63. Voyage des trois Rois. Leur arrivée à Jérusalem. Hérode consulte les docteurs de la loi.

(Le samedi, 22 décembre.) Le cortège des trois rois partit la nuit de Mathanea, et suivit un chemin frayé. Ils ne traversèrent plus aucune ville, mais passèrent le long de tous les petits endroits dans lesquels Jésus, à la fin du mois de juillet de sa troisième année de prédication, enseigna, guérit et bénit les enfants : de ce nombre était Bethabara, où ils arrivèrent le matin de bonne heure pour le passage du Jourdain. Comme c'était le jour du sabbat, ils ne rencontrèrent que peu de gens sur le chemin.


Ce matin, à sept heures, je vis la caravane passer le Jourdain. Ordinairement on traversait le fleuve à l'aide d'un appareil en poutres ; mais pour de grands convois' avec de lourds bagages, on jetait une espèce de pont. Les bateliers qui habitaient sur les bords avaient coutume de faire ce travail moyennant une rétribution ; mais, comme c'était le jour du sabbat et qu'ils ne pouvaient pas travailler, les voyageurs s'occupèrent eux-mêmes de leur passage, et ils furent aidés par quelques paiens, valets des bateliers. Le Jourdain n'était pas très large en cet endroit, et il était plein de bancs de sable. On plaça des planches sur les poutres à l'aide desquelles on passait ordinairement, et on y fit passer les chameaux. Il fallut assez de temps pour que tout le monde pût atteindre la rive occidentale.


Le soir, à cinq heures et demie, elle dit : ils ont laissé Jéricho à leur droite ; ils sont dans la direction de Bethléhem, mais ils se détournent à droite dans cette de Jérusalem. Il y a bien une centaine d'hommes avec eux. Je vois dans le lointain une petite ville qui m'est connue ; elle est près d'un petit cours d'eau qui, à partir de Jérusalem, coule de l'ouest à l'est. Ils doivent certainement passer par cette petite ville. Pendant un certain temps, ils ont le petit cours d'eau à leur gauche. Tantôt on voit Jérusalem, tantôt elle disparaît, selon que la route monte ou descend. Elle dit plus tard : ils n'ont pas passé par la petite ville, ils se sont détournés à droite vers Jérusalem.


Le samedi soir, 22 décembre, après la clôture du sabbat, je vis le cortège des trois rois arriver devant Jérusalem. Je vis la ville avec ses hautes tours qui s'élevaient vers le ciel. L'étoile qui les conduisait avait presque disparu, elle jetait seulement encore une faible lueur derrière la ville. A mesure que les voyageurs s'étaient approchés de Jérusalem, ils avaient perdu de leur confiance, car l'étoile ne se montra t plus à eux si brillante, à beaucoup près, et en Judée ils la voyaient bien moins souvent. Ils avaient cru aussi trouver partout des fêtes et des réjouissances à cause de la naissance de ce Sauveur pour lequel ils étaient venus de si loin. Mais, comme ils ne rencontraient que la plus entière indifférence à ce sujet, ils s'attristaient, se troublaient et craignaient de s'être complètement trompés.


Le cortège, qui pouvait être de deux cents personnes, avait à peu près un quart de lieue de long. Déjà, à Causour, un certain nombre de gens de distinction s'étaient adjoints à eux. D'autres avaient fait de même plus tard. Les trois rois étaient assis sur trois dromadaires. Trois autres dromadaires étaient chargés de bagages. Chaque roi avait près de lui quatre hommes de sa tribu. La plupart des autres personnes du cortège montaient des animaux très légers à la course, qui avaient de très jolies têtes. Je ne sais pas si c'étaient des chevaux ou des ânes ; ils ne ressemblaient pas à nos chevaux. Ceux de ces animaux dont se servaient les gens de distinction, avaient de beaux harnais et de belles brides : ils étaient ornés de chaînes et d'étoiles d'or. Quelques gens de la suite des rois allèrent à la ville et revinrent avec des gardiens et des soldats. Leur arrivée, avec un si nombreux cortège, dans un moment où il n'y avait pas de fête, et sans qu'ils vinssent pour faire le commerce, était, sur cette route surtout, une chose tout à fait inaccoutumée Aux questions qu'on leur adressa, ils répondirent pourquoi ils venaient ; ils parlèrent de l'étoile et de l'enfant nouveau-né. Personne n'y pouvait rien comprendre. Ils furent très troublés de cela, et pensaient qu'ils s'étaient trompés, puisqu'ils ne trouvaient pas un homme qui parût savoir quelque chose touchant le Sauveur du monde ; car tous ces gens les regardaient avec surprise, et ne pouvaient s'imaginer ce qu'ils voulaient.


Quand les gardiens de la porte virent avec quelle bonté ils distribuaient d'abondantes aumônes aux mendiants qui s'approchaient d'eux, et les entendirent dire qu'ils cherchaient un logement, et qu'ils payeraient tout généreusement ; quand ils ajoutèrent qu'ils voulaient parler au roi Hérode, quelques-uns d'entre eux rentrèrent dans : la ville, et il s'ensuivit des allées et des venues, des messages et des explications. Pendant ce temps, les trois rois s'entretinrent avec des gens de toute espèce qui s'étaient rassemblés autour d'eux. Quelques-uns de ces hommes avaient entendu parler d'un enfant né à Bethléhem, mais ils ne pensaient pas qu'il y eut là rien d'important, parce que les parents étaient pauvres et des gens du commun ; d'autres se moquaient d'eux. Ils comprirent, d'après ce qu'on leur disait, qu'Hérode ne savait rien touchant cet enfant nouveau-né, et comme, d'ailleurs, ils ne comptaient guère sur Hérode, ils furent de plus en plus découragés ; car ils étaient embarrassés de l'attitude qu'ils auraient devant Hérode et de ce qu'ils lui diraient. Leur tristesse pourtant ne leur fit pas perdre leur calme, et ils se mirent à prier. Alors le courage leur revint, et ils se dirent les uns aux autres : Celui qui nous a conduits si vite par le moyen de l'étoile, saura bien nous ramener heureusement chez nous.


Quand enfin les surveillants furent revenus, on conduisit le cortège le long des murs de la ville, et on les fit entrer par une porte située dans le voisinage du Calvaire. A peu de distance du marché aux poissons, ils furent conduits dans une cour ronde, entourée d'écuries et de logements, et à l'entrée de laquelle se tenaient des gardes. Les bêtes de somme furent mises dans les écuries ; eux-mêmes se retirèrent sous des hangars, dans le voisinage d'une fontaine placée au milieu de la cour. Cette cour touchait par un côté à une hauteur ; des autres côtés, elle était dégagée, et il y avait des arbres devant. Des employés vinrent alors, deux par deux, avec des lanternes, et visitèrent les bagages des rois. Je pense que c'étaient des douaniers.


Le palais d'Hérode était situé plus haut, à peu de distance de cet édifice, et je vis le chemin éclairé par des lanternes et des falots placés sur des perches. Il envoya un de ses valets, chargé d'amener secrètement le roi Théokéno dans son palais. Il était près de dix heures du soir. Théokéno fut reçu dans une salle d'en bas par un courtisan d'Hérode et interrogé sur les motifs de son voyage. Il raconta tout avec une grande simplicité, et pria cet homme de demander à Hérode où était le roi nouveau-né des Juifs, dont ils avaient vu et suivi l'étoile.


Lorsque le courtisan eut fait son rapport à Hérode, celui-ci fut d'abord très troublé, mais il se remit et fit répondre qu'il voulait faire prendre des informations à ce sujet. Il fit engager les trois rois à se reposer en attendant ; car, disait-il, il voulait s'entretenir avec eux le lendemain et leur faire connaître ce qu'il aurait appris.


Lorsque Théokéno revint près de ses compagnons de voyage, il ne put leur porter aucune nouvelle qui les consolât. On n'avait rien disposé pour les faire reposer, et ils tirent refaire bien des paquets qui avaient été défaits. Je ne les vis pas dormir pendant cette nuit, mais quelques-uns d'entre eux errèrent dans la ville, regardant le ciel comme pour y chercher leur étoile. Dans Jérusalem même tout était silencieux, mais devant la cour on s'agitait et on prenait des informations. Les rois supposaient qu'Hérode devait tout savoir, mais qu'il se cachait d'eux.


Il y avait une fête chez Hérode au moment où Théokéno était dans le palais ; les salles étaient éclairées : on voyait là toutes sortes de gens et des femmes parées indécemment. Les questions de Théokéno touchant un roi nouveau-né troublèrent beaucoup Hérode, et il fit aussitôt convoquer chez lui les princes des prêtres et les scribes. Je les vis, avant minuit, venir près de lui avec des rouleaux d'écriture. Ils avaient leurs costumes de prêtres, des plaques sur la poitrine et des ceintures sur lesquelles étaient brodées des lettres. J'en vis environ une vingtaine autour de lui. Il leur demanda où le Messie devait naître ; je les vis alors déployer leurs rouleaux et répondre en désignant un passage avec le doigt : " il doit naître à Bethléhem de Juda, disaient-ils, car il est écrit dans le prophète Michée : " Et toi, Bethléhem, tu n'es pas a la plus petite parmi les princes de Juda ; car c'est de toi que sortira le chef qui doit gouverner mon peuple dans Israel ". Je vis alors Hérode se promener avec quelques-uns d'entre eux sur le toit en terrasse du palais et chercher inutilement des yeux l'étoile dont avait parlé Théokéno. Il était extraordinairement inquiet ; mais les prêtres et les docteurs lui firent de longs discours pour le tranquilliser, disant qu'il ne fallait pas attacher d'importance aux propos des rois mages ; que ces gens, amis du merveilleux, se faisaient toujours de singulières imaginations avec leurs étoiles ; que si quelque chose de pareil avait eu lieu, on le saurait dans le temple et dans la ville sainte, qu'Hérode et eux-mêmes ne pourraient l'ignorer.

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