CATANA AUREA SUR SAINT LUC

PRÉFACE DE L'EXPLICATION

ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS

SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC

CHAPITRE PREMIER.

v. 5-7.
S. CHRYS. (Chaîne des Pèr. gr.) Saint Luc commence son récit par l'histoire de Zacharie et de la naissance de Jean-Baptiste ; préludant ainsi par le récit d'un moindre prodige au récit d'un prodige plus étonnant. Une Vierge devait être mère, la grâce nous prépare à ce mystère, en nous montrant une femme stérile devenue féconde. Le temps se trouve indiqué par ces paroles : " Dans les jours d'Hérode, " et la dignité d'Hérode par ces autres : " Roi de Judée. " Cet Hérode était différent de celui qui mit à mort Jean-Baptiste, il était roi, tandis que ce dernier n'était que tétrarque. - BEDE. Ce règne d'Hérode, qui était étranger, est une preuve de la venue du Messie. Il était prédit en effet (Gn 49) : " Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé. " Or, depuis la sortie d'Égypte, les Juifs furent gouvernés par des juges de leur nation, jusqu'au prophète Samuel, et ensuite par des rois jusqu'à la captivité de Babylone. Au retour de la captivité, ce furent les grands-prêtres qui exercèrent le pouvoir souverain jusqu'à Hyrcan, tout à la fois roi et pontife. Hyrcan ayant été mis à mort par Hérode, César-Auguste donna le royaume de Judée à ce dernier qui était étranger ; et ce fut la trente unième année de son règne qu'eut lieu, selon la prophétie de Jacob, l'avènement de celui qui devait venir.

S. AMBR. La sainte Écriture nous apprend que pour être vraiment digne de louanges, il faut se rendre recommandable, non seulement par ses qualités personnelles, mais encore par le mérite de ses parents et par l'éclat d'une vertu sans tache qu'on a reçue d'eux comme un précieux héritage. Aussi la noblesse de saint Jean-Baptiste remonte-t-elle au delà de ses parents jusqu'à ses ancêtres, et tire tout son éclat, non des dignités profanes, mais d'une longue succession de piété et de vertu. L'éloge est donc complet, puisqu'il embrasse la race d'où il descend, les vertus de ses parents, leurs fonctions, leurs actions, leur justice.

Les fonctions, c'étaient les fonctions sacerdotales : " Il y avait un prêtre nommé Zacharie. " - BEDE. Or saint Jean naquit d'une famille sacerdotale, afin qu'il pût annoncer le changement du sacerdoce ancien, avec d'autant plus de force, que lui-même était connu pour appartenir à la race sacerdotale. - S. AMBR. L'Évangéliste désigne la race par les ancêtres en disant : " De la famille d'Abia, " c'est-à-dire, d'une famille distinguée entre les premières familles. - BEDE. Car les princes du sanctuaire, c'est-à-dire, les grands-prêtres étaient choisis parmi les enfants d'Eléazar, comme parmi les enfants de Thamar, et David avait partagé au sort en vingt-quatre sections, les fonctions du ministère qu'ils devaient remplir dans la maison de Dieu. Or, le huitième sort était échu à la famille d'Abia, de laquelle Zacharie était sorti. Ce n'est pas sans raison que le premier héraut du Nouveau Testament naît le huitième jour du sort, car le nombre huit désigne quelquefois le Nouveau Testament à cause du mystère du dimanche ou de notre résurrection, comme le nombre sept signifie souvent l'Ancien Testament, à cause du jour du sabbat. - THEOPHYL. L'Évangéliste veut montrer que saint Jean-Baptiste descendait légalement de la race sacerdotale, en ajoutant : " Sa femme était de la race d'Aaron, et elle avait nom Elisabeth, " car il n'était point permis de prendre une femme dans une autre tribu que la sienne. Or Elisabeth signifie repos, et Zacharie, souvenir du Seigneur. - BEDE. Saint Jean naît de parents justes, ainsi pouvait-il annoncer les préceptes de la vraie justice avec d'autant plus de confiance qu'il ne les avait pas appris comme une chose nouvelle pour lui, mais qu'il les avait gardés lui-même comme un héritage qu'il avait reçu de ses ancêtres. " Tous deux étaient justes devant Dieu, " dit l'Évangéliste. - S. AMBR. Il comprend ainsi sous le nom de justice la sainteté de leur vie, Il ajoute avec beaucoup de sens : " Devant Dieu, " car il peut arriver que par un vain désir de popularité on paraisse juste aux yeux des hommes sans l'être devant Dieu, si par exemple cette justice ne vient pas d'une intention simple et droite, mais n'est qu'un mensonge inspiré par le désir de plaire. C'est donc faire d'un homme un éloge complet que de dire : il est juste devant Dieu, car on n'est vraiment parfait qu'au témoignage de celui qui ne peut être trompé. Saint Luc comprend les actes de la vie dans l'accomplissement des commandements, et la justice dans l'observation des ordonnances. " Ils marchaient, dit-il, dans les commandements et les ordonnances du Seigneur. " Nous marchons dans les commandements du Seigneur, lorsque nous obéissons à ses divins préceptes, et nous gardons ses ordonnances, lorsque toutes nos actions sont faites avec jugement. Or, nous devons avoir soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais devant les hommes (Rm 12, 17 ; 2 Co 8, 21), et c'est pour cela qu'il ajoute " d'une manière irréprochable. " La conduite est irréprochable lorsque la doctrine et la pureté de l'intention viennent se joindre à la bonté de l'action, et souvent encore une sainteté trop austère devient l'objet des reproches du monde. - ORIG. (hom. 2.) Une action juste peut aussi être faite par des motifs qui ne le sont pas, par exemple, si l'on fait des libéralités par esprit d'ostentation, ce qui n'est pas irréprochable.

" Et ils n'avaient pas de fils, parce qu'Elisabeth était stérile, " etc. - S. CHRYS. (Chaîne des Pèr. gr., Hom. sur la Genèse.) Elisabeth ne fut pas la seule stérile, les épouses des patriarches, Sara, Rébecca, Rachel (ce qui était un sujet de honte chez les anciens), l'étaient aussi, et nous ne pouvons pas dire que leur stérilité fût une punition, puisque toutes étaient justes et vertueuses. Si donc Dieu permit qu'elles fussent stériles, c'était pour nous préparer à croire sans difficulté le mystère d'une Vierge qui enfante le Seigneur, après avoir cru préalablement à la fécondité des femmes stériles. - THEOPHYL. Dieu veut encore vous donner une autre leçon, c'est que la loi de Dieu demande beaucoup plus la fécondité spirituelle des enfants que la fécondité charnelle ; aussi voyez-vous Zacharie et Elisabeth avancés dans la vie, beaucoup moins selon le corps que selon l'esprit, disposant des degrés dans leur coeur (cf. Ps 85, 6), regardant leur vie comme un jour brillant et non comme une nuit ténébreuse, et marchant dans la décence comme durant le jour.

vv. 8-10.
BEDE. Dieu avait établi par Moïse un seul grand-prêtre ; à sa mort un autre devait le remplacer par ordre de succession. Cette loi fut observée jusqu'au règne de David qui, par l'inspiration de Dieu, en institua plusieurs. Voilà pourquoi l'Évangéliste nous dit que Zacharie remplissait en son rang les fonctions du sacerdoce : " Or Zacharie remplissant sa fonction de prêtre devant Dieu dans le rang de sa famille, il arriva par le sort, selon ce qui s'observait entre les prêtres, " etc. - S. AMBR. Zacharie nous paraît ici désigné comme grand-prêtre, car le grand-prêtre seul pouvait entrer une seule fois l'année dans le second sanctuaire, non sans y porter du sang qu'il offrait pour ses propres péchés et pour ceux du peuple (He 9, 8 ; cf. Ex 30, 10 ; Lev 16, 2.12.17.19). - BEDE. Ce ne fut point une nouvelle élection du sort qui le désigna au moment où il fallait offrir les parfums, c'était d'après l'ordre établi anciennement, qu'il remplissait les fonctions du sacerdoce dans le rang de la famille d'Abia. " Cependant toute la multitude du peuple, " etc. Aux termes de la loi, le pontife devait présenter l'encens dans le saint des saints, le dixième jour du septième mois, pendant que tout le peuple attendait hors du temple, et ce jour devait être appelé le jour de l'expiation ou de propitiation. L'Apôtre expliquant aux Hébreux le mystère de ce jour, leur montre Jésus, pontife véritable, pénétrant avec son propre sang dans les secrètes profondeurs des cieux, pour nous rendre propice Dieu son Père, et intercéder pour les péchés de ceux qui attendent encore en priant à la porte du ciel.

S. AMBR. Zacharie est ce grand-prêtre désigné par le sort, parce que le véritable grand-prêtre est encore inconnu, car celui qui est choisi au sort ne doit point son élection au suffrage des hommes. Le grand-prêtre était donc demandé au sort, et il était la figure d'un autre, c'est-à-dire, du grand-prêtre véritable et éternel qui devait réconcilier le genre humain avec Dieu son Père, non par le sang des victimes, mais par son propre sang. Alors c'était par ordre de famille que les prêtres se succédaient, maintenant le sacerdoce est éternel.

vv. 11-14.
S. CHRYS. (hom. 2 sur l'incompréhens. natur. de Dieu.) Zacharie étant entré dans le temple pour offrir à Dieu les prières de tout le peuple, comme médiateur entre Dieu et les hommes, vit l'ange debout dans le sanctuaire : " Et l'ange du Seigneur lui apparut. " L'expression : " Il lui apparut, " est très juste, puisque Zacharie l'aperçut tout à coup, et c'est ainsi que l'Écriture s'exprime lorsqu'elle parle de Dieu ou des anges ; les choses que l'on voit sans y être préparé, elle dit qu'elles apparaissent. En effet, on ne voit pas de la même manière les choses sensibles et celui dont la nature est invisible, et qui ne se découvre que lorsqu'il le veut. - ORIG. (hom. 3.) Cette vérité s'applique, non seulement au temps présent, mais au siècle futur ; lorsque nous sortirons de ce monde, Dieu et les anges n'apparaîtront pas à tous les hommes, mais seulement à ceux qui auront le coeur pur. Quant au lieu, il ne peut être ni utile ni nuisible à personne. - S. CHRYS. (Chaîne des Pères grecs.) Cette apparition fut sans obscurité et différente de celles qui ont lieu dans te sommeil ; il s'agissait d'un événement extraordinaire, il fallait donc une vision évidente et certaine. - S. JEAN DAMASC. (de la foi orthod., lib. 2.) Les anges cependant n'apparaissent pas aux hommes dans leur propre nature, mais ils revêtent pour se rendre visibles, la forme que Dieu lui-même a déterminée. - S. BAS. (Chaîne des Pèr. gr.) Il dit : " À la droite de l'autel de l'encens, " parce qu'il y avait un autre autel réservé pour les holocaustes. - S. AMB. C'est par une raison pleine de mystère que l'ange apparaît dans le temple, il venait annoncer la venue du véritable grand-prêtre, et Dieu préparait déjà le sacrifice céleste dont les anges eux-mêmes sont les ministres, car nous ne devons pas douter de la présence des anges au sacrifice où Jésus-Christ est immolé. Il apparut à droite de l'autel de l'encens, parce qu'il apportait le signe de la miséricorde divine : " Le Seigneur est à ma droite, afin que je ne sois pas ébranlé. " (Ps 15).
S. CHRYS. (hom. 2, sur l'incompr. nat. de Dieu.) L'homme, quelque juste qu'il soit, ne peut voir apparaître un ange sans éprouver un sentiment de crainte, aussi Zacharie ne pouvant ni supporter l'aspect de l'ange, ni soutenir l'éclat qui l'environne, se trouble : " Et Zacharie fut troublé. " Lorsque le conducteur d'un char s'épouvante et abandonne les rênes, les coursiers s'emportent, et le char se renverse ; ainsi en est-il de l'âme, toutes les fois qu'elle est sous le poids de la crainte ou de l'inquiétude : " Et la frayeur le saisit, " ajoute l'Évangéliste. - ORIG. (hom. 4.) Une forme nouvelle vient-elle à s'offrir aux regards de l'homme, elle jette le trouble dans son esprit et l'effroi dans son âme ; aussi l'ange qui connaît cette disposition de la nature humaine, cherche d'abord à calmer cet effroi : " Mais l'ange lui dit : Ne craignez point, " etc. - S. ATHAN. (vie de S. Ant.) Voici donc un moyen facile de distinguer les bons esprits des mauvais ; si la joie succède à la crainte, c'est un indice certain de l'intervention divine ; car la paix de l'âme est lin signe et comme un fruit de la présence de la majesté divine, mais si la frayeur qu'on a éprouvée persévère, c'est l'ennemi du salut qui en est la cause.
ORIG. Il ne se contente pas de calmer son effroi, mais il lui apprend une nouvelle qui le comble de joie : " Votre prière, lui dit-il, a été exaucée, et Elisabeth, votre épouse, enfantera, " etc. - S. AUG. (Quest. évang., liv. 2, q. 1.) Remarquons ici tout d'abord, qu'il n'est point vraisemblable qu'au moment où il offrait le sacrifice pour les péchés du peuple ou pour son salut et sa rédemption ; Zacharie, ce vieillard, dont la femme était avancée en âge, ait prié Dieu de lui accorder des enfants, car personne ne songe à demander dans ses prières ce qu'il n'a aucune espérance d'obtenir. Or Zacharie avait si peu l'espérance d'avoir des enfants qu'il refuse de croire à la promesse de l'ange. Ces paroles donc : " Votre prière a été exaucée, doivent s'entendre de la prière qu'il faisait pour le peuple. Mais comme le salut, la rédemption de ce peuple et la rémission des péchés devaient avoir lieu par Jésus-Christ ; l'ange annonce de plus à Zacharie qu'il lui naîtrait un fils destiné à être le précurseur du Christ. - S. CHRYS. (comme précéd.) Ou bien pour preuve que sa prière est exaucée, il lui prédit la naissance d'un fils qui devait un jour proclamer : " Voici l'Agneau de Dieu, " etc. - THEOPHYL. À cette question secrète de Zacharie : comment serai-je assuré de cette promesse ? l'ange répond : En voyant Elisabeth devenir mère d'un fils, vous ne pourrez douter que les péchés du peuple ne soient remis. - S. AMBR. Ou bien encore, la plénitude et l'abondance sont les caractères des bienfaits de Dieu, ils ne sont point renfermés dans d'étroites limites, mais ils embrassent dans leur abondance tous les biens réunis ; ainsi l'ange annonce d'abord à Zacharie l'heureux effet de sa prière, puis il lui prédit que sa femme, jusqu'alors stérile, lui donnerait un fils dont il indique le nom par avance : " Vous lui donnerez le nom de Jean, " etc.

BEDE. C'est toujours une preuve de mérite extraordinaire que Dieu lui-même impose un nom aux hommes, ou bien change celui qu'ils portaient. - S. CHRYS. Remarquons aussi que les hommes qui devaient donner dès leur plus tendre jeunesse des signes d'une vertu éclatante, ont reçu dès lors leur nom du ciel, tandis que ceux dont la vertu ne devait se manifester que dans le cours de leur vie, n'ont reçu ce nom que plus tard. - BEDE. Or Jean signifie, qui a la grâce, ou grâce du Seigneur. Ce nom présage la grâce que Dieu faisait à ses parents en leur donnant un fils dans leur extrême vieillesse, à Jean lui-même qui devait être grand devant Dieu, enfin aux enfants d'Israël qu'il devait convertir au Seigneur ; c'est pour cela qu'il ajoute : " Vous en serez dans la joie et dans le ravissement. " - ORIG. En effet, lorsqu'un juste vient au monde, les auteurs de sa naissance se réjouissent, tandis que la naissance d'un enfant qui semble prédestiné à la prison et à l'échafaud, jette ceux qui lui ont donné le jour dans la consternation et l'abattement. - S. AMBR. Les saints ne sont pas seulement la joie et la consolation de leurs parents, mais encore le salut d'un grand nombre : " Plusieurs, ajoute l'ange, se réjouiront de sa naissance. " Apprenons ici à nous réjouir de la naissance des saints ; que les parents apprennent à en rendre grâces à Dieu, car c'est une grâce insigne que Dieu leur fait, lorsqu'il leur donne des enfants destinés à perpétuer leur race et à recueillir l'héritage de leurs biens.

vv. 15-17.
S. AMB. Après avoir annoncé que la naissance de Jean serait pour plusieurs un sujet de joie, l'ange prédit la grandeur de sa vertu : " Il sera grand devant le Seigneur, " etc. Il n'est point ici question de la grandeur du corps, mais de la grandeur de l'âme. Or, devant Dieu, la grandeur de l'âme n'est autre que la grandeur de la vertu. -THEOPHYL. Il en est beaucoup à qui l'on donne le nom de grands, mais c'est devant les hommes, et non pas devant Dieu, tels sont les hypocrites. Les parents de Jean, au témoignage de l'Évangéliste, étaient eux-mêmes justes devant Dieu. - S. AMBR. Jean n'a point reculé les frontières d'un empire, il n'a point moissonné de lauriers à la suite d'une glorieuse victoire ; mais il a fait plus, il a prêché dans le désert, il a foulé aux pieds les délices du monde, et la mollesse des plaisirs des sens par l'étonnante austérité de sa vie. " Il ne boira, dit l'ange, ni vin, ni aucune liqueur enivrante. - BEDE. Le mot cervoise signifie ivresse, et les Hébreux s'en servent pour désigner toute boisson qui peut enivrer, qu'elle soit extraite de pommes, de grains ou d'une autre matière. Or, la loi (Nb 6, 5) prescrivait aux Nazaréens de s'abstenir de vin et de toute liqueur enivrante pendant tout le temps de leur consécration ; c'est pourquoi Jean et d'autres, favorisés d'une semblable grâce, se sont interdit pour toujours ces boissons, afin de demeurer toujours nazaréens, c'est-à-dire saints. Il n'est pas convenable, en effet, de s'enivrer de vin, quand on désire être rempli de l'effusion de l'Esprit saint. Aussi celui qui renonce à cette ivresse, mérite que la grâce du Saint-Esprit se répande en abondance dans son âme, " Il sera rempli de l'Esprit saint, " ajoute l'Évangéliste. - S. AMBR. Celui qui reçoit ainsi l'abondance de l'Esprit saint, reçoit en même temps la plénitude des plus éminentes vertus. Voyez, en effet, saint Jean-Baptiste ; avant de naître, étant encore dans le sein de sa mère, il fait connaître la grâce qu'il a reçue, lorsqu'en tressaillant dans le sein qui le renferme, il annonce l'avènement et la présence du Seigneur. Cette vie de la nature est toute différente de la vie de la grâce, la première commence à notre naissance pour finir à notre mort ; la vie de la grâce, au contraire, n'est point limitée par les années, elle ne s'éteint point à la mort, elle n'est pas exclue du sein qui nous porte.

GREC. Mais quelles seront les oeuvres que Jean-Baptiste accomplira sous la conduite de l'Esprit saint, les voici : Il convertira plusieurs des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu. - ORIG. (hom. 4.) Jean devait en convertir un grand nombre, la mission du Seigneur était de les convertir tous à Dieu son Père. - BEDE. En disant de Jean-Baptiste qu'il a converti un grand nombre des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu, alors qu'en rendant témoignage à Jésus-Christ, il baptisait les peuples qui croyaient en lui, l'Évangéliste prouve par là même que le Christ était le Dieu d'Israël. Que les ariens cessent donc de nier que Jésus-Christ soit le Seigneur Pieu, que les photiniens rougissent de ne faire remonter son origine qu'au sein de la Vierge Marie, que les manichéens ne viennent plus dire que le Dieu d'Israël est différent du Dieu des chrétiens. - S. AMB. Nous n'avons d'ailleurs nul besoin qu'on nous prouve que saint Jean a converti les coeurs en grand nombre, alors que les écrits des prophètes et le saint Évangile nous l'attestent. La voix de celui qui crie dans le désert : " Préparez la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers, " ce baptême que le peuple venait recevoir en foule, ne sont-ils pas une preuve des conversions qu'il opérait dans la multitude ? Car ce n'était pas lui-même, mais le Seigneur qui était l'objet des prédications de ce précurseur du Christ. C'est pourquoi l'Évangéliste ajoute : " Et il marchera devant lui, " etc. Il a marché, en effet, devant lui, puisqu'il a été son précurseur dans sa naissance comme dans sa mort, et ces autres paroles : " Dans l'esprit et la vertu d'Élie, " ne sont pas moins justes. - ORIG. Il ne dit pas : Avec l'âme d'Élie, mais : " Dans l'esprit et la vertu d'Elie " ; car l'esprit qui avait animé Elie vint remplir Jean-Baptiste, aussi bien que sa vertu. - S. AMB. L'esprit, en effet, est inséparable de la vertu, comme la vertu de l'esprit, voilà pourquoi l'ange joint l'esprit à la vertu. Car le saint prophète Elie eut à la fois une grande vertu et une grâce surabondante, une grande vertu pour ramener à la foi le coeur des peuples infidèles, la vertu de pénitence, la vertu de patience, et l'esprit de prophétie. Ces deux grands hommes eurent d'autres traits d'analogie, Elie habitait le désert, Jean y passa toute sa vie. Elie ne rechercha jamais les bonnes grâces d'Achab, Jean dédaigna la faveur d'Hérode ; l'un divisa les eaux du Jourdain, l'autre en fit un bain salutaire ; Jean fut le précurseur du premier avènement du Seigneur, Elie doit l'être du second.

BEDE. Ce que le prophète Malachie a prédit d'Elie, l'ange l'applique à Jean-Baptiste, lorsqu'il ajoute : " Pour réunir les coeurs des pères avec leurs enfants, " en leur communiquant par ses prédications la science spirituelle de leurs saints ancêtres ; " et rappeler les incrédules à la prudence des justes, " prudence qui n'a point la prétention de trouver la justification dans les oeuvres de la loi, mais qui ne la cherche que dans la foi. - GREC. Ou bien encore, les Juifs étaient parents de Jean et des Apôtres, et cependant par orgueil autant que par incrédulité, ils se déchaînaient contre l'Évangile. Que fit alors Jean-Baptiste, et après lui les Apôtres ? comme des enfants pleins de douceur, ils découvraient la vérité à leurs pères, et cherchaient ainsi à les rendre participants de leur propre justice et de leur prudence. C'est ainsi qu'Elie doit convertir les restes des Hébreux à la vérité prêchée par les Apôtres. - BEDE. L'ange avait dit précédemment que ta prière de Zacharie pour le peuple avait été exaucée, il ajoute " Pour préparer au Seigneur un peuple parfait, " et nous apprend ainsi comment ce même peuple sera sauvé et rendu parfait, c'est-à-dire par la pénitence et par la foi en Jésus-Christ, que doit prêcher Jean-Baptiste. - THEOPHYL. Ou encore : Jean a préparé un peuple qui n'était pas incrédule, mais parfait, c'est-à-dire prêt à recevoir le Christ. - ORIG. (Hom. 4.) Le mystère, figuré par la prédication de Jean-Baptiste, s'accomplit encore dans le monde ; car pour que nous puissions croire en Jésus-Christ, il faut que l'esprit et la vertu de Jean vienne dans notre âme pour préparer au Seigneur un peuple parfait.

vv. 18-22.
S. CHRYS. (sur l'incompréh. nat. de Dieu.) Zacharie, ne considérant que son âge et la stérilité de sa femme, se laisse aller au doute : " Et Zacharie dit à l'ange : À quoi pourrai-je connaître la vérité de ce que vous m'annoncez ? " en d'autres termes : Comment cela se fera-t-il ? et il donne les raisons qu'il a de douter : " Car je suis vieux, " etc. L'âge est contraire, la nature impuissante, je suis sans force pour engendrer, et de son côté, la terre est stérile. Ces raisons ne suffisent pas au jugement de quelques-uns, pour excuser le prêtre Zacharie d'avoir fait toutes ces questions ; car quand Dieu parle, on doit recevoir sa parole avec foi ; vouloir la discuter, c'est faire preuve d'un esprit opiniâtre. Aussi voyez la suite : " Et l'ange lui répondit : Je suis Gabriel qui suis toujours présent devant Dieu. " - BEDE. Comme s'il disait : Si un homme vous annonçait un semblable prodige, vous auriez droit de lui demander une preuve, un signe de la vérité de ses paroles ; mais quand c'est un ange qui promet, le doute n'est plus permis : " Et j'ai été envoyé pour vous parler, " etc.

S. CHRYS. Dès lors donc que vous savez que je suis envoyé de Dieu, ne voyez plus rien de naturel dans ce que je vous dis ; car je ne parle point de moi-même, je ne fais que vous transmettre les volontés de celui qui m'a envoyé. En effet, la vertu, le mérite d'un envoyé, c'est de ne rien dire de sa propre autorité. - BEDE. Remarquez ici qu'au témoignage de l'ange, il est tout à la fois devant Dieu et envoyé pour annoncer à Zacharie la naissance de son fils. - S. GREG. (hom. 34 sur les Evang.) En effet, lorsque les anges viennent nous trouver, ils remplissent extérieurement leur ministère sans interrompre intérieurement l'exercice de la contemplation ; car si leur esprit est limité, l'Esprit souverain qui est Dieu, n'a point de bornes. Ainsi les anges sont toujours devant lui, même quand ils sont en mission, puisque c'est dans l'immensité de Dieu qu'ils accomplissent leur message "
BEDE. L'ange donne ensuite le signe qui lui a été demandé. Zacharie n'a fait usage de la parole que pour exprimer son incrédulité, le silence lui enseignera la foi : " Et voici que vous allez devenir muet, " etc. - S. CHRYS. Les liens qui le rendaient impuissant, sont transportés à l'organe de la voix ; te sacerdoce dont il est revêtu n'est point une raison pour qu'il soit épargné, au contraire, la punition sera plus grande, parce qu'il devait donner aux autres l'exemple d'une foi plus vive. - THEOPHYL. Le mot grec ??f-?? signifie également sourd, on peut donc donner ce sens aux paroles de l'ange : Puisque vous ne croyez point, vous deviendrez sourd, et vous ne pourrez plus parler. Juste châtiment de sa double faute, la désobéissance est punie par la surdité, et la contradiction par la mutité. - S. CHRYS. L'ange dit : Et voici, c'est-à-dire à l'instant même. Considérez toutefois la miséricorde de Dieu dans ce qui suit : " Jusqu'au jour où ces choses arriveront ; " comme s'il lui disait : Lorsque l'accomplissement de ma prédiction en aura démontré la vérité, et que tu auras reconnu la justice de ton châtiment, alors tu en seras délivré, Il lui en fait aussi connaître clairement la cause : Parce que vous n'avez pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps ; " méconnaissant ainsi la puissance de celui qui m'a envoyé, et devant lequel je suis toujours présent. Or, si tel fut le châtiment de Zacharie pour avoir refusé de croire à un enfantement naturel, comment ceux qui blasphèment la naissance ineffable pourront-ils échapper à la vengeance divine ?

GREC. (ou Antipat. de Bostr., Chaîne des Pères grecs.) Tandis que ces choses se passaient dans l'intérieur du temple, la multitude qui attendait au dehors était surprise de ce que Zacharie tardait à revenir : " Cependant le peuple attendait Zacharie, et s'étonnait de ce qu'il demeurait si longtemps dans le temple. " Chacun se livrait à ses conjectures et donnait ses suppositions ; Zacharie étant enfin sorti, leur apprit, par son silence forcé, ce qui lui était arrivé dans l'intérieur du temple. " Et étant sorti, il ne pouvait leur parler. - THEOPHYL. Zacharie faisait des signes au peuple qui lui demandait probablement pourquoi il était devenu muet : " Et il leur faisait des signes et il demeura muet. " - S. AMBR. Un signe est un mouvement du corps qui n'est point accompagné des paroles, et qui cherche à faire connaître la volonté, sans pouvoir l'exprimer complètement.

vv. 23-25.
BEDE. Tant que duraient leurs fonctions, les prêtres, tout entiers aux offices de leur ministère, s'abstenaient de tout rapport avec leurs épouses, et s'interdisaient même l'entrée de leurs maisons. C'est pourquoi l'Évangéliste ajoute : " Quand les jours de son ministère furent accomplis, " etc. Les prêtres qui se succédaient alors, devaient être de la race d'Aaron, c'était donc un devoir aussi légitime que nécessaire de se donner une postérité " Maintenant, au contraire, ce ne sont plus les lois d'une succession charnelle, mais une perfection toute spirituelle qui donne droit au sacerdoce, aussi les prêtres sont-ils obligés d'observer une continence perpétuelle, pour être dignes d'offrir le sacrifice de l'autel. " Après ces jours-là, " etc., c'est-à-dire après les jours où Zacharie avait rempli les devoirs de son ministère. Ceci se passait au mois de septembre, le huit des calendes d'octobre, alors que les Juifs célébraient le jeûne de la fête des Tabernacles, à l'approche de l'équinoxe, où la nuit commence à être plus longue que le jour ; en effet, le Christ devait croître et Jean diminuer. Et ce n'est pas sans raison que ces jours étaient des jours de jeûne ; car Jean-Baptiste devait prêcher aux hommes les austérités de la pénitence.
" Et elle se tenait cachée, " etc. - S. AMBR. Pourquoi se tenait-elle cachée, si ce n'est par un sentiment de pudeur ? Il est en effet pour les époux un temps déterminé par la nature, où c'est chose louable de chercher à avoir des enfants ; lorsqu'on est dans la vigueur de l'âge, et qu'on peut espérer d'en obtenir. Mais lorsqu'on atteint les limites d'une vieillesse presque épuisée et qu'on arrive à cet âge, où l'on est plus propre à élever des enfants qu'à les engendrer, il y a une espèce de honte pour une femme de porter les signes d'une fécondité bien que légitime, d'être chargée d'un fardeau qui convient à un autre âge, et d'une grossesse qui n'est plus de saison. Elle avait donc de la honte à cause de son âge ; nous pouvons comprendre par là qu'Elisabeth et Zacharie n'avaient plus ensemble les rapports qu'ont entre eux les époux ; car si elle n'avait pas eu de honte de remplir les devoirs du mariage jusque dans sa vieillesse, elle n'en aurait pas eu davantage de devenir mère. Cependant laissons-la rougir du poids de la maternité tant qu'elle ignore ce qu'elle a de mystérieux. Bientôt, celle qui se dérobait aux regards, parce qu'elle était devenue mère, commence à se glorifier, parce qu'elle porte un prophète dans son sein. - ORIG. (Chaîne des Pères grecs.) Aussi l'Évangéliste ajoute : " Elle se cachait pendant cinq mois, " c'est-à-dire jusqu'au temps où Marie elle-même conçut son divin fils, et que l'enfant d'Elisabeth, tressaillant de joie dans son sein, commença de remplir les fonctions de prophète. - S. AMB. Elle rougissait d'être mère à son âge, mais en même temps elle se réjouissait d'être délivrée de l'opprobre de la stérilité. " C'est là, disait-elle, la grâce que le Seigneur m'a faite, " etc. - S. CHRYS. (ou Orig.) C'est-à-dire il a fait cesser ma stérilité, en m'accordant un don qui dépasse les forces de la nature, et une pierre inféconde a produit des épis verdoyants, il m'a délivré de l'opprobre de la stérilité en me rendant mère, " dans les jours où il m'a regardée pour effacer mon opprobre d'entre les hommes. " - S. AMB. Car c'est une espèce de honte pour les femmes d'être privées du fruit de l'union des époux, puisqu'elles n'ont point d'autre raison de se marier. S. CHRYS. C'est donc pour Elisabeth une double joie d'être affranchie de l'opprobre de la stérilité, et de mettre au monde un enfant illustre ; car ce n'est pas ici comme pour les autres, l'union des époux seule, mais la grâce divine qui a été le principe de cette naissance.

BEDE. Dans un sens mystique, on peut dire que Zacharie représente le sacerdoce judaïque, et Elisabeth la loi, qui développée par les explications des prêtres devait engendrer à Dieu des enfants spirituels, mais qui restait impuissante et stérile, " parce que la loi n'a conduit personne à la perfection. " Tous deux étaient avancés en âge, parce qu'à la venue au Christ les hommes étaient pour ainsi dire courbés sous le poids des ans. Zacharie entre dans le temple, parce que c'est aux prêtres qu'il appartient de pénétrer dans le sanctuaire des mystères célestes. La multitude se tenait au dehors parce qu'elle ne peut pénétrer le secret des choses spirituelles. Tandis que Zacharie place l'encens sur l'autel, la naissance de Jean-Baptiste lui est révélée ; c'est en effet lorsque les docteurs sont embrasés du feu divin que renferment les saintes lettres qu'ils découvrent la grâce de Dieu qui se répand par Jésus-Christ ; c'est par un ange que ses mystères sont révélés, parce que " la loi a été donnée par le ministère des anges. " - S. AMBR. Le peuple tout entier devient comme muet dans la personne d'un seul, parce qu'il parlait à Dieu par l'intermédiaire d'un seul ; la parole de Dieu a passé aussi jusqu'à nous, et elle n'est point muette au milieu de nous : celui-là est muet qui ne comprend pas la loi. Pourquoi, en effet, celui qui ne peut émettre aucun son articulé vous paraîtrait-il plus muet que celui qui n'a aucune connaissance des saints mystères ? Le peuple juif ressemble à un homme qui fait des signes, lui qui ne peut rendre raison de ce qu'il fait. - BEDE. Et cependant Elisabeth conçoit Jean-Baptiste, parce que les secrètes profondeurs de la loi sont pleines des mystères de Jésus-Christ. Elle cache cette conception pendant cinq mois, parce que Moïse a renfermé dans ses cinq livres les mystères du Christ, ou parce que toute l'économie de la rédemption de Jésus-Christ a été figurée dans les cinq âges du monde par les paroles et les actions des saints.

vv. 26, 27.
BEDE. Comme l'incarnation du Christ devait avoir lieu dans le sixième âge du monde, ou bien devait être l'accomplissement de la loi, c'est avec raison que le sixième mois de la conception de Jean-Baptiste, un ange est envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance du Sauveur du monde : " Au sixième mois, " etc., dit l'Évangéliste. Par ce sixième mois, il faut entendre le mois de mars, et c'est le vingt-cinq de ce mois que, selon la tradition, Notre-Seigneur a été conçu et a souffert sa passion, comme aussi c'est le vingt-cinq du mois de décembre qu'il est né. Si nous admettons avec quelques auteurs que l'équinoxe du printemps a lieu le vingt-cinq mars, et le solstice d'hiver le vingt-cinq décembre, nous pouvons dire qu'il était convenable que l'accroissement du jour coïncidât avec la conception et la naissance de celui qui éclaire tout homme venant en ce monde. Si l'on prétend au contraire que même avant l'époque de la naissance et de la conception du Sauveur les jours commencent à croître, ou qu'ils sont plus longs que les nuits, nous dirons alors que Jean-Baptiste précédait l'avènement du Seigneur, et qu'il évangélisait déjà le royaume des cieux.

S. BAS. (sur Isaïe.) Les esprits célestes ne viennent pas à nous de leur propre mouvement, c'est Dieu qui les envoie lorsque notre utilité l'exige ; car leur occupation est de contempler l'éclat de la divine sagesse. " L'ange Gabriel fut envoyé, " etc. - S. GREG " (hom. 34 sur les Evang.) Ce n'est point un ange quelconque, mais l'archange Gabriel qui est envoyé à la Vierge Marie. Il n'appartenait, en effet, qu'au plus grand des anges de venir annoncer le plus grand des événements. L'Écriture lui donne un nom spécial et significatif, il se nomme Gabriel, qui veut dire force de Dieu. C'était donc à la force de Dieu qu'il était réservé d'annoncer la naissance du Dieu des armées, du fort dans les combats qui venait triompher des puissances de l'air. - LA GLOSE. L'Évangéliste désigne également le lieu où il est envoyé. " Dans la ville de Nazareth ; " car c'est le Nazaréen, c'est-à-dire le Saint des Saints, dont la naissance est annoncée. - BEDE. Dieu commence admirablement l'œuvre de notre réparation, en envoyant un ange à une vierge qu'un enfantement divin devait consacrer, parce que le démon aussi avait commencé l'oeuvre de notre perte en envoyant le serpent à la femme peur la séduire par l'esprit d'orgueil. " Il fut envoyé à une vierge. " - S. AUG. (de la sainte Vierg., chap. 15.) La virginité seule était digne d'enfanter celui qui, dans sa naissance, n'a pu avoir d'égal. Notre chef, par un miracle éclatant, devait naître d'une vierge selon la chair, et figurer ainsi que l'Église vierge donnerait à ses membres une naissance toute spirituelle. - S. JER. (serm. sur l'assomp.). C'est avec raison qu'un ange est envoyé à une vierge ; car la virginité a toujours été unie par des liens étroits avec les anges. En effet, vivre dans la chair, sans obéir aux inspirations de la chair, ce n'est pas la vie de la terre, c'est la vie du ciel.

S. CHRYS. (sur S. Matth., hom. 4.) L'ange n'attend pas que l'enfantement ait eu lieu pour en faire connaître le mystère à la Vierge, cet événement l'eût jetée dans le plus grand trouble. C'est avant la conception qu'il accomplit son message, et ce n'est point en songe, mais dans une apparition visible et solennelle, telle que l'exigeait avant l'accomplissement, l'importance de l'évènement qu'il venait lui annoncer.

S. AMB. L'Écriture établit clairement ces deux choses, qu'elle était épouse et vierge. " Elle était mariée, " etc. Vierge, ce qui la sépare de tout commerce avec un homme ; épouse, pour que sa virginité fût à l'abri de tout déshonneur, alors que sa grossesse aurait été pour tous un indice de corruption. Le Seigneur aima mieux en voir quelques-uns douter de sa naissance immaculée, que de la pureté de sa mère. Il savait combien l'honneur d'une vierge est délicat, combien sa réputation fragile, et il ne voulut pas que la foi à sa naissance miraculeuse s'élevât sur le déshonneur de sa mère. La virginité de Marie a donc été inviolable, dans l'opinion des hommes, comme elle l'était en elle-même. Il ne fallait pas laisser pour excuse aux vierges, dont la réputation est malheureusement douteuse, que la mère du Sauveur elle-même n'avait pas été à l'abri du soupçon et du déshonneur. Que pourrait-on reprocher aux Juifs aussi bien qu'à Hérode, s'ils n'avaient persécuté que le fruit de l'adultère ? Comment Jésus lui-même aurait-il pu dire : " Je ne suis point venu détruire la loi, mais l'accomplir, s'il eût commencé par une violation de la loi, la loi condamnant l'enfantement de toute personne non mariée. Rien, d'ailleurs, ne donne plus de créance aux paroles de Marie que ce mariage, et n'éloigne davantage tout soupçon de mensonge. Qu'elle fût devenue mère sans être mariée, elle eût paru vouloir couvrir sa faute sous le voile du mensonge ; étant mariée, au contraire, elle n'avait aucune raison de mentir, puisque la fécondité des épouses est tout à la fois la récompense et le privilège du mariage. Une raison non moins importante, c'est que la virginité de Marie mettait en défaut le prince du monde ; en la voyant engagée dans les liens du mariage, il ne pouvait avoir aucun soupçon de son enfantement virginal. - ORIG. (hom. 6.) Supposez-la, au contraire, non mariée, aussitôt cette pensée secrète fût venue au démon : Comment celle qui n'a point d'époux, est-elle devenue mère ? Cette conception doit être divine, il y a ici quelque chose de supérieur à la nature humaine. - S. AMB. Mais ce mariage déjoua bien plus encore toutes les pensées des princes de la terre ; car la malice des démons pénètre facilement dans le secret des choses cachées ; mais ceux qui sont plongés dans les préoccupations du monde sont incapables de comprendre les choses divines. Disons encore que nous avons ainsi un témoin plus fidèle et plus sûr de la virginité de Marie dans la personne de son époux, qui pouvait, et se plaindre de l'outrage qui lui était fait, et en poursuivre le châtiment, s'il n'eût connu le mystère de cet enfantement. " Il s'appelait Joseph, dit l'Évangéliste, et il était de la maison de David. " - BEDE. Ces paroles sont vraies à la fois et de Joseph, et de Marie ; car aux termes de la loi, chacun devait prendre femme dans sa tribu, ou dans sa famille. " Et cette vierge s'appelait Marie. " Marie, en hébreu, signifie étoile de la mer, et en syriaque, maîtresse, noms qui conviennent parfaitement à Marie qui a enfanté le Maître du monde, et la lumière éternelle des siècles.

vv. 28, 29.
S. AMB. Reconnaissez la Vierge à ses moeurs. Elle est seule dans l'intérieur de sa demeure, loin de tous les regards des hommes, un ange seul peut arriver jusqu'à elle : " L'ange étant entré où elle était, " etc. Il ne faut point qu'elle soit déshonorée par une conversation indigne d'elle, c'est un ange qui est chargé de la saluer. - S. GREG. DE NYSSE. (disc. sur la Nativ.) Le discours qu'il lui adresse est opposé à celui que la première femme entendit autrefois. Pour Eve l'enfantement dans la douleur fut la juste punition de son péché ; pour Marie, la tristesse fait place à la joie, et l'ange lui annonce le sujet d'une joie bien légitime, en lui disant : " Je vous salue. " Il ajoute : " Pleine de grâce, " et il proclame ainsi qu'elle est digne de l'union qu'il vient lui annoncer. Car cette plénitude de grâce est comme la dot destinée à son époux ; en effet, les paroles de l'ange conviennent tour à tour, les unes à l'épouse, les autres à l'époux. - S. JER. (serm. sur l'Assomp.) Oui elle est pleine de grâce, car la grâce n'est donnée aux autres créatures que partiellement et avec mesure ; Marie l'a reçue toute entière et dans sa plénitude. Oui, elle est vraiment pleine de grâce, elle par qui toute créature a été inondée des eaux abondantes de l'Esprit saint. Celui qui avait envoyé son ange à cette divine Vierge était déjà avec elle, le Seigneur avait précédé son ambassadeur ; et le Dieu qui remplit tout de son immensité, ne pouvait être retenu par la distance des lieux : " Le Seigneur est avec vous. " - S. AUG. (serm. 14 sur la Nativ. du Seig.) Il est avec vous plus qu'il n'est avec moi ; car il est lui-même dans votre coeur, il s'incarne dans vos entrailles, il remplit votre âme, il remplit votre sein. - GREC. (ou Géom., Chaîne des Pères grecs.) C'est là le complément de l'ambassade céleste, le Verbe de Dieu contracte comme un époux une union incompréhensible à la raison ; engendrant tout à la fois et engendré, il s'associe intimement toute la nature humaine. Les dernières paroles de l'ange sont le couronnement et l'abrégé de tout ce qui précède : " Vous êtes bénie entre les femmes, " c'est-à-dire seule entre toutes les femmes ; par là même toutes les femmes seront bénies en vous, comme tous les hommes en votre Fils, ou plutôt les uns et les autres seront bénis en vous deux. En effet, c'est par une femme et un homme que le péché et la douleur sont entrés dans le monde ; c'est aussi par une femme et par un homme que la bénédiction, que la joie sont appelées et répandues sur toute créature.
S. AMB. Reconnaissez encore la Vierge à sa pudeur ; elle fut alarmée : " Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée. " C'est le propre des vierges d'être accessible à la crainte, de trembler à l'approche d'un homme, de redouter tout entretien avec lui. Apprenez de là, ô vierges, à éviter toute licence dans vos paroles, puisque Marie redoute la salutation d'un ange. - GREC. (ou Géom.) Comme ces visions du ciel lui étaient familières, ce n'est point à la vision elle-même, mais aux paroles de l'ange que l'Évangéliste attribue son trouble : " Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée. " Remarquez encore tout à la fois la pudeur et la prudence de cette divine Vierge, les sentiments de son âme, les paroles qui sortent de sa bouche. Elle entend parler de joie, de bonheur, elle examine ce qu'on lui dit, elle ne résiste pas ouvertement par incrédulité, elle ne croit pas aussitôt à la légère, elle évite à la fois la légèreté d'Eve, et l'obstination de Zacharie : " Et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. " Car elle ignorait encore la grandeur du mystère qui allait s'accomplir en elle. Cette salutation est-elle inspirée par la passion, comme serait celle d'un homme à une vierge ? Ou bien est-elle divine, puisqu'on fait intervenir le nom même de Dieu : " Le Seigneur est avec vous. " - S. AMB. Elle s'étonne aussi de cette nouvelle formule de bénédiction inusitée jusque-là ; car elle était réservée à Marie seule. - ORIG. (hom. 6.) Si par la connaissance qu'elle avait de la loi, elle eût su qu'un autre avant elle eût été l'objet d'un semblable discours, elle n'en eût point été effrayée, comme d'une chose extraordinaire.

v. 30-33.
BEDE. L'ange, voyant la Vierge troublée par cette salutation étrange pour elle, l'appelle par son nom, comme s'il la connaissait plus familièrement, et l'engage à déposer tout sentiment de crainte. " Et l'ange lui dit : Ne craignez pas, Marie, " etc. - GREC. (Photius, Chaîne des Pères grecs.) Comme s'il disait : Je ne suis point venu pour vous tromper, mais pour apporter le pardon de l'ancienne déception, je ne viens point non plus porter atteinte à votre inviolable virginité, mais préparer en vous une demeure à l'auteur, au gardien de toute pureté ; je ne suis pas l'envoyé du serpent, mais l'ambassadeur de celui qui détruit son empire, je viens non vous tendre un piége, mais traiter de l'union mystérieuse que Dieu veut contracter avec vous. Il ne veut pas la laisser en proie à des pensées inquiétantes, pour sauver l'honneur de la mission divine qu'il vient remplir. - S. CHRYS. (Chaîne des Pères grecs.) Celui qui mérite de trouver grâce aux yeux de Dieu, n'a rien à craindre. " Vous avez, lui dit-il, trouvé grâce devant Dieu. " Comment chacun peut-il à son tour trouver grâce devant Dieu ? par l'humilité ; car c'est aux humbles que Dieu donne sa grâce. (Jc 4 et 1 P 5) - GREC. (ou Photius.) Cette Vierge sainte a trouvé grâce devant Dieu, parce que l'éclat de sa chasteté qui était le plus bel ornement de son âme, en a fait une demeure agréable à Dieu ; et que non seulement elle a gardé une virginité perpétuelle, mais a conservé son âme pure de toute tache. - ORIG. (Chaîne des Pères grecs.) Plusieurs avant elle, avaient trouvé grâce devant Dieu : aussi l'ange ajoute ce qui lui est exclusivement propre : " Voilà que vous concevrez dans votre sein. " Cette expression voilà indique la rapidité, l'actualité de l'opération divine, la conception a lieu au moment même où il parle. - SEV. ANT. " Vous enfanterez dans votre sein, " paroles qui démontrent que Notre-Seigneur a pris dans le sein virginal une chair semblable à notre chair. En effet, le Verbe divin venait purifier à la fois la nature humaine, notre naissance, l'origine de notre génération ; il a donc, à l'exception du péché et du concours de l'homme, été conçu comme nous dans la chair, et porté neuf mois dans le sein de sa mère. - GREG. Nyss. (ou Géom., Chaîne des Pères grecs.) Mais comme il en est qui conçoivent l'esprit divin et enfantent l'esprit du salut, selon l'expression du prophète, l'ange ajoute " Et vous enfanterez un Fils. " - S. AMB. Il en est peu qui, comme Marie, enfantent le Verbe qu'ils ont conçu par la grâce de l'Esprit saint. Il en est qui rejettent au dehors le Verbe à peine conçu, et qui ne l'enfantent jamais ; il en est qui portent Jésus-Christ dans leur sein, mais sans que jamais il arrive à être formé dans leur coeur.
GREG. Nyss. (disc. pour la Nativ. du Seig.) L'attente de leur délivrance inspire ordinairement aux femmes de vives craintes, aussi l'ange calme ces appréhensions par les charmes de l'enfantement qu'il annonce : " Et vous l'appellerez Jésus. " L'avènement d'un Sauveur suffit pour dissiper tout sentiment de crainte. - BEDE. Le nom de Jésus signifie Sauveur ou salutaire. - GREC. L'ange dit à Marie : " C'est vous qui lui donnerez ce nom, et non pas son père ; car il n'a point de père dans sa génération temporelle, comme il n'a point de mère dans sa génération divine. - S. CYR. Ce nom fut un nom nouveau donné au Verbe de Dieu et parfaitement en rapport avec sa naissance selon la chair, selon cette parole du prophète : " On vous appellera d'un nom nouveau, que la bouche du Seigneur vous donnera. " - GREC. (ou Géom.) Mais comme ce nom lui était commun avec le successeur de Moïse, l'ange fait ressortir la différence qui les sépare en ajoutant : " Il sera grand. " - S. AMBR. Il a été dit aussi de Jean-Baptiste qu'il serait grand, mais d'une grandeur humaine, tandis que Jésus sera grand d'une grandeur toute divine ; car la puissance. de Dieu se répand au loin, et la grandeur de la substance divine s'étend au delà de tous les espaces connus. Elle n'est limitée par aucun lieu, elle est incompréhensible à l'esprit humain, supérieure à toutes nos pensées, inaccessible aux variations des temps. - ORIG. (hom. 6.) Admirez donc la grandeur du Sauveur Jésus, comme elle est répandue par tout l'univers. Montez dans les cieux, elle y remplit tout de sa présence ; descendez par la pensée dans les abîmes, vous verrez qu'elle vous y a précédé. A cette vue, reconnaissez l'accomplissement de cette prédiction : " Il sera grand. "

GREC. (ou Photius, comme précéd.) Et ne croyez pas que l'incarnation du Fils de Dieu porte la moindre atteinte à la majesté divine, au contraire, elle élève jusqu'aux cieux notre pauvre humanité : " Et il sera appelé, dit l'ange, le Fils du Très-Haut. " Ce n'est pas vous qui lui donnerez ce nom : " Il sera appelé, " et par qui donc, si ce n'est par son Père qui lui est consubstantiel ? Celui-là seul qui a la connaissance parfaite de son fils, peut seul aussi lui donner le nom qui lui convient, ce qu'il fait quand il dit : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé. " Il l'est de toute éternité, bien que ce nom ne nous ait été révélé que dans le temps pour notre instruction ; aussi l'ange dit : " Il sera appelé, " et non pas, il deviendra, ou il sera engendré ; car avant tous les siècles il était consubstantiel à son Père. Celui donc que l'immensité des cieux ne peut contenir, c'est lui que vous concevrez, c'est lui dont vous deviendrez la mère, c'est lui que votre sein virginal va renfermer. - S. CHRYS. (Chaîne des Pères grecs.) Il en est qui regardent comme souverainement étrange, inconvenant même que Dieu fasse son habitation d'un corps mortel. Mais est-ce que le soleil qui est un corps sensible, et qui pénètre tout de ses rayons, voit pour cela s'obscurcir soit éclat ? A plus forte raison le soleil de justice, en prenant un corps très-pur dans le sein d'une vierge, ne perd rien de sa pureté ; bien loin de là, il ajoute à la pureté, à la sainteté de sa mère.

GREC. (ou Sév. d'Ant., Ch. des Pères grecs.) L'ange voulant rappeler au souvenir de Marie les oracles des prophètes, ajoute : " Et Dieu lui donnera le trône de David, " etc., afin qu'elle sache à n'en pouvoir douter, que celui dont elle deviendra la mère, c'est le Christ qui, selon les prophètes, devait naître de la race de David. - S. CYR. (Chaîne des Pères grecs.) Toutefois, gardons-nous de croire que le corps très-pur de Jésus-Christ soit l'oeuvre de Joseph ; mais tous deux descendaient des mêmes ancêtres, Joseph et Marie, dans le sein de laquelle le Fils de Dieu s'est revêtu de notre humanité. - S. BAS. (à Amphiloch.) Ce n'est point sur le trône temporel de David que le Seigneur s'est assis, puisque le gouvernement du peuple juif était passé aux mains d'Hérode ; le trône de David, dont le Seigneur s'est mis en possession, c'est son royaume immortel. Aussi voyez ce qui suit : " Et il régnera sur la maison de Jacob éternellement, " etc. - S. CHRYS. (hom. 7 sur S. Matth.) La maison de Jacob dont il est ici question sont ceux d'entre les Juifs qui ont cru en lui. Car comme dit saint Paul : " Tous ceux qui descendent d'Israël, ne sont pas pour cela Israélites…, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés être les enfants d'Abraham. " (Rm 11.) Ou bien encore, la maison de Jacob, c'est toute l'Église, qui est sortie d'une bonne racine, ou qui, d'olivier sauvage qu'elle était, a été greffée sur l'olivier franc par le mérite de sa foi. - GREC. (ou Géom.) A Dieu seul il appartient de régner éternellement ; aussi, bien que l'ange déclare qu'il prendra possession du trône de David par suite de son incarnation, en tant que Dieu, il est le roi éternel des siècles. " Et son royaume n'aura point de foi. " Non seulement comme Dieu, mais aussi en tant qu'il est homme ; dans le temps présent, il règne sur un grand nombre, à la fin des siècles, son empire s'étendra sur tous sans exception, lorsque toutes choses lui seront soumises. - BEDE. Que Nestorius cesse donc de dire que l'homme seul est né de la Vierge, et qu'en Jésus-Christ l'homme n'a point été uni au Verbe de Dieu en unité de personne ; car l'ange proclame Fils du Très-Haut, celui-là même qu'il déclare être le Fils de David, et démontre ainsi qu'en Jésus-Christ, il n'y a qu'une seule personne en deux natures. S'il parle au futur, ce n'est pas, comme le disent les hérétiques, que le Christ n'ait pas existé avant Marie, mais parce qu'il a reçu le nom de Fils lorsque l'homme, uni à Dieu, n'a plus formé qu'une seule personne.


vv. 34, 35.
S. AMBR. Marie ne devait point refuser de croire aux paroles de l'ange, elle ne devait point non plus accepter témérairement les prérogatives divines qu'il lui annonçait. Que fait-elle ? " Or, Marie dit à l'ange : Comment cela se fera-t-il ? " question bien plus mesurée que celle du prêtre Zacharie. " Comment cela se fera-t-il ; " demande Marie ; à quoi connaîtrai-je la vérité de ce que vous m'annoncez, " dit Zacharie. il refuse donc de croire ce qu'il déclare ne pas comprendre, et il demande pour appuyer sa foi d'autres motifs de crédibilité. Marie, au contraire, se rend aux paroles de l'ange, elle ne doute nullement de leur accomplissement, elle n'est inquiète que de la manière dont elles s'accompliront. Elle avait lu dans les prophètes : " Voici qu'une vierge concevra et enfantera un fils, " elle croit donc. à l'accomplissement de cette prophétie ; mais elle n'avait pas lu comment elle s'accomplirait, car Dieu ne l'avait pas révélé même au premier des prophètes ; ce n'était pas à un homme, mais à un ange, qu'il était réservé de faire connaître un si grand mystère.

S. GRÉG. DE NYSSE. (disc. sur la Nativ. du Seig.) Considérez encore les paroles de cette Vierge si pure. L'ange lui prédit qu'elle enfantera, elle s'attache à sa virginité, la conservation de sa chasteté est à ses yeux d'un plus grand prix que l'apparition miraculeuse de l'ange. Aussi entendez-la dire : " Je ne connais point d'homme. " - S. BAS. (Chaîne des Pères grecs.) Le mot connaître est susceptible de plusieurs sens. On appelle connaissance, la science de Dieu notre créateur, la notion que nous avons de ses perfections et des voies qui mènent à lui, l'observation de ses commandements, et aussi les rapports des époux entre eux, et c'est dans ce dernier sens qu'il faut l'entendre ici. - S. GREG. DE NYSSE. (comme précéd.) Ces paroles de Marie nous dévoilent les pensées les plus intimes de son âme ; car si elle eût épousé Joseph pour la fin qu'on se propose dans tout mariage, pourquoi cet étonnement, lorsqu'on lui parle de conception ? puisqu'elle pouvait s'attendre à devenir mère un jour selon les lois de la nature. Mais il fallait conserver dans toute sa pureté ce chaste corps qui avait été offert à Dieu comme une chose sacrée, aussi dit-elle à l'ange : " Je ne connais point d'homme. " Comme si elle lui disait : Vous êtes un ange, cependant c'est pour vous chose naturellement impossible à savoir que je ne connais point d'homme ; comment donc deviendrai-je mère sans avoir d'époux, puisque je reconnais Joseph pour mon époux ?
GREC. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr.) Considérez comment l'ange lève le doute de la Vierge, et lui explique la chaste union et l'enfantement ineffable qui doit la suivre : " Et l'ange lui répondit : L'Esprit saint surviendra en vous, " etc. - S. CHRYS. (hom. 49 sur la Genèse.) Ne semble-t-il pas lui dire : Ne cherchez pas les lois de la nature, là où la nature est dépassée par la sublimité des choses que je vous annonce ? Vous dites : " Comment cela se fera-t-il, parce que je ne connais point d'homme ? " Et c'est justement parce que vous êtes demeurée vierge vis-à-vis de votre époux, que ce mystère doit s'accomplir en vous ; car si vous étiez une épouse ordinaire, Vous n'en auriez pas été jugée digne ; non pas, sans doute, que le mariage soit une chose profane aux yeux de Dieu, mais parce que la virginité lui est supérieure. Il convenait, en effet, que le Seigneur de tous les hommes eût avec nous, dans sa naissance, des rapports de conformité, comme aussi des traits de dissemblance. Il naît du sein d'une femme, et en cela il nous est semblable ; mais il naît en dehors des lois des conceptions ordinaires, et par là il nous est supérieur. - S. GREG. DE NYSSE. (comme précéd.) Bienheureux ce corps qui, par suite de l'incomparable pureté de Marie, a mérité d'être intimement uni à l'Esprit saint ; dans les autres, à peine si une âme pure mérite la présence de ce divin esprit ; ici c'est la chair elle-même qui devient son tabernacle. (Et dans le liv. de la vie de Moïse ou de la vie parf.) Ces tables de notre nature que le péché avait brisées, le vrai législateur les taille et les façonne de nouveau avec notre terre ; il prend, sans union charnelle, un corps capable d'être uni à sa divinité, et que le doigt de Dieu lui-même a sculpté, c'est-à-dire l'Esprit saint qui est survenu dans la Vierge. (Dans le disc. sur la nativ. du Christ.) " Et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. " La vertu du Très-Haut c'est le Christ lui-même qui est formé dans le sein de Marie par la venue de l'Esprit saint. - S. GREG. (Moral., 18, 12.) Ces paroles : " Vous couvrira de son ombre, " signifient les deux natures du Dieu incarné ; car l'ombre est le résultat de la lumière et de l'interposition d'un corps. Or, le Seigneur est lumière par sa divinité, et comme cette lumière incorporelle devait se revêtir d'un corps dans le sein de Marie, l'ange lui dit avec raison : " La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, " c'est-à-dire le corps de l'humanité qui est en vous, recevra la lumière incorporelle de la divinité. Ces paroles peuvent aussi s'entendre des consolations célestes que Dieu devait répandre dans son âme. - BEDE. Ce n'est donc point par le concours de l'homme que vous n'avez jamais connu, que vous concevrez, mais par l'opération de l'Esprit saint dont vous serez toute remplie, et vous demeurerez inaccessible aux ardeurs de la concupiscence, parce que le Saint-Esprit vous couvrira de son ombre. - S. GREG. DE NYSSE. (comme précéd.) " La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. " L'ombre d'un corps est produite par un objet préexistant, et reçoit de lui sa forme, ainsi les preuves de la divinité de son Fils éclateront dans la vertu miraculeuse de sa génération. Car de même que la matière corporelle qui est en nous, possède une vertu vivifiante qui sert à former l'homme ; ainsi la vertu du Très-Haut, par l'opération de l'Esprit vivificateur, a pris dans le corps virginal de Marie la partie de matière qui devait servir à former l'homme nouveau. C'est ce qu'indiquent les paroles suivantes : " C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous, sera appelé le Fils de Dieu. " - S. ATHAN. (lettre contre les hérétiq. à Epict.) Nous faisons profession de croire que le corps du Sauveur, formé des éléments matériels de la nature humaine, a été un véritable corps, de même nature que le nôtre ; car Marie est notre soeur, puisque tous, comme elle, nous sommes descendus d'Adam. - S. BAS. (de l'Esprit saint, chap. 5.) Voilà pourquoi saint Paul dit : Dieu a envoyé son Fils né d'une femme, il ne dit point par le moyen d'une femme, mais d'une femme ; car cette expression : par une femme aurait pu donner l'idée d'une génération qui ne serait qu'un passage, tandis que ces paroles : né d'une femme établissent clairement l'identité de nature entre le fils et la mère.

S. GRÉG. (Mor., 18, 27.) L'ange déclare que Jésus sera saint dès sa naissance, mais d'une sainteté toute différente de la nôtre. En effet, nous pouvons acquérir la sainteté ; mais nous ne la possédons pas dès notre naissance, enchaînés que nous sommes dans les liens d'une nature sujette à la corruption, ce qui nous fait dire avec le prophète (Ps 50) : " Voilà que j'ai été conçu dans l'iniquité, " etc. Celui-là seul est véritablement saint, dont la conception n'est pas la suite d'une union charnelle ; qui n'est point autre dans son humanité, autre dans sa divinité, comme le rêvent les hérétiques, qui n'a point commencé par être simplement un homme dans sa conception, dans sa naissance, et mérité ensuite de devenir Dieu ; mais qui, aussitôt que l'ange eut parlé, et que l'Esprit saint fut survenu, fut le Verbe descendu dans le sein de Marie, et immédiatement le Verbe fait chair dans ses chastes entrailles. C'est ce que prouvent les paroles suivantes : " Il sera appelé le Fils de Dieu. "
GREC. (Ch. des Pèr. gr.) Considérez comment l'ange, parlant à Marie, fait intervenir toute la Trinité, en mentionnant distinctement l'Esprit saint, le Verbe et le Très-Haut ; car la Trinité est indivisible.

vv. 36-38.
S. CHRYS. (Hom. 49 sur la Genèse.) Le langage que l'ange avait tenu jusqu'alors à Marie était au-dessus de son intelligence ; il descend donc à des choses plus accessibles, et cherche à la persuader par des faits extérieurs et sensibles : " Et voici qu'Elisabeth, votre cousine. " Remarquez l'à propos et la convenance de ces paroles. Gabriel ne rappelle pas à Marie les exemples de Sara, ou de Rébecca, ou de Rachel, ils étaient trop anciens ; il lui cite un fait tout récent, pour produire en elle une conviction assurée, Dans ce même dessein il fait ressortir et l'âge et l'impuissance de la nature : " Elle a conçu aussi elle-même un fils dans sa vieillesse. " Il ajoute : " Et c'est ici le sixième mois, " etc. Il ne lui a point appris dès le commencement la conception d'Elisabeth, mais après six mois écoulés, afin que les signes visibles de sa grossesse fussent une preuve de la vérité de ses paroles. - S. GREG. de Naz. (Ch. des Pèr. gr., de ses poésies.) Vous me demanderez peut-être : Comment le Christ descend-il de David ? Marie est évidemment de la famille d'Aaron, puisqu'au dire de l'ange, elle est la cousine d'Elisabeth il faut voir ici l'effet d'un dessein providentiel de Dieu, qui voulait unir le sang royal à la race sacerdotale, afin que Jésus-Christ, qui est à la fois prêtre et roi, eût aussi pour ancêtres, selon la chair, les prêtres et les rois. Nous lisons aussi dans l'Exode, qu'Aaron a pris, dans la tribu de Juda, une épouse du nom d'Elisabeth, fille d'Aminadab. Et voyez combien est admirable la conduite providentielle de l'Esprit de Dieu, en permettant que l'épouse de Zacharie s'appelât aussi Elizabeth, pour nous rappeler ainsi l'épouse d'Aaron qui portait également ce nom d'Elisabeth.
BEDE. Pour faire disparaître toute défiance dans l'esprit de la Vierge sur la vérité de son enfantement, l'ange lui cite l'exemple d'une femme stérile qui enfantera dans sa vieillesse, elle apprendra ainsi que tout est possible à Dieu, même ce qui paraît le plus contraire aux lois de la nature ; car, ajoute-t-il : " Rien n'est impossible à Dieu. " - S. CHRYS. (Chaîne des Pèr. gr.) Il est le souverain Maître de la nature, il peut donc tout ce qu'il veut, lui qui fait et dispose toutes choses, et qui tient dans ses mains les rênes de la vie et de la mort. - S. AUG. (contr. Faust., 26, 5.) Il en est qui tiennent ce langage : Si Dieu est tout-puissant, qu'il fasse que les choses qui ont existé n'aient pas existé. Ils ne voient pas que ce langage revient à dire Qu'il fasse que les choses qui sont vraies, par là même qu'elles sont vraies soient fausses. Dieu sans doute peut faire que ce qui existait n'existe plus, c'est ainsi que par un acte de sa puissance, celui qui a reçu l'existence en naissant, la perd en mourant. Mais qui pourra dire que Dieu ôte l'existence à ce qui ne l'a déjà plus ? Car tout ce qui est passé a cessé d'exister ; si dans ce qui est passé il y a encore quelques éléments d'existence, ces éléments existent réellement, et s'ils existent, comment sont-ils passés ? Quand nous affirmons en vérité qu'une chose a existé, elle n'existe donc plus, elle existe dans notre pensée et non dans la chose elle-même qui a cessé d'être ; or Dieu ne peut faire que cette affirmation soit fausse. Nous disons que Dieu est tout-puissant, mais non pas dans ce sens que nous pensions qu'il puisse mourir. Celui-là seul peut être appelé sans restriction tout-puissant, qui existe véritablement et de qui seul tout ce qui existe reçoit l'être et la vie.

S. AMBR. Voyez l'humilité de la Vierge, voyez sa religion : " Alors Marie lui dit : Voici la servante du Seigneur. " Elle se proclame la servante du Seigneur, elle qui est choisie pour être sa mère ; elle ne conçoit aucun orgueil d'une promesse aussi inespérée ; elle devait enfanter celui qui est doux, humble par excellence, elle devait elle-même donner l'exemple de l'humilité. En se proclamant d'ailleurs la servante du Seigneur, elle ne s'attribue d'autre part dans cette grâce si extraordinaire, que de faire ce qui lui était ordonné ; c'est pour cela qu'elle ajoute : " Qu'il me soit fait selon votre parole ; " vous avez vu son obéissance, vous voyez la disposition de son coeur : " Voici la servante du Seigneur ; " c'est la préparation à remplir son devoir : " Qu'il me soit fait selon votre parole, " c'est l'expression de son désir. - EUSEBE. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr.) Chacun célébrera à sa manière les vertus qui éclatent dans ces paroles de la Vierge ; l'un admirera son assurance et sa fermeté, l'autre la promptitude avec laquelle elle obéit, un autre qu'elle n'ait point été éblouie par les promesses magnifiques et sublimes du premier des archanges, un autre enfin qu'elle n'ait point porté trop loin la résistance ; elle s'est tenue également en garde et contre la légèreté d'Eve et contre la désobéissance de Zacharie. Pour moi, sa profonde humilité ne me paraît pas moins digne d'admiration. - S. GREG. Par un mystère vraiment ineffable, la même Vierge dut à une conception sainte et à un enfantement virginal d'être la servante du Seigneur, et sa mère selon la vérité, des deux natures.

vv. 39-46.
BEDE. Aussitôt que l'ange a obtenu le consentement de la Vierge, il remonte vers les cieux : " Et l'ange s'éloigna d'elle. " - EUSEBE. (vel Geometer, ubi sup.) Il la quitte non seulement satisfait d'avoir obtenu ce qu'il désirait, mais plein d'admiration pour la perfection de cette divine Vierge et pour la sublimité de sa vertu.

S. AMBR. L'ange qui annonçait à Marie des choses aussi mystérieuses, lui donne pour affermir sa foi, l'exemple d'une femme stérile qui était devenue mère. A cette nouvelle, Marie s'en va vers les montagnes de Judée. Quoi donc ? Est-ce qu'elle ne croit point aux paroles de l'ange ? est-ce qu'elle n'est point certaine de la divinité de son message ? Est-ce qu'elle doute de l'exemple qu'il lui donne ? non, c'est un saint désir qui la transporte, c'est un sentiment religieux du devoir qui la pousse, c'est une joie divine qui lui inspire cet empressement " Marie partit et s'en alla dans les montagnes, " etc. Toute remplie de Dieu qu'elle est, où pourrait-elle diriger ses pas, si ce n'est vers les hauteurs. - ORIG. (hom. 7.) Jésus qu'elle portait dans son sein, avait hâte lui-même d'aller sanctifier Jean-Baptiste, qui était encore dans le sein de sa mère : " Elle s'en alla en toute hâte, " etc. - S. AMBR. La grâce de l'Esprit saint ne connaît ni lenteurs ni délais. Apprenez de la Vierge chrétienne à ne point vous arrêter sur les places publiques et à ne prendre aucune part aux conversations qui s'y tiennent. - THEOPHYL. Elle va vers les montagnes, parce que c'est là qu'habitait Zacharie : " En une ville de Juda, et elle entra dans la maison de Zacharie. " - S. AMBR. Apprenez aussi, femmes chrétiennes, les soins empressés que vous devez à vos parentes, lorsqu'elles sont sur le point d'être mères. Voyez Marie, elle vivait seule auparavant dans une profonde retraite, aujourd'hui ni la pudeur naturelle aux vierges ne l'empêche de paraître en public, ni les montagnes escarpées n'arrêtent son zèle, ni la longueur du chemin ne lui fait retarder le bon office qu'elle va rendre à sa cousine. Vierges de Jésus-Christ, apprenez encore quelle fut l'humilité de Marie. Elle vient vers sa parente, elle vient, elle la plus jeune, visiter celle qui est plus âgée, et non seulement elle la prévient, mais elle la salue aussi la première : " Et elle salue Elisabeth. " En effet, plus une vierge est chaste, plus aussi son humilité doit être grande, plus elle doit avoir de déférence pour les personnes plus âgées ; celle qui fait profession de chasteté, doit aussi être maîtresse en humilité. Il y a encore ici un motif de charité, le supérieur vient trouver son inférieur pour lui venir en aide, Marie vient visiter Elisabeth, Jésus-Christ, Jean-Baptiste. - S. CHRYS. (sur. Matth., hom. 4.) Disons encore que Marie cachait avec soin ce que l'ange lui avait dit, et ne le découvrait à personne ; elle savait qu'on n'ajouterait point foi à un récit aussi merveilleux, et elle craignait qu'il ne lui attirât des outrages, et qu'on ne l'accusât de vouloir ainsi pallier son crime et son déshonneur. - GREC. (Géom., comme précéd.) C'est près d'Elisabeth seule qu'elle va se réfugier ; elle avait coutume d'en agir ainsi à cause de sa parenté qui les unissait, et plus encore à cause de la conformité de leurs sentiments et de leurs moeurs.

S. AMBR. Les bienfaits de l'arrivée de Marie et de la présence du Seigneur se font immédiatement sentir : " Aussitôt qu'Elisabeth eut entendu la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit, " etc. Remarquez ici la différence et la propriété de chacune des paroles de l'auteur sacré. Elisabeth entendit la voix la première, mais Jean ressentit le premier l'effet de la grâce ; elle entendit d'après l'ordre naturel, mais Jean tressaillit par suite d'une action toute mystérieuse ; l'arrivée de Marie se fait sentir à Elisabeth, la venue du Seigneur à Jean-Baptiste. - GREC. (ou Géom., comme précéd.) Le prophète voit et entend plus clairement que sa mère, il salue le prince des prophètes, et au défaut de la parole qui lui manque, il tressaille dans le sein de sa mère (ce qui est le signe le plus expressif de la joie) ; mais qui jamais a ressenti ces tressaillements de la joie avant sa naissance ? La grâce produit, des effets inconnus à la nature : le soldat renfermé dans les entrailles de sa mère reconnaît son Seigneur et son roi dont la naissance approche, l'enveloppe du sein maternel n'est point un obstacle à cette vision mystérieuse ; car il le voit non des yeux ou du corps, mais des yeux de l'âme. - ORIG. (Ch. des Pèr. gr.) Il ne fut pas rempli de l'Esprit saint avant l'arrivée de celle qui portait Jésus-Christ dans son sein, et c'est au même instant qu'il en fut rempli et qu'il tressaillit dans les entrailles de sa mère : " Et Elisabeth fut remplie de l'Esprit saint. " Nul doute qu'Elizabeth n'ait dû à son fils d'avoir été elle-même remplie de l'Esprit saint.

S. AMBR. Elisabeth s'était dérobée aux regards du monde du moment qu'elle avait conçu un fils, elle commence à se produire, glorieuse qu'elle est de porter dans son sein un prophète ; elle éprouvait alors une espèce de honte, maintenant elle bénit Dieu : " Et s'écriant à haute voix, elle dit : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, " elle s'écrie à haute voix, aussitôt qu'elle ressent l'arrivée du Seigneur, parce qu'elle crut à la divinité de l'enfantement de Marie. - ORIG. (Ch. des Pèr. qr.) Elle lui dit " Vous êtes bénie entre toutes les femmes ; elle est la seule qui ait reçu et qui ait pu recevoir une si grande abondance de grâce, car elle seule est la mère d'un enfant divin. - BEDE. Elisabeth la bénit dans les mêmes termes que l'ange Gabriel, pour montrer qu'elle est digne de la vénération des anges et des hommes. - THEOPHYL. Mais les siècles précédents avaient vu d'autres saintes femmes qui ont donné le jour à des enfants souillés par le péché ; elle ajoute donc : " Et le fruit de vos entrailles est béni. " Ou dans un autre sens elle venait de dire : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes ; " elle en donne maintenant la raison comme si quelqu'un la lui demandait : " Et le fruit de vos entrailles est béni, " etc., c'est ainsi que nous lisons dans le psaume 117 : " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est le vrai Dieu, et il a fait paraître sa lumière sur nous, " car suivant l'usage de l'Écriture, et a le même sens que parce que. - ORIG. Elle appelle le seigneur le fruit des entrailles de la mère de Dieu, parce qu'il n'a point un homme pour père, et qu'il est né de Marie seule, car ceux qui sont nés d'un père mortel, sont considérés comme ses fruits. - GREC. (ou Géom.) C'est donc ici le seul fruit vraiment béni, parce qu'il a été produit sans le concours de l'homme et l'influence du péché. - BEDE. C'est ce fruit que Dieu promettait à David en ces termes : " J'établirai sur votre trône le fruit de vos entrailles. " -EUSEBE. Le Christ est le fruit des entrailles de Marie, cette vérité suffit pour détruire l'hérésie d'Eutychès : car tout fruit est de même nature que la plante ; par une conséquence nécessaire, la Vierge est donc de même nature que le nouvel Adam qui vient effacer les péchés du monde. Que ceux qui se forment l'idée d'une chair fantastique en Jésus-Christ, rougissent de leur opinion en considérant l'enfantement véritable de la mère de Dieu, car le fruit provient de la substance même de l'arbre. Où sont encore ceux qui osent dire que le Christ n'a fait que passer dans la Vierge comme par un canal. Qu'ils apprennent de ces paroles d'Elisabeth remplie de l'Esprit saint, que le Sauveur est le fruit des entrailles de Marie.

" D'où me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? " - S. AMBR. Ce n'est point par ignorance qu'elle parle ainsi, elle sait que c'est la grâce et l'action de l'Esprit saint qui ont porté la mère du Seigneur à venir saluer la mère du prophète pour la sanctification de son enfant, mais elle reconnaît hautement qu'elle n'a pu mériter cette grâce, et que c'est un don purement gratuit de la miséricorde divine : " D'où me vient cet honneur ? " c'est-à-dire, à quelles oeuvres de justice, à quelles actions, à quelles vertus en suis-je redevable ? - ORIG. (Ch. des Pèr. gr.) Elisabeth partage ici les sentiments de son fils, car Jean lui-même se sentait indigne que Jésus-Christ descendît jusqu'à lui. En proclamant mère du Seigneur Marie, qui était vierge, elle anticipe sur l'événement par une inspiration prophétique. Reconnaissons ici une disposition toute providentielle qui conduit Marie chez Elisabeth, pour que Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère, rende témoignage au Seigneur, car dès lors le Sauveur investit Jean-Baptiste du titre et des fonctions de prophète, comme l'expliquent les paroles suivantes : " Aussitôt que la voix de votre salutation, " etc. - S. AUG. (à Dardanus, lett. 57.) Pour parler ainsi, comme l'Évangéliste le déclare, Elisabeth a été remplie de l'Esprit saint, et c'est lui, sans aucun doute, qui lui a révélé la signification de ce tressaillement mystérieux de son enfant, tressaillement qui lui annonçait la venue de la mère du Sauveur, dont son fils devait être le Précurseur et le héraut. L'explication d'un si grand mystère a pu être connue des personnes plus âgées, comme Marie et Elisabeth, sans l'être de l'enfant lui-même ; car Elisabeth ne dit point : L'enfant a tressailli dans mon sein par un mouvement de foi, mais " a tressailli de joie. " Nous voyons tous les jours tressaillir, non seulement des enfants, mais même des animaux, sans que ni la foi, ni la religion, ni aucune cause intelligente y aient la moindre part ; mais ici le tressaillement est extraordinaire et d'un genre tout nouveau, parce qu'il se produit dans le sein d'Elisabeth, et à l'arrivée de celle qui devait enfanter le Sauveur de tous les hommes. Ce tressaillement donc, qui fut comme le salut rendu à la mère du Seigneur, a eu pour cause, comme tous les miracles, un acte de la puissance divine dans cet enfant, et non un mouvement naturel de l'enfant lui-même. Et alors même qu'on admettrait dans cet enfant un usage prématuré de la raison et de la volonté, qui aurait pu lui permettre, dès le sein de sa mère, un sentiment de connaissance, de foi, de sympathie, on devrait l'attribuer à un miracle de la puissance divine, et non à une simple action des lois naturelles.
ORIG. (Ch. des Pèr. gr.) La mère du Sauveur était venu visiter Elisabeth, pour voir la conception miraculeuse que l'ange lui avait annoncée, et s'affermir ainsi dans la foi au miracle bien plus surprenant dont une vierge devait être l'objet. C'est cette foi qu'Elisabeth célèbre par ces paroles : " Et vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s'accompliront en vous. " - S. AMBR. Vous le voyez, Marie n'a nullement douté, mais elle a cru, et a recueilli le fruit de sa foi. - BEDE. Rien d'étonnant si le Seigneur, Rédempteur du monde, commence par sa mère l'oeuvre de sa rédemption ; c'est par elle que le salut devait être donné à tous les hommes, il était juste qu'elle reçût la première le fruit du salut de l'enfant qu'elle portait dans son sein. - S. AMBR. Bienheureux vous aussi qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit, conçoit et engendre le Fils de Dieu, et mérite de connaître ses oeuvres. - BEDE. Toute âme aussi qui a conçu le Verbe de Dieu, monte aussitôt par les pas de l'amour jusqu'aux sommets les plus élevés des vertus, pénètre dans la ville de Juda, c'est-à-dire, dans la citadelle de la louange et de la joie, et y demeure comme pendant trois mois dans la pratique parfaite de la foi, de l'espérance et de la charité. - S. GREG. (sur Ezech., hom. 4.) L'inspiration prophétique d'Elisabeth s'étendit à la fois au passé, au présent et à l'avenir. Elle connut que Marie avait ajouté foi aux promesses de l'ange ; en la proclamant mère du Seigneur, elle comprit qu'elle portait dans son sein le Rédempteur du genre humain ; et en prophétisant tout ce qui devait s'accomplir en elle, elle plongea son regard jusque dans les profondeurs de l'avenir.

v. 47. - Alors Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur.
S. AMBR. C'est par les femmes que le péché a commencé, c'est aussi par les femmes que commence la réparation du mal ; aussi n'est-ce pas sans dessein qu'Elisabeth prophétise avant Jean-Baptiste, et Marie avant la naissance du Seigneur ; mais la prophétie de Marie est d'autant plus parfaite qu'elle est elle-même plus élevée en dignité. - S. BAS. (Ch. des Pèr, gr., explic. du Ps 33.) Cette Vierge sainte guidée par une inspiration sublime contemple d'une vue profonde l'immense étendue de ce mystère, et pénétrant plus avant dans ses profondeurs, elle rend gloire à Dieu : " et Marie dit : Mon âme glorifie le Seigneur. " - GREC. (Athanas., Ch. des Pèr. gr.) - Elle semble dire : Le mystère étonnant que Dieu a prédit, c'est dans mon corps qu'il doit l'opérer, mais mon âme ne peut rester stérile devant lui. Il faut que je lui offre le fruit de ma volonté, car plus est grand le miracle dont je suis l'objet, plus aussi je dois glorifier l'auteur de toutes ces merveilles. - ORIG. (hom. 8.) - Puisque Dieu ne peut ni recevoir aucun accroissement, ni souffrir aucune diminution, que signifient ces paroles de Marie : " Mon âme exalte le Seigneur ? " Il nous faut considérer que le Dieu Sauveur est l'image du Dieu invisible, que notre âme a été faite à son image, et qu'elle est ainsi l'image de l'image ; nous reconnaîtrons alors qu'à l'exemple des peintres qui reproduisent sur la toile les traits d'un visage, lorsque nous élevons notre âme par nos oeuvres, nos paroles, nos pensées, l'image de Dieu s'agrandit en nous, et le Seigneur lui-même, dont nous portons l'image dans notre âme, en reçoit comme une espèce d'agrandissement.

Et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur.
S. BAS. (Sur le Ps 32.) Le premier fruit de l'Esprit c'est la paix et la joie. La Vierge sainte qui avait reçu l'Esprit saint dans toute sa plénitude, ajoute avec raison : " Et mon esprit est ravi. " L'âme et l'esprit sont ici une même chose. L'Écriture sainte emploie ordinairement le mot de ravissement, de transport, pour exprimer dans les personnes qui en sont dignes, un état de l'âme remplie de joie et d'allégresse. La Vierge est donc ravie dans le Seigneur par un tressaillement ineffable de son coeur, et par le transport d'une affection pure. " En Dieu mon Sauveur. " - BEDE. L'esprit de la sainte Vierge se réjouit de l'éternelle divinité de ce même Jésus (c'est-à-dire Sauveur) dont la chair est engendrée par une conception temporelle. - S. AMBR. L'âme de Marie glorifie donc le Seigneur, et son esprit est ravi en Dieu son Sauveur, parce que toute dévouée par son âme et son esprit au Père et au Fils, elle honore d'un culte d'amour le Dieu unique, auteur de tout ce qui existe. Ayez donc tous l'âme de Marie pour glorifier le Seigneur, ayez tous son, esprit pour être ravis de joie en Dieu votre Sauveur. Si selon la chair, il n'y a qu'une mère du Christ, selon la foi, Jésus est le fruit de tous les coeurs. Toute âme en effet conçoit le Verbe de Dieu, à la condition qu'elle sera pure, exempte de tout vice et qu'elle conservera sa chasteté sous la garde d'une pudeur inviolable. - THEOPHYL. Celui-là glorifie Dieu, qui marche dignement à la suite de Jésus-Christ, qui porte le nom de chrétien sans laisser amoindrir en lui la dignité du Christ qu'il relève au contraire par des actions grandes et vraiment célestes ; l'esprit, ou ce qui est la même chose, l'onction spirituelle est comme ravie de joie, c'est-à-dire qu'elle s'accroît de jour en jour et n'est point exposée à s'affaiblir ou à s'éteindre. - S. BAS. (comme précéd.) Si parfois je ne sais quelle lumière venant à pénétrer votre âme vous donne une connaissance subite de Dieu, et vous éclaire si pleinement qu'elle vous porte à aimer Dieu et à mépriser toutes les choses de la terre ; que cette image si obscure encore et cette impression si rapide vous aident à comprendre l'état des justes qui trouvent en Dieu une joie toujours égale, toujours persévérante. - ORIG. L'âme doit commencer par glorifier le Seigneur, avant d'être ravie en lui ; car la foi en Dieu est une condition nécessaire de ces divins transports.


vv. 48. - Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante, et désormais toutes les générations me diront bienheureuse.
GREC. (ou Isid., Ch. des Pèr. gr.) Marie fait connaître la cause de la gloire qu'elle rend à Dieu, et de ses divins transports : " Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante, " c'est-à-dire ; c'est lui qui le premier a jeté les yeux sur moi contre mon espérance, j'étais contente de mon humble condition, et maintenant Dieu me choisit pour l'accomplissement d'un dessein vraiment ineffable, et m'élève de la terre aux cieux. - S. AUG. (Serm. sur l'Assomp.) O véritable humilité qui a mérité d'enfanter un Dieu à la terre, de rendre la vie aux pauvres mortels, de renouveler les cieux, de purifier le monde, d'ouvrir le paradis, et de rendre à la liberté les âmes des hommes ! L'humilité de Marie est devenue comme une échelle céleste dont Dieu s'est servi pour descendre sur la terre. Car que signifient ces paroles : " Il a regardé, " c'est-à-dire : " il a approuvé ? " Il en est beaucoup qui paraissent humbles aux yeux des hommes, mais Dieu ne daigne pas jeter les regards sur leur humilité ; car s'ils étaient sincèrement humbles, leur unique désir serait non pas d'être loués eux-mêmes, mais de voir Dieu loué par tous les hommes, et leur esprit chercherait non dans ce monde, mais en Dieu ses transports et sa joie. - ORIG. (hom. 8.) Mais qu'y avait-il donc de si humble et de si bas dans celle qui portait le Fils de Dieu dans son sein ? Il faut remarquer ici que l'humilité dans la sainte Écriture est la vertu à laquelle les philosophes donnent le nom de modestie. Nous pouvons nous-mêmes la définir par une périphrase en disant qu'on est humble, lorsqu'on n'est pas enflé d'orgueil, et qu'on s'abaisse volontairement. - BEDE. C'est parce que Dieu a daigné jeter les yeux sur son humilité, que tous la proclament bienheureuse : " Et désormais toutes les générations me diront bienheureuse. " - S. ATHAN. (Ch. des Pèr. gr.) Et en effet, si au dire du prophète (Is 31, selon les 70) ceux-là sont bienheureux qui ont des enfants dans Sion et leur famille dans Jérusalem, que dirons-nous du bonheur de la divine et très-sainte Vierge, qui est devenue la mère du Verbe fait chair ? - GREC. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr.) Si elle se proclame bienheureuse, ce n'est point par un sentiment de vaine gloire ; et comment l'orgueil aurait-il pu trouver accès dans celle qui s'est appelée la servante du Seigneur ? C'est donc par une inspiration de l'Esprit saint, qu'elle prédit ses destinées futures. - BEDE. C'est par l'orgueil de notre premier père, que la mort était entrée dans le monde ; il était juste que les voies qui conduisent à la vie nous fussent ouvertes par l'humilité de Marie. - THEOPHYL. Elle dit : " Toutes les générations, " non seulement Elisabeth, mais toutes les nations qui doivent un jour embrasser la foi.

v. 49. - Parce que celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom est saint.
THEOPHYL. La Vierge déclare que ce n'est point à sa vertu qu'elle devra d'être proclamée bienheureuse, elle en donne ici la véritable cause : " Parce que Celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses. " - S. AUG. (Serm. sur l'assomp.) Quelles sont les grandes choses que Dieu a faites en vous ? Vous avez mis au monde votre Créateur, vous sa créature, vous avez enfanté votre Seigneur, vous sa servante, et c'est par vous que Dieu a racheté le monde, par vous qu'il lui a rendu la vie. - TITE. (de Bostr.) Comment a-t-il opéré en moi de grandes choses ? c'est que j'ai conçu sans cesser d'être vierge, triomphant ainsi des lois de la nature. J'ai été jugée digne, de devenir, sans le secours d'un homme, non pas une mère quelconque, mais la Mère du Sauveur unique des hommes. - BEDE. Ces paroles se rapportent au commencement de ce cantique où il est dit : " Mon âme exalte le Seigneur. " Car l'âme en qui Dieu a daigné opérer de grandes choses peut seule célébrer dignement ses grandeurs. - TITE. (comme précéd.) Elle dit : " Celui qui est tout puissant, " afin que si quelque doute vient à s'élever sur le mystère de cette conception opérée dans une vierge sans qu'elle perde sa virginité, ce miracle trouve aussitôt son explication dans la puissance de Dieu. Et loin de nous la pensée que le Fils unique qu'elle a porté dans son sein ait été pour elle la cause de quelque souillure, " parce que son nom est saint. " - S. BAS. (sur le Ps 32, vers la fin). Le nom de Dieu est appelé saint, non qu'il y ait dans les syllabes qui le composent aucune puissance sanctificatrice, mais parce que toute propriété, toute perfection de Dieu, comme toute intelligence des merveilles que nous contemplons en lui est sainte et pure. - BEDE. Sa puissance est tellement élevée, qu'elle surpasse toute créature et qu'elle le place à une distance incommensurable de toutes les choses qu'il a créées. Cette pensée ressort beaucoup mieux dans le texte grec où le mot a???? signifie qui est élevé au-dessus de la terre.

v. 50. - Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
BEDE. De ces dons particuliers, Marie s'élève jusqu'aux jugements de Dieu, qui embrassent l'universalité du genre humain dont elle décrit l'état : " Et sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent. " Elle semble dire : Ce n'est point seulement pour moi qu'il a fait de grandes choses, mais dans toute nation, celui qui a la crainte de Dieu est sûr d'obtenir ses faveurs. - ORIG. (hom. 8.) Car la miséricorde de Dieu n'est pas restreinte à une seule génération, mais elle s'étend à perpétuité de génération en génération. - GREC. (Victor, Chaîne des Pères grecs.) C'est par cette miséricorde qu'il existe d'âge en âge, que j'ai conçu et qu'il s'est uni lui-même à un corps vivant, pour traiter l'affaire de notre salut par un sentiment d'amour. Toutefois, sa miséricorde ne s'exerce pas indistinctement, mais sur ceux qui dans toute nation sont soumis à la crainte de Dieu. Voilà pourquoi Marie ajoute : " Sur ceux qui le craignent, " c'est-à-dire, sur ceux que le repentir amène à la foi et à une vraie pénitence, car ceux qui résistent avec obstination se sont fermé, par leur incrédulité coupable, la porte de la miséricorde. - THEOPHYL. Ou bien encore, ces paroles signifient que ceux qui craignent Dieu obtiendront miséricorde, et dans cette génération, c'est-à-dire, dans le siècle présent, et dans la génération future, ou dans le siècle à venir, et qu'ils recevront le centuple en ce monde, et dans la vie future une récompense beaucoup plus grande.

v. 51. - Il a déployé la force de son bras, il a dissipé ceux qui s'élevaient d'orgueil dans les pensées de leur coeur.
BEDE. En décrivant l'état du genre humain, Marie prédit le châtiment qui attend les orgueilleux, et la récompense réservée à ceux qui sont humbles : " Il a déployé la force de son bras, " etc. C'est-à-dire, du Fils de Dieu lui-même ; car de même que c'est par votre bras que vous agissez, le Verbe par qui Dieu a créé le monde s'appelle le bras de Dieu. - ORIG. (hom. 8.) C'est pour ceux qui le craignent qu'il a déployé la force de son bras, car quelle que soit votre infirmité, lorsque vous approchez de Dieu, si vous le craignez, vous obtiendrez le secours qu'il vous a promis. - THEOPHYL. Ce bras dont il a fait éclater la puissance, c'est aussi le Fils de Dieu incarné, parce que la nature a été vaincue par le miracle d'une vierge devenue mère, et d'un Dieu fait homme. - GREC. (Photius.) Il a fait, ou plutôt, il fera éclater sa puissance, non comme autrefois, lorsqu'il anéantit par Moise l'armée des Egyptiens, ou qu'il détruisit par un ange, au nombre de plusieurs mille, l'armée des Assyriens rebelles. Ici c'est par sa seule puissance et sans le concours de personne qu'il triomphe des intelligences révoltées contre lui : " Il a dissipé les orgueilleux dans les pensées de leur coeur, " c'est-à-dire, il a dissipé toute âme qui a refusé de croire à sa venue ; bien plus, il a dévoilé et mis à découvert leurs pensées superbes et criminelles. - CYRIL. ALEX. (Ch. des Pèr. gr.) Toutefois, c'est principalement des cohortes ennemies des démons que ces paroles doivent s'entendre, car la venue du Seigneur a dissipé ces cruels ennemis du genre humain, et a replacé sous l'obéissance de Dieu ceux qu'ils retenaient dans des chaînes de l'esclavage. - THEOPHYL. On peut encore les appliquer aux Juifs, qu'il a dispersés dans toutes les contrées du monde, comme ils le sont encore aujourd'hui.

v. 52. - Il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits.
BEDE. Ces dernières paroles : " Il a fait éclater la puissance de son bras, " et celles qui précèdent : " Sa miséricorde s'exerce d'âge en âge, " doivent être rattachées chacune à l'un des membres de ce verset, parce qu'il est vrai de dire que les orgueilleux ne cessent d'être abaissés et les humbles d'être élevés par une disposition aussi juste que miséricordieuse de la puissance divine. Elle ajoute donc : " il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits. " - CYR. D'ALEX. Les démons, et les princes des démons, les sages parmi les gentils, les pharisiens et les scribes avaient tous de hautes et grandes idées d'eux-mêmes. Dieu cependant les a tous renversés, et il a relevé ceux qui s'humiliaient sous sa main puissante, en leur donnant le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi. Les Juifs eux-mêmes s'enorgueillirent autrefois de leur puissance, mais leur incrédulité les a renversés à terre, tandis que parmi les gentils, ceux qui étaient humbles, sans éclat aux yeux des hommes, ont été élevés par la foi au faite de la véritable grandeur. - GREC. (ou Macaire, Ch. des Pèr. gr.) Nous savons que notre esprit doit être le siège de la divinité ; mais aussitôt le péché de notre premier père, les puissances d'iniquité ont envahi l'intérieur de notre âme, pour y régner comme sur leur propre trône. Or Dieu est venu justement sur la terre pour chasser ces esprits mauvais du siége de nos volontés, et relever ceux que les démons avaient terrassés, en purifiant leurs consciences et en établissant son trône dans leur coeur.

v. 53. - Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés, et il a renvoyé vides ceux qui étaient riches.
LA GLOSE. Comme la prospérité humaine consiste surtout dans les honneurs des puissants de ce monde et dans l'abondance des richesses, après avoir parlé de l'humiliation des grands et de l'élévation des humbles, elle prédit que les riches seront réduits au plus entier dénuement, et les pauvres remplis de toutes sortes de biens : " Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés, " etc. - S. BAS. (sur les Psaum.) Nous pouvons entendre ces paroles mêmes des choses sensibles, et y apprendre l'incertitude des choses de ce monde. Elles sont bien fragiles, en effet, comme ces flots que l'impétuosité des vents brise et disperse de tous côtés. Entendues dans le sens spirituel, ces paroles signifient que le genre humain tout entier était comme affamé, à l'exception des Juifs, que la promulgation de la loi et les enseignements des saints prophètes avaient enrichis. Mais ils ont refusé de s'attacher humblement au Verbe incarné, et ils ont été renvoyés vides de tous biens et dans le plus entier dénuement, privés de la foi, de la science, de l'espérance des biens, exclus tout ensemble de la Jérusalem terrestre et de la vie future. Ceux au contraire, parmi les gentils, que la faim et la soif avaient complètement épuisés, se sont attachés au Seigneur et ont été remplis de tous les biens spirituels. - LA GLOSE. Ceux aussi qui ont faim des biens éternels, qui les désirent ardemment, seront rassasiés, lorsque Jésus-Christ apparaîtra dans sa gloire, mais pour ceux qui placent leur joie dans les choses de la terre, ils seront à la fin des siècles renvoyés vides de tous biens et de toute félicité.

vv. 54, 55. - Et il a pris en sa protection Israël, se ressouvenant de sa miséricorde, selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour toujours.
LA GLOSE. Après avoir rappelé en général les effets de la miséricorde et de la justice divine, Marie en vient aux effets particuliers du nouveau mystère de l'Incarnation qui vient de s'accomplir : " Il a pris en sa protection Israël, son serviteur, " etc. Il l'a pris comme un médecin prend un malade, il s'est rendu visible parmi les hommes, afin qu'Israël (c'est-à-dire, voyant Dieu) (cf. Gn 28), devînt son serviteur. - BEDE. Et son serviteur obéissant, humble ; car celui qui refuse de s'humilier ne peut être sauvé. - S. BAS. (ou Cyril.) Elle ne veut point parler d'Israël selon la chair, qui tirait sa noblesse de son nom, mais d'Israël selon l'esprit, qui tenait son nom de sa foi, et dont les yeux s'appliquaient à voir Dieu par la foi. On peut aussi appliquer ces paroles aux Israélites selon la chair, puisqu'un nombre infini d'entre eux ont embrassé la foi. Dieu agit de la sorte en souvenir de sa miséricorde, car il accomplissait la promesse faite à Abraham (Gn 22) : " Tous les peuples de la terre seront bénis en celui qui sortira de vous. " C'est cette même promesse que la Mère de Dieu célèbre lorsqu'elle dit : " Selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abraham, " etc. Dieu avait dit en effet à Abraham (Gn 17) : " J'affermirai mon alliance avec vous, et après vous avec votre race dans la suite de leurs générations, par un pacte éternel, afin que je sois votre Dieu, et le Dieu de votre postérité après vous. "
BEDE. Cette postérité doit s'entendre beaucoup moins des descendants d'Abraham selon la chair, que des imitateurs de sa foi, et c'est à eux que la venue du Sauveur a été promise pour des siècles. - LA GLOSE. En effet, la promesse qui a pour objet cet héritage n'aura point de terme, jusqu'à la fin des siècles il y aura des croyants, et la glorieuse félicité qui leur est réservée sera éternelle.

v. 56. - Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, et elle s'en retourna en sa maison.
S. AMBR. Marie demeura jusqu'au temps de la délivrance d'Elisabeth, selon le récit de l'Évangéliste : " Marie demeura, " etc. - THEOPHYL. C'est le sixième mois de la conception du Précurseur que l'ange est venu la trouver, elle demeura trois mois avec Elisabeth, ce qui fait les neuf mois accomplis. - S. AMBR. Ce n'est pas seulement l'intimité de Marie avec sa cousine, mais le désir d'être utile à un si grand prophète qui la détermine à prolonger son séjour. En effet, si dès son arrivée, les grâces du ciel se répandirent avec tant d'abondance, qu'à la voix de Marie l'enfant tressaillit dans le sein de sa mère, et que la mère elle-même fut remplie de l'Esprit saint, que ne dut pas ajouter la présence de Marie pendant un si long espace de temps ? Nous disons donc avec raison, que Marie remplit ici Un véritable ministère, et qu'elle a observé dans son séjour un nombre mystérieux. - BEDE. Car l'âme chaste, qui conçoit le désir du Verbe spirituel, doit nécessairement monter au sommet élevé des célestes exercices, y demeurer comme pendant trois mois, et y persévérer jusqu'à ce qu'elle soit éclairée pleinement de la lumière rayonnante de la foi, de l'espérance et de la charité. - THEOPHYL. Lorsqu'Elisabeth fut sur le point d'enfanter, la Vierge la quitta : " Et elle s'en retourna, " etc., à cause du grand nombre de personnes qui devaient se réunir à l'occasion de l'enfantement : Or il n'était pas convenable que la Vierge fût présente dans ces circonstances. - GREC. ou Métaphraste (Ch. des Pèr. gr.) Il est d'usage, en effet, que les vierges se retirent lorsqu'une femme est sur le point d'enfanter. Dès qu'elle fut rentrée dans sa maison, elle n'en sortit plus, elle y demeura jusqu'au moment où elle connut que l'heure de son enfantement était proche, et ce fut alors qu'un ange fut envoyé pour éclaircir le doute de Joseph.

vv. 57-58.
S. AMBR. Si vous voulez y faire attention, vous ne trouverez jamais employé le mot plénitude que pour la génération des justes, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute : " Le temps d'Elisabeth fut accompli. " Car on peut dire que la vie des justes est pleine, tandis que les jours des impies sont vides. - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) Dieu retarda l'enfantement d'Elisabeth pour en augmenter la joie, et rendre cette femme plus célèbre, comme l'indiquent les paroles suivantes " Les voisins apprirent, " etc. Ceux qui savaient qu'elle était stérile, devinrent ainsi les témoins de la grâce divine ; aucun de ceux qui avaient vu l'enfant ne se retirait sans exprimer son admiration, et louer Dieu qui l'avait accordé contre toute espérance. - S. AMBR. La naissance des saints est un sujet de joie publique, parce qu'elle est un bien général ; la justice, en effet, est une vertu qui a pour objet l'intérêt de tous, c'est pourquoi dans la naissance du juste on voit un présage de la vie qui doit suivre, et de la grâce qui doit en enfanter les vertus, grâce dont la joie des voisins est le symbole.

vv. 59-64.
S. CHRYS. La loi de la circoncision fut donnée surtout à Abraham comme un signe distinctif ; Dieu voulait que la race du saint patriarche se conservât pure et sans mélange d'autre peuple, afin qu'elle pût obtenir les biens qu'il lui avait promis. Mais dès que l'oeuvre de l'alliance est consommée, le signe qui l'annonçait doit être supprimé. C'est ainsi que le baptême succède à la circoncision qui a pris fin en Jésus-Christ ; mais jusque-là Jean devait être circoncis : " Et il arriva qu'au huitième jour, ils vinrent circoncire l'enfant, " etc. Dieu avait dit : L'enfant mâle de huit jours sera circoncis. La bonté divine avait fixé ce terme de huit jours pour deux raisons, à mon avis : premièrement, pour que dans un âge aussi tendre, la douleur produite par l'incision de la chair fut moins vive ; secondement, pour nous apprendre par le fait lui-même, que la circoncision était un signe ; car l'enfant, à cet âge, ne peut comprendre ce que signifient les actes dont il est l'objet. Après la circoncision, on donnait le nom à l'enfant. " Et ils le nommaient, " etc. On suivait cet ordre, parce qu'il faut tout d'abord recevoir le signe distinctif du Seigneur, avant de prendre le nom que l'on doit porter ; ou bien encore, parce qu'il faut renoncer à toutes les choses charnelles signifiées par la circoncision, pour être digne de voir son nom écrit dans le livre de vie.
S. AMBR. Admirez comment l'Évangéliste a commencé par dire que plusieurs de ceux qui étaient présents avaient voulu donner à l'enfant le nom de Zacharie, son père ; pour vous faire comprendre que sa mère n'avait aucun éloignement pour un nom quelconque de la famille, mais que l'Esprit saint lui avait révélé le nom que l'ange avait auparavant annoncé à Zacharie. Zacharie étant muet ne put faire connaître ce nom à son épouse, Elisabeth apprit donc par révélation ce qu'elle ne pouvait savoir de son mari : " Et prenant la parole, elle dit, " etc. Ne soyez pas surpris, si elle indique avec tant d'assurance un nom dont personne ne lui a parlé ; car l'Esprit saint qui avait confié ce nom à l'ange, le lui a révélé. En effet, celle qui avait annoncé prophétiquement la venue du Christ, ne devait pas ignorer le nom de son précurseur. Remarquez les paroles qui suivent : " Et ils lui dirent, " etc., et comprenez que ce n'est pas ici un nom de famille, mais le nom d'un prophète. On interroge aussi Zacharie par signes : " Ils faisaient signe au père, " etc. Mais comme son incrédulité lui avait fait perdre la parole et l'ouïe, il est obligé de faire connaître par signes et en écrivant, ce qu'il ne pouvait exprimer par la parole : " Et ayant demandé des tablettes, il écrivit dessus : Jean est son nom, " etc. C'est-à-dire, nous ne donnons pas un nom à celui qui l'a déjà reçu de Dieu. - ORIG. (Ch. des Pèr. gr.). Zacharie signifie qui se souvient de Dieu, Jean, celui qui montre. Or, le souvenir a pour objet celui qui est absent, et on ne montre que celui qui est présent. En effet, Jean devait non pas rappeler le souvenir de Dieu comme absent, mais le montrer du doigt présent au milieu des hommes, en disant : " Voici l'Agneau de Dieu. " - S. CHRYS. (comme précéd.) Le nom de Jean signifie aussi grâce de Dieu, c'est par une action de la grâce divine, et non pas un effet des lois naturelles qu'Elisabeth est devenue mère, et la mémoire d'un si grand bienfait se trouve éternisée dans le nom de son enfant. - THEOPHYL. Le père se trouve d'accord avec sa femme sur le nom de l'enfant, ce qui explique les paroles suivantes : " Et tous furent remplis d'étonnement, " etc. Personne, en effet, dans leur famille, ne portait ce nom, on ne pouvait donc dire qu'il ~ venu à la pensée des deux époux.
S. GRÉG. DE NAZIANZE. (disc. 12.) Jean, dès sa naissance, rend à son père l'usage de la parole : " Sa bouche s'ouvrit, " etc. Il eût été contre la raison que le père demeurât muet, lorsque la voix du Verbe s'était fait entendre. - S. AMBR. IL était convenable que sa langue fût aussitôt déliée ; l'incrédulité l'avait comme enchaînée, la foi la rend à la liberté. Croyons nous aussi, et notre langue captive dans les liens de l'incrédulité, verra briser ses chaînes ; écrivons les mystères dans notre esprit, si nous voulons parler ; gravons le nom du Précurseur, non sur des tables de pierre, mais sur les tables de chair de notre coeur (cf. 2 Cor 3, 3 ; Rm 9, 30.31) ; car celui qui parle de Jean, annonce le Christ ; en effet l'Évangéliste ajoute : " Et il parlait en bénissant Dieu. "
BEDE. Dans le sens allégorique, la solennité de la naissance de Jean est le commencement de la grâce du Nouveau Testament. Ses voisins et ses parents voulaient lui donner le nom de son père, plutôt que celui de Jean, parce que les Juifs qui lui étaient unis par l'observation de la loi comme par une espèce d'affinité désiraient bien plus suivre la justice qui vient de la loi, que de recevoir la grâce de la foi mais la mère et le père de Jean font tout, l'une de vive voix, l'autre en écrivant, pour faire prévaloir le nom de Jean (qui veut dire grâce de Dieu), parce que la loi elle-même, les psaumes et les prophètes proclament ouvertement la grâce de Jésus-Christ ; et le sacerdoce ancien lui rend également témoignage par les ombres figuratives des cérémonies et des sacrifices. Par un rapprochement mystérieux, Zacharie recouvre la parole le huitième jour de la naissance de son fils, figure de la résurrection du Seigneur, qui eut lieu le huitième jour, c'est-à-dire après le jour du sabbat qui était le septième, et dévoila tous les mystères du sacerdoce de l'ancienne loi.
THEOPHYL. Le peuple avait été surpris de la mutité de Zacharie, il ne le fut pas moins lorsqu'il recouvra l'usage de la parole : " Tous furent saisis de crainte, " etc., c'est-à-dire que ces deux prodiges leur donnèrent une haute idée des destinées de cet enfant. Tous ces événements étaient réglés par une économie divine, afin que celui qui devait être le témoin du Christ, fût un témoin digne de foi. Aussi voyez ce qu'ajoute l'auteur sacré : " Tous les conservèrent dans leur cœur, et ils disaient : Que pensez-vous que sera un jour cet enfant ? " - BEDE. En effet, ces signes avant-coureurs ouvrent la voie au précurseur de la vérité, et le futur prophète se présente sous les auspices les plus imposants : " Car la main du Seigneur était avec lui. " - GREC. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr.) En effet, Dieu opérait en lui des prodiges dont Jean n'était pas l'auteur, mais la main (ou la droite) de Dieu. - GLOSE. Cette crainte est au sens mystique la figure de la crainte salutaire que produisit la prédication de la grâce de Jésus-Christ, dans les temps qui suivirent sa résurrection, et qui ébranla les coeurs non seulement des Juifs (qui étaient proches, soit par la contrée qu'ils habitaient, soit par la connaissance de la loi), mais encore des nations les plus éloignées. Et la renommée de Jésus-Christ, non seulement a franchi les montagnes de la Judée, mais a surpassé les sommets les plus élevés des royaumes du monde et de la sagesse humaine.


vv. 67, 68. -
S. AMB. Dieu est bon et se montre facile à pardonner les fautes, non seulement il rend les biens que le péché a fait perdre, mais il accorde des grâces inespérées. Que personne donc ne se laisse aller à la défiance, que personne, au souvenir de ses fautes passées, ne désespère de la grâce de Dieu. Dieu saura bien changer ses jugements, si vous savez expier vos fautes. Voyez Zacharie, il était muet tout à l'heure, et il prophétise : " Et Zacharie ayant été rempli de l'Esprit saint. " - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) C'est-à-dire qu'il prophétise sous l'inspiration de l'Esprit saint qui lui donne sa grâce, non dans une certaine mesure, mais dans sa plénitude, et fait briller en lui le don de prophétie : " Et il prophétisa. " - ORIG. (hom. 10.) La prophétie de Zacharie, inspirée par l'Esprit saint, a deux grands objets, le premier, Jésus-Christ ; le second, Jean-Baptiste, ce qui paraît clairement dans son cantique, où il parle du Sauveur, comme s'il était présent et vivant au milieu du monde : " Béni soit le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité, " etc. - S. CHRYS. En bénissant Dieu, Zacharie déclare qu'il a visité son peuple, soit qu'on veuille entendre les Israélites selon la chair ; car il est venu pour sauver les brebis perdues de la maison d'Israël (Mt 15, 24), soit les Israélites spirituels (c'est-à-dire les fidèles) qui s'étaient rendus dignes de cette visite, en méritant les effets sensibles de la providence de Dieu à leur égard. - BEDE. Le Seigneur a visité son peuple défaillant sous le poids d'une longue infirmité, et il a racheté du sang de son Fils unique ce peuple vendu au péché. Zacharie savait que cette rédemption allait s'opérer, et selon l'usage des prophètes, il l'annonce comme si déjà elle était accomplie. Il dit : " Son peuple, " non qu'il le fût à sa venue, mais il l'a fait son peuple en le visitant.

v. 69. - De ce qu'il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur.
THEOPHYL. Dieu paraissait dormir à notre égard à la vue de nos fautes sans nombre, mais en s'incarnant dans les derniers temps, il s'est comme éveillé et a écrasé les démons, nos mortels ennemis : " Et il a élevé le signe du salut dans la maison de David, son serviteur. " - ORIG. En effet, c'est de la race de David que le Christ est né selon la chair, c'est pourquoi l'Évangéliste dit : " La corne du salut dans la maison de David, " comme on lit ailleurs (Is 5) " Une vigne a été plantée sur un lieu élevé " (littéralement sur une corne), c'est-à-dire en Jésus-Christ. - S. CHRYS. (Discours sur Anne, Ch. des Pèr. gr.) - Le mot corne signifie ici la puissance, la gloire, la renommée, c'est une expression métaphorique prise des animaux à qui Dieu a donné des cornes pour leur servir à la fois de défense et d'ornement. - BEDE. Le règne du Sauveur Jésus-Christ est aussi appelé la corne du salut ; en effet, tous les os sont recouverts de chair, mais les cornes s'élèvent au-dessus du reste du corps, le règne de Jésus-Christ est donc appelé corne du salut, parce qu'il domine le monde et les joies de la chair, et c'est en figure de ce règne que David et Salomon ont été consacrés pour la gloire de leur règne avec une corne remplie d'huile (cf. 1 R 16, 13 ; 3 R 1, 39).

v. 70. - Selon ce qu'il avait promis par la bouche de ses saints prophètes, qui ont été dès le commencement.
THEOPHYL. Michée a prédit que le Christ naîtrait de la maison de David (Mich 5) : " Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la plus petite, car c'est de toi que doit sortir celui qui gouvernera mon peuple d'Israël ; " mais tous les prophètes ont annoncé le mystère de l'incarnation, aussi Zacharie ajoute : " Comme il l'avait promis par la bouche de ses saints prophètes, " etc. - GREC. (Prêt. Vict. Ch. des Pèr. gr.) C'est donc Dieu qui a parlé par leur bouche, et ce qu'ils ont annoncé, ne vient point de l'homme. - BEDE. Il dit : " Qui ont été dès le commencement ; " parce que tous les écrits de l'ancien Testament ont été une annonce prophétique de Jésus-Christ, car notre premier père Adam et les autres patriarches ont rendu témoignage par leurs actions à la divine économie de la rédemption.

v. 71. - De nous sauver de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent.
BEDE. Zacharie développe ce qu'il n'a fait qu'indiquer par ces paroles : " Il nous a suscité un puissant Sauveur, " en ajoutant : " Pour nous sauver de nos ennemis, " comme s'il disait : il nous a élevé le signe du salut, c'est-à-dire, il nous a suscité un Sauveur pour nous délivrer de nos ennemis, et des mains de tous ceux qui nous haïssent. - ORIG. (hom. 46). Gardons-nous de croire qu'il veuille parler ici des ennemis corporels, il s'agit des ennemis spirituels ; le Seigneur Jésus, le fort dans les combats est venu détruire tous nos ennemis, pour nous délivrer de leurs embûches et de leurs tentations.

vv. 72, 73. - Pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte, selon qu'il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder cette grâce.
BEDE. Zacharie venait de dire que le Seigneur devait naître dans la maison de David, selon les oracles des prophètes ; il ajoute que pour accomplir l'alliance qu'il fit avec Abraham il sera notre libérateur, car c'est à ces deux saints patriarches, c'est-à-dire à celui qui devait naître d'eux que Dieu a promis la réunion de tous les peuples de la terre, ou l'incarnation du Christ, il met David le premier, parce que la promesse de la formation de l'Église fut faite à Abraham, et à David la prédiction de la naissance du Christ. Voilà pourquoi après David, vient Abraham : " Pour exercer sa miséricorde envers nos pères. " - ORIG. (hom. 10). Je suis convaincu qu'à la venue du Sauveur, Abraham, Isaac et Jacob ont ressenti les effets de sa miséricorde ; pourrait-on croire en effet que la venue du Seigneur ait été sans utilité pour ces saints patriarches qui avaient vu le jour du Sauveur et s'en étaient réjouis, alors qu'il est écrit (Col 1) : " Qu'il a pacifié par le sang de sa croix la terre et les cieux. " - THEOPHYL. La grâce de Jésus-Christ s'est étendue à ceux mêmes qui étaient morts, car nous ne sommes pas les seuls qui ressusciteront par Jésus-Christ, mais encore tous ceux qui sont morts avant sa venue. Il a fait miséricorde à nos pères, en comblant leurs espérances et leurs désirs, " pour se souvenir, dit Zacharie, de son alliance sainte, " celle dont Dieu a dit : " Je te comblerai de bénédictions, et je te multiplierai à l'infini. " (Hb 6). Abraham s'est en effet multiplié dans toutes les nations qui sont devenues ses enfants adoptifs par l'imitation de sa foi. Disons encore que les patriarches en voyant leurs enfants comblés de si grands bienfaits, en ont éprouvé une joie sensible, et ressenti eux-mêmes les effets de la miséricorde divine, c'est ce que signifient ces paroles : " Voilà le serment qu'il a fait à Abraham, notre père, il a juré qu'il nous ferait cette grâce. " - S. BAS. (Ch. des Pèr. gr.) Que personne ne s'appuie sur ces paroles : " Dieu a fait le serment, " pour autoriser l'habitude qu'il a de jurer : car de même que ce que nous appelons la fureur du Seigneur ne signifie pas une passion en Dieu, mais le châtiment des coupables, de même aussi Dieu ne jure pas à la manière des hommes, mais sa parole est appelée serment pour exprimer plus fortement la vérité ; et parce qu'elle accomplit avec une résolution immuable tout ce qu'il a promis.

v. 74. - Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte.
S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr. comme préc.) Après avoir prédit qu'une corne de salut, qu'un puissant Sauveur sortirait pour nous de la maison de David, Zacharie déclare que par lui encore nous serons couverts de gloire, et nous n'aurons rien à craindre de nos ennemis : " Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte. " Ces deux choses se trouvent difficilement réunies : il en est beaucoup en effet qui échappent aux dangers, mais dont la vie reste sans gloire, tels sont les criminels à qui la clémence du souverain fait grâce de la prison. D'autres, au contraire, ont la gloire en partage, mais au prix de quels dangers ils sont forcés de l'acquérir ? Tels sont les guerriers qui ont embrassé la glorieuse carrière des armes, mais qui vivent toujours au milieu des hasards. Ce puissant Sauveur, et nous délivre, et nous couvre de gloire ; il nous délivre en nous arrachant aux mains de nos ennemis, non pas à moitié, mais d'une manière admirable, et sans nous laisser aucun sujet de crainte, comme le dit Zacharie : " Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, etc. " - ORIG. (hom. 10). Ou bien encore, on en voit souvent qui sont délivrés des mains de leurs ennemis, mais ce n'est pas sans crainte, il faut au contraire passer par les alarmes, par les dangers, pour être délivré de leurs mains, au contraire on leur a échappé sans doute, mais ce n'a pas été sans crainte. Jésus-Christ, par sa venue sur la terre, nous a délivrés des mains de nos ennemis, sans qu'il nous en ait coûté aucune appréhension, aucune crainte ; nous ne sommes pas tombés dans les embûches de nos ennemis, il nous a tout d'un coup arrachés à leur puissance pour nous faire entrer dans l'héritage qu'il nous avait destiné.

v. 75. - Dans la sainteté et dans la justice, en sa présence, tous les jours de notre vie.
S. CHRYS. (comme précéd.) Zacharie glorifie Dieu en ce qu'il nous a donné de le servir avec une pleine confiance, non pas d'une manière charnelle, comme les Juifs, par le sang des victimes, mais spirituellement par nos bonnes oeuvres, c'est ce que veulent dire ces paroles : " Dans la sainteté et la justice ; " car la sainteté consiste dans l'observation exacte des devoirs envers Dieu, la justice dans l'accomplissement fidèle de nos devoirs envers les hommes. Tel est celui qui observe religieusement les préceptes divins, et qui s'acquitte parfaitement de tout ce qu'il doit aux autres hommes. Il dit : non pas devant les hommes, comme font les hypocrites qui veulent plaire aux hommes, mais " devant Dieu, " comme ceux qui recherchent l'approbation de Dieu et non pas celle des hommes (Rm 2, 29), et cela non pas une seule fois, ou pour un temps, mais chaque jour et toute la vie, comme il ajoute : " Tous les jours de notre vie. " - BEDE. Car ceux qui avant leur mort abandonnent le service de Dieu, ou qui déshonorent par quelque souillure la pureté de la foi, ou l'innocence de leur conduite ; ou bien ceux qui veulent être justes et saints devant les hommes, plutôt que devant Dieu, ne servent pas Dieu après avoir été pleinement délivrés des mains de leurs ennemis spirituels ; mais à l'exemple des anciens Samaritains, ils veulent servir à la fois le Seigneur et les dieux des Gentils.

v. 76. - Et vous, petit enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut ; car vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer ses voies.
S. AMBR. Après cette magnifique prophétie qui a le Sauveur pour objet, Zacharie ramène son discours au prophète du Seigneur, et déclare ainsi que sa naissance est un don de Dieu. En énumérant les bienfaits de Dieu envers tous les hommes, il ne veut point paraître envelopper dans un silence d'ingratitude les grâces qui lui sont particulières, aussi écoutez-le : " Et vous, enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut, " etc. - ORIG. (hom. 40). Zacharie, je le suppose, s'est hâté d'adresser la parole à son enfant, parce qu'il savait qu'il devait bientôt se retirer dans le désert, et qu'il ne jouirait pas longtemps de sa présence. - S. AMBR. Il en est peut-être qui regarderont comme un écart d'esprit contraire à toute raison que Zacharie s'adresse à un enfant de huit jours. Mais si nous nous rappelons ce qui précède, nous comprendrons que celui qui a entendu la voie de Marie avant même d'être né, a pu, aussitôt sa naissance entendre la voix de son père. En vertu de son esprit prophétique, il savait que les prophètes ont d'autres oreilles qui s'ouvrent sous l'impression de l'Esprit saint, et non par le progrès de l'âge ; comment n'aurait-il pas eu le don d'intelligence, lui dont le coeur avait bien pu tressaillir ? - BEDE. On peut dire aussi que Zacharie, pour l'instruction de ceux qui étaient présents, aussitôt qu'il put parler publia les fonctions que son fils devait un jour remplir, et que l'ange lui avait révélées. Que les ariens entendent qu'on donne ici le nom de Très-Haut au Christ dont Jean a été le précurseur et le prophète, comme il est écrit dans le livre des Psaumes : " Un homme est né en elle, et le Très-Haut lui-même l'a fondée. " - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr). Ceux qui ont avec les rois des rapports plus étroits deviennent leurs compagnons d'armes, ainsi Jean-Baptiste qui était l'ami de l'époux a précédé de plus près son arrivée, c'est le sens de ces paroles : " Vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies. " Les autres prophètes, en effet, ont annoncé longtemps auparavant les mystères de la vie du Christ ; Jean l'a prédit de plus près, puisqu'il a vu le Christ de ses yeux, et tout à la fois l'a montré aux autres. - S. GREG. (Moral., 19, 2.) Tout prédicateur qui purifie des souillures du vice les âmes de ceux qui l'écoutent, prépare les voies à la sagesse qui veut prendre possession du coeur.

v. 77.
THEOPHYL. Zacharie explique comment le Précurseur doit préparer la voie du Seigneur, en ajoutant : " Pour donner à son peuple la science du salut. " Le salut, c'est le Seigneur Jésus, et la science du salut, c'est-à-dire de Jésus-Christ ont été donnés au peuple par Jean-Baptiste qui rendait témoignage à Jésus-Christ (cf. Jn 1, 7.15.16.19.32.34 ; 3, 25 ; 5, 33, etc.).
BEDE. Il désire faire connaître le nom de Jésus, et semble répéter à dessein le mot de salut, mais qu'on ne l'entende point d'un salut purement temporel, les paroles qui suivent s'y opposent : " Pour la rémission de leurs péchés. " - THEOPHYL. Dieu, en effet, n'eût pas été connu, s'il n'eut pardonné les péchés à son peuple, car c'est le propre de Dieu de remettre les péchés. - BEDE. Mais les Juifs n'ont pas voulu recevoir le Christ ; ils aiment mieux attendre l'Antéchrist, parce qu'ils veulent être affranchis, non de la tyrannie intérieure du péché, mais du joug extérieur de la servitude temporelle.

v. 78.
THEOPHYL. Si Dieu nous a remis nos péchés, ce n'est point en considération de nos oeuvres, mais par un effet de sa miséricorde ; aussi Zacharie ajoute-t-il : " Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu. " - S. CHRYS. (hom. 44 sur S. Matth.) Et cette miséricorde, ce n'est pas nous qui l'avons trouvée comme fruit de nos propres recherches, mais c'est Dieu lui-même qui a daigné nous apparaître du haut du ciel : " Par lesquelles (c'est-à-dire par ses entrailles), le soleil se levant du haut des cieux (c'est-à-dire Jésus-Christ), nous a visités (en se revêtant de notre chair). " - GREC. (c'est-à-dire Sévère, Ch. des Pèr. gr.) Il habite le plus haut des cieux, et cependant il se rend présent sur la terre, sans être assujetti à aucune division, à aucune limite ; mystère que nulle intelligence ne peut comprendre, que nulle parole ne peut exprimer.


v. 79. - Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, et pour conduire nos pieds dans le chemin de la paix.
BEDE. Le nom d'Orient convient parfaitement au Christ, parce qu'il nous a ouvert l'entrée de la vraie lumière : " Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, " etc. - S. CHRYS. (hom. 44 sur S. Matth.) Les ténèbres dont il parle ici ne sont pas les ténèbres matérielles, mais les erreurs, l'éloignement de la foi (ou l'impiété). - S. BAS. (sur Is 2.) Dans quelles ténèbres était plongé le peuple des gentils, appesanti par le culte des idoles, jusqu'à ce que la lumière soit venu dissiper cette profonde obscurité et répandre partout les splendeurs de la vérité ! - S. GREG. (Moral., 4, 47.) L'ombre de la mort, c'est l'oubli de l'esprit ; la mort fait que ce qu'elle détruit n'est plus dans la vie ; ainsi l'oubli fait que ce qu'il atteint n'est plus dans la mémoire ; voilà pourquoi il dit du peuple juif qui avait oublié Dieu, qu'il était assis dans l'ombre de la mort. L'ombre de la mort, c'est encore la mort du corps, la mort véritable est celle qui sépare l'âme d'avec Dieu ; l'ombre de la mort est celle qui sépare l'âme d'avec le corps ; ce qui fait dire aux martyrs (Ps 43) : " L'ombre de la mort nous a couverts. " L'ombre de la mort peut encore signifier l'imitation du démon qui est appelé mort dans l'Apocalypse (Ap 6). En effet, l'ombre est toujours proportionnée à la forme du corps, ainsi les actions des impies sont une espèce d'imitation du démon. - S. CHRYS. L'expression : " ils sont assis, " est des plus justes ; en effet, nous ne marchions pas dans les ténèbres, mais nous étions assis sans aucun espoir de délivrance. - THEOPHYL. Le Seigneur, en se levant sur notre terre, n'éclaire pas seulement ceux qui sont assis dans les ténèbres, sa mission est plus étendue : " Pour diriger nos pas dans la voie de la paix. " La voix de la paix c'est la voix de la justice, dans laquelle il a dirigé nos pas, c'est-à-dire les affections de nos âmes. - S. GREG. (hom. 32 sur les Evang.) Nous dirigeons nos pas dans la voie de la paix, lorsque dans nos actions nous suivons le chemin qui ne s'écarte jamais de la grâce de notre Créateur. - S. AMBR. Remarquez en même temps que la prophétie d'Elisabeth est courte, tandis que celle de Zacharie est beaucoup plus étendue ; cependant tout deux parlaient sous l'inspiration de l'Esprit saint dont ils étaient remplis, mais nous voyons ici l'observation de cette règle qui veut que la femme s'applique plus à connaître les choses divines qu'à les enseigner aux autres.

v. 80.
BEDE. Le prédicateur futur de la pénitence pour prêcher un jour avec plus de liberté le détachement des plaisirs séducteurs du monde, passe dans le désert les premières années de sa vie : " L'enfant croissait, " dit le texte sacré. - THEOPHYL. Il croissait extérieurement en suivant les progrès de l'âge : " Et il se fortifiait. " Les dons spirituels se développaient en même temps que le corps, et les opérations de l'esprit se manifestaient avec plus d'éclat de jour en jour. - ORIG. (hom. 2.) Ou bien il croissait en esprit et ne s'arrêtait pas au premier degré de perfection ; l'esprit acquérait toujours en lui une nouvelle force, sa volonté tendant toujours vers un but plus parfait, était dans un progrès continuel, et son âme s'élevait à des contemplations de plus en plus divines. Sa mémoire s'exerçait pour amasser dans ses trésors les plus pures vérités. L'Évangéliste ajoute : " Et il se fortifiait. " La nature humaine est faible, comme nous le lisons dans le saint Évangile (Mt 26) : " La chair est faible, " il faut donc que l'esprit la fortifie, car l'esprit est prompt. Il en est beaucoup qui ont en partage la force du corps ; mais l'athlète de Dieu doit rechercher la force de l'esprit pour détruire la sagesse de la chair. Jean-Baptiste se retira donc dans le désert pour fuir le tumulte des villes et leurs assemblées bruyantes : " Et il était dans les déserts ; " là où l'air est plus pur, le ciel plus ouvert, et Dieu plus familier. Jusqu'au temps où devait commencer son baptême et sa prédication, il s'appliquait à la prière, il conversait avec les anges, il invoquait le Seigneur, et l'entendait lui dire : " Me voici. " (cf. Is 58, 9) - THÉOPHYL. Ou bien il demeurait dans le désert pour y être élevé loin de la malice du monde, et pour qu'un jour il pût le reprendre de ses crimes sans aucune crainte ; car s'il avait vécu au milieu du monde, peut-être l'amitié, la société des hommes l'eussent amolli et dépravé, c'était aussi pour qu'il fût un témoin digne de foi lorsqu'il annoncerait le Christ. Il vivait donc caché dans le désert jusqu'à ce qu'il plût à Dieu de le montrer au peuple d'Israël : " Jusqu'au jour de sa manifestation dans Israël. " - S. AMBR. Il est digne de remarque que l'Évangéliste raconte le temps de la vie du prophète dans le sein de sa mère, pour ne point passer sous silence la présence de Marie, tandis qu'au contraire il ne dit rien de son enfance, parce que la force que la présence de Marie lui a communiquée dès le sein de sa mère, l'a délivré de toutes les faiblesses de l'enfance.