Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 45
De la grande importance, pour celles qui veulent être de vraies filles de Dieu, de ne faire aucun cas de leur noblesse.
1 Eh bien, mes
filles, ne vous semble-t-il pas un bon maître celui qui, pour nous amener
à apprendre ce qu'il nous enseigne, nous accorde une telle faveur dès
la première parole ? Serait-il juste qu'en prononçant du bout
des lèvres les mots " Notre Père ", nous ne nous appliquions
pas à les comprendre, afin que notre coeur se brise à la vue d'une
si haute grâce ? Pas un de ceux qui réalisent combien cette grâce
est immense ne pourra répondre par l'affirmative. Est-il un fils au monde
qui n'essaie de savoir qui est son père, quand ce père est bon,
plein de bienveillance, de majesté et de puissance ? Si ce père
n'avait ces qualités, je ne m'étonnerais pas que vous ne vouliez
pas être reconnues pour ses filles car, le monde est tel, que si le père
est d'un rang inférieur à celui du fils, en deux mots : celui-ci
ne le reconnaîtra pas pour père.
2 Ceci n'est pas notre cas, et plaise à Dieu qu'il n'y ait jamais rien
de semblable dans cette maison - ce serait l'enfer - ; au contraire, que celle
d'entre vous qui sera d'un rang plus élevé, parle moins souvent
de son père ; vous devez être toutes égales. O collège
du Christ ! Le Seigneur voulut que saint Pierre, qui était un pêcheur,
eut plus d'autorité que saint Barthélémy qui était
fils de roi. Sa Majesté savait que le monde ne cesserait de discuter
sur les avantages d'une origine par rapport à une autre, ce qui revient
à débattre si telle argile sera meilleure que telle autre pour
être transformée en boue ou en briques. O mon Dieu, quel grand
aveuglement ! Dieu vous garde, mes soeurs, de pareilles conversations, même
pour plaisanter ; oui, j'espère que Sa Majesté vous en préservera.
Et si quelqu'une d'entre vous venait à se relâcher un peu sur ce
point, ne la gardez pas au monastère, car elle est comme Judas au milieu
des apôtres. Faites tout ce que vous pourrez pour vous débarrasser
d'une si mauvaise compagnie. Et si vous ne le pouvez pas, imposez-lui des pénitences
plus grandes que pour n'importe quelle autre chose, jusqu'à ce qu'elle
comprenne qu'elle ne méritait même pas d'être la terre la
plus vile. Quel bon Père vous donne le bon Jésus ! qu'on ne connaisse
ici d'autre père, pour en parler, que celui que vous donne votre Époux
; et essayez, mes filles, d'être telles que vous méritiez de vous
réjouir auprès de lui, et de vous jeter dans ses bras. Vous savez
bien qu'il ne vous éloignera pas de lui si vous êtes de bonnes
filles ; alors, qui ne s'efforcerait de ne pas perdre un tel Père
3 O mon Dieu ! que de motifs de consolation il y a là pour vous ! et
afin de ne pas m'étendre plus longuement, je préfère les
laisser à vos réflexions, car quel que soit le vagabondage de
votre esprit, entre un tel Fils et un tel Père il y aura forcément
le Saint-Esprit, et il travaillera dans votre volonté et vous enchaînera
par un immense amour, pour le cas où le grand intérêt que
vous y gagnez ne vous enchaînerait pas.