CATANA AUREA SUR SAINT LUC
ÉVANGILE DE SAINT LUC PAR SAINT THOMAS
SAINT THOMAS D'AQUIN CATENA AUREA SUR SAINT LUC
CHAPITRE IV
vv. 1-4.
THEOPHYL. Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être tenté
après son baptême, pour nous apprendre qu'après notre baptême
nous devons nous attendre à la tentation : " Jésus, plein
de l'Esprit saint, revint des bords du Jourdain, " etc. - S. CYR. Bien
longtemps auparavant Dieu avait dit : " Mon Esprit ne demeurera pas dans
ces hommes, parce qu'ils ne sont que chair ; mais aussitôt que nous sommes
enrichis de la régénération par l'eau et par l'Esprit,
nous sommes devenus par l'infusion de l'Esprit saint, participants de la nature
divine. Or celui qui est le premier né d'un grand nombre de frères,
a reçu le premier l'Esprit saint qu'il communique lui-même aux
autres, afin que la grâce de l'Esprit saint pût arriver par lui
jusqu'à nous. - ORIG. (hom. 29.) Lorsque vous voyez que Jésus
est plein de l'Esprit saint, et que vous lisez dans les Actes, que les Apôtres
furent remplis de l'Esprit saint, gardez-vous de penser que les Apôtres
ont reçu l'Esprit saint dans la même mesure que le Sauveur. En
effet, lorsque vous dites : Ces vases sont pleins de vin ou d'huile, vous ne
voulez pas toujours dire qu'ils en contiennent la même quantité
; de même aussi Jésus et Paul étaient pleins de l'Esprit
saint, mais le vase de Paul était beaucoup plus petit que celui de Jésus,
et cependant chacun de ces vases était rempli suivant sa capacité.
Or, le Sauveur, après avoir été baptisé et rempli
de l'Esprit saint, qui était descendu des cieux sur sa tête sous
la forme d'une colombe, était conduit par l'Esprit, car tous ceux qui
sont poussés par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu (Rm 8), mais
Jésus était le Fils propre de Dieu, d'une manière bien
plus excellente que tous les autres. -BEDE. Afin que personne ne pût douter
quel était cet Esprit qui, au récit des Évangélistes,
avait conduit Jésus dans le désert ; saint Luc dit en termes exprès
: " Il était poussé par l'Esprit dans le désert pendant
quarante jours. " Il n'est donc pas possible de supposer que l'esprit immonde
ait pu avoir quelque autorité sur celui qui, rempli de l'Esprit saint,
agissait en tout d'après sa propre volonté. - CH. DES PER. GR.
(Sev. d'Ant.) Mais comment le Sauveur a-t-il été comme entraîné
malgré lui, alors que nous-mêmes agissons en tout dans la plénitude
de notre libre arbitre ? Il faut donc entendre ces paroles : " Il était
poussé par l'Esprit " dans ce sens, que c'est volontairement qu'il
a embrassé cette vie de solitude spirituelle pour donner lieu au démon
de le tenter. - S. BAS. (Ch. des Pèr. gr.) Il ne provoque point l'ennemi
en le défiant par ses paroles, mais en l'excitant par cette démarche,
car le démon se plaît dans le désert et ne peut supporter
les villes, où l'union des habitants est pour lui un sujet de tristesse.
S. AMBR. Jésus était donc poussé dans le désert
tout à la fois, par un conseil divin pour provoquer le démon au
combat, car si le démon ne l'eût point attaqué, le Sauveur
n'en eût point triomphé dans notre intérêt ; pour
accomplir un mystère, c'est-à-dire, pour délivrer de l'exil
cet Adam qui avait été chassé du paradis dans le désert
; enfin pour nous apprendre par son exemple que le démon voit avec un
oeil d'envie ceux qui tendent à une vie plus parfaite, et que nous devons
alors nous tenir sur nos gardes, pour ne pas nous exposer à perdre par
la faiblesse de notre âme la grâce du sacrement que nous avons reçu
: " Et il fut tenté par le démon. " - S. CYR. Le voilà
descendu au rang des combattants, celui qui comme Dieu ordonne et règle
les combats ; le voilà parmi ceux qui sont couronnés, celui qui
place la couronne sur le front des saints. - S. GREG. (Moral., 3, 11) Cependant
l'ennemi de notre salut ne put ébranler par la tentation l'âme
du médiateur de Dieu et des hommes ; il a daigné se soumettre
extérieurement à la tentation, mais en même temps son âme
demeurait intérieurement unie à la divinité sans que rien
pût l'en séparer. - ORIG. (hom. 29.) Jésus fut tenté
pendant quarante jours, et nous ne savons quelles furent ces tentations, car
peut-être les Évangélistes n'en disent rien, parce qu'elles
étaient trop fortes pour être décrites. - S. BAS. Ou bien
encore, on peut dire que le Seigneur fut quarante jours sans être tenté,
car le démon voyant qu'il jeûnait sans éprouver le besoin
de la faim, n'osait s'approcher de lui : " Et il ne mangea rien pendant
ces Jours, " etc. Notre-Seigneur a voulu jeûner pour nous apprendre
que la tempérance est nécessaire à celui qui veut se préparer
aux combats des tentations. - S. AMBR. Trois choses donc concourent puissamment
au salut de l'homme, la grâce du sacrement, la solitude, le jeûne.
Nul n'est couronné s'il n'a combattu en se conformant aux lois du combat
(2 Tm 1, 5), et personne n'est admis aux combats de la vertu avant d'être
purifié des souillures de ses fautes et consacré par l'effusion
de la grâce céleste. - S. GREG. DE NAZ. (Disc. 40.) Le Sauveur
a jeûné quarante jours sans prendre aucune nourriture, car il était
Dieu ; mais pour nous, nous devons proportionner la pratique du jeûne
à nos forces, bien que le zèle persuade à quelques-uns
qu'ils peuvent aller bien au delà. - S. BAS. Cependant il ne faut point
macérer sa chair en la privant de nourriture, jusqu'à lui faire
perdre toute son énergie naturelle, oui jusqu'à réduire
l'esprit à une extrême langueur par suite de l'épuisement
complet du corps. Aussi Notre-Seigneur ne prolongea son jeûne de la sorte
qu'une seule fois, et dans tout le reste de sa vie il se conforma pour la direction
de son corps aux lois ordinaires de la nature, comme Moïse et Elie avaient
fait eux-mêmes. - S. CHRYS. (hom. 13.) Par un dessein plein de sagesse,
le Sauveur ne voulut point jeûner plus longtemps que n'avait fait Moïse
et Elie, pour ne point donner lieu de croire qu'il n'avait qu'un corps imaginaire
et fantastique, ou qu'il avait pris une nature supérieure à la
nôtre.
S. AMBR. (cf. Gn 7, 4.12 ; Dt 9, 9 ; 10, 10 ; Ex 16, 35 ; Nb 14, 33 ; Dt 8, 2 ; Jos 5, 6 ; Ac 7, 36) Vous reconnaissez ce nombre mystérieux de quarante jours, vous vous rappelez que les eaux du déluge tombèrent sur la terre pendant le même nombre de jours ; qu'après quarante jours sanctifiés par le jeûne, Dieu ramena la douceur d'un ciel plus serein ; que c'est après quarante jours de jeûne que Moïse fut jugé digne de recevoir la loi de la bouche de Dieu, et que pendant quarante années les patriarches furent nourris dans le désert du pain des anges. - S. AUG. (de l'accord des Evang., 2, 4.) Ce nombre quarante est le symbole de cette vie laborieuse, pendant laquelle, sous la conduite et le commandement de Jésus-Christ notre roi ; nous combattons contre le démon. Ce nombre, en effet, signifie la durée de la vie présente ; ainsi chaque année se divise en quatre parties égales ; de plus le nombre quarante contient quatre fois dix, et ces quatre dizaines forment quarante, multipliées par le chiffre qui part de l'unité pour aller jusqu'au nombre quatre. Nous voyons donc ici que le jeûne de quarante jours (où l'humiliation de l'âme) fut consacré sous la loi et les prophètes par Moïse et par Elie, et sous la loi de l'Évangile par le jeûne du Seigneur lui-même.
S. BAS. Mais comme il est au-dessus de la nature de l'homme d'éprouver le besoin de la faim, Notre-Seigneur se soumet à ce besoin qu'il sait n'être point un péché ; et il laisse, lorsque telle est sa volonté la nature humaine soumise aux lois de sa condition : " Et quand ces jours furent passés, il eut faim. " Cette faim n'est point chez lui l'effet d'une nécessité naturelle, mais il veut par là provoquer le démon au combat. En effet, le démon croyant que cette faim est l'indice nécessaire de sa faiblesse, entreprend de le tenter, et cherchant pour ainsi dire à inventer de nouveaux moyens de tentation, il conseille au Sauveur, qu'il voit souffrant de la faim, d'apaiser sa faim avec des pierres changées en pain : " Si vous êtes le Fils de Dieu, dites à cette pierre qu'elle devienne du pain. " - S. AMBR. Les trois tentations du Sauveur nous enseignent que le démon cherche surtout à blesser notre âme par les trois traits de la sensualité, de la vaine gloire et de l'ambition. Il commence par la tentation qui avait autrefois triomphé d'Adam. Apprenons donc à éviter la sensualité, à fuir l'impureté, car ce sont les traits dont le démon veut nous percer. Mais que veulent dire ces paroles : " Si vous êtes le Fils de Dieu ? " C'est que le démon savait bien que le Fils de Dieu devait venir sur la terre, mais qu'il ne croyait pas qu'il dût venir revêtu d'une chair passible et mortelle. Le démon cherche tout à la fois à savoir ce qu'est le Sauveur et à le tenter, il fait profession de croire à sa puissance comme Dieu, et en même temps il se joue de lui comme homme. - ORIG. (hom. 29.) Le père à qui son fils demande du pain ne lui donne pas une pierre, mais le démon qui est un ennemi artificieux et trompeur, donne une pierre pour du pain. - S. BAS. Il conseillait au Sauveur d'apaiser sa faim avec, des pierres, c'est-à-dire, de détourner le désir des aliments naturels sur des choses qui sont en dehors de toute condition alimentaire. - ORIG. Nous pouvons dire que jusqu'à ce jour le démon, en leur montrant une pierre, excite tous les hommes à dire : " Commandez à cette pierre qu'elle devienne du pain. " Quand vous voyez, en effet, les hérétiques manger au lieu de pain, le mensonge de leurs fausses doctrines, soyez certain que leurs discours sont cette pierre qui leur est montrée par le démon.
S. BAS. Notre-Seigneur Jésus-Christ, en repoussant les tentations, ne délivre pas la nature de la faim, comme si elle était une cause de mal, puisqu'elle a pour but, au contraire, la conservation de notre vie ; mais en maintenant la nature dans ses propres limites, il nous apprend quelle est sa nourriture : " Jésus lui répondit : L'homme ne vit pas seulement de pain, " etc. - THEOPHYL. C'est-à-dire, le pain n'est pas le seul aliment qui entretienne l'existence de l'homme, le Verbe de Dieu peut lui seul alimenter et nourrir tout le genre humain. C'est ainsi que le peuple d'Israël fut nourri pendant quarante ans de la manne qu'il recueillait (Ex 16, 15), et des oiseaux qui lui furent envoyés (Nb 11, 32) ; ainsi par l'ordre de Dieu, des corbeaux pourvurent miraculeusement à la nourriture d'Elie (3 R 17, 6) ; ainsi encore Elisée nourrît ses compagnons avec des herbes sauvages (4 R 4, 7). - S. CYR. Ou bien dans un autre sens, notre corps qui est d'origine terrestre, se nourrit d'aliments terrestres, mais l'âme raisonnable puise dans le Verbe divin la force nécessaire à la santé spirituelle. - S. GREG. DE NAZ. En effet, un aliment matériel ne peut devenir la nourriture d'une nature incorporelle. - S. GREG. DE NYSSE. (hom. 5 sur l'Ecclés.) La vertu ne se nourrit donc point de pain, et ce n'est pas la chair des animaux qui donne à l'âme la santé et l'embonpoint spirituel ; la vie surnaturelle se développe et s'accroît par d'autres aliments, sa nourriture c'est la tempérance, son pain c'est la sagesse, la justice est son mets le plus exquis, la fermeté sa boisson, son plaisir le goût de la vertu. - S. AMBR. Vous voyez de quelles armes se sert le Sauveur pour défendre l'homme contre les insinuations de l'esprit du mal qui lui suggère la tentation de la sensualité. Il n'use pas ici de sa puissance comme Dieu (quel avantage m'en reviendrait-il ?) mais il recherche comme homme le secours qui est à la portée de tous les hommes, et tout occupé de la nourriture des divins enseignements, il oublie la faim du corps, pour obtenir plus sûrement la nourriture de la parole divine. En effet, celui qui fait profession de suivre le Verbe ou la parole de Dieu, ne peut plus faire d'un pain matériel l'objet de ses désirs, car les choses divines sont infiniment au-dessus des choses de la terre. Ajoutons que par ces paroles : " L'homme ne vit pas seulement de pain. " Notre-Seigneur fait voir que son humanité seule a été soumise à la tentation, c'est-à-dire, ce qu'il avait pris de notre nature et non pas sa divinité.
vv. 5-8.
THEOPHYL. L'ennemi de notre salut avait d'abord tenté Jésus-Christ
par la sensualité, comme il avait autrefois tenté Adam, il le
tente en second lieu par la cupidité ou par l'avarice, en lui montrant
tous les royaumes du monde : " Et le démon le conduisit sur une
haute montagne, " etc. - S. GREG. (hom. 6 sur les Evang.) Qu'y a-t-il d'étonnant
que le Sauveur ait permis au démon de le conduire sur cette montagne,
lui qui a bien voulu être crucifié par les suppôts et les
ministres du démon ? - THEOPHYL. Mais comment le démon a-t-il
pu lui faire voir tous les royaumes du monde ? Il en est qui prétendent
que cette vision fut toute intérieure, mais mon avis est qu'elle fut
extérieure et fantastique. - TITE DE BOSTR. Ou bien le démon fit
de vive voix cette description du monde, et il le représenta à
la pensée du Sauveur, sous la forme d'une maison comme il le pensait.
- S. AMB. L'Évangéliste fait remarquer avec justesse que ce fut
en un instant qu'il montra tous les royaumes du monde, et il veut exprimer ainsi
la fragilité de cette puissance passagère, bien plus que le tableau
rapide que le démon fit passer sous les yeux du Sauveur, car toutes ces
choses passent en un moment, et souvent la gloire du siècle disparaît
avant qu'elle soit venue.
" Et il lui dit : Je vous donnerai toute cette puissance, " etc. -TITE DE BOSTR. Il faisait un double mensonge, car il ne possédait pas cette puissance, et il ne pouvait donner ce qu'il n'avait pas. En effet, la puissance du démon est nulle, et Dieu n'a laissé à cet ennemi que le triste pouvoir de nous faire la guerre. - S. AMBR. Il est dit ailleurs : " Toute puissance vient de Dieu, " c'est donc à Dieu qu'il appartient de donner, de régler la puissance, mais c'est du démon que vient l'ambition du pouvoir ; ce n'est pas le pouvoir qui est mauvais, c'est l'usage condamnable qu'on en fait. Quoi donc ! Est-ce un bien que d'exercer le pouvoir ? que de rechercher les honneurs ? C'est un bien d'exercer le pouvoir lorsqu'on vous le défère, mais non lorsque vous l'usurpez. Et encore faut-il distinguer soigneusement ce bien, car il y a un bien relatif dons ce monde, et il y a un bien absolu qui consiste dans la perfection de la vertu. C'est ainsi qu'il est bien de chercher Dieu et de ne se laisser détourner par aucune préoccupation du soin assidu de connaître la Divinité. Or, si celui qui cherche Dieu est bien souvent tenté par suite de la fragilité de sa choir et de la faiblesse de son esprit, combien plus celui qui est tout entier dans la recherche des honneurs du monde. Le Sauveur nous apprend donc ici à mépriser l'ambition, comme étant soumise à la puissance du démon. D'ailleurs la faveur publique a ses périls qui lui sont propres ; pour dominer les autres, il faut d'abord se faire leur esclave, il faut se courber servilement sous la volonté des autres pour en obtenir les honneurs qu'on désire, et tandis qu'on veut s'élever au-dessus de tous, on s'abaisse et on s'avilit sous les dehors d'une humilité mensongère. Aussi écoutez le démon : " Si donc vous voulez m'adorer, " etc. - S. CYRIL. Comment toi, dont le sort est de brûler dans un feu qui ne s'éteint pas, oses-tu promettre au Seigneur de toutes choses ce qui lui appartient ? Quoi ! tu as espéré avoir pour adorateur celui dont la crainte fait trembler tout ce qui existe ! - ORIG. (hom. 30.) On peut encore expliquer ces paroles dans un sens tout différent. Deux rois veulent régner ici-bas à l'envi l'un de l'autre, le roi du péché, le démon veut régner sur les pécheurs ; le roi de la justice, Jésus-Christ sur les justes. Or le démon, sachant bien que le Christ venait détruire son royaume, lui fait voir tous les royaumes du monde, non pas le royaume des Perses et des Mèdes, mais son royaume à lui, comment il règne sur le monde, c'est-à-dire, comment il règne sur les uns par la fornication, sur les autres par l'avarice, et il lui fait voir en un instant, c'est-à-dire, dans la durée du temps présent, ce qu'il obtient en un instant en face de l'éternité. Le Sauveur n'avait pas besoin qu'il lui mît devant les yeux un plus long tableau des choses du monde ; aussitôt qu'il eut ouvert les yeux pour regarder, il vit d'un seul coup d'oeil le règne du péché et l'esclavage de ceux qui étaient soumis à la domination des vices. Le démon lui tient donc ce langage : " Vous êtes venu pour me disputer l'empire, adorez-moi, et je vous donne le royaume qui est en ma possession. Mais le Seigneur veut régner, il est vrai, mais comme étant la justice, c'est-à-dire qu'il veut régner sans péché ; il veut que les nations lui soient soumises, pour qu'il les place sous l'empire de la vérité, et il ne veut pas de ce règne qui le soumettrait lui-même à l'empire du démon : " Et Jésus lui répondit : Il est écrit : Vous adorerez le Seigneur votre Dieu, " etc. - BEDE. Le démon fait au Sauveur cette proposition : " Si vous consentez à vous prosterner et à m'adorer, " et il apprend de sa bouche, au contraire, que lui-même doit plutôt l'adorer comme son Seigneur et son Dieu. - S. CYR. (Très.) Mais pourquoi, si, comme le veulent les hérétiques, il est fils de la créature, doit-il être adoré ? Ou est le crime de ceux qui adorent la créature au lieu du Créateur, si nous-mêmes nous adorons comme Dieu le Fils qui n'est d'après eux qu'une simple créature ? - ORIG. Ou bien dans un autre sens : Je veux que tous les hommes me soient soumis, afin qu'ils adorent le Seigneur leur Dieu, et ne servent que lui seul ; et tu veux que je commence par donner l'exemple de la prévarication, moi qui suis venu pour détruire le péché ? - S. CYR. (Ch. des Pèr. gr.) Cette parole pénétra le démon jusqu'au fond de son âme. Avant la venue du Sauveur, il avait partout des autels, et voilà que la loi divine le chasse du trône qu'il avait usurpé, et déclare que l'adoration n'est due qu'à celui qui est Dieu par nature. - BEDE. Si l'on demande comment ce précepte, de ne servir que Dieu seul, peut se concilier avec ces paroles de l'Apôtre : " Assujettissez-vous les uns aux autres par une charité spirituelle (Ga 5), nous répondrons que le mot dulie qui vient du grec, exprime cette espèce de culte ordinaire et commun, que nous rendons soit à Dieu, soit aux hommes, c'est dans ce sens qu'il nous est commandé de nous rendre les serviteurs les uns des autres ; au contraire, le mot latrie signifie le culte d'adoration que nous devons à Dieu, et qui nous ordonne de ne servir que lui seul.
vv. 9-13.
S. AMBR. A la tentation de sensualité succède celle de la vaine
gloire, qui fait tomber dans les honteux abaissements du péché
; car aussitôt que les hommes cherchent à préconiser la
gloire de leur vertu, ils tombent du liant rang où leurs mérites
les avait élevés : " Et le démon le conduisit à
Jérusalem, " etc. - ORIG. (hom. 31.) Jésus suivait le démon
comme un athlète qui marche volontairement au combat, et il semblait
lui dire : Conduis-moi où tu voudras, tu me trouveras supérieur
à toutes tes ruses et à toutes tes intrigues. - S. ATHAN. C'est
le propre de la vaine gloire, en inspirant à celui qu'elle domine de
s'élever présomptueusement à nui degré supérieur
par la pratique d'oeuvres plus parfaites, de le faire tomber dans les actions
les plus humiliantes : " Et il lui dit : Si vous êtes le Fils de
Dieu, jetez-vous au bas, " etc. - S. ATHAN. (Ch. des Pèr. gr.) Ce
n'est pas contre la divinité que le démon engage le combat (il
n'eût osé le faire), aussi c'est pourquoi il dit à Jésus
: " Si vous êtes le Fils de Dieu, " mais c'est contre l'homme
qu'il avait autrefois réussi à séduire. - S. ATHAN. C'est
bien ici la voix du démon qui cherche à précipiter l'homme
du haut rang où ses vertus l'ont élevé, mais il dévoile
en même temps toute sa faiblesse et toute sa méchanceté,
puisqu'il ne peut nuire à personne avant qu'on ne se soit pour ainsi
dire précipité dans l'abîme. En effet, celui qui, aux choses
du ciel, préfère les biens trompeurs de la terre, se jette comme
volontairement dans un précipice où il trouve la mort. Cependant
lorsque le démon vit son arme émoussée, lui qui avait soumis
tous les hommes à son empire, il jugea que Jésus était
plus qu'un homme. Or, il est à remarquer que Satan se transforme souvent
en ange de lumière (2 Co 11), et dresse des piéges aux fidèles
à l'aide des saintes Écritures : " Car il est écrit,
" etc. - ORIG. (hom. 34.) Comment peux-tu savoir, ô démon
! que ces paroles se trouvent dans l'Écriture, as-tu jamais lu les Prophètes
ou les saintes Lettres ? Oui, tu les a lues, non pour devenir meilleur par cette
lecture, mais pour tuer avec la lettre seule ceux qui s'attachent exclusivement
à la lettre. (2 Co 3.) Tu sais que si tu empruntais tes témoignages
à d'autres livres, tu ne pourrais réussir à tromper. -
S. AMBR, Ne vous laissez donc pas séduire par les hérétiques
qui pourront vous citer des témoignages de l'Écriture, le démon
lui-même a recours à l'Écriture, non pour enseigner, mais
pour tromper. - ORIG. Vous voyez, du reste, l'artifice du démon jusque
dans la citation de ces témoignages ; il veut amoindrir la gloire du
Sauveur, comme s'il avait besoin du secours des auges, et que son pied dût
heurter, s'il n'était soutenu par leurs mains. Or, ces paroles du Psalmiste
ne s'appliquent nullement au Christ, mais en général à
tous les saints ; car celui qui est au-dessus de tous les anges n'a nullement
besoin de leur secours. Apprends donc plutôt, ô esprit superbe,
que les anges eux-mêmes heurteraient leur pied, si la main de Dieu ne
les soutenait, c'est ainsi que toi-même tu es venu heurter contre l'écueil,
parce que tu as refusé de croire en Jésus-Christ, Fils de Dieu.
Mais pourquoi donc passes-tu sous silence les paroles qui suivent : " Vous
marcherez sur l'aspic et le basilic, sinon parce que tu es toi-même ce
basilic, ce dragon, ce lion ? "
S. AMBR. Cependant Notre-Seigneur, voulant nous apprendre que tout ce qui avait
été prédit de lui, ne devait pas s'accomplir selon le bon
plaisir du démon, mais par la volonté souveraine de sa divinité,
déjoue les artifices de ce malin esprit, et comme il a emprunté
ses armes à l'Écriture, le Sauveur lui oppose l'autorité
triomphante des Écritures : " Et Jésus lui répondit
: Il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. " - S.
CHRYS. (des hom. sur l'ép. aux Hébr.) C'est en effet une inspiration
diabolique que de se jeter dans le danger, pour tenter si Dieu nous en délivrera.
- S. CYR. Dieu accorde son secours, non à ceux qui le tentent, mais à
ceux qui croient et espèrent en lui ; aussi Jésus-Christ ne voulut
point faire de miracles en présence de ceux qui étaient venus
pour le tenter : " Cette génération perverse, disait-il,
demande un prodige, et il ne lui sera point donné. " - S. CHRYS.
(comme précéd.) Voyez comme le Seigneur, sans être troublé,
discute humblement avec le démon, vous donnant ainsi un exemple que vous
devez imiter autant qu'il est possible. Le démon connaît les armes
dont Jésus-Christ s'est servi pour le terrasser, il l'a combattu par
la douceur, et en a triomphé par l'humilité. Vous donc aussi,
si vous rencontrez un homme devenu l'instrument du démon pour lutter
contre vous, cherchez à en triompher par les mêmes armes. Que votre
âme apprenne à conformer vos paroles aux paroles du Christ ; car
de même que le juge romain, assis sur son tribunal, n'écoute point
la demande de celui qui ne sait point parler son langage ; ainsi Jésus-Christ
ne vous exaucera point et ne prêtera aucune attention à vos paroles,
si vous ne parlez son langage.
S. GREG. DE NYSSE. Celui qui lutte suivant les règles, arrive au terme
du combat, soit que son adversaire cède de lui-même au vainqueur,
soit qu'à la troisième défaite il dépose les armes
suivant les lois du combat : " Et ayant épuisé toutes ses
tentations, il se retira, " etc. - S. ATHAN. La sainte Écriture
n'eût pas dit que le démon avait épuisé toutes les
tentations, si les trois qui précédent n'étaient l'occasion
de tous les crimes. En effet, toutes les tentations viennent des concupiscences
qui sont le plaisir de la chair, le désir de la gloire et l'ambition
du pouvoir. - S. ATHAN. L'ennemi de notre salut s'était approché
de Jésus comme d'un homme, mais n'ayant trouvé en lui aucun des
caractères de ses premiers ancêtres, il se retira. - S. AMBR. Vous
voyez donc que le démon n'est point opiniâtre dans ses poursuites,
il cède le terrain à la véritable vertu, et s'il ne cesse
point de porter envie et de haïr, il craint de revenir à la charge,
parce qu'il redoute la honte de fréquentes défaites. Aussitôt
donc qu'il entend le nom de Dieu, il se retire pour un temps, dit l'Évangéliste
; car il revint plus tard, non plus pour tenter le Sauveur, mais pour le combattre
à force ouverte. - THEOPHYL. Ou bien, comme il l'avait tenté dans
le désert par l'attrait de la sensualité, il se retira de lui
jusqu'au temps de sa passion, où il devait le tenter par la crainte de
la douleur. - S. MAXIM. Ou bien encore, le démon avait suggéré
à Jésus-Christ, dans le désert, de préférer
les biens matériels à l'amour divin, le Sauveur lui ordonne de
se retirer, ce qui était un signe de l'amour qu'il avait pour Dieu. Dans
la suite, le démon s'efforça donc de lui faire transgresser le
précepte de l'amour du prochain, ainsi il excitait les scribes et les
pharisiens à lui dresser des embûches, alors qu'il leur enseignait
les sentiers de la véritable vie pour le forcer de les haïr. Mais
le Seigneur, ne perdant jamais de vue l'amour qu'il avait pour eux, ne cessait
de les avertir, de les reprendre et de leur faire du bien.
S. AUG. (de l'accord des Evang., 2, 6.) Saint Matthieu rapporte également
l'ensemble de ces tentations, mais dans un ordre différent. Nous ne savons
donc ce qui eut lieu d'abord, de la deuxième ou de la troisième
tentation, c'est-à-dire si le démon fit voir au Sauveur tous les
royaumes du monde avant de le transporter sur le pinacle du temple ; mais peu
importe, dès lors qu'il est certain que ces deux faits sont véritables.
- S. MAXIM. L'un des Évangélistes a placé la seconde tentation
avant la troisième ; l'autre, la troisième avant la seconde, parce
que la vaine gloire et l'avarice s'engendrent mutuellement. - ORIG. (hom. 29.)
L'évangéliste saint Jean, qui commence son Évangile par
la génération divine, et donne ce magnifique exode : " Au
commencement était le Verbe, " n'a pas raconté les tentations
du Sauveur, parce que la divinité dont il voulait surtout parler est
inaccessible à la tentation. Au contraire, saint Matthieu, saint Marc
et saint Luc, qui avaient surtout pour objet de décrire la génération
temporelle, et la vie humaine de Notre-Seigneur, nous ont raconté sa
tentation.
vv. 14-21.
ORIG. (hom. 32.) La victoire que Notre-Seigneur venait de remporter sur le tentateur,
donna un nouvel accroissement, ou plutôt un nouveau degré de manifestation
à sa vertu : " Et Jésus retourna en Galilée dans la
vertu de l'Esprit, " etc. - BEDE. Cette vertu de l'Esprit, c'est la puissance
de faire des miracles. - S. CYR. Le Sauveur ne faisait pas des miracles par
une puissance qui lui fut extrinsèque, et comme les autres saints qui
agissaient en vertu de la grâce de l'Esprit saint qu'ils avaient reçue
; mais comme il était le Fils de Dieu par nature, et qu'il entrait en
participation de tous les attributs du Père, il se sert pour agir de
la vertu de l'Esprit saint comme lui appartenant en propre. Il était
du reste convenable qu'il se manifestât désormais et qu'il fît
éclater aux yeux des enfants d'Israël le mystère de l'incarnation
: " Et sa renommée se répandit, " etc. - BEDE. La sagesse
se rapporte à la doctrine, et la puissance aux oeuvres, aussi l'Evangéliste
réunit ici ces deux attributs : " Et il enseignait dans les synagogues,
" etc. Le mot synagogue, qui vient du grec, veut dire réunion, les
Juifs appelaient ainsi non seulement l'assemblée du peuple, mais encore
le lieu où il se réunissait pour entendre la parole de Dieu. C'est
ainsi que nous donnons le nom d'églises aux lieux où se réunissent
les fidèles pour chanter les louanges de Dieu. Il y a cependant une différence
entre le mot synagogue qui veut dire réunion, et le mot église
qui signifie assemblée ; des animaux, ou n'importe quelles autres choses,
peuvent former une réunion, tandis qu'une assemblée ne peut se
composer que d'êtres doués de raison. C'est pour cela que les docteurs
apostoliques ont jugé plus convenable de donner le nom d'Église,
plutôt que celui de synagogue aux réunions du peuple, élevé
par la grâce à une plus liante dignité. C'est avec raison
que tous publiaient ses louanges, lui à qui tous les faits et tous les
oracles précédents avaient rendu un si éclatant témoignage
: " Et il était exalté par tous. " - ORIG. Gardez-vous
de penser que ceux-là seuls furent heureux qui eurent le bonheur d'entendre
les enseignements du Sauveur, et de croire que vous êtes privé
de la même faveur ; car aujourd'hui encore, il enseigne dans tout l'univers
par ses organes, et sa gloire est célébrée par un plus
grand nombre de voix qu'au temps de sa vie mortelle, où les hommes d'une
seule contrée s'assemblaient autour de lui pour recevoir ses divines
leçons.
S. CYR.
Notre-Seigneur se fait connaître à ceux parmi lesquels il a passé
les premières années de sa vie mortelle : " Et il vint à
Nazareth, " etc. - THEOPHYL. Il nous apprend ainsi à instruire d'abord
de préférence nos proches, et à leur faire du bien avant
de répandre sur les autres les effets de notre charité. - BEDE.
Ils se réunissaient en foule le jour du sabbat dans les synagogues, où,
libres des préoccupations des affaires du monde, ils pouvaient méditer
dans un coeur calme et tranquille les divins enseignements de la loi : "
Et il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue. - S. AMBR.
Notre-Seigneur s'est tellement familiarisé avec tous les abaissements,
qu'il n'a pas dédaigné l'humble fonction de lecteur : " Et
il se leva pour lire, et on lui donna le livre des prophéties d'Isaïe,
" etc. Il prit le livre pour déclarer que c'était lui qui
avait parlé par la bouche des prophètes, et pour écarter
cette doctrine sacrilège, qui prétend que le Dieu de l'Ancien
Testament n'est pas le même que le Dieu du Nouveau, ou qui ne fait remonter
l'origine de Jésus-Christ qu'à sa conception dans le sein de la
Vierge ; comment soutenir, en effet, que son existence date seulement de sa
conception, lui qui faisait entendre sa voix avant même que la Vierge
existât ?
ORIG. Or, ce ne fut point par hasard, mais par un effet de la Providence divine,
qu'en déroulant le livre, il tomba sur la prophétie qui prédisait
sa venue : " Et l'ayant déroulé, il trouva l'endroit où
il était écrit, " etc. - S. ATHAN. (2e discours contre les
Ar.) Il parle de la sorte pour nous expliquer les causes de son incarnation
et de sa manifestation en ce monde ; car de même que lui, qui, comme Fils
de Dieu, envoie et donne l'Esprit saint, ne fait pas difficulté d'avouer,
comme homme, que c'est par l'Esprit de Dieu qu'il chasse les démons ;
de même, en tant qu'il s'est fait homme, il ne craint pas de dire "
L'Esprit du Seigneur est sur moi. " - S. CYR. C'est ainsi que nous confessons
qu'il a reçu l'onction comme homme revêtu de notre nature : "
C'est pourquoi il m'a consacré par son onction ; " car ce n'est
pas la nature divine qui reçoit cette onction, mais la nature qui lui
est commune avec la nôtre. Ainsi encore lorsqu'il dit qu'il a été
envoyé, il faut l'entendre de son humanité " Il m'a envoyé
évangéliser les pauvres. " - S. AMBR. Vous voyez la Trinité
coéternelle et parfaite. L'Écriture proclame que Jésus
est Dieu parfait et homme parfait, elle proclame également la divinité
du Père et de l'Esprit saint le coopérateur du Père qui
est descendu sur Jésus Christ sous la forme extérieure d'une colombe.
- ORIG. Les pauvres ici sont toutes les nations pauvres eu effet, parce qu'elles
étaient dénuées de tout bien, sans Dieu, sans loi, sans
prophètes, sans justice, sans aucunes vertus. - S. AMBR. Ou encore, il
reçoit dans sa plénitude l'onction de l'huile spirituelle et de
la vertu céleste pour enrichir la pauvreté de la nature humaine
du trésor de sa résurrection. - BEDE. Dieu l'envoie prêcher
l'Évangile aux pauvres, et leur dire : " Bienheureux vous qui êtes
pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. " - S. CYR.
Peut-être veut-il dire par là que de tous les biens dont Jésus-Christ
est la source, la meilleure part est donnée aux pauvres en esprit. -
SUITE. " Guérir les coeurs brisés. " Ces coeurs brisés
ce sont les faibles, dont l'âme est fragile, qui ne peuvent résister
aux assauts des passions, et à qui il promet le retour à la santé.
- S. BAS. Il vient guérir les coeurs brisés, c'est-à-dire
ceux dont Satan a comme brisé le coeur par le péché ; car
il n'y a rien qui brise et écrase le coeur humain comme le péché.
- BEDE. Ou bien encore, comme il est écrit que Dieu ne rejette pas un
coeur contrit et humilié (Ps. L), le Sauveur dit qu'il est envoyé
pour guérir ceux dont le coeur est contrit, selon cette parole : "
Il guérit ceux dont le coeur est brisé. "
" Et annonce la délivrance aux captifs. " - S. CHRYS. (sur le Ps 125.) Le mot captivité a plusieurs significations : il y a une captivité bonne et louable, dont saint Paul a dit : " Réduisant en captivité toute intelligence sous l'obéissance de Jésus-Christ. " (2 Co 10.) Mais il y a une captivité mauvaise dont le même Apôtre a dit : " Ils traînent captives de jeunes femmes chargées de péchés. " (2 Tm 3.) La captivité peut être corporelle et venir d'ennemis extérieurs ; mais la plus affreuse est celle de l'âme, dont il est ici question, car le péché exerce sur l'âme la plus dure tyrannie, il lui fait comme une loi du mal, et la couvre de confusion lorsqu'elle lui obéit ; c'est de cette captivité spirituelle que Jésus-Christ nous a délivrés. - THEOPHYL. On peut encore entendre ces paroles des morts qui étaient aussi captifs, et qui furent délivrés du joug du tyran de l'enfer par la résurrection de Jésus-Christ.
" Et le bienfait de la vue aux aveugles. " - S. CYRIL. Jésus-Christ, le vrai soleil de justice, a dissipé ces ténèbres épaisses que le démon avait amassées dans le coeur des hommes ; ils étaient enfants de la nuit et des ténèbres, il les a faits enfants du jour et de la lumière, au témoignage de l'Apôtre (1 Th 5) ; car il a fait entrer dans le sentier de la justice ceux qui étaient égarés loin de la véritable voie.
" Rendre à la liberté ceux qu'écrasent leurs fers. " - ORIG. Qu'y avait-il, en effet, de plus brisé, de plus broyé que l'homme, à qui Jésus-Christ est venu rendre la liberté et la guérison ? - BEDE. Ou bien encore, il est venu rendre la liberté aux opprimés, c'est-à-dire, à ceux qui étaient comme écrasés sous le fardeau insupportable de la loi.
ORIG. Toutes ces choses qui ont été prédites, la vue rendue aux aveugles, la liberté aux captifs, la guérison à ceux qui étaient blessés, nous amènent naturellement à l'année favorable du Seigneur : " Et publier l'année salutaire du Seigneur. " Quelques-uns, prenant ces paroles dans leur sens le plus simple et le plus littéral, disent que le prophète, en faisant cette prédiction, avait en vue l'année pendant laquelle le Sauveur a prêché l'Évangile dans la Judée. Ou bien encore, cette année favorable du Seigneur, c'est toute la durée de l'existence de l'Église qui voyage loin du Seigneur, tant qu'elle reste dans ce corps mortel (2 Co 5). - BEDE. Ce ne fut pas seulement l'année de la prédication du Seigneur, qui fut l'année favorable, mais encore celle où l'Apôtre disait dans ses prédications : " Voici maintenant le temps favorable. " (2 Co 6.) Après l'année favorable du Seigneur, il ajoute : " Et le jour de la rétribution, " c'est-à-dire, de la rétribution dernière, où Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres. - S. AMBR. Ou bien encore, cette année favorable du Seigneur, c'est l'année de l'éternité, qui ne ramènera plus le cercle des travaux de ce monde, et qui donnera aux hommes la jouissance des fruits éternels d'un repos qui ne finira jamais.
" Ayant replié le livre, il le rendit, " etc. Il lut ce livre en présence de ceux qui étaient là pour l'écouter, mais après cette lecture il le rendit au ministre. En effet, tandis qu'il était dans le monde, il parlait publiquement, enseignant dans les synagogues et dans le temple, mais lorsqu'il fut sur le point de remonter vers le ciel, il confia le ministère de la prédication à ceux qui avaient été dès le commencement les témoins de ses actions et les ministres de sa parole. Il se tient debout pour faire cette lecture, parce qu'en nous expliquant les Ecritures qui se rapportaient à lui, il daignait agir dans la nature humaine dont il s'était revêtu ; mais il s'asseoit après avoir rendu le livre, parce qu'il rentre alors en possession du trône de son éternel repos. En effet, celui qui agit se tient ordinairement debout, et c'est le propre de celui qui se repose ou qui rend la justice d'être assis. Tel doit être le prédicateur de la parole de Dieu, il doit se tenir debout pour lire, c'est-à-dire, pour agir et pour prêcher ; il doit s'asseoir, c'est-à-dire, attendre le repos pour récompense. Il lut ce livre après l'avoir déroulé, parce qu'il a enseigné à l'Église toute vérité par l'Esprit de vérité qu'il lui a envoyé ; il le rendit au ministre après l'avoir plié, parce que toute doctrine ne peut être enseignée à tous indistinctement, mais les docteurs sont obligés de proportionner leur enseignement à l'intelligence de ceux qui les écoutent.
" Et tous dans la synagogue avaient les yeux attachés sur lui. - ORIG. Et maintenant encore, si nous le voulons, nous pouvons fixer nos regards sur le Sauveur, car si vous dirigez l'intention de votre coeur vers la sagesse, la vérité et la contemplation du Fils unique de Dieu, vos yeux alors s'arrêtent sur Jésus. - S. CYR. Il attirait sur lui les regards de tous ces hommes étonnés de voir qu'il savait les Écritures sans les avoir apprises. Et comme les Juifs avaient coutume de dire que les prophéties qui concernaient le Christ, avaient reçu leur accomplissement dans quelques-uns de leurs chefs, de leurs rois ou des saints prophètes, Notre-Seigneur leur fait voir en lui l'accomplissement de cette prophétie : " Et il commença à leur dire : C'est aujourd'hui que cette prophétie que vous venez d'entendre est accomplie. "
vv. 22-27.
S. CHRYS. (hom. 49 sur S. Matth.) Notre-Seigneur s'abstient de faire des miracles
dans la ville de Nazareth, pour ne point exciter contre lui une plus grande
envie dans le coeur de ses habitants. Mais il leur annonce une doctrine non
moins admirable que ses miracles, car les paroles du Sauveur étaient
accompagnées d'une grâce ineffable et divine qui charmait tous
ceux qui l'entendaient : " Et tous lui rendaient témoignage, "
etc. - BEDE. Ils lui rendaient témoignage, en attestant qu'il était
vraiment, comme il le disait, celui que le prophète avait annoncé.
- S. CHRYS. (hom. 49 sur S. Matth.) Mais les insensés, tout en admirant
la puissance de sa parole, n'ont que du mépris pour sa personne, à
cause de celui qu'ils regardent comme son père : " Et ils disaient
: N'est-ce pas là le fils de Joseph ? " - S. CYR. Mais fut-il, comme
vous le pensez, le fils de Joseph en serait-il moins digne de votre admiration
et de vos hommages ? Ne voyez-vous pas les miracles divins qu'il opère,
Satan terrassé, et les nombreux malades qu'il a délivrés
de leurs infirmités ? - S. CHRYS. (hom. 49.) Longtemps après,
et lorsqu'il avait rempli la Judée de l'éclat de ses miracles,
il revint à Nazareth ; et ils ne purent le supporter davantage, et ils
manifestèrent contre lui l'envie la plus noire et la plus ardente : "
Et il leur dit : Sans doute vous m'appliquerez ce proverbe : Médecin,
guéris-toi toi-même, " etc. - S. CYR. C'était chez
les Hébreux un proverbe de mépris ; ainsi on criait aux médecins
qui étaient malades : " Médecin, guéris-toi toi-même.
" - LA GLOSE. Ils veulent lui dire : Nous avons appris que vous aviez guéri
un grand nombre de malades à Capharnaüm, guérissez-vous vous-même,
c'est-à-dire, faites les mêmes prodiges dans votre ville, lieu
de votre conception et de votre première éducation.
S. AUG. (de l'acc. des Evang., 2, 12.) Puisque saint Luc rappelle ici les grands
prodiges que Notre-Seigneur a déjà opérés, et qu'il
sait bien n'avoir pas racontés lui-même, il est donc évident
que c'est en connaissance de cause qu'il place en premier lieu cet événement.
En effet, la distance qui le sépare du baptême du Sauveur, est
trop peu grande pour qu'on puisse supposer qu'il a oublié qu'il n'a encore
rien dit de ce qui s'est passé dans la ville de Capharnaüm.
S. AMBR. Ce n'est pas sans raison que le Sauveur s'excuse de n'avoir fait aucun miracle dans sa patrie, il ne voulait pas qu'on pût croire que nous devions faire peu de cas de l'amour de la patrie : " Et il dit : Je vous dis en vérité, qu'aucun prophète n'est accueilli dans sa patrie, " etc. - S. CYR. Comme s'il leur disait : Vous voulez me voir opérer de nombreux prodiges au milieu de vous, parmi lesquels se sont passées mes premières années ; mais je n'ignore pas un sentiment trop commun à la plupart des hommes ; ils n'ont que du mépris pour les choses les plus excellentes, lorsqu'elles se répètent fréquemment et comme à volonté. Il en est de même des hommes, celui avec lequel on vit dans une espèce de familiarité cesse d'être respecté par ses proches qui ont l'habitude de le voir toujours au milieu d'eux. - BEDE. Que le Christ soit appelé prophète dans les Écritures, Moïse en fait foi quand il dit : " Dieu vous suscitera un prophète d'entre vos frères. " (Dt 18.) - S. AMBR. Cet exemple nous apprend qu'en vain nous espérons le secours de la miséricorde céleste, si nous portons envie au mérite de la vertu de nos frères. Dieu, en effet, méprise souverainement les envieux, et prive des miracles de sa puissance ceux qui persécutent dans les autres les bienfaits de sa main divine. Les oeuvres que Notre-Seigneur faisait pendant sa vie mortelle, étaient des preuves de sa divinité, et ses perfections invisibles nous étaient manifestées par ce qui paraissait aux yeux. Voyez quel mal produit l'envie, la patrie de Jésus est jugée indigne, à cause de son envie, d'être témoin des oeuvres du Sauveur, elle qui avait été jugée digne d'être le lieu de sa conception divine.
ORIG. (hom. 33.) A s'en tenir au récit de saint Luc, on n'y voit point que Jésus ait fait jusque-là aucun miracle à Capharnaüm, car cet Évangéliste raconte simplement qu'avant de venir à Capharnaüm, Jésus avait passé plusieurs années de sa vie à Nazareth. Je pense donc que ces paroles des habitants de Nazareth : " Les grandes choses qu'on nous a racontées que vous faisiez à Capharnaüm, " renferment quelque mystère, et que Nazareth représente ici les Juifs, et Capharnaüm les Gentils. En effet, il viendra un temps où le peuple d'Israël dira : Montrez-nous aussi ce que vous avez fait voir à tout l'univers, prêchez votre doctrine au peuple d'Israël, afin que lorsque toutes les nations seront entrées, le peuple d'Israël puisse aussi avoir part au salut. En leur disant donc : Aucun prophète n'est accueilli dans sa patrie, Notre-Seigneur leur répondit dans un sens plus figuré que littéral. " Il est vrai que Jérémie ne fut pas bien reçu dans son pays, et qu'il en fut de même des autres prophètes. Cependant, voici le sens le plus probable de ces paroles : Le peuple de la circoncision fut la patrie de tous les prophètes, et les nations reçurent avec plus d'empressement le témoignage de Moïse et des prophètes qui annonçaient Jésus-Christ, que ceux d'entre les Juifs qui refusèrent de reconnaître Jésus pour le Sauveur du monde.
S. AMBR.
Notre-Seigneur apporte ici un exemple bien propre à réprimer l'arrogance
de ses concitoyens envieux et jaloux, et il leur montre que sa conduite est
conforme aux anciennes Écritures : " Je vous le dis en vérité,
il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d'Elie, " non que
ces jours appartinssent à Elie, mais parce qu'il opéra ses prodiges
dans ces jours (cf. Is 1 ; Os 1 ; Am 1 ; Za 14, etc.). - S. CHRYS. (hom. sur
les Ep. de S. Paul.) Cet ange terrestre, cet homme tout céleste, qui
n'avait ni demeure, ni table, ni vêtements, ce que le plus grand nombre
des hommes possède, portait dans une de ses paroles, pour ainsi dire,
la clef des cieux ; ce que Notre-Seigneur indique par ce qui suit : " Lorsque
le ciel fut fermé pendant trois ans. " Or, lorsqu'il eut ainsi fermé
le ciel, et frappé la terre de stérilité, elle fut en proie
à la famine, et tous les corps dépérirent : " Et qu'il
y eut une grande famine sur la terre. " - S. BAS. (Ch. des Pèr.
gr.) Lorsque, en effet, Elie eut considéré que l'abondance était
la source des plus grands scandales, il imposa aux hommes par la famine, un
jeûne nécessaire, pour mettre ainsi un frein à leurs excès
qui ne connaissaient plus de bornes. C'est alors que l'on vit des corbeaux qui,
d'ordinaire, dérobent aux autres leur nourriture, devenir les messagers
du ciel pour nourrir cet homme juste. - S. CHRYS. (comme précéd.)
Mais comme le fleuve où il se désaltérait était
desséché, Dieu lui dit : " Allez à Sarepta, ville
des Sidoniens, là je commanderai à une femme veuve de vous nourrir,
" Et Notre-Seigneur ajoute : " Et Elie ne fut envoyé à
aucune d'elles, mais à une veuve de Sarepta, dans le pays des Sidoniens.
" Elie agit en cela par une disposition toute particulière de Dieu,
qui le conduisit par un long chemin jusque dans le pays de Sidon, afin qu'étant
témoins de la famine qui désolait ces contrées, il priât
Dieu de répandre la pluie sur la terre. Or il y avait alors bien des
riches dans ce pays, et aucun d'eux n'imita l'exemple de cette veuve, la vénération
qu'elle eut pour le prophète lui fit trouver des richesses, non dans
les biens qu'elle n'avait pas, mais dans sa bonne volonté.
S. AMBR. Dans le sens mystique, ces paroles : " Dans les jours d'Elie ",
signifient qu'Elie était pour eux comme la lumière du jour, parce
qu'ils voyaient dans ses oeuvres l'éclat de la grâce spirituelle
qui était en lui. Ainsi le ciel s'ouvrait pour ceux qui étaient
témoins des divins mystères, et il se fermait durant la famine,
alors qu'il n'y avait aucun moyen facile d'arriver à la connaissance
de Dieu. Cette veuve, à laquelle Elie fut envoyé, est une figure
de l'Église. - ORIG. Pendant que la famine désolait le peuple
d'Israël, affamé d'entendre la parole de Dieu, le prophète
est venu trouver cette veuve, dont il est dit dans le prophète Isaïe
(Is 54) : " L'épouse abandonnée est devenue plus féconde
que celle qui a un époux, et en demeurant chez elle il multiplia son
pain et ses autres aliments. - BEDE. Sidonie veut dire chasse inutile ; Sarepta
signifie incendie ou disette du pain ; toutes significations qui conviennent
parfaitement au peuple des Gentils. En effet, livré tout entier à
une chasse stérile, c'est-à-dire, à la recherche des richesses
et des gains du commerce de la terre, il était en proie à l'incendie
des concupiscences charnelles et à la disette du pain spirituel, jusqu'à
ce que l'intelligence des Écritures ayant disparu complètement
par suite de la perfidie des Juifs, Elie, c'est-à-dire, la parole prophétique,
vint trouver l'Église pour nourrir et fortifier les coeurs des vrais
croyants qui le recevraient. - S. BAS. On peut encore voir ici la figure de
toute âme veuve, pour ainsi dire, dénuée de force et privée
de la connaissance de Dieu, lorsque cette âme reçoit la parole
divine, en reconnaissant ses fautes, Dieu lui apprend à nourrir cette
parole avec le pain des vertus, et à arroser la science de la vertu avec
la source de la vie.
ORIG. (hom. 33.) Notre-Seigneur cite encore un autre fait à l'appui de la même vérité, en ajoutant : " Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël, au temps du prophète Elisée, et aucun d'entre eux ne fut guéri, si ce n'est Naaman le Syrien, " qui ne faisait point partie du peuple d'Israël. - S. AMBR. Nous avons dit précédemment que cette veuve vers laquelle Elie fut envoyé, était la figure de l'Église. Or, dans un sens allégorique, le peuple s'approche de l'Église pour marcher à sa suite. C'est ce peuple composé des nations étrangères, ce peuple couvert de lèpre avant qu'il fût plongé dans le baptême du fleuve mystique, mais qui après avoir reçu le sacrement de baptême qui l'a purifié de toutes les souillures du corps et de l'âme, a commencé à devenir une Vierge immaculée sans rides comme sans taches. - BEDE. En effet, Naaman qui veut dire beau, représente le peuple des Gentils ; il lui est ordonné de se laver sept fois, parce que le baptême qui nous sauve est celui qui nous régénère par les sept dons de l'Esprit saint. Sa chair, après avoir été lavée, devient comme celle d'un enfant, parce que la grâce, qui est notre mère, nous fait tous renaître à une seule et même enfance, ou bien parce que nous sommes rendus semblables à Jésus-Christ dont il est dit : " Un enfant nous est né. " (Is 9.)
vv. 28-30.
CH. DES PER. GR. (Cyr) Ils s'indignent contre lui, parce qu'il les a repris
de leur coupable intention : " En entendant ces paroles, ils furent tous
remplis de colère dans la synagogue. " Comme il leur avait dit :
Aujourd'hui cette prophétie s'est accomplie, " ils crurent qu'il
se comparait lui-même aux prophètes, et ils le chassèrent
hors de leur ville : " Et se levant, ils le chassèrent hors de la
ville, " etc. - S. AMBR. Il n'est pas étonnant qu'ils aient perdu
le salut, eux qui chassent le Sauveur de leur pays. Cependant le Seigneur qui
avait enseigné à ses Apôtres, par son exemple, à
se faire tout à tous, ne repousse pas les hommes de bonne volonté,
mais il ne contraint pas non plus ceux qui résistent ; il ne lutte pas
contre ceux qui le rejettent, il ne fait pas défaut à ceux qui
le prient de rester avec eux. Il fallait cependant que leur jalousie fut bien
grande pour leur faire oublier les sentiments qui unissent d'ordinaire les concitoyens,
et pour changer en haine mortelle les motifs de la plus légitime affection,
En effet, c'est alors que le Sauveur répandait ses bienfaits surtout
le peuple, qu'ils lui prodiguent leurs outrages : " Et ils le conduisirent
sur le sommet de la montagne pour l'en précipiter. " - BEDE. Les
Juifs, disciples du démon, sont mille fois pires que leur maître
lui-même ; le démon s'est contenté de dire à Jésus
: " Jetez-vous en bas, " tandis que les Juifs cherchent à le
précipiter eux-mêmes. Mais Jésus change tout à coup
leurs dispositions, ou les frappe de stupeur et d'aveuglement, et descend de
la montagne, parce qu'il veut leur laisser encore l'occasion de se repentir
: " Or Jésus passant au milieu d'eux, s'en alla. " - S. CHRYS.
(hom. 47 sur S. Jean.) Notre-Seigneur fait paraître ici tout à
la fois les attributs de la divinité et les signes de son humanité.
En effet, en passant au milieu de ceux qui le poursuivaient, sans qu'ils puissent
se saisir de lui, il montre la supériorité de sa nature divine
; et en s'éloignant d'eux, il prouve le mystère de son humanité
ou de son incarnation. - S. AMBR. Comprenez encore ici que sa passion a été
non un acte forcé, mais complètement volontaire. Ainsi, on se
saisit de sa personne quand il le veut, il échappe à ses ennemis
quand il le veut ; car comment un petit nombre de personnes aurait-il pu le
retenir captif, puisqu'il ne pouvait être arrêté par un peuple
tout entier ? Mais il ne voulut pas qu'un si grand sacrilège fût
commis par la multitude ; et il devait être crucifié par un petit
nombre, lui qui mourait pour le monde entier. D'ailleurs, son désir était
de guérir les Juifs plutôt que de les perdre, et il voulait que
le résultat de leur impuissante fureur leur fit renoncer à des
desseins qu'ils ne pouvaient accomplir. - BEDE. Ajoutons encore que l'heure
de sa passion n'était pas encore venue, puisqu'elle ne devait arriver
que le jour de la préparation de la fête de Pâques. Il n'était
pas non plus dans le lieu marqué pour sa passion, qui était figurée
par les victimes qu'on immolait, non pas à Nazareth, mais à Jérusalem.
Enfin ce n'était pas de ce genre de mort qu'il devait mourir, puisqu'il
était prédit depuis des siècles qu'il serait crucifié.
v. 31-37.
S. AMBR. En quittant la Judée, Notre-Seigneur ne cède ni à
un sentiment d'indignation, ni au juste ressentiment du crime des Juifs ; au
contraire, il oublie cet outrage pour ne se souvenir que de sa clémence,
et tantôt par ses enseignements, tantôt par les guérisons
qu'il opère, il cherche à toucher les coeurs de ce peuple infidèle
: " Et il descendit à Capharnaüm qui est une ville de Galilée,
" etc. - S. CYR. Il connaissait bien leur penchant à l'indocilité
et la dureté de leur coeur, cependant il les visite comme un bon médecin
qui s'efforce de guérir des malades qu'il voit réduits à
l'extrémité. Il enseignait sans crainte dans les synagogues, selon
ces paroles d'Isaïe : " Je n'ai point parlé en secret, ni dans
quelque coin obscur de la terre. " (Is 45, 19.) Il choisissait le jour
de sabbat pour discuter avec eux, parce que c'était pour eux le jour
du repos ; ils furent donc étonnés de la grandeur de sa doctrine,
de sa vertu, de sa puissance : " Et sa doctrine les frappait d'étonnement,
parce qu'il leur parlait avec autorité. " C'est-à-dire, que
ses paroles n'étaient point molles et flatteuses, mais entraînantes,
et qu'elles pressaient ceux qui les entendaient, de travailler à leur
salut. Mais les Juifs ne voyaient dans Jésus-Christ qu'un saint ou un
prophète ; aussi pour leur donner de lui une plus haute et une plus juste
idée, il s'élève au-dessus du langage prophétique.
Son exorde, en effet, n'était pas comme celui des prophètes :
" Voici ce que dit le Seigneur ; " mais comme maître de la loi,
il enseigne une doctrine supérieure à la loi, et passe de la lettre
à la vérité, des figures à leur accomplissement
spirituel. - BEDE. On peut dire encore que la parole d'un docteur a de l'autorité,
lorsqu'il pratique ce qu'il enseigne, car on n'a que du mépris pour celui
dont la conduite est en opposition avec ses discours.
S. CYR. A la prédication de la doctrine, Notre-Seigneur joint avec à
propos des oeuvres étonnantes, et persuade ainsi ceux que la raison ne
parvenait pas à convaincre de ce qu'il était : " Or, il y
avait dans la synagogue un homme possédé du démon, "
etc. - S. AMBR. Notre-Seigneur, en commençant le jour du sabbat les oeuvres
de la rédemption divine, veut nous apprendre que la nouvelle création
commence le jour même où l'ancienne création avait fini,
et nous montrer tout d'abord que le Fils de Dieu n'est pas soumis à la
loi mais qu'il était supérieur à la Loi. Il commence encore
le jour du sabbat, pour montrer qu'il est le Créateur qui fait succéder
aux oeuvres anciennes des oeuvres nouvelles, et poursuit le dessein qu'il avait
commencé à réaliser si longtemps auparavant. Semblable
à un ouvrier qui veut rebâtir une maison et qui en fait disparaître
tout ce qu'elle a de ruineux, en commençant, non par les fondations,
mais par le faîte et en démolissant d'abord ce qui avait été
construit en dernier lieu. Ajoutons que le Sauveur commence par des oeuvres
moins importantes pour arriver à celles qui ont plus d'éclat.
Les saints eux-mêmes peuvent délivrer du démon au nom et
par le Verbe de Dieu, mais il n'appartient qu'à la puissance divine de
commander aux morts de ressusciter (Lc 7, 14 ; Jn 11, 43).
S. CYR Les Juifs calomniaient la gloire de Jésus-Christ en disant : "
Il chasse les démons par Beelzebub, prince des démons. "
C'est pour confondre cette accusation sacrilège, que les démons
se trouvant en présence de son invincible puissance, et ne pouvant supporter
l'approche de la divinité, jetaient des cris effrayants : " Et il
jeta un grand cri en disant : Laissez-nous, qu'y a-t-il de commun entre vous
et nous ? " etc. - BEDE. Comme s'il disait : Cessez un peu de nous tourmenter,
vous qui êtes complètement étranger à nos mauvais
desseins. - S. AMBR. On ne doit point s'étonner de lire dans l'Evangile,
que le démon soit le premier à donner au Sauveur le nom de Jésus
de Nazareth ; car ce n'est pas du démon que le Christ a reçu ce
nom, qui a été apporté du ciel par un ange à la
très-sainte Vierge. Mais telle est l'impudence du démon, qu'il
cherche à introduire le premier parmi les hommes, un usage, une coutume,
et la présente comme nouvelle pour imprimer une plus grande crainte de
sa puissance. Il dit donc : " Je sais qui vous êtes, le saint de
Dieu. " - S. ATHAN. Il l'appelle le saint de Dieu, non pas comme s'il était
semblable aux autres saints, mais comme étant saint d'une sainteté
toute particulière, saint par excellence et avec addition de l'article.
En effet, Jésus-Christ est le seul saint par nature, et les autres ne
méritent le nom de saints que par leur participation à sa sainteté.
Toutefois en parlant de la sorte, le démon ne le connaissait pas en réalité,
mais il feignait de le connaître. - S. CYR. Les dénions s'imaginèrent
que ces louanges inspireraient au Sauveur l'amour de la vaine gloire, et le
détourneraient de s'opposer à leurs desseins, ou de les chasser,
et qu'il leur rendrait ainsi service pour service. - S. CHRYS. (hom. sur la
4e Ep. aux Corinth.) Le démon voulut aussi bouleverser l'ordre établi
de Dieu, usurper la dignité des Apôtres et ranger un grand nombre
d'hommes sous son obéissance. - S. ATHAN. Bien qu'il confessât
la vérité, Jésus ne laisse pas de lui imposer silence ;
il ne veut pas qu'avec la vérité il puisse propager le mensonge,
et il voulait aussi nous accoutumer à ne faire aucun cas de semblables
révélations, bien qu'elles paraissent conformes à la vérité,
car c'est un crime de choisir le démon pour maître, quand nous
avons pour nous instruire les saintes Écritures : " Mais Jésus
lui dit avec menace : Tais-toi et sors de cet homme. "
BEDE. C'est
par une permission divine que cet homme qui allait être délivré
du démon est jeté au milieu de l'assemblée, Dieu voulait
ainsi rendre plus éclatante la puissance du Sauveur, et en faire entrer
un plus grand nombre dans les voies du salut : " Et lorsqu'il l'eût
jeté à terre, " etc. Le récit de saint Matthieu paraît
ici en contradiction avec celui de saint Marc, où nous lisons : "
Et l'esprit impur l'agitant violemment, sortit de lui en jetant un grand cri.
" (Mc 1, 21.) Mais on peut dire que ces paroles de saint Marc : "
L'agitant violemment, " ont la même signification que ces autres
de saint Luc : " Et l'ayant jeté au milieu de l'assemblée.
" Quant aux paroles suivantes : " Et il ne lui fit aucun mal, "
il faut les entendre dans ce sens, que cette agitation des membres et cette
violente secousse ne fit éprouver à cet homme aucune faiblesse,
comme il arrive d'ordinaire, lorsque les démons ne sortent des corps
qu'ils possèdent qu'en coupant ou en brisant quelques membres. Aussi
ceux qui sont présents, sont-ils à bon droit surpris d'une guérison
aussi complète : " Et l'épouvante les saisit tous, "
etc. - THEOPHYL. Ils semblent dire : Quel est cet ordre qu'il vient de donner
au démon : " Sors de cet homme, " et il est sorti ? - BEDE.
Les saints peuvent également chasser les démons par la puissance
du Verbe de Dieu ; mais seul le Verbe de Dieu opère de semblables miracles
par sa propre puissance.
S AMBR. Dans le sens allégorique, cet homme de la synagogue qui était
possédé de l'esprit immonde, c'est le peuple des Juifs qui, enlacé
dans les filets du démon, profanait la pureté apparente de son
corps par les souillures trop réelles de son âme, il était
possédé de l'esprit immonde, parce qu'il avait perdu l'Esprit
saint, car le démon prenait possession de la demeure que le Christ venait
de quitter. - THEOPHYLACTE. Il en est encore beaucoup aujourd'hui qui sont possédés
du démon, c'est-à-dire, ceux qui accomplissent les désirs
que les démons leur inspirent ; c'est ainsi que les furieux sont possédés
du démon de la colère, et ainsi des autres. Or le Seigneur entre
dans la synagogue, lorsque l'âme de l'homme se trouve toute réunie,
et il dit au démon qui l'habite : Tais-toi, et aussitôt le démon
jette cet homme dans le milieu et sort de lui. Il ne convient pas, en effet,
que l'homme soit constamment dominé par la colère (c'est le propre
des bêtes féroces), ni qu'il soit inaccessible au sentiment de
la colère (ce qui serait insensibilité), mais il doit tenir un
juste milieu, et manifester une certaine colère contre le mal, et c'est
pourquoi cet homme est jeté au milieu de l'assemblée, lorsque
l'esprit immonde sort de son corps.
vv. 38-39.
S. AMB. Après la délivrance de cet homme possédé
de l'esprit impur, saint Luc raconte immédiatement la guérison
d'une femme, car le Seigneur était venu guérir l'un et l'autre
sexe, et il devait commencer par celui qui fut créé le premier
: " Et étant sorti de la synagogue, il entra dans la maison de Simon
" - S. CHRYS. (hom. 28 sur S. Matth.) Il demeurait ainsi volontiers chez
ses disciples, pour leur témoigner de l'honneur, et leur inspirer un
plus grand courage et un zèle plus ardent. - S. CYR, Considérez
la condescendance du Sauveur, qui demeure chez un homme pauvre, lui qui, de
sa pleine volonté, s'est soumis à toutes les privations de la
pauvreté, pour nous apprendre à aimer le commerce des pauvres,
et à ne jamais mépriser les indigents et les malheureux.
" La
belle-mère de Simon avait une forte fièvre, et ils le prièrent
pour elle. " - S. JER. Tantôt le Sauveur attend qu'on le prie, tantôt
il guérit de lui-même les malades qui se présentent. Il
nous apprend par cette conduite, qu'il accorde aux prières des fidèles
ces grâces puissantes qui aident les pécheurs à triompher
de leurs passions, et que quant aux maladies intérieures qu'ils ne connaissent
pas, ou bien il leur en donne l'intelligence, ou il leur pardonne ce qu'ils
ne comprennent pas, selon ces paroles du Psalmiste : " Qui peut connaître
ses péchés ? Purifiez-moi de celles qui sont cachées en
moi. " (Ps 18.) - S. CHRYS. Que saint Matthieu ait passé ce fait
sous silence, cela ne fait aucune contradiction, et n'a d'ailleurs aucune importance,
l'un s'est appliqué à être court, l'autre a voulu donner
une explication plus complète. - SUITE. " Alors se tenant debout
auprès d'elle, " etc. - S. BAS. (et Orig., Ch. des Pèr. gr.)
D'après le récit de saint Luc, Notre-Seigneur tient ici un langage
figuré, il parle à la fièvre comme à un être
animé et intelligent, il lui commande de sortir, et la fièvre
obéit à ce commandement : " Et la fièvre la quitta,
et s'étant levée aussitôt, elle se mit à les servir.
" - S. CHRYS. Comme cette maladie n'est pas incurable, Notre-Seigneur fait
éclater sa puissance par la manière dont il la guérit,
et en faisant ce que toute la science médicale n'aurait jamais pu faire.
Car après que la fièvre a disparu, les malades sont encore bien
longtemps à revenir à leur premier état de santé,
tandis qu'ici la cessation de la fièvre est suivie d'une guérison
complète.
S. AMBR. Si nous voulons examiner ce fait miraculeux à un point de vue
plus élevé, nous devrons y reconnaître la guérison
de l'âme aussi bien que celle du corps, et c'est l'esprit qui a souffert
le premier des atteintes mortelles du serpent qui est aussi guéri le
premier. D'ailleurs, Eve ne désire manger du fruit défendu qu'après
avoir été séduite par la ruse perfide du serpent ; c'est
pourquoi le remède du salut devait agir d'abord contre l'auteur même
du péché. Peut-être aussi cette femme est-elle la figure
de notre chair languissante et malade de la fièvre des passions criminelles
; en effet, la fièvre de l'amour est-elle moins ardente que la lièvre
qui vient de la chaleur ou de l'inflammation ? - BEDE. Si dans cet homme délivré
du démon, nous reconnaissons une figure de l'âme purifiée
de ses pensées immondes, dans cette femme en proie à une fièvre
ardente et guérie par le commandement du Sauveur, nous pourrons voir
la chair préservée des ardeurs de la concupiscence par les préceptes
de la continence. - S. CYR. Nous donc aussi, recevons Jésus avec empressement,
car s'il daigne nous visiter et que nous le portions dans notre âme et
dans notre coeur, il éteindra le feu des voluptés coupables, et
nous rendra la force et la santé nécessaires pour le servir, c'est-à-dire,
pour accomplir ses volontés.
vv. 40-41.
THEOPHYL. Considérez l'empressement de cette multitude, bien que le soleil
fût couché, ils amènent à ses pieds les infirmes,
sans être arrêtés par l'heure avancée : " Lorsque
le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes, " etc.
- ORIG. Ils les amenaient après le coucher du soleil, c'est-à-dire,
à la fin du jour, parce que, dans le courant de la journée, ils
étaient retenus par d'autres occupations, ou bien encore, parce qu'ils
croyaient qu'il n'était pas permis de guérir le jour du sabbat
; Jésus les guérissait : " Or, Jésus imposant les
mains sur chacun d'eux, " etc. - S. CYR. Il eut pu, sans doute, comme Dieu,
guérir ces malades d'un seul mot, cependant il les touche et montre ainsi
la puissance de sa chair pour opérer des guérisons, car c'était
la chair d'un Dieu ; or, de même que le feu approché d'un vase
d'airain, lui communique sa propre chaleur, de même le Verbe tout-puissant
de Dieu, en s'unissant véritablement ce temple animé et intelligent
qu'il reçut de la vierge Marie, le rendit participant de sa puissance
divine. Que Jésus daigne aussi nous toucher, ou plutôt touchons-le
nous-mêmes pour être délivrés des attaques et de l'orgueil
du démon : " Les démons sortaient du corps de plusieurs,
" etc. - BEDE. Les démons confessent le Fils de Dieu, et, comme
l'Évangéliste le dit plus loin : " Ils savaient qu'il était
le Christ. " En effet, lorsque le démon le vit épuisé
par le jeûne, il en conclut qu'il était homme, mais le voyant inaccessible
à la tentation, il doutait s'il n'était pas le Fils de Dieu ;
maintenant l'éclat et la puissance des miracles lui fait comprendre ou
plutôt soupçonner qu'il est le Fils de Dieu. Si donc il a porté
les Juifs à crucifier Jésus-Christ, ce n'est pas qu'il doutât
qu'il fût le Christ ou le Fils de Dieu, mais parce qu'il ne prévoyait
pas que sa mort serait sa propre condamnation. Car saint Paul dit de ce mystère
caché depuis les siècles : " Que nul des princes de ce monde
ne l'a connu, car s'ils l'eussent connu, ils n'eussent jamais crucifié
le Seigneur de la gloire. - S. CHRYS. " Mais il les menaçait, et
ne leur permettait pas de dire, " etc. Admirez ici l'humilité de
Jésus-Christ, il ne veut pas que les esprits immondes manifestent sa
gloire. Il ne fallait pas, en effet, laisser usurper au démon la gloire
du ministère apostolique, et il ne convenait pas que le mystère
de Jésus-Christ fût annoncé par des langues impures. - THEOPHYL.
Ou bien, c'est parce que la louange qui sort de la bouche du pécheur
n'a aucune beauté, ou parce qu'il ne voulait pas exciter davantage la
jalousie des Juifs, en s'attirant les louanges de la multitude. - BEDE. Les
Apôtres eux-mêmes avaient ordre de ne point parler de lui, de peur
que la connaissance de sa divinité venant à se répandre,
le mystère de sa passion ne fût différé.
vv. 42-44.
S. CHRYS. Après avoir fait un nombre suffisant de miracles en faveur
du peuple, le Seigneur devait se retirer, car les miracles paraissent plus grands
après le départ de celui qui les a faits, ils proclament plus
haut la puissance divine, et font l'office de prédicateurs : " Donc,
dit l'Évangéliste, lorsqu'il fut jour il sortit dehors, et s'en
alla en un lieu désert, " etc. - CH. DES PER. GR. Il s'en alla dans
le désert (d'après saint Marc), et il priait, non pas qu'il eût
besoin de prière, mais pour nous donner le modèle d'une prière
parfaite. - S. CHRYS. (tiré des hom. sur S. Matth.) Malgré tant
de miracles éclatants, les pharisiens sont scandalisés de la puissance
de Jésus-Christ, tandis que le peuple docile à ses divins enseignements,
marchait à sa suite : " Et la foule le cherchait, " etc. Ce
ne sont ni les premiers du peuple, ni les scribes qui le cherchent, mais ceux
que la noirceur de la méchanceté n'avait pas atteint, et dont
la conscience était restée pure. - CH. DES PER. GR. Saint Marc
dit que les Apôtres rejoignirent le Sauveur, pour lui dire que le peuple
le cherchait ; d'après saint Luc, c'est le peuple lui-même qui
vient trouver le Sauveur, mais il n'y a en cela aucune contradiction, car le
peuple était venu le trouver à la suite des Apôtres. Le
Seigneur éprouvait de la joie de se voir ainsi entouré par la
foule, mais il commandait cependant qu'on le laissât aller, car il fallait
que d'autres aussi fussent initiés à sa doctrine, parce que le
temps de sa présence sur la terre ne devait pas être bien long
: " Et il leur dit : Il faut aussi que j'annonce aux autres villes, "
etc. Saint Marc dit : " C'est pour cela que je suis venu, " montrant
ainsi l'excellence de sa divinité et son anéantissement volontaire.
D'après saint Luc, au contraire, le Sauveur aurait dit : " C'est
pour cela que je suis envoyé ; " et il exprime ainsi le mystère
de son incarnation, et donne le nom de mission à la volonté du
Père. L'un dit simplement : " Afin que j'annonce ; " l'autre
ajoute : " Le royaume de Dieu, " qui est Jésus-Christ lui-même.
- S. CHRYS. (comme précéd.) Considérez ici que le Sauveur
pouvait attirer à lui tous les hommes, en demeurant dans le même
endroit ; cependant il ne le fit point, pour nous donner l'exemple d'aller à
la recherche de ceux qui périssent, comme le pasteur court après
la brebis perdue, comme le médecin va lui-même visiter ses malades
; car sauver une seule âme, c'est mériter le pardon de bien des
fautes : " Et il prêchait dans les synagogues de Galilée.
" Il fréquentait les synagogues, pour leur prouver qu'il n'était
pas un séducteur, car s'il eût recherché constamment les
lieux inhabités, ils l'eussent accusé de vouloir se dérober
à la connaissance des hommes.
BEDE. Si le coucher du soleil est une figure allégorique de la mort du
Seigneur, le retour du jour est un symbole de sa résurrection ; le peuple
des croyants le recherche à la clarté de cette lumière,
et après l'avoir trouvé dans le désert des nations, il
l'entoure et cherche à le retenir, dans la crainte qu'il ne lui échappe,
explication d'autant plus probable que ce fait se passa le premier jour après
le sabbat, qui fut le jour de la résurrection du Sauveur.