33. De la jeunesse de saint Joseph
(Raconté le 18 mars 1820 et le 18 mars 1821)
Joseph, dont le père s'appelait Jacob, était le troisième de six frères. Ses parents habitaient un grand bâtiment en avant de Bethléhem : ç'avait été autrefois la maison paternelle de David, dont le père, Isaï ou Jessé, en était possesseur. A l'époque de Joseph, il ne restait plus guère que les gros murs de l'ancienne construction. Je crois que je connais mieux ce bâtiment que notre petit village de Flamske.
Devant la maison, il y avait, comme devant les maisons de l'ancienne Rome, une cour antérieure entourée de galeries couvertes. Je vis dans ces galeries des figures semblables à des têtes de vieillards. D'un côté de la cour se trouvait une fontaine sous un petit édifice en pierre. L'eau sortait par des têtes d'animaux. La maison d'habitation n'avait pas de fenêtres au rez-de-chaussée, mais il y avait plus haut des ouvertures rondes. Je vis une porte d'entrée. Autour de la maison régnait une large galerie, aux quatre coins de laquelle se trouvaient de petites tours semblables à de grosses colonnes, qui se terminaient par des espèces de coupoles surmontées de petits drapeaux. Par les ouvertures de ces coupoles, où conduisaient des escaliers pratiqués dans les tourelles, on pouvait voir de loin sans être vu soi-même. Il y avait de semblables tourelles sur le palais de David à Jérusalem, et ce fut de la coupole d'une de ces tourelles qu'il regarda Bethsabée pendant son bain. Dans le haut de la maison, cette galerie régnait autour d'un étage peu élevé, dont la toiture plate supportait une construction terminée par une autre tourelle. Joseph et ses frères habitaient dans le haut, ainsi qu'un vieux Juif qui leur servait de précepteur. Ils couchaient autour d'une chambre placée au centre de l'étage qui dominait la galerie. Leurs lits, consistant en couvertures qu'on roulait contre le mur pendant le jour, étaient séparés par des nattes qu'on pouvait enlever. Je les ai vus jouer dans leurs chambres. Je vis aussi les parents ils ne s 'occupaient guère de leurs enfants et avaient peu de rapports avec eux. Ils ne me parurent ni bons ni mauvais.
Joseph, que, dans cette vision, je vis âgé d'environ huit ans,
était d'un naturel fort différent de celui de ses frères.
Il avait beaucoup d'intelligence et apprenait très bien ; mais il était
simple, paisible, pieux et sans ambition. Ses frères lui faisaient
toutes sortes de malices et le rudoyaient de temps en temps. Ces enfants avaient
de petits jardins divisés en compartiments.
Dans les jardins des enfants, je vis des herbes, des buissons et des arbustes.
Je vis que les frères de Joseph allaient souvent en secret dans son
jardin pour y faire des dégâts' ils le faisaient beaucoup souffrir.
Je le vis souvent, Sous les galeries de la cour, prier à genoux et
les bras étendus ; ses frères se glissaient alors près
de lui et le frappaient dans le dos. Je vis une fois, pendant qu'il était
ainsi à genoux, qu'un d'entre eux le frappa par derrière, et
comme il ne paraissait pas s'en apercevoir, l'autre recommença si souvent
que le pauvre Joseph tomba en avant sur les dalles. Je connus par là
qu'il avait été ravi en extase pendant son oraison. Quand il
revint à lui, il ne se mit pas en colère, il ne pensa pas à
se venger, mais il chercha un coin reculé pour y continuer sa prière.
Les parents de Joseph n'étaient pas très satisfaits de lui ;
ils auraient voulu qu'il employât ses talents à se faire une
position dans le monde ; mais il n'avait aucune inclination de ce côte.
Ils le trouvaient trop simple et trop uni, il n'aimait qu'à prier et
à travailler tranquillement de ses mains. A une époque où
il pouvait bien avoir douze ans, je le vis souvent, pour se dérober
aux taquineries continuelles de ses frères, s'en aller de l'autre côté
de Bethléhem, non loin de ce qui fut plus tard la grotte de la Crèche,
et passer quelque temps près de pieuses femmes, qui appartenaient à
une petite communauté d'Esséniens. Elles demeuraient contre
une carrière pratiquée dans la colline sur laquelle se trouve
Bethléhem, et habitaient là des chambres creusées dans
le roc ; elles cultivaient de petits jardins voisins de leur demeure, et instruisaient
les enfants d'autres Esséniens. Souvent, pendant qu'elles récitaient
des prières écrites sur un rouleau, à la lueur d'une
lampe suspendue à la paroi du rocher, je vis le petit Joseph chercher
auprès d'elles un refuge contre les persécutions de ses frères
et prier avec elles. Je le vis aussi s'arrêter dans les grottes. dont
l'une fut plus tard le lieu de naissance de Notre Seigneur. Il priait seul
ou s'exerçait à façonner de petites pièces de
bois. Un vieux charpentier avait son atelier dans le voisinage des Esséniens.
Joseph allait souvent chez lui et apprenait peu à peu son métier
; il y réussissait a autant mieux qu'il avait appris ; un peu de géométrie
avec son précepteur.
L'inimitié de ses frères lui rendit à la fin impossible
de rester plus longtemps dans la maison paternelle. Je vis un ami de Bethléhem,
qui n'était séparé de l'habitation de son père
que par un petit ruisseau, lui donner des habits avec lesquels il se déguisa,
et quitta la maison pendant la nuit pour aller ailleurs gagner sa vie à
l'aide de son métier de charpentier. Il pouvait avoir alors de dix-huit
à vingt ans.
Je le vis d'abord travailler chez un charpentier, près de Libonah'.
Ce fut là, qu'à vrai dire, il apprit son métier. La demeure
de son maître était contre de vieux murs qui conduisaient de
à ville à un château en ruines le long d'une crête
de montagne. Beaucoup de pauvres gens habitaient là dans la muraille.
Je vis Joseph, entre de grands murs où le jour pénétrait
par des ouvertures pratiquées en haut, façonner de longues barres
de bois. C'étaient des cadres dans lesquels on faisait entrer des cloisons
en clayonnage. Son maître était un pauvre homme qui ne faisait
guère que des ouvrages grossiers et de peu de valeur.
Joseph était pieux, bon et simple ; tout le monde l'aimait. Je le vis
rendre, avec une parfaite humilité, toutes sortes de services à
son maître, ramasser des copeaux' rassembler des morceaux de bois et
les rapporter sur ses épaules. Plus tard, il passa une fois par cet
endroit avec la sainte Vierge, et, si je ne me trompe, il visita avec elle
son ancien atelier.
Il résulte de plusieurs communications de la soeur sur les années
de la prédication de Jésus que la ville où travailla
d'abord saint Joseph n'est pas Libnah, située dans la tribu de Juda,
quelques lieues à l'ouest. de Bethléhem, mais Lebonah sur le
versant méridional du mont Garizini. Elle est citée dans le
livre des Juges, XXI, 19, et, d'après ce passage, il faut la chercher
au nord de Silo.
Ses parents crurent d'abord qu'il avait été enlevé par
des bandits. Je vis plus tard que ses frères découvrirent où
il était et lui firent de vifs reproches ; car ils avaient honte de
la basse condition à laquelle il s'était réduit. Il y
resta par humilité ; seulement il quitta ce lieu et travailla dans
la suite à Thanath (Thaanach), près de Megiddo, au bord d'une
petite rivière (le Kison), qui se jette dans la mer. Cet endroit n'est
pas loin d'Apheké, ville natale de l'apôtre saint Thomas. Il
vécut là chez un maître assez riche ; on y faisait des
travaux plus soignés.
Je le vis plus tard, à Tibériade, travailler pour un autre maître.
Il demeurait seul dans une maison au bord de l'eau. Il pouvait alors avoir
trente-trois ans. Ses parents étaient morts depuis longtemps à
Bethléhem, deux de ses frères habitaient encore à Bethléhem,
les autres étaient dispersés. Leur maison paternelle avait passé
en d'autres mains, et la famille était promptement tombée en
déchéance.
Joseph était très pieux et priait ardemment pour la venue du
Messie. Il était occupé à arranger auprès de sa
demeure un oratoire où il pût prier dans une plus grande solitude,
lorsqu'un ange lui apparut et lui dit de cesser ce travail ; car, de même
qu'autrefois Dieu avait confié au patriarche Joseph l'administration
des blés de l'Egypte, de même le grenier qui renfermait la moisson
du salut allait être confié à sa garde.
Joseph, dans son humilité, ne comprit pas ces paroles et continua à
prier avec ferveur, jusqu'au moment où il fut appelé à
se rendre au temple de Jérusalem pour y devenir, en vertu d'une prescription
d'en haut, l'époux de la sainte Vierge. Je ne l'ai jamais vu marié
antérieurement. Il vivait très retiré et évitait
la société des femmes.
Comme Thanach ou Thaanath (Jos. XVI, 6) est située selon Eusèbe
à douze milles à l'est de Naplouse, vers le Jourdain, et comme
le lieu cité ici doit, d'après la soeur, se trouver au couchant
de Naplouse, elle a sans doute voulu dire Thaanach au lieu de Thanath. Peut-être
aussi l'a-t-elle dit et a-t-elle été mal comprise de l'écrivain,
qui n'avait alors ni connaissances géographiques sur la Palestine ni
moyens de les acquérir. Cela a été d'autant plus facile
que dans son état de maladie ou d'extase elle prononçait souvent
les noms avec son accent patois de Munster d'une façon peu intelligible.
Il est d'autant plus certain qu'ici elle voulait dire Thaanach qu'en 1823,
rapportant les incidents de la troisième année de la prédication
de Jésus, elle raconta que, le 25 et le 26 suivant, Jésus avait
enseigne à Thannach, ville de lévites près de Megiddo,
et visité là l'ancien atelier de son père nourricier,
saint Joseph.
Vie de Marie : index
Chapitres 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98
Mort de la Sainte Vierge : index
Chapitres 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14