CATANA AUREA SUR SAINT LUC
ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS
SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC
CHAPITRE
XXI
vv. 1-4.
LA GLOSE. Après avoir condamné l'avarice des scribes qui dévoraient
les maisons des veuves, Notre-Seigneur fait l'éloge de l'offrande d'une
pauvre veuve : " Jésus regardait un jour les riches qui mettaient
leurs offrandes dans le tronc, " etc.
BEDE. Le mot grec f??a?a?, veut dire conserver, et le mot persan gaza, signifie richesse, de là vient le nom de gazophylacium, donné à l'endroit où on déposait l'argent. C'était un coffre percé d'un trou à la partie supérieure et placé près de l'autel, à la droite de ceux qui entraient dans le temple, et dans lequel les prêtres qui gardaient les offrandes mettaient toutes les sommes d'argent que le peuple apportait au temple du Seigneur (Mc 12, 41). Or, de même que le Seigneur discerne le mérite de ceux qui travaillent dans sa maison, il regarde aussi attentivement ceux qui viennent lui présenter leurs offrandes, et il donne des éloges à celui qu'il en juge digne, comme il condamne celui dont les intentions sont mauvaises : " Et il vit aussi une pauvre veuve qui mit deux petites pièces de monnaie. " - S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) Elle offrait deux petites pièces de monnaie qu'elle gagnait à la sueur de son front pour sa subsistance de chaque jour. Ou encore : elle donnait à Dieu ce qu'elle demandait chaque jour à la charité publique, elle montrait ainsi la richesse et la fécondité de son indigence qui l'emportait sur tous les autres et recevait de Dieu les justes éloges qu'elle méritait : " Et il dit : En vérité je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. " - BEDE. Dieu a pour agréable tout ce que nous lui offrons d'un coeur généreux ; il pèse les intentions bien plus que l'objet même de notre offrande, et il considère moins la matière de notre sacrifice que la disposition généreuse de celui qui l'offre : " Car tous ceux-là ont fait des offrandes à Dieu de leur superflu, mais cette femme a mis de son indigence même tout ce qu'elle avait pour vivre. " - S. CHRYS. (hom 1, sur l'Epit. aux Hebr.) Ce n'est pas la modicité de l'offrande, mais la richesse du coeur que Dieu considère ici. (hom. 28.) L'aumône en effet ne consiste pas à donner une petite partie des grandes richesses qu'on possède, mais à imiter cette veuve qui s'est dépouillée de tout ce qu'elle possédait. Si vous ne pouvez donner autant qu'elle, donnez au moins tout votre superflu.
BEDE. Dans le sens allégorique, les riches qui déposaient leurs offrandes dans le tronc du temple, sont la figure des Juifs fiers de la justice de la loi ; cette pauvre veuve représente la simplicité de l'Église ; elle est pauvre parce qu'elle s'est dépouillée de l'esprit d'orgueil et des péchés qui sont comme les richesses du monde ; elle est veuve, parce que son époux a souffert la mort pour elle ; elle met deux petites. pièces de monnaie dans le tronc, parce que c'est en présence de Dieu (qui conserve les offrandes que nous lui faisons de nos oeuvres), qu'elle vient apporter l'offrande soit de l'amour de Dieu et du prochain, soit de la foi et de la prière qui l'emportent de beaucoup sur toutes les oeuvres des Juifs orgueilleux. En effet, les Juifs qui présument de leur justice, donnent à Dieu de leur abondance ; l'Église au contraire offre tout ce qui sert à sa subsistance, parce qu'elle reconnaît que tout ce qui contribue à entretenir sa vie, est un don de Dieu. - THEOPHYL. Ou encore, cette veuve est l'image de toute âme qui, veuve de la loi ancienne, comme de son premier mari, n'est pas encore digne de s'unir au Verbe de Dieu ; elle donne à Dieu pour gage sa foi et sa bonne conscience, et c'est ainsi qu'elle paraît offrir beaucoup plus que ceux qui sont riches en paroles, beaucoup plus que toutes les vertus morales qui forment les richesses des Gentils.
vv. 5-9.
EUSEBE ou THEOPHANE. (Ch. des Pèr. gr.) L'histoire nous atteste quelle
était la magnificence des constructions du temple, et ce qui en reste
encore aujourd'hui nous fait comprendre quelle devaient être la grandeur
et la richesse de cet édifice. Or, comme ses disciples admiraient les
constructions du temple, Notre-Seigneur leur déclare qu'il n'en restera
pas pierre sur pierre : " Quelques-uns lui faisant remarquer la beauté
des pierres du temple, et les riches offrandes dont il était orné,
il dit : Il ne restera pas pierre suit pierre. " Il était juste,
en effet, que ce lieu fût entièrement détruit, pour punir
l'insolence audacieuse de ceux qui venaient y accomplir les cérémonies
de leur culte. - BEDE. Ce fut encore par un dessein particulier de la Providence
divine que la ville et le temple furent voués à, une entière
destruction, car il était à craindre que des chrétiens,
faibles encore dans la foi, voyant la ville et le temple debout, et considérant
avec étonnement les sacrifices qu'on y offrait, ne fussent comme ébranlés
par le spectacle de ces rites si différents. - S. AMBR. Ce que le Sauveur
prédisait de la destruction future de ce temple bâti par les hommes,
était vrai, car tout ce qui est construit de main d'homme, ou périt
nécessairement de vétusté, ou est renversé par la
force, ou est consumé par le feu. Il y a cependant un autre temple (la
synagogue), dont l'antique édifice devait s'écrouler à
la naissance de l'Église. Nous avons tous aussi un temple au-dedans de
nous, qui s'écroule lorsque la foi s'affaiblit, et surtout lorsqu'on
affecte par hypocrisie de paraître extérieurement chrétien
pour se déclarer plus facilement contre Jésus-Christ dans l'intérieur
de son âme.
S. CYR. Les disciples ne comprenaient point le sens de ces paroles, ils s'imaginaient que le Sauveur voulait parler de la fin du monde, c'est pourquoi ils lui demandent quand cette destruction devait avoir lieu : " Alors ils lui demandèrent : Maître, quand cela arrivera-t-il ? et à quel signe connaîtra-t-on que ces choses sont, prêtes à s'accomplir ? " - S. AMBR. Saint Matthieu ajoute une troisième question, c'est-à-dire, que les disciples demandent à la fois le temps de la destruction du temple, les signes de l'avènement du Sauveur, et ceux qui doivent précéder la fin du monde. Or, Notre-Seigneur, interrogé sur le temps de la destruction du temple et sur les signes de son avènement, s'explique sur cette dernière question, mais ne répond pas à la première : " Il leur dit : Prenez garde d'être séduits. " - S. ATHAN. (Disc. 4 contr. les Ar.) Dieu nous a donné des grâces et fait connaître des vérités qui appartiennent à l'ordre surnaturel (par exemple les règles de la vie céleste, la puissance contre les démons, l'adoption, la connaissance du Père et du Fils, et le don de l'Esprit saint) ; aussi le démon, notre ennemi, rôde sans cesse autour de nous pour nous ravir la semence de la parole divine. Dieu donc, pour conserver en nous les dons précieux qu'il nous a faits et les enseignements qu'il nous a donnés, nous prémunit contre la séduction. Le Verbe de Dieu nous a fait une grâce extraordinaire, c'est non seulement de ne pas nous laisser tromper par les choses apparentes, mais encore de discerner, à l'aide de la grâce de l'Esprit saint celles qui sont cachées. Le démon, auteur de tout mal, sait l'horreur qu'il inspire, il cache donc avec soin ce qu'il est, et se couvre astucieusement d'un nom qu'il sait être cher à tous. Il fait comme celui qui veut gagner des enfants en l'absence de leurs parents, il prend leur extérieur et simule leur Voix pour tromper l'amour de ces enfants. Ainsi donc, dans toutes les hérésies, le démon se déguise et dit : Je suis le Christ, la vérité est avec moi : " Plusieurs viendront en mon nom et diront : C'est moi, et le temps approche. " - S. CYR. Avant que Jésus-Christ descende du ciel, il en viendra plusieurs qu'il faudra se garder de suivre, ce qui sera facile, car si le premier avènement du Verbe, Fils unique de Dieu, venant pour sauver le monde, a été obscur et caché, parce qu'il voulait souffrir pour nous la mort de la croix ; son second avènement, au contraire, sera éclatant et terrible, car il descendra environné de la gloire de Dieu le Père, au milieu des anges, qui seront ses ministres, pour juger le monde dans la justice ; ne les suivez donc point, nous dit-il. - TITE DE BOSTR. Peut-être ne veut-il point parler ici de des faux christs qui viendront avant la fin du monde, mais de ceux qui parurent au temps des Apôtres. - BEDE. En effet, peu de temps avant la ruine de Jérusalem, on vit paraître plusieurs chefs de sédition, qui affirmaient qu'ils étaient le Christ, et annonçaient l'approche de l'ère de l'affranchissement et de la liberté. On vit aussi dans l'Église, des hérésiarques, que l'Apôtre a condamnés (2 Th 2, 2), et qui annonçaient que le jour du Seigneur approchait. Il parut aussi plusieurs antéchrists, qui déclaraient venir au nom du Christ ; le premier d'entre eux fut Simon le magicien, qui disait de lui-même : " Celui-ci est la grande vertu de Dieu (Ac 8, 10). "
vv. 9-11.
S. GREG. (hom. 35 sur les Evang.) Notre-Seigneur prédit les calamités
qui doivent précéder la fin du monde, pour diminuer par cette
prédiction le trouble qu'elles produiront quand elles seront arrivées,
car les coups qui sont prévus se font moins sentir. Il commence donc
ainsi : " Et lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions,
" etc. Les guerres viendront des ennemis, les séditions des concitoyens
entre eux, et le Sauveur prend soin de distinguer ce que nous aurons à
souffrir des ennemis extérieurs et de nos propres frères, pour
nous faire comprendre que nous serons en proie au trouble et à l'affliction
tout à la fois au dedans et au dehors. - S. AMBR. Qui peut mieux attester
la vérité de ces paroles divines que nous-mêmes, qui devons
être les témoins de la fin du monde ? Quelles guerres avons-nous
apprises, et quels bruits de combats avons-nous entendus !
S. GRÉG. (hom. 35.) Mais la fin du monde ne doit pas suivre immédiatement
ces calamités, qui en seront comme les signes précurseurs. Aussi
Notre-Seigneur ajoute : " Il faut d'abord que ces choses arrivent, mais
la fin ne viendra pas immédiatement après. " La dernière
tribulation sera précédée par beaucoup d'autres tribulations,
car Dieu veut que le malheur qui n'aura point de fin soit précédé
et annoncé par des calamités sans nombre : " Alors, ajouta-t-il,
on verra se soulever peuple contre peuple et royaume contre royaume. "
Les maux que nous aurons à souffrir nous viendront, les uns du ciel,
les autres de la terre, ceux-ci des éléments, ceux-là des
hommes, et Notre-Seigneur commence par ces derniers. Il ajoute : " Il y
aura en divers lieux de grands tremblements de terre. " Voilà les
effets de la colère céleste. - S. CHRYS. (hom 2 sur les Actes.)
Les tremblements de terre sont quelquefois les effets de la colère de
Dieu, comme lorsque le Sauveur fut crucifié ; quelquefois, ils sont un
signe de la grâce et des faveurs divines, c'est ainsi que le lieu où
les Apôtres étaient réunis pour prier, trembla lorsque l'Esprit
saint descendit sur eux : " Et des pestes. " - S. GREG. (hom. 35.)
Voilà la perturbation des corps : " Et les famines ; " c'est
la stérilité de la terre : " Il paraîtra des signes
épouvantables et des signes extraordinaires dans le ciel, " c'est
la perturbation dans les airs, Il faut entendre ces paroles des tempêtes
qui viennent en dehors des lois ordinaires de la nature, car pour celles qui
suivent ses lois, elles ne sont point des signes. Nous avons détourné
à des usages coupables, ce que nous avions reçu pour les besoins
de notre vie ; Dieu, à son tour, fera servir à notre châtiment
toutes les créatures dont nous aurons fait des instruments d'iniquité.
S. AMBR. La fin du monde sera donc précédée de divers fléaux qui en seront comme les maladies, c'est-à-dire, la famine, la peste et la persécution. - THEOPHYL. Suivant quelques interprètes, ces prédictions n'ont pas seulement pour objet les événements qui doivent précéder la fin du monde, mais elles ont reçu leur accomplissement au temps du siège et de la ruine de Jérusalem. C'est à juste titre, en effet, que les Juifs qui avaient mis à mort l'auteur de la paix, virent éclater parmi eux les guerres et les séditions. La guerre à son tour fut suivie de la peste et de la famine, comme conséquence, la première, de l'air infecté par les cadavres ; la seconde, des champs restés sans culture. L'historien Josèphe, rapporte les effroyables extrémités dont cette famine fut la cause, nous voyons dans les Actes, que sous le règne de l'empereur Claude, la Judée fut en proie à une grande famine (Ac 11), et le même Josèphe raconte beaucoup d'autres terribles fléaux, qui annonçaient la prise de Jérusalem.
S. CHRYS. Notre-Seigneur prédit que la prise et la ruine de la ville ne suivront pas immédiatement ces signes précurseurs, mais qu'elles n'auront lieu qu'après de longs et nombreux combats. - BEDE. Notre-Seigneur veut aussi avertir les Apôtres, de ne pas s'effrayer de ces signes précurseurs, et de ne quitter ni Jérusalem ni la Judée. On peut voir encore dans ces royaumes soulevés les uns contre les autres, dans ces pestes, les doctrines pestilentielles qui s'étendent et rongent comme un cancer (2 Tm n, 16) ; dans ces famines, la faim d'entendre la parole de Dieu ; dans ce tremblement de toute la terre, la séparation de la vraie foi même dans les hérétiques qui, en luttant les uns contre les autres, contribuent ainsi au triomphe de l'Église. - S. AMBR. Il y a encore d'autres guerres que doit soutenir un chrétien, ce sont les combats contre les passions multipliées et contre les désirs coupables qui naissent en nous, et ces ennemis domestiques sont mille fois plus redoutables que ceux du dehors.
vv. 12-19.
S. GREG. (hom. 35 sur les Evang.) Comme les calamités que le Sauveur
vient de prédire, ne viennent pas de l'injustice de Dieu qui les envoie,
mais sont un juste châtiment des crimes du monde, Notre-Seigneur fait
connaître ces attentats des hommes pervers : " Avant que toutes ces
choses arrivent, ils se saisiront de vous, " etc., c'est-à-dire,
le trouble s'emparera des coeurs des hommes avant qu'il s'étende aux
éléments ; on saura ainsi, lorsque l'ordre de la nature sera bouleversé,
quelle tribulation en est la cause ? car bien que la fin du monde soit une conséquence
des éléments qui le composent, le Sauveur nous fait connaître
que les hommes qui vivront alors seront justement écrasés sous
ses ruines en punition de leurs crimes énormes. - S. CYR. Ou encore,
Notre-Seigneur veut parler ici des persécutions que ses disciples eurent
à souffrir des Juifs, qui les jetèrent en prison et les traînèrent
devant les tribunaux avant la prise de Jérusalem par les Romains. C'est
ainsi que saint Paul fut envoyé à Rome pour être jugé
par César, et qu'il comparut devant Festus et Agrippa.
" Et ce sera pour vous une occasion de rendre témoignage. " Le grec porte : " Pour le martyre (e?? µa?t?????), c'est-à-dire, d'obtenir la gloire du martyre. - S. GREG. (hom. 35.) Ou bien encore, pour être en témoignage contre eux, parce qu'ils vous ont persécutés et mis à mort, ou parce qu'ils n'ont pas imité dans leur vie les exemples que vous leur avez donnés, ou parce que ces exemples qui ont été pour les élus un principe de vie, sont devenus pour les méchants une cause de mort sans excuse. Mais ces terribles prédictions pouvaient jeter le trouble dans le coeur de ceux qui les entendaient, le Sauveur ajoute donc pour les consoler : " Gravez cette pensée dans vos coeurs, de ne point préméditer ce que vous devrez répondre. " - THEOPHYL. Comme les Apôtres étaient sans instruction et sans lettres, Notre-Seigneur leur recommande de ne point se troubler lorsqu'ils sont appelés à rendre compte de leur conduite devant les sages du monde, et il en donne la raison : " Car je mettrai moi-même sur vos lèvres des paroles et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne pourront résister et qu'ils ne pourront contredire, " c'est-à-dire, vous recevrez à l'instant de moi l'éloquence et la sagesse, de sorte que tous vos ennemis, quand ils réuniraient tous leurs efforts, ne pourront vous résister, ni par leur sagesse (c'est-à-dire, par la force des raisonnements), ni par l'éloquence et par l'élégance du langage. Il en est beaucoup, en effet, qui ont un grand fond de sagesse, mais qui, faciles à troubler, voient se confondre toutes leurs idées lorsque le moment est venu de les exposer. Tels ne furent point les Apôtres, qui reçurent le double don de la sagesse et de la parole. - S. GREG. Le Sauveur semble leur dire : Ne vous effrayez pas, vous marchez au combat, mais c'est moi qui combats pour vous ; vous prononcez les paroles, mais c'est moi qui les forme sur vos lèvres. - S. AMBR. Tantôt c'est Jésus-Christ qui parle par la bouche de ses disciples, tantôt c'est le Père (Mt 16), tantôt enfin l'Esprit saint. (Mt 10) Ces divers passages, loin de se contredire, s'accordent parfaitement, car ce que l'un dit, les trois le disent également, parce que la Trinité n'a qu'une seule et même voix.
THEOPHYL.
Après leur avoir ainsi parlé, pour dissiper la crainte que pouvait
leur inspirer leur ignorance, il les prémunit contre un autre danger
non moins important, qui aurait pu aussi jeter le trouble dans leurs coeurs,
s'il les avait surpris à l'improviste : " Vous serez même
trahis et livrés par vos pères, par vos frères, par vos
amis, et on en fera mourir plusieurs d'entre vous. " - S. GREG. (hom. 35.)
Les épreuves les plus cruelles nous viennent de ceux sur l'affection
desquels nous croyions pouvoir compter, parce qu'aux souffrances extérieures
viennent se joindre alors la douleur de l'affection que nous avons perdue. -
S. GREG. DE NYSSE. Considérons quelle était alors la situation
de la société. Dans toutes les familles divisées par la
différence de religion, on était suspect les uns aux autres. Le
fils encore idolâtre trahissait ses parents devenus chrétiens ;
le père, obstiné dans son infidélité, devenait l'accusateur
de son fils qui avait embrassé la foi. Tous les âges étaient
exposés à la persécution, et les femmes elles-mêmes,
n'en étaient pas à l'abri par la faiblesse naturelle de leur sexe.
THEOPHYL. Notre-Seigneur leur prédit ensuite la haine universelle dont
ils seront l'objet : " Et vous serez haïs de tout le monde à
cause de mon nom. " - S. GREG. (Hom. 35.) Mais comme ces prédictions
qui leur montrent une mort cruelle en perspective ont quelque chose d'effrayant
et de redoutable, il les console aussitôt par l'espérance des joies
de la résurrection : " Cependant il ne se perdra pas un seul cheveu
de votre tête, " c'est-à-dire : Pourquoi craindriez-vous de
voir périr ce que vous ne pouvez perdre sans douleur, puisque même
ce qui peut vous être retranché sans vous causer aucune souffrance,
ne peut périr ? - BEDE. Ou bien encore : Il ne périra pas un seul
cheveu de la tête des disciples, parce que non seulement les grandes actions
et les paroles des saints, mais encore leurs moindres pensées recevront
de Dieu leur juste récompense.
S. GREG. (Moral., 5, 13.) Celui qui pratique la patience dans l'adversité, puise sa force contre toutes les tribulations, par le même principe qui lui fait remporter la victoire sur lui-même : " Vous posséderez vos âmes dans la patience. " Qu'est-ce que posséder son âme, c'est mener une vie entièrement irréprochable, et comme du haut d'une forteresse, dominer par la vertu tous les mouvements de son coeur. - S. GREG. (hom. 35.) Ainsi nous possédons nos âmes par la patience, parce qu'en nous dominant nous-mêmes, nous commençons à être les maîtres de ce que nous sommes. La possession de l'âme dépend de la vertu de patience, parce que la patience est la racine et la gardienne de toutes les vertus. Or, la patience consiste à supporter avec calme les épreuves qui nous viennent d'autrui, et à ne nourrir aucun ressentiment contre ceux qui en sont la cause.
vv. 20-24.
BEDE. Jusqu'ici Notre-Seigneur a prédit les événements
qui arriveraient pendant les quarante années qui devaient suivre, mais
sans qu'il fût question de la ruine définitive des Juifs, il en
vient maintenant à la destruction de cette malheureuse nation, et aux
ruines qu'amoncellera l'armée romaine : " Lorsque vous verrez une
armée environner Jérusalem, sachez que la désolation est
proche. " - EUSEBE. (Ch. des pèr. gr.) Il appelle cette ruine la
désolation de Jérusalem, parce qu'elle ne sera plus rebâtie
par ses habitants, ni reconstituée selon les prescriptions de la loi,
et que personne, après le siège et la désolation qui doivent
avoir lieu, ne doit espérer ion rétablissement, comme au temps
du roi des Perses, d'Antiochus le Grand, et aussi comme au temps de Pompée.
S. AUG. (Lettre 80 à Hésych.) Saint Luc rapporte ici ces paroles du Seigneur, pour nous faire comprendre que ce fut lors du siége de Jérusalem qu'eut lieu l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel, et dont saint Matthieu (Mt 24) et saint Marc (Mc 13) ont parlé. - S. AMBR. Les Juifs crurent que cette abomination de la désolation s'était alors vérifiée, parce que les Romains avaient jeté une tête de porc dans le temple, pour insulter aux observances judaïques. - EUSEBE. Or, le Seigneur, prévoyant que la ville devait être désolée par la famine, avertissait ses disciples de ne point s'y réfugier lors du siége, comme dans un lieu sûr et protégé de Dieu, mais de s'en éloigner bien plutôt, et de s'enfuir vers les montagnes : " Alors que ceux qui sont dans la Judée, s'enfuient vers les montagnes. " - BEDE. L'histoire ecclésiastique (Eusèbe, 3, 5) rapporte qu'aux approches de la ruine de Jérusalem, tous les chrétiens qui étaient dans la Judée en sortirent, sur l'avis qu'ils avaient reçu du Seigneur, et allèrent habiter au delà du Jourdain, la ville de Pella, jusqu'à ce que la désolation. de la Judée fût consommée. - S. AUG. (Lettre 80 à Hésych.) Au lieu de ces paroles, nous lisons dans saint Matthieu et dans saint Marc : " Que celui qui sera sur le toit, ne descende pas dans sa maison ; " salut Marc ajoute : " Et n'y entre point pour en emporter quelque chose. " Saint Luc, au contraire : " Et que ceux qui sont au milieu d'elle s'en retirent. "
BEDE. Mais comment ceux qui sont au milieu de Jérusalem pourront-ils en sortir lorsqu'elle sera investie par une armée ? Pour résoudre ces difficultés, il faut rapporter ces paroles, non pas au temps même du siége, mais à celui qui le précéda immédiatement, lorsque les soldats romains commencèrent à se répandre sur les frontières de la Galilée ou de la Samarie. - S. AUG. (comme précéd.) Saint Matthieu et saint Marc disent : " Et que celui qui sera dans les champs, n'en revienne pas pour prendre son vêtement. " Saint Luc est plus explicite : " Et que ceux qui sont dans les régions voisines n'y entrent point ; car ce sont les jours de la vengeance dans lesquels doivent s'accomplir toutes les prédictions qui ont été faites. " - BEDE. Ces jours de la vengeance sont les jours où Dieu vengera le sang du Seigneur que les Juifs ont répandu.
S. AUG. (comme précéd.) Saint Luc continue ensuite comme les deux autres Évangélistes : " Malheur aux femmes qui seront grosses ou nourrices en ces jours-là ". C'est ainsi que cet Évangéliste fait disparaître toute ambiguïté, et nous rend certains que ce que le Sauveur a dit de l'abomination de la désolation, doit se rapporter non pas à la fin du monde, mais au temps du siége de Jérusalem. - BEDE. Notre-Seigneur dit : " Malheur aux femmes qui seront grosses (aux, approches de la captivité), ou à celles qui nourriront ou qui allaiteront, parce qu'il leur sera bien difficile de fuir avec ce précieux, mais lourd fardeau, qu'elles porteront dans leur sein ou dans leurs bras. " - THEOPHYL. Quelques-uns pensent que Notre-Seigneur fait ici allusion aux mères qui allèrent jusqu'à manger leurs enfants, selon le récit de l'historien Josèphe.
S. CHRYS.
(cont. les détract. de la vie mon.) Le Sauveur donne la raison de ce
qu'il vient de dire : " Car la terre sera accablée de maux, et la
colère du ciel tombera sur ce peuple. " En effet, les Juifs virent
fondre sur eux un si grand déluge de maux, qu'aucun désastre ne
pourra jamais être comparé aux calamités qu'ils éprouvèrent
alors, au témoignage du même historien. - EUSEBE. (Ch. des pèr.
gr.) Lorsque les Romains arrivèrent et s'emparèrent de Jérusalem,
une multitude innombrable de Juifs périrent par le glaive, selon la prédiction
du Sauveur : " Ils tomberont sous le tranchant du glaive. " Néanmoins,
un plus grand nombre furent victimes de la famine. Ces tristes événements
arrivèrent d'abord sous Tite et Vespasien, et ensuite sous le règne
de l'empereur Adrien, quand il fut interdit aux Juifs de rentrer dans leur patrie
: " Ils seront emmenés captifs dans toutes les nations. " En
effet, les Juifs furent dispersés dans tout l'univers, et se répandirent
jusqu'aux extrémités de la terre, et tandis que la Judée
est habitée par des étrangers, ils sont les seuls qui ne puissent
remettre le pied dans leur patrie : " Et Jérusalem sera foulée
aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que le temps des nations soit accompli.
" - BEDE. C'est ce mystère dont veut parler l'Apôtre, lorsqu'il
dit : " Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement,
jusqu'à ce que la multitude des nations soit entrée, et que tout
le peuple d'Israël fût ainsi sauvé. " Lorsqu'il aura
enfin obtenu le salut qui lui a été promis, il pourra légitimement
espérer de rentrer dans sa patrie.
S. AMBR. Dans le sens figuré, l'abomination de la désolation est
l'avènement de l'Antéchrist, parce qu'il doit souiller l'intérieur
des âmes par ses abominations sacrilèges, et selon la prédiction
littérale de l'Écriture (2 Th 2, 3, 4), s'asseoir dans le temple
pour usurper le trône de la divine majesté. Il est aussi l'objet
du sens spirituel de ces paroles, parce qu'il voudra imprimer dans les âmes
les traces profondes de sa perfidie, en cherchant à prouver par les Écritures
qu'il est le Christ. Alors approchera la désolation, parce que la plupart
succomberont honteusement, et abandonneront la véritable religion. Alors
aussi ce sera le jour du Seigneur ; car de même que son premier avènement
a eu pour objet de nous racheter de nos iniquités, le second aura pour
fin de réprimer les coupables efforts de ceux qui voudraient entraîner
les fidèles dans l'erreur et l'infidélité. Il y a encore
un autre Antéchrist, c'est le démon qui s'efforce d'assiéger
Jérusalem (c'est-à-dire l'âme pacifique), avec l'armée
de sa loi tyrannique. Or, quand le démon se trouve au milieu du temple,
c'est l'abomination de la désolation. Mais lorsque la présence
spirituelle du Christ vient à nous éclairer de sa lumière
au milieu de nos tentations, le démon s'éloigne, et la justice
commence à régner. Il y a encore un troisième Antéchrist,
c'est Arius et Sabellius, et tous ceux qui cherchent à nous séduire
pour nous perdre. Les femmes qui sont enceintes, dont le Sauveur déplore
le triste sort, sont les chrétiens qui flattent les instincts de la chair,
dont la marche est ralentie et entravée par la mollesse, qui sont stériles
pour la vertu, et n'ont de fécondité que pour le vice. Ceux mêmes
qui sont pour ainsi dire comme en travail de bonnes oeuvres, et qui n'eu ont
encore produit aucune, ne sont pas à l'abri de cet anathème. Il
en est, en effet, qui conçoivent par un sentiment de crainte de Dieu,
mais tous n'enfantent pas ; quelques-uns font, pour ainsi parler, comme avorter
la parole de Dieu, et la rejettent avant de l'enfanter ; d'autres portent le
Christ dans leur sein, mais il n'est pas encore formé. Ainsi l'âme
qui enfante la justice, enfante le Christ. Hâtons-nous aussi d'allaiter
nos enfants, pour n'être pas surpris par le jour du jugement ou de la
mort. Il en sera ainsi, si vous conservez dans votre coeur toutes les paroles
de la justice, sans attendre le temps de la vieillesse, et si dès votre
premier âge vous vous hâtez de concevoir la sagesse et de la nourrir,
en la préservant de la corruption des sens. A la fin du monde, les nations
qui auront embrassé la foi, soumettront toute la Judée par le
glaive de la parole spirituelle, qui est comme un glaive à deux tranchants.
(Ap 1, 16 ; 19, 15.)
vv. 25-27.
BEDE. Notre-Seigneur annonce ensuite successivement ce qui doit arriver, lorsque
les temps des nations seront accomplis " Il y aura des signes dans le soleil,
dans la lune et dans les étoiles. " - S. AMBR. Saint Matthieu explique
plus clairement quels seront ces signes : " Alors, dit-il, le soleil s'obscurcira,
et la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont
du ciel. " - EUSEBE. (Ch. des pèr. gr.) En effet, lorsque la consommation
de cette vie mortelle et corruptible sera venue, la figure de ce monde passera,
selon l'expression de l'Apôtre, (1 Co 7) pour faire place à un
monde nouveau, dans lequel, au lieu des astres visibles, Jésus-Christ
lui-même brillera comme l'astre et le roi de ce monde nouveau, et l'éclat
de la gloire de sa divinité sera si grand, que le soleil qui nous éclaire
maintenant, la, lune, et les autres astres disparaîtront en présence
de cette incomparable lumière. - S. CHRYS. (Ch. des pèr. gr.)
Aussitôt que le soleil se lève, la lune et les étoiles sont
comme éclipsés ; ainsi lorsque le Christ apparaîtra dans
sa gloire, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière,
et les étoiles tomberont du ciel, c'est-à-dire que ces astres
seront dépouillés de leur premier vêtement, pour se revêtir
d'une lumière plus éclatante.
EUSEBE. Le Sauveur expose ensuite ce qui doit arriver après que les astres
du ciel seront obscurcis, et quelles seront les angoisses de tous les peuples
de la terre : " Et sur la terre, les nations seront dans l'abattement et
dans la consternation, " etc. Il semble vouloir nous dire que le principe
de la transformation de l'univers viendra de la suppression de l'élément
liquide, qui sera dévoré par le feu ou gelé par le froid,
de sorte qu'on n'entendra plus le bruit de la mer, que ses flots ne viendront
plus mouiller les sables du rivage, par suite de cette excessive sécheresse,
et qu'alors les autres parties du monde, ne recevant plus ces vapeurs humides,
produites par les eaux, seront transformées. Comme l'avènement
du Sauveur doit combattre et renverser les prodiges de l'ennemi de Dieu, c'est-à-dire
de l'Antéchrist, ses premières vengeances commenceront par ce
fléau de la sécheresse, qui sera si grande, qu'on n'entendra plus
ni le bruit des tempêtes de la mer, ni le frémissement de ses flots
soulevés ; ce qui jettera dans les plus terribles angoisses les hommes
qui survivront : " Les hommes sècheront de frayeur dans l'attente
de ce qui doit arriver dans tout l'univers. " Quels seront ces nouveaux
fléaux qui doivent fondre sur l'univers, c'est ce que nous apprend la
suite des paroles du Sauveur : " Les vertus des cieux seront ébranlées.
"
THEOPHYL. Ou encore : Lorsque le monde du firmament sera bouleversé,
les éléments terrestres devront ressentir les mêmes secousses
: " Et sur la terre les nations seront dans l'abattement, " etc. Comme
s'il voulait dire : Les mugissements de la mer seront si épouvantables,
et ses rivages seront battus par de si violentes tempêtes, que les peuples
seront dans l'angoisse, (c'est-à-dire dans une détresse universelle),
jusqu'à sécher de frayeur dans l'attente des maux dont le monde
entier sera menacé : " Les hommes sécheront de frayeur dans
l'attente de ce qui doit arriver à tout l'univers. "
S. AUG. (Lettre 80, à Hésych.) Mais, direz-vous, nos calamités
nous forcent de reconnaître que la fin des temps est venu, puisque les
prédictions du Sauveur ont revu leur accomplissement, car n'est-il pas
certain qu'il n'y a aucun peuple, aucune contrée qui ne soit actuellement
dans l'angoisse et la tribulation ? Or, si ces calamités qui pèsent
en ce moment sur le genre humain, sont des signes certains de la venue prochaine
du Seigneur, pourquoi l'Apôtre nous dit-il au contraire : " Lorsque
les hommes diront : Nous sommes dans la paix et la sécurité ?
" (1 Th 5.) Avec un examen plus sérieux des prédictions du
Sauveur, nous découvrirons qu'elles n'ont point encore reçu leur
accomplissement ; mais qu'il faut le différer jusqu'au temps où
la tribulation s'étendra à tout l'univers, c'est-à-dire
à l'Église qui sera persécutée dans le monde entier,
et non à ses persécuteurs qui diront : " Nous sommes dans
la paix et la sécurité. " Or, nous voyons au contraire que
les malheurs de notre temps, que nous regardons comme les grandes calamités
qui doivent précéder la fin du monde, sont communs aux deux royaumes
de Jésus-Christ et du démon. Les bons et les méchants en
sont également victimes, et au milieu de ces épreuves déchirantes,
les hommes continuent à se plonger partout dans les excès de la
table et de la débauche. Est-ce là sécher de frayeur ?
n'est-ce pas plutôt brûler des ardeurs de la volupté ?
THEOPHYL. Ce ne sont pas seulement les hommes qui trembleront devant ces terribles
épreuves auquel le mondé sera soumis, les anges eux-mêmes
seront saisis d'étonnement à la vue des bouleversements épouvantables
de l'univers : " Car les vertus des cieux seront ébranlées.
" - S. GREG. Quelles sont ces vertus des cieux, si ce n'est les anges,
les dominations, les principautés et les puissances ? Ils apparaîtront
visiblement à nos yeux à l'avènement du juge sévère
de nos âmes, pour exiger rigoureusement de nous ce que notre Créateur
invisible supporte maintenant avec tant de miséricorde. - EUSEBE. Ajoutons
que le Fils de Dieu devant venir dans sa gloire pour confondre la superbe tyrannie
du fils du péché (2 Th 2, 3), environné des anges du ciel
qui lui serviront de ministres, les portes du ciel depuis si longtemps fermées
s'ouvriront pour nous laisser contempler les splendeurs du ciel. - S. CHRYS.
(Lettre 2, à Olymp.) Ou bien encore, les vertus des cieux, quoiqu'elles
n'aient la conscience d'aucune faute, seront ébranlées, c'est-à-dire
qu'elles perdront leur assurance. - BEDE. C'est ce qui est écrit dans
le livre de Job : " Les colonnes du ciel tremblent, et sont saisies d'effroi
devant un seul signe de sa volonté, " or, si les colonnes tremblent,
que feront les planches légères ? Que deviendra le roseau du désert,
lorsque les cèdres du paradis sont ébranlés ? - EUSEBE.
Ou encore : Les vertus des cieux, sont les esprits qui gouvernent les diverses
parties du monde visible ; ils s'ébranleront alors pour s'élever
à un état meilleur, car ils seront déchargés du
ministère qu'ils remplissent par ordre de Dieu auprès des créatures
visibles qui sont encore soumises à la corruption. - S. AUG. (A Hésych.)
Cependant, afin qu'on ne puisse dire que Notre-Seigneur a donné comme
signes extraordinaires de son second avènement des choses qui arrivaient
fréquemment dans le monde avant son premier avènement, et pour
ne point nous exposer à la risée de ceux qui ont lu dans l'histoire
des peuples le récit de calamités plus nombreuses et plus grandes,
je crois qu'il vaut mieux appliquer ces prédictions à l'Église.
En effet, l'Église est le soleil, la lune et les étoiles ; et
c'est d'elle qu'il est dit : " Vous êtes belle comme la lune, éclatante
comme le soleil ; " (Ct 6) et elle cessera de briller sous les violences
inouïes de ses persécuteurs. - S. AMBR. Par suite de l'apostasie
d'un grand nombre, la clarté de la foi sera obscurcie par les nuages
de l'infidélité, car le soleil de justice croît ou décroît
pour moi, en raison de ma foi ; et de même que dans ses révolutions
mensuelles, la lune perd sa clarté à mesure que la terre s'interpose
entre elle et le soleil, de même la sainte Église ne peut plus
emprunter aux rayons de Jésus-Christ, l'éclat de sa divine lumière,
lorsque les vices de la chair viennent s'interposer entre elle et la lumière
céleste. En effet, presque toujours dans les persécutions l'amour
de cette vie devient un obstacle à la lumière de ce soleil divin.
Les étoiles (c'est-à-dire les personnages célèbres)
tombent des cieux, lorsque la violence de la persécution redouble. Tout
cela doit s'accomplir, jusqu'à ce que le nombre des enfants de l'Église
soit complet, car la persécution est la pierre de touche qui fait reconnaître
les bons et les mauvais. - S. AUG. (A Hésych.) Notre-Seigneur ajoute
: " Et sur la terre les nations seront dans l'abattement et la consternation
; " Les nations ne sont pas les nations qui seront bénies dans celui
qui sortira d'Abraham (Gn 12, 3 ; 23, 18 ; et Mt 25, 32), mais les peuples qui
au dernier jour seront placés à la gauche.
S. AMBR. L'agitation et les angoisses des esprits seront si grandes que la multitude
des crimes dont le souvenir se réveillera par la crainte du jugement,
desséchera pour nous la source de la rosée divine. Or, de même
que l'avènement du Seigneur est ardemment attendu afin que sa présence
se fasse sentir dans toute l'humanité comme dans tout l'univers, et que
cette présence se manifeste à tous ceux qui reçoivent le
Christ avec toutes les affections de leur coeur ; de même les vertus des
cieux recevront à l'avènement du Sauveur, une augmentation de
grâce et seront comme ébranlées par la plénitude
de la divinité qui se communiquera de plus près à elles.
Ces vertus des cieux peuvent encore être celles qui racontent la gloire
de Dieu, et qui s'ébranlerait pour contempler le Christ, lorsqu'il épanchera
sur elle une plus grande abondance de ses grâces. - S. AUG. (A Hésych.)
Ou bien encore : Les vertus des cieux seront ébranlées, parce
que la persécution des impies sera si violente qu'elle ébranlera
les plus forts dans la foi.
" Alors ils verront le Fils de l'homme venant sur une nuée. "
- THEOPHYL. Aussi bien les infidèles que les fidèles, car il sera
plus resplendissant que le soleil, lui et sa croix, de sorte que tous le connaîtront.
- S. Aug. (comme précéd.) Ces paroles : " Il viendra sur
une nuée, " peuvent s'entendre de deux manières : ou il viendra
dans son Église comme dans une nuée lumineuse, ainsi qu'il ne
cesse de venir dans le temps présent ; mais il viendra avec une grande
puissance et une grande majesté, parce que sa puissance et sa majesté
se manifesteront avec plus d'éclat aux yeux des saints pour leur donner
la force qui doit les faire triompher de la violence de la persécution.
Ou bien il viendra dans ce même corps avec lequel il est assis à
la droite de son Père, et nous devons croire en effet, qu'il viendra
non seulement dans le même corps, mais sur une nuée, parce qu'il
reviendra des cieux comme il y est remonté ; or, ce fut une nuée
qui le déroba aux yeux de ses disciples (Ac 1, 11). - S. CHRYS. (Ch.
des Pèr. gr.) Nous voyons dans l'Écriture que Dieu apparaît
toujours au milieu d'une nuée, selon ces paroles : " Les nuées
sont autour de lui, et l'obscurité l'environne. " (Ps 17.) Le Fils
de l'homme aussi viendra sur les nuées comme Dieu et Seigneur, non plus
en cachant sa divinité, mais au milieu d'une gloire digne de Dieu, c'est
pourquoi il ajoute : " Avec une grande puissance et majesté. "
- S. CYR. Il faut sous-entendre : Avec une grande majesté. Dans son premier
avènement, il a voulu paraître revêtu de notre infirmité
et de notre bassesse, mais lorsqu'il reviendra, pour la seconde fois, ce sera
avec la puissance qui lui est propre. - S. GREG. Ceux qui n'ont pas voulu l'écouter
dans son état d'humiliation, le verront alors dans sa puissance et dans
sa gloire, et ils ressentiront d'autant plus les effets de sa colère
que leurs coeurs auront résisté davantage aux avarices de sa miséricorde.
vv. 28-33.
S. GREG. (hom. 4.) Les prédictions qui précèdent s'adressaient
aux réprouvés, les paroles de consolation qui suivent sont pour
les élus : " Pour vous, lorsque ces choses commenceront d'arriver,
regardez en haut, et levez la tête, parce que votre rédemption
est proche. " Comme s'il disait : Lorsque vous verrez se multiplier les
fléaux du monde, levez la tête, c'est-à-dire livrez-vous
à la joie de vos coeurs, parce qu'en même temps que finit ce monde
que vous n'aimez pas, la rédemption que vous avez cherchée approche.
Dans le langage de l'Écriture la tête est souvent prise pour le
coeur (Si 2, 14 ; Si 32, 11), parce que le coeur dirige les pensées comme
la tête gouverne les membres du corps ; lever la tête, c'est donc
élever nos âmes vers les joies de la patrie céleste. - EUSEBE.
Ou encore : aux choses corporelles et sensibles qui, auront cessé d'exister,
succéderont les choses spirituelles et célestes, c'est-à-dire
le règne d'un siècle qui n'aura plus de fin, et alors ceux qui
en sont dignes, verront s'accomplir pour eux les promesses du salut : "
Lorsque ces choses commenceront d'arriver, regardez en haut, " etc. En
effet, en voyant l'effet des promesses qui faisaient l'objet de nos espérances,
nous nous relèverons, nous qui étions auparavant dans l'abaissement,
et nous lèverons la tête, nous qui étions humiliés,
parce que la rédemption que nous espérions et que toutes les créatures
attendaient, est arrivée. - THEOPHYL. C'est-à-dire, la parfaite
liberté du corps et de l'âme ; car de même que le premier
avènement du Seigneur avait pur but la réformation de nos âmes,
le second aura pour but la réformation de nos corps. - EUSEBE. Notre-Seigneur
parle ainsi à ses disciples, non pas que leur vie dût se prolonger
jusqu'à la fin du monde, mais parce qu'ils ne font qu'un seul corps avec
nous et avec tous ceux qui dans la suite de temps doivent croire en Jésus-Christ
jusqu'à la consommation des siècles.
S. GREG. (comme précéd.) Notre-Seigneur apporte ensuite une comparaison
pleine de justesse pour nous faire comprendre que nous devons fouler aux pieds
et mépriser le monde : " Voyez, dit-il, la figuier et tous les autres
arbres, lorsqu'ils commencent à produire leurs fruits, vous savez que
l'été est proche, " etc. C'est-à-dire, de même
que les fruits des arbres vous font juger de la proximité de l'été,
ainsi la destruction du monde vous fera connaître que le royaume de Dieu
approche. Nous voyons ici que le fruit du monde n'est que destruction. Il ne
produit que pour détruire ce qu'il a contribué à faire
croître et à nourrir. Le royaume de Dieu au contraire est justement
comparé à l'été, parce qu'il dissipera tous les
nuages de nos afflictions, et répandra sur les jours de notre vie les
splendeurs du soleil éternel. - S. AMBR. Saint Matthieu ne parle ici
que du figuier, tandis que saint Luc étend la comparaison à tous
les autres arbres. Or, le figuier a ici une double signification symbolique,
il figure à la fois l'adoucissement des dures épreuves, et la
funeste abondance de tous les vices. Lors donc que nous verrons les arbres chargés
de fruits encore ; verdoyants, et le figuier si fécond, couvert de fleurs,
(c'est-à-dire lorsque toute langue louera Dieu de concert même
avec le peuple juif), nous devons espérer l'avènement prochain
du royaume de Dieu qui sera pour nous comme l'été et le temps
de la moisson des fruits de la résurrection. De même encore, lorsque
l'homme d'iniquité se sera revêtu de l'orgueil léger et
frivole de la synagogue comparé aux feuilles des arbres, nous devons
conjecturer que le jugement approche ; car le Seigneur se hâtera de récompenser
la foi et de mettre fin à l'iniquité. - S. AUG. (A Hésych.)
A quels signes se rapportent ces paroles : " Lorsque vous verrez ces choses
arriver ? " évidemment à ceux qui sont rapportés plus
haut ; or, parmi ces signes, nous lisons : " Alors ils verront le Fils
de l'homme qui viendra. " Ainsi l'avènement du Fils de l'homme ne
sera pas encore le royaume de Dieu, mais il annoncera qu'il est proche. Ou bien
faut-il dire que ces paroles : " Lorsque vous verrez arriver ces choses,
" ne doivent pas s'entendre de tous les signes qui précèdent,
mais d'une partie seulement en exceptant celui-ci : " Alors ils verront
le Fils de l'homme ? " Mais le récit de saint Matthieu ne nous permet
pas de faire la moindre exception, puisqu'il dit en termes exprès : "
Lorsque vous verrez arriver toutes ces choses. " Or, parmi ces choses se
trouve la venue du Fils de l'homme qu'on peut entendre, ou de sa venue dans
ses membres figurés par les nuages, ou de sa venue dans l'Église
comparée à une grande nuée. - TITE. Ou encore : Le Seigneur
dit : " Le royaume de Dieu est proche, " parce que ces signes précurseurs
n'annonceront pas la fin immédiate et irrévocable du monde, mais
qu'il touche à sa fin, car la venue du Seigneur aura pour but de renverser
tout pouvoir sur la terre pour préparer les voies au règne tout-puissant
de Dieu. - EUSEBE. De même que dans cette vie, lorsque le printemps succède
à l'hiver, le soleil réchauffe et vivifie de ses rayons les semences
confiées à la terre, les transforme et leur fait produire d'innombrables
plantes nuancées à l'infini ; ainsi le glorieux avènement
du Fils unique de Dieu répandant ses rayons vivifiants sur le monde nouveau,
fera renaître à la lumière les semences ensevelies dans
le monde entier, c'est-à-dire ceux qui dorment dans la poussière
de la terre (cf. Dn 12, 2), leur rendra des corps bien préférables
aux premiers, et fera succéder au règne de la mort vaincue à
jamais, le règne d'une vie toute nouvelle.
S. GREG. (homél. 1 sur les Evang.) Le Sauveur donne à toutes ces
prédictions le sceau d'une certitude infaillible, en ajoutant : "
Je vous le dis en vérité, " etc. - BEDE. Il donne ainsi la
plus grande autorité à ses paroles, et s'il est permis de le dire,
il fait une espèce de serment, car le mot amen, veut dire il est vrai.
C'est donc la vérité elle-même qui nous dit : " Je
vous dis la vérité, " bien qu'elle ne puisse mentir en aucune
manière, quand elle ne s'exprimerait pas de la sorte. Cette génération
dont il parle est tout le genre humain en général, ou le peuple
juif en particulier. EUSEBE. Ou bien, c'est la génération de sa
sainte Église, et Jésus prédit au peuple fidèle,
qu'il vivra jusqu'au temps où il sera témoin de tous ces événements,
et contemplera de ses yeux l'accomplissement des promesses du Sauveur. - THEOPHYL.
Comme il avait prédit, en effet, qu'il y aurait des troubles, des guerres
et des bouleversements, tant parmi les éléments que parmi toutes
les autres créatures, il ne veut point laisser croire que le peuple chrétien
lui-même périrait, et il ajoute : " Le ciel et la terre passeront,
mais mes paroles ne passeront point ; " comme s'il disait : Quand tout
serait bouleversé, ma foi ne périra pas, preuve évidente
qu'il met l'Église au-dessus de toutes les autres créatures, car
toutes les autres créatures seront soumises au changement et à
la destruction, tandis que l'Église des fidèles et les paroles
de l'Évangile ne passeront pas. - S. GREG. (comme précéd.)
Ou encore : " Le ciel et la terre passeront, " etc., c'est-à-dire,
tout ce qui vous parait durable sur la terre ne l'est point sans changement
et ne peut durer toujours, tandis que ce qui semble passer en moi, demeure fixe
et immuable, parce que mes paroles qui passent sont l'expression de vérités,
permanentes et immuables. - BEDE. Ce ciel qui doit passer, n'est ni le firmament,
ni le ciel parsemé d'étoiles, mais l'atmosphère céleste,
d'où les oiseaux prennent le nom d'oiseaux du ciel ; mais si la terre
doit aussi passer, pourquoi est-il dit dans l'Ecclésiaste : " La
terre demeure éternellement. " (Si 1.) C'est-à-dire, que
le ciel et la terre passeront quant à leur forme présente et leurs
propriétés actuelles, mais ils existeront toujours dans leur essence.
vv. 34-36.
THEOPHYL. Notre-Seigneur vient de prédire les signes terribles et manifestes
des calamités qui doivent fondre sur les pécheurs, mais il donne
comme préservatif contre ces maux la vigilance et la prière :
" Prenez donc garde à vous, " etc. - S. BAS. (hom. 1 sur ces
par. du Dt 15, 9 : veillez sur vous.) Tous les animaux ont reçu de Dieu
un mystérieux instinct qui leur fait pourvoir à leur propre conservation.
Or, le Sauveur nous donne cet avertissement pour que nous fassions ici par raison
et par prudence ce qui est chez les animaux l'effet de l'instinct naturel. Nous
devons donc fuir le péché, comme les animaux sans raison évitent
les aliments qui leur seraient mortels, et rechercher la justice comme ils recherchent
les plantes pleines pour eux d'un suc nutritif. C'est donc pour nous faire discerner
ce qui est salutaire de ce qui est nuisible, que Notre-Seigneur nous dit : "
Prenez garde à vous. " Mais il y a deux manières de prendre
garde ou de veiller, l'une extérieure par les yeux du corps, l'autre
intérieure par l'attention de l'esprit ; or, l'oeil du corps ne peut
conduire à la vertu, c'est donc un acte de l'esprit que Notre-Seigneur
nous conseille, lorsqu'il nous dit : " Prenez garde à vous, "
etc., c'est-à-dire, soyez pleins de circonspection, et que la lumière
de votre âme veille sans cesse sur vous pour vous garder de tout danger.
il ne nous dit pas : Veillez sur ce qui est à vous ou sur les choses,
qui vous entourent, mais : " Veillez sur vous. " Ce qui est vous,
c'est votre intelligence et votre âme, ce qui est à vous, c'est
votre corps et vos sens, ce qui est autour de vous, ce sont vos biens, votre
industrie et tous les autres soutiens de votre vie. Or, ce n'est point à
toutes ces choses que doit s'étendre votre vigilance, c'est votre âme
qui doit être l'objet principal de vos soins. Ce même avertissement
guérit à la fois les malades et donne une santé, parfaite
à ceux qui sont déjà guéris ; il nous fait conserver
le présent et pourvoir à l'avenir, il nous détourne de
la censure du prochain pour reporter toute notre attention sur nos propres actions,
il ne permet pas que notre esprit devienne l'esclave de ses passions, et soumet
le corps et les sens dépourvus de raison à l'âme spirituelle
et raisonnable. Mais pour quel motif devons nous veiller ? Le voici : "
De peur que vos coeurs ne s'appesantissent, " etc. - TITE DE BOSTR. Comme
s'il disait : Prenez garde que les yeux de votre âme ne s'appesantissent,
car les préoccupations de la vie présente, la crapule et l'ivresse
font perdre la prudence, ébranlent la foi, et sont cause de naufrages
malheureusement certains.
CLEM. D'ALEXAND. (Pédag., liv. 2, chap. 2.) L'ivresse, c'est l'usage immodéré du vin, la crapule, c'est le malaise et les vomissements qui sont la suite de l'ivresse, elle est ainsi appelée d'un mot grec qui veut dire branlement de tête. Or, de même que nous ne devons faire usage des aliments que pour apaiser la faim, nous ne devons user de la boisson que pour éteindre la soif, et nous devons éviter avec soin tout excès, car le vin est un breuvage trompeur. L'âme qui sera libre des excès du vin aura la prudence et la sagesse en partage ; mais celle qui se plonge dans les vapeurs de l'ivresse, sera comme couverte d'un nuage épais. - S. BAS. (Règl. abrég., quest. 88.) Nous devons éviter la curiosité et les préoccupations de cette vie, alors même qu'elles semblent n'avoir rien de coupable si elles ne concourent point à nous faire honorer Dieu. Le Sauveur donne ensuite la raison de cet avertissement : " De peur que ce jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre, " etc. - THEOPHYL. Car ce jour viendra à l'improviste, sans qu'on en soit prévenu et il surprendra comme un filet ceux qui ne sont point sur leurs gardes : " Car il viendra, dit le Sauveur, comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre, " etc. Approfondissons davantage ces paroles : Ce jour surprendra tous ceux qui sont assis (sedentes) sur la terre, c'est-à-dire, ceux qui vivent dans l'imprévoyance et l'inaction. Mais pour ceux qui sont pleins de vigilance et d'activité pour le bien, et qui, loin de croupir dans l'inaction et le désoeuvrement des plaisirs de la terre, s'arrachent à ces obstacles et se disent : " Lève-toi, marche, ce n'est pas ici le lieu du repos ; " ce jour ne viendra ni comme un filet, ni comme un malheur, mais comme un jour de fête.
EUSEBE. Notre-Seigneur nous recommande donc la vigilance pour nous prémunir contre l'appesantissement que produisent les plaisirs et les sollicitudes de la terre : " Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous ces maux qui arriveront. " - THEOPHYL. C'est-à-dire, la faim, la peste et les autres fléaux de ce genre, qui menacent les élus aussi bien que les autres hommes, et les supplices éternels réservés aux coupables, car nous ne pouvons éviter ces malheurs que par la vigilance et la prière. - S. AUG. (de l'acc. des Evang., 2, 77.) C'est dans ce sens qu'il faut entendre cette fuite dont parle saint Matthieu, et qui ne doit avoir lieu ni dans l'hiver, ni le jour du sabbat. L'hiver est la figure des soucis de cette vie qui sont tristes comme la saison d'hiver ; le sabbat figure les excès de l'intempérance et de l'ivresse, qui submergent et étouffent le coeur dans les jouissances et les voluptés de la chair. Ces excès sont figurés par le sabbat, parce que c'est le jour où les Juifs se livrent à toutes les jouissances de la terre, dans l'ignorance où ils sont du sabbat spirituel. - THEOPHYL. Et comme il est du devoir d'un chrétien, non seulement de fuir le mal, mais de s'efforcer de parvenir à la gloire que Dieu lui réserve, le Sauveur ajoute : " Et de paraître avec confiance devant le Fils de l'homme, " car c'est la gloire des anges de se tenir devant le Fils de l'homme, qui est notre Dieu, et de contempler éternellement sa face. - BEDE. Si un habile médecin nous recommandait de prendre bien garde au suc de quelque plante, de peur qu'elle ne nous donnât aussitôt la mort, avec quel soin nous observerions ses prescriptions. Cependant le Sauveur nous avertit de nous préserver de l'ivresse, de l'excès de la débauche et dés sollicitudes de cette vie, et nous ne craignons ni les blessures, ni la mort, dont toutes ces choses sont pour nous la cause, parce que, nous refusons d'accorder aux paroles du Seigneur, la même confiance que nous accordons aux paroles d'un médecin.
vv. 37-38
BEDE. Notre-Seigneur confirme ses enseignements par son exemple ; il vient de
nous recommander la vigilance et la prière pour attendre avec confiance
l'arrivée du Fils de l'homme et le jour si incertain de notre mort, et
lui-même, aux approches de sa passion, se donne tout entier à la
prédication, aux veilles et à la prière : " Or, le
jour il enseignait dans le temple. " Il nous enseigne ainsi par son exemple,
que la vigilance vraiment digne de Dieu est de faire connaître au prochain
la voie de la vérité par ses paroles ou par ses actions. - S.
CYR. Quel était l'objet de son enseignement, si ce n'est cette religion
sublime bien supérieure à celle de Moïse ? Le temps approchait,
en effet, où les ombres devaient faire place à la vérité.
THEOPHYL. Les Évangélistes ont passé sous silence la plus grande partie des enseignements de Jésus-Christ ; il a prêché publiquement pendant près de trois années, et c'est à peine si ce qu'ils ont écrit suffirait à remplir une journée. Ils ne nous ont donc laissé qu'un abrégé de ses nombreux enseignements, pour nous donner le goût de la douceur et de la suavité de sa doctrine. Le Sauveur nous enseigne encore que nous devons converser avec Dieu dans le silence de la nuit et travailler pendant le jour à être utile au prochain, qu'il faut amasser des trésors pendant la nuit et les distribuer quand le jour est arrivé : " Et la nuit il sortait et se retirait sur la montagne appelée des Oliviers. " Ce n'est point sans doute que la prière lui fût nécessaire, mais parce qu'il voulait nous donner l'exemple.
S. CYR. Comme sa parole était puissante et qu'il substituait avec autorité le culte en esprit et en vérité aux traditions figuratives de Moïse et des prophètes, le peuple était avide de l'entendre : " Et tout le peuple accourait de grand matin dans le temple pour l'écouter. " Ce peuple qui s'empressait ainsi autour de lui avant l'aurore, aurait pu dire : " Seigneur mon Dieu, je vous cherche dès l'aurore. " (Ps 62.)
BEDE. Dans le sens figuré, lorsqu'au milieu de la prospérité nous vivons dans la tempérance, la piété, la justice, nous enseignons nous-mêmes dans le temple, en donnant aux fidèles l'exemple des bonnes oeuvres ; nous passons les nuits sur la montagne des Oliviers, lorsqu'au milieu des ténèbres de l'adversité, nous aspirons après les consolations spirituelles ; enfin le peuple vient à nous dès le matin, lorsqu'ayant dissipé les oeuvres de ténèbres, les nuages des tribulations, il s'empresse de nous imiter.