CATANA AUREA SUR SAINT LUC

PRÉFACE DE L'EXPLICATION

ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS

SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC

CHAPITRE XIII
vv. 1-5
LA GLOSE. (En termes équival.) Notre-Seigneur venait de parler du supplice qui est réservé aux pécheurs, lorsqu'on vient lui annoncer le châtiment infligé à des rebelles, exemple dont il se sert pour menacer les pécheurs d'une peine semblable : " En ce même temps, quelques-uns vinrent raconter à Jésus ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices. " - S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) C'étaient les sectateurs de Judas le Galiléen dont saint Luc fait mention dans les Actes des Apôtres (Ac 5), qui prétendaient qu'on ne devait donner à personne le nom de maître. Aussi plusieurs d'entre eux qui ne voulaient pas reconnaître l'autorité de César, furent punis par Pilate. Ils enseignaient encore qu'on ne devait offrir à Dieu d'autres victimes que celles qui avaient été prescrites par Moïse ; ils défendaient donc d'offrir les victimes présentées par le peuple pour le salut de l'empereur, et du peuple romain. Pilate indigné contre les Galiléens, ordonna de les mettre à mort au milieu même des sacrifices qu'ils offraient suivant les prescriptions de la loi, et mêla ainsi le sang des sacrificateurs au sang des victimes qu'ils immolaient. Or, comme la foule pensait qu'ils n'avaient souffert que ce qu'ils méritaient, parce qu'ils semaient la division dans le peuple, et indisposaient les princes contre leurs sujets, quelques-uns vinrent raconter ces faits au Sauveur pour savoir ce qu'il en pensait. Notre-Seigneur déclare que c'étaient des rebelles et des pécheurs, mais sans affirmer qu'ils étaient plus coupables que ceux qui avaient échappé à ce châtiment : " Il leur répondit : Pensez-vous que les Galiléens fussent plus pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir été traités ainsi ? " etc.
S. CHRYS. (Disc. 3, sur Lazare.) Dieu punit certains pécheurs, en mettant un terme à leur iniquité, en leur infligeant des peines légères, en les séparant complètement des autres, et en instruisant par l'exemple de leur châtiment ceux qui vivent dans le péché. Il ne punit pas tous les pécheurs ici-bas, il veut ainsi leur donner le moyen d'éviter par la pénitence les peines de cette vie, et les supplices de l'éternité ; mais s'ils persévèrent dans le mal, ils doivent s'attendre à un châtiment plus sévère. - TITE DE BOSTR. Le Sauveur nous apprend encore ici que toutes les sentences qui condamnent les coupables aux dernier supplice, ne sont pas seulement édictées par l'autorité des juges mais par la volonté de Dieu. Que le juge condamne suivant les règles de l'équité, ou pour tout autre motif, il faut voir dans le jugement qu'il prononce une permission de la divine justice.
S. CYR. Notre-Seigneur veut donc détourner le peuple de toutes ces séditions intestines dont la religion était le prétexte, et il ajoute : " Si vous ne faites pénitence, (et si vous ne cessez de conspirer contre vos princes, ce qui est contraire à la volonté divine), vous périrez tous de la même manière, et votre sang sera mêlé au sang de vos victimes. " - S. CHRYS. Il leur montre aussi par ces paroles que s'il a permis ce châtiment pour quelques-uns, c'est afin que la frayeur salutaire qu'il inspirerait à ceux qui survivraient, les rendît héritiers du royaume. Quoi donc, me direz-vous, Dieu en punit un autre pour me rendre meilleur ? Non pas précisément, il est puni pour ses propres crimes, mais son châtiment devient une occasion de salut pour ceux qui en sont témoins. - BEDE. Mais comme les Juifs n'ont pas voulu faire pénitence, quarante ans après la passion du Sauveur, les Romains (figurés ici par Pilate qui était de leur nation), envahirent la Judée, et, commençant par la Galilée (où le Sauveur avait commencé le cours de ses divines prédications), ils détruisirent entièrement cette nation impie, et souillèrent de sang humain, non seulement les parvis du temple où on offrait les sacrifices, mais l'intérieur même des maisons.
S. CHRYS. Dix-huit autres encore avaient été écrasés par la chute d'une tour, Notre-Seigneur en parle en ces termes : " De même ces dix-huit sur qui tomba la tour de Siloé, et qu'elle tua, pensez-vous qu'ils fussent plus redevables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le dis. " En effet, Dieu ne punit pas ici-bas tous les pécheurs pour leur laisser le temps de se repentir, mais il ne les réserve pas non plus tous aux châtiments de l'autre vie, pour ne pas donner lieu de nier sa providence. - TITE DE BOSTR. Il oppose cette tour à toute la ville, afin que le malheureux sort de quelques-uns épouvante tous les autres, et c'est pour cela qu'il ajoute : " Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous de la même manière, " c'est-à-dire, toute la ville sera bientôt envahie, si ses habitants persévèrent dans l'infidélité.
S. AMBR. Dans le sens figuré, ceux dont Pilate mêla le sang avec leurs sacrifices, représentent ceux qui sous l'impulsion du démon offrent des sacrifices impurs, et dont la prière devient un nouveau péché, (comme il est écrit de Juda), qui au milieu même du sacrifice eucharistique songeait à vendre le sang du Seigneur. - BEDE. Pilate (qui signifie la bouche du forgeron) est la figure du démon, toujours prêt à frapper et à répandre le sang ; le sang figure le péché, et les sacrifices représentent les bonnes oeuvres. Pilate mêle donc le sang des Galiléens avec leurs sacrifices, quand le démon cherche à souiller et à corrompre les aumônes et les autres bonnes oeuvres des fidèles, par les plaisirs sensuels, par le désir des louanges, ou par tout autre vice. Ces habitants de Jérusalem qui furent écrasés par la chute de cette tour, représentent les Juifs qui, pour n'avoir pas voulu faire pénitence, furent écrasés sous les ruines de leurs murailles. Et le nombre de dix-huit a ici une signification particulière, (ce nombre s'écrit en grec par les deux lettres I, et H, qui sont les premières du nom de Jésus. Ce nombre signifie donc que la cause première de la ruine des Juifs, c'est qu'ils n'ont pas voulu recevoir le nom de Jésus. Cette tour est la figure de celui qui est la tour de la force ; elle est située à Siloé qui veut dire envoyé, parce qu'elle représente celui qui a été envoyé par son père, qui est venu dans le monde, et qui écrasera tous ceux sur lesquels il tombera.

vv. 6-9.
TITE DE BOSTR. Les Juifs tiraient vanité de ce que dix-huit d'entre eux ayant péri, tous avaient été préservés, c'est pour cela que Notre-seigneur leur propose cette parabole du figuier : " Il leur dit encore cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. " - S. AMBR. La vigne du Dieu des armées est celle qu'il a livrée au prise aux nations. La comparaison de la synagogue avec le figuier est on ne peut plus juste ; de même, en effet, que cet arbre se couvre de larges feuilles en abondance, et trompe l'espérance de son maître qui en attend inutilement beaucoup de fruits ; ainsi la synagogue avec ses docteurs stériles en oeuvres, et fiers de leurs paroles pompeuses qui ressemblent aux feuilles du figuier est toute couverte des ombres d'une loi infructueuse. Le figuier est encore le seul arbre qui tout d'abord produit des fruits au lieu des fleurs, dont les premiers fruits tombent pour faire place à d'autres, et qui conserve cependant une partie des premiers fruits. C'est ainsi que le premier peuple qui était sous l'autorité de la synagogue est tombé comme un fruit inutile, afin que le nouveau peuple qui a formé l'Église sortit de la sève abondante de l'ancienne religion. Cependant les premiers d'entre les Israélites qui avaient été produits par un rameau d'une nature plus vigoureuse, à l'ombre de la loi et de la croix, dans le sein de l'une et de l'autre, nourris et colorés par cette double sève, et semblables aux premières figues qui arrivent à la maturité, l'ont emporté sur les autres par la richesse des plus beaux fruits ; et c'est à eux qu'il est dit : " Vous serez assis sur douze trônes. " Il en est cependant qui voient dans ce figuier la figure non de la synagogue, mais de la malice et de la perversité ; leur interprétation ne diffère de la précédente qu'en ce qu'ils prennent le genre pour l'espèce.
BEDE. Or, le Seigneur qui avait daigné naître et se manifester dans une chair sensible, avait par ses fréquents enseignements dans la synagogue cherché le fruit de la foi et ne l'avait pas trouvé dans le coeur des pharisiens : " Il vint pour y chercher du fruit, et il n'en trouva point. " - S. AMBR. Le Maître cherchait du fruit, non pas qu'il ignorât que le figuier n'en portait pas, mais pour montrer par cette figure, que la synagogue aurait dû produire des fruits. D'ailleurs la suite fait bien voir qu'il n'est pas venu avant le temps, lui qui est venu pendant trois années consécutives : " Et il dit au vigneron : Voici trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n'en trouve point. Il est venu aux jours d'Abraham, sous Moïse et au temps de Marie ; c'est-à-dire dans le signe de la circoncision (Gn 17, 11 ; Rm 4, 11), dans la loi, et dans la chair qu'il a prise du sein de Marie, et nous reconnaissons son avènement à ses bienfaits, d'un côté la purification, de l'autre la sanctification, de l'autre enfin la justification. La circoncision purifiait, la loi sanctifiait, la grâce a justifié. Le peuple juif n'a donc pu ni être purifié, parce qu'il n'avait que la circoncision extérieure sans avoir la circoncision de l'esprit ; ni être sanctifié, parce qu'il ignorait la vertu de la loi, et qu'il était bien plus fidèle aux formalités extérieures qu'aux prescriptions spirituelles ; ni être justifié, parce que ne faisant aucune pénitence de ses péchés, il ne connaissait pas la grâce de Dieu. Il était donc impossible de trouver des fruits dans la synagogue, aussi commande-t-il, qu'elle soit retranchée : " Coupez-le donc, pourquoi occupe-t-il encore la terre ? " Cependant le bon vigneron, (peut-être celui sur lequel a été bâtie l'Église), présageant qu'un autre irait évangéliser les Gentils, tandis que lui-même serait envoyé au peuple de la circoncision, intervient dans un sentiment de charité chrétienne pour prier qu'il ne soit point coupé, parce qu'il puise dans sa vocation la confiance que le peuple juif pourra aussi être sauvé par l'Eglise : " Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année. " Il reconnut aussitôt que c'était la dureté et l'orgueil des Juifs qui étaient la cause de leur stérilité. Il sait donc comment il faut les cultiver, parce qu'il sait les reprendre de leurs vices : " Je creuserai tout autour. " Il promet de labourer profondément leurs coeurs si durs avec la bêche apostolique, afin que la racine de la sagesse ne soit ni étouffée ni cachée sous un amas de terre : " Et je mettrai du fumier, " c'est-à-dire le sentiment de l'humilité qui peut faire produire aux Juifs eux-mêmes des fruits dignes de l'Évangile de Jésus-Christ. Aussi ajoute-t-il : " Alors s'il porte du fruit, à la bonne heure, (c'est-à-dire ce sera bien), sinon vous le couperez. " - BEDE. C'est ce qui s'accomplit, lorsque les Romains détruisirent la nation juive, et la chassèrent de la terre promise.
S. AUG. (serm. 23, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, ce figuier c'est le genre humain ; car lorsque le premier homme eut péché, il prit des feuilles de figuier pour couvrir sa nudité, c'est-à-dire les membres dont nous sommes nés. - THEOPHYL. Chacun de nous est encore ce figuier planté dans la vigne de Dieu, c'est-à-dire dans l'Église de Dieu ou dans ce monde. - S. GREG. (hom. 31, sur les Evang.) Le Seigneur est venu trois fois à ce figuier, parce qu'il a cherché le fruit que produirait le genre humain avant la loi, sous la loi, et sous la grâce, (en l'attendant, en l'avertissant, en le visitant). Et cependant il se plaint de ce que pendant trois années consécutives, il n'a point trouvé de fruit, parce que certains esprits dépravés n'ont pu être corrigés par la loi naturelle gravée dans leurs coeurs, ni instruits par les préceptes de la loi, ni convertis par les miracles de l'incarnation. - THEOPHYL. Par trois fois notre nature a refusé de donner le fruit qui lui est demandé ; dans le paradis lorsque dans la personne de nos premiers parents nous avons désobéi au commandement de Dieu, en second lieu, lorsque les Israélites adorèrent le veau d'or qu'ils avaient fabriqué (Ex 32), troisièmement, lorsqu'ils renièrent le Sauveur. Ces trois ans peuvent encore figurer les trois âges de la vie ; l'enfance, la virilité et la vieillesse.
S. GREG. (hom. 31 sur les Evang.) C'est avec un grand sentiment de crainte qu'il faut entendre ces paroles : " Coupez-le, pourquoi occupe-t-il inutilement la terre ? " Tout homme, en effet, à sa manière, et en tant qu'il tient une place dans cette vie, occupe inutilement la terre comme un arbre infructueux, s'il ne peut présenter les fruits de ses bonnes oeuvres ; parce qu'en effet, dans la place qu'il occupe, il est un obstacle au bien que d'autres pourraient produire.
S. BAS. (serm. 8 sur la pénit.) C'est le propre de la divine miséricorde, de ne pas infliger de punitions sans avertir, mais de faire toujours précéder les menaces, pour rappeler à la pénitence. C'est ainsi qu'il avait fait pour les Ninivites, et qu'il fait encore ici en disant au vigneron : " Coupez-le ; " il le presse par là d'en prendre soin, et il excite cette âme stérile à produire les fruits qu'il a droit d'exiger d'elle. - S. GREG. DE NAZIANZE. (disc. 26 sur la modération qu'il faut garder dans les discussions.) Ne soyons donc pas nous-mêmes trop prompts à frapper, faisons prévaloir la miséricorde ; ne coupons pas le figuier qui peut encore faire du fruit, et qui peut être guéri de sa stérilité par les soins d'un habile jardinier : " Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année, " etc.
S. GREG. (hom. 31 sur les Evang.) Le cultivateur de la vigne représente l'ordre des supérieurs qui sont placés à la tête de l'Église, pour prendre soin de la vigne du Seigneur. - THEOPHYL. Ou bien le père de famille, c'est Dieu le Père ; le cultivateur, c'est Jésus-Christ qui ne permet pas que l'on coupe le figuier stérile, et qui semble dire à son Père : Ni la loi, ni les prophètes n'ont pu leur faire produire des fruits de pénitence, cependant je les arroserai de mes souffrances et de mes enseignements, peut-être alors ils produiront des fruits d'obéissance.
S. AUG. (serm. 31 sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le cultivateur qui intercède, c'est toute âme sainte qui, dans le sein de l'Église, prie pour ceux qui sont hors de l'Église en disant à Dieu : " Seigneur, laissez-le encore cette année (c'est-à-dire dans ce temps de grâce), jusqu'à ce que je creuse tout autour. " Creuser autour, c'est enseigner l'humilité et la patience, car une terre creusée est déprimée ; le fumier (il faut l'entendre dans un bon sens), c'est de l'ordure, mais il aide à produire des fruits. Le fumier du cultivateur, c'est la douleur du pécheur. Ceux qui font pénitence, paraissent sous des dehors négligés, et agissent en cela selon la vérité. - S. GREG. (hom. 31.) Ou bien encore, ce sont les péchés de la chair qui sont appelés du fumier, ainsi c'est du fumier qu'il tire sa vie et sa fécondité, parce que c'est la considération du péché qui ressuscite l'âme à la vie des bonnes oeuvres. Mais la plupart entendent ces menaces, et refusent cependant de faire pénitence, c'est pour cela que le cultivateur ajoute : " S'il porte du fruit, à la bonne heure. " - S. AUG. (comme précéd.) " Sinon, vous le couperez, " c'est-à-dire lorsque vous viendrez au jour du jugement pour juger les vivants et les morts, jusque-là, le figuier est épargné. - S. GREG. (hom. 31.) Celui donc qui ne veut pas écouter ces menaces pour revenir à la vie et à la fécondité, tombe dans un état dont il lui est impossible de se relever par la pénitence.

vv. 10-17.
S. AMBR. Notre-Seigneur ne tarde pas à prouver ce qu'il vient de dire de la synagogue, et il fait voir qu'il est venu jusqu'à elle, en la choisissant pour lui faire entendre ses divins enseignements : " Or, Jésus enseignait dans leurs synagogues les jours de sabbat. " - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) Ce n'est pas en secret qu'il enseigne, mais en public dans les synagogues avec fermeté, sans hésitation et sans rien dire contre la loi de Moïse. Il choisit le jour du sabbat, parce que les Juifs s'appliquaient ce jour-là à l'étude de la loi.
S. CYR. C'est pour triompher de la corruption de la mort et de l'envie du démon, que le Verbe s'est incarné, les faits évangéliques nous en donnent la preuve : " Et voici qu'une femme, qui avait un esprit d'infirmité depuis dix-huit ans, " etc. L'Évangéliste dit : " Un esprit d'infirmité, " parce que les souffrances de cette femme venaient de la cruauté du démon ; abandonnée qu'elle était de Dieu pour ses propres fautes, ou à cause de la transgression d'Adam qui a soumis le corps de l'homme aux infirmités et à la mort. Or, Dieu donne au démon ce pouvoir, afin que les hommes, accablés sous le poids de l'adversité, éprouvent le désir de s'élever à une condition meilleure. Saint Luc nous fait ensuite connaître quelle était l'infirmité de cette femme : " Elle était courbée et ne pouvait aucunement regarder en haut. " - S. BAS. (hom. 9 sur l'hexam.) Les animaux ont la tête inclinée vers la terre et ne regardent que les choses de la terre, tandis que la tête de l'homme est tournée vers le firmament, et ses yeux contemplent le ciel ; car il est appelé à chercher les choses du ciel et à porter ses regards au-dessus de la terre.
S. CYR. Le Sauveur, pour montrer que sa venue dans le monde était le remède de toutes les infirmités humaines, guérit cette femme : " Jésus la voyant, l'appela et lui dit : Femme, vous êtes délivrée de votre infirmité, " paroles dignes de Dieu, pleines d'une majesté toute puissante, qui met en fuite la maladie par un seul acte de sa volonté souveraine. Il lui impose aussi les mains : " Et il lui imposa les mains, et aussitôt elle se redressa, et elle glorifiait Dieu. " Il faut se rappeler ici que la chair sacrée du Sauveur était revêtue d'une puissance toute divine ; car c'était la chair de Dieu lui-même, et non d'une autre personne, par exemple, du Fils de l'homme qui aurait existé séparément du Fils de Dieu, comme quelques-uns ont osé le soutenir. Mais le chef de cette ingrate synagogue, à la vue de cette femme qui était courbée jusqu'à terre, et que le Sauveur venait de redresser en lui imposant seulement les mains, est comme enflammé d'envie contre la gloire du Seigneur, et condamne hautement cette guérison miraculeuse en se couvrant d'un zèle apparent pour le sabbat : " Mais le chef de la synagogue, s'indignant que Jésus eût guéri un jour de sabbat, dit au peuple : Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler, venez donc ces jours-là pour vous faire guérir, et non le jour du sabbat. " Il les engage à choisir les autres jours où ils sont tous dispersés et occupés chacun de leurs travaux, et non le jour du sabbat, pour voir et admirer les miracles du Seigneur, dans la crainte qu'ils ne croient en lui. Mais dites-moi : La loi défend toute oeuvre manuelle le jour du sabbat, défend-elle aussi celles qui se font par une simple parole, et par la bouche ? Cessez donc alors de manger, de boire, de parler et de chanter les psaumes le jour du sabbat. Et si vous ne lisez même pas la loi ce jour-là, à quoi vous sert le sabbat ? Admettons que la loi a défendu toute oeuvre manuelle, est-ce donc une oeuvre manuelle que de redresser d'une seule parole cette femme courbée jusqu'à terre ?
S. AMBR. D'ailleurs, Dieu s'est reposé des oeuvres de la création du monde, mais non pas de ces oeuvres saintes et divines qu'il ne cesse d'opérer, selon cette parole de son Fils : " Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi, " nous enseignant ainsi à imiter Dieu, en nous abstenant des oeuvres terrestres, mais non des oeuvres de religion. Aussi, Notre-Seigneur répond-il directement au chef de la synagogue : " Hypocrites, chacun de vous ne délie-t-il pas son boeuf ou son âne de la crèche le jour du sabbat pour les mener boire ? "
S. BAS. (Homél 1 sur le jeûne.) On appelle hypocrite celui qui joue sur un théâtre le rôle d'une personne étrangère, c'est ainsi que dans cette vie, quelques-uns ont dans le coeur des sentiments tout différents de ceux qu'ils affichent à l'extérieur devant les hommes. - S. CHRYS. C'est donc, à juste titre, qu'il traite d'hypocrite le chef de la synagogue, qui sous l'apparence d'un zélé défenseur de la loi, cachait le coeur d'un homme fourbe et envieux, car ce qui l'émeut ce n'est point la violation du sabbat, mais la gloire que tous rendent à Jésus-Christ. Remarquez cependant que lorsqu'il s'agit d'un travail quelconque (comme lorsqu'il commanda au paralytique d'emporter son lit), il puise ses raisons plus haut, et fait appel à la dignité de son Père par ces paroles : " Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi. " (Jn 5.) Ici, au contraire, où il fait tout par sa seule parole, il se contente d'invoquer leur propre conduite pour répondre à leur accusation.
S. CYR. Le chef de la synagogue est traité d'hypocrite, parce qu'il délie ses animaux le jour du sabbat pour les faire boire, tandis que pour cette femme, fille d'Abraham, autant par la foi que par le sang, il ne croit pas qu'on doive briser les liens de son infirmité : " Et cette fille d'Abraham, lui dit le Sauveur, que Satan a tenue liée pendant dix-huit ans, il ne fallait pas rompre son lien le jour du sabbat ? " Peu leur importe que cette femme reste toujours courbée vers la terre comme les animaux, plutôt que de reprendre la posture qui convient à la créature raisonnable, pourvu qu'il ne revienne aucune gloire à Jésus-Christ ; ils ne pouvaient d'ailleurs rien lui répondre, et ils étaient à eux-mêmes leur inévitable condamnation. Aussi, ajoute l'Évangéliste : " Pendant qu'il parlait ainsi, tous ses adversaires étaient couverts de confusion ; le peuple, au contraire, qui recueillait les avantages de ces miracles, faisait publiquement éclater sa joie : " Et tout le peuple était ravi des choses merveilleuses qu'il faisait. " L'éclat de ces prodiges tranchait toute difficulté pour des esprits qui cherchaient la vérité avec une intention droite.

S. GREG. (hom. 31 sur les Evang.) Dans le sens figuré, le figuier stérile et cette femme courbée vers la terre, ont la même signification. En effet, la nature humaine, précipitée dans le péché par sa volonté, a perdu son premier état de droiture en refusant de produire les fruits de l'obéissance ; et le figuier qu'on réserve, signifie également la même chose que cette femme qui est redressée par le Sauveur. - S. AMBR. Ou bien encore, le figuier représente la synagogue ; enfin, cette femme infirme est comme le figuier de l'Église, qui, après avoir épuisé le temps de la loi et de la résurrection, sera élevée au faite des grandeurs dans un repos éternel, et ne pourra plus être courbée sous le poids de nos misères. Cette femme ne pouvait être guérie que par l'accomplissement des préceptes de la loi et de la grâce, car la perfection résulte de l'observation des dix commandements de la loi, et le nombre huit exprime le plein accomplissement des préceptes du temps de la résurrection. - S. GREG. (hom. 31.) Ou bien dans un autre sens : l'homme a été fait le sixième jour, et ce sixième jour, toutes les oeuvres de Dieu étaient achevées : or, le nombre six multiplié par trois, fait dix-huit ; cette femme qui fut courbée pendant dix-huit ans, représente donc l'homme qui créé le sixième jour, n'a pas voulu produire des oeuvres parfaites, et qui est resté dans un état d'infirmité avant la loi, sous la loi et au commencement du règne de la grâce.

S. AUG. (serm. 31 sur les par. du Seign.) Les trois années, pendant lesquelles le figuier est resté stérile, ont donc la même signification que les dix-huit ans d'infirmité de cette femme, car trois fois six font dix-huit. Elle était courbée et ne pouvait regarder en haut, parce qu'elle était incapable d'entendre ces paroles : " Élevez vos coeurs en haut. " - S. GREG. (hom. 31.) En effet, tout pécheur qui ne pense qu'aux choses de la terre et oublie les choses du ciel, est incapable de regarder en haut, parce qu'en suivant les désirs de la nature dégradée, il perd la droiture première de son âme, et ne voit plus que ce qui fait l'objet habituel de ses pensées. Notre-Seigneur appelle cette femme et la redresse, c'est-à-dire, qu'il l'éclaire de sa lumière et l'aide de sa grâce. Il appelle quelquefois, mais sans redresser. En effet, il arrive quelquefois que la grâce nous éclaire suffisamment pour nous montrer ce que nous devons faire, et cependant par notre faute, nous négligeons de le faire, car une faute qui devient habituelle est comme un lien pour l'âme qui l'empêche de reprendre sa droiture première, elle s'efforce et retombe toujours comme malgré elle dans l'état où elle a longtemps vécu volontairement.

S. AMBR. Cette oeuvre miraculeuse est donc le symbole du sabbat éternel, lorsqu'après avoir tous passé sous le régime de ta loi et de la grâce, nous serons délivrés par la miséricorde de Dieu de toutes les misères de la fragilité corporelle. Mais pourquoi le Sauveur ne parle-t-il pas d'autre animal que du boeuf et de l'âne, si ce n'est pour montrer que le peuple juif et celui des gentils seraient un jour délivrés de la soif du corps et des ardeurs de ce monde, qu'ils éteindraient dans les sources abondantes du Seigneur, et que la vocation de ces deux peuples assurerait le salut de l'Église ? - BEDE. Toute âme fidèle est cette fille d'Abraham, ou l'Église formée des deux peuples et réunie par une seule et même foi. Dans le sens figuré, délier son boeuf ou son âne de leur crèche pour les mener boire, c'est rompre les liens de nos inclinations qui retenaient captive cette fille d'Abraham.

vv. 18-21.
LA GLOSE. (en termes équivalents.) Après avoir couvert ses ennemis de confusion et comblé le peuple de joie par, les oeuvres glorieuses qu'il opérait, Jésus leur découvre le progrès de l'Évangile sous le voile de plusieurs paraboles : " Il disait encore : A quoi est semblable le royaume de Dieu, et à quoi le comparerai-je ? Il est semblable à un grain de sénevé, " etc. - S. AMBR. Dans un autre endroit, le grain de sénevé est comparé à la foi (Mt 17, 19). Si donc le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé, et que la foi elle-même soit figurée par ce grain de sénevé, la foi est donc le royaume des cieux qui est au dedans de nous (Lc 17). Le grain de sénevé est très-commun et sans beaucoup de valeur, mais aussitôt qu'il est broyé il répand sa force ; ainsi la foi elle-même paraît au premier abord sans valeur, mais si elle est aussi broyée par les souffrances, elle répand la grâce de sa force. Les martyrs sont des grains de sénevé, ils avaient en eux-mêmes le parfum odoriférant de la foi, mais elle était cachée. La persécution est venue, ils ont été brisés par le glaive et ont répandu jusqu'aux extrémités du monde la semence de leur martyre. Notre-Seigneur lui-même est un grain de sénevé. Il a voulu être broyé, afin que nous puissions dire : " Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ. " (2 Co 2.) Il a voulu être semé comme le grain de sénevé, qu'un homme prend et sème dans son jardin, car c'est dans un jardin que Jésus-Christ a été fait prisonnier et qu'il a été enseveli ; c'est là aussi qu'il est ressuscité et qu'il est devenu un grand arbre, comme il le dit lui-même : " Il crût et devint un grand arbre. " Notre-Seigneur, en effet, est le grain de sénevé lorsqu'il est enseveli dans la terre, mais il devient un grand arbre lorsqu'il s'élève dans les cieux. Il est aussi cet arbre qui couvre le monde de son ombrage : " Et les oiseaux du ciel se reposèrent dans ses rameaux, " c'est-à-dire, les puissances des cieux, et tous ceux qui, par leurs oeuvres spirituelles, ont le privilège de prendre leur essor au-dessus de la terre, Pierre et Paul sont les rameaux de cet arbre, et nous qui étions loin (Ep 2, 13), nous nous envolons sur les ailes des vertus dans les retraites cachées de ces branches à travers les profondeurs des controverses. Semez donc Jésus-Christ dans votre jardin, un jardin est un lieu parsemé de fleurs ; que vos oeuvres soient donc les fleurs de ce jardin, et qu'elles y exhalent les parfums variés des vertus chrétiennes. Jésus-Christ se trouve là où la semence produit des fruits.

S. CYR. Ou bien encore, le royaume de Dieu, c'est l'Évangile qui nous donne le droit d'aspirer à régner un jour avec Jésus-Christ. Le grain de sénevé est plus petit que toutes les autres semences, mais il prend ensuite de si grands développements qu'il reçoit sous ses ombrages une multitude d'oiseaux ; ainsi la doctrine du salut peu répandue dans le commencement, a pris ensuite les plus grands accroissements.

BEDE. Cet homme, dont il est ici parlé, c'est Jésus-Christ, le jardin, c'est l'Église, qui doit être cultivée par ses enseignements. Cet homme a reçu cette semence, dit le Sauveur, parce qu'il a reçu avec nous comme homme les dons dont il est avec son Père la source en tant que Dieu. La prédication de l'Évangile, répandue par tout l'univers, a pris successivement des développements prodigieux, elle se développe aussi progressivement dans l'âme de chaque fidèle, car personne n'arrive tout d'un coup à la perfection, mais il croit et s'élève, non pas comme les plantes qui se dessèchent si vite, mais à la manière des arbres. Les rameaux de cet arbre sont les divers dogmes dans lesquels les âmes chastes, prenant leur essor sur les ailes des vertus, viennent faire leur nid et trouver un doux lieu de repos.
THEOPHYL. Ou bien encore, tout homme qui prend ce grain de sénevé, c'est-à-dire, la doctrine de l'Évangile, et la sème dans le jardin de son âme, produit un grand arbre qui étend ses rameaux, et les oiseaux du ciel, c'est-à-dire, ceux qui s'élèvent au-dessus des choses de la terre, viennent se reposer dans ses branches, c'est-à-dire, dans les magnifiques développements des vérités chrétiennes. C'est ainsi que Paul reçut les premières leçons d'Ananie comme un grain de senevé (Ac 9), mais il le sema dans le jardin de son âme, et lui fit produire de nombreux et utiles enseignements où viennent habiter ceux qui ont l'intelligence élevée, comme Denis, Hiérothée, et beaucoup d'autres.

Notre-Seigneur compare ensuite le royaume de Dieu au levain : " Et il dit encore : A quoi comparerai-je le royaume de Dieu ? il est semblable à du levain qu'une femme prend, " etc. - S. AMBR. D'après le plus grand nombre des interprètes, ce levain est la figure de Jésus-Christ, parce que de même que le levain qui est un composé de farine, est supérieur à cette matière première, non par sa nature, mais par la force dont il est doué ; ainsi Jésus-Christ, par sa nature corporelle, était égal à ses ancêtres, mais leur était incomparablement supérieur par la dignité. Nous avons donc une figure de l'Église dans cette femme, dont il est dit " Qu'une femme prend, et mêle dans trois setiers de farine, jusqu'à ce que le tout soit fermenté. " - BEDE. Le setier est une mesure en usage dans la Palestine et qui contient un boisseau et demi. - S. AMBR. C'est nous qui sommes la farine de cette femme, qui dépose Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'intérieur de notre âme, jusqu'à ce que la chaleur de la sagesse céleste anime et soulève les sentiments les plus intimes de notre coeur. Comme ce levain se trouve ici mêlé dans trois mesures de farine, on a été conduit à y voir le Fils de Dieu caché dans la loi, voilé dans les prophètes et accompli dans la prédication évangélique ; cependant j'aime mieux suivre le sentiment indiqué par Notre-Seigneur lui-même, que ce levain est la doctrine spirituelle de l'Eglise. Lorsque l'homme a pris une nouvelle naissance dans son corps, dans son âme et dans son esprit, l'Église le sanctifie par le levain spirituel, quand ces trois facultés sont unies ensemble par une certaine égalité de désirs, et qu'elles aspirent ensemble aux mêmes jouissances. Si donc ces trois mesures demeurent unies au levain en cette vie, jusqu'à ce qu'elles fermentent et ne fassent plus qu'un, cette union sera un jour suivie par ceux qui aiment Jésus-Christ d'une communion éternelle et incorruptible. - THEOPHYL. Dans cette femme, on peut encore voir l'âme humaine, et dans les trois mesures les trois parties, la partie raisonnable, la partie irascible et la partie concupiscible. Si donc un chrétien dépose et cache le Verbe de Dieu dans ces trois mesures, elles ne formeront plus qu'un seul tout spirituel, de manière que la raison ne soit plus en opposition avec les divins enseignements) que la colère et la concupiscence ne s'emportent plus à aucun excès, mais se conforment à la parole du Verbe. - S. AUG. (serm. 32 sur les par. du Seign.) Ou bien encore, ces trois mesures de farine figurent le genre humain, qui a été reproduit par les trois enfants de Noé, et la femme qui mêle et cache le levain, c'est la sagesse de Dieu. - EUSEBE. (Ch. des Pèr. gr.) Ou bien dans un autre sens, le levain c'est l'Esprit saint, qui est comme la vertu qui procède de son principe, c'est-à-dire du Verbe de Dieu ; les trois mesures de farine signifient la connaissance du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que donne cette femme, c'est-à-dire, la divine sagesse et l'Esprit saint. - BEDE. Ou bien encore, ce levain c'est l'amour de Dieu, qui fait fermenter et soulève l'âme. Cette femme, c'est-à-dire, l'Église, mêle donc le levain de l'amour de Dieu dans trois mesures, parce qu'elle nous ordonne d'aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, de toutes nos forces, et cela jusqu'à ce que le tout ait fermenté, c'est-à-dire, jusqu'à ce que la charité ait opéré dans l'âme une parfaite transformation d'amour, ce qu'elle commence ici-bas, mais qui ne s'achève que dans la vie future.

vv. 22-30.
LA GLOSE. Après que Notre-Seigneur a exposé sous le voile des paraboles qui précèdent les progrès de la doctrine évangélique, il s'applique lui-même à la répandre par ses prédications : " Et il allait par les villes et par les villages, enseignant, " etc. - THEOPHYL. Il ne visitait pas seulement les petites localités, comme font ceux qui veulent tromper les esprits simples, ni seulement les villes, comme ceux qui veulent se faire valoir et cherchent la gloire qui vient des hommes ; mais il allait partout, comme le maître de tous les hommes, comme un père dont la providence s'étend à tous ses enfants. En visitant les villes, il n'évite point la ville de Jérusalem, par crainte des accusations des docteurs, ou de la mort qui pouvait en résulter, car l'Évangéliste fait remarquer : " Qu'il se dirigeait vers Jérusalem ; " le médecin, en effet, doit surtout sa présence et ses soins aux endroits qui contiennent un plus grand nombre de malades. " Or, quelqu'un lui demanda : Seigneur, n'y aura-t-il qu'un petit nombre qui soient sauvés ? " - La GLOSE. Cette question paraît se rapporter à ce dont il avait parlé plus haut. En effet, dans la parabole précédente, le Sauveur avait dit que les oiseaux étaient venus se reposer sur les branches de l'arbre, ce qui donnait à entendre qu'il y en aurait un grand nombre qui parviendraient au repos du salut. Comme cet homme faisait cette question au nom de tous, le Seigneur ne lui répond pas en particulier : " Il leur répondit : Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. " - S. BAS. (règle abrég. quest. 240.) De même que dans cette vie, quand on sort du droit chemin, on trouve de larges issues, ainsi quand on sort du sentier qui conduit au royaume des cieux, on tombe dans les voies larges de l'erreur. (Quest. 241.) Le droit chemin est toujours étroit, on ne peut sans danger s'en écarter soit à droite soit à gauche, il est semblable à un pont qu'on ne peut quitter d'un côté ou de l'autre sans être englouti dans le fleuve.

S. CYR. (Ch. des Pères gr.) La porte étroite est aussi la figure des souffrances et de la patience des saints. De même en effet, que la victoire qui suit le combat atteste la bravoure du soldat, de même les travaux et les tribulations courageusement supportés donnent de l'éclat et de la gloire. - S. CHRYS. (hom. 24 et 40, sur S. Matth.) Mais pourquoi donc le Sauveur dit-il ailleurs : " Mon joug est doux, et mon fardeau léger ? " (Mt 11.) Il n'y a point ici de contradiction, d'un côté Notre-Seigneur a en vue la violence des tentations, de l'autre l'amour de ceux qui les éprouvent. En effet, que de choses accablantes pour la nature, et qui nous deviennent faciles quand nous les embrassons avec amour ? D'ailleurs, si la voie du salut est étroite à son entrée, elle conduit cependant dans des régions vastes et spacieuses ; au contraire la voie large mène directement à la mort. - S. GREG. (Moral., 11, 26.) Avant de parler de l'entrée de la porte étroite, il dit : " Efforcez-vous, " parce qu'en effet, si l'âme ne déploie toute son ardeur elle ne pourra triompher des flots du monde qui toujours l'entraînent dans les abîmes.

S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) Il semble que Notre-Seigneur ne répond pas directement à cette question : " Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? " en faisant connaître la voie qui peut conduire à la justice. Mais il faut se rappeler qu'il avait coutume de ne pas répondre en entrant dans les pensées et les désirs de ceux qui l'interrogeaient, toutes les fois qu'ils demandaient des choses inutiles, mais en ayant pour but l'utilité de ceux qui l'entendaient. Or, quel avantage pouvait résulter pour eux de savoir si le nombre de ceux qui seraient sauvés serait petit ou grand ? Il était bien plus nécessaire de connaître les moyens d'arriver au salut. C'est donc dans un dessein plein de miséricorde, que sans répondre à cette question inutile, il traite un sujet beaucoup plus nécessaire.

S. AUG. (serm. 32, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le Sauveur répond affirmativement à la question qui lui est faite : " Y en a-t-il peu qui soient sauvés ? " parce qu'il y en a peu qui entrent par la porte étroite. C'est ce qu'il déclare lui-même dans un autre endroit : " Le chemin qui conduit à la vie est étroit, et il en est peu qui le trouvent. " (Mt 7.) - BEDE. C'est pour cela qu'il ajoute ici : " Car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, (excités par le désir de sauver leur âme), et ils ne le pourront pas, " effrayés qu'ils seront des difficultés de la route. - S. BAS. (sur le Ps 1.) L'âme, en effet, hésite et chancelle quand, d'un côté, la considération de l'éternité lui fait choisir le chemin de la vertu, et quand en même temps la vue des choses de la terre lui fait donner la préférence aux séductions du monde. D'un côté elle voit le repos et les plaisirs de la chair, de l'autre l'assujettissement, l'esclavage de soi-même ; d'un côté l'intempérance, de l'autre la sobriété ; d'un côté les rires dissolus, de l'autre des ruisseaux de larmes, d'un côté les danses, de l'autre les prières ; ici le son des instruments, là les pleurs ; d'un côté la volupté, de l'autre la chasteté. - S. AUG. (serm., 32.) Notre-Seigneur ne se contredit pas en disant ici qu'il en est peu qui entrent par la porte étroite, et en déclarant dans un autre endroit " qu'un grand nombre viendront de l'Orient et de l'Occident, " etc. (Mt 8.) Ils seront peu en comparaison de ceux qui se perdent, mais ils seront beaucoup dans la société des anges. Quand le grain est battu dans l'aire, à peine si on le voit, mais cependant il sortira de cette aire une si grande quantité de grains qu'elle remplira le grenier du ciel.

S. CYR. Notre-Seigneur nous montre ensuite par un exemple manifeste combien sont coupables ceux qui ne peuvent entrer : " Lorsque le père de famille sera entré et aura fermé la porte, " etc. ; c'est-à-dire, supposez un père de famille qui a invité beaucoup de monde à son festin, lorsqu'il est entré avec ses convives et que la porte est fermée, d'autres arrivent et frappent à la porte. - BEDE. Ce père de famille, c'est Jésus-Christ qui est présent partout par sa divinité, mais qui nous est représenté dans l'intérieur du ciel avec ceux qu'il réjouit de la vue de sa présence, tandis qu'il est comme dehors avec ceux qu'il soutient invisiblement dans le combat de cette vie. Il entrera définitivement, lorsqu'il admettra toute l'Église à le contempler, il fermera la porte lorsqu'il refusera aux réprouvés la grâce de la pénitence. Ceux qui se tiendront au dehors et frapperont à la porte, c'est-à-dire ceux qui seront séparés des justes, imploreront en vain la miséricorde qu'ils auront méprisée : " Et il leur répondra : Je ne sais d'où vous êtes. " - S. GREG. (Moral., 8.) Ne point savoir, pour Dieu, c'est l'éprouver, comme on dit d'un homme vrai dans ses paroles, qu'il ne sait pas mentir, parce qu'il a horreur du mensonge ; ce n'eut pas qu'il ne saurait mentir, s'il le voulait, mais l'amour de la vérité lui inspire un profond mépris pour te mensonge. La lumière de la vérité ne connaît donc point les ténèbres qu'elle réprouve.

" Alors vous commencerez à dire : Nous avons mangé et bu devant vous, " etc. - S. CYR. Ceci s'applique aux Israélites qui offraient à Dieu des sacrifices selon les prescriptions de la loi, et se livraient à la. joie en mangeant la chair des victimes. Ils entendaient aussi dans leurs synagogues la lecture des livres de Moïse qui, dans ses écrits, ne parlait point en son nom, mais au nom même de Dieu. - THEOPHYL. Ou bien encore, on peut sans doute appliquer ces paroles aux Israélites, parce que Jésus-Christ est né d'eux selon la chair, qu'ils ont mangé et bu avec lui, et ont entendu ses prédications. Mais elles s'appliquent aussi aux chrétiens ; car nous mangeons le corps de Jésus-Christ, et nous buvons son sang, lorsque tous les jours nous nous asseyons à la table mystique, et il enseigne sur les places de nos âmes.

BEDE. Ou bien dans un sens figuré, manger et boire devant le Seigneur, c'est recevoir la nourriture de la divine parole, et le Seigneur semble confirmer cette explication en ajoutant : " Vous avez enseigné dans nos places publiques. " En effet, la sainte Écriture, dans les choses obscures, est une nourriture, parce qu'on la rompt pour ainsi dire en morceaux en l'expliquant, et qu'on la broie avant de l'avaler. Elle est comme un breuvage dans les vérités plus claires, parce qu'on les prend comme elles se présentent. Mais les joies de ce festin spirituel ne servent de rien à celui qui ne se recommande pas par une piété appuyée sur la foi ; la science des Écritures ne fait pas connaître à Dieu ceux que l'iniquité de leurs oeuvres rendent indignes de cet honneur. Aussi que leur dit Notre-Seigneur : " Et il lui dira : Je ne sais d'où vous êtes, retirez-vous de moi, " etc. - S. BAS. (règl. abr., quest. 282.) Peut-être s'adresse-t-il à ceux que l'Apôtre semble personnifier lui-même, quand il dit : " Quand je parlerais toutes les langues des hommes et des anges… quand j'aurais toute la science..., quand je distribuerais toutes mes richesses pour nourrir les pauvres, si je n'ai point la charité, je ne suis rien " (1 Co 13) ; car ce qui ne se fait point par un motif d'amour de Dieu, mais pour obtenir les louanges des hommes, ne mérite point les éloges de Dieu. - THEOPHYL. Remarquez combien sont détestés de Dieu ceux qu'il est forcé d'enseigner sur les places publiques. Il nous faut donc écouter ses divins enseignements, non dans les places publiques, mais dans un coeur que l'humilité a rendu petit, si nous voulons éviter ce malheur.

BEDE. Or, nous voyons ici la double peine de l'enfer, celle du froid et celle de la chaleur : " Là sera le pleur et le grincement de dents. " L'excessive chaleur, en effet, fait verser des larmes, et le grand froid produit le grincement de dents. Ou bien ce grincement de dents est un signe d'indignation, indignation tardive de celui qui attend trop tard pour faire pénitence. - LA GLOSE. Ou bien encore, le grincement de dents sera pour ceux qui, sur la terre, mettaient, toute leur joie dans les plaisirs de la table ; et les pleurs, pour ces yeux qui s'égaraient ici-bas dans les désirs de la concupiscence. Ces deux tourments sont du reste une preuve de la résurrection des impies.

THEOPHYL. Ces tristes prédictions s'appliquent encore aux Israélites auxquels il s'adressait, et dont le plus grand supplice sera de voir les Gentils entrer avec leurs pères dans le repos éternel, tandis qu'ils en seront exclus : " Quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, " etc. - EUSEBE. Les patriarches, en effet, avant la promulgation de la loi, abandonnaient l'erreur de la pluralité des Dieux, comme s'ils avaient été instruits par l'Évangile, et se sont élevés à la connaissance du Dieu très-haut. Un grand nombre de Gentils ont été associés à leur bonheur, parce qu'ils ont suivi leurs exemples, tandis que leurs enfants ont repoussé les enseignements de la doctrine évangélique : " Et ce sont les derniers qui seront les premiers, et ce sont les premiers qui seront les derniers. " - S. CYR. En effet, les Gentils ont été préférés aux Juifs qui tenaient le premier rang. - THEOPHYL. Nous-mêmes, qui avons reçu dès notre enfance les enseignements de la foi, nous sommes, ce semble aussi, les premiers, et peut-être serons-nous les derniers en comparaison des Gentils qui n'ont embrassé la foi qu'à la fin de leur vie. - BEDE. Il en est beaucoup, en effet, dont la ferveur dégénère en tiédeur, beaucoup qui, de froids qu'ils étaient, s'enflamment d'amour pour Dieu ; beaucoup qui, méprisés dans ce monde, seront couverts de gloire dans l'autre ; d'autres, au contraire qui, honorés des hommes sur la terre, seront à la fin de leur vie condamnés pour l'éternité.

vv. 31-35.
S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) Les paroles que le Sauveur venait de prononcer avaient profondément irrité les pharisiens ; car ils voyaient déjà le peuple, touché de repentir, croire en lui, Désolés donc de perdre leur autorité sur les peuples, et de voir diminuer le profit qu'ils en retiraient, ils simulent pour lui une affection hypocrite, et lui conseillent de se retirer : " Le même jour, quelques-uns des pharisiens vinrent lui dire : Allez-vous en, retirez-vous d'ici ; car Hérode veut vous faire mourir. " Mais Jésus, qui sonde les coeurs et les reins, leur répond avec douceur et dans un langage figuré : " Et il leur dit : Allez, et dites à ce renard. " - BEDE. Il appelle Hérode un renard à cause de son esprit rusé et insidieux ; car le renard est un animal rempli d'astuce, qui se cache dans sa tanière pour mieux tendre ses piéges, exhale une odeur fétide, et ne suit jamais les droits chemins. Tous ces traits conviennent aux hérétiques, dont Hérode est la figure, et qui cherchent à faire mourir Jésus-Christ, c'est-à-dire l'humilité de la foi chrétienne dans le coeur des fidèles.

S. CYR. Ou bien encore, les paroles du Sauveur ont un autre objet, et ne se rapportent pas à la personne d'Hérode (comme quelques-uns l'ont pensé), mais plutôt à l'hypocrisie des pharisiens. En effet, Notre-Seigneur paraît indiquer ce pharisien qui n'est pas loin, en disant : " Allez, et dites à ce renard, " selon le sens du texte grec. Il leur commande de dire ce qui était de nature à exciter contre lui la multitude des pharisiens : " Voilà que je chasse les démons et guéris les malades aujourd'hui et demain, et c'est le troisième jour que je dois, être consommé, Il leur annonce donc qu'il fera ce qui leur déplaisait souverainement, c'est-à-dire qu'il commandera aux esprits immondes, et guérira les malades jusqu'à ce qu'il subisse volontairement le supplice de la croix. Mais comme les pharisiens s !imaginaient qu'il redoutait la puissance d'Hérode, lui qui était le Dieu des vertus, il éloigne cette pensée en ajoutant : " Cependant il faut que je marche aujourd'hui et demain, et c'est le troisième jour que je dois être consommé. " Cette expression : " Il faut, " n'indique nullement une nécessité qui serait imposée au Sauveur, mais bien plutôt qu'il se rendait librement et volontairement vers le but qu'il se proposait, jusqu'à ce. qu'il terminât sa vie par le supplice de sa croix adorable, dont il annonce que le temps approche en disant : " Aujourd'hui et demain. " - THEOPHYL. Comme s'il leur disait : Pourquoi vous préoccuper de ma mort ? Le temps n'en est pas éloigné. Cependant ces expressions : " Aujourd'hui et demain, " signifient un espace de plusieurs jours. C'est ainsi que dans le langage ordinaire nous disons : " Je ferai ceci aujourd'hui et demain ; " bien que nous ne puissions le faire dans un si court espace de temps. Et pour donner une explication plus claire de ces paroles, ne les entendez pas dans ce sens : " Il faut que je marche aujourd'hui et demain, " non, arrêtez-vous après ces mots : " Aujourd'hui et demain, " puis ajoutez : " Le jour suivant je dois marcher. " De même que souvent pour compter, nous disons : Dimanche, lundi, mardi, je sortirai ; nous comptons deux jours pour indiquer le troisième, Notre-Seigneur dit aussi : " Aujourd'hui et demain, et le troisième jour, je dois aller à Jérusalem. "

S. AUG. (Quest. évang.) Ou bien encore, Notre-Seigneur parle ici dans un sens figuré et ces paroles ont pour objet son corps mystique qui est l'Église. En effet, il chasse les démons, lorsque les nations idolâtres abandonnent leurs superstitions pour croire en lui, et il opère des guérisons, lorsqu'après qu'elles ont renoncé au démon et au monde, il conduit l'Église à la perfection angélique par l'immortalité du corps qui aura lieu à la résurrection, figurée ici par le troisième jour comme la consommation de toutes choses.
THEOPHYL. Mais comme ceux qui lui disaient : " Retirez-vous d'ici, parce que Hérode veut vous faire mourir, " lui parlaient ainsi dans la Galilée où régnait Hérode ; Notre-Seigneur leur déclare que ce n'est pas en Galilée, mais à Jérusalem, qu'il a été réglé d'avance qu'il devait souffrir. " Car il ne peut se faire qu'un prophète périsse hors de Jérusalem. " En entendant ces paroles : " Il ne faut pas, " c'est-à-dire, il ne convient pas qu'un prophète meure hors de Jérusalem, n'allez pas croire que les Juifs aient été forcés de le faire mourir ; le Sauveur parle ainsi, parce que les habitants de Jérusalem avaient comme soif du sang. Quand on entend parler d'un atroce scélérat, on dit, il faut que le chemin où il dresse ses embûches soit arrosé du sang des voyageurs ; de même, il fallait pour ainsi dire que le Seigneur des prophètes ne pérît pas ailleurs que dans la ville où demeuraient les meurtriers. Accoutumés à verser le sang des prophètes, ils feront aussi mourir le Seigneur des prophètes ; c'est ce qu'il déclare dans les paroles suivantes : " Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, " etc.
BEDE. Ce n'est ni aux pierres ni aux édifices de cette ville que Notre-Seigneur s'adresse dans cette apostrophe, mais aux habitants de Jérusalem sur lesquels il pleure avec une affection de père. - S. CYR. (hom. 75 sur S. Matth.) Cette répétition : Jérusalem, Jérusalem, indique un profond sentiment de compassion ou d'amour, le Sauveur parle à cette ville infortunée comme à une personne qui oublie celui qui l'aime, et il lui prédit le châtiment dont sera punie son ingratitude. - SEVERE D'ANT. Cette répétition est aussi l'indice d'un violent reproche, comment, en effet, cette ville qui a reçu la connaissance de Dieu, peut-elle persécuter les ministres de Dieu ? - S. CYR. Il fait bien voir, du reste, dans quel oubli des bienfaits de Dieu ils étaient tombés, en ajoutant : " Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme un oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ! " Sa main les a conduits par Moïse, un de ses plus fidèles et de ses plus sages serviteurs, il les a mille fois avertis par les prophètes ; il a voulu les voir réunir sous ses ailes, c'est-à-dire sous sa protection toute puissante, mais ils ont rendu inutiles toutes ces faveurs par leur ingratitude. - S. AUG. (Enchirid., chap. 17.) " J'ai voulu, " dit Notre-Seigneur, " et tu n'as pas voulu, " c'est-à-dire : Tous ceux que j'ai rassemblés par ma volonté toujours efficace, je les ai rassemblés malgré toi, parce que tu n'as cessé d'être ingrate. - BEDE. Après avoir appelé renard le roi Hérode qui en voulait insidieusement à sa vie, il se présente lui-même sous la comparaison pleine de justesse d'un oiseau, parce que les renards tendent toujours astucieusement des piéges aux oiseaux.

S. BAS. (sur Is 16.) Il compare aussi les enfants de Jérusalem à des petits qui ne peuvent sortir de leur nid, comme s'il disait : Les oiseaux qui prennent leur essor dans les airs, échappent aux atteintes de ceux qui leur dressent des embûches ; mais pour vous, vous serez comme un poussin qui a besoin de protection et de secours, et une fois privé de votre mère qui s'envolera, vous serez arraché de votre nid, incapable de vous défendre, et trop faible pour prendre la fuite. C'est ce qu'il lui prédit en ces termes : " Voilà que votre maison va demeurer déserte. " - BEDE. Cette ville qu'il avait comparée à un nid, il l'appelle maintenant la maison des Juifs ; car après qu'ils eurent mis le Seigneur à mort, les Romains vinrent et ravagèrent cette maison comme un nid vide, et détruisirent leur ville, leur nation et leur royaume - THEOPHYL. Ou bien encore, votre maison, c'est-à-dire votre temple, et tel est le sens de ces paroles : Tant que la vertu a été en honneur parmi vous, ce temple était le mien ; mais depuis que vous en avez fait une caverne de voleurs, ce n'est plus ma maison, c'est la vôtre. Ou bien enfin, cette maison, c'est toute la nation des juifs, selon ces paroles du Psalmiste : " Maison de Jacob, bénissez le seigneur, et il leur prouve ainsi que c'était lui qui les gouvernait, et qui les délivrait des mains de leurs ennemis.
" Je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vienne le jour où vous direz : " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. " - S. AUG. (de l'acc. des Evang., 2, 75.) Ce récit de saint Luc n'est pas en opposition avec ce que nous lisons dans saint Matthieu, que la foule accueillit le Sauveur à son entrée dans Jérusalem en lui disant : " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, " parce qu'il n'y était pas encore venu, et que ces paroles n'avaient pas encore été dites. - S. CYR. Il s'était éloigné de Jérusalem, et avait abandonné ses habitants comme indignes de jouir de sa présence ; puis après avoir opéré un grand nombre de miracles, il revient de nouveau à Jérusalem, et la foule se porte à sa rencontre en disant : " Salut au Fils de David ! Beni soit celui qui vient au nom du Seigneur. " - S. AUG. (de l'acc. des Evang.) Mais comme saint Luc ne dit pas où le Seigneur s'est retiré, pour ne venir dans cette ville qu'au temps où il serait accueilli par ces paroles (il continue, en effet, de marcher jusqu'à ce qu'il vienne à Jérusalem), cet Évangéliste veut ici parler de l'avènement glorieux du Sauveur. - THEOPHYL. Alors ils seront forcés de reconnaître pour leur Sauveur et pour leur Dieu, alors que cette profession de foi ne leur servira de rien. Ces paroles : " Vous ne me verrez plus, " etc., ne doivent pas s'entendre du moment même où il leur parlait, mais du temps de sa mort sur la croix, et tel en est le sens : Après que vous m'aurez crucifié, vous ne me verrez plus jusqu'à ce que je revienne de nouveau. - S. AUG. (de l'acc. des Evang., 2, 75.) Il faut donc entendre que saint Luc a voulu raconter ceci par anticipation, avant que son récit conduisît le Seigneur à Jérusalem, ou bien que lorsque le Sauveur approchait de Jérusalem, il a tenu à ceux qui l'engageaient à se mettre en garde contre Hérode, le même langage que lui prête saint Matthieu lorsqu'il entre dans cette ville. - BEDE. Ou bien encore, ces paroles : " Vous ne me verrez plus, " signifient : Si vous ne faites pénitence, et si vous ne confessez que je suis le Fils du Dieu tout-puissant, vous ne serez point admis à contempler ma face adorable, lors de mon second avènement.