CATANA AUREA SUR SAINT LUC

PRÉFACE DE L'EXPLICATION

ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS

SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC

CHAPITRE XVI

vv. 1-7.
BEDE. Après avoir condamné par les trois paraboles qui précèdent la sévérité de ceux qui murmuraient de l'accueil qu'il faisait aux pécheurs repentants, le Sauveur ajoute deux autres paraboles, sur l'obligation de l'aumône et de la vie simple et modeste. Il était très naturel en effet, que le précepte de l'aumône suivit immédiatement celui de la pénitence : " Jésus disait encore à ses disciples : Un homme riche avait un économe, " etc. - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) Les hommes sont dominés par une fausse opinion qui ne sert qu'à augmenter leurs fautes et à diminuer leurs mérites ; elle consiste à croire que tous les biens que nous possédons pour l'usage de la vie, nous les possédons comme maîtres absolus, et de les rechercher en conséquence comme les biens les plus importants. Or, c'est le contraire qui est vrai ; car nous n'avons pas été placés dans cette vie comme des maîtres dans la maison qui leur appartient en propre, mais semblables à des hôtes et à des étrangers, nous sommes conduits là où nous ne voulons pas aller, et dans le temps ou nous y pensons le moins. Qui que vous soyez, rappelez-vous donc que vous n'êtes que le dispensateur de biens qui ne vous appartiennent pas, et que vous n'avez sur eux que les droits d'un usage transitoire et passager. Rejetez donc de votre âme l'orgueil qu'inspire la pensée qu'on est maître absolu pour prendre les sentiments de réserve et d'humilité qui conviennent à un simple fermier. - BEDE. Le fermier est celui qui régit une ferme ; d'où lui vient le nom de fermier, l'économe est l'administrateur de l'argent, des fruits, et en général de tout ce que possède son maître. - S. AMBR. Nous apprenons de là que nous ne sommes pas les maîtres, mais bien plutôt les fermiers des biens d'autrui. - THEOPHYL. Une autre conséquence c'est qu'au lieu d'administrer ces biens suivant la volonté du Seigneur, nous en abusons pour satisfaire nos passions, nous devenons des fermiers coupables d'infidélité : " Et celui-ci fut accusé près de lui d'avoir dissipé ses biens. "

S. CHRYS. (comme précéd.) On rappelle alors cet économe et on lui ôte son administration : " Il l'appela et lui dit : Qu'est-ce que j'entends dire de vous ? Rendez-moi compte de votre gestion, car désormais vous ne pourrez plus la conserver. " Le Seigneur nous tient tous les jours le même langage par les exemples qu'il nous met sous les yeux ; tel qui jouissait d'une parfaite santé à midi, meurt avant la fin du jour, tel autre expire au milieu d'un festin, et cette administration nous est ôtée de différentes manières. Mais l'économe fidèle qui s'occupe sérieusement de son administration, a comme saint Paul un ardent désir d'être dégagé des liens du corps et d'être avec Jésus-Christ. (Ph 1, 23.) Celui au contraire dont toutes les affections sont pour la terre, voit arriver avec anxiété la fin de sa vie. En effet : " Cet économe dit alors en lui-même : Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte la gestion de ses biens ? Travailler à la terre, je n'en ai pas la force, et j'ai honte de mendier. " Cette impuissance pour le travail accuse toute une vie d'indolence, car il n'aurait pas ces craintes, s'il s'était habitué à supporter les fatigues d'une vie laborieuse. Le sens figuré de cette parabole est qu'après que nous sommes sortis de cette vie, il n'est plus temps de se livrer au travail. La vie présente doit être employée à l'accomplissement des commandements, la vie future en est la récompense. Si vous n'avez rien fait ici-bas, tous vos projets pour la vie future sont superflus, et il ne vous servira pas davantage de mendier. Vous en avez pour preuve les vierges folles, qui après avoir été si imprévoyantes allèrent mendier auprès des vierges prudentes, mais revinrent sans rien obtenir (Mt 25). Chacun de nous en effet se revêt de ses oeuvres comme d'une tunique ; on ne peut ni s'en dépouiller, ni la changer contre une autre. Mais cet économe infidèle forme alors le dessein de libérer les débiteurs de son maître, et de chercher en eux le remède à son infortune : " Je sais ce que je ferai, afin que lorsqu'on m'aura ôté mon emploi, je trouve des gens qui me reçoivent dans leurs maisons. " Celui qui en effet pense au jour de sa mort, et cherche en faisant le bien à rendre moins accablant le poids de ses péchés, (soit en remettant leurs dettes à ceux qui lui doivent, soit en donnant aux pauvres d'abondantes aumônes), celui-là distribue les biens du Seigneur pour se faire beaucoup d'amis qui rendront de lui devant son juge un bon témoignage non par leurs discours, mais en manifestant ses bonnes oeuvres ; et lui prépareront par leur témoignage un lieu de rafraîchissement et de repos. Or, rien de ce que nous avons, n'est à nous, mais tout appartient à Dieu. En effet, " cet économe ayant fait venir l'un après l'autre les débiteurs de son maître, dit au premier : Combien devez-vous à mon maître ? Il répondit : Cent barils d'huile. " - BEDE. Un baril est la même mesure que l'amphore grecque qui contenait trois urnes : " L'économe lui dit : Prenez votre billet ; asseyez-vous vite, et écrivez cinquante. " Il lui remet ainsi la moitié de ce qu'il doit : " Ensuite, il dit à un autre : Et vous, combien devez-vous ? Il répondit : Cent mesures de froment. " Cette mesure équivalait à trente boisseaux. " L'économe lui dit : Prenez votre billet et écrivez quatre-vingts ; " il lui remet la cinquième partie de sa dette. Or, voici comment on peut entendre ce passage. Celui qui soulage la misère du pauvre pour moitié ou pour la cinquième partie sera récompensé pour sa miséricorde. - S. AUG. (quest. Evang., 2, 34.) Ou bien encore, l'action de cet économe qui au lieu de cent barils d'huile en fait souscrire cinquante au débiteur, au lieu de cent mesures de froment, quatre-vingts doit être entendue en ce sens que les dons offerts par les juifs aux prêtres et aux lévites doivent être plus abondants dans l'Église chrétienne. Ainsi, tandis qu'ils ne donnaient que la dîme, les chrétiens doivent donner la moitié, comme Zachée le fit pour ses biens (Lc 19) ; ou ils doivent au moins surpasser les offrandes des Juifs, en donnant au moins la double dîme, c'est-à-dire la cinquième partie de leurs biens,

vv. 8-13.
S. AUG. (quest. Evang., 2, 34.) Le maître ne laisse pas de louer cet économe, tout en le privant de son emploi, parce qu'il avait su se prémunir contre l'avenir : " Et le maître de l'économe infidèle le loua d'avoir agi prudemment. " Nous ne devons cependant pas tout imiter dans cet exemple, car il nous est défendu de faire tort à personne, aussi bien que de faire l'aumône avec le bien que nous avons dérobé. - S. ORIG. (ou Géom. Ch. des Pèr. gr.) Mais comme les païens mettent la prudence au nombre des vertus, et la définissent la science du bien et du mal et de ce qui est indifférent, ou la connaissance de ce qu'il faut faire et de ce qu'il faut éviter, examinons si ce mot n'a qu'une signification ou s'il est susceptible de plusieurs sens. Nous lisons dans l'Écriture que Dieu a préparé (Pv 3, 19) les cieux par sa prudence. Il est donc certain que la prudence est bonne, puisque c'est par elle que Dieu a créé les cieux. Nous voyons encore dans la Genèse que le serpent était le plus prudent (Gn 3, 1) de tous les animaux ; la prudence ici n'est pas la vertu de prudence, mais un esprit de ruse qui est porté au mal. C'est dans ce dernier sens que le maître loue son économe d'avoir agi prudemment, c'est-à-dire avec ruse et finesse. Peut-être encore cette expression, " il le loua, " n'exprime pas un véritable éloge, mais a été dite dans un sens très étendu ; ainsi on dit d'un homme qu'il se distingue dans des choses indifférentes et de peu d'importance, et qu'il excite une espèce d'admiration par son talent de discussion et la vivacité qui mettent en relief la force de son esprit. - S. AUG. (quest. Evang.) Ces paraboles sont tirées d'objets. qu'on peut appeler contraires ; si en effet cet économe, tout en se rendant coupable de fraude, a mérité les éloges de son maître, combien plus ceux qui font les mêmes bonnes oeuvres en se conformant aux préceptes de Dieu seront-ils assurés de lui plaire ?

ORIG. (comme précéd.) Remarquez encore que Notre-Seigneur dit que les enfants de ce siècle sont non pas plus sages, mais plus prudents que les enfants de lumière ; et encore n'est-ce pas absolument parlant, mais dans leurs relations entre eux : " Car les enfants du siècle sont plus prudents envers leurs parents que les enfants de lumière, " etc. Notre-Seigneur distingue ici entre les enfants de lumière et les enfants de ce siècle, comme il distingue ailleurs entre les enfants du royaume et les enfants de perdition, car on est fils de celui dont on fait les oeuvres. - THEOPHYL. Les enfants de ce siècle sont donc dans la pensée du Sauveur ceux qui sont tout entiers aux avantages de la terre ; et les enfants de lumière ceux qui recherchent les richesses spirituelles par un motif d'amour de Dieu. Or, il arrive que dans l'administration des choses humaines, nous prenons des dispositions prudentes à l'égard de nos biens, et nous avons un soin extrême de nous ménager un lieu de refuge et de repos dans le cas ou notre administration nous serait ôtée ; tandis que dans l'administration des choses divines nous ne savons pas prévoir ce qui pourra nous être utile pour l'avenir.

S. GREG. (Moral., XVIII, 14.) Si donc les hommes ne veulent pas se trouver les mains vides après leur mort, qu'ils placent avant leur dernier jour, leurs richesses dans les mains des pauvres : " Et moi je vous dis : Faites vous des amis avec les richesses d'iniquité, " etc.

S. AUG. (Serm. 23, sur les par. du Seig.) Le mot hébreu mammona, signifie en latin richesses ; Notre-Seigneur veut donc dire : " Faites vous des amis avec les richesses d'iniquité. " Il en est qui par une fausse interprétation de ces paroles dérobent le bien d'autrui, pour en distribuer une partie aux pauvres, et qui s'imaginent accomplir le précepte qui leur est imposé. C'est une erreur qu'il faut redresser. Faites l'aumône avec le juste fruit de votre travail (Pv 3, 9), car vous ne pourrez tromper ni corrompre Jésus-Christ votre juge. Si vous offriez à un juge une partie de la dépouille d'un indigent, pour le disposer à juger en votre faveur, et qu'il se laissât en effet corrompre, la force de la justice est si grande que vous n'auriez aucune sympathie pour ce juge. Ne vous figurez pas un Dieu de la sorte, il est la source même de la justice : ne faites donc pas l'aumône avec des gains injustes et avec le fruit de l'usure, dirai-je aux fidèles à qui nous distribuons le corps de Jésus-Christ, mais si vous avez de l'argent acquis par cette voie, vous le possédez injustement. Cessez de commettre le mal ; Zachée dit au Sauveur : " Je donne la moitié de mes biens aux pauvres. " (Lc 19.) C'est avec ce pieux empressement qu'agit celui qui désire se faire des amis avec les richesses d'iniquité ; et dans la crainte de s'être rendu coupable d'ailleurs, il ajoute : " Et si j'ai fait tort à quelqu'un en quelque chose, je lui rends le quadruple. " Voici une autre explication : Toutes les richesses de ce monde, quelle que soit leur source sont appelées des richesses d'iniquité. Si vous cherchez les véritables richesses, il en est d'autres que Job possédait en abondance dans son entier dénuement, alors que son coeur était rempli de Dieu. Les richesses du monde au contraire sont appelées richesses d'iniquité, parce qu'elles ne sont point véritables, car elles sont remplies de pauvreté, et sujettes à mille vicissitudes : si elles étaient de véritables richesses, elles vous donneraient de la sécurité. - S. AUG. (quest. Evang.) Ou bien encore on les appelle richesses d'iniquité, parce qu'elles ne sont qu'entre les mains des méchants qui placent en elles leur confiance et toute l'espérance de leur félicité. Au contraire lorsque les justes sont maîtres de ces richesses, ils ont entre les mains le même argent, mais leurs richesses à eux sont toute célestes et toutes spirituelles. - S. AMBR. Ou bien enfin il appelle ces richesses, des richesses d'iniquité, parce que l'avarice par les séductions variées qu'elles nous offrent, tente notre coeur, en cherchant à le réduire en esclavage.

S. BAS. Ou bien si vous héritez d'un patrimoine, peut-être est-il le fruit de l'injustice, car quel est celui qui parmi ses ancêtres, n'en trouvera nécessairement quelqu'un qui aura pris injustement le bien d'autrui ? Mais admettons que votre père n'a rien acquis par des voies injustes, d'où vient cet or que vous avez ? Si vous me répondez : Il vient de moi, vous ne connaissez pas Dieu, et n'avez aucune notion de votre Créateur ; si vous dites qu'il vient de Dieu, pour quelle raison l'avez vous reçu ? Est-ce que la terre et tout ce qu'elle contient n'appartient pas au Seigneur ? (Ps 23.) Si donc nos biens appartiennent à un commun maître, ils appartiennent aussi à vos semblables.

THEOPHYL. On appelle donc richesses d'iniquité toutes celles que le Seigneur nous a données pour soulager les besoins de nos frères et de nos semblables, et cependant nous les réservons pour nous. Nous devions dès le principe distribuer tous nos biens aux pauvres ; mais après avoir été des économes infidèles qui avons retenu injustement ce qui était destiné aux besoins d'autrui, cessons de persévérer dans ces sentiments de cruauté, et donnons largement aux pauvres, afin qu'ils nous reçoivent un jour dans la céleste demeure : " Afin, poursuit Notre-Seigneur, que lorsque vous viendrez à défaillir, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. " - S. GREG. (Moral., XXI, 44.) Si donc nous devons à leur affection reconnaissante d'entrer dans les tabernacles éternels, nous devons en leur donnant être pénétrés de cette pensée que c'est moins une aumône que nous faisons aux pauvres, que des présents que nous offrons à des protecteurs (cf. Lc 3, 37). - S. AUG. (Serm. 35, sur les par. du Seig.) Quels sont ceux, en effet, qui entreront dans les tabernacles éternels, si ce n'est les saints de Dieu, et quels sont ceux qu'ils recevront eux-mêmes dans ces tabernacles ? Ceux qui ont soulagé leur indigence, et leur ont donné avec joie ce qui leur était nécessaire. Ce sont là les humbles serviteurs du Christ qui ont tout quitté pour le suivre, et qui ont distribué tous leurs biens aux pauvres, pour servir Dieu avec un coeur dégagé de toutes les chaînes du siècle ; et s'élever vers le ciel comme sur des ailes, libres de tous les fardeaux accablants du monde.

S. AUG. (Quest. évang., 2, 33.) Il n'est pas permis de regarder comme les débiteurs de Dieu ceux par qui nous voulons être reçus dans les tabernacles éternels ; car ce passage désigne clairement les justes et les saints qui introduiront dans le ciel ceux qui ont soulagé leur indigence, en partageant avec eux les biens de la terre. - S. AMBR. Ou bien encore : " Faites-vous des amis avec les richesses d'iniquité, " afin que les aumônes que vous distribuerez aux pauvres, vous obtiennent les bonnes grâces des anges et des autres saints. - S. CHRYS. Remarquez qu'il ne dit pas : " Afin qu'ils vous reçoivent dans leurs demeures, " car rigoureusement parlant, ce ne sont pas eux qui vous reçoivent. Aussi le Sauveur après avoir dit : " Faites-vous des amis, " ajoute : " avec les richesses d'iniquité, " pour montrer que l'amitié des saints ne sera pour nous un véritable appui, qu'autant que nous serons accompagnés de nos bonnes oeuvres, et que nous nous serons dépouillés, suivant la justice, de toutes les richesses acquises injustement. L'aumône est donc le premier et le plus savant des arts ; car elle ne nous bâtit pas des maisons de terre, mais nous procure la vie éternelle. Tous les autres arts ont besoin de leur mutuel appui ; mais pour l'exercice de la miséricorde, la volonté seule est nécessaire.

S. CYR. C'est ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ enseigne à ceux qui ont de grandes richesses en partage, à rechercher par dessus tout l'amitié des pauvres, et à se préparer des trésors dans le ciel. Mais il connaissait l'apathie du coeur humain qui, une fois dominé par la passion d'acquérir, n'exerce plus aucune oeuvre de charité envers les pauvres. il n'a plus à espérer par conséquent aucun fruit des dons spirituels, suivant la déclaration expresse du Sauveur : " Celui qui est fidèle dans les petites choses, est fidèle aussi dans les grandes, et celui qui est infidèle dans les petites choses, est infidèle aussi dans les grandes. " Notre-Seigneur nous ouvre ici les yeux du coeur, et nous donne le vrai sens de ces paroles en ajoutant : " Si vous n'avez pas été fidèles dans les richesses trompeuses, qui vous confiera les biens véritables ? " Les petites choses sont donc les richesses d'iniquité, c'est-à-dire les biens de la terre quine sont rien pour ceux qui ont le goût des choses du ciel. Or, je pense qu'on est fidèle dans les petites choses, lorsque l'on consacre ces richesses si peu importantes au soulagement de l'infortune. Si donc nous sommes infidèles dans ces petites choses, comment pourrons-nous obtenir le don véritable et fécond des grâces de Dieu, qui imprime à nos âmes le sceau de la ressemblance divine ? Et la suite fait voir que tel est le sens des paroles du Sauveur : " Et si vous n'avez pas été fidèles dans un bien étranger, qui vous donnera votre bien propre ? " - S. AMBR. Les richesses nous sont comme étrangères, parce qu'elles sont en dehors de notre nature, elles ne naissent pas avec nous, elles ne meurent pas avec nous ; Jésus-Christ, au contraire, est véritablement à nous, parce qu'il est la vie des hommes, et en venant parmi eux, il est venu dans son propre bien. (Jn 1, 4.11.)
THEOPHYL. Notre-Seigneur nous a donc enseigné jusqu'ici avec quelle fidélité nous devons administrer nos richesses ; mais comme nous ne pouvons en faire un usage conforme à la volonté de Dieu, sans que notre coeur soit complètement dégagé de l'affection aux richesses, il ajoute : " Personne ne peut servir deux maîtres. " - S. AMBR. Ce n'est pas, sans doute, qu'il existe deux maîtres, il n'y en a qu'un seul qui est Dieu. Il en est qui se rendent les esclaves des richesses, mais les richesses n'ont par elles-mêmes aucun droit, aucune autorité sur les hommes, ce sont eux qui se soumettent volontairement à ce honteux esclavage. Il n'y a qu'un seul Maître, parce qu'il n'y a qu'un seul Dieu, par conséquent le Père et le Fils ont une seule et même puissance. Le Sauveur donne la raison de ce qu'il vient de dire : Car ou il haïra l'un, et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. " - S. AUG. (Quest. évang., 2, 36.) Ne croyons pas que ces paroles aient été dites au hasard et sans dessein. Sans doute, il n'est pas un homme qui, à cette question : Aimez-vous le démon, ne réponde que loin de l'aimer, il l'a en horreur ; tandis que presque tous se font gloire de proclamer qu'ils aiment Dieu. Voici donc le sens de ces paroles : Il haïra l'un (c'est-à-dire le démon), et aimera l'autre (c'est-à-dire Dieu) ; ou il s'attachera à l'un (c'est-à-dire au démon, en recherchant ses faveurs temporelles) ; et méprisera l'autre (c'est-à-dire Dieu), comme font tant, de chrétiens qui mettent leurs passions au-dessus de ses menaces, et qui se flattent d'obtenir de sa bonté l'impunité de leurs crimes.
S. CYR. La conclusion de tout ce discours est dans ces paroles : " Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent. " Renonçons donc aux richesses et mettons tous nos soins et tout notre zèle à servir Dieu seul. - BEDE. (tiré de S. Jérôme.) Que l'avare entende ces paroles ; " On ne peut servir à la fois les richesses et Jésus-Christ. Et cependant remarquez que le Sauveur n'a pas dit : Celui qui possède des richesses, mais : " Celui qui est l'esclave des richesses ; " car celui qui est sous l'esclavage des richesses, les garde comme un esclave ; celui, au contraire, qui s'est affranchi de cette servitude, les distribue comme un maître. Or, celui qui est esclave des richesses, l'est aussi de celui qui a mérité, par sa perversité, d'être mis comme à la tête des. richesses de la terre, et qui est appelé pour cela le prince de ce siècle. (Jn 12 ; 2 Co 4.)

vv. 14-18.
BEDE. Jésus-Christ avait enseigné aux scribes et aux pharisiens à ne pas présumer de leur justice, à recevoir les pécheurs repentants, et à racheter leurs péchés par l'aumône ; mais les insensés se moquaient de ce divin docteur qui leur enseignait la miséricorde, l'humilité et la modération dans l'usage des richesses : " Or, les pharisiens qui étaient avares, écoutaient toutes ces choses, et se moquaient de lui. " Ils se moquaient de lui pour deux raisons, parce que ses recommandations leur paraissaient peu utiles, ou parce qu'il leur prescrivait des choses utiles, mais qu'ils faisaient depuis longtemps. Or le Seigneur, qui découvrait leur malice secrète, leur montra que leur justice n'était qu'hypocrisie : " Et il leur dit : Pour vous, vous affectez de paraître justes devant les hommes. " - BEDE. Ils affectent de paraître justes devant les hommes, ils méprisent les pécheurs comme des infirmes désespérés, et ils s'imaginent être assez parfaits pour n'avoir pas besoin du remède de l'aumône ; mais celui qui répandra un jour la lumière sur les ténèbres les plus épaisses, voit combien est condamnable la profondeur de cet orgueil coupable : " Mais Dieu connaît vos coeurs. " - THEOPHYL. Aussi votre arrogance et le désir effréné de l'estime des hommes vous rendent-ils un objet d'abomination à ses yeux : " Car ce qui est grand aux yeux des hommes est abominable devant Dieu. "
BEDE. Les pharisiens se moquaient du Sauveur qui leur parlait contre l'avarice, comme si son enseignement était contraire à celui de la loi et des prophètes, où l'on voit un grand nombre de personnes riches qui ont été agréables à Dieu ; Moïse lui-même avait promis au peuple qu'il gouvernait, tous les biens de la terre en abondance, s'il était fidèle à suivre la loi. (Dt 28, 1-14.) Notre-Seigneur combat donc ces idées en leur montrant qu'il y a une grande différence entre les préceptes comme entre les promesses de la loi et de l'Évangile : " La loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean. " - S. AMBR. Ce n'est pas que la loi ait été immédiatement détruite, mais parce qu'alors a commencé la prédication de l'Évangile ; car les institutions moins importantes paraissent atteindre leur terme, lorsque de plus grandes leur succèdent. - S. CHRYS. (hom. 38 sur S. Matth.) Par ces paroles, Notre-Seigneur les dispose à croire en lui ; si au temps de Jean, tout est arrivé à son terme, je suis donc celui qui doit venir ; car les prophètes n'auraient pas cessé de paraître, si je n'étais pas venu. (hom. 19 de l'ouvr. incomp.) Comment peut-on dire que les prophètes n'ont duré que jusqu'au temps de Jean, puisqu'il y a eu beaucoup plus de prophètes dans le Nouveau Testament que dans l'Ancien ? Notre-Seigneur ne veut donc parler ici que de ceux qui ont annoncé l'avènement de Jésus-Christ.
EUSEBE. (Ch. des pèr. gr.) Les anciens prophètes avaient eu aussi la connaissance du royaume des cieux, mais aucun d'eux ne l'avait enseigné en termes exprès au peuple juif, parce que cç peuple avait un esprit trop léger et trop faible pour comprendre l'étendue de cet enseignement. Jean-Baptiste fut le premier qui annonça ouvertement que le royaume des cieux était proche, et que les péchés seraient remis par le baptême de la régénération : " Depuis Jean, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun fait effort pour y entrer. " - S. AMBR. La loi contenait beaucoup de préceptes conformes à notre nature, pour nous attirer à la pratique de la justice par cette condescendance pour nos inclinations naturelles ; Jésus-Christ, au contraire, vient détruire la nature en retranchant toutes les jouissances naturelles. Mais nous ne faisons violence à la nature que pour l'empêcher de se plonger dans les joies de la terre, et l'élever jusqu'à la pensée des choses du ciel. - EUSEBE. Ce n'est pas sans de grands combats, que de faibles mortels peuvent monter jusqu'au ciel. Comment, en effet, des hommes revêtus d'une chair mortelle, pourraient-ils, sans se faire violence, dompter la volupté et tout désir criminel, et imiter sur la terre la vie des anges ? En les voyant se livrer à des travaux si pénibles pour le service de Dieu, et réduire presque leur chair à une mort véritable (Rm 8, 13 ; Col 3, 5), qui n'avouera qu'ils font véritablement violence au royaume des cieux ? Peut-on encore, en considérant le courage admirable des saints martyrs, ne pas reconnaître qu'ils ont fait une véritable violence au royaume des cieux ? - S. AUG. (Quest. évang., 2, 37.) On fait encore violence au royaume des cieux, en méprisant non seulement les richesses de la terre, mais les discours de ceux qui se moquent de cette indifférence complète pour ces jouissances passagères. En effet l'Évangéliste rapporte ces paroles après avoir fait observer qu'ils se moquèrent de Jésus qui leur parlait du mépris des choses de la terre.
BEDE. Ces paroles du Sauveur : " La loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean, " pouvaient donner à croire qu'il annonçait l'abolition de la loi et des prophètes, il combat cette pensée eu ajoutant : " Le ciel et la terre passeront plus facilement qu'un seul point de la loi périsse ; " car la figure de ce monde passe (1 Co 7), mais le moindre trait d'une seule lettre de la loi ne passera pas, c'est-à-dire que le plus petit article de la loi a une signification mystérieuse. Et cependant il était vrai de dire que la loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean, parce qu'il n'y avait plus lieu de prédire l'avènement de celui qui était arrivé, d'après le témoignage si manifeste de Jean-Baptiste. Notre-Seigneur confirme ensuite par un seul trait de la loi, ce qu'il vient de dire, qu'aucun de ses préceptes ne serait jamais abrogé : " Quiconque renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère, et quiconque épouse la femme renvoyée par son mari, commet un adultère. " Par ce seul trait, il leur apprend qu'il n'est pas venu détruire, mais accomplir les autres points de la loi. - THEOPHYL. La loi, sans doute, tenait aux imparfaits un langage encore imparfait, lorsque, prenant en considération la dureté de coeur des Juifs, elle leur disait : " Si un homme prend une femme, et qu'elle lui inspire ensuite du dégoût..., il la renverra de sa maison. " (Dt 24, 1.) Car ils avaient des instincts homicides et prenaient plaisir à verser le sang ; ils n'avaient même pas pitié de ceux qui leur étaient le plus étroitement unis, jusque-là qu'ils immolaient aux démons leurs fils et leurs fuies. Mais il faut maintenant une doctrine plus parfaite. Aussi, je vous le déclare, si quelqu'un répudie son épouse, hors le cas de fornication, il commet un adultère ; et celui qui en épouse une autre, commet également un adultère.
S. AMBR. Il nous faut d'abord traiter de la loi du mariage, avant d'en venir à la prohibition du divorce. Il en est qui pensent que tout mariage a Dieu pour auteur, parce qu'il est écrit : " Que l'homme ne sépare point ce que Dieu a uni. " (Mt 19 ; Mc 10.) Mais comment alors l'Apôtre a-t-il pu dire : " Si le mari infidèle se sépare d'avec sa femme, qu'elle le laisse aller ? " (1 Co 7, 15.) Ces paroles démontrent clairement que Dieu n'est pas l'auteur de tous les mariages ; car ce n'est point conformément à sa volonté, que les chrétiens s'unissent aux Gentils. Gardez-vous donc de renvoyer votre épouse, pour ne pas désavouer que Dieu est l'auteur de votre union. Vous devez supporter les défauts de vos semblables, à plus forte raison devez-vous supporter et corriger les défauts de votre épouse. Si vous la renvoyez après qu'elle vous a donné des enfants, n'est-ce pas une cruauté que de renvoyer la mère, et de retenir les gages de votre mutuelle union, et de la blesser ainsi dans son amour maternel, en même temps que dans son honneur ? Mais ne serait-il pas plus cruel encore de chasser les enfants à cause de la mère ? Souffrirez-vous que de votre vivant, vos enfants soient sous la dépendance d'un beau-père, ou que du vivant de leur mère ils soient assujettis à une marâtre ? Quoi de plus dangereux que d'exposer aux séductions de l'erreur l'âge si fragile d'une jeune femme ? Quoi de plus barbare, que d'abandonner dans sa vieillesse, celle qui a perdu auprès de vous les grâces de sa jeunesse ? Supposez qu'ainsi répudiée, elle ne se marie pas, est-ce qu'il ne vous est pas désagréable qu'elle reste fidèle à un adultère ? Admettez, au contraire, qu'elle contracte une autre union, la nécessité où elle se trouve fait votre crime, et ce que vous regardez comme un mariage, n'est qu'un adultère. Tel est le sens moral de ce passage. Cependant, comme Notre-Seigneur vient de dire précédemment que le royaume de Dieu était annoncé, et que le plus petit point de la loi ne serait point effacé, et qu'il ajoute ensuite : " Quiconque renvoie sa femme, " etc. ; on peut donner ici cette interprétation figurée : L'homme, c'est Jésus-Christ ; l'épouse, c'est l'Église, épouse par la charité, vierge par la chasteté. Que celui donc que Dieu a par sa grâce attiré à son Fils, ne s'en laisse ni séparer par la persécution, ni détourner par les plaisirs des sens ; qu'il ne se laisse point dépouiller par la philosophie, ni empoisonner par l'hérésie, ni entraîner par les Juifs. Tous ceux qui s'efforcent de corrompre la vérité de la foi et de la sagesse sont des adultères.

vv. 19-21
BEDE. Le Sauveur venait d'exhorter à se faire des amis avec les richesses d'iniquité, et comme les pharisiens se moquaient de ses enseignements, il les confirme par l'exemple suivant : " Il y avait un homme riche, " etc. - S. CHRYS. (hom. sur les riches.) " Il y avait, " et non : li y a, car il a passé comme une ombre fugitive. - S. AMBR. Toute pauvreté n'a pas le privilège de la sainteté, comme aussi toute richesse n'est pas nécessairement criminelle, mais de même que c'est la vie molle et sensuelle qui déshonore les richesses, c'est la sainteté qui rend la pauvreté recommandable.
" Il était vêtu de pourpre et de fin lin. " - BEDE. La pourpre est la couleur des habits des rois, on la tire de coquillages marins par une incision faite avec le fer. Ce que la Vulgate traduit par byssus est une espèce de lin très-blanc et très-doux. - S. GREG. (hom. 40 sur les Evang.) Si la recherche des vêtements fins et précieux n'était pas coupable, le Sauveur n'aurait pas détaillé avec tant de soin ces diverses circonstances. En effet, on ne désire de luxe dans les vêtements, que par un motif de vaine gloire, pour obtenir plus de considération ; car quel est celui qui voudrait se revêtir d'habits somptueux, s'il ne devait être vu par personne ? - S. CHRYS. (comme précéd.) Cet homme recouvrait de pourpre et de soie, la cendre, la poussière et la terre, ou bien la cendre, la poussière et la terre portaient la pourpre et la soie. Sa table répondait à ses vêtements. Il en est ainsi de nous, telle est notre table, tels sont nos vêtements : " Et il faisait tous les jours une chère splendide. " - S. GREG. (Moral., 1, 5.) Remarquons ici avec attention qu'il est presque impossible de faire fréquemment des festins sans se rendre coupable ; car presque toujours la volupté est la compagne inséparable de ces festins, lorsque le corps est amolli par les plaisirs de la terre, le coeur s'abandonne lui-même à une joie déréglée.
" Il y avait aussi un mendiant nommé Lazare. " - S. AMBR. Il semble que ce soit ici une histoire plutôt qu'une parabole, puisqu'il y a désignation précise du nom. - S. CHRYS. (comme précéd.) Dans la parabole, au contraire, on propose un exemple et on passe les noms sous silence. Le mot Lazare signifie qui est secouru ; en effet, il était pauvre et il avait Dieu pour soutien. - S. CYR. Ou encore ce récit du mauvais riche et de Lazare, est présenté sous forme de parabole, pour apprendre à ceux qui possèdent de grandes richesses, qu'ils encourront une sévère condamnation, s'ils refusent de secourir les nécessités des pauvres. Une tradition juive rapporte qu'il y avait alors à Jérusalem un homme nommé Lazare, accablé tout à la fois sous le poids de l'indigence et de la maladie, et c'est lui que Notre-Seigneur prend ici pour exemple pour donner plus de clarté à ses divins enseignements. - S. GREG. (hom. 40 sur les Evang.) Remarquez encore que dans le peuple on connaît bien mieux le nom des riches que celui des pauvres ; or Notre-Seigneur nous fait connaître ici le nom du pauvre et passe sous silence le nom du riche, pour nous apprendre que Dieu connaît et chérit les humbles, tandis qu'il ne connaît point les superbes. Une nouvelle épreuve venait s'ajouter à sa pauvreté, il était victime à la fois de la pauvreté et de ta souffrance : " Il était couché à sa porte, couvert d'ulcères. "

S. CHRYS. (comme précéd.) Il était couché devant la porte, afin que le riche ne pût dire : Je ne l'ai pas vu, personne ne m'en a parlé. Il le voyait donc toutes les fois qu'il entrait et sortait. Le Sauveur ajoute que ce pauvre était couvert d'ulcères pour faire ressortir par ce trait toute la cruauté du riche. O le plus malheureux des hommes, vous voyez votre corps dans celui de votre semblable, mourant et étendu à votre porte, et vous n'en avez aucune pitié ! Si vous êtes peu sensible aux commandements de Dieu, souvenez-vous au moins de votre condition, et craignez d'être un jour réduit à ce triste état. Mais encore la maladie trouve-t-elle quelque soulagement dans les richesses, quand elle les possède ; qu'elle est donc grande la misère de ce pauvre, puisque couvert de tant de plaies, il oublie ses douloureuses souffrances pour ne se souvenir que de la faim qu'il éprouve : " Il désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, " et semblait lui dire : Faites-moi l'aumône de ce que vous rejetez de votre table, et faites-vous un gain avec ce que vous perdez.
S. AMBR. L'insolence et l'orgueil des riches se révèlent ici à des signes non équivoques : " Et personne ne lui en donnait. " Les riches, en effet, sont si oublieux de leur condition, qu'ils s'imaginent être d'une nature supérieure, et trouvent dans la misère même des pauvres un nouveau stimulant pour leurs voluptés, ils se moquent du pauvre, ils insultent aux malheureux, et ils vont jusqu'à dépouiller ceux dont ils auraient dû prendre pitié. - S. AUG. (serm. 25 sur les par. du Seign.) En effet, l'avarice des riches est insatiable, elle n'a ni crainte pour Dieu, ni égard pour les hommes, elle n'épargne pas son père, elle trahit les droits sacrés de l'amitié, elle opprime la veuve et s'empare des biens de l'orphelin.
S. GRÉG. (hom. 40.) Ajoutez que le pauvre voyait tous les jours le riche s'avancer, entouré d'un nombreux cortége de gens obséquieux, tandis qu'il était complètement délaissé dans son infirmité et dans son indigence, car une preuve évidente que personne ne venait le visiter, c'est que les chiens venaient paisiblement lécher ses ulcères : " Et les chiens venaient, ajoute le Sauveur, et léchaient ses ulcères. " - S. CHRYS. (comme précéd.) Ces animaux compatissants viennent lécher ces plaies qu'aucun homme ne daignait laver et panser.
S. GRÉG. (hom. 40.) Dans un seul fait, Dieu exerce un double jugement. Il permet que le pauvre Lazare soit étendu devant la porte du riche, afin que ce riche impitoyable aggravât ainsi la sévérité de sa condamnation, et aussi pour que le pauvre augmentât ses droits à la récompense, car le premier voyait tous les jours celui dont il devait avoir pitié, et le second avait sans cesse sous les yeux ce qui faisait le sujet de son épreuve et de son mérite.

vv. 22-26.
S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Nous avons vu quel a été le sort de chacun d'eux sur la terre, voyons quel est maintenant leur sort dans les enfers. Tout ce qui était temporel est passé, les voici en face de l'éternité. Tous deux sont morts, l'un est reçu par les anges, l'autre ne rencontre que les supplices : " Or il arriva que le mendiant mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham, " etc. De si grandes douleurs sont tout à coup changées en délices ineffables. Il est porté, parce que ses souffrances l'avaient épuisé, et pour lui épargner les fatigues de la marche ; et il est porté par les anges. Ce n'est pas assez d'un seul ange pour porter ce pauvre, ils viennent en grand nombre, comme pour former un choeur d'allégresse et de joie, chacun d'eux est heureux de toucher un aussi précieux fardeau. Ils aiment à se charger de tels fardeaux pour conduire les hommes au ciel. Or, il fut porté dans le sein d'Abraham pour s'y reposer de ses longues souffrances. Le sein d'Abraham, c'est le paradis. Les anges devenus ses serviteurs, ont porté ce pauvre et l'ont déposé dans le sein d'Abraham, parce qu'au milieu du profond mépris dont il était l'objet sur la terre, il ne s'est laissé aller ni au désespoir ni au blasphème, en disant : ce riche, tout impie qu'il est, vit dans la joie et ne connaît pas la souffrance, tandis que je ne puis pas même obtenir la nourriture qui m'est nécessaire.
S. AUG. (de l'orig. de l'âme, 4, 46.) Si vous croyez que le sein d'Abraham soit quelque chose de corporel, je crains que vous n'apportiez pas dans la discussion d'une question aussi importante, toute la gravité et le sérieux qu'elle demande. En effet, vous ferez-vous illusion à ce point de croire que le sein d'un seul homme (pris dans le sens matériel), puisse contenir un si grand nombre d'âmes, bien plus (suivant votre opinion), autant de corps que les anges y portent comme celui de Lazare, à moins que vous ne disiez que son âme est la seule qui ait mérité de parvenir jusqu'au sein d'Abraham ? Si donc vous ne voulez point tomber dans une erreur puérile, entendez par le sein d'Abraham un lieu éloigné de ce monde, séjour tranquille et mystérieux, où se trouve Abraham, et qui porte le nom d'Abraham, non qu'il ne soit réservé qu'à lui seul, mais parce qu'il est le père d'un grand nombre de nations, et que Dieu l'a proposé à leur imitation comme le plus grand modèle de foi.
S. GREG. (hom. 40.) Tandis que ces deux coeurs (celui du pauvre et celui du riche étaient sur la terre), ils avaient dans les cieux un seul juge qui préparait le pauvre à la gloire par les souffrances, et qui supportait le riche en le réservant au supplice : " Le riche mourut aussi. " - S. CHRYS. (hom. 6 sur la 2 Epit. aux Cor.) Il mourut de la mort du corps, car son âme était morte depuis longtemps, il ne faisait plus aucune des oeuvres auxquelles elle donne la vie, toute la chaleur que lui communique l'amour pour le prochain, était complètement éteinte, et cette âme était plus morte que le corps. (II disc. sur Lazare.) Nous ne voyons pas que personne soit venu rendre à ce mauvais riche les devoirs de la sépulture comme à Lazare. Tant qu'il était heureux au milieu des jouissances de la voie large, il comptait un grand nombre de flatteurs complaisants, à peine a-t-il expiré, que tous l'abandonnent, car le Sauveur nous dit simplement : " Et il fut enseveli dans les enfers. " Mais pendant sa vie même, son âme était comme ensevelie et écrasée dans son corps comme dans un tombeau. - S. AUG. (Quest. évang., 2, 38.) Cette sépulture dans l'enfer signifie cet abîme de supplices qui dévore après cette vie les orgueilleux et ceux qui ont été sans miséricorde. - S. Bas. (sur Is 5.) L'enfer est un lieu immense situé dans les profondeurs de la terre, couvert de tous côtés d'épaisses ténèbres, dont l'ouverture donne dans un abîme profond, par où descendent les âmes condamnées aux supplices éternels. - S. CHRYS. (hom. 53 de l'ouvr. incompl.) De même que les prisons des rois sont en dehors des villes, ainsi l'enfer est placé en dehors du monde, et c'est pour cela qu'il est appelé. " les ténèbres extérieures. " (Mt 8 ; 22 ; 25.) - THEOPHYL. Il en est qui prétendent que l'enfer est le passage du visible à l'invisible, et la complète déformation de l'âme, car tant que l'âme du pécheur est dans son corps, elle est comme visible par ses opérations, mais dès qu'elle est sortie du corps, elle perd pour ainsi dire toute sa forme.

S. CHRYS. (2 disc. sur Lazare.) Le pauvre, pendant sa vie, trouvait un nouveau surcroît de souffrances dans son malheureux état, comparé aux jouissances et au bonheur dont il était témoin ; de même ce qui ajoutait aux tourments du riche après sa mort, c'était d'être plongé dans les enfers et d'être témoin du bonheur de Lazare, de sorte que son supplice lui était intolérable, et par sa nature, et par la comparaison qu'il en faisait avec la gloire de Lazare : " Or levant les yeux, lorsqu'il était dans les tourments, " etc. - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Il élève les yeux pour le voir au-dessus et non au-dessous de lui ; car Lazare était en effet au-dessus et lui au-dessous. Lazare avait été porté par les anges, et lui était en proie à des tourments infinis. Aussi Notre-Seigneur ne dit pas : Lorsqu'il était dans le tourment, mais " dans les tourments, " car il était tout entier dans les tourments, il n'avait de libre que les yeux pour voir la joie de Lazare. Dieu lui laisse l'usage de ses yeux pour augmenter ses souffrances en le rendant témoin d'un bonheur dont il est privé, car les richesses des autres sont de véritables tourments pour les pauvres.
S. GREG. (Moral., IV, 27.) Or si Abraham n'était encore dans ces lieux inférieurs, le mauvais riche n'eût pu l'apercevoir du milieu des tourments ; c'est qu'en effet, ceux qui avaient suivi les voies de la patrie céleste, étaient, au sortir de cette vie, retenus dans les enfers, non pas pour y être punis comme coupables, mais pour se reposer dans ce séjour mystérieux, jusqu'à ce que la rédemption du Médiateur vînt leur ouvrir l'entrée du royaume qui était fermé depuis la faute de nos premiers parents.
S. CHRYS. (Hom. 4, sur l'Epît. aux Philip.) Il y avait sans doute parmi les pauvres beaucoup de justes, mais c'est celui qu'il a vu étendu à sa porte qui se présente à ses regards pour augmenter sa tristesse : " Et Lazare dans son sein. " - S. CHRYS. (II Disc. sur Lazare.) Apprenons de là que ceux à qui nous aurons fait quelque injure s'offriront alors à nos regards. Or, ce n'est point dans le sein d'un autre, mais dans le sein d'Abraham que le mauvais riche voit Lazare, parce qu'Abraham était plein de charité, et que le mauvais riche est condamné pour sa cruauté. Abraham assis à sa porte recherchait les voyageurs pour les forcer d'entrer dans sa maison ; le mauvais riche repoussait ceux-là même qui demeuraient à sa porte. - S. GREG. (hom. 40.) Voilà ce riche qui du milieu de ses tourments implore la protection de celui dont il n'a point daigné prendre pitié pendant sa vie. - THEOPHYL. Toutefois ce n'est point à Lazare, mais à Abraham qu'il adresse la parole, peut-être par un sentiment de honte, et dans la pensée que Lazare qu'il jugeait par lui-même se ressouvenait de ce qu'il avait souffert : " Et il lui cria. " - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) La grandeur de ses souffrances lui arrachait ce grand cri : " Père Abraham, " comme s'il lui disait : Je vous appelle mon père selon la nature, comme l'enfant prodigue qui a perdu tout son bien ; bien que par ma faute j'ai perdu le droit de vous appeler mon père : " Ayez pitié de moi. " C'est inutilement que vous exprimez ce repentir dans un lieu où la pénitence n'est plus possible ; ce sont les souffrances qui vous arrachent cet acte de repentir, ce ne sont point les sentiments du coeur. Je ne sais d'ailleurs si un seul de ceux qui sont dans le royaume des cieux peut avoir pitié de celui qui est dans les enfers. Le Créateur a compassion de ses créatures. Il est le seul médecin qui puisse guérir efficacement leurs maladies, nul autre ne peut les en délivrer. " Envoyez Lazare. " Infortuné, tu es dans l'erreur, Abraham ne peut envoyer personne, il ne peut que recevoir. " Afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau, " Autrefois tu ne daignais pas même jeter les yeux sur Lazare, et maintenant tu réclames le secours de son doigt ; tu devais au moins lorsque tu vivais lui rendre le service que tu demandes de lui ; tu désires une goutte d'eau, toi qui autrefois voyais avec dégoût les mets les plus délicats. Voyez le jugement que, la conscience du pécheur porte contre lui, il n'ose demander que Lazare trempe son doigt tout entier. Voilà donc le riche réduit à mendier le secours du pauvre, qui souffrait autrefois de la faim ; les rôles sont changés, et chacun peut voir maintenant quel était le vrai riche, quel était le vrai pauvre. Dans les théâtres, quand vient le soir, et que les acteurs se retirent et quittent leur costume, ceux qu'on avait vus figurer sur la scène comme des généraux et des préteurs, se montrent à tous tels qu'ils sont dans toute leur misère. C'est ainsi que lorsque la mort arrive, et que le spectacle de la vie s'achève, tous les masques de la pauvreté et des richesses tombent, et c'est exclusivement d'après les oeuvres qu'on juge quels sont les vrais riches, quels sont les vrais pauvres, et ceux qui sont dignes de gloire ou d'opprobre. - S. GREG. (hom. 40.) Ce riche qui a refusé à ce pauvre couvert d'ulcères jusqu'aux miettes de sa table, précipité maintenant dans l'enfer, est réduit à mendier le plus léger secours ; il mendie une goutte d'eau lui qui a refusé les miettes qui tombaient de sa table.
S. BAS. (Ch. des Pèr. gr.) Ce riche reçoit le juste châtiment qui lui est dû, le feu et le supplice de l'enfer, une langue desséchée ; les gémissements remplacent les sons harmonieux de la lyre ; une soif brûlante l'usage des plus délicieuses boissons ; d'épaisses ténèbres, les spectacles brillants et licencieux ; le ver qui ne dort point les empressements assidus des flatteurs : " Pour me rafraîchir la langue, car je souffre cruellement dans cette flamme " - S. CHRYS. (hom. 2, sur l'Epît. aux Philipp.) S'il souffre de si cruels tourments, ce n'est point parce qu'il était riche, mais parce qu'il a été sans pitié. - S. GREG. (hom. 40.) Apprenons de là quel châtiment est réservé à celui qui prend le bien d'autrui, puisque ce riche est condamné au feu de l'enfer pour n'avoir pas donné de ses propres biens. - S. AMBR. Il souffre encore, parce que c'est un supplice pour l'homme sensuel d'être privé des jouissances de la vie ; l'eau qu'il demande est le soulagement de toute âme accablée de douleurs.
S. GRÉG. (hom. 40.) Pourquoi au milieu de ses tourments, demande-t-il une goutte d'eau pour rafraîchir sa langue ? parce que sa langue, par un juste châtiment, souffrait plus cruellement pour expier les excès de paroles qu'il avait commis au milieu de ses festins ; c'est en effet dans les festins que les intempérances de la langue sont plus fréquentes. - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Que de paroles orgueilleuses avait aussi proférées cette langue ! il est donc juste que le châtiment tombe sur le péché ; et que la langue qui a été si coupable soit aussi plus sévèrement punie. - S. AUG. (quest. Evang., 2, 38.) Ou bien encore, cette demande qu'il fait d'une goutte d'eau pour rafraîchir sa langue, alors qu'il était tout entier au milieu des flammes, est l'accomplissement de ce qui est écrit : " La mort et la vie sont au pouvoir de la langue ; " (Pv 18) et encore : " Il faut confesser de bouche pour obtenir le salut, " (Rm 10) ce que son orgueil l'a empêché de faire. L'extrémité du doigt signifie la plus petite des oeuvres de miséricorde inspirée par l'Esprit saint.
S. AUG. (de l'ong. de l'âme, IV, 16.) Vous dites que tous les membres de l'âme se trouvent ici décrits, parce qu'il est dit que le mauvais riche levait les yeux ; ces yeux figurent la tête ; la langue, la bouche elle doigt, la main tout entière. Mais comment se fait-il que ces noms de membres appliqués à Dieu ne vous fassent pas conclure qu'il ait un corps, tandis que vous tirez cette conclusion pour l'âme ? Serait-ce parce qu'il faut les prendre à la lettre quand il s'agit de la créature, et dans un sens figuré et métaphorique, lorsqu'il est question du Créateur ? Ainsi vous nous donnerez des ailes corporelles parce que la créature, c'est-à-dire l'homme, et non pas le Créateur, dit par la bouche du Psalmiste : " Si je prends mon vol (mes ailes) dès l'aurore. " (Ps 138.) Or, si de ces paroles : " Pour rafraîchir ma langue, " vous concluez que l'âme du mauvais riche avait dans l'enfer une langue corporelle, notre langue doit avoir aussi dans cette vie des mains corporelles, puisqu'il est écrit : " La mort et la vie sont dans les mains de la langue. " (Pv 18.)

S. GREG. DE NYSS. (Disc. 5, sur les Béatitudes.) De même que les miroirs les plus parfaits représentent fidèlement les formes des visages, tels qu'ils se placent devant eux, joyeux, s'ils sont dans la joie, tristes, s'ils sont dans la tristesse, ainsi le juste jugement de Dieu est la fidèle reproduction des dispositions de notre âme ; le riche n'a eu aucune compassion du pauvre étendu à sa porte, il ne trouve à son tour aucune compassion, lorsqu'il aurait tant besoin de miséricorde : " Et Abraham lui dit : Mon fils. " - S. CHRYS. (Disc. 2 et 3, sur Lazare, et hom. sur le mauv riche.) Voyez la bonté du patriarche, il l'appelle son fils par un sentiment de tendresse et de douceur ; mais cependant il n'accorde aucun secours à celui qui s'en est rendu indigne. " Souvenez-vous, " lui dit-il, c'est-à-dire rappelez-vous le passé, n'oubliez pas que vous avez nagé au sein des délices, et que vous avez reçu les biens pendant votre vie, c'est-à-dire ce que vous regardiez comme les vrais biens ; il est impossible que vous régniez ici après avoir régné sur la terre, les richesses ne peuvent avoir de réalité à la fois sur la terre et dans l'enfer : " De même que Lazare à reçu les maux. " Ce n'est pas que Lazare les ait regardés comme des maux ; Abraham parle ici d'après les idées du riche qui regardait la pauvreté, la faim, les souffrances de la maladie comme des maux extrêmes. Lors donc que la violence de la maladie nous accable, que la pensée de Lazare nous fasse supporter avec joie les maux de cette vie.
S. AUG. (Quest. Evang., 2, 38.) Abraham fait donc cette réponse au mauvais riche, parce qu'il amis toutes ses affections dans les jouissances de la terre, et n'a aimé d'autre vie que celle où il étalait tout le faste de son orgueil. Il ajoute que Lazare a reçu les maux, c'est-à-dire qu'il a compris que la fragilité des choses de cette vie, les travaux, les douleurs, les souffrances étaient la peine du péché, parce que nous mourons tous en Adam qui est devenu sujet à la mort par sa désobéissance. - S. CHRYS. (Disc. 3, sur Lazare.) Il dit encore au riche : " Vous avez reçu les biens dans cette vie, " comme une chose qui vous était que. C'est-à-dire : Si vous avez fait quelque bien qui fût digne de récompense, vous avez reçu dans le monde tout ce qui vous revenait, des festins, des richesses, la joie qui accompagne une vie toujours heureuse et les grandes prospérités. Si au contraire Lazare a commis quelque faute, il a tout réparé par la pauvreté, la faim et l'excès des misères sous le poids desquelles il a gémi. Tous deux vous êtes arrivés ici nus et dépouillés, l'un de ses péchés, et c'est pour cela qu'il reçoit la consolation, en partage, l'autre, de la justice, et c'est pourquoi vous subissez un châtiment qui ne pourra jamais être adouci : " Maintenant il est consolé ; et vous, vous souffrez. " - S. GREG. (hom. 40.) Si donc vous avez souvenir d'avoir fait quelque bien, et que ce bien ait été suivi de bonheur et de prospérité, craignez que ce bonheur ne soit la récompense du bien que vous avez fait ; comme aussi lorsque, vous voyez les pauvres tomber dans quelques fautes, pensez que le creuset de la pauvreté suffit pour purifier ceux qu'aurait pu souiller ce reste si léger de corruption. - S. CHRYS. (Disc. 3, sur Lazare.) Vous me direz : N'y a-t-il donc personne qui puisse être heureux et tranquille dans cette vie et dans l'autre ? Non, c'est chose difficile et presque impossible ; car si la pauvreté n'accable, c'est l'ambition qui tourmente ; si la maladie ne déchire, c'est la colère qui enflamme ; si l'on n'est point en butte aux tentations, on est en proie aux pensées mauvaises. Or, ce n'est pas un médiocre travail que de mettre un frein à la colère, d'étouffer les désirs criminels, d'apaiser les mouvements violents de la vaine gloire, de réprimer le faste et l'orgueil, et de mener une vie pénitente et mortifiée. C'est là cependant une condition indispensable du salut.
S. GREG. (comme précéd.) Ou peut encore répondre que les méchants reçoivent les biens en cette vie, parce qu'ils mettent toute leur joie dans ce bonheur passager ; comme les justes peuvent avoir quelques biens, en partage, mais sans les recevoir comme récompense, car comme ils aspirent à des biens meilleurs, c'est-à-dire aux biens éternels, ils n'estiment pas que les biens qu'ils peuvent recevoir ici soient de véritables biens.

S. CHRYS. (Disc. 4, sur Lazare.) Après la grâce de Dieu, c'est sur nos propres efforts que nous devons fonder l'espérance de notre salut, sans compter sur nos parents, sur nos proches, sur nos amis, car le frère même ne pourra racheter son frère (Ps 48, 8). C'est pour cela qu'Abraham ajoute : " De plus, entre nous et vous est creusé pour toujours un grand chaos. " - THEOPHYL. Ce grand chaos signifie la distance immense qui sépare les justes des pécheurs ; leurs affections sur la terre ont été bien différentes, leurs demeures après cette vie le sont également. - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Il dit qu'un grand chaos a été comme affermi, parce qu'il ne peut être ni détruit, ni agité, ni ébranlé.
S. AMBR. Un grand abîme existe donc entre le riche et le pauvre, parce qu'après la mort les mérites de chacun sont immuables : " De sorte que ceux qui voudraient passer d'ici à vous, ou de là venir ici, ne le peuvent pas. " - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche) Il semble dire ? Nous pouvons vous voir, mais nous ne pouvons passer où vous êtes : nous voyons le danger que nous avons évité, et vous voyez le bonheur que vous avez perdu, notre joie est pour vous un surcroît de tourments, comme vos tourments, mettent le comble à notre joie. - S. GREG. (hom. 40.) De même que les réprouvés désirent passer du côté des élus, et quitter le séjour de leurs souffrances, ainsi les justes éprouvent intérieurement le désir d'aller vers ceux qui sont en proie à ces tourments indicibles et de les délivrer, Mais les âmes des justes, bien que la bonté de leur nature les rende accessibles à ce sentiment de la compassion, sont unies étroitement à la justice de leur auteur, et dominées par un tel sentiment de droiture et d'équité, qu'elles ne ressentent pour les réprouvés aucun sentiment de miséricorde. Ainsi donc, ni les méchants ne peuvent entrer dans le séjour des bons, retenus qu'ils sont par les chaînes d'une éternelle damnation, ni les justes ne peuvent passer du côté des réprouvés, parce que élevés à la hauteur de la justice des jugements de Dieu, ils ne peuvent éprouver pour eux aucun sentiment de compassion. - THEOPHYL. On peut tirer de ces paroles un des plus forts arguments contre les partisans d'Origène, qui prétendent que les supplices de l'enfer auront un terme, et qu'un temps arrivera où les pécheurs seront réunis aux justes et à Dieu. - S. AUG. (quest. Evang., 2, 38.) L'immutabilité de la sentence divine prouve jusqu'à l'évidence que les justes, quand ils le voudraient, ne pourront exercer aucun acte de miséricorde envers les pécheurs, et Dieu les avertit par là d'être utiles pendant cette vie à tous ceux qui pourront profiter de leurs bons offices, de peur que même après avoir été reçus dans les cieux, ils soient dans l'impuissance de porter secours à ceux qu'ils aiment ; car ces paroles : " Afin qu'ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, " ne s'appliquent ni aux superbes, ni aux âmes sans miséricorde, mais à ceux qui se sont fait des amis avec les oeuvres de la charité ; et si les justes les reçoivent dans les tabernacles éternels, ce n'est point en vertu de leur propre pouvoir et comme s'ils les récompensaient d'eux-mêmes, mais en vertu d'une permission de Dieu.

vv. 27-31.
S. GREG. (hom. 40 sur les Evang.) Lorsque le riche, tourmenté au milieu des flammes, a perdu toute espérance pour lui-même, sa pensée se reporte vers les proches qu'il a laissés sur la terre : " Et il dit : Je vous prie donc, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père. " - S. AUG. (quest. évang.) Il demande qu'on envoie Lazare, parce qu'il comprend qu'il est indigne de rendre témoignage à la vérité, et comme il n'a pu obtenir le moindre rafraîchissement à ses souffrances, il espère beaucoup moins sortir des enfers pour aller faire connaître la vérité. - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Voyez la perversité de cet homme, jusqu'au milieu de ses châtiments il ne peut reconnaître la vérité ; si Abraham est vraiment ton père, comment dis-tu : " Envoyez-le dans la maison de mon père ? " Tu n'as donc pas oublié ton père, tu ne l'as pas oublié, quoiqu'il ait été la cause de ta perte.
S. GRÉG. (hom. 40.) Le supplice des réprouvés leur inspire quelquefois une charité stérile, et fait qu'ils sont portés alors d'un amour tout particulier pour leurs parents, eux qui, dans l'affection qu'ils avaient pour leurs péchés ne s'aimaient pas eux-mêmes, c'est ce qui lui fait dire : " Car j'ai cinq frères, afin qu'il leur atteste qu'ils ne viennent pas aussi eux-mêmes dans ce lieu de tourments. "
S. AMBR. Ce mauvais riche s'y prend trop tard pour commencer à instruire les autres, alors qu'il n'y a plus de temps ni pour apprendre, ni pour enseigner. - S. GREG. (hom. 40.) Remarquons ici quel surcroît de souffrances pour ce riche, que les flammes tourmentent si cruellement. Dieu lui laisse pour son supplice la connaissance et la mémoire. Il reconnaît Lazare, qu'il ne daignait pas regarder pendant sa vie, il se souvient de ses frères qu'il a laissés sur la terre, car pour ajouter aux peines que souffrent les pécheurs, Dieu permet qu'ils voient la gloire de ceux qui ont été l'objet de leur mépris et qu'ils souffrent du châtiment de ceux qu'ils ont aimés d'une amitié stérile. A la demande que fait le riche que Lazare soit envoyé, Abraham répond : " Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent. "
S. CHRYS. (disc. 4 sur Lazare.) C'est-à-dire, votre sollicitude pour le salut de vos frères, n'est pas plus grande que celle de Dieu, qui les a créés et leur a donné des docteurs pour les instruire et les exciter au bien. Moïse et les prophètes, ce sont les écrits de Moïse et les oracles prophétiques. - S. AMBR. Paroles par lesquelles Dieu montre jusqu'à la dernière évidence, que l'Ancien Testament est le ferme appui de notre foi, réprimant ainsi l'incrédulité des Juifs, et repoussant toutes les interprétations perverses des hérétiques.
S. GRÉG. (hom. 40.) Mais ce mauvais riche qui, pendant toute sa vie avait méprisé la parole de Dieu, croyait que ses parents n'en feraient pas plus de cas : " Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils feront pénitence. " - S. CHRYS. (comme préc.) Comme il n'avait que du mépris pour les Écritures, et qu'il les regardait comme des fables, il jugeait ses frères d'après ses propres sentiments. - S. GREG. DE NYSSE. (Liv. de l'âme et de la résur.) Ces paroles contiennent encore une autre leçon, c'est que l'âme de Lazare est dégagée de toute sollicitude pour les choses présentes, et n'a pas un regard pour ce qu'elle a quitté. Le riche, au contraire, même après la mort, est encore attaché à la vie charnelle comme avec de la glu, car celui dont l'âme se plonge dans les affections de la chair, reste esclave de ses passions, même lorsque son âme est séparée de son corps. - S. GREG. (hom. 40.) Abraham fait au mauvais riche cette réponse pleine de vérité : " S'ils n'écoutent point Moïse et les prophètes, quelqu'un des morts ressusciterait, qu'ils ne croiraient point ; " parce qu'en effet, ceux qui méprisent les paroles de la loi, pratiqueront d'autant plus difficilement les préceptes du Rédempteur, qui est ressuscité des morts, qu'ils sont beaucoup plus sublimes.
S. CHRYS. (disc. 4 sur Lazare.) Les Juifs sont une preuve que celui qui n'est point docile aux enseignements de l'Écriture, n'écouterait pas davantage un mort ressuscité à la vie, eux qui ont voulu tuer Lazare après sa résurrection et persécuté les Apôtres, bien qu'ils aient vu plusieurs morts ressuscités à l'heure du crucifiement (cf. Mt 27, 52). Mais pour vous convaincre encore davantage que l'autorité des Écritures et des prophètes est d'un plus grand poids que le témoignage d'un mort ressuscité, remarquez qu'un mort quel qu'il soit est un serviteur, tandis que tout ce qu'enseignent les Écritures, c'est Dieu, même qui l'enseigne. Ainsi donc qu'un mort ressuscite, qu'un ange descende du ciel, les Écritures sont beaucoup plus dignes de foi, car c'est le Seigneur des anges, le maître des vivants et des morts qui en est l'auteur. D'ailleurs, si Dieu avait jugé que la résurrection des morts pourrait être utile aux vivants, il n'eût pas omis ce moyen, de salut, lui qui se propose en tout notre utilité. Mais supposons de fréquentes résurrections de morts, on n'y ferait bientôt plus attention. ; le démon se servirait de ce moyen pour introduire des doctrines perverses en cherchant à imiter ce miracle par ses suppôts. Il ne pourrait sans doute ressusciter réellement les morts, mais il ferait illusion aux yeux des spectateurs par certains artifices, ou en exciterait quelques-uns à simuler une mort véritable.
S. AUG. (Du soin qu'on doit avoir pour les morts, chap. XIV.) On me dira : Si les morts n'ont aucun souci des vivants, comment ce riche a-t-il pu prier Abraham d'envoyer Lazare vers ses cinq frères ? Mais cette prière du riche suppose-t-elle nécessairement qu'il connût alors ce que faisaient ces frères ou ce qu'ils pouvaient souffrir ? Il portait donc intérêt aux vivants, mais sans savoir aucunement ce qu'ils faisaient ; de même que notre sollicitude s'étend aux morts, bien que nous ignorions complètement leur état actuel. On demande encore : Comment Abraham connaissait-il Moïse et les prophètes, c'est-à-dire leurs livres ? comment avait-il pu savoir que le riche avait vécu dans les délices et Lazare dans les souffrances ? Nous répondons qu'il put le savoir, non pendant leur vie, mais après leur mort, lorsque Lazare le lui eut appris, explication qui ne détruit pas la vérité de ces paroles du prophète : " Abraham ne nous a pas connus. " (Is 63.) Les âmes des morts peuvent encore savoir quelque chose par le moyen des anges qui président aux choses d'ici-bas, L'esprit de Dieu peut enfin leur révéler, soit dans le passé, soit dans l'avenir, ce qu'il leur importe de connaître.
S. AUG. (Quest. évang., 2, 38.) Dans le sens allégorique, on peut voir dans ce riche la figure des Juifs orgueilleux, " qui ne connaissaient point la justice de Dieu, et s'efforçaient d'établir leur propre justice. " (Rm 10.) La pourpre et le lin sont le symbole du royaume : " Le royaume de Dieu vous sera enlevé, " (Mt 21.) Ces festins splendides, c'est l'ostentation de la loi dans laquelle ils se glorifiaient par orgueil et pour se faire valoir plutôt que de la faire servir à leur salut. Ce mendiant, du nom de Lazare, qui signifie celui qui est assisté, représente la pauvreté des Gentils ou des publicains, qui obtiennent d'autant plus facilement du secours, qu'ils présument moins de leurs propres ressources. - S. GREG. (hom. 40.) Lazare, couvert d'ulcères, est la figure du peuple des Gentils, qui se convertit à Dieu et ne rougit pas de confesser ses péchés ; sa peau est couverte de blessures, car qu'est-ce que la confession des péchés, qu'une rupture de nos blessures intérieures ? Lazare, tout couvert d'ulcères, " désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, et personne ne lui en donnait, " parce que ce peuple orgueilleux ne daignait admettre aucun Gentil à la connaissance de la loi, et qu'il laissait tomber les paroles de cette science comme les miettes de sa table. - S. AUG. (quest. évang.) Les chiens qui venaient lécher les ulcères du pauvre, figurent ces hommes profondément corrompus, dévoués au mal, qui ne cessent de louer à bouche ouverte les oeuvres d'iniquité qui sont l'objet des gémissements et des regrets publics de ceux qui les ont commises. - S. GREG. (hom. 40.) Quelquefois dans les saintes Écritures, les chiens représentent les prédicateurs, selon ces paroles du Psalmiste : " La langue de tes chiens s'abreuvera du sang de tes ennemis. " (Ps 67 ; cf. Is 56, 10.) En effet, la langue des chiens guérit les blessures qu'elle lèche, ainsi les saints docteurs, par les instructions qui suivent la confession de nos péchés, touchent pour ainsi dire avec leur langue les blessures de notre âme. Le riche a été enseveli dans les enfers, Lazare, au contraire, a été porté par les anges dans le sein d'Abraham, c'est-à-dire, dans ce séjour mystérieux de repos, dont la vérité a dit : " Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident, et auront place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les enfants du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. " C'est de loin que le riche lève les yeux pour voir Lazare, parce que c'est du fond de l'abîme où ils souffrent les peines dues à leurs péchés, que les infidèles aperçoivent au-dessus d'eux, jouissant d'un repos ineffable, les fidèles dont après le jugement dernier, ils ne pourront plus contempler le bonheur. C'est de loin qu'ils les aperçoivent, parce qu'ils ne peuvent y atteindre par leurs mérites. C'est surtout dans sa langue que le riche endure de plus vives souffrances, parce que ce peuple infidèle avait toujours à la bouche les paroles de la loi qu'il dédaignait de mettre en pratique. Il sera donc plus cruellement tourmenté dans sa langue qui manifestait à tous qu'il savait parfaitement ce qu'il refusait de pratiquer. Abraham l'appelle son fils, bien qu'il ne le délivre pas de ses tourments, parce que les ancêtres de ce peuple infidèle n'ont aucune compassion pour arracher au supplice ceux qu'ils reconnaissent bien comme étant leurs enfants, mais qui ont en si grand nombre abandonné les exemples de leur foi.

S. AUG. (Quest. évanq., 2, 39.) Les cinq frères que le riche dit avoir dans la maison de son père, figurent les Juifs qui sont au nombre de cinq, parce qu'ils étaient soumis à la loi qui a été donnée par Moïse (cf. Jn 1, 17 ; 7, 19), et renfermée dans les cinq livres qu'il a écrits. - S. CHRYS. (hom. sur le mauv. riche.) Ou bien ce riche avait cinq frères, c'est-à-dire, les cinq sens dont il était l'esclave ; aussi ne pouvait-il aimer Lazare, parce que ses frères n'aiment pas la pauvreté. Ce sont ces frères qui t'ont précipité dans ces tourments, ils ne peuvent être sauvés s'ils ne meurent, autrement il est nécessaire que les frères habitent avec leur frère. Mais pourquoi demande-tu que j'envoie Lazare ? Ils ont Moïse et les prophètes. Moïse a été lui-même pauvre comme Lazare, lui qui a estimé que la pauvreté de Jésus-Christ était un plus grand trésor que toutes les richesses de l'Egypte (He 12), Jérémie, jeté dans un lac, y fut nourri du pain de la tribulation. (Jr 38.) Tous ces prophètes sont là pour enseigner tes frères, mais ils ne peuvent être sauvés qu'autant que quelqu'un ressuscite des morts, car ces frères, avant la résurrection de Jésus-Christ, me conduisaient à la mort ; il est mort, mais ces frères sont ressuscités, et maintenant mes yeux voient Jésus-Christ, mes oreilles l'entendent, mes mains peuvent le toucher. Ce que nous venons de dire est la condamnation des marcionites et des manichéens, qui ne veulent point admettre l'Ancien Testament. Voyez ce que dit Abraham : " S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, " etc., paroles qui signifient : Vous faites bien d'attendre celui qui doit ressusciter des morts, mais c'est Jésus-Christ lui-même qui vous parle par la bouche des prophètes, et si vous les écoutez, c'est lui-même que vous écoutez. - S. GREG. (hom. 40.) Mais comme le peuple juif a refusé d'entendre dans le sens spirituel les paroles de Moïse, il n'a pu parvenir à celui que Moïse avait prédit et annoncé.

S. AMBR. On peut encore donner à cette histoire cet autre sens : Lazare est pauvre dans ce monde, mais il est riche aux yeux de Dieu. En effet, toute pauvreté n'est pas sainte, comme toute possession des richesses n'est pas nécessairement criminelle, c'est la vie molle et sensuelle qui déshonore les richesses, comme c'est la sainteté qui rend la pauvreté honorable. Ou bien encore, Lazare, c'est tout homme apostolique qui est pauvre par la parole et riche par la foi, qui s'attache à la vraie foi et ne recherche pas les vains ornements de la parole. Je comparerai cet homme à celui qui, souvent frappé de verges par les Juifs, offrait pour ainsi dire, à lécher aux chiens les ulcères de son corps (2 Co 11, 24 ; cf. Dt 25, 2.3). Heureux ces chiens qui ont léché les gouttes de sang pli découlait de ces plaies et qui remplit ainsi la bouche et le coeur de ceux qui doivent garder la maison, veiller sur le troupeau et le défendre contre les loups. Et comme le pain est la figure de la parole, et que la foi vient de la parole, les miettes de pain représentent certaines vérités de la foi, c'est-à-dire les mystères des Écritures. Les Ariens, qui recherchent avec tant d'empressement l'appui de la puissance royale pour attaquer la vérité de l'Église, ne vous paraissent-ils pas comme revêtus de pourpre et de fin lin ? Comme ils prêchent l'erreur et le mensonge en place de la vérité, ils multiplient leurs pompeux discours. C'est ainsi que la riche hérésie a composé je ne sais combien d'évangiles, tandis que la foi pauvre s'en est tenu au seul Évangile qu'elle a reçu de Dieu. La riche philosophie s'est fait plusieurs dieux, et l'Église pauvre n'a reconnu et adoré qu'un seul Dieu. Ces richesses ne vous semblent-elles pas être une véritable indigence, et cette indigence une véritable richesse ?
S. AUG. (Quest. évang.) Ce récit peut encore recevoir une autre interprétation. Lazare serait la figure du Seigneur, étendu à la porte du riche, parce que les humiliations de son incarnation l'ont abaissé jusqu'aux oreilles superbes des Juifs. Il désirait se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche, c'est-à-dire, qu'il demandait aux Juifs les plus petites oeuvres de justice qui ne fussent pas enlevées par leur orgueil à sa table, c'est-à-dire à sa puissance, et qu'ils pussent au moins pratiquer, sinon sous l'influence d'une vie constamment vertueuse, au moins de temps en temps et par hasard, comme les miettes qui tombent de la table. Les ulcères, ce sont les blessures du Seigneur, les chiens qui venaient les lécher, ce sont les Gentils, que les Juifs regardaient comme immondes, et qui, cependant par tout l'univers, goûtent avec une pieuse suavité les plaies du Seigneur dans le sacrement de son corps et de son sang. Le sein d'Abraham, c'est le secret du Père, où Jésus-Christ est monté après sa résurrection ; il y a été porté par les anges, parce que ce sont les anges qui ont annoncé à ses disciples (Mt 28, 7 ; Mc 16, 7 ; Lc 24, 9), qu'il était remonté dans le sein du Père. L'interprétation que nous avons donnée plus haut peut s'appliquer au reste du récit, car le sein de Dieu peut très-bien s'entendre du lieu où (même avant la résurrection) les âmes des justes vivent dans la société de Dieu.