67. Mesures prises par les autorités de Bethléhem contre les Rois.

- L'accès à la grotte de la Crèche interdit.
- Zacharie visite la sainte Famille


(Le mardi 25 décembre.) L'ange avait averti les rois à propos, car les autorités de Bethléhem avaient le projet de les faire arrêter aujourd'hui, de les emprisonner dans de profonds caveaux qui étaient sous la synagogue, et de les accuser auprès d'Hérode comme perturbateurs du repos public.


Je ne sais pas s'il y avait eu un ordre secret d'Hérode à cet effet ; je crois plutôt que c'était un mouvement de zèle spontané. Ce matin, lorsqu'on apprit leur départ à Bethléhem, ils étaient déjà près d'Engaddi, et la vallée où ils avaient campé était calme et solitaire comme avant leur séjour, dont il ne restait plus d'autres traces que le gazon foulé et quelques pieux qui avaient servi pour les tentes. Dans le fait, pourtant, l'apparition de la caravane avait produit beaucoup d'effet dans Bethléhem. Bien des gens se repentaient de n'avoir pas donné l'hospitalité à saint Joseph ; d'autres parlaient des rois comme d'aventuriers conduits par d'étranges imaginations ; d'autres enfin trouvaient des rapports entre leur arrivée et les bruits de l'apparition qu'avaient eue les bergers. Tous ces propos portèrent les magistrats de l'endroit, peut-être sur une invitation d'Hérode, à prendre certaines mesures. Je vis au centre de Bethléhem tous les habitants convoqués sur une place où se trouvait un puits entouré d'arbres, devant une grande maison à laquelle on montait par des degrés. Du haut de ces degrés on lut un avertissement ou une proclamation dirigée contre les discours superstitieux, et interdisant les visites à la demeure des gens qui avaient donné lieu à tous ces propos.


Quand la foule ainsi rassemblée se fut retirée, je vis saint Joseph mandé dans cette même maison et interrogé par de vieux Juifs. Je le vis revenir à la crèche et se rendre encore une fois au tribunal. La seconde fois, il prit avec lui un peu de l'or qu'avaient apporté les rois, et il le leur donna ; après quoi ils le laissèrent s'en aller tranquillement. Tout cet interrogatoire me parut aboutir à une escroquerie. Je vis aussi que les autorités firent barrer par un tronc d'arbre mis en travers un chemin qui conduisait aux environs de la crèche sans passer par la porte de la ville, mais qui, en partant de la place où Marie s'était arrêtée sous un grand arbre, franchissait une colline ou un rempart. Ils placèrent une sentinelle près de l'arbre dans une cabane, et firent tendre sur le chemin des fils qui aboutissaient à une sonnette dans la cabane, afin qu'on pût arrêter ceux qui voudraient prendre ce chemin. Dans l'après-midi, je vis une troupe de seize soldats d'Hérode près de Joseph, avec lequel ils s'entretinrent. Ils avaient probablement été envoyés à cause des trois rois, qu'on avait accusés de troubler la paix publique ; mais, comme le silence et le repos régnaient partout fit qu'ils ne trouvèrent dans la grotte que la pauvre famille, comme d'ailleurs ils avaient l'ordre de ne rien faire qui pût attirer l'attention, ils s'en retournèrent tranquillement et rapportèrent ce qu'ils avaient vu. Joseph avait porté les présents des trois rois et ce qu'ils avaient laissé en outre après eux, dans la grotte de Maraha et dans d'autres grottes cachées de la colline de la Crèche, qu'il connaissait depuis sa jeunesse pour s'y être souvent dérobé aux persécutions de ses frères. Ces caveaux solitaires existaient dés le temps du patriarche Jacob. A une époque où il n'existait que des cabanes à la place de Bethléhem, il y avait dressé une fois ses tentes sur la colline de la Crèche.


Ce soir, je vis Zacharie d'Hébron visiter pour la première fois la sainte Famille. Marie était encore dans la Grotte. Il versa des larmes de joie, prit l'enfant dans ses bras, et répéta, en y changeant quelque chose, le cantique de louanges qu'il avait chanté lors de la circoncision de Jean-Baptiste.


(Le mercredi, 26 décembre.) Aujourd'hui Zacharie s'en retourna chez lui, et sainte Anne revint près de la sainte Famille avec sa fille aînée. La fille aînée d'Anne était plus grande que sa mère et paraissait presque plus âgée.


Une grande joie règne maintenant dans la sainte Famille. Anne est tout heureuse. Marie place souvent l'Enfant-Jésus dans ses bras, et le laisse soigner par elle. Je ne l'ai vue faire cela pour aucune autre personne. Je vis, ce qui lue toucha beaucoup, que les cheveux de l'enfant, qui étaient blonds et bouclés, avaient à leur extrémité de beaux rayons de lumière. Je crois qu'ils lui frisent les cheveux, car je vois qu'on frotte sa petite tête lorsqu'on le lave, ce qu'on fait en mettant sur lui un petit manteau. Je vois toujours dans la sainte Famille une pieuse et touchante vénération pour l'Enfant-Jésus ; mais tout s'y passe simplement et naturellement, comme chez les saints élus de Dieu. L'enfant a une affection, une tendresse pour sa mère que je n'ai jamais vue chez des enfants si jeunes.


Marie raconta à sa mère tout ce qui s'était passé lors de la visite des trois rois, et Anne fut extraordinairement touchée que le Seigneur eût appelé ces hommes de si loin pour leur faire connaître l'enfant de la promesse. Elle vit les présents des rois, qui étaient cachés dans une excavation pratiquée dans la paroi : elle aida à en distribuer une grande partie, et à ranger le reste en bon ordre.


Tout étai' tranquille dans les environs : les chemins menant à la grotte, qui ne passaient pas par la porte de la ville, étaient barrés par ordre des autorités. Joseph n'allait plus faire ses emplettes à Bethléhem ; les bergers lui apportaient ce dont il avait besoin. La parente chez laquelle Anne est allée, dans la tribu de Benjamin', est Mara. La fille de Rhode, soeur d'Élisabeth.


Dans sa narration la soeur confondit souvent cette Mara avec une soeur cadette ou nièce d'Anne, qu'elle appelait Énoué. Souvent des proches parents lui apparaissaient comme des frères ou des soeurs.


Elle était pauvre, et eut dans la suite plusieurs fils qui furent disciples de Jésus. Un d'eux s'appelait Nathanael' : c'était le fiancé des noces de Cana. Cette Mara était présente lors de .a mort de la sainte Vierge à Éphèse.


Anne était maintenant seule avec Marie dans la grotte latérale. Je les vis travailler ensemble à une couverture grossière. La grotte de la Crèche était entièrement vide. L'âne de Joseph était caché derrière des claies. Encore aujourd'hui des agents d'Hérode vinrent de Bethléhem, et prirent des informations dans plusieurs maisons relativement à un enfant nouveau-né. Ils accablèrent spécialement de questions une Juive de distinction qui, peu de temps auparavant, avait mis au monde un enfant mâle. Ils ne vinrent pas à la grotte de la Crèche ; comme précédemment ils n'y avaient trouvé qu'une pauvre famille, ils ne supposèrent pas qu'il pût en être question.


Deux hommes âgés (c'étaient, je crois, des bergers qui avaient adoré l'Enfant-Jésus) vinrent trouver Joseph, et l'avertirent de ces perquisitions. Je vis alors la sainte Famille et sainte Anne se réfugier avec l'enfant dans la grotte du tombeau de Maraha. Dans la grotte de la Crèche il n'y avait plus rien qui décelât un lieu habité : elle paraissait entièrement abandonnée.


Ce n'est pas le Nathanael que Jésus vit sous le figuier. Nathanael, le fils de Mara, était l'un des enfants que sainte Anne réunit pour fêter Jésus, âgé de douze ans, lorsqu'il revint après avoir enseigne dans le temple pour le première fois. Jésus, à cette fête, parla en parabole d'un mariage ou l'eau devait être changée en vin, et d'un autre mariage où le vin serait changé en sang. Il disait aussi, comme en plaisantant, Au jeune Nathanael, qu'il serait un jour présent à ses noces. La fiancée de Cana était de Bethléhem et de la famille de saint Joseph. Après le miracle de Cana, les deux époux firent voeu de continence. Nathanael se joignit aussitôt aux disciples de Jésus, et il reçut au baptême le nom d'Amator. Il devint plus tard évêque. Il fut à Edesse et aussi en Crète, près de Carpus ; il alla ensuite en Arménie. Y ayant fait de nombreuses conversions, il fut arrêté et envoyé sur les bords de la mer Noire. Rendu à la liberté, il alla dans le pays de Mensor. Il y opéra sur une femme on miracle dont j'ai oublié les détails, baptisa un grand nombre de personnes, et fut mis à mort dans la ville d'Acaiakuh, située sur une île de l'Euphrate.


Je les vis pendant la nuit suivre la vallée avec une lumière couverte. Anne portait l'Enfant-Jésus dans ses bras, Marie et Joseph marchaient à côté d'elle ; les bergers les conduisaient, portant les couvertures et tout ce qui était nécessaire pour les saintes femmes et l'enfant.


J'eus à cette occasion une vision, et je ne sais pas si la sainte Famille l'eut aussi. Je vis autour de l'Enfant-Jésus une gloire formée de sept figures d'anges placées les unes au-dessus des autres ; plusieurs autres figures paraissaient dans cette gloire. Je vis aussi près de sainte Anne, de saint Joseph et de Marie, des formes lumineuses qui semblaient les conduire par le bras. Quand ils furent entrés dans le vestibule, ils fermèrent la porte et allèrent jusque dans la grotte du Tombeau, où ils disposèrent tout pour prendre leur repos.

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