7. Anne reçoit la promesse de fécondité, et se rend au temple.
Joachim était si triste et si honteux de l'affront reçu au temple, qu'il ne fit pas dire à Anne où il se trouvait ; mais Anne apprit par d'autres personnes qui s'étaient trouvées présentes ce que son mari avait eu à souffrir, et elle en fut affligée au delà de toute expression. Je la vis souvent pleurer la face contre terre, parce qu'elle ne savait pas où était son mari, qui resta caché pendant cinq mois entiers auprès de ses troupeaux de l'Hermon.
Vers la fin de ce temps, Anne eut un redoublement de souffrance par suite
de la grossièreté d'une de ses servantes, qui lui reprochait souvent sa triste
situation. Un jour, c'était au commencement de la fête des Tabernacles, cette
servante demanda à aller ailleurs célébrer cette fête, et Anne le lui refusa.
Alors cette fille lui reprocha si vivement sa stérilité et l'abandon de son
mari, qui était, selon elle, une punition de Dieu à cause de sa dureté, qu'Anne
ne put plus tolérer son séjour chez elle. Elle la renvoya chez ses parents
avec des présents, et leur fit dire qu'ils eussent à reprendre leur fille,
parce qu'il lui était impossible de la garder plus longtemps.
Quand Anne eut renvoyé sa servante, elle entra tout affligée dans sa chambre
et se mit à prier. Le soir, elle jeta sur sa tête un grand drap, dans lequel
elle s'enveloppa tout entière, et s'en alla vers le grand arbre déjà mentionné
qui était dans sa cour, et qui formait une cabane de feuillage ; elle alluma
une lampe qui était suspendue à l'arbre dans une espèce de boite, et lut des
prières écrites sur un rouleau. Cet arbre était très grand et on y avait pratiqué
des sièges et des berceaux ; ses branches tombaient à terre de l'autre côté
du mur, où elles prenaient racine, repoussaient encore pour retomber de nouveau,
et ainsi de suite, en sorte qu'elles formaient tonte une série de cabanes
de verdure.
Anne, étant sous cet arbre, cria vers Dieu pendant longtemps, le suppliant,
puisqu'il lui avait ôté la fécondité, de ne pas tenir en outre éloigné d'elle
son pieux époux Joachim. Et voilà qu'un ange du ciel lui apparut : il descendit
devant elle comme du haut de l'arbre et lui dit qu'elle devait se consoler,
parce que le Seigneur avait exaucé sa prière ; il lui prescrivit de partir
le lendemain pour le temple avec deux servantes, et de prendre avec elle des
colombes pour le sacrifice. Il ajouta que la prière de Joachim était également
exaucée, qu'il se rendrait de son côté au temple avec son offrande, et qu'ils
se rencontreraient sous la porte dorée : le sacrifice de Joachim était accepté,
tous deux devaient être bénis et elle devait bientôt connaître le nom de son
enfant. Il lui dit encore qu'il avait porté à son époux un message semblable,
et disparut.
Anne, pleine de joie, rendit grâce au Dieu de miséricorde. Elle rentra alors
dans sa maison et prit avec ses servantes les dispositions nécessaires pour
pouvoir se mettre en route le lendemain. Je la vis ensuite se coucher pour
dormir, après avoir prié.
Quand Anne eut dormi quelque temps, je vis descendre du ciel vers elle un
rayon de lumière qui, près de son lit, se transforma en un jeune homme resplendissant.
C'était l'ange du Seigneur, qui lui dit qu'elle concevrait un saint enfant.
Puis il étendit le bras au-dessus d'elle et écrivit sur le mur de grandes
lettres lumineuses : c'était le nom de Marie. L'ange disparut ensuite et se
perdit dans la lumière. Anne était pendant ce temps comme dans l'émotion d'un
songe joyeux ; elle se releva à demi éveillée sur sa couche, pria avec une
grande ferveur et se rendormit sans avoir rien vu bien clairement. Mais, après
minuit, elle se réveilla toute joyeuse, comme par l'effet d'une impulsion
intérieure, et elle vit l'écriture sur la muraille avec un mélange de crainte
et d'allégresse. C'étaient comme des lettres rouges, dorées, lumineuses ;
elles étaient grandes et en petit nombre : elle les contempla avec une joie
et un attendrissement incroyables, jusqu'au moment où elles disparurent à
l'aube naissante. Tout était devenu clair pour elle, et son contentement était
tel, qu'elle paraissait toute rajeunie quand elle se leva.
Au moment où la lumière de l'ange vint sur Anne, je vis sous son coeur quelque
chose de brillant, et je reconnus dans sa personne la mère choisie, le vase
illuminé de la grâce qui s'approchait. Je ne puis exprimer cela qu'en disant
que j'ai reconnu en elle un berceau orné, un lit couvert, un tabernacle préparé
pour recevoir et conserver dignement une chose sainte. Je vis qu'Anne, par
la grâce de Dieu, était préparée à recevoir la bénédiction. Je ne sais comment
m'exprimer, mais je reconnus Anne comme le berceau du salut universel pour
l'humanité, et en même temps comme un tabernacle d'église ouvert, devant lequel
le rideau était retiré. Je reconnus cela aussi naturellement, et toute cette
connaissance était à la fois naturelle et céleste. Anne avait alors, à ce
que je crois, quarante-trois ans.
Anne se leva, alluma sa lampe, pria et se mit en routa pour Jérusalem avec
ses offrandes. Tous ses domestiques étaient, ce matin-là, pleins d'une joie
inaccoutumée quoiqu'elle seule eût connaissance de l'apparition de l'ange.
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