans la réalité c'est ce divin enfant qui nourrissait sa mère
et protégeait Joseph lui-même.
SUITE. " Retournez dans la terre d'Israël. " Le Sauveur descendit dans l'Égypte comme un médecin pour la visiter languissante au milieu de ses erreurs, mais non pas pour y rester. La raison de son retour nous est indiquée dans les paroles suivantes : " Car ceux qui cherchaient l'enfant pour lui ôter la vie sont morts. " Nous devons conclure de là que non seulement Hérode, mais encore les prêtres et les scribes avaient tramé en même temps la mort du Seigneur. - REMI. Mais s'ils étaient si nombreux, comment sont-ils tous morts dans un si court espace de temps ? Parce qu'après la mort d'Hérode, tous les grands qui étaient retenus dans les fers furent massacrés comme nous l'avons dit plus haut. - S. CHRYS. (sur S. Matth.) Ils sont accusés d'avoir tramé la mort de l'enfant, parce qu'ils approuvèrent le dessein qu'avait Hérode de le mettre à mort, comme l'indiquent les paroles suivantes : " Hérode fut troublé et toute la ville de Jérusalem avec lui. " - REMI. Ou bien l'Évangéliste fait usage ici de cette figure où le pluriel est mis à la place du singulier. En disant : " L'âme de l'entant, " il détruit l'erreur des hérétiques qui ont avancé que le Christ n'avait pas d'âme, et que la divinité lui en tenait lieu.
BEDE. (hom.) Hèrode succomba peu de temps après que les enfants furent massacrés pour le Sauveur, et Joseph ramena Jésus avec sa mère dans la terre d'Israël ; c'est là une figure que toutes les persécutions qui devaient être suscitées contre l'Église cesseraient à la mort des persécuteurs, que la paix serait de nouveau rendue à l'Église, et que les saints, qui avaient été obligés de fuir et de se cacher, retourneraient dans leur patrie. Le retour de Jésus en Judée, après la mort d'Hérode signifie aussi qu'à la voix d'Hénoch et d'Hélie les Juifs laisseront s'éteindre les feux de leur haine envieuse, et se convertiront à la foi et à la vérité.
vv. 21-23.
LA GLOSE. Joseph se montre docile à l'avertissement qui lui est donné
par un ange ; " Et s'étant levé dit l'auteur sacré,
il prit la mère et l'enfant, " etc. L'ange n'avait pas déterminé
dans quel endroit de la terre d'Israël il devait se retirer ; l'incertitude
de Joseph lui donnait ainsi l'occasion de revenir, et de lui ôter par
ses fréquentes visites tout doute sur ce qu'il devait faire. Aussi lisons
nous : " Ayant appris qu'Archélaüs, " etc. - JOSEPHE.
Hérode eut neuf femmes dont sept lui donnèrent une nombreuse famille.
Il eut son fils aîné Antipater de Doris, Alexandre et Aristobule
de Mariamne, Archélaüs de Marthace de Samarie, Hérode Antipas
qui fut dans la suite tétrarque de Galilée et Philippe, de Cléopâtre
de Jérusalem. Or Hérode ayant fait mettre à mort ses trois
premiers enfants, et Archélaüs s'appuyant sur le testament de son
père pour s'emparer de son royaume, la cause fut portée à
Rome au tribunal de César-Auguste, qui, sur l'avis du sénat, partagea
les états d'Hérode de la manière suivante : Il donna à
Archélaüs sous le titre de tétrarque la moitié du
royaume d'Hérode, c'est-à-dire l'Idumée et la Judée,
en lui promettant de rétablir en sa personne le titre de roi, s'il s'en
rendait digne. Il subdivisa l'autre partie en deux tétrarchies, donna
la Galilée à Hérode avec le titre de tétrarque,
et à Philippe l'Iturée et la Traconite. Archélaüs
devint donc après la mort d'Hérode une espèce d'etnarque,
sorte de pouvoir que l'Évangéliste assimile au titre de roi.
S. AUG. (De l'acc. des Ev. liv. 2, chap. 10.) On nous demandera peut-être
ici comment les parents de Jésus, comme le raconte saint Luc, pouvaient
pendant toute son enfance venir tous les ans à Jérusalem, alors
que la crainte d'Archélaüs devait les en tenir éloignés.
La réponse est facile. Ils pouvaient très bien en effet venir
secrètement à Jérusalem le jour de la fête, confondus
qu'ils étaient au milieu d'une si grande foule, pour en sortir bientôt,
tandis qu'ils auraient dû craindre d'y fixer leur séjour en d'autres
temps. C'est ainsi qu'ils accomplissaient leurs devoirs religieux en assistant
à la fête, et qu'ils ne s'exposaient pas à être remarqués
en y restant plus longtemps. Il est d'ailleurs évident que lorsque saint
Luc nous dit qu'ils montaient tous les ans à Jérusalem, Il faut
l'entendre du temps où ils n'avaient plus rien à craindre d'Archélaüs,
qui, d'après Josèphe, ne régna que neuf ans.
" Et ayant reçu un avertissement pendant son sommeil. " Quelqu'un
sera peut-être surpris d'entendre saint Matthieu nous dire que Joseph
craignait de revenir avec l'enfant dans la Judée, parce qu'Archélaüs
avait succédé à Hérode son père, tandis qu'il
ne craint pas de se retirer dans la Galilée, dont un autre fils d'Hérode
était tétrarque, au témoignage de saint Luc. Mais l'époque
dont parle saint Luc n'était pas celle où l'on craignait pour
l'enfant. Tout était changé alors, et ce n'était plus Archélaüs
qui régnait en Judée, mais Ponce-Pilate qui la gouvernait. - LA
GLOSE. On se demande encore pourquoi Joseph ne craignait pas de se retirer dans
la Galilée, sur laquelle s'étendait le pouvoir d'Archélaüs
? C'est qu'il était plus facile d'échapper à toute recherche
dans Nazareth que dans Jérusalem, capitale du royaume ou Archélaüs
résidait ordinairement. - S. CHRYS. (hom. 9.) Et d'ailleurs en quittant
la bourgade où il avait pris naissance, il était plus facile d'en
cacher le secret, car toute la violence de l'ennemi se portait contre Bethléem
et ses alentours. Joseph vint donc à Nazareth pour échapper au
danger et revenir dans sa patrie. " Et il vint à Nazareth, dit l'Évangéliste,
et il y demeura. "
S. AUG. (de l'acc. des Evang.) On pourrait encore demander pourquoi saint Matthieu
nous dit que les parents de Jésus se retirèrent avec lui dans
la Galilée, parce qu'ils craignaient d'aller à Jérusalem
à cause d'Archélaüs, tandis qu'au témoignage de saint
Luc (Lc 1, 26 ; 2, 24 ; Mt 2, 23 ; 21, 11) il est plus vraisemblable qu'ils
se fixèrent dans la Galilée, parce que la ville de Nazareth qu'ils
habitaient en faisait partie. Nous répondons que lorsque l'ange vint
trouver Joseph en Égypte et lui dit pendant son sommeil : " Retourne
dans la terre d'Israël, " Joseph put comprendre d'abord qu'il était
mieux pour lui d'aller dans la Judée, à laquelle paraissait convenir
plus spécialement la dénomination de terre d'Israël. Mais
lorsqu'il eût appris qu'Archélaüs y régnait, il ne
voulut pas s'exposer au danger, puisque d'ailleurs le nom de terre d'Israël
pouvait aussi convenir à la Galilée, qui était également
habitée par le peuple d'Israël. Voici une autre solution : les parents
de Jésus purent croire qu'ils ne devaient fixer leur demeure avec lui
qu'à Jérusalem, où se trouvait le temple du Seigneur et
c'est là qu'ils auraient été, si la crainte d'Archélaüs
qui habitait cette ville ne les en eût détournés. Mais l'ordre
qu'ils avaient reçu du ciel ne leur faisait pas une loi de se fixer dans
la Judée ou à Jérusalem en passant par-dessus la crainte
que leur inspirait Archélaüs, mais seulement dans la terre d'Israël,
ce qui pouvait s'entendre de la Galilée, comme nous l'avons dit.
S. HIL. (sur le chap. 2 de S. Matth.) On peut donner une raison mystique de cette conduite. Joseph représente ici les apôtres à qui Dieu a confié Jésus-Christ pour le porter dans tout l'univers. Après la mort d'Hérode, c'est-à-dire après que le peuple juif fut comme détruit en punition de la mort du Sauveur, Dieu leur ordonna de prêcher aux Juifs, car ils étaient envoyées premièrement aux brebis perdues de la maison d'Israël (Mt 28, 19). Mais voyant qu'ils étaient toujours dominés par l'infidélité, qui était chez eux comme héréditaire, les apôtres craignent et se retirent, et avertis par une vision céleste qui leur révèle que les dons de l'Esprit saint sont transférés aux Gentils, ils leurs portent alors Jésus-Christ. - RAB. Ou bien on peut voir ici une figure des derniers temps de l'Église, où un grand nombre de Juifs se convertiront à la voix d'Hénoch et d'Élie, tandis que les autres seconderont la haine de l'Antéchrist en combattant contre la foi. La partie de la Judée sur laquelle régnait Archélaüs représente les partisans de l'Antéchrist ; Nazareth, ville de Galilée où Jésus-Christ est transporté, figure le reste de cette nation qui doit embrasser la foi. En effet le nom de Galilée signifie transmigration, et Nazareth, fleur des vertus, parce que plus l'Église se détache de la terre pour s'élever avec ardeur vers le ciel, plus aussi on voit se multiplier au milieu d'elle la fleur et la semence des vertus.
LA GLOSE. L'Évangéliste confirme ce fait par le témoignage suivant du prophète : " Pour accomplir ce qui a été prédit par les prophètes, il sera appelé Nazaréen. " - S. JER. Si l'Évangéliste avait cité un passage précis de l'Écriture, il aurait dit : " Ce qui a été prédit par le prophète, " et non " ce qui a été prédit par les prophètes ; " or en prenant cette expression au pluriel il nous montre qu'il rapporte non pas le texte, mais le sens de l'Écriture. Le mot Nazaréen signifie saint et toute l'Écriture proclame la sainteté du Seigneur. Nous pourrions dire encore que cette citation se trouve littéralement dans ce texte hébreu d'Isaïe : " Une tige sortira de la racine de Jessé et le Nazaréen sortira de sa racine. " - S. CHRYS. (hom. 9 sur S. Matth.) Ou bien peut-être cette citation est tirée d'une prophétie qui n'existe plus, et on ne doit point pousser trop loin les investigations sur ce point, car un grand nombre des écrits des prophètes ont été détruits. Ou bien encore l'Évangéliste aura lu ce témoignage dans des prophètes qui ne sont pas au nombre des livres canoniques, comme Nathan et Esdras. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette circonstance avait été prédite, comme on le voit dans ces paroles de Philippe à Nathanaël : " Nous avons trouvé celui que Moïse et les prophètes ont annoncé, Jésus de Nazareth. " Voilà pourquoi les chrétiens furent d'abord appelés Nazaréens, nom qui fut ensuite changé à Antioche pour celui de chrétiens.
S. AUG. (de l'acc. des Evang.) Saint Luc passe sous silence tout ce qui a rapport aux Mages et les événements qui suivent. C'est ici le lieu de faire cette observation qui devra nous servir pour toute la suite, que chacun des Évangélistes coordonne son récit comme s'il n'omettait aucun fait. Tout en passant sous silence ce qu'il veut taire, chacun d'eux établit entre les choses qu'il a dites et celles qu'il vent dire une telle liaison que le récit parait sans interruption. Mais lorsque l'un raconte ce que l'autre a cru devoir omettre, en examinant attentivement la suite du récit, on voit où l'on peut placer ce qui a été omis par l'un des écrivains sacrés.