Le 25 mars 1821, la soeur Emmerich dit :
Je vis la sainte Vierge peu après son mariage dans la maison de Joseph à Nazareth, où me conduisit mon guide. Joseph était parti avec deux ânes, je pense que c'était pour rapporter quelque chose dont il avait hérité, ou pour prendre les instruments de son métier. Il me sembla encore en route.
Outre la sainte Vierge et deux jeunes femmes de son âge qui avaient
été, je crois, ses compagnes au temple, je vis dans la maison
sainte Anne avec cette veuve sa parente, qui était à son service,
et qui, plus tard, l'accompagna à Bethléhem après la
naissance de Jésus. Sainte Anne avait tout remis à neuf dans
la maison.
Je vis les quatre femmes aller et venir dans l'intérieur, puis se promener
ensemble dans la cour. Vers le soir, je les vis rentrer et prier debout autour
d'une petite table ronde, après quoi elles mangèrent des herbes
qui avaient été apportées là. Elles se séparèrent
ensuite. Sainte Anne alla encore ça et là dans la maison comme
une mère de famille occupée de son ménage. Les deux jeunes
personnes allèrent dans leurs chambres séparées, et Marie
aussi se retira dans la sienne.
La chambre de la sainte Vierge était sur le derrière de la maison,
près du foyer. On y montait par trois marches, car le sol de cette
partie de la maison était plus élevé que le reste et
sur un fond de rocher. Vis-à-vis de la porte, la chambre était
ronde, et dans cette partie circulaire qui était séparée
par une cloison à hauteur d'homme, se trouvait roulé le lit
de la sainte Vierge. Les parois de la chambre étaient revêtues
jusqu'à une certaine hauteur d'une espèce de travail de marqueterie
fait avec des morceaux de bois de différentes couleurs. Le plafond
était formé par quelques solives parallèles, dont les
intervalles étaient remplis par un clayonnage orné de figures
d'étoiles.
Je fus conduite dans cette chambre par le jeune homme lumineux qui m'accompagne
toujours, et je vis ce que je vais raconter aussi bien que peut le faire une
misérable personne comme moi.
La sainte Vierge, en entrant, se revêtit, derrière la cloison
de son lit, d'une longue robe de laine blanche avec une large ceinture, et
se couvrit la tête d'un voile d'un blanc jaunâtre. Pendant ce
temps, la servante entra avec une lumière, alluma une lampe à
plusieurs bras, qui était suspendue au plafond, et se retira. La sainte
Vierge prit alors une petite table basse qui était contre le mur, et
la mit au milieu de la chambre. Elle était recouverte d'un tapis rouge
et bleu au milieu duquel était brodée une figure ; je ne sais
plus si c'était une lettre ou un ornement. Un rouleau de parchemin
écrit était sur cette table.
La sainte Vierge, l'ayant dressée entre la place de son lit et la porte,
à un endroit où le sol était recouvert d'un tapis, plaça
devant un petit coussin rond pour s'y agenouiller ; elle se mit alors à
genoux, les deux mains appuyées sur la table. La porte de la chambre
était devant elle à droite ; elle tournait le dos à sa
couche.
Marie baissa son voile sur son visage et joignit les mains devant sa poitrine,
mais sans croiser les doigts. Je la vis prier longtemps ainsi avec ardeur,
je visage tourné vers le ciel ; elle invoquait la rédemption,
la venue du roi promis au peuple d'Israel, et elle demandait aussi à
avoir quelque part à sa mission. Elle resta longtemps à genoux,
ravie en extase ; puis elle pencha la tête sur sa poitrine.
Alors, du plafond de la chambre, descendit à sa droite, en ligne un
peu oblique, une telle masse de lumière que je fus obligée de
me retourner vers la cour où était la porte ; je vis dans cette
lumière un jeune homme resplendissant avec des cheveux blonds flottants,
descendre devant elle à travers les airs : c'était l'ange Gabriel.
Il lui parla, et je vis les paroles sortir de sa bouche comme des lettres
de feu ; je les lus et je les entendis. Marie tourna un peu sa tête
voilée vers le côté droit. Cependant, dans sa modestie,
elle ne regarda pas. L'ange continua à parler. Marie tourna je visage
de son côté, comme obéissant à un ordre, souleva
un peu son voile, et répondit. L'ange parla encore ; Marie releva tout
à fait son voile, regarda l'ange, et prononça les paroles sacrées
: " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole
".
La sainte Vierge était dans un ravissement profond ; la chambre était
pleine de lumière, je ne vis plus la lueur de la lampe qui brûlait
; je ne vis plus le plafond de la chambre. Le ciel parut ouvert ; mes regards
suivirent au-dessus de l'ange une voie lumineuse ; je vis à l'extrémité
de ce fleuve de lumière une figure de la sainte Trinité : c'était
comme un triangle lumineux dont les rayons se pénétraient réciproquement.
J'y reconnus ce que l'on ne peut qu'adorer, mais jamais exprimer, Dieu tout-puissant,
le Père, le Fils et le Saint Esprit, et cependant un seul Dieu tout-puissant.
· Quand la sainte Vierge eut dit : " Qu'il me soit fait selon
votre parole ", je vis une apparition ailée du Saint Esprit, qui
cependant ne ressemblait pas entièrement à la représentation
ordinaire sous forme de colombe. La tête avait quelque chose du visage
humain ; la lumière se répandait des deux côtés
comme des ailes ; j'en vis partir comme trois courants lumineux vers le côté
droit de la Sainte Vierge, où ils se réunirent.
Quand cette lumière pénétra son côté droit,
la sainte Vierge devint elle-même lumineuse et comme diaphane : il semblait
que ce qu'elle avait d'opaque en elle se retirât devant cette lumière
comme la nuit devant le jour. Elle était dans ce moment tellement inondée
de lumière que rien en elle ne paraissait plus obscur ni opaque : elle
était resplendissante et comme illuminée tout entière.
Je vis après cela l'ange disparaître ; la voie lumineuse dont
il était sorti se retira : c'était comme si le ciel aspirait
et faisait rentrer en lui ce fleuve de lumière.
Pendant que je voyais toutes ces choses dans la chambre de Marie, j'eus une
impression personnelle d'une nature singulière J'étais dans
une angoisse continuelle, comme si l'on m'eût dressé des embûches,
et je vis un horrible serpent ramper à travers la maison et les degrés
jusqu'à la porte près de laquelle j'étais quand la lumière
pénétra la sainte Vierge ; le monstre était arrivé
à la troisième marche. Ce serpent était à peu
près de la longueur d'un enfant ; sa tête était large
et plate ; il avait à la hauteur de la poitrine deux courtes pattes
membraneuses, armées de griffes semblables à des ailes de chauve-souris,
sur lesquelles il se traînait. Il était tacheté de diverses
couleurs d'un aspect repoussant, et rappelait le serpent du Paradis, mais
avec quelque chose de plus difforme et de plus horrible. Quand l'ange disparut
de la chambre de la sainte Vierge, il marcha sur la tête de ce monstre
devant la porte, et j'entendis un cri si affreux que j'en frissonnais. Je
vis ensuite paraître trois esprits qui frappèrent ce hideux reptile
et le chassèrent hors de la maison.
Après la disparition de l'ange, je vis la sainte Vierge dans un profond
ravissement et toute recueillie en elle-même ; je vis qu'elle connaissait
et adorait l'incarnation du Sauveur en elle, où il était comme
un petit corps humain lumineux, complètement formé et pourvu
de tous ses membres Ici, à Nazareth, c'est tout autre chose qu'à
Jérusalem : à Jérusalem, les femmes doivent rester dans
le vestibule, elles ne peuvent pas entrer dans le temple, les prêtres
seuls ont accès dans le sanctuaire ; mais à Nazareth, c'est
une vierge qui est elle-même le temple, le Saint des saints est en elle,
le grand prêtre est en elle, et elle est seule près de lui Combien
cela est touchant, merveilleux, et pourtant simple et naturel ! Las paroles
de David, dans le psaume 45, sont accomplies : " Le Très Haut
a sanctifié son tabernacle ; Dieu est au milieu de lui, il ne sera
pas ébranlé ! "
Il était à peu près minuit quand je vis ce mystère.
Au bout de quelque temps, sainte Anne entra chez Marie avec les autres femmes.
Un mouvement merveilleux dans la nature les avait éveillées
; une nuée lumineuse avait paru au-dessus de la maison. Quand elles
virent la sainte Vierge à genoux au-dessous de la lampe, ravie en extase
dans sa prière, elles s'éloignèrent respectueusement.
Au bout de quelque temps, je vis la sainte Vierge se relever et s'approcher
de son petit autel, qui était contre le mur ; elle alluma la lampe
et pria debout. Des rouleaux écrits étaient devant elle sur
un pupitre élevé. Je la vis ensuite se mettre sur sa couche
vers le matin.
Alors mon conducteur m'emmena ; mais quand je fus dans le petit vestibule
de la maison, je fus prise d'une grande frayeur. Cet affreux serpent était
là aux aguets, il se précipita sur moi et voulut se cacher dans
les plis de ma robe. J'étais dans une horrible angoisse ; mais mon
guide me retira promptement de là, et je vis reparaître les trois
esprits qui frappaient de nouveau le monstre. Je crois toujours entendre son
effroyable cri, et j'en frissonne encore.
En contemplant cette nuit le mystère de l'Incarnation, je fus encore
instruite de plusieurs autres choses. Anne reçut une connaissance intérieure
de ce qui s'accomplissait.
Sanctificavit tabernaculum suum Altissimus ; Deus in medio ejus, non commovebitur.
J'appris pourquoi le Rédempteur devait rester neuf mois dans le sein
de sa mère et naître enfant, pourquoi il n'avait pas voulu naître
homme fait comme notre premier père, se montrer dans toute sa beauté
comme Adam sortant des mains du Créateur ; mais je ne puis plus exprimer
cela clairement. Ce que j'en comprends encore, c'est qu'il a voulu sanctifier
de nouveau la conception et la naissance des hommes, qui avaient été
tellement dégradées par le péché originel. Si
Marie devint sa mère et s'il ne vint pas plus tôt, c'est qu'elle
seule était, ce que jamais créature ne fut avant elle ni après
elle, le pur vase de grâce que Dieu avait promis aux hommes, et dans
lequel il devait se faire homme, pour payer les dettes de l'humanité
au moyen des mérites surabondants de sa Passion. La sainte Vierge était
la fleur parfaitement pure de la race humaine, éclose dans la plénitude
des temps. Tous les enfants de Dieu parmi les hommes, tous ceux qui, depuis
le commencement, avaient travaillé à l'oeuvre de la sanctification,
ont contribué à sa venue. Elle était le seul or pur de
la terre ; elle seule était la portion pure et sans tache de la chair
et du sang de l'humanité tout entière, qui, préparée,
épurée, recueillie, consacrée à travers toutes
les générations de ses ancêtres, conduite, protégée
et fortifiée sous le régime de la loi de Moise, se produisait
enfin comme la plénitude de la grâce. Elle était prédestinée
dans l'éternité, et elle a paru dans le temps comme mère
de l'Eternel.
(Aux jours de fête de la Mère de Jésus, l'Eglise fait
ainsi parler la sainte Vierge d'elle-même, par la bouche de la Sagesse
divine, dans les Proverbes de Salomon, C. VIII) :
" Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies
: avant qu'il créât aucune chose, j'étais dès lors.
J'ai été établie dès l'éternité
et dès le commencement, avant que la terre fût créée.
Les abîmes n'étaient pas encore, et j'étais déjà
conçue ; les fontaines n'étaient pas encore sorties de la terre
; la pesante masse des montagnes ne subsistait pas encore. J'étais
enfantée avant les collines. Il n'avait point encore créé
la terre, ni les fleuves, ni affermi le monde sur ses pôles. Lorsqu'il
préparait les cieux, j'étais présente ; lorsqu'il environnait
les abîmes de leurs bornes et qu'il leur prescrivait une loi inviolable
; lorsqu'il affermissait l'air au-dessus de la terre et qu'il mettait en équilibre
les eaux des fontaines ; lorsqu'il renfermait la mer dans ses limites et qu'il
imposait une loi aux eaux ; lorsqu'il posait les fondements de la terre, j'étais
avec lui et je réglais toutes choses avec lui ; j'étais chaque
jour dans les délices, me jouant sans cesse devant lui, me jouant dans
le monde et trouvant mes délices à être avec les enfants
des hommes. Écoutez-moi donc maintenant, mes enfants : heureux ceux
qui gardent mes voies. Écoutez mes instructions, soyez sages et ne
les rejetez point : heureux celui qui m'écoute, qui veille tous les
jours à l'entrée de ma maison et qui se tient à ma porte
; car celui qui m'aura trouvée trouvera la vie, et il puisera le salut
dans les trésors de la bonté du Seigneur. "
La sainte Vierge était âgée d'un peu plus de quatorze
ans lors de l'incarnation de Jésus-Christ. Jésus-Christ arriva
à l'âge de trente-trois ans et trois fois six semaines. Je dis
trois fois six, parce que le chiffre six m'est montré en cet instant
même trois fois répété.
Vie de Marie : index
Chapitres 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98
Mort de la Sainte Vierge : index