CATANA AUREA SUR SAINT LUC

PRÉFACE DE L'EXPLICATION

ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS

SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC

CHAPITRE II

vv. 1-5.
BEDE. Le Fils de Dieu ayant résolu de paraître au monde dans une chair mortelle, voulut naître d'une vierge et montrer ainsi combien la gloire de la virginité lui était chère ; il voulut aussi naître dans un temps de paix générale, parce qu'il devait enseigner aux hommes à chercher la paix, et qu'il daigne visiter ceux qui aiment la paix. Quelle preuve plus évidente de cette paix universelle que ce dénombrement de tout l'univers sous l'empereur Auguste, qui, vers le temps de la naissance du Sauveur, après avoir terminé les guerres par toute la terre, régna pendant douze ans au milieu d'une paix si profonde, qu'il semble avoir accompli à la lettre la prédiction du prophète Isaïe (Is 2, 4) ? L'Évangéliste commence donc en ces termes : " Or, il arriva en ces jours, qu'il parut un édit, " etc. - GREC. (ou Métaphraste et le moine Alexandre, Ch. des Pèr. gr.) Remarquez encore que Jésus-Christ vient au monde lorsque le sceptre de la souveraineté n'est plus entre les mains des Juifs, mais entre celles des empereurs romains dont ils sont devenus tributaires. Ainsi se trouve accomplie la prophétie qui annonçait que le sceptre ne sortirait point de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu'à ce que vint celui qui devait être envoyé. (Gn 49.) Ce fut la quarante-deuxième année du règne de César-Auguste que parut cet édit qui ordonnait de procéder au recensement de tout l'univers pour établir le paiement des impôts. L'empereur Auguste confia le soin de ce dénombrement à Cyrinus, qu'il avait nommé gouverneur de la Judée et de la Syrie. " Ce premier dénombrement se fit, " etc. - BEDE. Ces paroles signifient que ce dénombrement fut le premier de ceux qui s'étendirent à tout l'univers, puisque plusieurs parties du monde avaient déjà été soumises à ce dénombrement ; ou bien que l'opération du recensement commença lorsque Cyrinus fut envoyé en Syrie. S. AMB. L'Évangéliste fait mention du nom du gouverneur, et avec raison, pour bien préciser l'époque dont il parle ; si, en effet, on inscrit en tête des contrats de vente le nom des consuls, n'est-il pas bien plus juste de déterminer d'une manière certaine, par cette inscription, le temps de la rédemption du monde ?

BEDE. Ce dénombrement, par une disposition divine, ordonnait à chacun de se rendre dans son pays : " Et tous allaient se faire enregistrer dans sa ville. " Dieu le voulut ainsi, afin que la conception et la naissance du Seigneur ayant lieu dans deux endroits différents, il pût échapper plus facilement à la fureur du perfide Hérode : " Alors Joseph partit aussi de Galilée, " etc. - S. CHRYS. (pour la nativ. de J.-C.) En publiant cet édit, l'empereur Auguste ne fût que l'instrument de la Providence divine, qui voulait qu'il secondât ainsi la présence de son Fils unique à Bethléem ; car cet édit amenait nécessairement sa mère dans cette ville prédite par les prophètes, c'est-à-dire à Bethléem de Juda : " Joseph vint en Judée, à la ville de David, appelée Bethléem. " - GREC. (ou Irénée, cont. les hér., 3, 2.) L'Évangéliste désigne cette ville sous le nom de ville de David, pour nous apprendre que la promesse que Dieu avait faite à David (que le Roi éternel sortirait de sa race) (cf. 2 R 7, 12 ; Ps 131, 11), se trouvait accomplie ; c'est aussi pour cela qu'il ajoute : " Parce qu'il était de la maison et de la famille de David. " Par là même que Joseph était de la race de David, l'Évangéliste prouvait que la Vierge en descendait également, puisque la loi divine ordonnait que les mariages fussent contractés dans la même famille, il se contente donc d'ajouter : " Avec Marie son épouse, " etc. - CYRIL.(Ch. des Pèr. gr. Comme préc.) L'auteur sacré dit : sa fiancée, insinuant que Joseph et Marie n'étaient que fiancés au moment de la conception ; car cette conception s'est faite toute entière en dehors de l'action de l'homme.
S. GREG. (hom. 8 sur les Evang.) Dans le sens mystique, le dénombrement du monde s'opère lorsque le Seigneur est sur le point de naître, parce qu'on allait voir paraître dans une chair mortelle celui qui inscrivait le nom de ses élus sur les livres de l'éternité. - S. AMBR. Il ne s'agit extérieurement que d'un dénombrement profane ; mais nous y voyons s'accomplir le recensement spirituel qui se fait, non pour le roi de la terre, mais pour le roi des cieux. La profession de la foi chrétienne, c'est le recensement des âmes ; l'antique recensement de la synagogue n'existe plus, le nouveau recensement de l'Église chrétienne lui succède. Enfin ce dénombrement doit s'étendre à tout l'univers, n'est-ce pas vous dire que ce n'est pas le dénombrement d'Auguste, mais celui de Jésus-Christ ? car qui pouvait décréter le recensement du monde entier, si ce n'est le Maître souverain de tout l'univers. La terre, en effet, est à Dieu (Ps 23), et non pas à César. - BEDE. Il remplit aussi parfaitement la signification du nom d'Auguste, puisqu'il a tout à la fois la volonté et la puissance nécessaires pour augmenter le nombre des siens. - THEOPHYL. Il convenait que le Christ remplaçât la religion du polythéisme par le culte d'un seul Dieu. - ORIG. (hom. 11.) Si nous voulons y faire attention, nous découvrirons la signification mystérieuse de l'inscription du Christ dans le dénombrement de l'univers. Il fut inscrit sur le registre commun à tous, pour les sanctifier tous ; il fut compris dans le dénombrement de tout l'univers, pour entrer ainsi en communion avec tous les hommes. - BEDE. De même qu'alors sous l'empire d'Auguste et le gouvernement de Cyrinus, chacun allait dans son pays pour s'y faire enregistrer et y déclarer ses biens ; de même aussi sous l'empire de Jésus-Christ, qui nous gouverne par les docteurs (chefs de son Église), nous devons nous soumettre au recensement qui a pour objet la pratique de la justice. - S. AMBR. C'est donc ici le premier recensement, mais le recensement des âmes. Tous viennent s'y soumettre, parce que nul n'en est excepté. Ils obéissent, non à la proclamation des officiers publics, mais à la prédiction du prophète qui, bien des siècles à l'avance, avait dit (Ps 46) : " Nations, applaudissez toutes des mains, chantez la gloire de Dieu par des cris d'allégresse, parce que le Seigneur est élevé et redoutable, qu'il est le roi suprême sur toute la terre. " Et pour qu'on sache bien que c'est ici le recensement spirituel de la justice, Marie et Joseph, c'est-à-dire un juste et une vierge viennent s'y soumettre, l'un qui devait être le gardien du Verbe, l'autre qui allait l'enfanter. - BEDE. Notre ville et notre patrie, c'est le repos bienheureux vers lequel nous devons nous avancer chaque jour par un progrès continuel dans les vertus. Chaque jour la sainte Église, à la suite de ses docteurs, se dégage du cercle toujours agité de la vie mondaine (ce que signifie le mot Galilée), pour venir dans la ville de Juda (c'est-à-dire de la confession et de la louange), et y payer au roi éternel le tribut de sa piété. A l'exemple de la bienheureuse Vierge Marie, elle nous a conçus par l'opération de l'Esprit saint ; épouse d'un autre, elle est fécondée par ce divin Esprit, elle est unie visiblement au souverain pontife, qui est son chef, mais elle est comblée des dons et de la vertu invisible de l'Esprit saint ; son nom même nous indique que le zèle du Maître qui enseigne ne peut rien, si l'assistance du secours divin ne vient ouvrir le coeur de ceux qui sont enseignés.


vv. 6, 7.
S. AMBR. Saint Luc rapporte en très peu de mots la manière dont le Christ est né, le temps et le lieu de sa naissance selon la chair : " Pendant qu'ils étaient là, il arriva que le temps où elle devait enfanter s'accomplit, " etc. Le mode de sa naissance, c'est qu'une femme qui était mariée l'a conçu, et qu'elle l'a engendré en demeurant vierge. - S. GREG. DE NYSSE. (Ch. des Pèr. gr.) En effet, en se revêtant de notre humanité, il n'est point soumis en tout aux lois de la nature humaine. Il naît d'une femme, il est vrai, et c'est la part de l'humanité ; mais la virginité qui lui a donné naissance, montre qu'il est supérieur à l'homme. Cette divine Vierge l'a porté sans souffrance, sa conception est sans tache, son enfantement sans difficulté, sa naissance sans souillure, sans déchirement et sans douleurs. Celle qui a déposé dans notre nature le germe de la mort par sa désobéissance, a été condamnée à enfanter dans la douleur ; la mère de celui qui est la vie devait enfanter dans la joie. Il entre dans cette vie mortelle par la pureté incorruptible d'une vierge, à l'époque de l'année où les ténèbres commencent à diminuer, et où la longueur des nuits cède nécessairement devant les flots de lumière que répand l'astre du jour. En effet, la mort du péché avait atteint le terme de sa gravité, dès lors elle allait disparaître devant la clarté de la vraie lumière qui allait répandre sur tout l'univers les rayons éclatants de la prédication évangélique.
BEDE. Le Christ a daigné s'incarner encore à cette époque, afin qu'aussitôt sa naissance, il fût compris dans le dénombrement commandé par César Auguste, et soumis lui-même à la servitude pour nous délivrer. Il naît à Bethléem, non seulement pour prouver sa descendance royale, mais à cause de la signification mystérieuse de ce nom. - S. GREG. (hom. 8 sur les Evang.) Car Bethléem veut dire maison du pain ; c'est lui, en effet, qui a dit : " Je suis le pain vivant descendu du ciel. " Le lieu donc où naquit le Sauveur était appelé maison du pain, parce qu'on devait y voir apparaître dans une chair mortelle, celui qui rassasie intérieurement les âmes des élus. - BEDE. Jusqu'à la consommation des siècles, le Seigneur ne cesse point d'être conçu à Nazareth, de naître à Bethléem ; en effet, chacun de ses disciples qui reçoit en lui la fleur du Verbe, devient la maison du pain éternel ; chaque jour encore, il est conçu par la foi dans un sein virginal, (c'est-à-dire dans l'âme des croyants), et il est engendré par le baptême.
" Et elle enfanta son premier né. " - S. JER. (cont. Helv.) Helvidius s'efforce de prouver par ce passage qu'on ne peut donner le nom de premier né qu'à celui qui a des frères ; de même qu'on appelle fils unique celui qui est le seul enfant de ses parents. Pour nous, voici notre explication : Tout fils unique est premier né, mais tout premier né n'est pas fils unique. Nous appelons premier né, non pas celui après lequel naissent d'autres enfants, mais celui qui est né le premier de tous (cf. Nb 18, 15). En effet, si on n'est le premier né, qu'autant qu'on aura des frères après soi, les prêtres n'auront aucun droit sur les premiers nés, avant la naissance d'autres enfants ; car alors au défaut de ces autres enfants, il y aurait un fils unique, il n'y aurait point de premier né. - BEDE. Jésus est aussi fils unique dans sa nature divine, premier né dans son union avec l'humanité ; premier né dans la grâce, unique dans sa nature. - S. JER. (cont. Helv.) Personne ne reçut l'enfant à sa naissance, aucune femme ne donna à Marie les soins ordinaires, elle seule enveloppa son enfant de langes, elle fut à la fois la mère et celle qui reçut l'enfant : " Et elle l'enveloppa de langes. " - BEDE. Celui qui revêt la nature de sa parure si variée, est enveloppé dans de pauvres langes, afin que nous puissions recouvrir la robe première de notre innocence ; celui par qui tout a été fait, voit ses mains et ses pieds comme enchaînés, afin que nos mains soient libres pour toute sorte de bonnes oeuvres, et que nos pieds soient dirigés dans la voie de la paix.

S. GREC. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr.) A quels admirables abaissements se réduit, à quels voyages lointains s'assujettit celui qui contient le monde entier dans son immensité ! Dès son entrée dans le monde, il recherche la pauvreté et la rend honorable dans sa personne. - S. CHRYS. (hom. pour la nativ. de J.-C.) Sans doute, s'il eût voulu, il pouvait venir en ébranlant les cieux, en faisant trembler la terre, en lançant la foudre ; il a rejeté tout cet appareil, car il venait, non pour perdre, mais pour sauver l'homme, et, dès sa naissance, fouler aux pieds son orgueil. Il ne lui suffit donc pas de se faire homme, il se fait homme pauvre, et il choisit une mère pauvre, qui n'a point même de berceau pour y déposer son enfant nouveau né : " Et elle le coucha dans une crèche. - BEDE. Celui qui a le ciel pour trône, se renferme dans une crèche étroite et dure pour dilater nos coeurs par les joies du royaume des cieux ; celui qui est le pain des anges est déposé dans une crèche, pour nous nourrir comme un troupeau sanctifié du pur froment de sa chair divine. - CYRIL. (Ch. des Pèr. gr.) Il a trouvé l'homme devenu charnel et animal jusque dans son âme, et il se place dans la crèche comme nourriture, afin que nous changions cette vie tout animale pour arriver au discernement et à l'intelligence dignes de l'homme, nourris que nous sommes, non de l'herbe des champs, mais du pain céleste, du corps de vie. - BEDE. Celui qui est assis à la droite de Dieu le Père, manque de tout dans une pauvre retraite, pour nous préparer plusieurs demeures dans la maison de son Père (Jn 14, 2) : " Car il n'y avait point de place pour eux dans les hôtelleries. " Il naît, non dans la maison de ses parents, mais dans un lieu étranger, et en voyage, parce que dans le mystère de son incarnation, il est devenu la voie qui nous conduit à la patrie (où nous jouirons pleinement de la vérité et de la vie) (Jn 14). - S. GREG. (hom. 8 sur les Evang.) C'est aussi pour nous enseigner qu'en prenant notre humanité, il naissait comme dans un lieu étranger, non à sa puissance, mais à la nature dont il se revêtait.
S. AMBR. C'est pour vous qu'il s'abaisse à cet état d'infirmité, lui qui est en lui-même toute puissance ; pour vous, qu'il se réduit à cette pauvreté, lui qui possède toute richesse. Ne vous arrêtez point à ce que vous voyez, mais considérez que c'est par là que vous êtes racheté. Seigneur Jésus, je dois plus à vos humiliations qui m'ont racheté, qu'aux oeuvres de votre puissance qui m'ont créé. Que m'eût-il servi de naître sans le bienfait inestimable de la rédemption ?

vv. 8-12.
S. AMBR. Voyez comme Dieu prend soin d'établir et de confirmer la foi, c'est un ange qui instruit Marie, un ange qui instruit Joseph, un ange encore qui instruit les bergers dont il est dit : " Il y avait aux environs des bergers qui passaient la nuit, " etc. - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) L'ange apparut à Joseph pendant son sommeil, comme à un homme qu'il était facile d'amener à la foi, il apparaît visiblement aux bergers, et plus ignorants, et plus grossiers. Cet ange ne se rend point à Jérusalem, il ne s'adresse pas aux scribes et aux pharisiens, ils étaient trop corrompus et victimes de leur noire envie. Mais ces bergers étaient simples et conservaient les habitudes patriarchales et les traditions de Moise. Or l'innocence est une voie sûre qui conduit à la sagesse. - BEDE. (hom.) Dans toute l'histoire de l'Ancien Testament, où les apparitions des anges aux patriarches avaient des caractères si particuliers, nous ne voyons nulle part qu'ils aient apparu environnés de lumière, c'était un privilège réservé au temps où au milieu des ténèbres, la lumière s'est levée pour les coeurs droits : " Et une clarté divine les environna. " - S. AMBR. Jésus sort du sein d'une mère mortelle, mais il brille du plus haut des cieux, il est couché dans un asile terrestre, mais il resplendit d'une lumière céleste.
GREC. (ou Géom., Ch. des Pèr. gr.) Ce miracle les remplit de frayeur : " Et ils furent saisis de crainte, " etc. Mais l'ange dissipe bientôt cette frayeur qui les trouble : " Et il leur dit, " etc. Non content d'apaiser leur crainte, il leur inspire un vif sentiment de joie. Entendez en effet la suite : " Voici que je vous annonce le sujet d'une grande joie, etc., non seulement pour le peuple juif, mais pour tous les hommes. Quelle est la cause de cette joie, c'est cet enfantement nouveau et vraiment admirable d'après les noms que l'ange donne à cet enfant. Il ajoute : " Parce qu'il vous est né aujourd'hui un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Le premier de ces noms (celui de Sauveur), exprime l'action ; le troisième (celui de Seigneur), la majesté. - CYRIL. ( Chaîne des Pères grecs.) Le nom qui est au milieu (celui de Christ), désigne l'onction, il n'exprime pas la nature, mais l'union hypostatique des deux natures. Nous croyons que Jésus-Christ notre Sauveur, a reçu une onction solennelle, ce n'est pas cette onction figurative (telle que les rois la recevaient autrefois avec l'huile sainte), et qui était conférée par une grâce prophétique. Ce n'est point non plus cette onction conférée pour l'accomplissement d'un grand dessein, comme nous le voyons dans ce passage d'Isaïe (Is 45) " Voici ce que dit le Seigneur à Cyrus qui est son Christ. " Il l'appelle son Christ, quoiqu'il fût idolâtre, parce qu'il devait exécuter le décret de Dieu en s'emparant de toute la province de Babylone. Mais pour le Sauveur, il a reçu l'onction comme homme et dans la forme de l'esclave qu'il avait prise, et il donne, en tant que Dieu, l'onction de l'Esprit saint à tous ceux qui croient en lui.

GREG. (ou Géom.) L'ange leur fait connaître ensuite le moment de cette naissance : " Aujourd'hui ; " le lieu : " Dans la ville de David ; " et les signes pour le reconnaître : " Et voici le signe que je vous donne, " etc. C'est ainsi que les anges annoncent à des pasteurs le prince des pasteurs qui naît et se manifeste comme un agneau dans une étable. - BEDE. Tout ce qui a rapport à l'enfance du Sauveur nous est clairement enseigné, et par les déclarations fréquentes des anges, et par les nombreux témoignages des Évangélistes, pour graver plus profondément dans nos coeurs les mystères opérés pour notre salut. Et remarquez le signe auquel ils reconnaîtront le Sauveur qui vient de naître. Ce n'est pas un enfant enveloppé dans une pourpre éclatante, mais dans de misérables langes, il n'est point couché sur des tapis brochés d'or, ils le trouveront dans une crèche. - S. MAXIME. (serm. sur la Nativ.) Si ces langes vous semblent misérables, admirez le concert de louanges des esprits célestes. Si la crèche vous inspire du mépris, élevez un peu les yeux, et contemplez cette nouvelle étoile qui annonce au monde la naissance du Seigneur. Vous croyez à ce qui est abaissement dans ce mystère, croyez aussi à tout ce qu'il a de merveilleux ; et si les humiliations qu'il renferme sont pour vous matière à discussion, que le caractère de grandeur et de divinité dont il est empreint, soit l'objet de votre vénération.
S. GREG. (hom. 8 sur les Ev.) Dans le sens mystique, l'apparition de l'ange aux bergers qui veillaient sur leurs troupeaux, et la clarté divine qui les environna nous apprennent que ceux qui gouvernent avec sollicitude les brebis fidèles qui leur sont confiées, sont admis de préférence à tous les autres, à contempler les mystères les plus sublimes ; et tandis qu'ils veillent religieusement sur leur troupeau, la grâce divine répand sur eux des flots de lumière. - BEDE. (hom.) Ces pasteurs de troupeaux représentent en effet les docteurs et les directeurs des âmes fidèles ; la nuit pendant laquelle ils veillaient tour à tour sur leur troupeau, figure les dangers des tentations dont ils ne cessent de défendre, s'en préservant eux-mêmes et les âmes qui leur sont soumises. Ce n'est pas d'ailleurs sans dessein que les bergers veillent sur leur troupeau à la naissance du Seigneur qui dit de lui-même (Jn 10) : " Je suis le bon pasteur, " car aussi bien le temps approche où ce même pasteur doit ramener les brebis dispersées dans les pâturages à la vie (cf. Jn 10, 16 ; 11, 52). - ORIG. (hom. 12.) S'il faut nous élever à un sens plus mystérieux, je dirai que les anges étaient comme des pasteurs chargés de diriger les choses humaines. Alors que chacun d'eux remplissait cette mission de vigilance, un ange vint annoncer aux pasteurs la naissance du véritable pasteur ; car les anges avant la venue du Sauveur, ne pouvaient être que faiblement utiles à ceux qui étaient commis à leur garde, à peine, en effet, trouvait-on dans chaque nation un homme qui crut en Dieu, tandis qu'aujourd'hui tous les peuples à l'envi embrassent la foi de Jésus.

vv. 13, 14.
BEDE. Le témoignage d'un seul ange pouvait paraître insuffisant ; aussitôt donc que cet ange est venu annoncer le mystère de la nouvelle naissance, on voit paraître la multitude des légions célestes : " Au même instant se joignit à l'ange une grande troupe de l'armée céleste. " Le nom de milice céleste que donne l'Évangéliste au choeur des anges est parfaitement choisi, car elle exécute humblement les ordres et seconde dans les combats les efforts du chef puissant qui est venu triompher des puissances de l'air, jeter le trouble et l'épouvante parmi les légions ennemies, et rendre ainsi inutiles leurs pernicieux desseins contre les hommes. Celui qui vient de naître est tout à la fois Dieu et homme, c'est donc à juste titre que les anges annoncent la paix aux hommes, et chantent gloire à Dieu : " Ils louaient Dieu et disaient : Gloire à Dieu au plus haut des cieux. " Un seul ange, un seul envoyé du ciel, vient d'annoncer qu'un Dieu vient de naître dans une chair mortelle, et aussitôt la multitude des légions célestes proclame la gloire du Créateur. Elle témoigne ainsi de son amour pour Jésus-Christ, et nous instruit par son exemple. Toutes les fois, en effet, que l'un de nos frères nous fait entendre la parole de la science sacrée, ou lorsque nous-mêmes nous repassons dans notre âme une pensée pieuse, notre coeur, notre bouche, nos oeuvres doivent aussitôt rendre gloire à Dieu.

S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) Autrefois les anges étaient envoyés comme exécuteurs de la justice de Dieu, aux Israélites, à David, aux habitants de Sodome, à la vallée des gémissements ; maintenant au contraire, ils chantent à Dieu un cantique d'actions de grâces, parce qu'il leur a fait connaître sa venue parmi les hommes. - S. GREG. (Moral., 28, 7.) Ils chantent les louanges de Dieu, pour mettre leurs concerts en harmonie avec le bienfait de la rédemption ; heureux ainsi de voir les hommes réconciliés appelés à compléter leur nombre dans les cieux. - Béde. Ils souhaitent la paix aux hommes, en ajoutant : " Et sur la terre paix aux hommes, " etc., parce qu'ils vénèrent des compagnons et des frères dans ceux qu'ils avaient vus en proie à toute sorte d'infirmités et d'humiliations. - CYRIL. (Ch. des Pèr. gr.) Cette paix est l'oeuvre de Jésus-Christ, il nous a réconciliés par lui-même à Dieu son Père (2 Cor 5, 18 et 19 ; Ep 2, 16 ; Col 1, 20. 22), en effaçant les fautes qui nous rendaient ses ennemis. Il a pacifié les deux peuples pour n'en faire qu'un seul homme, et a formé un seul troupeau des habitants du ciel et de ceux qui sont sur la terre.
BEDE. Mais à quels hommes les anges souhaitent-ils la paix ? Ils l'expliquent eux-mêmes en ajoutant : " De bonne volonté, " c'est-à-dire, à ceux qui recevront le Christ qui vient de naître, car il n'y a point de paix pour les impies (Is 57), elle est le partage de ceux qui aiment le nom de Dieu (Ps 118). - ORIG. Le lecteur attentif demandera comment le Sauveur a pu dire (Lc 12) : " Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, " tandis que les anges chantent à sa naissance : " Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ; " mais la question se trouve résolue par ces paroles mêmes : " Paix aux hommes de bonne volonté, " car la paix dont Dieu n'est pas l'auteur, n'est pas la paix de bonne volonté. - S. AUG. (de la Trin., 13, 1-3.) La justice fait partie de la bonne volonté. - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. 9r.) Voyez la marche admirable que Dieu a suivie, il a fait descendre les anges jusqu'à nous, pour faire remonter ensuite l'homme jusqu'au ciel ; le ciel s'est fait terre pour relever les choses de la terre.

ORIG. (comme précéd.) Dans le sens mystique, les anges reconnaissaient qu'ils ne pouvaient accomplir la mission qui leur avait été confiée sans le secours de celui qui seul avait la puissance de sauver, et que tous leurs remèdes étaient inefficaces pour guérir les hommes. Ainsi, lorsqu'un médecin d'une science supérieure arrive près d'un malade que d'autres n'ont pu guérir, dès que ceux-ci voient la gangrène des plaies les plus profondes disparaître au simple toucher du savant docteur ; loin de lui porter envie, ils célèbrent les louanges du médecin et de Dieu, qui leur a envoyé ainsi qu'aux malades, un homme d'une science si éminente ; c'est ainsi que la multitude des anges loue et remercie Dieu d'avoir envoyé Jésus-Christ sur la terre.

vv. 15-20.
GREC. (Géomét.) L'apparition de l'ange, son récit, jetèrent les bergers dans un grand étonnement ; ils laissèrent donc leurs troupeaux et partirent cette nuit-là même pour Bethléem, à la recherche de cette lumière du Sauveur : " Et ils se disaient l'un à l'autre, " etc. - BEDE. C'est le langage d'hommes qui veillent véritablement ; ils ne disent pas : voyons cet enfant, mais voyons le Verbe qui a été fait, c'est-à-dire, voyons comment ce Verbe qui a été de tout temps a été fait chair pour nous, car ce Verbe c'est le Seigneur, comme la suite l'indique : " Que le Seigneur a fait et nous a révélé, " c'est-à-dire, voyons comment le Verbe s'est fait lui-même, et nous a manifesté sa chair. - S. AMBR. Voyez avec quel soin la sainte Écriture pèse le sens de chacune des paroles qu'elle emploie ; en effet, celui qui voit la chair du Seigneur, voit le Verbe qui est le Fils de Dieu. Gardez-vous de faire peu de cas de cet exemple de foi, parce qu'il vous est donné par de pauvres bergers, Dieu recherche la simplicité et rejette les prétentions orgueilleuses : " Et ils se hâtèrent de venir, " etc. Personne né doit chercher Jésus-Christ avec négligence. - ORIG. (hom. 13.) Pour récompense de leur pieux empressement, " ils trouvèrent Marie (qui avait enfanté Jésus), Joseph (le protecteur de la naissance du Seigneur), et l'enfant couché dans une crèche, " c'est-à-dire, le Sauveur lui-même. - BEDE. Il est dans l'ordre qu'après avoir rendu à l'incarnation du Verbe les honneurs qui lui sont dus, on soit admis à contempler la gloire elle-même du Verbe : " Et l'ayant vu, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit, " etc. - GREC, (c'est-à-dire Photius, Ch. des Pèr. gr.) Ils contemplent avec foi dans le secret de leurs coeurs l'accomplissement de l'heureuse nouvelle qui leur a été annoncée, et non contents de ce sentiment d'admiration, ils racontaient tout ce qu'ils avaient vu et entendu, non seulement à Marie et à Joseph, mais à tous ceux qu'ils rencontraient, et (ce qui est mieux encore) ils le gravaient dans les coeurs : " Et tous ceux qui l'entendirent admirèrent, " etc. Et quel plus juste sujet d'admiration que de voir celui qui habite dans les cieux, s'unissant à la terre pour la réconcilier avec les cieux, et cet ineffable petit enfant, unissant étroitement ensemble les choses célestes par sa divinité, avec les choses terrestres par son humanité, offrant ainsi une admirable alliance entre ces deux natures intimement unies en lui-même. - LA GLOSE. L'objet de cette admiration n'est pas seulement le mystère de l'Incarnation, mais le témoignage si frappant des bergers, incapables d'imaginer ce qu'ils n'auraient pas entendu, et qui publiaient la vérité avec une éloquence pleine de simplicité.
S. AMBR. Gardez-vous de mépriser comme de peu d'importance les paroles des bergers, car Marie recueille ces paroles pour confirmer sa foi : " Or Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son coeur. Apprenons quelle était en toutes choses la chasteté de Marie ; non moins pure dans ses paroles que dans son corps, elle repassait dans son coeur les preuves de la foi. - BEDE. (hom.) Fidèle observatrice des lois de la pureté virginale, elle ne voulait révéler à personne les mystères du Christ qu'elle connaissait, mais elle rapprochait les prédictions qu'elle avait lues, de leur accomplissement qu'elle avait sous les yeux, et sans en rien publier elle gardait tout renfermé dans son coeur.

GREC. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr.) Tout ce que l'ange avait dit à Marie, tout ce qu'elle avait appris de Zacharie et d'Elisabeth elle le conservait dans son âme, elle en faisait le rapprochement, et cette Mère de la sagesse en admirait la parfaite harmonie, qui lui faisait reconnaître un Dieu dans celui dont elle était la Mère.

S. ATHAN. (Ch. des Pèr. gr.) La naissance de Jésus-Christ était le sujet d'une joie universelle, non pas d'une joie toute humaine comme celle qu'inspire la naissance d'un enfant ordinaire, mais d'une joie céleste produite par la présence du Christ et par l'éclat de la lumière divine : " Et les bergers s'en retournèrent glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avaient entendu. " - BEDE. De ce qu'ils avaient entendu des anges, et de ce qu'ils avaient vu à Bethléem, selon ce qui leur avait été dit. Ainsi ils glorifient Dieu de ce qu'ils ont trouvé celui qu'on leur avait annoncé ; ou bien encore ils glorifient, ils louent Dieu, selon ce qui leur avait été dit par les anges qui ne leur en avaient point fait une loi, mais leur offraient un modèle parfait de religion dans l'hymne de gloire qu'ils avaient chanté à Dieu au plus haut des cieux.
BEDE.(Hom.) Dans le sens mystique, les pasteurs du troupeau des âmes, disons mieux, tous les fidèles, à l'exemple de ces bergers doivent aller par la pensée jusqu'à Bethléem, et célébrer par de dignes hommages l'incarnation du Christ. Mais commençons par rejeter bien loin toutes les basses concupiscences de la chair avant de nous élever sur l'aile des plus ardents désirs de notre coeur jusqu'à la Bethléem céleste (c'est-à-dire la maison du pain vivant), où nous serons rendus dignes de voir régner sur le trône de Dieu le Père, celui que les bergers ont mérité de voir pleurant et gémissant dans la crèche. Point de négligence, point de langueur dans la recherche d'un si grand bonheur, c'est avec ardeur qu'il faut suivre les pas de Jésus-Christ. Après qu'ils eurent vu, ils connurent, et nous aussi, hâtons-nous de recevoir avec un coeur plein d'amour tout ce qui nous est dit sur le Sauveur du monde, afin que nous puissions arriver à le connaître parfaitement dans les splendeurs de la vision des cieux. - BEDE. (sur S. Luc.) Les pasteurs du troupeau du Seigneur vont aussi contempler la vie des Pères qui les ont précédés, et où se conserve le pain de vie, comme s'ils entraient dans la ville de Bethléem ; et ils y trouvent la beauté virginale de l'Église, c'est-à-dire Marie ; la noble cohorte des docteurs spirituels, c'est-à-dire Joseph, et l'humble avènement du Christ inscrit dans les pages de la sainte Écriture, c'est-à-dire, Jésus-Christ enfant couché dans la crèche. - ORIG. (hom. 43). Ou bien cette crèche est celle qu'Israël n'a point connu, d'après ces paroles d'Isaïe : " Le bœuf a connu celui à qui il appartient, et l'âne l'étable de son maître ; - BEDE. (in hom.) Les bergers n'ont point enseveli dans le silence les mystères qui leur avaient été manifestés, parce que les pasteurs de l'Église sont établis pour enseigner aux fidèles les vérités qu'ils ont puisées dans les saintes Écritures. - BEDE. (sur S. Luc.) Ajoutons encore que les pasteurs du troupeau des âmes, tandis que tous les autres se livrent au sommeil, tantôt s'adonnent à la contemplation des choses célestes, tantôt parcourent la vie des saints pour recueillir leurs exemples, et reprennent ensuite par l'enseignement l'exercice du ministère pastoral. - BEDE. (hom.) Chaque fidèle, même celui qui semble renfermé dans la vie privée, remplit l'office de pasteur, s'il prend soin de recueillir une multitude de bonnes oeuvres et de chastes pensées, de la gouverner dans une sage mesure, de la nourrir des pâturages de la sainte Écriture, et de la préserver des embûches du démon.

v. 21.
BEDE. (hom. sur la circoncis.) Après le récit de la naissance du Sauveur, vient celui de la circoncision : " Lorsque les huit jours furent accomplis pour circoncire l'enfant. " - S. AMB. Quel est cet enfant ? celui dont il a été dit (Is 9) : " Un enfant nous est né ; un fils nous a été donné ; " car il s'est assujetti à la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi. - S. EPIPH. (Ch. des Pèr. gr.). Les sectateurs d'Ebion et de Cérinthe nous disent : Il suffit au disciple d'être comme Son maître ; le Christ a été circoncis, vous devez donc, vous aussi, vous soumettre à la circoncision. Ces hérétiques sont dans l'erreur et détruisent leurs propres principes. En effet, si Ebion admettait que c'est le Christ Dieu descendu des cieux qui a été circoncis le huitième jour, il fournirait une preuve en faveur de la circoncision ; mais il affirme que le Christ n'est qu'un homme. Or, cet enfant ne peut être la cause déterminante de sa circoncision, pas plus que les enfants ne sont les auteurs de leur propre circoncision. Pour nous, nous professons que le Christ est le Dieu descendu du ciel, qu'il a séjourné dans le sein d'une vierge le temps voulu par les lois de la nature, jusqu'au moment où la chair de son humanité a été entièrement formée de ce sein virginal ; c'est dans cette chair qu'il a été circoncis le huitième jour en réalité, et non en apparence. Or, puisque les figures sont parvenues à leur accomplissement spirituel, ni lui, ni ses disciples ne doivent chercher à propager ces figures, mais la vérité seule. - ORIG. (hom. 14.) Car de même que nous sommes morts avec Jésus-Christ dans sa mort, et que nous sommes ressuscités dans sa résurrection ; nous avons été circoncis avec lui, et nous n'avons plus besoin de la circoncision charnelle.

S. EPIPH. Le Christ s'est soumis à la circoncision pour plusieurs raisons ; premièrement, il a voulu prouver ainsi la vérité de sa chair contre les Manichéens et ceux qui prétendent qu'il n'est venu sur la terre qu'en apparence ; secondement, il a fait voir par là que son corps n'était pas consubstantiel à la divinité, comme le soutient Apollinaire, et qu'il ne l'avait point apporté du ciel comme l'affirme Valentin ; troisièmement, il a voulu confirmer, par son exemple, la loi de la circoncision qu'il avait autrefois instituée comme préparation à sa venue ; quatrièmement enfin, il a voulu ôter ainsi aux Juifs toute excuse, car s'il n'avait pas reçu la circoncision, ils auraient pu objecter qu'ils ne pouvaient recevoir un Christ incirconcis. - BEDE. (hom. comme précéd.) Il voulait encore nous recommander fortement, par son exemple, la vertu d'obéissance, et aussi aider, en compatissant à leurs maux, ceux qui succombaient sous le joug pesant de la loi. Il fallait que celui qui venait, revêtu de la chair du péché, se soumit au remède institué pour purifier la chair ; car sous la loi, la circoncision avait comme remède salutaire contre la plaie du péché originel la même efficacité que le baptême sous le régime de la grâce. Disons cependant qu'on ne pouvait encore entrer dans le royaume céleste, on était admis après la mort dans le sein d'Abraham, pour y jouir d'un doux repos, et y attendre, dans une bienheureuse espérance, l'entrée du séjour de la paix éternelle. - S. ATHAN. La circoncision qui avait lieu sur cette partie du corps, qui est la cause de la naissance corporelle, ne signifiait autre chose que le dépouillement de la génération charnelle. On la pratiquait alors comme signe du baptême que le Christ devait instituer. Aujourd'hui donc que nous possédons l'objet figuré, la figure a cessé d'exister ; puisque la chair du vieil homme se trouve détruite tout entière par le baptême, l'incision figurative d'une partie de la chair est maintenant superflue.

S. CYRIL. (Ch. des Pèr. gr.) C'était la coutume chez les Juifs de célébrer la circoncision de la chair le huitième jour, car c'est le huitième jour que le Christ est ressuscité, et qu'il nous a donné l'idée de la circoncision spirituelle par ces paroles " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant, " etc. - BEDE. La résurrection de Jésus-Christ est la figure de notre double résurrection, de celle du corps et de celle de l'âme. En effet, par sa circoncision, il nous enseigne que c'est par lui que notre nature peut dans cette vie être purifiée de la souillure des vices, et qu'au dernier jour elle doit être délivrée de la corruption du tombeau. De même que le Seigneur est ressuscité le huitième jour, c'est-à-dire après le septième jour du sabbat, nous aussi, après les six âges du monde, après le septième âge du repos des âmes qui, en attendant, s'écoule dans l'autre vie, nous ressusciterons comme au huitième âge. - S. CYRIL. Pour obéir encore aux prescriptions de la loi, le Seigneur reçut le même jour le nom qui lui était destiné : " On lui donna le nom de Jésus. " Ce nom signifie Sauveur, car il est né pour le salut du monde entier, salut dont sa circoncision était la figure selon ce que l'Apôtre dit aux Colossiens (Col 2) : " Vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite de main d'homme, mais qui consiste dans le dépouillement du corps charnel. - BEDE. C'est le jour même de sa circoncision que son nom lui a été donné, conformément à la coutume ancienne. En effet, Abraham, qui reçut le sacrement figuratif de la circoncision, mérita ce jour-là même de voir son nom augmenté par une bénédiction spéciale. - ORIG. (hom. 44.) Le nom glorieux de Jésus, digne de tous les honneurs, ce nom qui est au-dessus de tous les noms, ne devait être ni donné ni choisi par les hommes, aussi l'Évangéliste ajoute-t-il d'une manière significative : " Nom que l'ange lui avait donné, " etc. - BEDE. Les élus eux-mêmes se réjouissent d'être rendus participant de la gloire de ce nom dans leur circoncision ; car de même que les chrétiens tirent leur nom du nom de Christ, ainsi ils sont appelés sauvés du nom de Sauveur, et ce nom, Dieu leur a donné non seulement avant qu'ils fussent conçus par la foi dans le sein de l'Église, mais avant tous les siècles.

vv. 22-24.
S. CYR. (comme précéd.) Après la cérémonie de la circoncision venait celle de la purification dont l'Évangéliste dit : " Lorsque le temps de la purification de Marie fut accompli, selon la loi, " etc. - BEDE. Si vous examinez avec attention le texte de cette loi, vous conclurez certainement que la Mère de Dieu était affranchie de cette prescription légale, comme elle l'avait été de toute union charnelle. Car ce n'est point toute femme qui enfante qui est déclarée immonde, mais celle qui enfante par les voies ordinaires, pour distinguer de toutes les autres femmes celle qui conçut et enfanta sans cesser d'être vierge. Cependant Marie, à l'exemple de Jésus-Christ son fils, se soumet d'elle-même à cette loi, pour nous délivrer du joug de la loi. - TITE. Aussi l'Évangéliste se sert-il de cette expression pleine de justesse " Lorsque les jours de sa purification furent accomplis selon la loi. " Et en réalité la Vierge sainte n'avait nul besoin d'attendre le jour de sa purification, elle qui, ayant conçu de l'Esprit saint, n'avait contracté aucune souillure.
" Ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. " - S. ATHAN. (Ch. Des Pèr. gr.) Mais quand donc le Seigneur cessa-t-il un seul instant d'être en la présence de son Père, de manière à échapper à ses regards ? et quel est l'endroit de la terre qui ne soit pas soumis à son empire, et où le Fils soit séparé de son Père, à moins qu'on ne l'apporte à Jérusalem et qu'on le présente au temple ? N'oublions pas que toutes ces circonstances sont écrites à cause de nous ; car de même que ce n'est point pour lui que le Sauveur s'est fait homme, et qu'il a été circoncis, mais pour faire de nous comme autant de dieux par sa grâce, et nous donner l'exemple de la circoncision spirituelle ; de même, il se présente à son Père, pour nous apprendre à nous offrir tout entiers au Seigneur. - BEDE. C'est le trente-troisième jour après la circoncision qu'il est présenté au temple, pour nous apprendre dans un sens mystique, que pour être digne des regards du Seigneur, il faut avoir retranché tous les vices par la circoncision spirituelle, et qu'à moins d'être affranchi de tous les biens de la mortalité, on ne peut entrer pleinement dans les joies de la cité céleste.

" Comme il est écrit dans la loi du Seigneur. " - ORIG. (hom. 14.) Où sont ceux qui nient que Jésus-Christ ait prêché dans l'Évangile le Dieu de la loi ? Admettra-t-on que le Dieu bon ait assujetti son Fils à la loi de son ennemi, que lui-même n'avait point donnée ? En effet, il est écrit dans la loi de Moïse : " Tout mâle ouvrant le sein de sa mère sera appelé la chose sainte du Seigneur. " - Ces paroles : " Ouvrant le sein de sa mère, " s'appliquent également au premier né de l'homme et des animaux, l'un et l'autre, selon la loi, devaient être offerts au Seigneur, et appartenir au prêtre, avec cette différence que pour le premier né de l'homme, il devait en recevoir le prix, et qu'il faisait racheter le premier né de tout animal immonde. - S. GREG. DE NYSSE. Cette prescription de la loi parait s'accomplir dans le Dieu incarné d'une manière toute particulière et toute exceptionnelle. Il est le seul, en effet, dont la conception ineffable et la naissance incompréhensible n'ait point ouvert le sein virginal que le mariage avait respecté, et qui a conservé miraculeusement après ce divin enfantement le sceau de la chasteté. - S. AMB. Car ce n'est point l'union conjugale qui a ouvert le chaste sein de la Vierge, mais l'Esprit saint qui a déposé dans ce sanctuaire inviolable le principe d'une naissance immaculée. Celui qui avait sanctifié le sein d'une autre femme pour la rendre mère d'un prophète, ouvrit lui-même le sein de sa mère pour en sortir sain et sans aucune souillure. - BEDE. L'Évangéliste, en disant : " Tout mâle qui ouvre le sein de sa mère, " ne fait que s'accommoder au langage en usage pour les naissances ordinaires ; car loin de nous la pensée que le Seigneur ait fait perdre par sa naissance la virginité au chaste sein qu'il avait sanctifié en y venant faire sa demeure. - S. GREG. DE NYSSE. (comme précéd.) C'est ici le seul enfant mâle qui, dans sa naissance, n'a rien contracté de la faute de la première femme. Aussi est-il appelé saint dans la force du terme, et l'ange Gabriel déclare pour ainsi dire que cette dénomination consacrée par la loi n'appartient qu'à lui seul, lorsqu'il dit : " Le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. " Pour les autres premiers nés, ils sont appelés saints, dans le style des Écritures, parce qu'ils tiennent ce nom de leur consécration à Dieu ; mais quant au premier né de toute créature, l'ange proclame qu'il naît saint d'une sainteté qui lui appartient en propre. - S. AMB. Mais entre tous les enfants nés de la femme, Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul que le miracle inouï jusqu'alors de sa naissance immaculée ait préservé de la contagion de la corruption terrestre, qu'il a écarté par sa puissance toute divine. Si nous prenions les choses au pied de la lettre, comment pourrait-on dire que tout enfant mâle est saint, alors que nous savons qu'un grand nombre d'entre eux ont été les plus scélérats des hommes ? Mais celui-là seul est véritablement saint, que les préceptes de la loi divine annonçaient d'avance en figure du mystère qui devait s'accomplir, parce que seul il devait ouvrir le sein mystérieux de la sainte Église vierge, pour engendrer tous les peuples à Dieu.
S. CYR. (Ch. des Pèr. gr., hom. 17.) O profondeur des conseils de la sagesse et de la science de Dieu ! celui qui est honoré avec son Père dans tous les sacrifices, lui offre lui-même des victimes ; la vérité observe les cérémonies figuratives de la loi, celui qui comme Dieu est l'auteur de la loi, se soumet comme homme aux prescriptions de la loi : " Et pour offrir en sacrifice, ainsi que le prescrit la loi du Seigneur, deux tourterelles ou deux petits de colombes " (Lv 16). - BEDE. (hom. sur la Purific.) C'était l'offrande des pauvres ; en effet, d'après la loi, ceux qui en avaient le moyen devaient offrir pour un enfant mâle ou pour une fille, un agneau, et en même temps une tourterelle ou une colombe : s'ils étaient pauvres et n'avaient pas le moyen d'offrir un agneau, ils offraient à la place deux tourterelles ou deux petits de colombe. Ainsi le Seigneur, de riche qu'il était, a daigné se faire pauvre, afin de nous faire entrer par sa pauvreté en participation de ses richesses.
S. CYR. (comme précéd.) Examinons quelle est la signification mystérieuse de ces offrandes. La tourterelle est de tous les oiseaux celle dont le chant est le plus fréquent et le plus continu ; et la colombe est un animal plein de douceur. Or, c'est sous ces deux qualités que notre Sauveur s'est présenté à nous, toute sa vie a été le modèle de la plus parfaite douceur, et comme la tourterelle il a attiré à lui tout l'univers, en remplissant son jardin de ses célestes mélodies (cf. Ct 2, 1). On immolait donc une tourterelle ou une colombe en figure de celui qui devait être immolé pour la vie du monde. - BEDE. (comme précéd.) Ou bien la colombe est le symbole de la simplicité, et la tourterelle l'emblème de la chasteté, parce que la colombe aime par instinct la simplicité, et la tourterelle la chasteté. En effet, si la tourterelle vient à perdre sa compagne, elle n'en cherche pas une autre. C'est donc pour une raison mystérieuse qu'on offrait à Dieu une tourterelle et une colombe pour être immolés, parce que la vie simple et chaste des fidèles est aux yeux de Dieu un sacrifice agréable de justice. - S. ATHAN. (ch. des Pèr. gr.) La loi ordonnait d'offrir deux de ces oiseaux, parce que l'homme étant composé d'un corps et d'une âme, Dieu demande de nous deux choses, la chasteté et la douceur, non seulement du corps, mais aussi de l'âme ; autrement l'homme ne serait à ses yeux qu'un hypocrite cherchant à dissimuler la malice secrète de son coeur, sous les dehors d'une innocente trompeuse. - BEDE. (comme précéd.) Ces deux oiseaux, par l'habitude qu'ils ont de gémir, sont l'emblème des pieux gémissements des saints pendant la vie présente ; ils diffèrent cependant en ce que la tourterelle recherche la solitude, tandis que la colombe aime à voler par compagnies. Aussi l'une représente plus particulièrement les larmes secrètes de l'oraison, et l'autre les assemblées publiques de l'Église. - BEDE (sur S. Luc.) Ou bien encore la colombe qui aime à voler par troupes, signifie le grand nombre de ceux qui mènent la vie active ; la tourterelle qui recherche la solitude représente les âmes qui gravissent les hauteurs de la vie contemplative. Ces deux offrandes sont également agréables à Dieu, aussi est-ce avec dessein que saint Luc ne précise pas si on a offert au Seigneur des tourterelles ou des petits de colombes, pour ne point paraître donner la préférence à l'un de ces deux genres de vie, mais nous enseigner que nous devions suivre l'un et l'autre.


vv. 25-28.
S. AMBR. Ce ne sont pas seulement les anges et les prophètes, les bergers et les parents eux-mêmes de Jésus, mais les vieillards et les justes qui viennent rendre témoignage à sa naissance : " Or il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon, il était juste et craignant Dieu. " - BEDE. L'Évangéliste nous dit qu'il était juste et craignant Dieu, parce qu'il est difficile de conserver la justice sans la crainte, non pas cette crainte qui redoute de se voir enlever les biens de la terre (et que la charité parfaite chasse dehors), mais cette chaste crainte de Dieu qui demeure éternellement, et qui porte le juste à fuir toute offense de Dieu, d'autant plus soigneusement qu'il a pour lui un amour plus ardent. - S. AMBR. Oui il était véritablement juste, lui qui cherchait, non pas sa consolation, mais celle de son peuple : " Et il attendait la consolation d'Israël. " - S. GREG. DE NYSSE (comme précéd.) Ce n'est point la félicité de ce monde que le sage Siméon attendait pour la consolation d'Israël, mais le vrai passage pour son peuple aux splendeurs de la vérité qui devaient l'arracher aux ombres de la loi, car il lui avait été révélé qu'il verrait le Christ du Seigneur avant de quitter la terre : " Et l'Esprit saint était en lui (comme principe de sa justice), et il lui avait été révélé, " etc. - S. AMBR. IL désirait sans doute voir se briser les liens qui l'attachaient à ce corps fragile et périssable, mais il attendait de voir celui qui était promis, car il savait qu'heureux seraient les yeux qui mériteraient de le voir. - S. GREG. (Moral., 7, 4.) Nous pouvons juger de là combien vifs et ardents étaient les désirs des saints du peuple d'Israël, pour voir le mystère de l'incarnation du Sauveur. - BEDE. Voir la mort, c'est en subir les atteintes, mais heureux mille fois celui qui, avant de voir la dissolution de son corps par la mort, se sera efforcé de voir auparavant des yeux du coeur, le Christ du Seigneur, en transportant par avance sa vie dans la céleste Jérusalem, en fréquentant la maison de Dieu, c'est-à-dire, en suivant les exemples des saints, dans lesquels Dieu a fixé sa demeure. Or, c'est la même grâce de l'Esprit saint, qui lui avait annoncé par avance l'avènement du Sauveur, qui lui fait connaître le moment de sa venue : " Et il vint au temple conduit par l'Esprit. "

ORIG. (hom. 14.) Et vous aussi, si vous voulez tenir Jésus et le serrer entre vos bras, faites tous vos efforts pour que l'Esprit saint lui-même vous serve de guide au temple de Dieu : " Et comme la parenté de l'enfant Jésus (Marie sa mère, et Joseph qui passait pour son père), l'y apportaient, afin d'accomplir pour lui ce qu'ordonnait la loi, il le prit dans ses bras. " - S. GREG. DE NYSSE. Quelle est heureuse l'entrée de ce saint vieillard dans le temple, puisqu'elle l'approche du terme désiré de sa vie ! Heureuses ses mains qui ont mérité de toucher le Verbe de vie ; heureux ses bras qu'il ouvrit pour recevoir l'enfant divin. - BEDE. Cet homme qui était juste selon la loi, prit l'enfant Jésus dans ses bras, pour signifier que la justice des oeuvres légales figurées par les mains et par les bras, devait faire place à la grâce humble mais efficace et salutaire de la foi évangélique. Ce saint vieillard prit dans ses bras Jésus enfant, pour annoncer que ce siècle accablé, décrépit de vieillesse, allait revenir à l'enfance et à l'innocence de la vie chrétienne.


vv. 29-32.
ORIG. (hom. 15.) S'il suffit à une femme malade de toucher simplement le bord du vêtement de Jésus pour être guérie, que devons-nous penser de Siméon, qui tint ce divin enfant dans ses bras ? Quelle dut être sa joie de porter dans ses bras celui qui était venu pour briser les chaînes des captifs, et qui seul, il le savait, pouvait le tirer de la prison de son corps avec l'espérance de la vie future ? " Et il bénit Dieu en disant : C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller en paix votre serviteur. " - THEOPHYL. En disant : Seigneur, il reconnaît qu'il est le maître de la mort et de la vie, et il proclame la divinité de l'enfant qu'il reçoit dans ses bras. - ORIG. Il semble dire : Tant que je ne tenais pas le Christ dans mes bras, j'étais captif et je ne pouvais briser mes liens. - S. BAS. (hom. sur l'act. de gr.) Si vous examinez les paroles des justes, vous trouverez que tous gémissent sur les misères de ce monde, et sur la triste prolongation de cette vie : " Malheur à moi, dit David, parce que mon exil s'est prolongé. " (Ps 119.) - S. AMBR. Considérez ce juste qui désire voir tomber les murs épais de la prison de son corps pour commencer à être avec Jésus-Christ. Mais que celui qui veut sincèrement sa délivrance, vienne dans le temple, qu'il se rende à Jérusalem, qu'il attende la venue du Christ du Seigneur, qu'il reçoive dans ses mains le Verbe de Dieu, et qu'il le tienne embrassé pour ainsi dire dans les bras de sa foi ; alors les liens se briseront, et il ne verra point la mort, parce qu'il aura vu de ses yeux celui qui est la vie.

CH. DES PER. GR. Siméon bénit Dieu de ce que surtout les promesses qui lui avaient été faites, avaient reçu leur plein accomplissement, car il mérita de voir de ses yeux et de porter dans ses bras celui qui était la consolation d'Israël, c'est pour cela qu'il dit : " Selon votre parole, " c'est-à-dire, lorsque j'aurai vu l'accomplissement de ce qui m'a été promis. Mais maintenant que j'ai contemplé la présence visible de celui qui était l'objet de mes désirs, vous pouvez délivrer votre serviteur qui ne sera ni effrayé des approches de la mort, ni troublé par aucune pensée de défiance ou d'incertitude ; aussi ajoute-t-il : " En paix. " - S. GREG. DE NYSSE. Dès que Jésus-Christ a détruit le péché qui nous rendait les ennemis de Dieu et qu'il nous a réconciliés avec son Père, les saints quittent cette vie dans une profonde paix. - ORIG. Quel est celui, en effet, qui sort de ce monde en paix, si ce n'est celui qui a compris que Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde (2 Co 5), qui n'a rien en lui de contraire à Dieu, mais qui, par ses bonnes oeuvres, a établi dans son âme une paix parfaite ? - CH. DES PER. GR. Il lui avait été promis qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur, et il montre l'accomplissement de cette promesse dans les paroles suivantes : " Parce que mes yeux ont vu le Sauveur que vous nous donnez. " - S. GRÉG. DE NYSSE. Bienheureux les yeux et de votre âme et de votre corps, ceux-ci, parce qu'ils ont joui de la présence visible de Dieu ; ceux-là, parce que sans s'arrêter à ce spectacle visible, ils ont été éclairés des splendeurs de l'Esprit et ont reconnu le Verbe de Dieu dans une chair mortelle, car ce Sauveur que vos yeux ont vu, c'est Jésus lui-même, dont le nom seul annonce le salut à la terre. - S. CYR. Or l'avènement du Christ était ce mystère qui a été révélé dans les derniers temps, mais qui avait été préparé dès l'origine du monde, c'est pour cela que Siméon ajoute : " Que vous avez préparé devant la face de tous les peuples, " etc. - S. ATHAN. Il veut parler ici du salut que Jésus-Christ est venu apporter à l'univers entier. Comment donc est-il dit plus haut que Siméon attendait la consolation d'Israël ? C'est que l'Esprit saint lui avait fait connaître, que le peuple d'Israël recevrait sa consolation, lorsque le salut serait révélé à tous les peuples de la terre. - CH. DES PER. GR. Considérez la pénétration de ce saint et auguste vieillard : avant qu'il fût honoré de cette bienheureuse vision, il attendait la consolation d'Israël, mais aussitôt qu'il a contemplé l'objet de ses espérances, il s'écrie qu'il a vu le salut de tous les peuples, car les splendeurs qui environnent ce divin enfant l'inondent d'une si vive lumière, que les événements qui doivent arriver dans la suite des temps lui sont pleinement révélés. - THEOPHYL. C'est d'une manière significative que Siméon dit : " Devant la face de tous les peuples, " car l'incarnation du Sauveur devait apparaître à tous les hommes. Il ajoute que ce salut sera la lumière des nations et la gloire d'Israël : " Pour être la lumière qui éclairera les nations. " - S. ATHAN. En effet, avant l'avènement de Jésus-Christ, les nations étaient plongées dans les plus profondes ténèbres, privées qu'elles étaient de la connaissance du vrai Dieu. - S. CYR. Mais Jésus-Christ, par son incarnation, est devenu la lumière de ceux qui étaient ensevelis dans les ténèbres de l'ignorance et de l'erreur, et sur lesquels la main du démon s'était appesantie ; et ils ont été appelés par Dieu le Père à la connaissance de son Fils, qui est la vraie lumière. - S. ATHAN. Le peuple d'Israël était éclairé, quoique faiblement, par la loi, aussi le vieillard Siméon ne dit pas que le Sauveur est venu leur apporter la lumière, mais il ajoute : " Pour être la gloire d'Israël, votre peuple. " Il rappelle le souvenir de l'histoire des anciens temps, alors que Moise sortait de ses entretiens avec Dieu, la figure toute rayonnante de gloire ; ainsi après avoir eux-mêmes contemplé la divine lumière que répand l'humanité du Verbe, ils devaient rejeter le voile ancien pour être transformés en la même image de clarté en clarté, et de gloire en gloire. - S. CYR. Car bien qu'un certain nombre d'entre eux se soient montrés rebelles, cependant ceux que Dieu s'est réservés ont été sauvés, et sont parvenus à la gloire par Jésus-Christ notre Seigneur. Les saints Apôtres qui ont éclairé tout l'univers de la lumière de leur céleste doctrine, ont été les prémices de ce peuple. Jésus-Christ lui-même a été personnellement la gloire du peuple d'Israël, parce qu'il a daigné sortir de ce peuple selon la chair, lui qui comme Dieu est le maître de tous les hommes et béni dans tous les siècles. - S. GREG. DE NYSSE. Siméon dit avec dessein : " De votre peuple, " parce que non seulement il en a été adoré, mais il a voulu naître de ce peuple selon la chair. - BEDE. Il dit qu'il sera la lumière des nations, avant d'ajouter : " Et la gloire d'Israël, " parce que tout Israël ne sera sauvé que lorsque la multitude des nations sera entrée dans l'Église (Rm 11).

vv. 33-35.
CH. DES PER. GR. Chaque fois que la connaissance des choses surnaturelles revient à la mémoire, chaque fois aussi elles produisent dans l'âme un nouveau sentiment d'admiration et d'étonnement : " Et le père et la mère de Jésus étaient dans l'admiration des choses que l'on disait de lui. " - ORIG. (hom. 19.) Des choses qui avaient été annoncées par l'ange et publiées par la multitude de l'armée céleste, aussi bien que par les bergers et par Siméon lui-même. - BEDE. Joseph est appelé le père du Sauveur, non qu'il soit véritablement son père (comme les photiniens l'ont osé blasphémer), mais parce que Dieu voulait qu'il passât aux yeux de tous pour son père, afin de sauvegarder la réputation de Marie. - S. AUG. Il peut être appelé d'ailleurs le père de Jésus dans le même sens qu'il est appelé l'époux de Marie, sans avoir avec elle aucun rapport charnel, et par le seul fait de l'union conjugale ; et à ce titre il est son père d'une manière plus étroite que s'il l'avait adopté pour son enfant. Car pourquoi refuser à Joseph le nom de père de Jésus-Christ, parce qu'il ne l'avait ras. engendré, alors qu'il pourrait être appelé très-bien le père d'un enfant qu'il aurait adopté, sans même que son épouse en fût la mère ? - ORIG. Si l'on désire une raison plus élevée, voici ce que l'on peut répondre : La suite de la généalogie descend de David à Joseph ; or, on ne verrait pas trop pourquoi le nom de Joseph s'y trouve, puisqu'il n'est pas le père du Sauveur ; il est donc appelé le père du Seigneur, pour ne point déranger l'ordre de la généalogie.
CH. DES PER. GR. Après avoir offert à Dieu un juste tribut de louanges, Siméon bénit à leur tour ceux qui ont apporté l'enfant au temple : " Et Siméon les bénit. " Cette bénédiction s'adresse à tous les deux, mais il réserve pour la mère de Jésus la prédiction des secrets divins. La bénédiction commune à Joseph et à Marie, respecte les droits que lui donne son titre de père ; mais la prédiction que Siméon fait à Marie sente proclame hautement qu'elle est la véritable mère de Jésus : " Et il dit à Marie, sa mère, " etc. - S. AMB. La grâce de Dieu se répand sur tous avec abondance par la naissance du Sauveur, et si le don de prophétie est refusé aux incrédules, il est accordé aux justes ; Siméon prophétise que Jésus est venu pour la ruine et la résurrection de plusieurs. - ORIG. (hom. 17.) D'après l'explication la plus simple, on peut dire que Jésus-Christ est venu pour la ruine des infidèles et pour le salut de ceux qui croient. - S. CHRYS. (ch. des Pèr. gr.) La lumière, bien qu'elle fatigue et trouble les yeux débiles, mie laisse pas d'être toujours la lumière ; ainsi le Sauveur ne cesse point d'être Sauveur, quoiqu'un grand nombre d'hommes se perdent. Leur ruine, en effet, n'est point son œuvre, elle est l'oeuvre de leur folie. Aussi sa puissance éclate à la fois dans le salut des bons, et dans la ruine des méchants ; car plus le soleil est brillant, plus il éblouit et trouble les yeux affaiblis.
S. GREG. DE NYSSE. (Ch. des Pèr. gr.) Considérez attentivement avec quel heureux choix d'expressions il fait ressortir cette distinction ; la révélation du salut doit se faire devant tout le peuple, mais la ruine et le salut ne sont le partage que d'un grand nombre. Dieu, en effet, se propose le salut de tous les hommes, et leur élévation à une gloire toute divine, mais le salut et la perte dépendent de la volonté d'un grand nombre, de ceux qui embrassent la foi, et de ceux qui la rejettent. Or, il n'y a rien d'absurde à croire que ceux qui sont abattus, et que les incrédules soient relevés. - ORIG. Un interprète trop subtil objectera peut-être que nul ne peut tomber s'il n'était préalablement debout ; qu'il me dise donc quel est celui que le Sauveur a trouvé debout, et pour la ruine duquel il serait venu. - S. GREG. DE NYSSE. Le saint vieillard Siméon veut donc ici parler d'une ruine entière et profonde, c'est-à-dire que le châtiment des coupables ne devait pas être, après l'accomplissement du mystère de l'incarnation et la prédication de l'Évangile, le même qu'il était avant la venue du Sauveur. Et il a surtout en vue les enfants d'Israël qui devaient perdre tous les biens dont ils jouissaient, et encourir des châtiments plus terribles que toutes les autres nations, parce qu'ils ont refusé de recevoir celui que leurs prophètes avaient annoncé, celui qui a été adoré parmi eux, celui qui est né du milieu d'eux. Ils sont donc particulièrement menacés de ruine, non seulement parce qu'ils n'ont rien à espérer pour le salut de leurs âmes, mais parce qu'ils verront l'entière destruction de leur ville et de ses habitants. Au contraire, la résurrection est promise à tous ceux qui croient, tant à ceux qui sont comme abattus sous le joug de la loi et qui seront relevés de cette servitude, qu'à ceux qui sont ensevelis avec Jésus-Christ, et qui ressusciteront avec lui. - IDEM. (serm. sur la renc. du Seig.) De l'admirable concordance de ces paroles avec les oracles prophétiques, apprenez que c'est un seul et même Dieu, un seul et même législateur qui a parlé dans les prophètes et dans le Nouveau Testament. En effet, les prophètes ont annoncé que le Christ serait une pierre de chute, une pierre de scandale (Ps 117, 22 ; Mt 21, 42 ; Is 8, 14 ; Rm 9, 33), afin que ceux qui croient en lui ne soient pas confondus. Il est donc une cause de ruine pour ceux qui sont scandalisés de l'humilité de sa chair, et un principe de résurrection pour ceux qui ont reconnu la certitude de l'accomplissement des conseils divins.
ORIG. Il y a encore ici une leçon plus élevée à l'adresse de ceux qui se récrient contre le Dieu créateur en disant : " Voyez quel est ce Dieu de la loi et des prophètes : C'est moi, dit-il, qui fais mourir, et c'est moi qui rend la vie. " (Dt 32.) Or, si à cause de ces paroles vous le traitez de juge cruel et de créateur barbare, il est on ne peut plus évident que Jésus est son fils ; car l'Écriture ne s'explique pas autrement à son égard, en disant qu'il est venu pour la fume et la résurrection de plusieurs. - S. AMBR. C'est-à-dire qu'il est venu pour apprécier et juger les mérites des justes et des pécheurs, et nous décerner, en juge équitable et intègre, des châtiments ou des récompenses, selon la nature de nos oeuvres. - ORIG. (hom. 17.) Il n'est peut-être pas inutile de remarquer que le Sauveur n'est pas venu à l'égard de tous pour la ruine et pour la résurrection, entendues dans le même sens. En effet, comme je me tenais debout dans le péché, il a été d'abord dans mon intérêt de tomber, et de mourir au péché ; et les prophètes eux-mêmes, quand une vision auguste se révélait à leurs yeux, tombaient la face contre terre, afin de se purifier davantage de leurs péchés par cette chute volontaire. Le Sauveur vous accorde d'abord la même grâce. Vous étiez pécheur ; que le pécheur qui est en vous, tombe et meure, pour que vous puissiez ressusciter et dire : " Si nous mourons avec lui, nous vivrons aussi avec lui. " (2 Tim 2.) - S. CHRYS. Or, la résurrection, c'est une vie toute nouvelle ; lorsqu'un impudique devient chaste, un avare miséricordieux, un homme violent, plein de douceur, c'est une véritable résurrection, où nous voyons le péché frappé de mort, et la justice ressuscitée.
" Et en signe que l'on contredira. " - S. BAS. La croix est appelée par l'Écriture, dans un sens véritable, un signe de contradiction ; car il est dit que Moïse fit un serpent d'airain, et l'éleva pour être un signe. (Nb 21.) - S. GREG. DE NYSSE. (Ch. des Pèr. gr.) L'ignominie se trouve ici mêlée à la gloire. Ce signe nous offre, à nous chrétiens, ce double caractère de contradiction, lorsque les uns n'y voient qu'un objet de dérision et d'horreur ; de gloire, lorsqu'il est pour les autres un signe auguste et vénérable. Peut-être aussi est-ce Jésus-Christ lui-même qui est ce signe, lui qui est supérieur à toute la nature, et l'auteur de tous les signes miraculeux. - S. BAS. En effet, un signe est comme un indice qui nous fait connaître une chose mystérieuse et cachée ; les plus simples voient le signe extérieur, mais il n'est compris que de ceux qui ont l'intelligence exercée. - ORIG. (hom. 17.) Or, tout ce que l'histoire évangélique nous raconte de Jésus-Christ est contredit, non pas, sans doute, par nous qui croyons en lui, et qui savons que tout ce qui est écrit de lui est la vérité, mais par les incrédules, pour lesquels tout ce que l'Écriture nous rapporte du Sauveur est un signe et un objet de contradiction.
S. GREG. DE NYSSE. Cette prédiction concerne le Fils, mais elle s'adresse aussi à sa mère qui partage tous ses dangers comme toutes ses gloires, et le vieillard Siméon ne lui prédit pas seulement des joies, mais des afflictions et des douleurs : " Et votre âme sera percée d'un glaive. " - BEDE. Nous ne voyons dans aucune histoire que Marie ait fini ses jours par le glaive, d'ailleurs ce n'est pas l'âme, mais le corps qui est accessible aux coups mortels du glaive. Il nous faut donc entendre ici ce glaive dont le Psalmiste a dit : " Ils ont un glaive sur leurs lèvres (Ps 58), et c'est ce glaive, c'est-à-dire la douleur que Marie éprouva de la passion du Sauveur, qui transperça son âme. Car bien qu'elle sût que Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, mourait, parce qu'il le voulait, et qu'elle ne doutât nullement qu'il triompherait de la mort, cependant elle ne put voir crucifier le propre fils de ses entrailles sans un vif sentiment de douleur. - S. AMBR. Ou bien peut-être Siméon veut-il nous apprendre par ces paroles, que Marie n'ignorait point le secret des célestes mystères ; car le Verbe de Dieu est vivant et efficace, et plus pénétrant que le glaive le plus aigu et le plus tranchant (Hb 4.) - S. AUG. (Quest. sur l'Anc. et le Nouv. Test., chap. 73). Ou bien enfin, peut-être veut-il signifier que Marie elle-même, par laquelle s'est accompli le mystère de l'incarnation, a eu à la mort du Seigneur, et sous l'impression de la douleur comme un moment de doute et d'hésitation, en voyant le Fils de Dieu réduit à ce degré d'humiliation qui le faisait mourir sur une croix. Et de même qu'un glaive qui ne fait qu'effleurer un homme, lui donne un vif sentiment de crainte, mais sans le blesser ; ainsi le doute lui inspira un vif sentiment de tristesse, mais sans donner la mort, parce qu'il ne s'arrêta pas dans son âme, mais la traversa seulement comme une ombre.
S. GRÉG. DE NYSSE. La mère de Jésus n'est point la seule dont le vieillard Siméon nous prédit les sentiments au temps de la passion du Sauveur ; il ajoute : " Afin que les pensées cachées dans le coeur de plusieurs soient découvertes. " Cette manière de parler indique tout simplement le fait qui doit arriver, et nullement la cause qui le produit. En effet, à la suite de tous ces événements, le voile qui couvrait les intentions d'un grand nombre, fut découvert ; les uns reconnaissaient un Dieu dans celui qui mourait sur la croix, les autres, malgré cet affreux supplice, ne cessaient de l'accabler d'injures et d'outrages. Ou bien ces paroles signifient qu'au temps de la passion, on vit à découvert les pensées d'un grand nombre de coeurs, à qui la résurrection inspira ensuite de meilleurs sentiments ; car le doute de quelques instants fit bientôt place à une certitude inébranlable. Peut-être encore le mot révélation a ici le sens d'illumination, comme dans beaucoup d'autres endroits de l'Écriture. - BEDE. Jusqu'à la fin du monde, l'âme de l'Église est toujours traversée par le glaive de la plus amère tribulation, lorsqu'elle voit, en gémissant, que le signe de la foi est en butte aux contradictions des méchants, lorsqu'à la prédication de la parole de Dieu, elle en voit un grand nombre ressusciter à la vie avec Jésus-Christ, mais un grand nombre aussi tomber des hauteurs de la foi dans l'abîme de l'incrédulité ; lorsque, pénétrant les pensées cachées dans le coeur d'une multitude de chrétiens, elle s'aperçoit que là où elle avait semé la bonne semence de l'Évangile, l'ivraie des vices l'emporte sur cette bonne semence, et quelque fois l'étouffe et la remplace entièrement. - ORIG. (hom. 17.) Il y avait dans les hommes bien des pensées mauvaises qui ont été révélées, pour être détruites par celui qui a voulu mourir pour nous ; car tant qu'elles demeuraient cachées, il était impossible de les détruire entièrement. Si donc nous avons péché, nous devons dire avec le Roi-prophète : " Je n'ai point caché mon iniquité " (Ps 31, 3 ; cf. Job 31, 33) ; car si nous découvrons nos péchés, non seulement à Dieu, mais à ceux qui ont le pouvoir de guérir les blessures de notre âme, nos péchés seront complètement effacés.

vv. 36-38.
S. AMBR. Siméon avait prophétisé, une femme mariée avait prophétisé, une vierge avait prophétisé ; il fallait qu'une veuve aussi eût part à ce don de prophétie, pour que chaque condition, comme chaque sexe fût représenté dans cette circonstance : " Il y avait aussi une prophétesse nommée Anne, fille de Phanuel, " etc. - THEOPHYL. L'Évangéliste entre dans tous les détails qui peuvent nous faire connaître cette sainte prophétesse, il nous dit quel était son père, sa tribu, et semble produire de nombreux témoins qui connaissaient son père et sa tribu. - S. GREG. DE NYSSE. (serm. sur la renc. du Seig.) Ou bien peut-être alors, d'autres personnes portaient le même nom. Il fallait donc, pour la désigner plus clairement, dire quel était son père, sa famille et sa condition.
S. AMBR. Anne, par le mérite d'une longue viduité et par ses vertus, se présente avec tous les titres qui la rendent digne d'annoncer le Rédempteur de tous les hommes : " Elle était avancée en âge, elle n'avait vécu que sept ans avec son mari, " etc. - ORIG. (hom. 17.) Ce n'est point fortuitement et sans mérite de sa part que l'Esprit saint avait fixé en elle sa demeure. La première et la plus excellente grâce, c'est la grâce de la virginité ; mais si une femme n'a pu y atteindre, et qu'elle vienne à perdre son mari, qu'elle reste veuve, et qu'elle soit dans cette disposition, non seulement après la mort de son mari, mais lorsqu'il vit encore ; ainsi, en supposant même qu'elle ne devienne pas veuve, Dieu couronnera sa bonne volonté et sa généreuse résolution. Voici donc le langage qu'elle doit tenir : Je fais voeu, je promets, si ce malheur m'arrive (ce que je suis loin de désirer), de ne plus songer qu'à rester veuve et chaste toute ma vie. C'est donc à juste titre que cette sainte femme mérita de recevoir l'esprit de prophétie, parce que tant d'années passées dans la pratique de la chasteté, dans les jeûnes et dans les prières, l'avaient élevé à ce haut degré de sainteté : " Elle ne quittait point le temple, servant Dieu, " etc. - S. GREG. DE NYSSE. Nous voyons par cette énumération qu'elle possédait toutes les autres vertus. Et voyez quelle conformité de vertus avec Siméon. Ils étaient ensemble dans le temple, ils furent tous deux, au même moment, jugés dignes du don de prophétie : " Et, survenant à cette même heure, elle louait le Seigneur, " c'est-à-dire qu'elle lui rendait grâce en voyant le salut du monde au milieu du peuple d'Israël, et elle proclamait que Jésus était à la fois Rédempteur et le Sauveur de tous les hommes : " Et elle parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël. " Mais comme la prophétesse Anne parle peu du Christ, et en termes peu précis, l'Évangéliste n'a pas cru devoir rapporter ses propres expressions. Peut-être pourrait-on dire que Siméon a parlé le premier, parce qu'il représentait la loi (car son nom veut dire obéissance), tandis qu'Anne (suivant l'interprétation de son nom), représentait la grâce. Le Christ se trouvait entre les deux, il laisse donc mourir avec la loi le vieillard Siméon, tandis qu'il prolonge la vie de cette sainte veuve qui représente la vie de la grâce.
BEDE. Dans le sens allégorique, Anne est la figure de l'Église qui, dans la vie présente, est comme veuve par la mort de son époux. Le nombre des années de sa viduité représente la durée du pèlerinage de l'Église loin du Seigneur. En effet, sept fois douze font quatre-vingt-quatre. Or, le nombre sept exprime la suite des siècles (qui sont compris dans l'espace de sept jours), et le nombre douze se rapporte à la perfection de la doctrine apostolique. On peut donc dire, soit de l'Église universelle, soit de toute âme fidèle qui, dans tout le cours de sa vie, demeure fidèle à la doctrine des Apôtres, qu'elle a servi le Seigneur pendant quatre-vingt-quatre ans. Les sept ans qu'elle avait passés avec son mari rentrent aussi dans cette interprétation ; car c'est par suite d'un privilège particulier à la majesté du Seigneur, de sa vie mortelle, que le nombre de sept années a été choisi pour exprimer la perfection. La prophétesse Anne est également favorable à ces significations mystérieuses, qui ont l'Église pour objet ; car Anne veut dire sa grâce, elle est fille de Phanuel, qui signifie face de Dieu, elle est de la tribu d'Aser, qui veut dire bienheureux.

vv. 39-41.
BEDE. Saint Luc omet ici ce qu'il savait avoir été raconté par saint Matthieu, c'est-à-dire, la fuite en Égypte, où les parents de l'enfant Jésus le transportèrent pour le dérober aux recherches homicides du roi Hérode ; et après la mort de ce tyran, le retour en Galilée, dans la ville de Nazareth, où le Sauveur fixa son séjour. Les Évangélistes ont coutume en effet d'omettre certains faits qu'ils savent avoir été racontés, ou qu'ils prévoient, en vertu de l'inspiration, devoir l'être par les autres Évangélistes. ils poursuivent donc la suite de leur récit comme s'ils n'avaient omis aucun fait intermédiaire. Toutefois, un lecteur attentif, en comparant avec soin le récit d'un autre Évangéliste, voit immédiatement où les faits qui ont été omis doivent trouver place. Saint Luc donc, passant sous silence plusieurs de ces faits intermédiaires, continue ainsi son récit : " Et après qu'ils eurent accomplis, " etc. - THEOPHYL. Bethléem était leur ville comme patrie, et Nazareth l'était comme lieu de leur domicile.

S. AUG. (de l'acc. des Evang., 2, 9.) On peut être surpris que saint Matthieu donne pour motif du retour des parents avec l'enfant dans la Galilée, la crainte qu'ils avaient d'Archélaüs, et qui les empêchait de se fixer dans la Judée, tandis que le motif déterminant de leur retour en Galilée, c'est que Nazareth, située dans la Galilée, était leur ville, comme saint Luc le remarque en cet endroit. Voici l'explication de cette difficulté : Lorsque l'ange apparaît en Égypte à Joseph pendant son sommeil, pour lui dire : " Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, et allez dans la terre d'Israël, " on peut très bien entendre que Joseph crut que l'ange lui donnait l'ordre de retourner en Judée, qui put se présenter la première à son esprit sous le nom de terre d'Israël. Mais lorsqu'ensuite il eut appris qu'Archélaüs, fils d'Hérode, régnait en Judée, il ne voulut point s'exposer à un si grand danger, d'autant plus que par terre d'Israël, il pouvait aussi bien entendre la Galilée, puisque le peuple d'Israël l'habitait également. - CH. DES PER. GR. ou METAPHR. Ou bien encore, on peut dire que saint Luc parle ici du temps qui précède la fuite en Egypte, car Joseph ne fut point parti avant le temps de la purification de Marie. Or, avant de fuir en Egypte, aucune révélation ne les avait avertis d'aller à Nazareth, et ils s'y rendaient naturellement pour habiter de préférence dans leur patrie. En effet, ils n'étaient venus à Bethléem que pour s'y faire inscrire, et après avoir satisfait à la loi du dénombrement qui avait déterminé leur voyage, ils retournent à Nazareth.
THEOPHYL. Le Sauveur aurait pu naître et sortir du sein de sa mère dans la plénitude de l'âge, mais ce développement instantané eut paru dépourvu de réalité, il veut donc croître par degrés et en suivant les progrès de l'âge : " L'enfant croissait et se fortifiait. " - BEDE. IL faut faire attention à la signification bien distincte de ces paroles ; car Notre-Seigneur n'avait besoin de croître et de se fortifier, que parce qu'il s'était fait enfant, et qu'il avait revêtu notre nature fragile et mortelle. - S. ATHAN. (de l'incarn. de J.-C.) Mais si, comme quelques-uns le prétendent, la chair avait été changée et absorbée par la nature divine, comment pouvait-elle prendre de l'accroissement ? car on ne peut sans blasphème attribuer de l'accroissement à celui qui est incréé. - S. CYR. ou plutôt THEODOR. (Chaîne des Pèr. gr.) L'Évangéliste joint l'accroissement de la sagesse aux progrès de l'âge, en disant : " Et il se fortifiait, " c'est-à-dire en esprit, car la nature divine se déclarait par degrés en se proportionnant aux progrès de l'âge. - THEOPHYL. S'il eût fait éclater toute sa sagesse dès sa plus tendre enfance, on eût vu là un prodige étonnant, il se révéla donc en suivant le progrès de l'âge, pour parcourir ainsi toutes les phases de la vie. Si du reste il est dit qu'il se fortifiait en esprit, ce n'est point dans ce sens qu'il reçut la sagesse comme par degrés, car comment celui qui, dès le commencement avait toute perfection, aurait-il pu devenir plus parfait ? Aussi l'Évangéliste ajoute : " Il était plein de sagesse, et la gloire de Dieu était en lui. " - BEDE. Plein de sagesse, parce que la plénitude de la divinité habitait en lui corporellement (Col 2, 9) ; plein de grâce, parce que Jésus-Christ fait homme a reçu dès le premier moment de son incarnation cette grâce extraordinaire d'être aussi Dieu parfait. A plus forte raison, en tant que Verbe de Dieu, et Dieu lui-même, il n'avait besoin ni de croître, ni de se fortifier. On peut dire encore que la grâce de Dieu était en lui, tout petit enfant qu'il était, afin de donner ainsi à son enfance remplie de la sagesse de Dieu ce caractère admirable qui est empreint sur sa vie toute entière.
" Or ses parents allaient tous les ans à Jérusalem à la fête de Pâques. " - S. CHRYS. (2 Disc. contr. les Juifs.) La loi obligeait les Israélites à célébrer les grandes solennités, non seulement dans le temps, mais dans le lieu marqué, aussi les parents du Seigneur ne voulaient point célébrer la fête de Pâques hors de Jérusalem. - S. AUG. (de l'accord des Evang., 2, 20.) Mais comment Marie et Joseph pouvaient-ils se rendre chaque année à Jérusalem pendant l'enfance de Jésus, alors que la crainte d'Archélaüs devait les en éloigner ? Cette difficulté serait facile à résoudre, alors même qu'un des Évangélistes aurait précisé la durée du règne d'Archélaüs, car les parents de Jésus pouvaient très bien venir à Jérusalem sans être remarqués parmi cette grande multitude qui s'y rendait pour la fête de Pâques, d'autant plus qu'ils s'en retournaient aussitôt. Au contraire ils pouvaient craindre d'y fixer leur séjour dans un autre temps de l'année. Ils satisfaisaient ainsi les devoirs de religion que la loi leur imposait, et ils ne s'exposaient point à être remarqués par un séjour prolongé. Mais comme tous les Évangélistes se taisent sur la durée du règne d'Archélaüs, nous sommes autorisés à entendre ce passage de saint Luc : " Ils allaient tous les ans à Jérusalem, " d'un temps où Archélaüs n'était plus à redouter.

vv. 41-50.
S. CYR. (Chaîne des Pèr. gr.) L'Évangéliste vient de dire que l'enfant croissait et se fortifiait, il en donne maintenant la preuve en nous montrant Jésus se rendant à Jérusalem avec la sainte Vierge sa mère : " Lorsqu'il eut atteint sa douzième année. " - CH. DES PER. GR. ou GEOM. La manifestation de la sagesse ne dépasse pas ici la portée de l'âge, c'est à l'époque de la vie où nous devenons capables de discernement et de réflexions (c'est-à-dire, à l'âge de douze ans), que la sagesse de Jésus-Christ se révèle. - S. AMBR. Ou bien il commence ses divins enseignements à l'âge de douze ans, pour figurer le nombre des premiers prédicateurs de l'Évangile. - BEDE. (sur S. Luc.) Nous pouvons encore dire que, comme le nombre sept, le nombre douze (formé des deux parties du nombre sept multipliées l'une par l'autre) figure l'universalité et la perfection des temps et des choses ; c'est donc pour nous apprendre que la lumière qu'il apporte au monde, doit remplir tous les temps et tous les lieux, que Jésus-Christ commence à en répandre les premiers rayons à l'âge de douze ans.
BEDE. (hom.) Notre-Seigneur venait tous les ans avec ses parents célébrer la fête de Pâques dans le temple de Jérusalem, et il nous donne en cela un exemple de sa profonde humilité comme homme, car c'est un des premiers devoirs de l'homme d'être fidèle à offrir à Dieu des sacrifices, et de se le rendre favorable par ses prières. Le Seigneur fait homme a donc accompli parmi les hommes ce que Dieu avait commandé aux hommes par ses anges : " Selon la coutume de cette fête, " dit l'Évangéliste ; soyons donc fidèles nous-mêmes à suivre les pas de ce Dieu fait homme, si nous aspirons au bonheur de contempler un jour la gloire de sa divinité.
CH. DES PER. GR. ou METAPH. Après la fête tous s'en retournèrent, mais Jésus resta secrètement : " Les jours de la fête étant passés, l'enfant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, et ses parents ne s'en aperçurent pas. " L'Evangéliste dit : " Les jours de la fête étant passés, " parce que la solennité de la fête de Pâques durait sept jours. Le Sauveur reste secrètement, afin que ses parents ne pussent s'opposer à la discussion qu'il désirait avoir avec les docteurs de la loi ; ou bien peut-être voulait-il éviter de paraître mépriser l'autorité de ses parents, en refusant de leur obéir. Il reste donc secrètement, pour agir en toute liberté, ou pour ne pas s'exposer au reproche de désobéissance. - ORIG. (hom. 19.) Ne soyons pas surpris de voir l'Évangéliste donner à Marie et à Joseph le nom de parents de Jésus, alors que Marie par son enfantement, et Joseph par les soins dont il entourait ce divin enfant, ont mérité d'être appelés son père et sa mère. - BEDE. (sur S. Luc.)On demandera sans doute comment les parents de Jésus, qui veillaient avec une si grande sollicitude sur ce divin enfant, ont pu le laisser par oubli dans la ville de Jérusalem. Nous répondons que les Juifs, à l'époque des grandes fêtes de l'année, soit en se rendant à Jérusalem, soit en retournant dans leur pays, avaient coutume de marcher par troupes, les hommes séparés des femmes, et les enfants pouvaient aller indifféremment avec les uns ou avec les autres. Marie et Joseph ont donc pu croire chacun de leur côté que l'enfant Jésus, qu'ils, ne voyaient point avec eux, se trouvait soit avec son père, soit avec sa mère. C'est ce qu'ajoute l'Évangéliste : " Mais pensant qu'il était avec quelqu'un de leur compagnie, " etc.
ORIG. L'enfant Jésus resta dans la ville de Jérusalem, en laissant ignorer à ses parents qu'il y était resté, comme plus tard il s'échappa et disparut du milieu des Juifs, qui lui dressaient des embûches : " Et ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem pour le chercher, et trois jours après, ils le trouvèrent dans le temple, " etc. - ORIG. (hom. 18.) Ou ne trouve pas Jésus dès les premiers pas que l'on fait pour le chercher ; car Jésus ne se trouve ni parmi ses parents ou parmi ceux qui lui sont unis par les liens du sang, ni parmi ceux qui ne s'attachent à lui qu'extérieurement ; on ne peut espérer non plus trouver Jésus au milieu de la foule. Apprenez donc où ils le cherchent et où ils le trouvent, ce n'est point partout indifféremment, mais dans le temple. Vous donc aussi, cherchez Jésus dans le temple de Dieu, cherchez-le dans l'Église, cherchez-le auprès des docteurs qui enseignent dans le temple ; si vous le cherchez de la sorte, vous le trouverez infailliblement. (Et hom. 19). Ils ne le trouvèrent point parmi leurs parents, car une parenté toute naturelle ne pouvait avoir au milieu d'elle le Fils de Dieu, qui est supérieur à toute connaissance et à toute science humaine. Où donc le trouvent-ils ? Dans le temple. Si vous voulez aussi chercher le Fils de Dieu, cherchez-le d'abord dans le temple, hâtez-vous d'y entrer, c'est là que vous trouverez le Christ, la parole et la sagesse du Père, c'est-à-dire le Fils de Dieu.

S. AMB. Ils le trouvent dans le temple après trois jours, comme figure que trois jours après sa passion. triomphante, alors qu'on le croyait victime de la mort, il se montrerait plein de vie à notre foi, assis sur son trône des cieux, au milieu d'une gloire toute divine. - LA GLOSE. Ou bien ces trois jours de recherche signifiaient que les patriarches avant la loi, avaient cherché l'avènement de Jésus-Christ sans le trouver, que les prophètes et les justes sous la loi l'avaient également cherché sans être plus heureux, tandis que les Gentils qui l'ont cherché sous la loi de grâce l'ont trouvé.

ORIG. (hom. 19.) Comme il était le Fils de Dieu, on le trouve au milieu des docteurs, leur inspirant la sagesse et les instruisant ; mais parce qu'il était enfant on le trouve au milieu d'eux, ne leur faisant point de leçons expresses, mais se contentant de les interroger : " Ils le trouvèrent assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. " Il agit ainsi pour donner l'exemple de la soumission et de la déférence qui convient aux enfants, et leur apprendre la conduite qu'ils doivent tenir, fussent-ils doués d'une sagesse et d'une science supérieures à leur âge. Ils doivent écouter leurs maîtres plutôt que de chercher à les instruire et à se produire par un sentiment de vaine ostentation. Jésus interroge les docteurs, non pas sans doute pour s'instruire, mais bien plutôt pour les enseigner en les interrogeant, car c'est de la même source d'intelligence et de doctrine que viennent ses questions et ses réponses pleines de sagesse : " Et tous ceux qui l'entendaient, admiraient la sagesse de ses réponses, " etc. - BEDE. Pour montrer qu'il était homme, il écoutait modestement des docteurs qui n'étaient que des hommes ; mais pour prouver qu'il était Dieu, il répondait à leurs questions d'une manière sublime. - CH. DES PER. GR. ou METAPH. Il interroge avec intelligence, il écoute avec sagesse, et répond avec plus de sagesse encore, ce qui ravissait d'admiration ceux qui l'entendaient : " Et tous ceux qui l'entendaient étaient confondus de sa sagesse et de ses réponses. " - S. CHRYS. (hom. 20 sur S. Jean.) Le Sauveur n'a fait aucun miracle dans son enfance, et saint Luc ne nous en raconte que ce seul fait, qui ravit d'admiration et d'étonnement ceux qui en furent témoins. - BEDE. Ses paroles, en effet, révélaient une sagesse divine, mais son âge le couvrait des dehors de la faiblesse humaine ; aussi les Juifs, partagés entre les choses sublimes qu'ils entendaient et la faiblesse extérieure qui paraissait à leurs yeux éprouvaient un sentiment d'admiration mêlé de doute et d'incertitude. Mais pour nous rien ici de surprenant, car nous savons par le prophète Isaïe, que s'il a voulu naître petit enfant pour nous, il n'en reste pas moins le Dieu fort.
CH. DES PER. GR. (ou Métaphr. et Géom.) Admirons ici la mère de Dieu, dont les entrailles maternelles sont si vivement émues ; elle lui dépeint, en gémissant, ses anxiétés pendant cette douloureuse recherche, et exprime tous les sentiments qui l'agitent avec la confiance, la douceur et la tendresse d'une mère : " Et sa mère lui dit : Mon fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ? " - ORIG. (Chaîne des Pères grecs.) Cette Vierge sainte savait bien qu'il n'était point le fils de Joseph, et cependant elle appelle son chaste époux le père de Jésus, pour se conformer à l'opinion des Juifs qui pensaient que son divin Fils avait été conçu comme les autres enfants. (hom. 17.) L'explication la plus simple est de dire que l'Esprit saint a honoré Joseph du nom de père de Jésus, parce qu'il a été chargé de l'élever. D'après une interprétation plus recherchée, on peut dire que l'Evangéliste ayant fait descendre la généalogie de Jésus-Christ de David à Joseph, cette généalogie paraîtrait donnée sans raison, si Joseph n'était pas appelé le père de Jésus. (hom. 19.) Mais pourquoi le cherchaient-ils ? craignaient-ils qu'il n'ait péri ou qu'il se fût égaré ? Loin de nous cette pensée. Comment auraient-ils pu craindre la perte de cet enfant dont ils connaissaient la divinité ? Lorsque vous lisez les saintes Écritures, vous cherchez avec une certaine peine à en découvrir le sens, ce n'est pas, sans doute, que vous pensiez que la divine Écriture puisse renfermer des erreurs ou des choses dites au hasard ; mais vous désirez trouver la vérité qui est cachée sous l'écorce de la lettre. C'est ainsi que Marie et Joseph cherchaient l'enfant Jésus, en craignant que peut-être il ne les eût quittés et ne fût remonté dans les cieux, pour en descendre de nouveau lorsqu'il le jugerait à propos. Celui donc qui cherche Jésus, ne doit point agir avec négligence et avec mollesse, comme font plusieurs qui le cherchent et ne le trouvent point, mais il doit faire de grands efforts, et se donner de la peine. - LA GLOSE. Peut-être aussi craignaient-ils que d'autres ennemi de Jésus, profitant de l'occasion, ne missent à exécution, contre ce divin enfant, les desseins homicides qu'Hérode avait formés contre lui dès son berceau.

CH. DES PER. GR. (ou Métaph. et Géom.) Cependant Notre-Seigneur répond pleinement à la question de sa mère ; il redresse, pour ainsi parler, ce qu'elle vient de dire de celui qui passait pour son père, et déclare quel est son véritable père, enseignant ainsi à sa sainte mère à s'élever dans les régions supérieures à tout ce qui est terrestre : " Et il leur dit : Pourquoi me cherchez-vous ? " - BEDE. Il ne les blâme pas de ce qu'ils le cherchaient comme leur fils, mais il les force de lever les yeux de leur âme vers les devoirs qu'il doit remplir à l'égard de celui dont il est le Fils éternel : " Ne saviez-vous pas, " etc. - S. AMBR. Il y a en Jésus-Christ deux générations, l'une paternelle, l'autre maternelle. La première est une génération divine ; c'est par la seconde qu'il est descendu jusqu'à notre pauvre nature pour la sauver. - S. CYR. (Chaîne des Pères grecs.) En parlant de la sorte, il montre qu'il s'élève au-dessus de la nature humaine, et tout en reconnaissant que la sainte Vierge est devenue l'instrument de la rédemption en devenant sa mère selon la chair, il proclame en même temps qu'il est vraiment Dieu, et le Fils du Très-Haut. Que les partisans de Valentin, après avoir entendu dire que Jésus est le temple de Dieu, rougissent d'affirmer que le Créateur et le Dieu de la loi et du temple n'est point le Père de Jésus-Christ. - S. EPIPH. (cont. les hérés., 2, 31.) Qu'Ebion lui-même remarque que c'est à l'âge de douze ans, et non point après sa trentième année, que Jésus-Christ ravit en admiration par la sagesse et la grâce de ses discours ; on ne peut donc avancer qu'il n'est devenu Christ, en recevant l'onction divine, qu'au jour de son baptême, lorsque l'Esprit saint descendit sur lui ; mais dès son enfance même, il faisait profession d'honorer le temple et de reconnaître Dieu pour son Père. - CH. DES PER. GR. Ce fut ici la première manifestation de la sagesse et de la puissance de l'enfant Jésus ; car ce que l'on raconte des occupations et des actions de son enfance, ne sont pas seulement des puérilités, mais des inventions diaboliques qui, dans un but évidemment mauvais, cherchent à dénaturer ce qui est rapporté dans les Evangiles et dans les saintes Ecritures. On peut seulement admettre que ce qui est généralement cru parmi les fidèles, et qui est loin d'être contraire à nos croyances, s'accorde plutôt avec les oracles prophétiques, c'est-à-dire que Jésus était le plus beau des enfants des hommes, plein d'obéissance pour sa mère, d'un caractère aimable, d'un aspect tout à la fois majestueux et simple, d'une éloquence naturelle, doux et obligeant, d'une activité et d'un courage en rapport avec la sagesse dont il était rempli ; enfin, d'une mesure et d'une modération parfaite dans toute sa vie et dans ses discours, bien qu'on y ressentait quelque chose de surhumain ; car l'humilité et la modestie forment son principal caractère. Aucune main d'ailleurs n'entreprit de le diriger dans toute sa conduite, excepté celle de sa mère. Jésus nous donne ici une imposante leçon. Le reproche qu'il fait à Marie, de le chercher parmi ses proches, nous suggère le détachement des liens du sang, et nous apprend qu'il est impossible d'arriver à une vertu éminente pour celui qui aime à s'égarer dans les satisfactions de la nature, et qu'on s'éloigne de la perfection par un trop grand amour pour ses proches.

" Et ils ne comprirent pas, " etc. - BEDE. Ils ne comprirent pas ce qu'il venait de leur dire de sa divinité. - ORIG. (hom. 20.) Ou bien ils ignoraient si par ces paroles : " Aux choses qui regardent le service de mon Père, " il voulait parler du temple, ou si ces paroles renfermaient un sens plus élevé, d'une utilité plus immédiate ; car chacun de nous, s'il est bon et vertueux, devient la demeure et comme le siégé de Dieu le Père ; et si nous sommes la demeure et le siége de Dieu, nous avons Jésus au milieu de nous.

vv. 51, 52.
CH. DES PER. GR. (ou Géom.) Toute la vie de Jésus-Christ qui s'est écoulée depuis ce moment jusqu'au temps de sa manifestation et de son baptême, et qui n'a été signalée ni par la publicité d'aucun miracle, ni par l'éclat de sa doctrine, se trouve résumée dans ces seules paroles de l'Évangéliste : " Et il descendit avec eux, et il vint à Nazareth, et il leur était soumis. " - ORIG. Nous voyons que Jésus descendait fréquemment avec ses disciples, et qu'il ne restait pas toujours sur la montagne ; car ceux qui étaient travaillés de diverses maladies ne pouvaient le suivre sur la montagne. C'est pour le même motif qu'il descend aujourd'hui vers ceux qui habitent une région inférieure à la sienne.

" Et il leur était soumis. " - CH. DES PER. GR. Notre-Seigneur suit tour à tour ces deux méthodes : Tantôt il commence par établir la loi, et puis il la confirme par ses oeuvres, comme lorsque ayant dit : " Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, " lui-même, quelque temps après, sacrifia sa propre vie pour notre salut. Quelquefois, au contraire, il donne tout d'abord l'exemple, et trace ensuite dans ses enseignements la règle qu'il faut suivre. C'est ce qu'il fait ici en nous apprenant, par sa conduite, ces trois principaux devoirs : Aimer Dieu, honorer ses parents, et savoir leur préférer Dieu quand il le faut. En effet, au reproche que lui font ses parents, il répond en mettant au premier rang, et avant tout, le service de Dieu ; puis il rend ensuite à ses parents l'obéissance qui leur est due. - BEDE. Comment, en effet, celui qui venait nous enseigner toute vertu aurait-il pu ne pas remplir ce devoir de piété filiale ? Que pourrait-il faire parmi nous, que ce qu'il veut que nous fassions nous-mêmes ? - ORIG. Apprenons donc nous aussi à être soumis à nos parents ; si nous avons eu le malheur de les perdre, soyons soumis à ceux qui, par leur âge, nous tiennent leur place. Jésus, le Fils de Dieu, se soumet à Joseph et à Marie, je me soumettrai à l'évêque que Dieu m'a donné pour père. Sans doute, Joseph devait comprendre que Jésus était au-dessus de lui, et n'exercer qu'en tremblant son autorité sur ce divin enfant. Que chacun donc réfléchisse aussi que souvent il est bien inférieur à celui qui lui obéit ; cette pensée le défendra contre tout sentiment d'orgueil, lorsqu'il verra que celui au-dessus duquel il est placé par sa dignité lui est de beaucoup supérieur en vertu. - S. GREG. DE NYSSE. Disons encore que l'esprit de discernement et la raison sont très imparfaits dans les enfants, et qu'ils ont besoin d'être développés par ceux qui sont plus âgés, ou si l'on veut, d'être conduits par des mains sages et expérimentées à un degré plus éminent de vertu. Or, c'est pour confirmer cette vérité que Jésus, parvenu à l'âge de douze ans, nous donne l'exemple de l'obéissance à ses parents ; et il nous apprend ainsi que tout ce qui ne peut s'élever à la perfection que par degrés successifs, pour arriver à cette fin désirée, doit embrasser la pratique de l'obéissance, comme une des voies les plus sûres qui puisse l'y conduire.

S. BAS. (Cons. monast., chap. 4.) Par cette obéissance parfaite qu'il professe à l'égard de ses parents dès sa première enfance, Jésus accepte humblement, et avec respect, tous les pénibles travaux de leur condition. Car bien qu'ils fussent vertueux, honorés, ils étaient pauvres cependant, et dans la gène (comme le prouve la crèche qui reçut l'enfant divin à sa naissance), et ils devaient pourvoir à leur existence par un travail assidu et à la sueur de leur front. Or, Jésus qui leur obéissait (comme le déclare l'Écriture), devait partager tous ces travaux avec une entière soumission. - S. AMBR. Vous êtes surpris qu'il puisse être soumis à son Père céleste, tout en obéissant à sa mère ? Rappelez-vous que cette obéissance n'est pas chez lui la suite de la faiblesse, mais un acte de piété filiale. Les hérétiques ont beau lever ici la tête, et prétendre que celui qui est envoyé par son Père a besoin d'un secours étranger. Avait-il besoin du secours des hommes, parce qu'il était soumis à l'autorité de sa mère ? Il était soumis à l'humble servante de Dieu, il était soumis à celui qui n'était son père que de nom, et vous êtes étonné qu'il soit soumis à Dieu ? C'est un devoir de piété filiale, que d'obéir à l'homme, serait-ce un acte de faiblesse que d'obéir à Dieu ?

BEDE. Cependant l'auguste Vierge renfermait toutes ces choses dans son coeur pour les repasser, pour les méditer avec soin, soit qu'elle les comprit dans toute leur étendue, soit que leur sens mystérieux demeurât encore voilé pour elle : " Et sa mère conservait toutes ces choses en son coeur. " - CH. DES PER. GR. Considérez l'admirable prudence de Marie, cette mère de la vraie sagesse, comme elle se rend le disciple, l'élève de son divin enfant. Car ses leçons n'étaient point pour elle les leçons d'un enfant, ni d'un homme ordinaire, mais les leçons d'un Dieu. Elle repassait ensuite dans son âme ses paroles et les actions dont elle était témoin, elle n'en laissait perdre aucune ; et de même qu'elle avait autrefois conçu le Verbe lui-même dans son chaste sein, ainsi elle concevait pour ainsi dire ses paroles et ses actions, et les fécondait dans son coeur par une pieuse méditation. Elle contemplait avec bonheur ce qu'elle pouvait en comprendre, et elle attendait la révélation plus claire que l'avenir lui en réservait. Telle fut la règle dont elle se fit comme une loi dans tout le cours de sa vie.

" Et Jésus croissait en sagesse et en âge, " etc. - THEOPH. Jésus n'est pas devenu sage progressivement, mais la sagesse qui était en lui se déclarait successivement et par degrés, comme par exemple, lorsque discutant avec les scribes, la prudence et la haute portée de ses questions jetaient dans l'étonnement tous ceux qui l'entendaient. Il croissait donc en sagesse, en ce sens qu'il se révélait en présence d'un plus grand nombre et les ravissait d'admiration ; la manifestation de sa sagesse en était chez lui comme le progrès. Considérez comment l'Évangéliste, expliquant ce qu'était pour Jésus ce progrès dans la sagesse, ajoute aussitôt : " Et en âge. " Il veut par là nous faire entendre que l'accroissement de l'âge était la mesure de l'accroissement extérieur de la sagesse. - S. CYR. (Tres., liv. 10, chap. 7.) Mais, disent les Eunomiens, comment pouvait-il être égal et consubstantiel à son Père, lui que nous voyons soumis à un accroissement successif comme une créature imparfaite ? Nous répondons que ce n'est pas en tant que Verbe, mais en tant qu'il s'était fait homme, que l'Évangéliste dit : " Il croissait en sagesse, " etc. Car si après son incarnation, il a véritablement acquis une nouvelle perfection qu'il n'avait pas auparavant, quelle reconnaissance lui devrions-nous de ce qu'il s'est incarné pour nous ? D'ailleurs s'il est la véritable sagesse, de quel accroissement était-il susceptible ? et comment celui qui est le principe et la source de la grâce pour tous les hommes, aurait-il pu croître lui-même en grâce ? Disons plus ; est-on scandalisé d'entendre dire que le Verbe s'est humilié, et en conçoit-on des idées peu favorables à la divinité ; et n'admire-t-on pas bien plutôt la grandeur de sa miséricorde ? Pourquoi donc serait-on scandalisé de ses progrès dans la sagesse ? C'est pour nous qu'il a daigné s'humilier, c'est pour nous aussi qu'il s'est soumis à ce progrès successif, et pour nous faire avancer dans sa personne, nous, que le péché avait fait tomber si bas ; car il s'est soumis, en réalité, à toutes les conditions de notre nature, pour les réformer et leur imprimer un nouveau caractère de perfection. Et remarquez encore que l'Évangéliste ne dit pas : Le Verbe croissait, mais : " Jésus croissait, " il veut nous faire comprendre que ce n'est point le Verbe considéré comme Verbe, mais le Verbe fait chair qui s'est soumis à cet accroissement. Bien que la chair seule ait été sujette à la souffrance, nous disons que le Verbe a souffert dans la chair dont il s'est revêtu, parce que c'était la chair du Verbe qui souffrait, ainsi disons-nous que le Verbe croissait, parce que l'humanité qui lui était unie était soumise à cet accroissement. Et encore, nous disons qu'il croissait en tant qu'homme, non pas que son humanité, qui était parfaite dès le premier moment de l'incarnation, pût recevoir quelque nouvel accroissement, mais parce qu'elle se développait progressivement. L'ordre naturel s'oppose à ce que l'homme fasse paraître une intelligence supérieure à son âge. Le Verbe (fait homme) avait donc toute perfection, puisqu'il est la puissance et la sagesse du Père ; mais pour se conformer aux conditions de notre nature, et ne point donner un spectacle extraordinaire à ceux qui en seraient témoins, il passait par tous les degrés du développement naturel de l'homme aux divers âges de sa vie, et ceux qui le voyaient, qui l'entendaient, trouvaient que sa sagesse s'accroissait de jour en jour. - CH. DES PER. GR. (Amphil.) Il croissait en âge, parce que son corps atteignait successivement la virilité ; il croissait en sagesse dans les divines leçons qu'il donnait à ceux qu'il instruisait ; il croissait dans cette grâce qui nous fait nous-même croître et avancer avec joie dans l'espérance d'obtenir à la fin les biens qui nous sont promis. Il croissait devant Dieu, parce qu'il accomplissait l'oeuvre de son Père dans la chair qu'il avait prise ; il croissait devant les hommes en les retirant du culte des idoles pour les élever à la connaissance de la divine Trinité. - THEOPH. L'Évangéliste dit qu'il croissait devant Dieu et devant les hommes, parce qu'il faut plaire à Dieu, avant de plaire aux hommes. - S. GREG. DE NYSSE. (hom. 3 sur le Cant. des Cant.) Le Verbe ne croît point de la même manière dans ceux qui le reçoivent, ruais il apparaît dans les divers degrés par lesquels il a passé de l'enfance, de l'âge adulte et de la perfection.