Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila

INDEX DES 73 CHAPITRES

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CHAPITRE 21

Continue à parler de l'importance de tout cela.

1 Je suis certaine que le Seigneur favorise les âmes fermement résolues, et c'est pourquoi il est très important d'examiner les qualités de celle qui entre chez nous ; il faut s'assurer qu'elle ne cherche pas uniquement à se sortir d'affaire (cela arrivera à nombre d'entre elles, mais le Seigneur pourra perfectionner leur intention si elles sont douées d'un bon jugement ; si elles manquent de jugement, qu'on ne les reçoive à aucun prix, car elles ne comprendront pas les motifs qui les ont amenées au monastère, ni les soeurs qui voudront les guider vers la perfection). Généralement, les personnes de cette sorte pensent toujours mieux savoir ce qui leur convient que les plus sages ; c'est là un mal que je tiens pour incurable, car il est bien rare qu'il ne soit accompagné de malice ; dans un couvent où il y a un grand nombre de religieuses, on pourra le tolérer, mais là où vous êtes si peu nombreuses, on ne pourra le supporter.
2 Si une personne de bon jugement commence à s'affectionner au bien, elle s'y attache fortement parce qu'elle voit que c'est le plus sûr ; et même si elle n'est pas d'un grand secours pour faire progresser dans la perfection, du moins sera-t-elle de bon conseil et utile pour une foule de choses ; elle n'ennuiera personne ; au contraire, sa compagnie sera un délassement. Mais si elle manque de jugement, je ne vois pas à quoi elle pourra servir dans une communauté ; elle pourrait plutôt y nuire beaucoup. Ce manque de jugement, comme les autres défauts, ne se voit pas immédiatement, car quelques personnes s'expriment bien et comprennent mal, et d'autres s'expriment avec difficulté - et leur expression manque quelque peu de raffinement - mais elles ont une grande intelligence du bien. Il y a en effet des simplicités saintes qui s'entendent peu aux affaires et aux conventions du monde, mais qui connaissent l'art de traiter avec Dieu. C'est pourquoi il faut beaucoup s'informer avant de les recevoir, et les réprouver longtemps avant de les admettre à la profession. Que le monde comprenne une fois pour toutes que vous avez la liberté de les renvoyer, et que dans ce monastère où règne une grande austérité, les motifs pour vous y obliger ne manqueront pas ; lorsqu'on verra que c'est en usage chez vous, on ne s'en offensera plus.
3 Je dis " comprenne ", parce que ces temps sont si infortunés, et la faiblesse des religieuses est si grande (c'est ma propre expérience qui me le fait dire), que les prescriptions laissées par nos prédécesseurs ne suffisent plus et, pour ne déplaire à personne ou éviter que les gens ne jasent - ce qui n'a aucune importance - nous laissons tomber dans l'oubli les vertueuses coutumes ; Dieu veuille que nous n'ayons pas à payer dans l'autre vie l'admission de telles personnes ! Nous ne manquons jamais de motifs pour nous persuader de les accepter. Pourtant, dans une affaire aussi importante, aucun prétexte n'est admissible, car si le Supérieur n'est influencé ni par ses préférences personnelles ni par un mouvement passionné, et ne considère que le bien du monastère, je ne crois pas que Dieu permette jamais qu'il se trompe ; mais si l'on se laisse toucher par de fausses pitiés, et si l'on prête attention à ces sots points d'honneur, je suis sûre qu'on ne manquera pas de se tromper.
4 C'est là une affaire que chacun d'entre nous doit considérer en son particulier et recommander à Dieu ; nous devons aussi encourager la Prieure à ne pas manquer de fermeté en cette affaire, car elle est de grande importance pour toutes ; et ainsi je supplie Dieu de vous donner sa lumière.