Chemin de la perfection de Ste Thérèse d'Avila
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CHAPITRE 51
Combien il importe de comprendre ce que l'on demande dans l'oraison.
1 Est-il une personne,
pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite quelqu'un d'important,
ne songe d'abord à la manière de présenter sa demande afin
de lui être agréable et de ne pas paraître importune ? Ne
doit-elle pas connaître l'objet de sa demande, et le besoin qu'elle en
a, surtout s'il s'agit d'une chose extraordinaire comme celle que nous enseigne
à demander notre bon Jésus ? Ce point, à mon avis, est
à prendre en grande considération. Ne pouviez-vous pas, ô
mon Seigneur, conclure cette prière par un mot et dire : " Donnez-nous,
Père, ce qui nous convient ? " A l'égard de celui qui comprend
si bien toutes choses, cela, semble-t-il, était suffisant.
2 O Sagesse des anges ! Pour vous et votre Père cette phrase suffisait
(c'est ainsi que vous vous êtes adressé à lui au Jardin
des oliviers, vous lui avez exprimé votre amour et votre crainte, mais
vous vous êtes abandonné entre ses mains) ; mais vous nous connaissez,
mon Seigneur, vous saviez que nous ne sommes pas aussi soumis que vous à
la volonté de votre Père, et qu'il nous était nécessaire
de demander des choses très précises afin que nous nous arrêtions,
tout au moins un instant, à considérer si ce que nous demandons
nous convient et, dans le cas contraire, à ne pas le demander. Car nous
sommes faits de telle sorte que si l'on ne nous donne pas ce que nous voulons
- vu ce libre arbitre qui est le nôtre -, nous n'acceptons pas ce que
le Seigneur veut nous donner, alors même que ce serait meilleur pour nous
; si nous ne voyons pas immédiatement l'argent dans notre main, jamais
nous ne penserons que nous sommes riches.
3 O mon Dieu ! Notre foi est-elle endormie au point que nous ne puissions parvenir
à comprendre combien est sur le châtiment et combien est sûre
la récompense ? Voilà pourquoi, mes filles, il est bon que vous
compreniez ce que vous demandez dans le Paternoster, afin que si le Père
Éternel vous l'accorde, vous ne le lui refusiez pas de façon grossière
; et examinez soigneusement si ce que vous demandez vous est profitable. Si
ce ne l'est pas, ne le demandez pas, mais priez Sa Majesté de vous donner
la lumière parce que vous êtes aveugles, éprouvez de la
répugnance pour les mets qui vous donneraient la vie, et préférez
ceux qui vous mèneront à la mort. Et quelle mort redoutable que
celle-là ! une mort éternelle !