Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

INDEX DES 73 CHAPITRES

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CHAPITRE 17

Comment celui qui aime Dieu véritablement doit faire peu de cas de la vie.
1 Passons à d'autres petites choses qui sont aussi très importantes, bien qu'elles soient mineures. Tout semble une tâche ardue, mais dés qu'on commence à se mettre à l'oeuvre, Dieu agit si puissamment dans l'âme et lui accorde tant de grâces que tout ce qu'elle peut faire en cette vie lui semble peu.
Et puisque nous, les religieuses, faisons le plus difficile et donnons à Dieu le principal, soit : notre volonté - la remettant au pouvoir d'autrui -, pourquoi hésitons-nous lorsqu'il s'agit de faire un effort intérieur tout à fait insignifiant ? Nous nous soumettons à tant de mortifications : jeûnes, silence, fréquents offices au choeur, que, voudrions-nous nous entourer de bien-être, nous ne le pourrions que de rares fois, et pas toutes les fois escomptées - mais en tant de monastères que j'ai vus, peut-être suis-je la seule à l'avoir recherché - ; pourquoi hésitons-nous donc à mortifier nos corps à propos de bagatelles, telle celle de ne leur faire plaisir en rien, et que n'avons-nous soin de les conduire là où ils ne veulent pas aller jusqu'à ce qu'ils soient assujettis à l'esprit ?
2 Il me semble que celui qui commence à servir Dieu véritablement, le moins qu'il puisse lui offrir - après le don de sa volonté - c'est sa vie, soit : rien du tout. Il est évident que le vrai religieux ou l'authentique homme d'oraison qui prétend jouir des consolations divines, ne doit pas renoncer à l'idée de mourir pour lui et d'endurer le martyre. Ne savez-vous pas, mes soeurs, que la vie du vrai religieux ou de celui qui veut être parmi les amis intimes de Dieu est un long martyre ? Je dis " long ", car comparé à la rapidité du martyre de la décapitation, on peut le qualifier de long ; mais toute vie n'est-elle pas courte, et celle de quelques-uns extrêmement courte ? Ainsi donc, ne faites aucun cas de ce qui passe, et encore beaucoup moins de la vie, car aucun jour n'est assuré ; si nous pensions que chaque jour est le dernier, qui d'entre nous, voyant qu'il n'en a pas d'autre à vivre, ne déploierait tous ses efforts pour le bien employer ?
3 Écoutez-moi, mes soeurs, le plus sûr est de croire qu'il en est ainsi. Travaillez donc à contredire en tout votre volonté. Même si vous n'y parvenez pas immédiatement, petit à petit, et en peu de temps, si vous vous appliquez et vous aidez de l'oraison, vous vous trouverez au sommet. Mais comme il semble âpre de dire que nous ne devons nous faire plaisir en rien, si on ne parle pas de la consolation et du plaisir qu'amène cette contradiction, ni des joies et de la sécurité qu'elle procure dés cette vie ! Ici, comme vous vous y exercez toutes, le plus important est fait. Vous vous le rappelez les unes aux autres et vous vous aidez. Voici ce que chacune doit essayer : dépasser les autres sur ce point.
4 Faites très attention à vos mouvements intérieurs, particulièrement ceux qui concernent les prééminences. Dieu nous préserve, par sa Passion, de dire : " je suis la plus ancienne ", " je suis la plus âgée ", " j'ai travaillé davantage ", " cette autre soeur est mieux traitée que moi ". Il faut promptement réfréner ces premiers mouvements, car si vous vous y arrêtez ou commencez à en parler, c'est une peste et la source de grands maux dans les monastères. N'oubliez pas que j'en ai une grande expériences. Quand vous aurez une Prieure qui tolérera tant soit peu ce genre de choses, croyez que Dieu a permis que vous l'ayez en punition de vos péchés et pour qu'elle soit le commencement de votre perte. Criez-lui au secours, et que toutes vos prières n'aient d'autre but que de lui demander de vous venir en aide en vous envoyant un religieux ou une personne d'oraison ; car si quelqu'un prie avec la détermination de jouir des grâces et des consolations que Dieu accorde dans l'oraison, il est bien qu'il soit très détaché.