Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 21
Continue à parler de l'importance de tout cela.
1 Je suis
certaine que le Seigneur favorise les âmes fermement résolues,
et c'est pourquoi il est très important d'examiner les qualités
de celle qui entre chez nous ; il faut s'assurer qu'elle ne cherche pas uniquement
à se sortir d'affaire (cela arrivera à nombre d'entre elles, mais
le Seigneur pourra perfectionner leur intention si elles sont douées
d'un bon jugement ; si elles manquent de jugement, qu'on ne les reçoive
à aucun prix, car elles ne comprendront pas les motifs qui les ont amenées
au monastère, ni les soeurs qui voudront les guider vers la perfection).
Généralement, les personnes de cette sorte pensent toujours mieux
savoir ce qui leur convient que les plus sages ; c'est là un mal que
je tiens pour incurable, car il est bien rare qu'il ne soit accompagné
de malice ; dans un couvent où il y a un grand nombre de religieuses,
on pourra le tolérer, mais là où vous êtes si peu
nombreuses, on ne pourra le supporter.
2 Si une personne de bon jugement commence à s'affectionner au bien,
elle s'y attache fortement parce qu'elle voit que c'est le plus sûr ;
et même si elle n'est pas d'un grand secours pour faire progresser dans
la perfection, du moins sera-t-elle de bon conseil et utile pour une foule de
choses ; elle n'ennuiera personne ; au contraire, sa compagnie sera un délassement.
Mais si elle manque de jugement, je ne vois pas à quoi elle pourra servir
dans une communauté ; elle pourrait plutôt y nuire beaucoup. Ce
manque de jugement, comme les autres défauts, ne se voit pas immédiatement,
car quelques personnes s'expriment bien et comprennent mal, et d'autres s'expriment
avec difficulté - et leur expression manque quelque peu de raffinement
- mais elles ont une grande intelligence du bien. Il y a en effet des simplicités
saintes qui s'entendent peu aux affaires et aux conventions du monde, mais qui
connaissent l'art de traiter avec Dieu. C'est pourquoi il faut beaucoup s'informer
avant de les recevoir, et les réprouver longtemps avant de les admettre
à la profession. Que le monde comprenne une fois pour toutes que vous
avez la liberté de les renvoyer, et que dans ce monastère où
règne une grande austérité, les motifs pour vous y obliger
ne manqueront pas ; lorsqu'on verra que c'est en usage chez vous, on ne s'en
offensera plus.
3 Je dis " comprenne ", parce que ces temps sont si infortunés,
et la faiblesse des religieuses est si grande (c'est ma propre expérience
qui me le fait dire), que les prescriptions laissées par nos prédécesseurs
ne suffisent plus et, pour ne déplaire à personne ou éviter
que les gens ne jasent - ce qui n'a aucune importance - nous laissons tomber
dans l'oubli les vertueuses coutumes ; Dieu veuille que nous n'ayons pas à
payer dans l'autre vie l'admission de telles personnes ! Nous ne manquons jamais
de motifs pour nous persuader de les accepter. Pourtant, dans une affaire aussi
importante, aucun prétexte n'est admissible, car si le Supérieur
n'est influencé ni par ses préférences personnelles ni
par un mouvement passionné, et ne considère que le bien du monastère,
je ne crois pas que Dieu permette jamais qu'il se trompe ; mais si l'on se laisse
toucher par de fausses pitiés, et si l'on prête attention à
ces sots points d'honneur, je suis sûre qu'on ne manquera pas de se tromper.
4 C'est là une affaire que chacun d'entre nous doit considérer
en son particulier et recommander à Dieu ; nous devons aussi encourager
la Prieure à ne pas manquer de fermeté en cette affaire, car elle
est de grande importance pour toutes ; et ainsi je supplie Dieu de vous donner
sa lumière.