CATANA AUREA SUR SAINT LUC
ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS
SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC
CHAPITRE
XXIV
vv. 1-12.
BEDE. Les saintes femmes ne se contentèrent pas de ce qu'elles avaient
fait le jour de la préparation ; lorsque le sabbat fut passé (c'est-à-dire
après le coucher du soleil) et dès qu'il leur fut permis de reprendre
leur travail, elles achetèrent des parfums, pour aller embaumer dès
l'aurore le corps de Jésus, comme le rapporte saint Marc ; mais l'obscurité
de la nuit les empêcha d'aller au sépulcre : " Le premier
jour donc de la semaine, de grand matin, elles vinrent au sépulcre, "
etc. Le jour d'après le sabbat, ou le premier jour de la semaine, est
le premier qui suit le sabbat, et que les chrétiens ont appelé
depuis le jour du Seigneur, à, cause de la résurrection du Sauveur.
La démarche de ces pieuses femmes, qui viennent au sépulcre de
grand matin, montre la grandeur de leur amour et du désir qu'elles avaient
de chercher et de trouver le Seigneur.
S. AMBR.
Toutefois, le récit des évangélistes présente ici
une assez grande difficulté ; saint Luc dit que les saintes femmes sont
venues de grand matin au sépulcre ; saint Matthieu, qu'elles sont venues
le soir du sabbat. Mais cette divergence de temps disparaît, en admettant
que des femmes différentes vinrent au sépulcre à plusieurs
reprises, et qu'il y eut aussi plusieurs apparitions distinctes. Quant à
ces paroles de saint Matthieu : " Le soir ou la nuit du sabbat, à
la première lueur du jour qui suit le sabbat, " eut lieu la résurrection
du Seigneur, il ne faut pas les entendre dans ce sens que le Sauveur soit ressuscité
le matin du dimanche, qui est le premier jour après le sabbat, ni le
jour même du sabbat ; car où seraient dans cette dernière
hypothèse les trois jours qui devaient s'écouler jusqu'à
la résurrection ? Ce n'est donc pas au déclin du jour, mais au
déclin de la nuit, qu'il est ressuscité. D'ailleurs, le texte
grec de l'Évangile selon saint Matthieu porte ?fe, en latin sero, qui
veut dire tard. Or, ce mot signifie le déclin du jour, et aussi tout
ce qui vient tard, comme lorsque l'on dit : Cela m'a été suggéré
trop tard. Cette expression signifie donc que la nuit était profonde,
ce qui permit aux saintes femmes d'approcher du sépulcre pendant le sommeil
des gardes. Une nouvelle preuve que la résurrection eut lieu pendant
la nuit, c'est que parmi ces saintes femmes les unes en étaient instruites,
c'étaient celles qui ont veillé le jour et la nuit ; les autres
l'ignoraient, parce qu'elles s'étaient retirées. Saint Jean parle
d'une Marie Madeleine qui ne savait où on avait mis le corps du Seigneur
; saint Matthieu, d'une autre Madeleine qui le savait ; car la même personne
n'a pu le savoir d'abord, et l'ignorer ensuite. Si donc il y a plusieurs Maries,
on peut admettre aussi plusieurs Maries Madeleines, le premier nom étant
celui de la personne, et le second celui de son pays. - S. AUG. (de l'acc. des
Evang., 3, 24.) Ou encore, saint Matthieu, dans la première partie de
la nuit qui est le soir, a voulu comprendre la nuit elle-même ; c'est
au déclin de cette nuit que les saintes femmes allèrent au sépulcre,
ce qui s'explique d'autant plus facilement, qu'elles avaient préparé
les aromates dès le soir, et que le jour du sabbat étant passé,
il leur était permis de les apporter.
EUSEBE. Le corps du Verbe était étendu sans vie dans le tombeau,
et une grande pierre en fermait l'entrée, comme si la mort eût
voulu le retenir captif ; mais trois jours n'étaient pas encore écoulés,
que la vie se manifesta de nouveau, après que la mort du Sauveur eut
été environnée de toute la certitude possible : "
Et elles virent que la pierre qui était au-devant du sépulcre,
en avait été ôtée. " - THEOPHYL. C'était
un ange qui l'avait renversée, comme le rapporte saint Matthieu. - S.
CHRYS. (hom. 91 sur S. Matth.) Cette pierre fut ôtée après
la résurrection, afin que les pieuses femmes, à la vue du sépulcre,
vide du corps du Sauveur, n'hésitassent pas à croire qu'il était
ressuscité : " Et étant entrées, elles ne trouvèrent
pas le corps du Seigneur Jésus. " - S. CYR. Or, ne trouvant point
le corps du Sauveur qui était ressuscité, elles étaient
agitées de diverses pensées, mais leur tendre amour pour Jésus-Christ,
et leur pieuse sollicitude leur méritèrent d'être visitées
par les anges : " Pendant qu'elles étaient remplies de frayeur et
d'anxiété, près d'elles parurent deux anges revêtus
de robes resplendissantes. - EUSEBE. Les messagers de cette heureuse résurrection
apparaissent revêtus d'habits resplendissants, comme présages de
joie et de bonheur. Lorsque Moïse était sur le point de frapper
l'Égypte de plaies, il vit un ange au milieu d'une flamme ardente ; mais
ce n'est point dans cet appareil terrible, que les anges se montrent aux saintes
femmes, ils sont environnés de la grâce et de la douceur qui convenaient
au règne et au glorieux triomphe du Seigneur. Et de même qu'au
temps de sa passion le soleil s'était éclipsé, pour témoigner
son horreur et sa tristesse aux bourreaux qui crucifièrent le Fils de
Dieu ; ainsi les anges messagers de la vie et de la résurrection annoncent,
par l'éclat de leurs vêtements, la joie de cette grande fête
qui est le salut du monde.
S. AMBR.
Mais comment se fait-il que saint Matthieu et saint Marc ne parlent que d'un
jeune homme assis et vêtu de blanc, tandis que d'après saint Luc
et saint Jean les saintes femmes virent deux anges revêtus de robes blanches
? - S. AUG. (de l'acc. des Evang.) Nous pouvons très-bien admettre que
les saintes femmes ne virent qu'un seul ange lorsqu'elles entrèrent dans
le sépulcre, c'est-à-dire dans une espèce d'enceinte qui
entourait le sépulcre taillé dans le roc, et était fermée
d'une muraille ; c'est là qu'elles virent assis à droite l'ange
dont parle saint Marc. Elles avancèrent ensuite pour regarder dans l'intérieur
du sépulcre, où le corps du Seigneur avait été déposé,
et c'est alors que d'après le récit de saint Luc, elles virent
ces deux autres anges qui raniment leur courage et fortifient leur foi : "
Et comme dans leur frayeur, elles tenaient leur visage abaissé vers la
terre, " etc. - BEDE. A la vue des anges qui leur apparaissent, les saintes
femmes ne se prosternent pas la face contre terre, elles tiennent simplement
leurs yeux baissés vers la terre. Nous ne voyons également qu'aucun
des saints qui furent témoins de la résurrection du Seigneur se
soit prosterné la face contre terre, lorsque le Seigneur lui-même
ou ses anges leur apparaissaient. C'est de là qu'est venu l'usage dans
l'Église de prier les yeux baissés vers la terre, mais sans fléchir
les genoux, tous les jours de dimanche et pendant les cinquante jours qui forment
le temps pascal, soit en mémoire de la résurrection du Seigneur,
soit comme un signe de l'espérance de notre propre résurrection.
Or, ce n'était point dans un sépulcre (qui est la demeure des
morts), qu'il fallait chercher celui qui était ressuscité d'entre
les morts à une vie nouvelle. Aussi les anges disent-ils aux saintes
femmes : " Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant
? Il n'est point ici, il est ressuscité. " En effet, c'est le troisième
jour après sa mort, qu'il célébra le triomphe de sa résurrection,
comme il l'avait prédit aux saintes femmes qui étaient avec ses
disciples : " Souvenez-vous de ce qu'il vous a dit lorsqu'il était
encore en Galilée : Il faut que le Fils de l'homme soit livré
entre les mains des pécheurs, qu'il soit crucifié, et qu'il ressuscite
le troisième jour. " En effet, il expira le jour de la préparation
du sabbat, vers la neuvième heure, il fut enseveli le soir du même
jour, et ressuscita au commencement du premier jour après le sabbat.
- S. Athan. (de l'incarn. du Fils de Dieu.) Il aurait pu sans doute ressusciter
immédiatement son corps, mais on n'eût pas manqué de dire
qu'il n'était pas véritablement mort, ou que la mort ne l'avait
pas entièrement atteint ; au contraire, si la résurrection du
Seigneur avait été différée, la gloire de son incorruptibilité
eût été moins évidente ; il mit donc un intervalle
d'un jour entre sa mort et sa résurrection, pour prouver que son corps
était véritablement mort, et il le ressuscita le troisième
jour pour démontrer qu'il n'était pas soumis à la corruption.
- BEDE. Il est resté dans le tombeau un jour et deux nuits, parce qu'il
a voulu joindre la lumière de sa mort qui est une aux ténèbres
de notre double mort.
S. CYR. Les saintes femmes, instruites par les paroles des anges, se hâtèrent
de venir annoncer toutes ces choses aux Apôtres : " Elles se ressouvinrent
des paroles de Jésus ; et étant revenues du sépulcre, elles
annoncèrent toutes ces choses aux onze et à tous les autres. "
Ainsi la femme qui fut autrefois comme le ministre et l'instrument de la mort,
est la première pour apprendre et pour annoncer l'auguste mystère
de la résurrection. C'est ainsi que la femme a mérité le
pardon de l'opprobre et l'affranchissement de la malédiction qui pesaient
sur elle. - S. AMBR. Il n'est point permis aux femmes d'enseigner dans l'Église
(1 Tm 2), elles doivent se contenter d'interroger leurs maris dans l'intérieur
de leurs maisons. (1 Co 14.) C'est pour cela que la femme est envoyée
à ceux qui sont de la famille de Jésus. L'Évangéliste
nous fait connaître le nom de ces femmes : " Ce fut Marie Madeleine.
" -BEDE. (la soeur de Lazare), et Jeanne (épouse de Chusaï,
intendant d'Hérode) ; et Marie, mère de Jacques, (de Jacques le
Mineur et de Joseph.) Quant aux autres, saint Luc ne les désigne que
de cette manière générale : " Et les autres qui étaient
avec elles, qui racontèrent ceci aux Apôtres. " - BEDE. (d'apr.
S. Ambr.) Pour décharger la femme du crime et de l'opprobre perpétuel
dont elle était chargée aux yeux des hommes, Dieu permet qu'après
avoir été pour l'homme l'intermédiaire du mal, elle devienne
aujourd'hui l'intermédiaire de la grâce.
THEOPHYL. A ne consulter que les lois de la nature, le miracle d'une résurrection
est une chose incroyable pour les hommes : " Aussi, ajoute l'Évangéliste,
les Apôtres regardèrent comme une rêverie ce qu'elles leur
disaient, et ne les crurent point. " - BEDE. (d'après S. Grég.)
Ce doute est moins un effet de la faiblesse de leur foi, que le fondement inébranlable
de la nôtre, car pour triompher de leurs doutes, Dieu fit ressortir la
vérité de la résurrection par une multitude de preuves,
et lorsque nous lisons ces preuves, le doute même des Apôtres produit
en nous la certitude. - THEOPHYL. Pierre, à cette nouvelle, court sans
tarder au sépulcre, prompt comme le feu qui n'attend pas qu'on lui jette
le bois qu'il doit consumer : " Pierre se leva aussitôt et courut
au sépulcre. "
EUSEBE. Seul parmi les Apôtres, il se rend au témoignage des femmes,
qui lui rapportent l'apparition des anges, et comme il avait pour Jésus
un amour plus grand que les autres Apôtres, il montrait aussi un plus
grand zèle, et regardait de tous côtés pour découvrir
le Seigneur : " Et s'étant penché, il ne vit que les linges
par terre. "
THEOPHYL. Lorsqu'il fut venu au sépulcre, le premier sentiment qu'il
éprouva fut un sentiment d'admiration pour les choses qu'il avait pu
tourner en dérision aussi bien que les autres Apôtres : "
Et il s'en alla, admirant en lui-même, ce qui était arrivé,
" c'est-à-dire, qu'il admirait comment les linges seuls qui avaient
servi à recouvrir le corps embaumé de myrrhe, avaient été
laissés, ou quelles circonstances avaient favorisé le voleur à
ce point, qu'au milieu des gardes qui environnaient le sépulcre, il ait
eu le temps de débarrasser le corps des linges qui l'entouraient avant
de l'enlever.
S. AUG.
(De l'acc. des Evang., 3, 25.) Saint Luc a voulu résumer ici tout ce
que fit Pierre dans cette circonstance. En effet, Pierre courut au sépulcre
en même temps que Jean, alors seulement que les saintes femmes, et Marie
Madeleine en particulier, vinrent leur annoncer que le corps avait été
enlevé, et l'apparition des anges n'eut lieu qu'ensuite. Saint Luc ne
parle ici que de Pierre, parce que c'est à lui d'abord que Marie Madeleine
annonça ce qu'elle avait vu. On peut aussi s'étonner que d'après
le récit de saint Luc, Pierre n'entrât point dans le sépulcre,
mais qu'étant penché il vit simplement les linges par terre, et
se retira plein d'admiration, tandis que saint Jean dit positivement qu'il vit
aussi ces linges posés à terre et qu'il entra dans le sépulcre
après Pierre. Cette difficulté disparaît, en admettant que
Pierre vit d'abord ces linges en se penchant sur le sépulcre (circonstance
que saint Luc rapporte et saint Jean passe sous silence), et qu'il entra ensuite
dans le sépulcre avant que Jean y entrât lui-même.
BEDE. Dans le sens figuré, ces pieuses femmes qui viennent au tombeau
de grand matin, nous apprennent par leur exemple à dissiper les ténèbres
de nos péchés avant d'approcher du corps de Jésus-Christ.
En effet, ce sépulcre était la figure de l'autel du Seigneur où
les mystères du corps de Jésus-Christ doivent être consacrés,
non dans la soie ou dans la pourpre, mais sur le lin pur, figuré par
le suaire dans lequel Joseph d'Arimathie l'enveloppa. Ainsi de même que
le Sauveur a offert pour nous à la mort la véritable substance
de sa nature terrestre, nous aussi, en souvenir de sa passion, nous étendons
sur l'autel le lin blanc et pur que produit la terre après l'avoir préparé
par un travail qui figure les divers genres de mortification. Les aromates que
les saintes femmes apportent, sont l'emblème de l'odeur des vertus et
du parfum suave des prières avec lesquelles nous devons approcher de
l'autel (cf. Ap 8, 4.8). Le renversement de la pierre figure la révélation
des mystères qui étaient cachés sous le voile de la lettre
de la loi, écrite sur des, tables de pierre ; lorsque cette pierre est
ôtée on ne trouve plus dans le sépulcre le corps de Jésus-Christ,
qu'on y avait déposé après sa mort, mais on annonce et
on prêche qu'il est plein de vie, " parce que si nous avons connu
Jésus-Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de
cette sorte. " (2 Co 5, 16.) De même enfin que les anges se tenaient
autour du corps. du Seigneur déposé dans le sépulcre, ainsi
devons-nous croire que les anges environnent le corps du Seigneur au moment
de la consécration des divins mystères. Nous donc aussi, à
l'exemple des saintes femmes, chaque fois que nous approchons des saints mystères,
et autant par respect pour les anges qui sont présents que par vénération
pour l'oblation sainte, abaissons nos yeux vers la terre dans un profond sentiment
d'humilité, en nous rappelant que nous ne sommes que cendre et poussière.
vv. 13-24.
La GLOSE. Après que les anges ont fait connaître aux saintes femmes
la résurrection de Jésus-Christ, le Sauveur apparaît lui-même
à ses disciples, pour leur apprendre qu'il est ressuscité : "
Or, ce jour-là même deux d'entre s'en allaient à un village
nommé Emmaüs. " - THEOPHYL. Il en est qui prétendent
que l'un de ces deux disciples était saint Luc lui-même, et que
c'est la raison pour laquelle il a caché son nom. - S. AMBR. Le Sauveur
se manifeste sur le soir et séparément à ces deux disciples
nommés Ammaon et Cléophas, comme il se manifesta plus tard séparément
aux onze Apôtres. - S. AUG. (De l'accord des Evang., 3, 25.) Saint Marc
a pu sans absurdité appeler campagne le bourg d'Emmaüs. Saint Luc
fait connaître ensuite la situation de ce bourg, en ajoutant : Il était
éloigné d'environ soixante stades de Jérusalem et s'appelait
Emmaüs. - BEDE. C'est aujourd'hui Nicopolis, ville célèbre
de la Palestine, qui après que la Judée eut été
réduite en servitude, fut rebâtie par l'empereur Marc-Aurèle,
et changea d'aspect et de nom. Le stade qui, selon les Grecs, fut inventé
par Hercule pour mesurer les distances, est la huitième partie du mille,
ainsi soixante stades font sept mille cinq cents pas, ce fut la distance qu'eurent
à parcourir ceux qui étaient certains de la mort et de la sépulture
du Seigneur, mais qui doutaient encore de sa résurrection ; on ne peut
nier en effet que la résurrection qui eut lieu après le septième
jour de la semaine, ne soit figurée par le nombre huit. Or, ces deux
disciples qui marchaient en s'entretenant du Seigneur, avaient déjà
parcouru six mille de chemin, parce qu'ils s'affligeaient qu'on eût mis
à mort (le sixième jour), un homme innocent de tout crime. Ils
avaient même parcouru le septième mille, parce qu'ils ne doutaient
nullement que son corps n'eût reposé dans le sépulcre, mais
ils n'avaient encore parcouru que la moitié du huitième, parce
qu'ils ne croyaient qu'imparfaitement à la gloire de la résurrection
qui s'était déjà accomplie.
THEOPH. Ces deux disciples s'entretenaient donc entre eux des choses qui étaient
arrivées, sans y croire, et comme tout étonnés de ces événements
extraordinaires " Et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était
passé. " - BEDE. Pendant qu'ils s'entretiennent ainsi du Seigneur
Jésus, il s'approche et fait route avec eux pour allumer dans leurs âmes
la foi de sa résurrection, et accomplir cette promesse qu'il avait faite
: " Là où deux où trois sont rassemblés en
mon nom, je suis au milieu d'eux. " (Mt 18.) " Pendant qu'ils discouraient
et se communiquaient leurs pensées, Jésus lui-même vint
les joindre et se mit à marcher avec eux. " - THEOPHYL. Le corps
de Jésus étant doué de spiritualité depuis sa résurrection,
la distance des, lieux ne l'empêchait plus de se manifester au milieu
de ceux auxquels il voulait apparaître ; son corps n'était plus
soumis aux lois naturelles, mais aux lois surnaturelles qui régissent
les esprits. Voilà pourquoi saint Marc rapporte qu'il apparut aux deux
disciples sous une autre forme qui ne leur permettait pas de le reconnaître.
(Mc 16.) " Et quelque chose empêchait que leurs yeux ne le reconnussent.
" Le Sauveur se conduit de la sorte à leur égard pour leur
donner lieu de révéler le doute qui assiége leur esprit,
et d'obtenir la guérison de leurs blessures en les découvrant
à ce divin médecin. Son intention est encore de leur apprendre
que bien que son corps ressuscité fût le même qui avait souffert,
cependant il n'était plus dans un état où il pût
être vu de tous indifféremment, mais seulement de ceux à
qui il voulait se manifester. Il veut enfin qu'ils sachent pourquoi désormais
il ne vit plus au milieu des hommes, c'est que depuis sa résurrection
les hommes ne sont plus dignes de cette vie nouvelle et toute divine qui est
une image de notre résurrection future, où notre vie sera celle
des anges et des enfants de Dieu.
S. GREG. (hom. 23 sur les Evang.) C'est par un dessein plein de sagesse que
Jésus n'apparaît pas aux deux disciples sous une forme qui le fit
reconnaître ; il reproduit extérieurement pour les yeux du corps
ce qui se passait intérieurement pour les yeux de leur âme. En
effet, l'amour pour Jésus et le doute se partageaient à la fois
leur coeur. Il leur manifeste donc sa présence, pendant qu'ils s'entretenaient
de lui, mais il leur apparaît sous une forme qui ne leur permettait pas
de le reconnaître, parce que leur âme est en proie au doute. Cependant
il leur adresse la parole : " Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous
ainsi en marchant et d'où vient votre tristesse ? " - CH. DES PER.
GR. Ils s'entretenaient ensemble comme ayant perdu toute espérance de
revoir le Christ vivant, et ils s'affligeaient vivement de la mort du Sauveur
: " L'un d'eux, nommé Cléophas, lui répondit : Êtes-vous
seul si étranger dans Jérusalem que vous ne sachiez pas les choses
qui y sont arrivées ces jours-ci ? " - THEOPHYL. C'est-à-dire,
êtes-vous donc seul étranger, habitez-vous si loin de Jérusalem
et vous inquiétez-vous si peu de ce qui s'est passé au milieu
de cette ville que vous l'ignoriez complètement ? - BEDE. Ils lui tiennent
ce langage, parce qu'ils le prenaient pour un étranger dont le visage
leur était inconnu ; en effet, il était véritablement pour
eux un étranger, la gloire de sa résurrection mettait entre lui
et leur faible nature une distance immense, et il demeurait aussi comme un étranger
pour leur foi qui ne pouvait croire à sa résurrection. Cependant
il continue de les interroger : " Quelles choses, leur dit-il ? Ils répondirent
: Ce qui est arrivé au sujet de Jésus de Nazareth, qui était
un prophète. " Ils reconnaissent hautement qu'il est un prophète
mais non qu'il est le Fils de Dieu, soit que leur foi sur ce point fût
encore imparfaite, soit par crainte de tomber dans les mains persécutrices
des Juifs. Ils ne savaient donc qui il était, ou ils dissimulaient ce
qu'ils regardaient comme la vérité : ils ajoutent cependant à
sa louange : " Puissant en oeuvres et en paroles. " - THEOPHYL. Les
oeuvres d'abord, ensuite les paroles ; aucune doctrine, en effet, n'est acceptable,
si celui qui l'enseigne ne commence par la mettre en pratique ; les oeuvres
doivent précéder les considérations, et si vous ne purifiez
pas vos bonnes oeuvres, le miroir de votre intelligence, elle n'aura pas l'éclat
que vous désirez. Ils ajoutent encore : " Devant Dieu et devant
tout le peuple, " car nous devons chercher avant tout à plaire à
Dieu, et veiller ensuite autant qu'il est possible, à ce que notre vertu
édifie les hommes, c'est-à-dire, que nous devons mettre au premier
rang le service de Dieu, et éviter ensuite tout ce qui peut scandaliser
nos frères.
CH. DES PER. GR. Ils font connaître ensuite la cause de leur tristesse,
c'est la passion du Christ livré à la fureur de ses ennemis :
" Et comment les princes des prêtres et nos anciens l'ont livré
pour être condamné à mort. " Et ils laissent ensuite
échapper cette parole de désespoir : " Nous espérions
qu'il était celui qui doit délivrer Israël " Nous espérions,
disent-ils, nous n'espérons plus, comme si la mort de Jésus-Christ
était semblable à la mort des autres hommes. - THEOPHYL. Lorsqu'ils
espéraient, en effet, que le Christ délivrerait le peuple d'Israël
des maux qui l'accablaient et de la servitude des Romains, ils croyaient qu'il
serait roi à la manière des rois de la terre, et qu'il aurait
pu par conséquent échapper à la sentence de mort portée
contre lui. - BEDE. C'est donc avec raison qu'ils sont dans la tristesse, ils
se reprochent pour ainsi dire d'avoir placé leurs espérances de
rédemption dans celui qu'ils ont vu mourir sur la croix, et à
la résurrection duquel ils ne peuvent croire, et ils s'affligent de la
mort injuste de celui dont ils connaissaient l'innocence. THEOPHYL. Les paroles
qui suivent prouvent toutefois qu'ils ne sont pas complètement incrédules
: " Et cependant après tout cela, c'est aujourd'hui le troisième
jour que ces choses se sont passées. " Ils avaient donc quelque
souvenir de ce que le Seigneur leur avait dit qu'il ressusciterait le troisième
jour.
CH. DES PER. GR. Ils rapportent même le bruit que les saintes femmes avaient répandu de la résurrection de Jésus : " A la vérité, quelques-unes des femmes qui sont avec nous, nous ont fort étonnés, " etc. ils rapportent ce bruit sans y croire, la seule impression qu'il ait produite sur eux, c'est l'étonnement, la frayeur, car ils ne pouvaient supposer la vérité de ce qui leur était raconté ni croire à l'apparition des anges, cette nouvelle les jetait donc dans l'étonnement et le trouble. Le témoignage de Pierre lui-même ne leur paraissait pas certain, car il n'affirmait pas qu'il avait vu le Seigneur, mais de ce que son corps n'était plus dans le sépulcre, il conjecturait qu'il pouvait être ressuscité : " Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, et ont trouvé toutes choses comme les femmes les leur avaient rapportées, mais pour lui, ils ne l'ont point trouvé. " - S. AUG. (de l'acc. des Evang.) Saint Luc vient de dire précédemment que Pierre courut au sépulcre, et en rapportant les paroles de Cléophas : " Quelques-uns des nôtres sont allés au sépulcre, " il confirme le récit de Jean, d'après lequel deux disciples (Jn 20) allèrent au sépulcre ; mais saint Luc n'a parlé d'abord que de Pierre, comme étant le premier à qui Marie annonça ce qu'elle avait vu.
vv. 25-35.
THEOPHYL. Notre-Seigneur voyant l'âme de ses deux disciples en proie à
d'aussi grands doutes, les en reprend avec sévérité : "
Alors il leur dit : O insensés (ils venaient en effet de tenir le même
langage que les Juifs au pied de la croix : Il a sauvé les autres, il
ne peut se sauver lui-même) et lents de coeur, à croire tout ce
qu'ont dit les prophètes ! " On en voit, en effet, qui croient à
quelques-uns des oracles prophétiques, mais non pas à toutes les
prophéties ; ainsi ils ajouteront foi aux prophéties qui ont pour
objet la croix de Jésus-Christ, à celle-ci par exemple : "
ils ont percé mes pieds et mes mains ; " (Ps 21) mais ils ne croiront
pas à celles qui ont annoncé sa résurrection, comme à
cette autre du même Roi-prophète : " Vous ne souffrirez point
que votre saint soit sujet à la corruption. " (Ps 15.) Or, nous
devons croire indistinctement à toutes les prophéties, à
celles qui ont prédit ses gloires, comme à celles qui ont annoncé
ses humiliations ; car c'est justement par ses humiliations et ses souffrances
qu'il est entré dans sa gloire : " Ne fallait-il pas que le Christ
souffrît ces choses, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire ? "
ce qu'il faut entendre de son humanité.
S. ISID. DE PELUSE. Mais bien qu'il fallût que le Christ passât
par les souffrances, ceux qui l'ont crucifié n'en sont pas moins coupables
; car ils ne cherchaient point à accomplir les desseins de Dieu ; aussi
leur action a-t-elle été souverainement impie, tandis que la providence
de Dieu s'est montrée pleine de sagesse en faisant servir leur iniquité
au salut du genre humain, comme on se sert de la chair des vipères pour
composer un antidote efficace et salutaire. - S. CHRYS. Aussi le Sauveur leur
explique comment les choses ne sont pas arrivées naturellement, mais
par un dessein depuis longtemps prémédité de Dieu : "
Et parcourant tous les prophètes, en commençant par Moïse,
il leur expliquait ce qui le concerne dans toutes les Écritures. "
Il semble leur dire : Puisque vous êtes ai lents à croire, je vais
vous rendre une sainte activité en vous expliquant les mystères
des Écritures ; ainsi le sacrifice d'Abraham, immolant un bélier
à la place d'Isaac, a été la figure du sacrifice de la
croix (Gn 22, 12), et c'est ainsi que les mystères de la croix et de
la résurrection de Jésus-Christ se trouvent annoncés ça
et là dans tous les oracles prophétiques. - BEDE. Or, si Moise
et les prophètes ont parlé de Jésus-Christ et prédit
qu'il n'entrerait dans sa gloire que par le chemin des souffrances, comment
peut-on se glorifier d'être chrétien, et ne point examiner avec
soin le rapport que les Écritures ont avec Jésus-Christ, et surtout
ne point vouloir obtenir par les souffrances la gloire qu'on désire partager
avec Jésus-Christ ?
CH. DES PER. GR. L'Évangéliste nous a fait observer précédemment
que les yeux des deux disciples étaient comme fermés, et qu'ils
ne purent le reconnaître, jusqu'à ce que les paroles du Sauveur
eurent disposé leur âme à la foi ; il raconte maintenant
comment Jésus se découvrit à eux après les avoir
préparés par ses enseignements : " Cependant ils approchèrent
du village où ils allaient, et Jésus feignit d'aller plus loin.
" - S. AUG. (Quest. évang., 2, 51.) Il n'y a point ici de mensonge
de la part du Sauveur, car toute feinte n'est pas un mensonge. il y a mensonge
toutes les fois que l'action que nous, feignons de faire ne signifie absolument
rien, mais lorsque cette action a une signification, ce n'est plus un mensonge,
mais une figure de la vérité ; autrement il faudrait regarder
comme autant de mensonges tout ce que les saints et Notre-Seigneur lui-même
ont dit en termes figurés, puisque ces paroles, prises dans leur sens
naturel et ordinaire, n'ont rien de vrai. On peut donc sans mensonge user de
feinte dans ses actions aussi bien que dans ses paroles, en se proposant, dans
ces actions, la signification d'une vérité quelconque.
S. GREG. (hom. 22 sur les Evang.) Jésus feint d'aller plus loin, parce
qu'il était encore étranger pour leurs coeurs qui avaient si peu
de foi en lui. Feindre veut dire façonner, de là vient le nom
que nous donnons à ceux qui façonnent l'argile. La vérité
qui est simple, n'a donc rien fait ici par duplicité, elle s'est montrée
extérieurement aux yeux de leur corps, telle qu'elle était pour
les yeux de leur âme. Cependant comme ils ne pouvaient rester étrangers
à la charité, alors qu'ils avaient pour compagnon de voyage la
charité elle-même, ils lui offrent l'hospitalité comme à
un étranger : " Et ils le pressèrent. " Apprenons par
cet exemple, que nous devons non seulement inviter les étrangers, mais
encore les forcer à accepter l'hospitalité. - LA GLOSE. Non contents
de le forcer, ils lui apportent une raison déterminante : " Ils
le pressèrent, en disant : Demeurez avec nous, car il se fait tard, et
le jour est déjà sur son déclin. "
S. GRÉG. (hom. 22.) Lorsque Jésus-Christ est reçu dans
la personne de ses membres, il s'approche lui-même de ceux qui le reçoivent
: " Et il entra avec eux. " Ils dressent la table, servent les aliments,
et ils vont reconnaître dans la fraction du pain le Dieu qu'ils n'ont
pas reconnus quand il leur expliquait les saintes Écritures : "
Etant avec eux à table, il prit le pain et le bénit, et l'ayant
rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent.
" - S. CHRYS. (Ch. des Pèr. gr.) Ils le reconnurent non pas des
yeux du corps, mais des yeux de l'âme. - S. AUG. (de l'acc. des Evang.,
3, 25.) Ce n'est pas qu'ils eussent les yeux fermés en marchant avec
lui, mais quelque chose les empêchait de reconnaître ce qu'ils voyaient
par un effet semblable à celui que produit un brouillard, ou une humeur
répandue sur les yeux). Notre-Seigneur aurait pu sans doute transformer
son corps et lui donner une autre forme apparente que eau, qu'ils avaient coutume
de voir, lui qui, avant sa passion, s'était transfiguré sur la
montagne, et avait donné à son visage la splendeur du soleil.
Mais il n'en fut point ainsi, et nous sommes fondés à croire que
ç'est le démon qui avait placé ce bandeau sur leurs yeux,
pour les empêcher de reconnaître Jésus-Christ. Or le Sauveur
ne laissa ce bandeau sur leurs yeux que jusqu'au moment où il leur distribua
le sacrement du pain, pour nous faire comprendre que la communion à son
corps sacré, a la puissance d'écarter les obstacles qui nous empêchent
de reconnaître Jésus-Christ. - THEOPHYL. Il veut encore nous apprendre
que la participation au pain sacré nous ouvre les yeux, pour que nous
puissions le reconnaître, tant est grande et ineffable la vertu de la
chair de Jésus-Christ.
S. AUG. (Quest. évang.) Lorsque le Seigneur, marchant avec ses disciples
qui ne le reconnaissent pas, et leur expliquant les Écritures, feint
ensuite d'aller plus loin, il veut nous enseigner. encore qu'en pratiquant les
devoirs de l'hospitalité, les hommes peuvent arriver à le connaître,
et qu'il sera toujours avec ceux qui exerceront l'hospitalité à
l'égard de ses serviteurs, lors même qu'il se sera plus éloigné
des hommes en remontant dans les cieux. Celui donc qui, après avoir été
instruit des choses de la foi, communique tous ses biens à celui qui
l'a instruit (Ga 6), est sûr de retenir Jésus-Christ et de l'empêcher
de s'éloigner de lui. En effet, les disciples d'Emmaüs avaient reçu
l'enseignement de la parole, lorsque le Sauveur leur expliquait les Écritures.
Et c'est parce qu'ils ont pratiqué à son égard l'hospitalité,
qu'ils ont mérité de connaître lors de la fraction du pain
celui qu'ils n'avaient pas reconnu lorsqu'il leur expliquait les Écritures,
" car ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, qui sont justes aux
yeux de Dieu, mais ce sont ceux qui la pratiquent qui seront justifiés.
(Rm 2.)
S. GRÉG. (hom. 22.) Que celui donc qui veut comprendre les enseignements
qu'il a reçus, se hâte de mettre en pratique ce qu'il a déjà
pu comprendre. Voyez, le Seigneur n'a pas été connu pendant qu'il
parlait, et il daigne se faire connaître lorsqu'il se donne en nourriture.
L'Évangéliste ajoute : " Et il disparut de devant leurs yeux.
" - THEOPHYL. La nature de son corps ressuscité ne lui permettait
pas de demeurer plus longtemps avec eux, et il voulait aussi par là augmenter
leur amour : " Aussi ils se dirent alors l'un à l'autre : N'est-il
pas vrai que notre coeur était tout brûlant au dedans de nous,
lorsqu'il nous parlait dans le chemin, et qu'il nous expliquait les Écritures
? " - ORIG. Nous voyons ici que les paroles du Sauveur embrasaient du feu
de l'amour divin ceux qui les écoutaient. - S. GREG. (hom. pour la Pentec.)
Lorsque la parole divine se fait entendre, le coeur s'enflamme, la froide langueur
disparaît, et l'âme est comme agitée par les saintes inquiétudes
du désir des cieux. Elle se plaît à entendre les divins
préceptes, et les enseignements qu'elle reçoit sont comme autant
de feux qui l'embrasent.
THEOPHYL. Leur coeur était donc brûlant, soit du feu des paroles
du Sauveur qu'ils recevaient comme la vérité, soit parce qu'en
l'écoutant expliquer les Écritures, ils comprenaient à
la vive émotion de leurs cur qu'il était le Seigneur. Aussi
leur joie était si grande que, sans tarder, ils retournèrent aussitôt
à Jérusalem : " Et se levant à l'heure même,
ils retournèrent à Jérusalem. " Ils partirent à
l'heure même, mais ils n'arrivèrent que quelques heures après,
car ils avaient à parcourir une distance de soixante stades.
S. AUG. (de l'acc. des Evang., 3, 25.) Déjà le bruit que Jésus.
était ressuscité avait été répandu et par
les saintes femmes, et par Simon Pierre, à qui il était apparu,
et les deux disciples, étant arrivés à Jérusalem,
trouvèrent les Apôtres qui s'entretenaient de ce grand événement
: " Et ils trouvèrent assemblés les onze, et ceux qui étaient
avec eux, disant : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu
à Simon. " - BEDE. C'est donc à saint Pierre, le premier
de tous, que Notre-Seigneur est apparu d'après le témoignage des
quatre Évangélistes et de l'Apôtre saint Paul. Il ne se
manifestait, pas à tous, parce qu'il voulait jeter les semences de la
foi ; en effet, celui à qui le Seigneur apparaissait le premier, et qu'il
rendait ainsi certain de sa résurrection, racontait cette apparition
aux autres ; et ce récit, se propageant, préparait ceux qui l'entendaient
à voir le Sauveur lui-même. C'est donc pour cette raison qu'il
apparut d'abord au plus digne et au plus fidèle de tous ses Apôtres.
Il fallait, en effet, une âme dont la fidélité fût
à toute épreuve pour recevoir cette apparition sans être
troublé d'une vision aussi inattendue. Il apparaît donc à
Pierre qui méritait d'être le premier témoin de la résurrection,
parce qu'il avait confessé le premier qu'il était le Christ. Il
lui apparaît encore le premier, parce que Pierre l'avait renié,
et qu'il voulait ainsi le consoler et le préserver du désespoir.
Il apparût ensuite à d'autres, tantôt plus, tantôt
moins nombreux, au rapport des deux disciples : " Eux-mêmes, à
leur tour, racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin,
et comment ils l'avaient reconnu dans la fraction du pain. "
S. AUG. (de l'acc. des Evang., 3, 25.) Saint Marc dit, il est vrai, que les
Apôtres ne crurent pas au rapport des deux disciples, tandis que d'après
saint Luc, ils déclarent eux-mêmes que le Seigneur est vraiment
ressuscité ; mais cette contradiction apparente s'explique en disant
que quelques-uns seulement de ceux. qui étaient présents refusèrent
de croire au récit des deux disciples.
vv. 36-40.
S. CYR. Les Apôtres ayant répandu partout la nouvelle de la résurrection,
et les disciples étant pleins d'une sainte impatience de voir leur divin
Maître, il se rend à leurs désirs, il se révèle
à eux pendant qu'ils le cherchent et qu'ils l'attendent, et leur apparaît
clairement et sans qu'il y ait lieu à contestation : " Pendant qu'ils
s'entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d'eux, " etc.
S. AUG. (de l'acc. des Evang., 3, 25.) Saint Jean rapporte aussi cette apparition
du Seigneur après sa résurrection, mais en faisant remarquer que
Thomas n'était pas alors avec les autres Apôtres ; tandis que d'après
saint Luc, les deux disciples d'Emmaüs étant rentrés dans
Jérusalem, trouvèrent les onze assemblés : il faut donc
admettre que Thomas sortit avant que le Seigneur parut aux Apôtres qui
s'entretenaient de sa résurrections En effet, le récit de saint
Luc autorise cette supposition, que Thomas sortit pendant l'entretien des autres
Apôtres, et que ce ne fut qu'après son départ que le Seigneur
entra dans le cénacle. On pourrait peut-être dire encore que ces
onze n'étaient pas ceux qui dès-lors portaient le nom d'Apôtres,
mais qu'ils faisaient partie du grand nombre des disciples de Jésus.
Cependant comme saint Luc ajoute : " Et ceux qui étaient avec eux,
" il indique assez clairement que les onze avec lesquels les autres se
trouvaient réunis, devaient être les onze Apôtres.
Mais examinons la signification mystérieuse de ces paroles que Jésus,
d'après saint Matthieu et saint Marc, adresse à ses disciples
après sa résurrection : " Je vous précéderai
en Galilée. " Si ces paroles se sont accomplies, ce n'est qu'après
beaucoup d'autres faits racontés dans l'Évangile, et cependant
Notre-Seigneur semble dire que c'est la seule chose ou au moins la première
que les disciples devaient attendre. - S. AMBR. L'opinion qui me paraît
la plus probable est que Notre-Seigneur avait annoncé en effet à
ses disciples qu'ils le verraient en Galilée, mais qu'il crut ensuite
devoir leur apparaîtra dans le cénacle, où la crainte les
tenait renfermés. - CHAINE DES PERES GRECS. Le Sauveur ne manque pas
ici à sa promesse, mais au contraire, il se hâte de l'accomplir
par un sentiment de bonté pour ses disciples encore faibles et pusillanimes.
- S. AMBR. Lorsqu'il eut ainsi ranimé leur courage, les onze Apôtres
se rendirent en Galilée. Rien n'empêche encore de dire qu'ils étaient
peu nombreux dans le cénacle, tandis qu'ils furent en très-grand
nombre sur la montagne de Galilée. - EUSEBE. En effet, si deux évangélistes,
saint Luc et saint Jean, ont écrit que Notre-Seigneur est apparu aux
onze dans la ville de Jérusalem, les deux autres rapportent que l'ange
aussi bien que le Sauveur commandèrent de se rendre en Galilée,
non seulement aux onze, mais à tous les disciples et aux frères
dont parle saint Paul, quand il dit : " Ensuite il apparut à plus
de cinq cents frères réunis. " (1 Co 15.) Mais la solution
la plus vraisemblable de cette difficulté, est que Jésus apparut
d'abord une ou deux fois pour la consolation des Apôtres qui se tenaient
cachés dans Jérusalem, et qu'il se manifesta ensuite dans la Galilée,
non plus une fois ou deux, comme dans le cénacle, mais dans tout l'éclat
de sa puissance, et en faisant voir à ses Apôtres par beaucoup
de preuves qu'il était vivant, comme l'atteste saint Luc dans le livre
des Actes (Ac 1, 3.) - S. AUG. (de l'acc. des Evang.) Ou bien encore : les paroles
que l'ange adresse aux disciples au nom du Seigneur, doivent s'entendre dans
un sens prophétique. En effet, Jésus les précède
en Galilée, qui veut dire transmigration, parce que les Apôtres
devaient quitter le peuple d'Israël pour aller prêcher l'Évangile
aux Gentils, mais les Gentils n'auraient pas cru à leurs prédications,
si le Seigneur lui-même ne leur eût préparé la voie
dans les coeurs des hommes. Tel est donc le sens de ces paroles : " Il
vous précédera en Galilée. " Si au contraire, on prend
la Galilée dans le sens de révélation, nous devons entendre
que le Sauveur ne se révélera plus sous la forme d'esclave, mais
dans l'éclat qui convient au Fils de Dieu égal à son Père,
comme il l'a promis à ses élus. Cette révélation
sera pour nous comme une véritable Galilée, alors que nous le
verrons tel qu'il est. Ce sera aussi notre, bienheureuse transmigration de ce
monde dans cette vie éternelle, qu'il n'a point quittée en venant
parmi nous, et où il nous précède sans nous abandonner.
THEOPHYL. Notre-Seigneur, apparaissant pour la première fois au milieu
de ses disciples, calme l'agitation de leur âme par. le salut de paix
accoutumé, il leur. montre ainsi qu'il est ce même Maître
qui aimait à leur répéter cette parole de paix, qu'il leur
a tant recommandée lorsqu'il les envoya prêcher l'Évangile
: " Et il leur dit : La paix soit avec vous ; c'est moi, ne craignez point.
" - S. GREG. DE NAZIANZE. (disc. 14 sur la paix.) Rougissons de renoncer
si facilement à ce don de la paix, que Jésus-Christ nous a laissé
en quittant la terre. La paix, cette chose et ce nom si doux, a Dieu pour auteur,
selon ces paroles : " La paix de Dieu, " (Ph 4) et elle est aussi
le principal attribut de Dieu, selon ces autres paroles de saint Paul : "
Il est lui-même notre paix. " La paix est un bien dont tout le monde
fait l'éloge, mais que très-peu de personnes savent conserver.
Quelle en est la cause ? Peut-être l'ambition du pouvoir et des richesses,
l'envie, la haine ou le mépris du prochain, ou quelqu'autre vice de ce
genre où fait tomber l'ignorance de Dieu. En effet, le principe est la
source de la paix, c'est Dieu qui établit l'union en toutes choses, et
dont l'attribut principal est l'unité de nature et une pacifique immutabilité.
Cette paix se communique aux anges et aux puissances célestes qui sont
en paix avec Dieu et entre elles ; elle se répand sur toutes les créatures,
dont la beauté consiste dans la tranquillité ; enfin elle demeure
dans notre âme par l'amour et la pratique des vertus, et dans notre corps,
par la juste proportion qui règne dans nos membres, et l'équilibre
des éléments dont il est composé ; la première de
ces choses constitue la beauté de nos corps, et l'autre la santé.
BEDE. Les disciples qui avaient vécu si longtemps avec Jésus-Christ,
ne doutaient point qu'il fût véritablement homme ; mais lorsqu'il
fut mort, ils ne croyaient pas qu'il pût ressusciter avec un corps véritable.
Aussi croient-ils voir l'esprit qu'il avait rendu au moment de sa mort Sur la
croix : " Dans leur trouble et leur saisissement, ils croyaient voir un
esprit. " Cette erreur des Apôtres est devenue celle des Manichéens.
- S. AMBR. Nous ne pouvons concevoir que saint Pierre et saint Jean aient pu
douter de la résurrection après les faits prodigieux dont ils
avaient été les témoins. Pourquoi donc saint Luc nous dit-il
qu'ils furent troublés ? premièrement, parce qu'il confond leurs
sentiments particuliers avec ceux du plus grand nombre ; secondement, parce
que Pierre, tout certain qu'il était de la résurrection du Sauveur,
a pu néanmoins être troublé, en le voyant tout à
coup traverser avec son corps les portes qui étaient fermées.
- THEOPHYL. Le salut de paix que Jésus adresse à ses disciples,
n'ayant pu calmer l'agitation de leur âme, il leur prouve d'une autre
manière qu'il est le Fils de Dieu qui pénètre le secret
des coeurs : " Et il leur dit : Pourquoi vous troublez-vous, et pourquoi
ces pensées s'élèvent-elles dans vos coeurs ? " -
BEDE. Quelles pouvaient être ces pensées ? des pensées fausses
et dangereuses ; car Jésus-Christ eût perdu tout le fruit de sa
passion, s'il n'était vraiment ressuscité. Il est semblable ici
à un laboureur habile qui dirait : Je dois trouver ce que j'ai planté
(c'est-à-dire la foi qui. descend dans le coeur, parce qu'elle vient
du ciel) ; or, ces pensées ne sont point descendues du ciel, mais elles
sont montées de la terre dans le coeur, comme de mauvaises herbes. -
S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) La preuve la plus évidente qu'il était
vraiment celui qu'ils avaient vu mort sur la croix et déposé dans
le sépulcre, c'est qu'aucune des pensées du coeur de l'homme ne
lui était cachée.
S. AMBR. Examinons maintenant comment d'après saint Jean, les Apôtres
crurent et furent dans la joie, tandis que d'après saint Luc, le Sauveur
leur reproche leur incrédulité. Saint Jean, en sa qualité
d'apôtre, me parait n'avoir voulu traiter que les vérités
les plus importantes et les plus élevées, tandis que saint Luc
suit les évènements en se maintenant dans une sphère plus
rapprochée de nous ; l'un s'est attaché à l'ordre historique,
l'autre a voulu abréger. On ne peut douter de la véracité
du témoignage de celui qui raconte ce qu'il a vu de ses yeux. La conclusion
est donc que le récit des deux Évangélistes est vrai, car
bien que saint Luc fasse observer qu'ils ne crurent point tout d'abord, il déclare
positivement qu'ils finirent par croire.
S. CYR. Notre-Seigneur, voulant démontrer à ses Apôtres
qu'il a triomphé de la mort, et que la nature humaine du Christ est désormais
affranchie de la corruption, leur montre ses mains, ses pieds et les trous des
clous : " Voyez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est bien
moi. " - THEOPHYL. Il fait plus encore, il leur donne à toucher
ses pieds et ses mains en leur disant : " Touchez et voyez, un esprit n'a
ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai, " c'est-à-dire : Vous
me prenez pour un esprit, ou un de ces fantômes qu'on voit souvent errer
autour des tombeaux, mais sachez qu'un esprit n'a ni chair ni os, tandis que
j'ai une chair et des os. - S. AMBR. Notre-Seigneur s'exprime de la sorte pour
nous donner une image de la résurrection ; en effet, ce qui peut se toucher,
est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps,
la seule différence est qu'il sera subtil, tandis qu'il est maintenant
épais et grossier, parce qu'il est composé d'éléments
infirmes et terrestres. Ce n'est donc point en vertu de sa nature incorporelle
et divine, mais par suite des propriétés de son corps ressuscité,
que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle,
les portes demeurant fermées. - S. GREG. (Moral., 14, 29.) Lorsque notre
corps aura part à la gloire de la résurrection, il ne sera pas
impalpable, ni plus subtil et plus délié que le vent ou l'air
(comme le prétend Eutychius) ; mais il sera tout à la fois subtil
en vertu de sa nouvelle puissance spirituelle, et palpable par une conséquence
de la nature corporelle.
" Ayant ainsi parlé, il leur montra ses mains et ses pieds. "
- BEDE. Ses mains et ses pieds qui avaient conservé la trace des clous
qui les avaient transpercés. D'après saint Jean, il leur montra
aussi son côté que le fer de la lance avait ouvert, afin que la
vue des cicatrices de ses plaies guérît la blessure de leurs doutes.
Les infidèles soulèvent ici une difficulté, et accusent
le Seigneur de n'avoir pu guérir les blessures qui lui ont été
faites. Nous leur répondons qu'il n'est pas logique d'admettre que celui
qui a fait évidemment des miracles beaucoup plus grands n'ait pu en faire
de moindres. C'est donc par un dessein plein de miséricorde, que celui
qui a triomphé de la mort n'a point voulu détruire les signes
que la mort avait imprimés sur son corps : premièrement pour rendre
plus ferme dans ses disciples la foi à sa résurrection ; secondement,
afin qu'en intercédant pour nous près de son Père, il pût
lui montrer toujours le genre de mort qu'il avait souffert pour le salut des
hommes ; troisièmement, pour rappeler à ceux qu'il a rachetés
par sa mort, quels secours miséricordieux il leur aménagés
en leur mettant sous les yeux les signes visibles de sa mort ; quatrièmement
enfin, pour faire comprendre aux impies, au jour du jugement, la justice de
leur condamnation.
vv. 41-44.
S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) Notre-Seigneur avait montré à
ses disciples ses mains et ses pieds pour leur certifier que le corps qui avait
souffert était le même qui était ressuscité. Pour
leur rendre cette vérité plus certaine encore, il demande quelque
chose à manger : " Mais comme ils hésitaient encore à
croire, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? " -
S. GREG. DE NYSSE. (disc. 1 sur la résurr.) La loi prescrivait qu'on
mangeât la pâque avec des laitues amères, parce que c'était
encore le temps de l'amertume, mais après la résurrection, cette
amertume est adoucie par un rayon de miel : " Et ils lui présentèrent
un morceau de poisson rôti, et un rayon de miel. "
BEDE. C'est donc pour démontrer la vérité de sa résurrection,
qu'il daigne non seulement se laisser toucher par ses disciples, mais manger
avec eux, il détruit ainsi dans leur esprit la pensée que le corps
qui leur apparaissait n'était pas réel, mais imaginaire : "
Lorsqu'il eut mangé devant eux, prenant ce qui restait, il le leur donnai
" Manger pour lui est un acte de puissance et non une nécessité
; en effet, la terre altérée et le soleil brûlant n'absorbent
point l'eau de la même manière, la terre le fait par indigence,
le soleil par puissance. - CH. DES PER. GR.) Mais, dira-t-on, si nous accordons
que le Seigneur ait véritablement mangé, il faut admettre aussi
qu'après la résurrection les hommes auront également besoin
des aliments comme soutien de leur existence. Nous répondons que les
actions que le Sauveur a faites dans une pensée de miséricorde
ne sont ni une règle générale ni une loi établies
par la nature, en vertu de sa conduite particulière dans certains cas.
Ainsi il ressuscitera nos corps sans aucun défaut, et dans un état
de perfection et d'incorruptibilité entières, bien qu'il ait voulu
conserver dans son corps ressuscité les trous dont les clous ont percé
ses pieds et ses mains, et la cicatrice de son côté, pour montrer
qu'après sa résurrection il a conservé à son corps
la même nature et ne l'a point changé en une autre substance. -
BEDE. Si donc il a mangé après sa résurrection, ce n'est
ni qu'il eût besoin de nourriture, ni pour figurer qu'après la
résurrection qui fait l'objet de notre espérance, nous aurons
encore besoin d'aliments, mais pour établir ainsi la vérité
de sa résurrection.
Dans le sens figuré, ce poisson grillé représente Jésus-Christ
dans sa passion, il a daigné, en effet, vivre caché dans lés,
eaux du genre humain, il s'est laissé prendre dans les filets de notre
mort, il a été comme brûlé par la tribulation au
temps de sa passion, mais il est devenu pour nous un rayon de miel après
sa résurrection. Ce rayon de miel représente la double nature
de sa personne, car le rayon de miel repose dans la cire, et ce miel dans la
cire, c'est la divinité dans l'humanité.
THEOPHYL. Ces aliments ont encore une autre signification mystérieuse.
En mangeant un morceau de ce poisson grillé, il veut nous représenter
qu'il a purifié par le feu de sa divinité notre nature qui nageait
dans la mer de cette vie ; qu'il a desséché l'humidité
qu'elle avait contractée au milieu de ces eaux profondes et qu'il en
a fait ainsi une nourriture divine, et que d'un aliment abominable, elle est
devenue une nourriture des plus agréables à Dieu, ce que figure
le rayon de miel. Ou encore, le poisson grillé est la figure de la vie
active qui consume notre humidité par le feu du travail, tandis que la
contemplation se trouve représentée par le rayon de miel à
cause de la douceur ineffable de la parole de Dieu.
BEDE. Après qu'il s'est laissé voir et toucher et qu'il a mangé
avec ses disciples ; pour achever de montrer qu'il ne veut faire illusion à
aucun de nos sens, Notre-Seigneur apporte en preuve les Écritures : "
Puis il leur dit : C'est là ce que je vous ai dit, étant encore
avec vous, " c'est-à-dire, lorsque j'étais revêtu de
la chair mortelle dont vous êtes revêtu vous-même. C'était
encore la même chair qui était ressuscitée, mais elle n'était
plus comme celle des Apôtres, soumise à la mortalité. Le
Sauveur ajoute : " Il fallait que tout ce qui est écrit de moi dans
la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes s'accomplit.
" - S. AUG. (De l'accord des Evang., 1, 11.) Qu'ils méditent ces
paroles ceux qui poussent la folie jusqu'à oser dire que c'est par là
magie qu'il a opéré tant de merveilles, et par son habileté
qu'il a divinisé son nom aux yeux des peuples pour les convertir à
Son culte. Est-ce grâce à la magie qu'il a pu accomplir les prophéties
que l'Esprit saint avait inspirées bien avant sa naissance ? Car si c'est
par des opérations magiques qu'il s'est fait adorer après sa mort,
il était donc magicien avant sa naissance, puisqu'un peuple tout entier
a été suscité de Dieu pour prophétiser sa venue.
vv. 45-49.
BEDE. Notre-Seigneur s'est fait voir aux yeux et toucher par les mains de ses
disciples, il vient de leur rappeler les témoignages des saintes Écritures,
il ne lui restait plus que de leur en découvrir le véritable sens
: " Alors il leur ouvrit l'esprit pour leur faire comprendre les Écritures.
" - THEOPHYL. Autrement, comment leur âme troublée et chancelante
aurait-elle pu s'appliquer à l'étude des mystères de Jésus-Christ
? il y ajoute encore l'enseignement de sa divine parole : " Il leur dit
: Il est ainsi écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrît,
" c'est-à-dire, le supplice de la croix.
BEDE. Jésus-Christ aurait perdu tout le fruit de sa résurrection,
s'il ne fût véritablement ressuscité. Aussi ajoute-t-il
: " Et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour.
" Après avoir établi la vérité de son corps,
il veut aussi établir l'unité de son Église : " Et
qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission
des péchés dans toutes les nations. " - EUSEBE. Dieu lui
avait en effet : " Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage.
" (Ps 2.) Il était nécessaire, en effet, que ceux des Gentils
qui se convertiraient à lui, fussent purifiés par sa vertu de
toutes les taches et de toutes les souillures contractées au milieu des
erreurs diaboliques de l'idolâtrie et des abominations d'une vie d'impudicité.
Voilà pourquoi il ajoute : " Il fallait qu'on prêchât
en son nom la pénitence et la rémission des péchés
dans toutes les nations ; " car tous ceux qui témoignent un véritable
repentir, reçoivent de sa grâce et de sa miséricorde le
pardon des iniquités pour l'expiation desquelles il a voulu souffrir
la mort.
THEOPHYL. L'idée du baptême dans lequel on obtient le pardon de
ses péchés en renonçant aux crimes de la vie passée
se trouve renfermée dans ces paroles : " Qu'on prêchât
en son nom la pénitence et la rémission des péchés.
" Mais comment entendre que le baptême doit être donné
au seul nom de Jésus-Christ, lorsque lui-même commande ailleurs
de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ? Nous répondons
premièrement que ces paroles ne veulent point dire que le baptême
ne doive être donné qu'au nom de Jésus-Christ, mais qu'il
faut recevoir le baptême de Jésus-Christ, c'est-à-dire un
baptême spirituel tout différent du baptême des Juifs, un
baptême qui ne soit plus comme celui de Jean, un baptême de simple
pénitence, mais une véritable participation de l'Esprit saint,
comme il arriva au baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain, alors
qu'on vit l'Esprit saint descendre sur sa tête sous la forme d'une colombe.
Etre baptisé au nom de Jésus-Christ, c'est donc être baptisé
en la mort de Jésus-Christ. En effet, de même qu'il est ressuscité
trois jours après sa mort, de même nous sommes plongés trois
fois dans l'eau, et nous en sortons en recevant les arrhes de l'esprit d'incorruptibilité.
Ajoutons que le nom de Jésus-Christ comprend en lui-même, et le
Père qui donne l'onction, et le Saint-Esprit qui est l'onction même,
et le Fils qui a reçu cette onction dans sa nature humaine). Le genre
humain ne devait plus être divisé en deux peuples, les Juifs et
les Gentils, et c'est pour réunir tous les hommes en un seul peuple,
qu'il ordonne à ses Apôtres de commencer la prédication
par Jérusalem, et de la terminer par les nations : " Dans toutes
les nations, en commençant par Jérusalem. " - BEDE. La raison
de ce précepte n'est pas seulement parce que c'est aux Juifs que les
oracles de Dieu ont été confiés (Rm 3, 2) ; et qu'à
eux appartient l'adoption des enfants, et la gloire et l'alliance (Rm 9, 4)
; mais parce que Dieu veut que les Gentils, plongés dans tant d'erreurs
différentes, conçoivent une vive espérance d'obtenir leur
pardon, en voyant la divine miséricorde l'accorder à ceux mêmes
qui ont crucifié le Fils de Dieu. - S. CHRYS. Il voulait aussi prévenir
le reproche que l'on pourrait faire aux Apôtres, d'avoir négligé
leurs concitoyens pour aller se produire avec ostentation chez les étrangers
; c'est donc devant les bourreaux eux-mêmes du Sauveur, qu'ils exposent
les preuves de la résurrection, et dans cette même ville où
s'est accompli cet audacieux forfait ; or quelle preuve plus éclatante
de la résurrection de Jésus-Christ, que la conversion et la foi
de ceux mêmes qui l'ont crucifié ?
EUSEBE.
Or, si les prédictions que Jésus-Christ a faites, ont déjà
leur accomplissement, et si la foi du monde entier reconnaît la puissance
et l'efficacité de sa parole, il est temps désormais de croire
à l'auteur de cette parole, et de reconnaître aussi qu'il doit
nécessairement être Dieu, puisque les oeuvres divines qu'il opère
sont conformes à ses divins enseignements. C'est ce qui s'est accompli
par le ministère des Apôtres : " Pour vous, vous êtes
témoins de ces choses " etc., c'est-à-dire, de ma mort et
de ma résurrection. - THEOPHYL. Mais comment, pouvaient se demander les
Apôtres, dans le trouble de leur âme, comment, nous qui sommes des
hommes ignorants, pourrons-nous rendre ce témoignage devant les Gentils
et devant les Juifs qui vous ont mis à mort. Notre-Seigneur prévient
cette difficulté : " Je vous enverrai, leur dit-il, le don promis
par mon Père, " etc., celui que Dieu avait promis en ces termes
par le prophète Joël : " Je répandrai mon esprit sur
toute chair, " etc. (Jl 2, 18.)
S. CHRYS. (hom. 4 sur les Actes.) De même qu'un général
ne laisse point ses soldats marcher contre de nombreux ennemis, qu'ils ne soient
parfaitement armés ; ainsi le Sauveur ne permet pas à ses disciples
d'affronter les combats avant la descente de l'Esprit saint : " Vous, tenez-vous
eu repos dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la
force d'en haut. " - THEOPHYL. C'est-à-dire, d'une force qui n'a
rien d'humain et qui est toute céleste. Et il ne dit pas : Jusqu'à
ce que vous receviez, mais : " Jusqu'à ce que vous soyez revêtus,
" pour signifier la protection toute-puissante dont les couvrira l'Esprit
saint. - BEDE. C'est de cette vertu céleste, c'est-à-dire, de
l'Esprit saint, que l'ange dit à Marie : " La vertu du Très-Haut
vous couvrira de son ombre ; " (Lc 1) et que le Seigneur lui-même
dit ailleurs : " J'ai senti qu'une vertu était sortie de moi. "
(Lc 8.)
S. CHRYS. Mais pourquoi l'Esprit saint ne descendit-il pas sur les Apôtres
pendant que le Sauveur était encore sur la terre ou aussitôt qu'il
l'eût quittée ? Il voulait leur faire désirer ardemment
cette grâce, avant de la leur accorder, car c'est lorsque la nécessité
nous presse que nous nous empressons de recourir à Dieu. Il fallait auparavant
que notre nature fit son entrée dans le ciel, et que notre alliance avec
Dieu fût consommée. C'est alors que l'Esprit saint devait descendre
et répandre dans notre âme une joie pure et sans mélange.
Remarquez aussi l'obligation expresse qu'il leur impose de demeurer à
Jérusalem, parce que c'est là qu'ils recevront l'Esprit saint
qu'il leur a promis, et comment il les enchaîne par cette bienheureuse
attente, qui les empêche de prendre de nouveau la fuite après sa
résurrection. Il leur dit : " Jusqu'à ce que vous soyez revêtus
de la force d'en haut. " Il ne précise pas le moment pour les tenir
dans une constante vigilance. Qu'y a-t-il donc d'étonnant qu'il ne nous
ait pas fait connaître le dernier jour, puisqu'il n'a pas voulu indiquer
à ses Apôtres le jour qui était si proche ?
S. GRÉG. (Past., part. 3, chap. 26.) Il faut donner de sévères
avertissements à ceux que leur âge ou leurs imperfections devraient
éloigner du ministère de la prédication, et qui s'y jettent
cependant avec présomption ; car en usurpant avec autant de témérité
un ministère aussi sublime et aussi redoutable, ils se ferment la voie
à tout progrès dans la vertu. Voyez la Vérité elle-même
qui pouvait en un instant donner à ses Apôtres la force qui leur
manquait, qui leur avait donné les instructions les plus complètes
sur l'objet de leurs prédications, leur commande cependant de se tenir
en repos dans la ville, jusqu'à ce qu'ils soient revêtus de la
force d'en haut, exemple qu'elle voulait donner à tous les siècles
suivants, et qui devait détourner les âmes imparfaites de se charger
témérairement du ministère de la prédication. Or,
nous nous tenons en repos dans la ville, lorsque nous nous renfermons dans l'intérieur
de notre âme, évitant de nous répandre dans les conversations
extérieures, et attendant que nous soyons pleinement revêtus de
la force divine, avant de sortir de nous-mêmes pour instruire les autres.
S. AMBR. Mais comment se fait-il que d'après saint Jean (Jn 20, 23),
les Apôtres avaient déjà reçu alors l'Esprit saint,
tandis qu'ici nous voyons le Sauveur leur commander de demeurer dans la ville,
jusqu'à ce qu'ils soient revêtus de la force d'en haut ? Peut-être
soufflait-il d'abord sur les onze Apôtres pour leur donner l'Esprit Saint,
comme étant plus parfaits, et promet-il ici de le donner ensuite aux
autres. Ou bien, c'est aux mêmes qu'il le donne d'un côté
et qu'il le promet de l'autre. Et il n'y a en cela aucune contradiction, puisque
les grâces sont différentes ; ainsi le Sauveur donne, d'après
saint Jean, la grâce d'une opération divine, et en promet une autre
d'après saint Luc. En effet, la première fois il donne à
ses Apôtres le pouvoir de remettre les. péchés (pouvoir
qui est moins étendu), et Jésus-Christ le leur donne en soufflant
sur eux, afin que vous croyiez que l'Esprit saint est l'esprit de Jésus-Christ,
et que c'est le même que l'esprit de Dieu, car Dieu seul peut remettre
les péchés. Saint Luc, au contraire, veut parler du don des langues
que l'Esprit saint communiqua aux Apôtres. - S. CYR. Ou encore, il leur
dit d'abord : " Recevez l'Esprit saint, afin de les préparer à
le recevoir ; ou il parle au présent de ce qui ne devait arriver que
plus tard. - S. AUG. (de la Trin., 15, 26.) Ou encore, le Seigneur adonné
deux fois l'Esprit saint à ses Apôtres après sa résurrection,
la première fois sur la terre pour leur inspirer l'amour du prochain,
et la seconde du haut du ciel pour allumer dans leurs coeurs l'amour de Dieu.
vv. 50-53.
BEDE. Saint Luc ne dit rien absolument de tout ce qui se passa entre le Seigneur
et les Apôtres pendant quarante-trois jours, et il joint sans intermédiaire
au premier jour de la résurrection le dernier où Jésus
quitta la terre pour remonter au ciel : " Ensuite il les emmena hors de
la ville jusqu'à Béthanie. " Ce fut d'abord à cause
du nom de ce village qui signifie maison d'obéissance, car celui qui
est descendu sur la terre pour expier la désobéissance des méchants,
est remonté aux cieux pour récompenser l'obéissance des
bons. Ce fut encore à cause de la position de ce village, situé
sur le versant de la montagne des Oliviers, parce qu'en effet., la maison, de
l'Église, modèle d'obéissance, a placé sur le versant
de la montagne céleste, c'est-à-dire de Jésus-Christ, les
fondements de sa foi, de son espérance et de sa charité. Le Sauveur
bénit ensuite ceux à qui il venait de confier la mission d'instruire
: " Et ayant élevé les mains, il les bénit. "
- THEOPHYL. Peut-être, répandit-il en ce moment sur eux une vertu
protectrice qui les conservât jusqu'à la venue de l'Esprit saint.
Peut-être aussi a-t-il voulu nous enseigner à bénir ceux
qui nous sont soumis et à les recommander à Dieu par nos bénédictions,
toutes les fois que nous nous séparons d'eux.
ORIG. Il
les bénit en levant les mains, pour apprendre à celui qui est
appelé à bénir les autres, qu'il doit être orné
de toutes les vertus les plus éminentes et de la pratique des oeuvres
les plus parfaites, c'est ainsi que nous élevons nos mains en haut.
S. CHRYS. Remarquez encore comment Jésus-Christ place sous nos yeux les
récompenses qu'il nous a promises. Il nous a promis la résurrection
des corps, il ressuscite le premier d'entre les morts, et donne des preuves
certaines de sa résurrection en demeurant quarante jours avec ses disciples.
Il nous a promis que nous serions emportés dans les airs sur les nuées,
et il confirme cette promesse par ses actes : " Et en les bénissant,
il se sépara d'eux, et il s'éleva vers le ciel. " - THEOPHYL.
Elle avait paru être transporté dans le ciel, " mais le Sauveur
est le premier qui entre véritablement dans le ciel comme le précurseur
de tous les hommes pour se présenter devant Dieu avec son corps sacré
; et dès lors, notre nature dans la personne de Jésus-Christ,
reçut les hommages de toutes les vertus angéliques.
S. CHRYS. Mais, direz-vous, que m'importe à moi l'ascension du Sauveur
? Vous ne savez donc pas que vous serez un jour pareillement enlevé dans
les nues, car votre corps est de la même nature-que le corps de Jésus-Christ
? Il sera donc doué de la même agilité pour traverser les
airs, car le corps aura le même sort que la tête, et tel principe
telle fin. Or, voyez quels honneurs vous avez reçu dans ce principe.
L'homme était la dernière des créatures raisonnables, mais.
voici que les pieds sont devenus comme la tête, et ils sont élevés
dans leur chef sur un trône d'une magnificence royale.
BEDE. Pendant que le Seigneur s'élevait vers le ciel, les disciples adorèrent
la dernière trace de ses pas, puis retournèrent immédiatement
à Jérusalem, où Jésus leur avait commandé
d'attendre la promesse du Père : " Et eux, l'ayant adoré,
retournèrent à Jérusalem avec une grande joie, " etc.
Ils sont remplis d'une grande joie, parce qu'ils ont eu le bonheur de voir le
Seigneur et leur Dieu remonter dans les cieux après le triomphe de sa
résurrection. - CH. DES PER. GRECS. Or, ils passaient leurs journées
dans les veilles, dans les prières, dans les jeûnes ; ils ne restent
point chacun dans leurs maisons particulières, mais ils demeurent dans
le temple, attendant la grâce qui doit descendre des cieux, et s'exerçant
à la piété et à la vertu dans ce lieu si propre
à inspirer l'une et l'autre : " Et ils étaient toujours dans
le temple. " - THEOPHYL. Ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit
saint, et déjà leur vie était toute spirituelle. Auparavant
ils n'osaient sortir de leur retraite ; maintenant ils sont dans le temple,
au milieu des princes des prêtres ; ils ne sont distraits par aucune des
pensées de ce monde, et dans un saint mépris de toutes les choses
de la terre, ils ne cessent de louer Dieu : " Ils étaient toujours
dans le temple louant et bénissant Dieu. " - BEDE. Remarquez enfin
que parmi les quatre animaux symboliques (Ez 1 ; Ap 4), saint Luc est désigné
sous l'emblème du taureau, qui était la victime prescrite pour
la consécration des prêtres (Ex 29), parce qu'il a eu pour but
d'exposer plus au long que les autres le sacerdoce de Jésus-Christ, et
qu'après avoir commencé son Évangile par le récit
des fonctions sacerdotales que Zacharie exerçait dans le temple, il le
termine en rapportant les pratiques de religion auxquelles les Apôtres
se livraient aussi dans le temple. Il nous montre ces futurs ministres du sacerdoce
nouveau qui ne verse plus le sang des victimes, mais ne cesse de louer et de
bénir Dieu, et c'est dans le lieu même de la prière et au
milieu des pieux exercices de la religion, qu'ils préparent leurs coeurs
à recevoir l'Esprit saint qui leur a été promis. - THEOPHYL.
Imitons-les nous-mêmes par une vie toujours sainte, consacrée aussi
à bénir et à louer Dieu, à qui appartient la gloire,
la bénédiction et la puissance dans tous les siècles. Ainsi
soit-il.