2. Les ancêtres de sainte Anne. Esséniens.
(Communiqué en juillet et en août 1821.)
J'ai eu une vision détaillée sur les ancêtres de sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Ils vivaient à Mara, dans les environs du mont Horeb, et ils avaient des relations d'une nature spirituelle avec une classe de pieux Israélites sur lesquels j'ai vu beaucoup de choses. Je raconterai ce que j'en sais encore. Hier, j'ai été presque toute la journée parmi ces gens ; et si je n'avais pas été dérangée par tant de visites, je n'aurais pas oublié la plus grande partie de ce qui les concerne.
Ces pieux Israélites, qui avaient des rapports avec les ancêtres de sainte
Anne, s'appelaient Esséniens ou Esséens. Ils ont eu trois autres noms : on
les appela d'abord Escaréniens, puis Khasidéens, et enfin Esséniens. Le nom
d'Escaréniens venait du mot Escara ou Askara, qui désignait la part du sacrifice
attribuée à Dieu, et aussi la fumée odorante de l'encens dans les oblations
de fleur de farine'.
Ceci fut écrit en août 1821, d'après ce qu'avait dit la soeur. Plus tard,
en juin 1810, lorsque l'écrivain le relut pour le livrer à l'impression, il
demanda à un théologien versé dans la connaissance des langues l'explication
du mot askarah, et il reçut la réponse suivante : Askarah signifie commémoration,
et c'est le nom de la part du sacrifice non sanglant qui était brûlée par
le prêtre, sur l'autel, pour honorer Dieu et lui rappeler ses promesses de
miséricorde. Les sacrifices non sanglants' ou oblations d'aliments, consistaient
ordinairement en fleur de farine de froment mêlée avec de l'huile et présentée
avec de l'encens. Le prêtre brûlait tout l'encens et une poignée de la farine
arrosée d'huile ou de cette même farine cuite au four ; c'était là l'askarah
(Lévit., II, 2, 9, 16). Pour les pains de proposition, l'encens seul était
l'askarah (Lévit., XXIV, 7). Dans le sacrifice pour le péch6, où l'oblation
de fleur de farine se faisait sans huile et sans encens, on ne brûlait comme
askarah qu'une poignée de farine (Lévit., V, 12). Il en était de même dans
le sacrifice de la femme suspecte d'adultère, où l'on offrait en outre seulement
de la farine d'orge (Num., y, 16, 25, 26) Dans ce dernier passage (Num., V,
15), la Vulgate omet entièrement la traduction du mot askarah ; dans les autres,
elle traduit alternativement memoriale, in memonam, in monurnentum. La soeur
n'a pas dit clairement pourquoi les Esséniens avaient tiré leur premier nom
de cet askarah : toutefois, quand on se rappelle que les Esséniens ne présentaient
pas au temple de sacrifice sanglant mais envoyaient seulement des offrandes
; que d'ailleurs, menant une vie de renoncement et de mortification, ils s'offraient
eux-mêmes en sacrifice d'une certaine manière, on est incliné à penser que
ces hommes, qui ne vivaient pas selon la chair, ont reçu leur nom de l'askarah,
la part réservée à Dieu dans le sacrifice non sanglant de la Mincha, parce
que, peut-être, ce que nous ne savons pas maintenant avec certitude, il ;
offraient réellement ce genre de sacrifice, ou parce qu'à raison de leur manière
de vivre, ils étaient à quelques égards, par rapport aux autres Israélites,
ce qu'était l'askarah par rapport aux autres parties des sacrifices.
Le second nom, celui de Khasidéens, signifie les miséricordieux. Je ne sais
plus d'où vient le nom d'Esséniens. Cette classe d'hommes pieux remontait
au temps de Moise et d'Aaron, et venait des prêtres qui portaient l'Arche
d'alliance ; mais ce fut dans l'époque qui s'écoula entre Isaie et Jérémie
qu'ils reçurent pour la première fois une règle de vie déterminée. Au commencement,
ils étaient peu nombreux ; dans la suite, ils formèrent des réunions, qui
habitaient dans la terre promise une contrée longue de quarante-huit lieues
sur une largeur de trente-six. Ce ne fut que plus tard qu'ils vinrent dans
la contrée du Jourdain. Ils habitaient principalement près du mont Horeb et
près du mont Carmel, là où Élie avait séjourné.
A l'époque où vivaient ces aïeux de sainte Anne dont j'ai parlé, les Esséniens
avaient un chef spirituel, un vieux prophète qui résidait sur le mont Horeb
; il s'appelait Archos ou Arcas. Leur organisation ressemblait beaucoup à
celle d'un ordre religieux. Ceux qui voulaient être admis parmi eux devaient
subir une épreuve d'un an, et ils étaient admis pour un temps plus ou moins
long, suivant des inspirations prophétiques d'un ordre supérieur. Les membres
proprement dits de l'ordre, qui vivaient en commun, ne se mariaient pas :
ils vivaient dans la continence. Il y avait aussi des personnes sorties de
l'ordre ou qui avaient des liens avec lui, lesquelles se mariaient et suivaient
dans leurs familles, elles, leurs enfants et leurs domestiques, une règle
de vie semblable à beaucoup d'égards à celle des Esséniens proprement dits.
Il y avait entre elles et ceux-ci des rapports de même nature que ceux qui
existent aujourd'hui entre les laïques du tiers ordre, ceux qu'on appelle
les tertiaires, et les ordres religieux de l'Église catholique ; car ces Esséniens
mariés, dans les circonstances importantes de leur vie, spécialement lors
du mariage de leurs proches, demandaient des instructions et des conseils
au supérieur des Esséniens, au vieux prophète du mont Horeb. Les aïeux de
sainte Anne appartenaient à cette classe d'Esséniens mariés.
Il y eut aussi plus tard une troisième espèce d'Esséniens, qui exagérèrent
tout et tombèrent dans de grandes erreurs. J'ai vu que les autres ne les souffraient
pas parmi eux.
Les Esséniens proprement dits avaient des traditions prophétiques particulières,
et leur chef du mont Horeb recevait souvent la, dans la grotte d'Élie, des
révélations célestes qui se rapportaient à l'avènement du Messie. Il avait
connaissance de la famille dont la mère du Messie devait sortir ; et, quand
il rendait des réponses aux aïeux de sainte Anne, relativement aux affaires
de mariage, il voyait aussi que le jour du Seigneur s'approchait. Toutefois,
il ne savait pas combien de temps encore la naissance de la mère au Sauveur
serait empêchée ou retardée par les péchés des hommes ; et à cause de cela,
il exhortait toujours à la pénitence, à la mortification, à la prière et au
sacrifice intérieur, actes agréables a Dieu, dont les Esséniens donnaient
toujours l'exemple dans le même but.
Avant qu'Isaie les eût rassemblés et leur eût donné une organisation plus
régulière, ils vivaient, chacun de leur côté. En Israélites pieux et adonnés
à la mortification, ils portaient toujours les mêmes habits et ne les raccommodaient
pas jusqu'à ce qu'ils tombassent en lambeaux. Ils luttaient principalement
contre la sensualité et gardaient souvent la continence d'un commun accord
pendant de longs intervalles : ils vivaient alors séparés de leurs femmes,
dans des cabanes très éloignées. Quand ils vivaient dans les rapports du mariage,
c'était seulement dans le but d'avoir une postérité sainte qui pût contribuer
à préparer l'avènement du Messie. Je les voyais manger à part de leurs femmes
: quand le mari avait quitté la table, la femme venait prendre son repas.
Déjà à cette époque il y avait, parmi les Esséniens mariés, des ancêtres de
sainte Anne et d'autres saints personnages.
Jérémie fut aussi en rapport avec eux, et ces hommes qu'on appelait enfants
des Prophètes faisaient partie de leur association. Ils habitaient fréquemment
dans le désert, autour des monts Carmel et Horeb : j'en vis aussi plus tard
en Égypte. J'ai vu encore que, par suite d'une guerre, ils furent chassés
pour un temps du mont Horeb, et que de nouveaux chefs les rassemblèrent postérieurement.
Les Machabées furent aussi parmi eux.
Les Esséniens proprement dits, qui vivaient dans la virginité, étaient d'une
pureté et d'une piété incroyables. Ils recevaient des enfants qu'ils élevaient
pour les prédisposer à une grande sainteté. Pour devenir membre de l'ordre
strict, il fallait avoir quatorze ans. Les gens déjà éprouvés faisaient une
année de noviciat ; d'autres en faisaient deux. Ils n'exerçaient aucune sorte
de trafic, et se contentaient d'échanger les produits de leurs champs contre
les objets qui leur étaient nécessaires.
Je les voyais tous les ans aller trois fois au temple de Jérusalem. Ils avaient
parmi eux des prêtres chargés particulièrement du soin des vêtements sacrés.
Ils les nettoyaient, levaient des contributions pour leur entretien, et en
préparaient aussi de nouveaux. Je les voyais élever des troupeaux, labourer
la terre, mais surtout s'adonner au jardinage. Entre leurs cabanes du mont
Horeb, il y avait des jardins et des arbres fruitiers. Je vis plusieurs d'entre
eux tisser des étoffes, faire des nattes et aussi broder des vêtements sacerdotaux.
Ils avaient à Jérusalem un quartier séparé, et aussi une place à part dans
le temple. Les autres Juifs avaient une sorte d'antipathie pour eux à cause
de la sévérité de leurs moeurs. Je voyais qu'avant de partir pour leur voyage
au temple, ils s'y préparaient toujours par la prière, le jeûne et la pénitence
; si dans leur voyage, ou à Jérusalem même, ils rencontraient sur le chemin
un malade ou un homme ayant besoin de secours, ils n'allaient pas au temple
qu'ils ne lui eussent donné toute l'aide possible.
Archos ou Arcas, le vieux prophète du mont Horeb, gouverna les Esséniens quatre-vingt-dix
ans. Je vis la grand-mère de sainte Anne le consulter à l'occasion de son
mariage. Ce qui me parut remarquable, c'est que ces prophètes annonçaient
toujours des enfants du sexe féminin, et que les ancêtres de sainte Anne et
elle-même n'eurent en général que des filles. Il semblait que le but de leurs
prières et de leurs pieuses actions fût d'obtenir de Dieu une bénédiction
pour les pieuses mères desquelles devaient tirer leur origine la sainte Vierge,
mère du Sauveur, et les familles de son précurseur, de ses serviteurs et de
ses disciples.
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