12. Elie voit une image figurative de la sainte Vierge.
Je vis toute la terre promise privée de pluie, desséchée et languissante, et je vis Élie monter au mont Carmel avec deux serviteurs, pour demander de la pluie à Dieu. Ils montèrent d'abord sur un haut escarpement, puis, par des degrés grossièrement taillés dans le roc, jusqu'à une terrasse, puis encore de nouveaux degrés, et ils arrivèrent enfin à une plate-forme assez grande, sur laquelle était un monticule de rochers où se trouvait une grotte. Elie monta jusqu'au haut de ce monticule. Il laissa ses serviteurs au bord de la plate-forme, et ordonna à l'un d'entre eux de regarder la mer de Galilée. Celui-ci parut tout consterné à cette vue, car le lac était entièrement desséché, plein de trous et d'excavations, couvert de vase et d'animaux pourris.
Elie s'accroupit, mit sa tête entre ses genoux, se voila, pria avec ardeur
vers Dieu, et sept fois de suite il demanda à haute voix à son serviteur s'il
ne voyait pas une nuée monter de la mer. A la septième fois, je vis le nuage
monter, et quand le serviteur l'annonça au prophète, celui-ci l'envoya au
roi Achab.
Je vis, au milieu de la mer, se former comme un tourbillon de couleur blanche,
duquel sortait un petit nuage noir, qui se déploya et s'étendit. Dans ce petit
nuage je vis, dès le commencement, une petite figure brillante, semblable
à une vierge ; je vis aussi Élie l'apercevoir dans la nuée qui s'élargissait.
La tête de cette vierge était entourée de rayons ; elle étendait ses bras
en croix, et tenait à l'une de ses mains comme une couronne de victoire. Son
long vêtement était comme attaché sous ses pieds. Elle parut dans le nuage
qui grandissait, et sembla s'étendre sur toute la terre promise.
Je vis ce nuage se diviser ; en certains endroits sainte et sanctifiés, et
là où habitaient des hommes pieux et aspirant au salut, il laissait comme
de blancs tourbillons de rosée Ces tourbillons avaient sur leurs bords toutes
les couleurs de l'arc-en-ciel, et je vis au milieu la bénédiction se concentrer
comme pour former une perle dans sa coquille. Il me fut expliqué que c'était
une figure prophétique, et que dans les lieux bénis ou le nuage avait laissé
ces tourbillons, il y eut réellement coopération à la manifestation de la
sainte Vierge'.
L'humanité, avant Jésus-Christ, était comme un sol desséché qui aspirait après
lui pour pouvoir donner des fruits Elle demandait que sa soif fut apaisée,
non seulement par des grâces spirituelles, mais encore par la justice incarnée
Jésus-Christ n'était pas seulement le fruit et le rejeton de Dieu et de la
terre (Isaie, IV, 2 ; Jérém., XXIII 5 , XXXIII, 15 ; Zach., III, 8 ; VI, 12),
il était aussi une pluie et une rosée destinée à faire naître des fruits semblables
à lui. Car David prophétise en ces termes : "il descendra comme la pluie sur
la prairie, comme les gouttes qui humectent la terre. Dans ces jours-là, les
justes fleuriront : le moment sera épais dans le pays, sur la cime des montagnes
(c'est-à-dire, d'après l'explication de la traduction chaldaique, dans l'Église)
; ils s'accroîtront dans les villes comme l'herbe de la terre. "(Ps. LXXI,
6, 18) Isaie s écrie aussi : " Cieux, répandez d'en haut 1rotre rosée, et
que les nuées pleuvent le juste ". (Ps. LX, 8) Cette pluie se perpétue sous
une autre forme par la communication multipliée du saint Sacrement, dont la
manne était la figure. Aussi l'ancien commentaire hébraïque Breschith rabba,
à propos du texte où Isaac promet à Jacob, comme bénédiction, la rosée du
ciel. (Parasha 65, dans l'édition publiée à Constantinople sous Soliman),
remarque que, par cette rosée, il faut entendre la manne, de même que par
le froment et le vin (nourris par la rosée), il faut entendre une postérité
de jeunes gens et de jeunes filles. (Sur la Genèse, XXVII, 28, comparez Zacharie,
IX, 17). O ne doit point s'étonner si, dans les écrits juifs postérieurs le
Messie est montré comme une rosée. Dans le Talmud (Tannith dist maimathi maskirin)
Rabbi Barachia parle ainsi : "La maison d'Israël a adressé à Dieu une prière
indiscrète : qu'il vienne à nous, a-t-elle dit, comme une pluie du matin,
comme une pluie du soir qui recouvre la terre. (Osée, VI, 3.) Alors Dieu lui
a dit : Tu demandes une chose qui tantôt est obtenue, tantôt ne l'est pas
; mais je serai pour toi une chose qui sera obtenue : je serai pour Israël
une rosée, et il fleurira comme un lis (Osée, XIV, 4.) L'allusion au Messie
est plus claire dans le Talmud de Jérusalem. (Tract. b'rachot., c. 5;), lorsqu'il
rapporte à cette même idée le psaume sur le sacerdoce du Rédempteur. Il explique
les paroles : La rosée de la naissance vient du sein de l'aurore (dans la
Vulgate : Ex utero ante luciferum genui te, Ps. CIX, en les rapprochant du
texte suivant de Michée : Comme une rosée qui vient du Seigneur, combien de
gouttes d'eau sur l'herbe, que n'attendent pas l'homme et ne dépendent pas
des enfants des hommes. (Michée, V, 7.) La nuée mystérieuse d'Elie, figure
de la créature élue qui devait contenir et apporter cette pluie, laquelle,
tombée d'abord de la croix et depuis s'épanchant à jamais du sacrement de
l'autel, rafraîchit la terre desséchée, cette nuée monte de la mer de Galilée
; ce qui est parfaitement convenable, puisque c'est de cette mer et de ses
bords que la rosée de la doctrine et des bienfaits de Jésus-Christ s'est répandue
avec tant d'abondance et d'efficacité sur la pauvre humanité. Même alors,
quand il enseignait à Capharnaum (Joan., VI) qu'il était la vraie rosée céleste,
la vraie manne r le pain de vie dans le Saint Sacrement, il était immédiatement
auparavant venu miraculeusement sur la mer comme une nuée, et il versait la
bénédiction de la grande promesse dans les coeurs de ses auditeurs Nous nous
souvenons d'avoir lu dans un vieil écrit rabbinique que le Messie devait monter
de la nier de Galilée ; mais nous ne pouvons, pour le moment, citer exactement
le passage, que nous reproduirons en son lieu quand nous l'aurons retrouve.
Nous trouvons pourtant dans un vieux commentaire hébraïque sur les Psaumes
(Midrach Thilim f 4 Lightfoot centur. chronogr., c. 70) les paroles suivantes
: " J'ai crée sept mers, dit Dieu, mais je n'ai choisi entre toutes que celle
de Genezareth ".
Je vis ensuite un songe prophétique où, pendant l'ascension de la nue, Élie
apprit plusieurs mystères relatifs à la sainte Vierge ; malheureusement, au
milieu de tant de choses qui nie troublent et me distraient' j'en ai oublié
le détail exact, ainsi que bien d'autres choses. Élie connut, entre autres
choses, que Marie devait naître dans le septième âge du monde ; c'est pour
cela qu'il appela sept fois son serviteur. Il vit aussi de quelle race elle
sortirait.
Je vis une autre fois Élie élargir la grotte au-dessus de laquelle il avait
prié, et établir une organisation plus régulière parmi les enfants des prophètes
: quelques-uns de ceux-ci priaient habituellement dans Cette grotte pour demander
la venue de la sainte Vierge, et l'honoraient déjà avant sa naissance. Je
Vis que cette dévotion à la sainte Vierge se perpétua sans interruption, qu'elle
subsistait encore, grâce aux Esséniens, quand Marie était déjà sur la terre,
et que plus tard elle continua à être pratiquée par des ermites, desquels
sortirent enfin les religieux du Carmel.
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