97. La fontaine de Mataréa. Séjour que fit Abraham en ce lieu. Détails sur la fontaine jusque dans les temps chrétiens.
Abraham, lors de son séjour en Egypte, planta aussi ses tentes près de cette fontaine, et je l'y vis instruire le peuple '.
Flav. Josephus, lib. I, Anthquitat. Iud., et d'autres écrivains, disent
qu'Abraham enseigna aux Egyptiens l'arithmétique et l'astronomie.
Il résida là plusieurs années avec Sara et plusieurs
fils et filles dont les mères étaient restées en Chaldée.
Son frère Loth fut aussi dans ce pays avec sa famille. Je ne sais plus
quel était le lieu de leur résidence. Abraham alla en Egypte
par l'ordre de Dieu, la première fois à cause d'une grande famine
dans la terre de Chanaan, et la seconde fois pour y recouvrer un trésor
de famille qu'une nièce de la mère de Sara y avait porté.
Cette femme appartenait à la tribu des peuples pasteurs qui étaient
de la même race que Job et qui avaient dominé précédemment
sur une partie de l'Égypte ; elle était venue chez eux comme
servante et elle avait ensuite épousé un Egyptien. Il sortit
d'elle une tribu dont j'ai oublié le nom. Une de ses filles était
Agar, la mère d'Ismael, qui était par conséquent de la
même race que Sara'.
La soeur, dans une autre occasion, dit à propos d'Agar : " Elle
était de la race de Sara, et celle-ci, étant stérile,
la donna pour femme a Abraham, et dit qu'eue voulait revivre en elle, qu'elle
voulait avoir par elle de la postérité. Elle se considérait
comme ne faisant qu'un avec toutes les femmes de son sang ; c'était
pour elle comme une souche féminine qui avait plusieurs rejetons. Agar
était un vaisseau, une fleur de sa souche, et elle espérait
avoir par elle un fruit de sa lignée. Tout était alors comme
une seule tige sur Laquelle une même sève produisait les fleurs.
Cette femme avait enlevé un trésor de famille, comme Rachel
déroba plus tard les dieux de Laban, et elle l'avait vendu en Egypte
pour une grosse somme d'argent. Il était ainsi venu en la possession
du roi et des prêtres du pays. C'était un registre généalogique
des enfants de Noé, et en particulier des descendants de Sem jusqu'à
l'époque d'Abraham, formé de pièces d'or triangulaires
attachées ensemble. C'était fait comme une balance avec ses
cordons. Les plaques triangulaires étaient enfilées ensemble
avec d'autres qui indiquaient les branches latérales. Sur les plaques
étaient gravés les noms des membres de la famille, et toutes
ses séries, partant du milieu d'un couvercle, se réunissaient
dans le plateau de la balance quand on abaissait le couvercle par-dessus.
La balance se fermait ainsi comme une boite. Les plaques principales étaient
épaisses et jaunes ; celles qui étaient dans les intervalles
étaient minces et blanches ; elles semblaient être d'argent.
J'ai aussi entendu dire combien tout cela pesait de sicles ; ce qui indiquait
une certaine somme. Les prêtres d'Egypte avaient rattaché divers
calculs à cet arbre généalogique ; mais leurs éternelles
supputations n'étaient pas conformes à la vérité.
Quand Abraham vint dans le pays, ils apprirent quelque chose sur lui par leurs
observateurs des astres et leurs magiciennes ; ils surent notamment qu'il
était d'une très noble souche, ainsi que sa femme, et que d'eux
devait sortir une postérité élue. Dans leurs divinations,
ils cherchaient toujours à connaître les lignées les plus
nobles, afin de s'allier avec elles par des mariages. Satan y introduisait
par là la cruauté et la débauche, afin de dégrader
les races pures.
Abraham, qui craignait que les Egyptiens ne le fissent mourir à cause
de la beauté de sa femme, l'avait fait passer pour sa soeur, et ce
n'était pas un mensonge, car elle était sa soeur consanguine,
étant fille de son père Tharé, qui l'avait eue d'une
autre mère (Genes., XX, 12). Le roi fit amener Sara dans sa résidence,
et il voulut la prendre pour femme. Tous deux furent très affligés
; ils prièrent Dieu de les secourir, et Dieu punit le roi. Toutes ses
épouses et la plupart des femmes de la ville tombèrent malades.
Le roi effrayé en rechercha la cause, et, ayant appris que Sara était
l'épouse d'Abraham, il la lui rendit, en le priant de quitter l'Egypte
aussitôt que possible, car il avait reconnu que les dieux les protégeaient.
Les Égyptiens étaient un peuple très singulier. D'une
part, ils étaient très orgueilleux et se regardaient comme les
plus grands et les plus sages des hommes ; mais, d'un autre côté,
ils étaient incroyablement lâches et rampants, et ils cédaient
promptement quand ils craignaient de rencontrer une force supérieure
à la leur. Cela venait de ce qu'ils n'étaient pas très
assurés de leur science, et qu'ils ne connaissaient la plupart des
choses que par des divinations obscures et équivoques, par lesquelles
pouvaient leur être annoncées toutes sortes de résultats
compliqués et contradictoires. Comme ils voyaient le merveilleux partout,
ils s'effrayaient promptement lorsque l'événement ne répondait
pas à leur attente.
Abraham s'était présenté très humblement au roi
pour lui demander du blé. Il s'était adressé à
lui comme à un père des peuples, et il avait gagné par
là ses bonnes grâces, en sorte que celui-ci lui fit beaucoup
de présents. Quand il lui rendit Sara et le pria de quitter le pays,
Abraham répondit qu'il ne le pouvait pas avant d'avoir recouvré
cet arbre généalogique qui lui appartenait, et raconta de quelle
manière il avait été porté en Égypte. Le
roi assembla alors les prêtres, et ils consentirent à rendre
à Abraham ce qui lui appartenait, mais ils le prièrent de leur
en laisser prendre copie, ce qui eut lieu en effet. Alors Abraham s'en retourna
avec sa suite dans le pays de Chanaan.
J'ai vu encore beaucoup de choses relatives à la fontaine de Mataréa
jusqu'à notre époque. Je ne me souviens que de ce qui suit :
Déjà à l'époque de la sainte Famille, les lépreux
faisaient usage de son eau comme ayant une vertu particulière. Dans
un temps très postérieur, lorsque déjà on avait
élevé sur l'habitation de Marie une petite église chrétienne,
avec une entrée près du maître autel pour descendre dans
le caveau où avait longtemps demeuré la sainte Famille, je vis
la fontaine entourée d'habitations, et son eau employée comme
remède contre différentes espèces de lèpre. Je
vis aussi des gens qui s'y baignaient pour être délivrés
de certaines maladies de peau. Cela avait encore lieu lorsque les Mahométans
furent maîtres du pays. Je vis aussi les Turcs entretenir une lampe
toujours allumée dans l'église qui avait servi de demeure à
Marie. Ils craignaient qu'il ne leur arrivât malheur s'ils négligeaient
de l'entretenir. Dans les temps modernes, Je vis la source dans la solitude
et à une assez grande distance des habitations. Il n'y avait plus de
ville en cet endroit, et divers fruits sauvages croissaient alentour.
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