66. Les Rois visitent encore la sainte Famille.
- Hérode leur tend des
embûches.
- Un Ange les avertit. Ils prennent congé et s'en vont.
(Le lundi, 91 décembre.) Aujourd'hui je vis de grand matin les rois
et quelques personnes de leur suite visiter successivement la sainte Famille.
Je les vis aussi, pendant la journée, près de leur campement
et de leurs bêtes de somme, occupés de diverses distributions.
Ils étaient dans la joie et le bonheur, et faisaient beaucoup de présents.
J'ai vu qu'alors on en agissait toujours ainsi lors des événements
heureux. Les bergers, qui avaient rendu des services à la suite des
rois, reçurent des présents considérables. Je vis aussi
faire des gratifications à beaucoup de pauvres ; ainsi l'on mettait
des couvertures sur les épaules de quelques pauvres vieilles femmes
toutes courbées qui s'étaient glissées là. Il
y avait plusieurs personnes de la suite des trois rois qui se plaisaient dans
la vallée près des bergers, et qui voulaient rester là
et se réunir à ces bergers. Ils firent connaître leur
désir aux rois, et reçurent la permission de rester avec de
riches présents. On leur donna des couvertures, des effets, de l'or
en grains, et les Anes qu'ils avaient montés. Comme je vis aussi les
rois distribuer beaucoup de pain, je me demandai d'abord d'où ils l'avaient
tiré. Je me rappelai ensuite les avoir vus plusieurs fois, aux endroits
où ils campaient, préparer, au moyen de leur provision de farine,
dans des formes de fer qu'ils portaient avec eux, de petits pains plats semblables
à du biscuit, qu'ils mettaient sur leurs bêtes de somme, entassés
dans de légères boites de cuir. Il vint aussi aujourd'hui beaucoup
de gens de Bethléhem, qui se pressaient autour d'eux pour avoir des
présents, et qui se faisaient donner quelque chose sous divers prétextes.
Le soir, ils allèrent à la crèche pour prendre congé.
Mensor s'y rendit seul d'abord. Marie lui mit l'Enfant-Jésus dans les
bras : il pleurait et était rayonnant de joie. Après lui vinrent
les deux autres, qui prirent congé en versant des larmes. Ils apportèrent
encore beaucoup de présents, des pièces de diverses étoffes,
dont quelques-unes semblaient être de soie sans teinture, dont quelques
autres étaient rouges ou à fleurs ; il y avait aussi de très
belles couvertures. Ils voulurent en outre laisser leur grands manteaux d'un
jaune pâle, qui semblaient faits d'une laine extrêmement fine
; ils étaient très légers, le moindre souffle d'air les
agitait. Ils portaient aussi plusieurs coupes placées les unes sur
les autres, des boites pleines de grains, et dans une corbeille des pots où
étaient de beaux bouquets d'une herbe verte avec de jolies fleurs blanches.
Ces pots étaient placés les uns au-dessus des autres dans la
corbeille. C'était de la myrrhe. Ils donnèrent aussi à
Joseph de longues cages avec des oiseaux qu'ils avaient en grand nombre sur
leurs dromadaires pour les manger.
Tous versèrent des larmes abondantes quand ils quittèrent Marie
et l'enfant. Je vis la sainte Vierge debout près d'eux lorsqu'ils prirent
congé. Elle portait sur son bras l'Enfant-Jésus enveloppé
dans son voile, et elle fit quelques pas pour reconduire les rois vers la
porte de la grotte ; là elle s'arrêta en silence, et, pour donner
un souvenir à ces excellents hommes, elle détacha de sa tête
le grand voile d'étoffe jaune transparente qui l'enveloppait ainsi
que l'Enfant-Jésus ; et elle le donna à Mensor. Ils reçurent
ce don en s'inclinant profondément, et une joie respectueuse fit battre
leurs coeurs quand ils virent devant eux la sainte Vierge sans voile, tenant
le petit Jésus. quelles douces larmes ils versèrent en quittant
la grotte ! Le voile fut pour eux dès lors la plus sainte relique qu'ils
possédassent.
La sainte Vierge, en recevant les présents, ne semblait pas attacher
de prix aux choses qu'on lui offrait ; et pourtant, dans sa touchante humilité,
elle montrait une véritable reconnaissance pour celui qui donnait.
Pendant cette merveilleuse visite, je n'ai vu chez elle aucun sentiment de
retour complaisant sur elle-même. Seulement, au commencement, par amour
pour l'Enfant-Jésus et par compassion pour saint Joseph, elle se hissa
aller en toute simplicité à l'espérance que dorénavant
ils trouveraient peut-être de la sympathie à Bethléhem,
et ne seraient plus traités d'une manière aussi méprisante
qu'à leur arrivée ; car la tristesse et la confusion de saint
Joseph l'avaient beaucoup affligé.
Quand les rois prirent congé, la lampe était déjà
allumée dans la grotte : il faisait sombre, et ils se rendirent aussitôt
avec leurs suivants sous le grand térébinthe qui surmontait
le tombeau de Maraha, pour y faire, comme la veille au soir, les cérémonies
de leur culte. Une lampe était allumée sous l'arbre. Lorsque
les étoiles se montrèrent, ils prièrent et entonnèrent
des chants mélodieux. Les voix des enfants faisaient un effet très
agréable dans le choeur. Ils se rendirent ensuite dans leur tente,
où Joseph leur avait encore préparé un petit repas, après
lequel quelques-uns s'en retournèrent à leur auberge à
Bethléhem, tandis que les autres se livrèrent au repos dans
la tente.
Vers minuit, j'eus tout à coup une vision. Je vis les rois reposant
dans leur tente sur des couvertures étendues par terre, et j'aperçus
auprès d'eux un jeune homme resplendissant : c'était un ange
qui les éveillait et leur disait de partir en toute hâte, et
de ne pas revenir par Jérusalem, mais par le désert, en contournant
la mer Morte. Ils se jetèrent promptement à bas de leur couche,
et leur suite fut bientôt sur pied. L'un d'eux alla à la crèche
éveiller saint Joseph, qui courut à Bethléhem pour avertir
ceux qui s'y étaient logés ; mais il les rencontra avant d'y
arriver, car ils avaient eu la même apparition. La tente fut pliée,
les bagages furent chargés, et tout fut enlevé avec une rapidité
étonnante. Pendant que les rois faisaient encore de touchants adieux
à saint Joseph devant la grotte de la Crèche, leur suite partait
en détachements séparés pour prendre les devants, et
se dirigeait vers le midi pour longer la mer Morte en traversant le désert
d'Engaddi.
Les rois firent des instances pour que la sainte Famille partît avec
eux, parce qu'un danger la menaçait certainement ; ils demandèrent
ensuite que Marie se cachât avec le petit Jésus pour n'être
pas inquiétée à cause d'eux ; ils pleurèrent comme
des enfants, embrassèrent saint Joseph et lui adressèrent des
paroles touchantes ; puis ils montèrent leurs dromadaires légèrement
chargés, et s'éloignèrent à travers le désert.
Je vis l'ange dans la plaine près d'eux, il leur montrait la direction
du chemin. Bientôt ils disparurent. Ils suivirent des routes séparées
à un quart de lieue les uns des autres, se dirigeant pendant une lieue
vers l'orient, et ensuite vers le midi, dans le désert. Ils passèrent
par la contrée que traversa Jésus en revenant d'Égypte
dans sa troisième année de prédication.
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