Voici ce qu'elle raconta le 8 novembre 1821 :
Aujourd'hui, de bon matin, Joachim alla au temple avec Zacharie et les autres hommes. Plus tard, Marie y fut conduite aussi par sa mère avec un cortège solennel.
Anne et sa fille aînée Marie Héli, avec la petite Marie
de Cléophas, marchaient en avant ; puis venait la sainte enfant avec
sa robe et son manteau bleu de ciel, les bras et le cou ornés de guirlandes.
Elle portait à la main un cierge ou flambeau entouré de fleurs.
Près d'elle, de chaque côté, marchaient trois petites
filles avec des flambeaux pareils et des robes blanches brodées d'or.
Comme, elle aussi, elles portaient de petits manteaux bleu clair, étaient
entourées de guirlandes de fleurs et avaient de petites couronnes autour
du cou et des bras. Ensuite venaient les autres vierges et petites filles,
toutes habillées comme pour une fête, mais non pas uniformément
: toutes portaient de petits manteaux. Les autres femmes fermaient la marche.
On ne pouvait pas aller droit au temple en partant de leur logis, mais il
fallait faire un détour et passer par plusieurs rues. Tout le monde
se réjouissait à l'approche de ce beau cortège, auquel
on rendait des honneurs à la porte de plusieurs maisons. La petite
Marie avait dans ses allures quelque chose de saint et de singulièrement
touchant.
Lorsque le cortège arriva, je vis plusieurs serviteurs du temple occupés
à ouvrir, avec de grands efforts, une porte très grande et très
lourde, brillante comme de l'or, et sur laquelle étaient sculptés
des têtes, des grappes de raisin et des bouquets d'épis'. C'était
la porte dorée. Le cortège passa par cette porte Il fallait
monter cinquante marches pour y arriver ; je ne sais plus s'il y avait entre
elles des intervalles de plain-pied. On voulut conduire Marie par la main,
mais elle s'y refusa. Elle monta les degrés rapidement et sans trébucher,
pleine d'un joyeux enthousiasme. Tout le monde était vivement ému.
Sous la porte elle fut reçue par Zacharie, par Joachim et par quelques
prêtres qui la conduisirent à droite sous la large arcade de
la porte, dans des salles élevées où un repas était
préparé pour quelqu'un. Le cortège se sépara ici.
La plupart des femmes et des enfants se rendirent dans le temple à
l'endroit où priaient les femmes ; Joachim et Zacharie allèrent
au lieu du sacrifice. Les prêtres firent encore quelques questions à
Marie dans l'une des salles ; et, quand ils se furent retirés, étonnés
de la sagesse de l'enfant, Anne mit à sa fille le troisième
vêtement de fête, qui était d'un bleu violet, ainsi que
le manteau, le voile et la couronne que j'ai déjà décrits
lors du récit de la cérémonie qui eut lieu dans la maison
d'Anne'.
Il est a remarquer que le tabernacle de Moise avait des couvertures de fête
de trois espèces, dont celle de dessous, qui était la plus belle,
était bleue et rouge. Il y avait encore par-dessus une quatrième
couverture plus grossière. De même aussi la très sainte
Vierge, dont le tabernacle de l'alliance était la figure, avait, outre
ses habits de fête, un habillement de tous les jours. On peut consulter,
quant à la triple, couverture du tabernacle et à la quatrième
moins précieuse, le livre de l'Exode (XXVI, 1-14).
Pendant ce temps, Joachim était allé au sacrifice avec les prêtres.
Il reçut du feu pris dans un lieu déterminé, et se tint
entre deux prêtres dans le voisinage de l'autel. Je suis trop malade
et trop distraite pour pouvoir mettre l'ordre nécessaire dans la description
du sacrifice. Je ne me rappelle que ce qui suit.
On ne pouvait arriver à l'autel que de trois côtés. Les
morceaux préparés pour le sacrifice n'étaient pas réunis
en un seul endroit, mais rangés autour en différentes places.
Aux quatre coins de l'autel étaient quatre colonnes de métal,
creuses à l'intérieur, sur lesquelles reposaient comme des conduits
de cheminée C'étaient de larges entonnoirs en cuivre qui se
terminaient à l'extérieur par des tuyaux en forme de cornes,
en sorte que la fumée s'en allait par là en passant par-dessus
la tête des prêtres qui sacrifiaient.
Pendant que le sacrifice de Joachim se consumait sur l'autel, Anne alla avec
Marie et les jeunes filles qui l'accompagnaient dans le vestibule des femmes,
qui était la place où se tenaient les femmes dans le temple.
Ce lieu était séparé de l'autel du sacrifice par un mur
qui se terminait en haut par un grillage. Au milieu de ce mur de séparation,
il y avait pourtant une porte. Le vestibule des femmes, à partir du
mur de séparation, allait toujours en montant, en sorte que celles
au moins qui étaient aux places les plus éloignées pouvaient
voir, jusqu'à un certain point, l'autel du sacrifice. Quand la porte
du mur de séparation était ouverte, une partie d'entre elles
pouvait voir l'autel. Marie et les autres jeunes filles étaient debout
devant Anne, et les autres femmes de la famille à peu de distance de
la porte. A une place à part se tenait une troupe d'enfants du temple,
vêtus de blanc, qui jouaient de la flûte et de la harpe.
Après le sacrifice, on dressa sous la porte du mur de séparation
un autel portatif couvert ou une table de sacrifice', avec quelques marches
pour y monter. Zacharie et Joachim vinrent avec un prêtre de la cour
des sacrifices à cet autel, devant lequel se tenaient un prêtre
et deux lévites, avec des rouleaux et tout ce qu'il fallait pour écrire.
Un peu en arrière étaient les jeunes filles qui avaient accompagné
Marie. Marie s'agenouilla sur les marches ; Joachim et Anne étendirent
leurs mains sur sa tête. Le prêtre lui coupa quelques cheveux
qui furent brûlés sur un brasier. Les parents prononcèrent
quelques paroles par lesquelles ils offraient leur enfant, et que les deux
lévites écrivirent. Pendant ce temps, les jeunes filles chantaient
le psaume quarante-quatre : Eructavit cor meum vertum bonum, et les prêtres
le psaume quarante-neuf : Deus deorum Dominus locutus est, et les jeunes garçons
jouaient de leurs instruments.
Cette table de sacrifice était placée sous la porte en question,
parce que les femmes ne pouvaient pas aller plus loin. Joachim, lors de sa
rencontre avec Anne, était descendu dans le passage souterrain au-dessous
de l'arceau de cette porte ; Anne, du côté opposé.
Je vis alors deux prêtres prendre Marie par la main et la conduire par
plusieurs marches à une place élevée du mur qui séparait
le vestibule du sanctuaire d'avec ce dernier lieu. Ils placèrent l'enfant
dans une espèce de niche située au milieu de ce mur eu "rte
qu'elle pouvait voir dans le temple, où se tenaient rangés en
ordre plusieurs hommes qui me parurent consacrés au temple. Deux prêtres
étaient à ses côtés ; il y en avait sur les marches
quelques autres qui récitaient à haute voix des prières
écrites sur des rouleaux. De l'autre côté du mur, un vieux
prince des prêtres se tenait debout près d'un autel, à
un endroit assez élevé pour qu'on pût le voir à
moitié. Je le vis présenter de l'encens dont la fumée
se répandit autour de Marie.
Pendant cette cérémonie, je vis autour de la sainte Vierge un
tableau symbolique qui bientôt remplit le temple et l'obscurcit, pour
ainsi dire. Je vis une gloire lumineuse sous le coeur de Marie, et je connus
qu'elle renfermait la promesse, la très sainte bénédiction
de Dieu. Je vis cette gloire se montrer comme entourée de l'arche de
Noé, de façon que la tête de la sainte Vierge s'élevait
au-dessus de l'arche. Je vis ensuite cette arche de Noé prendre la
forme de l'Arche d'alliance, et celle-ci à son tour comme renfermée
dans le temple. Puis je vis ces formes disparaître, et le calice de
la sainte cène se montrer hors de la gloire devant la poitrine de Marie,
et au-dessus de lui, devant la bouche de la Vierge, un pain marqué
d'une croix. A ses côtés brillaient des rayons à l'extrémité
desquels se montraient, exprimés par des figures, plusieurs symboles
mystiques de la sainte Vierge, comme, par exemple, tous les noms des litanies
que l'Église lui adresse. De ses deux épaules partaient, en
se croisant, deux branches d'olivier et de cyprès, ou de cèdre
et de cyprès au-dessus d'un beau palmier, avec un petit bouquet de
feuilles que je vis apparaître derrière elle. Dans les intervalles
de ces branches, je vis tous les instruments de la Passion de Jésus-Christ.
Le Saint Esprit sous une forme ailée qui semblait se rapprocher plus
de 1a forme humaine que de celle de la colombe, planait sur le tableau, au-dessus
duquel je vis le ciel ouvert, et le centre de la Jérusalem céleste,
la cité de Dieu avec tous ses palais, ses jardins et les places des
saints futurs : tout cela était plein d'anges, de même que la
gloire qui maintenant entourait la sainte Vierge était remplie de têtes
d'anges'.
L'Eglise, dans les heures canoniques, répète souvent la prière
Omnium nostrum habitatio est in , sancta Dei Genitrix, ce qui s'accorde bien
avec la représentation où Marie parait sous la figure de l'arche
de Noé, dans laquelle habitait tout ce qui était sauvé
du déluge.
Qui pourrait rendre ces choses par des expressions humaines. Tout cela se
montrait sous des formes si diverses, si multipliées, naissant les
unes des autres avec de si continuelles transformations, que j'en ai oublié
la plus grande partie. Tout ce qui se rapporte à la sainte Vierge dans
l'ancienne et la nouvelle alliance, et jusque dans l'éternité,
se trouvait représenté par là Je ne puis comparer cette
apparition qu'avec celle que j'eus en plus petit il n'y a pas longtemps, et
où je vis dans toute sa magnificence le saint Rosaire, que beaucoup
de gens qui se croient habiles comprennent bien moins que les pauvres gens
de la basse classe qui le récitent dans leur simplicité : car
ceux-ci ajoutent à son éclat par leur obéissance, leur
piété, et leur humble confiance dans l'Église qui recommande
cette prière. Lorsque je vis tout cela, toutes les magnificences et
les beautés du temple, ainsi que les murs élégamment
ornés qui étaient derrière la sainte Vierge, me parurent
ternes et noircis : le temple lui-même sembla bientôt disparaître
; Marie et la gloire qui l'entourait remplissaient tout. Pendant que toutes
ces visions passaient sous mes yeux, je ne vis plus la sainte Vierge sous
la forme d'une enfant ; elle m'apparut grande et planant en l'air, et je voyais
pourtant les prêtres, le sacrifice de l'encens et tout le reste à
travers cette image : on eût dit que le prêtre était placé
derrière elle, annonçait l'avenir et invitait le peuple à
remercier Dieu et à le prier, parce que de cette enfant il devait sortir
quelque chose de grand. Tous ceux qui étaient présents au temple,
quoiqu'ils ne vissent pas ce que je voyais, étaient graves, recueillis
et profondément émus Le tableau s'évanouit par degrés,
ainsi que je l'avais vu apparaître. A la fin, je ne vis plus que la
gloire sous le coeur de Marie, et la bénédiction de la promesse
qui brillait au dedans ; puis cette vision aussi disparut, et je vis de nouveau
la sainte enfant avec sa parure, seule entre deux prêtres.
Les prêtres prirent les couronnes qui étaient autour ce ses bras
ainsi que le flambeau qu'elle avait à la main, et les donnèrent
à ses compagnes. Ils lui mirent sur la tête une espèce
de voile brun, et, lui ayant fait descendre les degrés, ils la conduisirent
par une porte dans une salle voisine où six autres vierges du temple,
mais plus âgées, vinrent à sa rencontre en jetant des
fleurs devant elle. Elles étaient suivies de leurs maîtresses,
Noémi, soeur de la mère de Lazare, la prophétesse Anne
et une troisième. Les prêtres reçurent entre leurs mains
la petite Marie, après quoi ils se retirèrent. Les père
et mère de l'enfant, ainsi que leurs plus proches parents, se trouvaient
là aussi ; on acheva les chants sacrés, et Marie prit congé
de sa famille. Joachim surtout était profondément ému
; il prit Marie dans ses bras, la serra contre son coeur, et lui dit avec
larmes : " Souviens-toi de mon âme devant Dieu ". Marie se
rendit alors avec les maîtresses et plusieurs jeunes filles dans le
logement des femmes, attenant au côté septentrional du temple
proprement dit. Elles habitaient des chambres qui avaient été
pratiquées dans les gros murs du temple. Elles pouvaient, par des passages
et des escaliers, monter à de petits oratoires placés près
du sanctuaire et du Saint des saints.
Les parents de Marie revinrent à la salle voisine de la porte dorée
où ils s'étaient arrêtés d'abord, et y prirent
un repas avec les prêtres. Les femmes mangeaient dans une salle séparée.
J'ai oublié, parmi beaucoup d'autres choses, pourquoi la fête
avait été si brillante et si solennelle. Je sais pourtant que
ce fut par suite d'une révélation de la volonté divine
à cet égard. Les parents de Marie avaient de l'aisance. Ils
ne vivaient pauvrement que par esprit de mortification et pour pouvoir faire
plus d'aumônes. Ainsi Anne, pendant je ne sais combien de temps, ne
mangea que des aliments froids. Mais ils tenaient leurs gens dans l'abondance
et les dotaient.- J'ai vu beaucoup de personnes qui priaient dans le temple.
Il y en avait aussi un grand nombre qui avaient suivi le cortège jusqu'à
la porte du temple.-Quelques-uns des assistants durent avoir un pressentiment
des destinées de la sainte Vierge, car je me souviens de quelques paroles
que sainte Anne, dans un moment d'enthousiasme joyeux, adressa à quelques
femmes, et dont le sens était : " Voici l'Arche d'alliance, le
vase de la promesse, qui entre dans le temple. "-Les père et mère
de Marie, ainsi que les autres parents, s'en retournèrent aujourd'hui
jusqu'à Bethoron.
Je vis aussi une fête chez les vierges du temple. Marie dut demander
aux maîtresses et à chaque jeune fille en particulier si elles
voulaient la souffrir parmi elles. C'était l'usage d'agir ainsi. Il
y eut ensuite un repas et une sorte de petite fête où quelques-unes
des jeunes filles jouèrent de certains instruments de musique. Le soir,
je vis Noémi, l'une des maîtresses, conduire la sainte Vierge
dans la petite chambre qui lui était destinée et d'où
l'on pouvait voir dans le temple. Il y avait une petite table et un escabeau
; dans les angles étaient disposées des tablettes. En avant
de cette petite chambre était une place pour la couche et une garde-robe,
ainsi que la chambre de Noémi. Marie parla à celle-ci de son
désir de se lever plusieurs fois la nuit, mais Noémi ne le lui
permit pas pour le moment.
Les femmes du temple portaient de longs et amples vêtements blancs avec
des ceintures, et des manches très - larges qu'elles relevaient pour
travailler. Elles étaient voilées. Je ne me souviens pas d'avoir
jamais vu qu'Hérode ait fait rebâtir à neuf le temple
entier. Je vis seulement qu'on y fit sous son règne divers changements.
Lorsque Marie vint au temple, onze ans avant la naissance de Jésus-Christ,
on ne faisait pas de travaux dans le temple proprement dit, mais, comme toujours,
on travaillait aux constructions extérieures : cela ne cessa jamais.
Le 21 novembre, la soeur dit ce qui suit : J'ai vu aujourd'hui la chambre
qu'habitait Marie au temple. Dans la partie septentrionale du temple, vis-à-vis
du sanctuaire se trouvaient dans le haut plusieurs chambres qui communiquaient
avec les habitations des femmes. La chambre de Marie était l'une des
plus reculées vis-à-vis du Saint des saints. On passait du corridor
en levant un rideau dans une pièce antérieure, qui était
séparée de la chambre proprement dite par une cloison de forme
convexe ou terminée en angle. Dans l'angle, à droite et à
gauche, étaient des compartiments pour mettre des habits et des effets
; vis-à-vis de la porte pratiquée dans cette cloison, des marches
conduisant plus haut à une ouverture devant laquelle était une
tapisserie, et d'où l'on pouvait voir dans le temple. à gauche,
contre le mur de la chambre était un tapis roulé qui. Lorsqu'il
était étendu, formait la couche où Marie reposait.
Dans une niche de la muraille était placée une lampe près
de laquelle j'ai vu l'enfant debout sur un escabeau, lire des prières
dans un rouleau de parchemin. C'était très touchant. Elle avait
une petite robe rayée de blanc et de bleu et parsemée de fleurs
jaunes. Il y avait dans la chambre une table basse, de forme ronde. Je vis
entrer la prophétesse Anne. Elle plaça sur la table un plat
où étaient des fruits de la grosseur d'une fève et une
petite cruche. Marie avait une adresse au-dessus de son âge ; je la
vis déjà travailler à de petites pièces de toile
blanche
Les contemplations qui précèdent étaient ordinairement
communiquées par Anne Catherine Emmerich vers le temps de la fête
de la Présentation de Marie. Voici ce qu'on a recueilli en outre, d'après
des récits faits à diverses époques sur le séjour
de Marie au temple.
Vie de Marie : index
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Mort de la Sainte Vierge : index
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