42. Arrivée de Marie et de Joseph chez Elisabeth et Zacharie.
Une partie des visions qui suivent furent communiquées lors de la fête de la Visitation. en juillet 1820 : d'autres se présentèrent à elle dans une contemplation où elle entendit Eliud, un vieil Essénien de Nazareth, qui accompagnait Jésus allant se faire baptiser par saint Jean au mois de septembre de la première année de la prédication, raconter plusieurs choses relatives aux parents et à la première jeunesse du Sauveur, car il était en relations intimes avec la sainte Famille.
La maison de Zacharie était sur une colline isolée. Il y avait
alentour des groupes de maisons. Un ruisseau assez fort descendait de la montagne.
Il me sembla que c'était le moment où Zacharie revenait chez
lui de Jérusalem après les fêtes de Pâques. Je vis
Elisabeth, poussée par un désir inquiet, aller assez loin de
sa maison sur la route de Jérusalem, et Zacharie qui revenait, tout
effrayé de la rencontrer à une si grande distance de chez elle
dans la situation où elle se trouvait. Elle lui dit qu'elle avait le
coeur très agité, et qu'elle était poursuivie par la
pensée que sa cousine ..Marie de Nazareth venait la voir. Zacharie
chercha à lui faire perdre cette idée ; il lui fit entendre
par signes et en écrivant sur une tablette combien il était
peu vraisemblable qu'une nouvelle mariée entreprit en ce moment un
si grand voyage. Ils revinrent ensemble à la maison.
Elisabeth ne pouvait renoncer à son espérance, car elle avait
appris en songe qu'une femme de son sang était devenue la mère
du Messie promis. Elle avait pensé alors à Marie, avait conçu
un ardent désir de la voir et l'avait vue en esprit venant vers elle.
Elle avait préparé dans sa maison, à droite de l'entrée,
une petite chambre avec des sièges. C'était là qu'elle
était assise le lendemain, toujours dans l'attente, et regardant si
Marie arrivait Bientôt elle se leva et s'en alla sur la route au-devant
d'elle.
Élisabeth était une femme âgée, de grande taille
: elle avait je visage petit et de jolis traits ; sa tête était
enveloppée. Elle ne connaissait la sainte Vierge que de réputation.
Marie, la voyant de loin, connut que c'était elle, et s'en alla en
toute hâte à sa rencontre, précédant saint Joseph,
qui discrètement resta en arrière. Marie fut bientôt parmi
les maisons voisines dont les habitants, frappés de sa merveilleuse
beauté et émus d'une certaine dignité surnaturelle qui
était dans toute sa personne, se retirèrent respectueusement
quand elle rencontra Élisabeth. Elles se saluèrent amicalement
en se tendant la main. En ce moment, je vis un point lumineux dans la sainte
Vierge, et comme un rayon de lumière qui partait de là vers
Élisabeth, et dont celle-ci reçut une impression merveilleuse.
Elles ne s'arrêtèrent pas en présence des hommes ; mais,
se tenant par le bras, elles gagnèrent la maison par la cour placée
en avant : à la porte de la maison, Élisabeth souhaita encore
la bienvenue à Marie, et elles entrèrent.
Joseph, qui conduisait l'âne, arriva dans la cour, remit l'animal à
un serviteur et alla chercher Zacharie dans une salle ouverte sur le côté
de la maison. Il salua avec beaucoup d'humilité le vieux prêtre
; celui-ci l'embrassa cordialement et s'entretint avec lui au moyen de la
tablette sur laquelle il écrivait, car il était muet depuis
que l'ange lui avait apparu dans le temple.
Marie et Élisabeth, entrées par la porte de la maison, se trouvèrent
dans une salle qui me parut servir de cuisine. Ici elles se prirent par les
bras. Marie salua Élisabeth très amicalement, et elles appuyèrent
leurs joues l'une contre l'autre. Je vis alors quelque chose de lumineux rayonner
de Marie jusque dans l'intérieur d'Élisabeth ; celle-ci en fut
tout illuminée ; son coeur fut agité d'une sainte allégresse
et profondément ému. Elle se retira un peu en arrière
en élevant la main, et pleine d'humilité, de joie et d'enthousiasme,
elle s'écria : " Vous êtes bénie entre toutes les
femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. D'où me vient
ceci que la mère de mol Seigneur vienne à moi ? Voici qu'aussitôt
que la voix de votre salutation est venue à mes oreilles, l'enfant
que je porte a tressailli de joie dans mon sein. vous êtes heureuse
d'avoir cru : ce qui vous a été dit par le Seigneur s'accomplira
".
Après ces dernières paroles, elle conduisit Marie dans la petite
chambre préparée pour elle, afin qu'elle pût s'asseoir
et se reposer des fatigues de son voyage. Il n'y avait que deux pas à
faire jusque-là. Mais Marie quitta le bras d'Élisabeth qu'elle
avait pris, croisa ses mains sur sa poitrine et commença le cantique
inspiré : " Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit
est ravi de joie en Dieu mon sauveur, parce qu'il a regardé la bassesse
de sa servante ; car voilà que tous les siècles m'appelleront
bienheureuse, parce que Celui qui seul est puissant a fait en moi de grandes
choses, et son nom est saint, et sa miséricorde s'étend d'âge
en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la puissance
de son bras ; il a dissipé ceux qui étaient enflés d'orgueil
dans les pensées de leur coeur.` il a renversé les puissants
de leur trône, et il a élevé les humbles. Il a rassasié
les affamés, et il a renvoyé les riches avec les mains vides.
Il a pris en sa protection Israel, son serviteur, s'étant souvenu de
sa miséricorde, selon la promesse qu'il avait faite à nos pères,
à Abraham et à sa postérité, pour toute la suite
des siècles'.
Lorsque le vieil Eliud, dans la circonstance indiquée plus haut, .,entretint
de cet événement avec Jésus, je l'entendis expliquer
d'une manière admirable tout ce cantique de Marie ; mais je ne me sens
pas en état de répéter cette explication.
Je vis qu'Élisabeth répétait tout bas le Magnificat avec
un semblable mouvement d'inspiration ; ensuite elles s'assirent sur des sièges
très bas : il y avait sur une petite table, peu élevée
aussi, un petit verre placé devant elles. Combien j'étais heureuse
! j'ai répété avec elles toutes leurs prières,
et je me suis assise à peu de distance. Oh ! combien j'étais
heureuse !
La soeur Emmerich raconta ce qui était arrivé le jour précédent.
Après midi, elle dit dans son sommeil : Joseph et Zacharie sont ensemble
; ils s'entretiennent de la venue prochaine du Messie et de l'accomplissement
des prophéties. Zacharie est un grand et beau vieillard, habillé
en prêtre ; il répond toujours par signes ou en écrivant
sur une tablette. Ils sont assis sur le côté de la maison dans
une salle ouverte qui a vue sur le jardin. Maria et Élisabeth sont
assises dans le jardin, sur un tapis, sous un grand arbre, derrière
lequel est une fontaine d'où l'eau sort quand on retire une bonde.
Je vois tout autour du gazon et des fleurs, et des arbres avec de petites
prunes jaunes. Elles mangent ensemble des fruits et des petits pains tirés
de la besace de Joseph. Quelle simplicité et quelle frugalité
touchantes ! il y a dans la maison deux servantes et deux serviteurs ; je
les vois aller et venir. Ils apprêtent sous un arbre une table avec
des aliments. Zacharie et Joseph viennent et mangent quelque chose. Joseph
voudrait revenir tout de suite à Nazareth : mais il restera huit jours.
Il ne sait rien de l'état de grossesse de la sainte Vierge. Marie et
Élisabeth se taisaient là-dessus. Il y avait dans leur intérieur
comme une entente secrète et profonde de l'une à l'autre.
Plusieurs fois le jour, spécialement avant les repas, quand tous étaient
ensemble, les saintes femmes disaient des espèces de litanies' : Joseph
priait avec elles, et je vis ensuite apparaître une croix entre elles.
Il n'y avait pourtant pas encore de croix : c'était comme si deux croix
se fussent visitées'.
Ce nom d'une forme connue de la prière chrétienne ne doit pas
nous surprendre dans un récit qui est encore de l'Ancien Testament
La forme des litanies existait longtemps avant la naissance de Jésus-Christ
; ainsi le psaume 135 (dans l'hébreu, 136) est une véritable
litanie. Il en est de même d'une partie du psaume 117 (118 dans l'hébreu)
et de plusieurs autres.
Nous ne pouvons pas expliquer avec précision ce que la soeur voulait
dire par ces paroles : " C'était comme si deux croix se fussent
visitées ". Suivant la pieuse coutume de sa patrie, pays aux vieilles
moeurs catholiques, quand différentes paroisses se réunissent
en procession pour quelque dévotions à faire en commun, elles
portent avec elles leurs croix et lents images de la sainte Vierge, et l'on
dit alors que les croix ou que les images de Marie se rendent visite. Peut-être
a-t-elle voulu dire, à l'occasion de cette apparition d'une croix entre
la sainte Vierge et Elisabeth réunies pour prier, que c'était
comme sa Jésus, le crucifié futur reposant encore dans le sein
de sa Mère, et sa crois, instrument de notre rédemption, reposant
aussi dans le sein de l'avenir, se rendaient visite.
Le 3 juillet, elle raconta ce qui suit : Hier soir, ils ont mangé tous
ensemble ; ils restèrent assis jusque vers minuit, près d'une
lampe, sous l'arbre du jardin. Je vis ensuite Joseph et Zacharie seuls dans
un oratoire. Je vis Marie et Élisabeth dans leur petite chambre ; elles
se tenaient debout, vis-à-vis l'une de l'autre, comme ravies en extase,
et disaient ensemble le Magnificat.
Outre le vêtement décrit plus haut, la sainte Vierge avait comme
un voile noir transparent qu'elle baissait quand elle parlait à des
hommes. Aujourd'hui, Zacharie a conduit saint Joseph dans un autre jardin
séparé de la maison. Zacharie est en toutes choses plein d'ordre
et de ponctualité. Ce jardin est abondant en beaux arbres et produit
des fruits de toute espèce ; il est très bien tenu ; il est
traversé par une allée en berceau, sous laquelle on est à
l'ombre ; à l'extrémité du jardin, se trouve cachée
une petite maison de plaisance dont la porte est sur le côté.
Dans le haut de cette maison, sont des ouvertures fermées avec des
châssis ; il y a un lit de repos en nattes, recouvert de mousses ou
d'autres herbes : je vis aussi là deux figures blanches de la grandeur
d'un enfant ; je ne sais pas comment elles étaient là, ni ce
qu'elles représentaient ; mais je trouvais qu'elles ressemblaient à
Zacharie et à Élisabeth, seulement beaucoup plus jeunes.
J'ai vu aujourd'hui, dans l'après-midi, Marie et Élisabeth occupées
ensemble dans la maison. La sainte Vierge prenait part à tous les soins
du ménage ; elle préparait toute sorte d'effets pour l'enfant
qu'on attendait. Je les vis travailler ensemble ; elles tricotaient une grande
couverture pour le lit d'Élisabeth lorsqu'elle serait accouchée.
Les femmes juives se servaient de couvertures de ce genre : il y avait au
milieu une espèce de poche, disposée de façon que l'accouchée
put s'envelopper tout entière avec son enfant ; elle s'emmaillotait
là dedans, soutenue par des coussins, et pouvait à volonté
se mettre sur son séant ou rester couchée. Sur le bord de cette
couverture étaient des fleurs et des sentences brodées à
l'aiguille. Marie et Elisabeth préparaient aussi toutes sortes d'objets
qui devaient être donnés aux pauvres à la naissance de
l'enfant. Je vis sainte Anne, pendant l'absence de la sainte Famille, envoyer
souvent sa servante dans la maison de Nazareth pour voir si tout y était
en ordre ; je l'ai vue aussi y aller une fois elle-même.
Le 4 juillet, elle raconta ce qui suit : Zacharie est allé avec Joseph
se promener dans les champs. La maison est isolée sur une colline ;
c'est la plus belle maison qu'il y ait dans la contrée ; d'autres sont
dispersées tout autour. Marie est un peu fatiguée ; elle est
seule avec Elisabeth à la maison.
Le 5 juillet, elle dit : J'ai vu Zacharie et Joseph passer la nuit d'aujourd'hui
dans le jardin, situé à quelque distance de la maison. Je les
vis tantôt dormir dans la petite maison qui est là, tantôt
prier en plein air ; ils revinrent au point du jour. Je vis Élisabeth
et la sainte Vierge à la maison ; tous les matins et tous les soirs,
elles répétaient ensemble le cantique Magnificat, dicté
par le Saint Esprit à Marie après la salutation d'Élisabeth.
La salutation de l'ange fut pour Marie comme une consécration qui faisait
d'elle l'Église de Dieu. Lorsqu'elle prononça ces mots : "
Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ",
le Verbe divin, salué par l'Église, salué par sa servante,
entra en elle ; dès lors, Dieu fut dans son temple, Marie fut le temple
et l'Arche d'alliance du Nouveau Testament. La salutation d'Elisabeth, le
tressaillement de Jean dans le sein de sa mère, furent le premier culte
rendu devant ce sanctuaire. Lorsque la sainte Vierge entonna le Magnificat,
l'Église de la nouvelle alliance, du nouveau mariage, célébra,
pour la première fois, l'accomplissement des promesses divines de l'ancienne
alliance, de l'ancien mariage, récitant en actions de grâces
un Te Deum laudamus. Qui pourrait dignement exprimer combien était
touchant à voir l'hommage rendu par l'Église à son Sauveur
dés avant sa naissance I
Cette nuit, pendant que je voyais prier les saintes femmes, j'ai eu plusieurs
intuitions et explications relatives au Magnificat et à l'approche
du Saint Sacrement dans la situation présente de la sainte Vierge.
Mon état de souffrance et de nombreux dérangements sont cause
que j'ai oublié presque tout ce que j'ai vu. Au passage du Magnificat
: " il a fait éclater la puissance de sas bras, "j'ai vu
différents tableaux figuratifs du Saint-Sacrement de l'autel dans l'Ancien
Testament. Il y avait entre autres un tableau d'Abraham sacrifiant Isaac,
et d'Isaie annonçant à un méchant roi quelque chose dont
celui-ci se moquait ; je l'ai oublié. J'ai vu bien des choses depuis
Abraham jusqu'à Isaie, et depuis celui-ci jusqu'à la sainte
vierge Marie, et j'y ai toujours vu le Saint Sacrement s'approchant de l'Eglise
de Jésus-Christ, qui, lui-même, reposait encore dans le sein
de sa mère'.
Quand la soeur Emmerich eut dit ceci, elle récita les litanies du Saint
Esprit et l'hymne Veni, sancte Spiritu., et s'endormit en souriant. Au bout
de quelque temps, elle dit d'un ton très anime : Je ne dois plus rien
faire aujourd'hui, ni laisser entrer personne chez moi, car je dois revoir
tout ce que j'avais oublié. Si je puis être tout à fait
tranquille, je pourrai connaître et raconter le mystère de l'Arche
d'alliance, le Saint sacrement de l'ancienne alliance. J'ai vu cette époque
du repos, c'est une belle époque. J'ai vu près de moi l'écrivain,
je dois donc apprendre beaucoup de choses ". Pendant qu'elle parlait
ainsi, son visage s'animait et rougissait dans son sommeil comme je visage
d'un enfant ; elle retira de dessous la couverture ses mains marquées
des stigmates et dit : "il fait bien chaud là où est Marie,
dans la terre promise. Ils vont tous dans le jardin où est la maisonnette,
d'abord Zacharie et Joseph, puis Élisabeth et Marie ; on a tendu une
toile sous l'arbre comme pour faire une tente : il y a, d'un côté,
des sièges très bas avec des dossiers.
La mission d'Isaie, oubliée par elle, est sans aucun doute sa prophétie
au roi Achaz (l'IIJ 3, 251 : Voici que la Verbe concevra, etc.
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