70. Purification de la sainte Vierge.
Comme on approchait du jour où la sainte Vierge devait présenter son premier-né au temple et le racheter suivant les prescriptions de la loi, tout fut préparé pour que la sainte Famille pût d'abord aller au temple, puis retourner à Nazareth. Déjà, le dimanche 30 décembre au soir, les bergers avaient pris tout ce qu'avaient laissé après eux les serviteurs de sainte Anne. La grotte de la Crèche, la grotte latérale et celle du tombeau de Maraha étaient entièrement débarrassées, et même nettoyées. Saint Joseph les laissa parfaitement propres.
Dans la nuit du dimanche au lundi 31 décembre, je vis Joseph et Marie
visiter encore une fois avec l'enfant la grotte de la Crèche, et prendre
congé de ce saint lieu. Ils étendirent d'abord le tapis des
trois rois à la place où Jésus était né,
y posèrent l'enfant et prièrent ; puis, ils le placèrent
à l'endroit où avait eu lieu la circoncision, et s'y agenouillèrent
aussi pour prier.
Le lundi 31 décembre, au point du jour, je vis la sainte Vierge se
placer sur l'âne, que les vieux bergers avaient amené tout harnaché
devant la grotte. Joseph tint l'enfant jusqu'à ce qu'elle se fût
installée commodément et le lui donna. Elle était assise
sur un siège : ses pieds, un peu relevés, reposaient sur une
planchette. Elle tenait sur son sein l'enfant, enveloppe dans son grand voile,
et le regardait avec bonheur. Ils n'avaient près d'eux, sur l'Ane,
que deux couvertures et deux petits paquets, entre lesquels Marie était
assise. Les bergers leur firent de touchants adieux et les conduisirent jusqu'au
chemin. Ils ne prirent pas la route par laquelle ils étaient venus,
mais passèrent entre la grotte de la Crèche et celle du tombeau
de Maraha, en longeant Bethléhem au levant. Personne ne les aperçut.
(30 janvier.) Aujourd'hui, je les vis suivre lentement la route, assez courte
du reste, qui va de Bethléhem à Jérusalem. Ils y mirent
beaucoup de temps et s'arrêtèrent souvent. A midi, je les vis
se reposer sur des bancs qui entouraient un puits recouvert d'un toit. Je
vis deux femmes venir près de la sainte Vierge et lui apporter deux
petites cruches avec du baume et des petits pains.
L'offrande de la sainte Vierge pour le temple était dans une corbeille
suspendue aux flancs de l'âne. Cette corbeille avait trois compartiments,
dont deux étaient recouverts et contenaient des fruits. Le troisième
formait une cage à jour où l'on voyait deux colombes.
Je les vis vers le soir, à environ un quart de lieue en avant de Jérusalem,
entrer dans une petite maison, tenue par un vieux ménage qui les reçut
très affectueusement. C'étaient des Esséniens, parents
de Jeanne Chusa. Le mari s'occupait de jardinage, taillait les haies et était
chargé de quelque chose relativement au chemin.
(1er février.) Je vis aujourd'hui la sainte Famille passer toute la
journée chez ses vieux hôtes. La sainte Vierge fut presque tout
le temps dans une chambre, seule avec l'enfant, qui était posé
sur un tapis. Elle était toujours en prière et paraissait se
préparer pour la cérémonie qui allait avoir lieu. J'eus
à cette occasion des avertissements intérieurs sur la manière
dont on doit se préparer à la sainte communion. Je vis apparaître
dans la chambre plusieurs anges qui adorèrent l'Enfant-Jésus.
Je ne sais pas si la sainte Vierge les vit ; mais je suis portée à
le croire, car je la vis très émue. Les bons hôtes montrèrent
toute espèce de prévenances envers la sainte vierge. Ils devaient
avoir un pressentiment de la sainteté de l'Enfant-Jésus.
Le soir, vers sept heures, j'eus une vision relative au vieux Siméon.
C'était un homme maigre, très âgé, avec une barbe
courte. Il était prêtre, avait une femme et trois fils, dont
le plus jeune pouvait avoir vingt ans. Je vis Siméon, qui habitait
tout contre le temple, se rendre, par un passage étroit et obscur,
dans une petite cellule voûtée qui était pratiquée
dans les gros murs du temple. Je n'y vis rien qu'une ouverture par laquelle
on pouvait voir dans l'intérieur du temple. J'y vis le vieux Siméon
agenouillé et ravi en extase pendant sa prière. Un ange lui
apparut et l'avertit de remarquer le lendemain matin l'enfant qui serait présenté
le premier, parce que cet enfant était le Messie, après lequel
il avait si longtemps soupiré. Il ajouta qu'il mourrait peu de temps
après l'avoir vu. C'était un merveilleux spectacle ; la cellule
était brillante de clarté, et le saint vieillard était
rayonnant de joie. Je le vis ensuite revenir dans sa demeure et raconter,
tout joyeux, à sa femme, ce qui lui avait été annoncé.
Quand sa femme fut allée se reposer, je le vis de nouveau se mettre
en prière.
Je n'ai jamais vu les pieux Israélites ni leurs prêtres faire,
pendant leur prière, ces contorsions exagérées que font
les Juifs d'à présent ; mais je les vis quelquefois se donner
la discipline. Je vis aussi la prophétesse Anne prier dans sa cellule
du temple, et avoir une vision touchant la présentation de l'Enfant-Jésus.
(2 février.) Ce matin, avant le jour, je vis la sainte Famille, accompagnée
de ses hôtes, quitter son auberge avec les corbeilles où étaient
les offrandes, et se rendre au temple de Jérusalem. Ils entrèrent
d'abord dans une cour entourée de mur attenante au temple. Pendant
que saint Joseph et son hôte plaçaient l'âne sous un hangar,
la sainte Vierge fut accueillie très amicalement par une femme âgée,
qui la conduisit plus loin par un passage couvert. Elles avaient une lanterne,
car il faisait encore sombre. Dès leur entrée dans ce passage,
le vieux Siméon vint au-devant de Marie. Il lui adressa quelques paroles
qui exprimaient sa joie, prit l'enfant qu'il serra contre son coeur, et revint
en hâte au temple par un autre chemin. Ce que l'ange lui avait dit la
veille lui avait inspiré un si vif désir de voir l'enfant après
lequel il avait si longtemps soupiré, qu'il était venu là
attendre l'arrivée des femmes. Il portait de longs vêtements
comme les prêtres hors de leurs fonctions. Je l'ai vu souvent dans le
temple, et toujours en qualité de prêtre, mais qui n'occupait
pas un rang élevé dans la hiérarchie. Il se distinguait
seulement par sa grande piété, sa simplicité et ses lumières.
La sainte Vierge fut conduite par la femme qui lui servait de guide jusqu'au
vestibule du temple où la présentation devait avoir lieu : elle
y fut reçue par Anne et par Noémi, son ancienne maîtresse,
lesquelles habitaient l'une et l'autre de ce côté du temple.
Siméon, qui était venu de nouveau à la rencontre de la
sainte Vierge, la conduisit au lieu où se faisait le rachat des premiers-nés
: Anne, à laquelle saint Joseph donna la corbeille où était
l'offrande, la suivit avec Noémi. Les colombes étaient dans
le dessous de la corbeille ; la partie supérieure était remplie
de fruits. Saint Joseph se rendit par une autre porte au lieu où se
tenaient les hommes.
On savait dans le temple que plusieurs femmes devaient venir pour la présentation
de leurs premiers-nés, et tout était préparé.
Le lieu où la cérémonie eut lieu était aussi grand
que l'église principale de Dulmen. Contre les murs étaient des
lampes allumées qui formaient toujours une pyramide. La flamme sortait
à l'extrémité d'un conduit recourbé par un bec
d'or qui brillait presque autant qu'elle. A ce bec était attaché
par un ressort une espèce de petit éteignoir qui, relevé
en haut, éteignait la lumière sans qu'elle répandit d'odeur,
et qu'on retirait par en bas lors. qu'on voulait allumer.
Devant une espèce d'autel, au coin duquel se trouvaient comme des cornes,
plusieurs prêtres avaient apporté un coffret quadrangulaire un
peu allongé, qui formait le support d'une table assez large sur laquelle
était posée une grande plaque. Ils mirent par-dessus une couverture
rouge, puis une autre couverture blanche transparente, qui pendait tout autour
jusqu'à terre. Aux quatre coins de cette table turent placées
des lampes allumées à plusieurs branches ; au milieu, autour
d'un long berceau, deux plats ovales et deux petites corbeilles.
Ils avaient tiré tous ces objets des compartiments du coffre, où
ils avaient pris aussi des habits sacerdotaux, qu'on avait placés sur
un autel fixe. La table, dressée pour les offrandes, était entourée
d'un grillage. Des deux côtés de cette pièce du temple
il y avait des rangées de sièges, dont l'une était plus
élevée que l'autre ; il s'y trouvait des prêtres qui priaient.
Siméon s'approcha alors de la sainte Vierge, qui tenait dans ses bras
l'Enfant-Jésus enveloppé dans une étoffe bleu de ciel
et la conduisit par la grille à la table des offrandes, où elle
plaça l'enfant dans le berceau. A partir de ce moment, je vis le temple
rempli d'une lumière dont rien ne peut rendre l'éclat. Je vis
que Dieu y était, et au-dessus de l'enfant, je vis les cieux ouverts
jusqu'au trône de la très sainte Trinité. Siméon
reconduisit ensuite la sainte Vierge au lieu où se tenaient les femmes
derrière un grillage. Marie portait un vêtement couleur bleu
de ciel et un voile blanc ; elle était enveloppée dans un long
manteau d'une couleur tirant sur le jaune.
Siméon alla ensuite à l'autel fixe, sur lequel étaient
placés les vêtements sacerdotaux. Lui et trois autres prêtres
s'habillèrent pour la cérémonie. Ils avaient au bras
une espèce de petit bouclier, et sur la tête une sorte de mitre.
L'un d'eux se tenait derrière la table des offrandes, l'autre devant
; deux autres étaient aux petits côtés, et ils récitaient
des prières sur l'enfant.
La prophétesse Anne vint alors près de Marie, lui présenta
la corbeille des offrandes, qui renfermait dans deux compartiments, placés
l'un au-dessous de l'autre, des fruits et des colombes, et la conduisit au
grillage qui était devant la table des offrandes ; elle resta là
debout. Siméon, qui se tenait devant la table, ouvrit la grille, conduisit
Marie devant la table, et y plaça son offrande. Dans un des plats ovales
on plaça des fruits, dans l'autre des nièces de monnaie : les
colombes restèrent dans la corbeille.
Siméon resta avec Marie devant l'autel des offrandes le prêtre,
placé derrière l'autel, prit l'Enfant-Jésus, l'éleva
en l'air en le présentant vers différents côtés
du temple et pria longtemps. Il donna ensuite l'enfant à Siméon
qui le remit sur les bras de Marie, et lut des prières dans un rouleau
placé près de lui sur un pupitre.
Siméon reconduisit alors la sainte Vierge devant la balustrade, d'où
elle fut ramenée par Anne, qui l'attendait là, à la place
où se tenaient les femmes ; il y en avait là une vingtaine,
venues pour présenter au temple leurs premiers-nés. Joseph et
d'autres hommes se tenaient plus loin, à l'endroit qui leur était
assigné. Alors les prêtres, qui étaient devant l'autel,
commencèrent un service avec des encensements et des prières
; ceux qui se trouvaient sur les sièges y prirent part en faisant quelques
gestes, mais non exagérés comme ceux des Juifs d'aujourd'hui.
Quand cette cérémonie fut finie, Siméon vint à
l'endroit où se trouvait Marie, reçut d'elle l'Enfant-Jésus,
qu'il prit dans ses bras, et, plein d'un joyeux enthousiasme, parla de lui
longtemps, et en termes très expressifs. Il remercia Dieu d'avoir accompli
sa pro. messe, et dit, entre autres choses : "C'est maintenant Seigneur,
que vous renvoyez votre serviteur en paix selon votre parole ; car mes yeux
ont vu votre salut que vous avez préparé devant la face de tous
les peuples la lumière qui doit éclairer les nations et glorifier
votre peuple d'Israël ".
Jusqu'en 1823, dans le troisième récit da la prédication
de Jésus, elle parla d'un séjour qu'il fit à Hébron,
environ dix jours après la mort de saint Jean-Baptiste, elle vit Jésus,
le vendredi 29 Thébet (17 janvier), taire une instruction sur la lecture
du sabbat, qui était tirée de l'Exode (X-XIII), et qui traitait
des ténèbres d'Egypte et du rachat des premiers nés.
Elle vit à cette occasion toute la cérémonie de la présentation
de Jésus dans le temple et raconta ce qui suit : "La sainte vierge
présenta l'Enfant-Jésus au temple le quarante et unième
jour après sa naissance. Elle resta à cause d'une fêle
trois jours dans l'auberge située devant la porte de Bethléhem.
Outre l'offrande ordinaire des colombes, elle offrit cinq petites plaques
d'or de forme triangulaire provenant de' présents des trois rois, et
donna plusieurs pièces de belle étoffe pour le' ornements du
temple. Joseph, avant de quitter Bethléhem, vendit à sen cousin
la jeune ânesse qu'il lui avait remise en gage le 30 novembre, Je crois
toujours que l'ânesse sur laquelle Jésus entra à Jérusalem
le dimanche des rameaux provenait de cette bête.
Joseph s'était rapproché après la présentation
; ainsi que Marie, il écouta avec respect les paroles inspirées
de Siméon, qui les bénit tous deux, et dit à Marie :
" Voici que celui-ci est placé pour la chute et pour la résurrection
de plusieurs dans Israel, et comme un signe de contradiction ; un glaive traversera
ton âme, afin que ce qu'il y a dans beaucoup de coeurs soit révélé
".
Quand le discours de Siméon fut fini, la prophétesse Anne fut
aussi inspirée, parla longtemps de l'Enfant-Jésus, et appela
sa mère bienheureuse.
Je vis les assistants écouter tout cela avec émotion, mais pourtant
sans qu'il en résultat aucun trouble ; les prêtres même
semblèrent en entendre quelque chose. Il semblait que cette manière
enthousiaste de prier à haute voix ne fût pas tout à fait
une chose inaccoutumée, que des choses semblables arrivassent souvent,
et que tout dût se passer ainsi. Tous donnèrent à l'enfant
et à sa mère de grandes marques de respect. Marie brillait comme
une rose céleste.
La sainte Famille avait présenté, en apparence, la plus pauvre
des offrandes ; mais Joseph donna secrète. ment au vieux Siméon
et à la prophétesse Anne beaucoup de petites pièces jaunes
triangulaires, lesquelles devaient profiter spécialement aux pauvres
vierges élevées dans le temple, et hors d'état de payer
lad frais de leur entretien.
Je vis ensuite la sainte Vierge, tenant l'enfant dans ses bras, reconduite
par Anne et Noémi à la cour où elles l'avaient prise
et où elles se firent réciproquement leurs adieux. Joseph y
était déjà avec les deux hôtes ; il avait amené
l'Ane sur lequel Marie monta avec l'enfant, et ils partirent aussitôt
du temple, traversant Jérusalem en allant dans la direction de Nazareth.
Je n'ai pas vu la présentation des autres premiers-nés amenés
aujourd'hui ; mais j'ai le sentiment que tous reçurent des grâces
particulières, et que beaucoup d'entre eux furent du nombre des saints
innocents égorgés par ordre d'Hérode.
La cérémonie de la Présentation dut être terminée
ce matin, vers neuf heures ; car c'est alors que je vis partir la sainte Famille.
Ils allèrent ce jour-là jusqu'à Béthoron, et passèrent
la nuit dans la maison qui avait été le dernier gîte de
la sainte Vierge, treize ans avant, lorsqu'elle fut conduite au temple. La
maison me parut habitée par un maître d'école. Des gens,
envoyés par sainte Anne, les attendaient là pour les prendre
avec eux. Ils revinrent à Nazareth par un chemin beaucoup plus direct
que celui qu'ils avaient pris en allant à Bethléhem, lorsqu'ils
évitaient les bourgs et n'entraient que dans les maisons isolées.
Joseph avait laissé chez son parent la jeune ânesse qui lui avait
montré le chemin dans le voyage à Bethléhem ; car il
pensait toujours revenir à Bethléhem, et à se construire
une demeure dans la vallée des bergers. Il avait parlé de ce
projet aux bergers, et il leur avait dit qu'il voulait seulement que Marie
passât un certain temps chez sa mère pour se remettre des fatigues
de son mauvais gîte. Il avait, à cause de cela, laissé
beaucoup de choses chez les bergers.
Joseph avait avec lui une singulière espèce de monnaie qu'il
avait reçue des trois rois. Il avait à sa robe une espèce
de poche intérieure où il portait une quantité de feuilles
de métal jaunes, minces, brillantes et repliées les unes sur
les autres. Elles étaient carrées, avec les coins arrondis ;
il y avait quelque chose de gravé. Les pièces d'argent que reçut
Judas pour prix de sa trahison étaient plus épaisses et en forme
de langue.
Pendant ces jours-là, je vis les trois saints rois réunis au
delà d'une rivière. Ils firent une halte d'un jour et célébrèrent
une fête. Il y avait là une grande maison entourée de
plusieurs autres petites. Au commencement, ils voyageaient très vite
; mais, à dater de leur halte actuelle, ils allèrent beaucoup
plus lentement qu'ils n'étaient venus. Je vis toujours en avant de
leur cortège un jeune homme resplendissant qui leur parlait quelquefois.
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