19. Les rois mages fêtent la Conception de Marie.
Je vis que deux des trois rois mages qui vivaient encore, à dater d'aujourd'hui, 8 décembre, célébraient avec leur tribu une fête de trois jours. Quinze ans avant la naissance du Sauveur, ils avaient vu, pour la première fois, dans cette nuit, se lever l'étoile annoncée par Balaam (Num XXIV, 17), qu'eux et leurs ancêtres avaient attendue si longtemps en observant constamment le ciel. Ils y avaient aperçu l'image d'une vierge qui tenait d'une main un sceptre, de l'autre une balance ayant sur l'un de ses plateaux un bel épi de blé, sur l'autre une grappe de raisin faisant contrepoids. Depuis leur retour de Bethléhem, ils célébraient annuellement, à partir du 8 décembre, une fête de trois jours, etc.
Je vis qu'à la suite de cette connaissance qu'ils avaient eue le jour de la
Conception de Marie, quinze ans avant la naissance de Jésus-Christ, ces adorateurs
des astres a aient aboli une horrible coutume religieuse qui avait été depuis
longtemps en usage parmi eux, par suite de révélations mal comprises et obscurcies
par de malignes influences : savoir, un abominable sacrifice d'enfants. Ils
avaient en différents temps sacrifié de diverses manières des hommes et des
enfants.
Je vis que, dans l'époque antérieure à la Conception de Marie, ils avaient
la coutume suivante : ils prenaient l'enfant d'une des plus chastes et des
plus pieuses parmi les femmes de leur religion, laquelle se trouvait heureuse
d'offrir ainsi son nourrisson. L'enfant était écorché et recouvert de farine
destinée à absorber le sang. Ils mangeaient cette farine imprégnée de sang
comme un aliment sacré, et recommençaient cet affreux repas jusqu'à ce que
le sang fût épuisé. En dernier lieu, la chair de l'enfant était coupée en
petits morceaux, distribuée et mangée',
Je les vis accomplir cette cérémonie abominable avec beaucoup de simplicité
et de dévotion, et il me fut dit qu'ils en étaient venus à cette horrible
coutume par suite de l'altération et de la fausse interprétation de certaines
traditions prophétiques figuratives sur la sainte Cène.
Je vis ces abominations en Chaldée, dans le pays de Mensor, l'un des trois
rois mages. Je le vis aussi le jour de la Conception de Marie recevoir dans
une vision une illumination d'en haut, à la suite de laquelle l'horrible usage
fut aboli.
Il est remarquable de voir les écrivains des premiers siècles de l'Eglise
qui parlent des accusations portées par les paiens contre les chrétiens, et
entre autres Minucius Félix, rapporter aussi ces calomnies. Les chrétiens,
selon leurs accusateurs, présentaient à celui qu'ils initiaient à leur religion
un enfant recouvert de farine pour mieux cacher le meurtre dont il avait été
victime. Le néophyte devait percer plusieurs fois l'enfant avec un couteau.
Ils buvaient avec avidité le sang qui ruisselait, coupaient l'enfant en petits
morceaux et le mangeaient en entier. Ce crime, commis en commun, était devenu
pour eux la garantie réciproque du silence et de l'observation du secret relativement
à d'autres pratiques infâmes par lesquelles se terminaient leurs assemblées.
L'origine de cette accusation ne viendrait-elle pas des sacrifices d'enfants
attribués ici a ces adorateurs des astres qui furent des premiers à embrasser
le Christianisme ? Quoi qu'il en soit, on peut conjecturer que des idées semblables
à celles que nous trouvons ici chez les mages relativement a des prophéties
mal comprises, ont été aussi le mobile secret qui a fait égorger par les Juifs
des enfants chrétiens, et, s'il en est ainsi, ces ténébreuses abominations
seraient une des nombreuses raison' qui doivent porter à plaindre le malheureux
judaïsme plutôt qu'à le mépriser. Il y a là une aspiration vers le Sauveur,
quoiqu'étrangement défigurée. Les faits de ce genre, qui semblent s'être si
souvent reproduits, n'ont jamais été, que nous sachions, soigneusement recueillis
et examinés sans prévention. Dans les temps modernes' on a généralement trouvé
plus commode de les traiter légèrement, ainsi qu'on fait pour toutes les énigmes
historiques dont l'origine se perd dans d'obscures profondeurs, et de ne voir
là que des accusations portées par un aveugle fanatisme.
Je le vis sur une haute pyramide en bois occupé à observer les étoiles, ce
que ces gens continuaient à faire depuis des siècles, poussés à cela par d'antiques
traditions. Je vis le roi Mensor, pendant qu'il regardait le ciel, tomber
tout à coup en extase : il avait perdu connaissance. Ses compagnons vinrent
et le firent revenir à lui ; mais, au commencement, il ne paraissait pas les
reconnaître. Il avait vu l'étoile avec la Vierge, la balance, l'épi, la grappe
de raisin, et reçu un avertissement intérieur qui lui fit abolir ce culte
abominable.
La nuit, pendant mon sommeil, ayant vu à ma droite l'horrible scène du meurtre
de l'enfant, je me retournai de l'autre côté pleine d'effroi ; mais je le
vis encore à ma gauche. Alors je priai Dieu de tout mon coeur afin qu'il me
délivrât de cet affreux spectacle ; quand je me réveillais, j'entendis sonner
l'heure, et mon fiancé céleste me dit : " Vois les traitements encore pires
que me font subir tous les jours beaucoup de gens dans le monde entier ".
Et quand je regardai autour de moi, bien des choses encore plus horribles
que ces sacrifices d'enfants passèrent devant mon âme ; je vis bien souvent
Jésus lui-même cruellement immolé sur l'autel par la célébration indigne et
criminelle des saints mystères. Je vis devant des prêtres sacrilèges la sainte
hostie reposer sur l'autel comme un enfant Jésus vivant qu'ils coupaient en
morceaux avec la patène et qu'ils martyrisaient horriblement. Leur messe,
quoique accomplissant réellement le saint sacrifice, m'apparaissait comme
un horrible assassinat.
La même cruauté me fut montrée dans les mauvais traitements exerces envers
les membres de Jésus-Christ, envers ceux qui confessent son nom et que Dieu
a adoptés pour enfants ; car je vis une foule innombrable de malheureux opprimés,
tourmentés et persécutés de nos jours en plusieurs lieux, et je vis toujours
qu'on maltraitait par là Jésus-Christ en personne. Nous sommes à une époque
déplorable où il n'y a plus de refuge contre le Mal : un épais nuage de péchés
pèse sur le monde entier, et je vois les hommes faire les choses les plus
abominables avec une tranquillité et une indifférence complètes.
Je vis tout cela dans plusieurs visions pendant que mon âme était conduite
à travers divers pays sur toute la terre à la fin, je revins aux contemplations
relatives à la fête de la Conception de Marie.
I De même que le sacrifice du Calvaire fut accompli par les ordres cruels
de prêtres impies et par les mains sanguinaires de bourreaux effrénés, de
même le sacrifice de l'autel, quand il est célébré indignement, reste un vrai
sacrifice, mais le consécrateur joue à la fois le rôle de prêtres juifs qui
condamnèrent Jésus, et des soldats qui exécutèrent la sentence.
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