4. Naissance de sainte Anne. Son mariage. Sa première fille.
Ismeria et Eliud eurent une fille aînée appelée Sobé. Comme celle-ci ne portait pas le signe de la promesse, cela les troubla beaucoup, et ils allèrent consulter de nouveau le prophète du mont Horeb. Archos les exhorta à la prière, au sacrifice, et leur promit qu'ils seraient consolés. Ismeria resta ensuite stérile pendant environ dix-huit ans. Dieu l'ayant bénie de nouveau, je vis qu'elle eut pendant la nuit une révélation : elle vit prés de sa couche un ange traçant une lettre sur le mur. Je crois que c'était une M. Ismeria le dit à son mari, qui avait eu la même vision, et tous deux étant réveillés virent la lettre sur le mur. Trois mois après, elle enfanta sainte Anne, qui vint au monde avec le signe en question sur le creux de l'estomac.
Anne fut amenée à l'école du Temple dans sa cinquième année, ainsi que Marie
le fut plus tard. Elle y passa douze ans et revint à dix-sept ans dans la
maison paternelle, où elle trouva deux enfants, savoir : une petite soeur
cadette appelée Maraha, et un jeune fils de sa soeur aînée Sobé, nommé Eliud.
Un an après, Ismeria eut une maladie mortelle. Sur son lit de mort, elle exhorta
tous les siens, et désigna Anne comme devant lui succéder dans le gouvernement
de la maison. Elle s'entretint ensuite seule avec Anne, lui dit qu'elle était
un vase d'élection, qu'elle devait se marier et demander conseil au prophète
du mont Horeb ; après quoi elle mourut.
Le bisaïeul d'Anne était un prophète. Eliud, son père, était de la tribu de
Lévi ; sa mère, Ismeria, de celle de Benjamin. Anne était née à Bethléhem.
Ses parents allèrent ensuite à Sephoris, situé à quatre lieues de Nazareth
: ils avaient là une maison et un bien. Ils avaient aussi des terres dans
la belle vallée de Zabulon, à une lieue et demie de Sephoris et à trois de
Nazareth. Le père d'Anne, pendant la belle saison, était souvent, avec sa
famille, dans la vallée de Zabulon, et il s'y fixa tout à fait après la mort
de sa femme ; de là vinrent ses rapports avec les parents de saint Joachim,
qui devint le mari de sainte Anne. Le père de Joachim s'appelait Matthat.
C'était le second frère de Jacob, père de saint Joseph ; l'autre frère s'appelait
Joses. Matthat s'était établi dans la vallée de Zabulon.
Je vis des ancêtres d'Anne, pleins de piété et de ferveur, parmi ceux qui
portaient l'Arche d'alliance ; je vis qu'ils recevaient de l'objet sacré qui
y était contenu des rayons qui s'étendaient à leur postérité, à sainte Anne
et à la sainte vierge Marie. Je les vis dans une grande propriété rurale ;
ils avaient beaucoup de bêtes à cornes ; mais ils ne possédaient rien pour
eux seuls, ils donnaient tout aux pauvres. J'ai vu Anne dans son enfance ;
elle n'avait pas une beauté remarquable, quoiqu'elle fût plus belle que beaucoup
d'autres. Elle n'était pas à beaucoup près aussi belle que Marie, mais elle
se distinguait par sa simplicité et sa piété naive. Elle avait plusieurs frères
et soeurs qui étaient mariés. Pour elle, elle ne voulait pas encore se marier.
Ses parents avaient pour elle une tendresse particulière. Elle avait six prétendants
à sa main, mais elle les refusait. Comme ses ancêtres, elle alla prendre conseil
chez les Esséniens, et il lui fut dit d'épouser Joachim, qu'alors elle ne
connaissait pas encore, mais qui la rechercha en mariage lorsque son père
Eliud se fut établi dans la vallée de Zabulon, où demeurait Matthat, père
de Joachim.
Saint Joseph et Joachim étaient parents, et voici comment : Le grand-père
de Joseph descendait de David par Salomon, et s'appelait Mathan. Il avait
deux fils, Jacob et Joses. Mathan étant mort, sa veuve prit un second mari
appelé Lévi, qui descendait de David par Nathan et elle eut de ce Lévi Matthat,
père de Joachim, qui s'appelait aussi Héli.
Joachim et Anne furent mariés dans une bourgade où il n'y avait qu'une petite
école. Un seul prêtre était présent. Anne avait alors dix-neuf ans. Ils habitèrent
chez Eliud, le père d'Anne. Sa maison dépendait de la ville de Sephoris ;
mais elle était à quelque distance, au milieu d'un groupe de maisons, dont
elle était la plus grande. Ils vécurent là plusieurs années. Tous les deux
avaient quelque chose de distingué dans leur manière d'être ; ils avaient
bien l'air tout à fait juif, mais il y avait en eux je ne sais quoi qu'ils
ne connaissaient pas eux-mêmes : leur gravite était merveilleuse. Je les ai
vus rarement rire, quoique dans les commencements de leur mariage ils ne fussent
pas précisément tristes. Leur caractère était tranquille et égal, et dès leur
jeunesse ils ressemblaient déjà a de vieilles gens par leur air réfléchi.
J'ai vu autrefois de semblables jeunes couples qui avaient l'air très réfléchi
et je me disais alors : Ceux-ci sont comme Anne et Joachim.
Les parents avaient de l'aisance : ils possédaient de nombreux troupeaux,
de beaux tapis et de beaux ustensiles ; ils avaient plusieurs serviteurs et
servantes. Ils étaient pieux, sensibles, bienfaisants, pleins de droiture.
Ils divisaient souvent en trois parts leurs troupeaux et tout le reste ; ils
donnaient un tiers du bétail au temple, où ils le conduisaient eux-mêmes,
et où les serviteurs du temple le recevaient ; ils donnaient le second tiers
aux pauvres ou à des parents qui le demandaient, et dont quelques-uns, la
plupart du temps, se trouvaient présents en ce moment. Ils gardaient pour
eux la dernière part, qui était ordinairement la moindre. Ils vivaient très
modestement et donnaient tout ce qu'on leur demandait. Etant enfant, je me
suis dit souvent : " il suffit de donner : celui qui donne reçoit le double
" ; car je voyais que la portion qu'ils s'étaient réservée allait toujours
croissant, et que bientôt tout se trouvait tellement multiplié, qu'ils pouvaient
de nouveau faire leur division en trois parts. Ils avaient beaucoup de parents
qui se réunissaient chez eux dans toutes les occasions solennelles. Je ne
vis pas qu'on y menât grande chère. Je les vis souvent dans le cours de leur
vie donner à manger à quelques pauvres, mais je ne vis jamais de festins proprement
dits. Quand ils étaient ensemble, je les voyais ordinairement assis par terre
en rond ; ils pariaient de Dieu avec un vif sentiment d'espérance. Je vis
souvent de méchants hommes de leurs parents qui se montraient pleins de mauvais
vouloir et d'irritation lorsque, dans leurs entretiens, ils levaient au ciel
des yeux pleins de désir ; mais ils étaient bienveillants pour ces gens si
mal disposés, les invitaient chez eux dans toutes les occasions, et leur donnaient
double part. Je vis souvent ces personnes exiger grossièrement et brutalement
ce que l'excellent couple leur offrait avec affection.
Il y avait des pauvres dans leur famille, et je les vis souvent donner un
mouton ou même plusieurs.
Le premier enfant qu'Anne mit au monde dans la maison de son père fut une
fille, mais qui n'était pas l'enfant de la promesse. Les signes qui avaient
été prédits ne se montrèrent pas à sa naissance, qui se trouva liée à quelques
circonstances pénibles. Je vis, par exemple, qu'Anne, pendant sa grossesse,
éprouva du chagrin de la part de ses gens. Une de ses servantes avait été
séduite par un parent de Joachim. Anne, très troublée de voir ainsi violée
la stricte discipline de sa maison, reprocha un peu vivement sa faute à cette
fille. Celle-ci prit son malheur trop à coeur et accoucha avant terme d'un
enfant mort. Anne fut inconsolable de cet accident ; elle craignit d'en avoir
été la cause, et il s'ensuivit qu'elle-même accoucha avant terme ; mais sa
fille vécut. Comme cette enfant n'avait pas le signe de la promesse et qu'elle
était née prématurément, Anne vit là une punition de Dieu, et fut extrêmement
troublée, car elle croyait s'être rendue coupable. Toutefois, les parents
accueillirent avec une joie sincère la naissance de l'enfant, qui fut, elle
aussi, appelée Marie. C'était une enfant aimable, pieuse et douce. Ses parents
l'aimaient beaucoup ; mais il restait en eux quelque trouble et quelque inquiétude,
parce qu'ils reconnaissaient qu'elle n'était pas ce fruit béni de leur union
qu'ils avaient attendu.
Ils firent longtemps pénitence et vécurent séparés l'un de l'autre. Anne était
devenue stérile, ce qu'ils regardaient comme le résultat de leurs fautes,
et cela les portait à redoubler leurs bonnes oeuvres Je les vis souvent, chacun
de leur côté, faire de ferventes prières, puis vivre à part l'un de l'autre
pendant de longs intervalles, donner des aumônes et envoyer des victimes au
temple.
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