Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 28
On gagne beaucoup
en s'y efforçant et ce serait mal de ne pas faire tout ce que nous pouvons.
1 Je ne vous dis pas de vous abstenir de faire tout ce qu'il faut pour arriver
à la contemplation, mais de vous exercer à tous les offices, car
ce n'est pas vous qui pouvez choisir, mais le Seigneur ; et si, après
de longues années, il laisse chacune de nous dans l'office où
elle est, ce serait une bien curieuse humilité que de vouloir en choisir
un autre ! Laissez faire le Seigneur de la maison : il est sage, il est puissant,
il sait ce qui vous convient et aussi ce qui lui convient. Soyez sûres
que si vous faites ce qui est en votre pouvoir, et vous disposez pour une haute
contemplation avec la perfection dont il a été parlé, si
le Seigneur ne vous l'accorde pas ici-bas (mais je crois qu'il ne manquera pas
de vous en faire don si votre détachement est sincère), c'est
qu'il vous réserve cette marque d'amour, et - comme je vous l'ai déjà
dit 121 - veut vous traiter en âmes fortes et vous donner sur la terre
la croix que Sa Majesté a toujours portée. Quelle meilleure marque
d'amitié que de vouloir pour vous ce qu'il a voulu pour lui ? Peut-être
n'auriez-vous pas mérité une aussi grande récompense si
vous aviez été élevées à la contemplation.
Ses jugements lui appartiennent, et nous n'avons pas à nous en mêler
; c'est une très bonne chose que le choix ne dépende pas de nous,
car, comme nous nous imaginons que la contemplation est plus reposante, nous
serions tous, sur-le champ, de grands contemplatifs.
2 Je vous dis donc, mes filles, à vous que Dieu ne conduit pas par ce
chemin, que les contemplatifs ne portent pas une croix plus légère
que la vôtre, et que vous seriez fort étonnées si vous saviez
par quelles voies et de quelles manières Dieu leur envoie des croix.
Je connais l'un et l'autre état, et je sais très bien que les
souffrances que Dieu envoie aux contemplatifs sont intolérables ; elles
sont de telle sorte qu'ils ne pourraient les supporter si Dieu ne les nourrissait
de consolations célestes. Et puisque Dieu mène ceux qu'il aime
par la voie des épreuves, il est clair que plus il les aime plus elles
sont grandes, et il n'y a nulle raison de croire qu'il éprouve de la
haine pour les contemplatifs, puisqu'il les loue de sa propre bouche et qu'ils
sont ses amis.
3 Il est donc absurde de croire que Dieu admet dans son intimité des
personnes amies de leurs aises et libres d'épreuves. Je suis certaine
que Dieu leur envoie de plus grandes souffrances qu'aux autres, et comme il
les mène par un chemin abrupt et rude - ils s'imaginent parfois qu'ils
s'égarent et doivent revenir sur leurs pas pour recommencer le chemin
-, le Seigneur doit les sustenter non avec de l'eau mais avec du vin, afin qu'enivrés,
ils ne réalisent pas ce qu'ils endurent et puissent le supporter ; aussi,
je vois peu de vrais contemplatifs que je ne les trouve pleins de courage. La
première chose que fait le Seigneur, s'ils sont faibles, est de leur
infuser de la force, afin qu'ils ne craignent pas les épreuves qui peuvent
leur arriver.