98. Retour d'Egypte. Un ange avertit Joseph de quitter ce pays.
- Départ de la sainte Famille. Séjour de trois mois à Gaza.

Je vis la sainte Famille quitter l'Egypte. Hérode était mort depuis assez longtemps ; mais ils ne pouvaient encore revenir parce qu'il y avait toujours du danger. Le séjour de l'Egypte devenait de plus en plus pénible pour saint Joseph. Les gens du pays pratiquaient un horrible culte idolâtrique : ils sacrifiaient des enfants mal venus, et ceux qui en sacrifiaient de bien conformés croyaient faire preuve d'une grande piété. Ils avaient en outre un culte secret plein d'impuretés ; les Juifs mêmes du pays étaient infectés de ces abominations. Ils avaient un temple qu'ils disaient être comme celui de Salomon ; mais c'était une vanterie ridicule, car il était tout différent. Ils avaient une imitation de l'Arche d'alliance, dans laquelle étaient des figures obscènes, et ils se livraient à de détestables pratiques. Ils ne chantaient plus de psaumes. Joseph avait établi un ordre parfait dans l'école de Mataréa. Le prêtre égyptien qui, lors de la chute des idoles dans la petite ville voisine d'Héliopolis, avait parlé en faveur de la sainte Famille, était venu là avec plusieurs personnes et s'était réuni à la communauté juive.


Je vis saint Joseph occupé de son travail de charpentier. Lorsque vint l'heure où il devait le cesser, il parut très triste, car on ne lui donnait pas son salaire, et il n'avait rien à rapporter à la maison, où l'on souffrait pourtant de grandes privations. Accablé de soucis, il s'agenouilla en plein air, exposa à Dieu sa détresse et le pria de venir à son secours. Je vis la nuit suivante un ange lui apparaître en songe et lui dire que ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant étaient morts, qu'il devait se lever et faire ses dispositions pour revenir dans sa patrie par la route la plus fréquentée. Il l'exhortait à ne rien craindre parce qu'il serait à ses côtés. Je vis saint Joseph faire connaître cet ordre de Dieu à la sainte Vierge et à l'Enfant-Jésus. Ils obéirent aussitôt et firent leurs préparatifs de voyage avec la même promptitude qu'ils les avaient faits lorsqu'ils avaient reçu l'ordre de s'enfuir en Egypte.


Le lendemain matin, quand on connut leur projet, beaucoup de gens, très attristés de leur départ, vinrent prendre congé d'eux et leur apportèrent des présents de toute espèce dans de petits vases d'écorce. Ces gens étaient sincèrement affligés : il y avait parmi eux quelques Juifs, mais la plupart étaient des paiens convertis. Les Israélites établis dans ce pays étaient, pour la plupart, tellement tombes dans l'idolâtrie, qu'ils n'étaient presque plus reconnaissables. Il y avait aussi des hommes qui voyaient avec joie le départ de la sainte Famille, car ils les regardaient comme des magiciens, qui avaient à leur service les plus puissants d'entre les mauvais esprits.


Je vis parmi les braves gens qui leur portaient des pré0ents des mères avec leurs enfants qui avaient été les compagnons de Jésus, et spécialement une femme de distinction de cette ville, ayant avec elle un petit garçon, qu'elle avait coutume d'appeler le fils de Marie ; car cette femme avait longtemps désiré en vain d'avoir des enfants, et c'était à la prière de la sainte Vierge que Dieu lui avait accordé ce petit garçon. Elle s'appelait Mira et son fils Déodatus. Je la vis donner de l'argent à l'Enfant-Jésus. C'étaient de petites pièces triangulaires, jaunes, blanches et brunes. Jésus, en les recevant, regarda sa mère.


Quand Joseph eut chargé sur l'âne leurs effets les plus nécessaires, ils se mirent en route accompagnés de ces amis. C'était le même âne que Marie avait monté en allant à Bethléhem. Pour la fuite en Égypte, ils avaient emmené en outre une ânesse ; mais Joseph l'avait vendue dans un moment de détresse.


Ils passèrent entre Héliopolis et le village juif, et se détournèrent un peu au midi, vers la source qui avait jailli à la prière de Marie avant leur première arrivée à Héliopolis ou On. Tout, dans ce lieu, s'était recouvert d'une belle verdure. Le ruisseau coulait autour d'un jardin carré, bordé de baumiers. Ce lieu, où il y avait une entrée, était à peu prés grand comme est ici le manège du duc'. Il était plein de jeunes arbres fruitiers, de dattiers, de sycomores, etc.


1) Elle voulait parler du duc de Croy, seigneur de Dulmen.


Les baumiers étaient à peu près grands comme des ceps de vigne de moyenne taille. Joseph avait fait de petits vases d'écorce d'arbre. Ils étaient enduits de poix à certaines places, du reste bien polis et d'une forme élégante. Il faisait souvent, dans les haltes du voyage, de semblables vases destinés à différents usages. Il arracha aux petites branches rougeâtres des baumiers leurs feuilles semblables à des feuilles de trèfle ; il y suspendit de ces petits vases d'écorce pour recueillir le baume qui en découlait, et ils l'emportèrent avec eux pour le voyage. Ceux qui les avaient accompagnés leur firent des adieux touchants. Pour eux, ils s'arrêtèrent là quelques heures. La sainte Vierge lava et fit sécher quelques effets. Ils se reposèrent au bord de l'eau et remplirent leur outre ; puis ils continuèrent leur voyage par la route la plus fréquentée.


Je les vis plusieurs fois pendant ce voyage, où ils ne coururent aucun danger. L'Enfant-Jésus, Marie et Joseph avaient sur la tête, pour se garantir du soleil, une large pièce d'écorce très mince, assujettie sous le menton avec un linge. Jésus avait sa petite robe brune et des chaussures d'écorce que Joseph lui avait fabriquées : elles couvraient les pieds à moitié. Marie n'avait que des sandales. Je les vis souvent inquiets parce que l'Enfant Jésus avait peine à marcher dans le sable brûlant. Je les vis plusieurs fois s'arrêter et ôter le sable de ses chaussures. Ils le faisaient fréquemment monter sur l'âne pour le soulager.


Je les vis traverser plusieurs villes et passer près de quelques autres. Les noms m'ont échappé ; je me souviens pourtant du nom de Ramessès. Ils traversèrent un cours d'eau qu'ils avaient déjà traversé en venant. Il allait de la mer Rouge au Nil.


Joseph ne voulait pas revenir à Nazareth, mais s'établir à Bethléhem, sa patrie ; cependant il était indécis, parce qu'il avait appris dans la terre promise que la Judée était gouvernée par Archélaus, qui était aussi très cruel.


Je vis que la sainte Famille, arrivée à Gaza, y séjourna trois mois. Beaucoup de paiens habitaient cette ville. Un ange lui apparut de nouveau en songe, et lui ordonna de retourner à Nazareth, ce qu'il fit aussitôt. Anne vivait encore. Elle connaissait le séjour de la sainte Famille, ainsi que quelques-uns de ses parents.


Le retour d'Égypte eut lieu en septembre. Jésus était âgé de huit ans moins trois semaines.

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